TITRE II
-
COMPENSATION ET RESSOURCES
CHAPITRE PREMIER
-
Compensation des conséquences du handicap

Article 2
(art. L. 245-1 à L. 245-10, L. 131-2 et L. 232-23
du code de l'action sociale et des familles
Prestation de compensation

Objet : Cet article a pour objet de créer une prestation de compensation, destinée à prendre en charge les surcoûts de toute nature liés au handicap dans la vie quotidienne, afin de restaurer l'égalité des chances des personnes handicapées.

I - Le dispositif proposé

Le présent article remplace l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), servie sous condition de ressources aux personnes titulaires d'un taux d'invalidité supérieur ou égal à 80 % nécessitant l'aide d'une tierce personne pour accomplir les actes essentiels de l'existence ou confrontée à des frais professionnels particuliers du fait de leur handicap, par une prestation de compensation, à vocation plus large et à caractère universel.

Le paragraphe I remplace donc les articles L. 245-1 à L. 245-9 existants par dix nouveaux articles, numérotés de L. 245-1 à L. 245-10, qui introduisent, dans le code de l'action sociale et des familles, les dispositions relatives à cette nouvelle prestation.

Le nouvel article L. 245-1 ne fixe que deux conditions d'accès à la prestation de compensation :

- une condition d'âge : la limite d'âge inférieure est fixée à vingt ans, âge à partir duquel la personne handicapée devenue adulte ne peut plus bénéficier de l'allocation d'éducation spéciale (désormais dénommée « allocation d'éducation de l'enfant handicapé »). La limite d'âge supérieure est, quant à elle, renvoyée à un décret. On peut toutefois supposer que cet âge sera fixé à soixante ans puisqu'à partir de celui-ci, la personne handicapée pourra demander le bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ;

- un seuil de taux d'incapacité permanente : le seuil exact est également renvoyé à un décret, mais l'exposé des motifs du projet de loi précise qu'il devrait être fixé à 80 %.

Il pourra toutefois être dérogé à la limite d'âge supérieure en faveur des personnes qui réunissaient les conditions d'ouverture du droit avant soixante ans : ces dernières pourront demander la prestation de compensation jusqu'à un âge, précisé par décret et qui devrait être fixé à soixante cinq ans.

Il convient, par ailleurs, de souligner que l'article L. 245-7, dans sa nouvelle rédaction, permet aux bénéficiaires de la prestation de compensation qui atteignent l'âge de soixante ans d'exercer un droit d'option entre le maintien de celle-ci ou le bénéfice de l'APA.

Contrairement à l'ACTP, l'accès à la prestation ne sera donc plus conditionné par les ressources du bénéficiaire , faisant ainsi évoluer le droit à compensation du champ de l'aide sociale vers celui de la protection sociale.

La prestation de compensation visera, en conséquence, un public plus large que l'actuelle ACTP, puisque toute personne titulaire d'un taux d'invalidité de 80 % ou plus pourra en demander le bénéfice. Le nombre de demandeurs potentiels peut donc être estimé à 1,8 million de personnes .

La prestation de compensation prendra le caractère d'une prestation en nature. Elle ne sera donc pas libre d'emploi pour ses bénéficiaires, comme l'est, en revanche, l'allocation aux adultes handicapés. L'article L. 245-2 précise donc les dépenses auxquelles la prestation de compensation peut être affectée. Elles sont de quatre ordres :

- les frais liés aux aides humaines : l'article L. 245-3 prévoit que cet élément de la prestation de compensation concernera non seulement les personnes qui ne peuvent accomplir seules les actes essentiels de l'existence ou qui supportent des frais particuliers dans le cadre d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective, comme c'est déjà le cas actuellement dans le cadre de l'ACTP, mais également celles qui nécessitent une surveillance régulière.

Il demeure que l'accès à cet élément de la prestation de compensation restera subsidiaire par rapport aux avantages ayant le même objet, versés par les organismes de sécurité sociale.

Enfin, dans la mesure où la prestation de compensation est une prestation affectée, le versement de l'élément correspondant à la prise en charge des aides humaine pourra être interrompu, si la personne ne reçoit pas l'assistance effective d'une tierce personne ;

- le financement des aides techniques : cet élément de la prestation permettra notamment de prendre en charge les frais laissés à la charge de la personne handicapée, après application des règles de remboursement de celles-ci par l'assurance-maladie. La prise en charge assurée est toutefois plus large que les matériels couverts par l'assurance maladie, puisque l'attribution de cet élément de la prestation de compensation n'est pas soumis à une quelconque condition d'inscription de l'appareillage sur la liste des produits et des prestations remboursables ;

- les frais consécutifs à l'aménagement du logement : leur prise en charge serait réalisée pour partie par les différents partenaires financiers susceptibles de subventionner les travaux, tels que l'agence nationale pour l'amélioration du l'habitat (ANAH) ou l'association pour le logement des grands infirmes (ALGI) et, pour le reste, par la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ;

- la compensation de charges spécifiques ou exceptionnelles , telles que les frais engendrés par l'achat de produits liés à l'entretien de certaines prothèses ou l'acquisition d'une aide animalière. Cet élément de la prestation pourrait prendre la forme d'un forfait mensuel variable en fonction de la nature de la dépense.

Le financement de la prestation de compensation sera partagé entre les départements, qui prendront en charge l'élément correspondant aux aides humaines, et l'État, pour l'ensemble des autres aspects, sous réserve des compétences déjà confiées par le droit existant à l'assurance maladie en matière d'aides techniques.

S'agissant des dépenses d'aides humaines, il convient de souligner que l'absence de condition de ressources pour l'attribution de la prestation de compensation conduira nécessairement à un alourdissement du coût pour les départements par rapport à celui de l'ACTP. L'exposé des motifs du projet de loi précise toutefois que ces dépenses supplémentaires feront l'objet d'une compensation aux départements par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

L'article L. 245-4, dans sa nouvelle rédaction, prévoit les modalités de calcul de la prestation de compensation : après une évaluation des besoins de la personne handicapée par une équipe pluridisciplinaire 13 ( * ) , le montant total de la prestation attribuée est déterminé en fonction du taux de prise en charge, fixé par la voie réglementaire, applicable à chaque catégorie d'aide, et dans la limite d'un montant plafond.

Par ailleurs, si l'accès à la prestation elle-même n'est pas conditionné par les ressources du demandeur, les taux de prise en charge et les montants plafonds pourront varier en fonction de celles-ci .

L'article L. 245-5 exclut, comme c'est le cas pour l'actuelle ACTP, toute mise en oeuvre de l'obligation alimentaire préalablement à l'attribution de la prestation de compensation, ainsi que tout recouvrement à l'encontre du bénéficiaire revenu à meilleure fortune. Le champ de l'inapplicabilité des règles relatives au recours sur succession est, en revanche, plus favorable que celui prévu pour l'ACTP , puisque le recours n'est plus exclu seulement lorsque que les héritiers sont le conjoint, les enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée mais également quel que soit cet héritier.

De la même manière que l'ACTP, la prestation de compensation est, aux termes du nouvel article L. 245-6, incessible et insaisissable, sauf pour le paiement des frais d'entretien de la personne handicapée. Si ces frais ne sont pas réglés, l'élément de la prestation correspondant au financement des aides humaines peut être versé directement à l'organisme qui en assume la charge.

Il est enfin précisé que les règles relatives à la tutelle aux prestations sociales sont applicables à la prestation de compensation : cette mesure permet au juge des tutelles d'ordonner qu'une personne qualifiée perçoive elle-même, en lieu et place du bénéficiaire, tout ou partie de la prestation, lorsqu'il ne l'utilise pas lui-même dans son intérêt ou vit dans des conditions d'alimentation, de logement ou d'hygiène précaires en raison de son état mental ou d'une déficience physique.

Les recours formés à l'encontre des décisions relatives à la prestation de compensation relèveront directement de la commission centrale d'aide sociale et, en cassation, du Conseil d'État (article L. 245-8).

Enfin, l'article L. 245-9 prévoit des modalités particulières d'ouverture du droit à la prestation de compensation pour les personnes handicapées accueillies en établissement, hospitalisées ou incarcérées : si le droit à l'allocation peut leur être octroyé, dans des conditions fixées par décret, son versement effectif pourra être suspendu, totalement ou partiellement pendant la durée de l'hébergement. Ainsi, le montant versé correspondra aux périodes où le bénéficiaire quitte l'établissement et ne bénéficie plus des moyens de compensation collective que lui offre ce dernier.

Le nouvel article L. 245-10 renvoie les modalités d'application nécessaires à la mise en oeuvre de la prestation de compensation à des décrets en Conseil d'État.

Les paragraphes II et III de cet article prévoient enfin des dispositions de coordination :

- le volet relatif aux aides humaines de la prestation de compensation est substitué à l'ACTP dans l'article L. 131-2 du code de l'action sociale et des familles, afin de placer son attribution dans le champ des compétences du président du conseil général. Il convient toutefois de préciser que celui-ci a compétence liée en la matière, dès lors que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a fixé le principe de son attribution et le montant de la prestation ;

- par coordination avec le droit d'option ouvert par l'article L. 245-7 entre la prestation de compensation et l'APA, une impossibilité de cumuler ces deux allocations est prévue à l'article L. 232-23 qui recense les prestations non cumulables avec l'APA.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut que se féliciter de la création d'une prestation de compensation, qu'elle appelait déjà de ses voeux dans son rapport d'information du 24 juillet 2002 14 ( * ) et dont son président et votre rapporteur ont posé les bases, dans une proposition de loi déposée le 13 mai 2003 15 ( * ) .

Cette prestation de compensation représente en effet un progrès incontestable, pour au moins deux raisons :

- il s'agit pour la première fois d'une prestation universelle, car le principe de son accès n'est conditionné par aucun critère de ressources. En outre, les sommes versées au titre de la prestation ne feront plus l'objet de récupération, sous deux réserves toutefois - les cas de legs et de donation - ce que votre commission propose d'ailleurs de supprimer ;

- il s'agit ensuite d'une prestation qui vise enfin l'ensemble des surcoûts liés au handicap dans la vie quotidienne : aides humaines, aides techniques, aménagement du logement mais aussi charges spécifiques ou exceptionnelles comme les aides animalières.

Il est vrai, cependant, que les ressources des bénéficiaires constituent l'un des paramètres de calcul du montant de la prestation. Votre rapporteur n'est pas, par principe, opposé à une telle prise en compte et il avait d'ailleurs proposé un mécanisme similaire dans sa proposition de loi.

Il convient toutefois de s'interroger sur leurs modalités d'évaluation. Si la fixation précise de ces modalités revient à l'évidence au pouvoir réglementaire, votre commission considère qu'il appartient au législateur de lui fixer un cadre. Elle estime en effet que la prise en compte des ressources du bénéficiaire doit céder devant deux considérations :

- l'exercice d'une activité professionnelle entraîne la plupart du temps des frais supplémentaires pour la personne handicapée. Cette activité, entreprise au prix d'efforts souvent considérables, ne doit pas pénaliser la personne handicapée en matière de compensation. Votre commission vous propose donc d' exclure des ressources retenues au titre de la prestation de compensation, une partie des revenus d'activité de la personne ;

- la prise en compte des ressources ne saurait conduire à laisser à la charge de la personne handicapée un coût disproportionné par rapport à son revenu global. Un « reste à charge » trop important serait en effet contraire au principe de compensation du handicap par la solidarité nationale. C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose de limiter la part des frais de compensation restant à la charge de la personne handicapée en proportion de ses revenus.

Si cette nouvelle prestation de compensation constitue à l'évidence un progrès réel, votre commission s'est fixée trois objectifs : programmer un élargissement des critères d'accès à la prestation, afin de conforter son caractère universel ; améliorer le fonctionnement concret de celle-ci, afin qu'elle constitue un outil adapté à toute personne handicapée, quelle que soit sa situation ; garantir les conditions de financement de la prestation.

Programmer un élargissement des critères d'accès à la prestation

Les personnes handicapées et leurs familles soulèvent deux objections de fond concernant la nouvelle prestation de compensation, que votre commission considère comme légitimes.

La première concerne l'application d'un critère de taux d'invalidité minimum pour l'accès à la prestation.

L'objectif affiché par le projet de loi consiste à concentrer l'effort de compensation sur les personnes les plus lourdement handicapées. Votre commission ne conteste pas cette démarche, par ailleurs raisonnable, car elle évitera un saupoudrage des aides. De plus, pour un grand nombre de personnes handicapées, l'amélioration des moyens collectifs de compensation du handicap, comme l'accessibilité du cadre bâti ou des transports, devrait permettre d'atténuer de façon sensible les désavantages qu'elles subissent du fait de leur handicap.

Votre commission s'interroge en revanche sur la variable retenue pour assurer ce ciblage de la prestation de compensation, à savoir la restriction du droit à la prestation aux seules personnes titulaires d'un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 % . Elle estime en effet que ce critère - essentiellement médical - ne permet pas de tenir compte des besoins réels de compensation du handicap.

Sa préférence irait davantage vers un système qui prenne en compte - conformément d'ailleurs aux recommandations de l'OMS dans sa « classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé » - des conséquences du handicap sur les gestes de la vie quotidienne (les incapacités) et sur la participation à la vie sociale (les désavantages). Elle considère également qu'un critère de ce type permettrait d'assurer une meilleure cohérence de la prestation de compensation avec le plan de compensation, établi par l'équipe pluridisciplinaire, dont elle constitue l'élément pivot. Elle vous proposera donc d' amender le dispositif dans ce sens .

Toutefois, la mise en place d'une grille d'analyse des besoins de compensation du handicap ne pourra, compte tenu de la diversité des handicaps, être réalisée rapidement. Elle requiert, en effet, une concertation approfondie avec les associations de personnes handicapées, les personnalités qualifiées du monde médical, social... Afin que la prestation de compensation ne reste pas lettre morte en attendant la définition de cette grille, il vous est proposé d' employer, à titre transitoire pendant deux ans, le taux d'invalidité comme critère d'accès à la prestation .

La seconde critique porte sur l'existence d'un critère d'âge pour l'accès à la prestation : le texte propose un droit d'option entre l'APA et la nouvelle prestation pour les personnes handicapées qui atteignent l'âge de soixante ans, mais il ne règle pas la question des enfants, pour lesquels l'actuelle allocation d'éducation spéciale (AES) ne compense pas, malgré la mise en place récente de six compléments basés sur les besoins d'aide de l'enfant, les surcoûts réels liés au handicap pour la famille.

Étendre la prestation de compensation aux enfants pose toutefois un problème de principe : l'AES est, logiquement, une aide à la famille, au titre d'un enfant mineur. Ouvrir à un jeune enfant un droit personnel à une prestation remettrait en cause le principe même des allocations familiales.

Pour autant, votre commission estime qu'on ne peut pas laisser, en toute indifférence, les familles devant une telle absence de réponse. C'est pourquoi elle propose de programmer l'extension, dans un délai de dix ans, du bénéfice de la prestation de compensation aux enfants . Deux solutions seront alors possibles dans ce délai : étendre effectivement cette prestation aux enfants ou conduire une réforme en profondeur de l'AES.

Votre commission s'est ensuite interrogée sur la restriction de l'accès à la prise en charge des aides humaines par la prestation de compensation aux seules personnes qui ne bénéficient pas, par ailleurs, d'un avantage similaire au titre d'un régime de sécurité sociale. Elle observe en effet que si la majoration pour tierce personne, servie par les régimes d'invalidité, a bien le même objet que la prestation de compensation, elle ne permet pas concrètement - du fait de son montant sensiblement identique à celui de l'ACTP - une compensation satisfaisante, notamment pour les personnes les plus lourdement handicapées.

Il n'est naturellement pas question d'entrer ici dans la question de l'unification des différents régimes - invalidité, voire accidents du travail - au titre de la compensation : une telle unification soulève à l'évidence des difficultés institutionnelles majeures qui demanderaient une concertation approfondie avec les partenaires sociaux et ceux-ci ne semblent pas encore prêts à un tel saut qualitatif. La question ne saurait, par ailleurs, être tranchée, tant que l'architecture de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie n'aura pas été définie.

Votre commission vous propose donc un mécanisme certes moins ambitieux, mais sans doute plus opératoire. Elle note, en effet, que, s'agissant des aides techniques, le projet de loi dispose que celles-ci peuvent être prises en charge dans le cadre de la prestation de compensation, même si une partie de leur coût a déjà pu être remboursée par l'assurance maladie. Elle vous propose donc de retenir un mécanisme similaire pour les aides humaines .

Il lui est enfin apparu nécessaire d'assortir la prestation de compensation, comme l'ensemble des prestations de protection sociale, d'une condition de résidence stable et régulière en France.

Améliorer le fonctionnement concret de la prestation

Au-delà des conditions mêmes d'accès à la prestation, votre commission a souhaité préciser le fonctionnement concret de celle-ci, dans l'objectif d'en faire un outil adaptable à toute personne handicapée, quelle que soit sa situation.

1) Mieux articuler plan de compensation et prestation de compensation

La compensation des conséquences du handicap ne passe pas uniquement par la prestation de compensation : telle qu'elle est définie à l'article L. 114-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article premier du présent projet de loi, elle repose en effet à la fois sur des moyens collectifs, tels que le développement de l'accessibilité des institutions ouvertes à l'ensemble des citoyens, et individuels.

Parmi ces moyens individuels, certains demandent une solvabilisation à travers la prestation de compensation, d'autres - comme l'orientation vers un établissement adapté aux besoins et aux capacités de la personne - ne peuvent que rester en dehors du champ de celle-ci.

Votre commission considère qu'il est important de mieux situer la prestation de compensation au sein du plan : les dispositions le concernant figurent en effet au titre IV du projet de loi qui décrit la nouvelle architecture institutionnelle des maisons départementales du handicap et elles ne sont mentionnées que pour mémoire, au titre des compétences de l'équipe pluridisciplinaire.

Dans la mesure où c'est dans le cadre de l'élaboration du plan de compensation que seront définis les besoins et les aspirations de la personne handicapée, celle-ci est un préalable nécessaire à tout octroi de la prestation de compensation. Votre commission vous propose donc de poser, dès le présent article, le principe du plan de compensation , d'en définir le contenu - en précisant la place de la prestation de compensation en son sein - et que les besoins de la personne soient évalués en tenant compte du projet de vie de la personne handicapée .

2) Clarifier le mode de calcul de la prestation

Le mode de calcul de la prestation de compensation doit prendre en compte deux facteurs inhérents à la nature même de la prestation de compensation : sa personnalisation et son caractère affecté. Il n'est donc pas possible d'arrêter un mécanisme simple pour en déterminer le montant.

Il conviendrait toutefois de distinguer trois paramètres :

a) les tarifs : ces derniers seraient l'équivalent des « tarifs de responsabilité » retenus par l'assurance maladie pour le calcul du remboursement des prestations médicales. Si ceux-ci doivent, par nature être différents selon la nature des aides concernées, ils ne sauraient - à l'évidence - varier en fonction des revenus du bénéficiaire.

b) les taux de prise en charge : on peut effectivement envisager que ces taux varient non seulement en fonction de la nature de l'aide mais aussi en fonction des ressources du bénéficiaire. Pour reprendre l'exemple des soins pris en charge par l'assurance maladie, les personnes bénéficiaires de la CMU sont couvertes à 100 %, alors que les autres assurés doivent payer un ticket modérateur.

c) le plafonnement des sommes versées au titre de la prestation de compensation : il semble que deux types de plafonds sont envisagés : l'un applicable à chaque élément de la prestation et l'autre total. Ils correspondent au maximum que la collectivité est prête à payer pour la compensation.

Votre commission n'est pas, par principe opposée à l'idée d'un plafonnement de la prestation de compensation. Mais elle considère que ces plafonds doivent répondre à trois exigences :

- ils doivent être légitimes : votre commission comprendrait ainsi que l'élément « aides humaines » de la prestation de compensation soit plafonné au niveau du coût annuel moyen d'une place en MAS. Dans la mesure où l'accueil en établissement est également un moyen de compensation, il est normal - et par ailleurs conforme au principe d'égalité - que la collectivité n'ait pas à assumer les conséquences de choix de vie irréductibles ;

- ils ne sauraient varier en fonction des ressources ;

- ils ne doivent pas conduire, par leur modicité, à transformer la prestation de compensation en allocation forfaitaire.

Votre commission vous propose donc de clarifier, par amendement , le mode de calcul de la prestation de compensation, en précisant les règles applicables à chacun de ces trois paramètres.

3) Préciser la procédure de prise en charge des aides techniques

Le projet de loi est peu précis quant à la procédure applicable à l'attribution des éléments de la prestation de compensation autres que celui concernant les aides humaines.

Contrairement aux frais liés à la rémunération d'une aide humaine qui ont un caractère régulier, les aides techniques et les aménagements du logement ont un caractère d'investissement : le versement d'une prestation mensuelle est dans ce cas inadapté.

En outre, dans un objectif de simplification des démarches pour la personne handicapée, il ne paraît pas souhaitable que celle-ci ait à engager une procédure complète devant la commission des droits et de l'autonomie à chaque fois qu'elle souhaite acquérir un matériel particulier.

Votre commission vous propose donc de préciser que la prestation de compensation peut comporter un élément en capital , dont le montant total serait déterminé par la commission des droits et de l'autonomie, à l'occasion de sa décision initiale sur l'ensemble de la prestation de compensation.

La personne handicapée devra ensuite simplement faire parvenir des devis à cette commission, sur le modèle des ententes préalables exigées par l'assurance maladie pour le remboursement de certaines prestations : dès lors que l'investissement envisagé répondra aux préconisations du plan de compensation et que cette entente préalable sera obtenue, elle pourra faire réaliser les travaux ou acquérir le matériel.

4) Adapter la prestation de compensation à la situation des personnes handicapées accueillies en établissements

Le projet de loi pose le principe de modalités particulières d'ouverture du droit à la prestation de compensation pour les personnes handicapées accueillies en établissements ou hospitalisées et prévoit notamment la possibilité que le versement effectif de la prestation soit suspendu, totalement ou partiellement, pendant la durée de l'hébergement.

Dans la mesure où l'accueil en établissement est reconnu comme une modalité alternative de compensation, il est en effet naturel que le versement de la prestation de compensation aux personnes accueillies soit adapté, sauf à assurer en réalité une double compensation du handicap. Votre commission tient toutefois à faire deux observations .

L'actuelle ACTP était elle aussi en principe ouverte aux personnes accueillies en établissement, sous les mêmes réserves. Mais les critères retenus en rendaient l'application difficile : le versement effectif de l'allocation ne pouvait intervenir que si la personne handicapée quittait l'établissement pendant plus de huit jours consécutifs.

Par ailleurs, contrairement à l'ACTP, la nouvelle prestation de compensation a un objet plus large que les seules aides humaines. Or, si une suspension du versement de l'élément « aide humaine » de la prestation est compréhensible, dès lors que celle-ci est fournie par l'établissement, il n'en va pas forcément de même pour les autres éléments de la prestation. Elles doivent, notamment, assumer personnellement la prise en charge de certaines aides techniques (fauteuil personnel, appareillages) et certaines fournitures (couches pour les incontinents) leur sont facturées par l'établissement.

Votre commission vous propose donc, dans le cadre de la nouvelle prestation, d'assouplir les règles de versement de la prestation de compensation, en précisant que celle-ci n'est que réduite - et non suspendue - en cas d'hébergement en établissement.

Elle vous propose également la création d'un « crédit d'heures » pour la personne handicapée en établissement : ce crédit, utilisable à la carte par la personne handicapée, lui permettra de quitter l'établissement pour quelques heures par semaine ou, en « capitalisant » ses crédits mensuels, de partir en vacances quelques jours.

Cette solution vise à éviter les rigidités du système actuel de l'ACTP, en n'exigeant plus que la personne quitte l'établissement pendant huit jours consécutifs pour se voir rétablir le bénéfice de l'élément « aide humaine » de la prestation. Elle est également plus souple pour l'établissement qui l'accueille, car les jours de sortie de la personne handicapée, pris dans le cadre de ce nouveau système, ne viendront plus en diminution du nombre de journées d'accueil servant de base au calcul de son budget.

5) Élargir la gamme des modalités de recours aux aides humaines

L'une des principales demandes des personnes handicapées consiste à pouvoir choisir la personne qui les aidera au quotidien. Votre commission estime que ce souhait est légitime, compte tenu de la relation de confiance qui doit unir aidant et aidé dans l'accomplissement de gestes qui touchent à l'intimité même de la personne.

Elle vous propose donc de garantir cette liberté de choix :

- en créant une troisième voie à côté du recours à un service d'auxiliaire de vie et du simple salariat : il s'agit de permettre à la personne handicapée de désigner le centre communal d'action sociale de son lieu de résidence comme gestionnaire des sommes qui lui reviennent au titre de l'élément « aide humaine » de la prestation de compensation. Elle pourra ainsi être déchargée des formalités administratives liées à l'emploi de son aide à domicile, tout en restant légalement l'employeur de celle-ci ;

- en laissant à la personne handicapée qui recourt à un aidant familial la possibilité de choisir son mode de relation avec ce dernier : elle pourra donc soit le dédommager, s'il réduit ou cesse une activité professionnelle pour l'assister dans la vie quotidienne, soit le rémunérer.

Cette possibilité de rémunérer un membre de sa famille s'effectuait jusqu'ici sans base légale, dans le cadre de l'ACTP, et les COTOREP excluaient la possibilité de rémunérer son conjoint. Cette restriction n'était pas sans conséquence pour les aidants familiaux qui ne pouvaient pas, faute de rémunération, se constituer des droits propres à la sécurité sociale. Votre commission vous propose donc de prévoir explicitement cette possibilité dans le cadre de la prestation de compensation .

6) Rendre les conditions de saisie de la prestation conformes à l'objet de celle-ci

Le projet de loi prévoit que les sommes versées au titre de la prestation de compensation peuvent être saisies par l'établissement ou l'organisme qui accueille la personne handicapée pour faire face à des frais d'entretien que la personne n'aurait pas payés. Or, la prestation de compensation a le caractère d'une prestation en nature, affectée à des catégories de dépenses bien déterminées.

Il serait paradoxal, alors qu'il est demandé au bénéficiaire de justifier que l'emploi des sommes versées est bien conforme à leur destination, qu'un organisme tiers puisse en demander la saisie pour payer des frais qui n'entrent pas dans le périmètre de la compensation.

En revanche, votre commission reconnaît qu'il serait cohérent qu'un prestataire d'aide technique ou un service d'auxiliaire de vie qui n'obtient pas le paiement du service qu'il rend en matière de compensation puisse obtenir la saisie de la prestation. Les sommes correspondantes seraient alors directement prélevées sur l'élément de la prestation sur lequel elles s'imputent. Votre commission vous propose donc d' amender le présent article dans ce sens.

Garantir les conditions de financement de la prestation

Le projet de loi prévoit actuellement une répartition de la prise en charge de la prestation de compensation entre le département, qui financerait l'ensemble des aides humaines, et l'État qui serait compétent pour les volets relatifs aux aides techniques, aux aménagements du logement et aux aides exceptionnelles ou spécifiques.

Votre commission considère qu'une telle répartition du financement est doublement contestable :

- sauf à imaginer qu'aucune amélioration ne serait apportée à la prise en charge des aides humaines, le coût de cet élément pour les seuls départements serait considérable. Or, le projet de loi ne prévoit aucune compensation de la charge nouvelle créée pour les départements. Le maintien en l'état du dispositif serait donc contraire à l'article 72-2 de la Constitution selon lequel « tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » ;

- le mode de financement proposé, qui met à la charge de l'État la prise en charge des aides autres qu'humaines conduit, de fait, à exclure la possibilité de requérir les financements complémentaires - et substantiels - apportés aujourd'hui par les fonds de secours des caisses, des mutuelles, des organismes comme l'ANAH ou encore le « 1 % logement ».

C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose, par voie d'a mendement , la création d'un fonds départemental de compensation, alimenté de façon obligatoire par le département, à hauteur des sommes qu'il consacre aujourd'hui à l'ACTP, et par l'État, et qui pourrait, en outre, être abondé de façon volontaire par les différents partenaires présents au sein des maisons départementales des personnes handicapées. Sa gestion serait confiée à la maison départementale des personnes handicapées.

En outre, pour clarifier les conditions de versement de l'allocation, votre commission vous propose un amendement donnant la possibilité à la maison départementale de déléguer la gestion du fonds à une caisse d'allocations familiales, celle-ci disposant déjà des compétences et du réseau nécessaire à l'exercice de ces compétences.

L'organisation proposée n'est pas contradictoire avec la création de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Les financements qu'elle attribuera ont en effet vocation à remplacer, à terme, la dotation d'équilibre versée par l'État.

Votre commission vous propose enfin deux derniers amendements , le premier rédactionnel, le second de coordination.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

* 13 S'agissant des missions de l'équipe pluridisciplinaire, voir le commentaire de l'article 27.

* 14 Proposition n° 10 du rapport d'information n° 369 (2001-2002) de M. Paul Blanc, au nom de la commission des Affaires sociales.

* 15 Proposition de loi n° 287 (2002-2003), présentée par MM. Nicolas About et Paul Blanc, sénateurs, rénovant la politique de compensation du handicap.

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