II. UN PROJET DE LOI ÉQUILIBRÉ  RÉFLÉCHI ET CONCERTÉ

Toutes les personnes entendues par votre commission des Lois ont souligné la particulière qualité du projet de loi qui vous est soumis.

En effet, le projet de loi tente de remédier à l'ensemble des difficultés précédemment évoquées. L'important travail de réflexion et de concertation préalablement effectué a permis d'aboutir à un projet de loi équilibré.

Dès la précédente législature ont été présentés les rapports de Mme Irène Théry en 1998, puis du groupe de travail présidé par Mme Françoise Dekeuwer-Défossez 12 ( * ) en 1999. Ces deux rapports ont préconisé de nombreuses modifications procédurales.

En outre, l'examen de la proposition de loi de M. François Colcombet à l'Assemblée nationale le 10 octobre 2001, puis au Sénat le 21 février 2002, a permis, même si elle n'a pas abouti, de parfaire la réflexion en matière de divorce pour faute, de reconnaissance de la liberté de divorcer, et des conséquences patrimoniales attachées à ces deux procédures.

L'installation en décembre 2002 sur l'initiative conjointe du Garde des Sceaux et du ministre délégué à la famille, M. Christian Jacob, d'un groupe de travail réunissant 22 parlementaires, universitaires et praticiens, sur la base des travaux du Sénat, a permis d'aboutir au présent projet de loi.

Il prévoit une réforme d'ensemble, tant des causes et procédures de divorce que de leurs effets. Il vise à la fois à simplifier et apaiser les procédures, ainsi qu'à responsabiliser les époux, en s'adaptant aux évolutions sociologiques intervenues depuis trente ans Il réforme une nouvelle fois le régime de la prestation compensatoire.

A. DES CAUSES ET PROCÉDURES DE DIVORCE MODERNISÉES, SIMPLIFIÉES ET PACIFIÉES

1. Le maintien de quatre procédures de divorce

La multiplicité des procédures de divorce françaises est unique en Europe, qui n'en connaît majoritairement que deux : le divorce par consentement mutuel et le divorce pour cause d'échec objectif.

Le projet de loi ( art. 1 er ) maintient :

- le divorce sur demande conjointe, renommé divorce par consentement mutuel ;

- le divorce demandé par un époux et accepté par l'autre, qui devient le divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage ;

- le divorce pour faute.

Il remplace le divorce pour rupture de la vie commune par le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Néanmoins, disparaissent deux causes spécifiques de divorce :

- pour condamnation d'un époux à des peines criminelles, dans le cadre du divorce pour faute ( art. 23, art. 243 du code civil ) ;

- pour altération des facultés mentales depuis six ans ne laissant subsister aucune communauté de vie, dans le cadre du divorce pour rupture de la vie commune ( art. 4, art. 238 du code civil ).

2. La reconnaissance de la liberté de divorcer

Le projet de loi réforme profondément le divorce pour rupture de la vie commune (qui recouvre actuellement la séparation de fait depuis six ans et l'altération des facultés mentales depuis six ans ne laissant subsister aucune communauté de vie). Ce délai de six ans ne paraissait en effet plus adapté à la réalité sociologique.

Désormais, ce divorce sera prononcé pour altération définitive du lien conjugal, résultant de la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux :

- soit durant les deux années précédant la requête initiale en divorce ;

- soit pendant une période de deux ans entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance.

Une séparation de fait préalable ne sera donc plus nécessaire avant le dépôt de la requête initiale ( art. 4, art. 238 du code civil ).

La clause de dureté , qui permet en cas de divorce pour rupture de la vie commune ( art. 240 du code civil ) au juge de rejeter la demande en divorce si celle-ci devait avoir pour l'autre époux -compte tenu de son âge ou de la durée du mariage- ou les enfants des conséquences matérielles ou morales d'une exceptionnelle dureté, est supprimée.

3. La simplification et la sécurisation des procédures de divorces

a) Une comparution unique pour les divorces par consentement mutuel

Le projet de loi prévoit une comparution unique en cas de divorce par consentement mutuel, le juge pouvant néanmoins prévoir une seconde comparution lorsqu'il apparaît que toutes les conséquences du divorce ne sont pas réglées ( art. 9, art. 250-1 du code civil ).

b) La mise en place d'un tronc commun pour les divorces contentieux

La requête initiale sera commune pour tous les cas de divorces contentieux (divorces pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour faute et pour altération définitive du lien conjugal). Le choix de la procédure ne se fera qu'après l'échec de la tentative de conciliation, lors de l'assignation ( art. 10, art. 251 du code civil, art. 13, art. 257-1 du code civil ).

c) Le développement de passerelles entre procédures

Une possibilité de passerelle d'un divorce pour faute ou altération définitive du lien conjugal vers un divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ( art. 7, art. 247-1 du code civil ) sera introduite, outre le maintien de la passerelle actuelle de divorce contentieux ( art. 247 du code civil ). Ces passerelles pourront intervenir à tout moment de la procédure.

d) La sécurisation du divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage

Contrairement à l'actuelle procédure de divorce demandé par un époux et accepté par l'autre, il ne sera plus possible pour un époux de revenir sur le principe de la rupture une fois l'accord donné, même en appel ( art. 3, art. 233 du code civil ).

4. L'apaisement des procédures de divorce

a) L'absence d'indication des motifs du divorce dans la requête initiale

Afin de permettre une audience de conciliation centrée sur les modalités d'organisation de la vie des époux et de leurs enfants et non sur l'attribution des torts, la requête initiale ne comportera pas l'indication des motifs de la demande de divorce ( art. 10, art. 251 du code civil ).

b) La suppression du mémoire dans la procédure de divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage

Il ne sera pas besoin d'arguer de faits rendant le maintien de la vie commune intolérable, comme c'est le cas actuellement pour l'époux demandeur ( art. 3, art. 233 du code civil ). Ainsi, l'époux défendeur n'aura pas à reconnaître ces faits.

c) L'encadrement des témoignages

Il sera désormais interdit d'entendre les descendants sur les griefs invoqués par les époux ( art. 14, art. 259 du code civil ). En pratique, telle était déjà la jurisprudence de la Cour de cassation.

d) Le développement de la médiation

Dans le cadre des mesures provisoires prises lors de la tentative de conciliation, le juge pourra enjoindre les époux à participer à une séance d'information sur la médiation et/ou leur proposer une médiation ( art. 12, art. 255, 1° et 2° du code civil ).

e) L'incitation à la conclusion d'accords -même partiels- entre les époux à tout moment de la procédure

- Lors de l'audience de conciliation, le juge incitera les époux à régler les conséquences du divorce à l'amiable et leur demandera de présenter pour l'audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce ( art. 11, art. 252-3 du code civil ).

- Les époux pourront pendant l'instance soumettre à l'homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce, autres que celles relatives à la liquidation du régime matrimonial, ce qui vise principalement la prestation compensatoire ( art. 17, art. 268 du code civil ).

* 12 Couple, filiation et parenté aujourd'hui, remis en mai 1998 à le ministre de l'emploi et de la solidarité et au garde des Sceaux ; rénover le droit de al famille, remis en septembre 1999 au garde des Sceaux.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page