MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, sur le budget des affaires étrangères, des majorations de crédits à titre non reconductible sur les titres IV et VI. Ces majorations ont exclusivement trait à l'aide au développement et représentent un montant global de 947.000 euros.

1) Sur le titre IV, une majoration de crédits de 771.000 euros, répartis de la manière suivante :

- 150.500 euros sur le chapitre 42-13 « Appui à des initiatives privées ou décentralisées », dont 46.300 euros sur l'article 30 « Coopération décentralisée. Crédits déconcentrés » et 104.200 euros sur l'article 40 « Coopération décentralisée. Crédits non déconcentrés ».

- 480.500 euros sur le chapitre 42-15 « Coopération internationale et développement », dont 80.000 euros sur l'article 12 « Transfert de savoir-faire : expertise de longue durée » et 400.500 euros sur l'article 30 « Appui aux organismes concourant aux actions de coopération ».

- 140.000 euros sur le chapitre 42-37 « Autres interventions de politique internationale », article 40 « Interventions du ministre des affaires européennes »

2) Sur le titre VI, une majoration des autorisations de programme et des crédits de paiement de 176.000 euros sur chapitre 68-80 « Action extérieure et aide au développement. Subventions d'investissement », article 10 « Aide à des projets de coopération ». Cette majoration correspond à 59 % de la dotation de cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 18 novembre 2003, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission des finances a procédé à l'examen des crédits d'aide publique au développement sur le rapport de M. Michel Charasse, rapporteur spécial .

M. Michel Charasse, rapporteur spécial , a rappelé que l'aide publique au développement (APD) était une priorité du gouvernement et figurait en bonne place dans l'agenda international. Il a souligné que la communauté des bailleurs s'était engagée à augmenter son effort d'APD après que ce dernier eut considérablement diminué au cours de la décennie 90, et que la France avait tenu ses engagements puisque son effort d'APD, selon l'acception de l'OCDE, devait s'établir à 0,43 % du PIB en 2004, après 0,41 % en 2003 et 0,39 % en 2002. Il a rappelé, à cet égard, que l'objectif annoncé par le Président de la République était d'atteindre 0,5 % du PIB en 2007, et que le seuil préconisé par les Nations-unies, était de 0,7 %, pour 2012.

Il a ensuite indiqué que l'aide au développement était une politique publique fondamentalement interministérielle, puisque pas moins de 12 ministères y étaient impliqués, au premier rang desquels le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a toutefois souligné, qu'en termes budgétaires, le périmètre des crédits concourant à la coopération était très inférieur à celui de l'APD au sens de l'OCDE, et qu'une part importante des crédits transitait par voie extra-budgétaire, via les comptes spéciaux du Trésor, et plus particulièrement le compte 903-17, qui retraçait une large part des annulations et consolidations de dettes consenties par la France à des Etats étrangers. Il apparaissait donc que, moins de la moitié des dépenses d'APD étaient examinées par le Parlement.

Précisant les grandes masses budgétaires pour 2004, il a indiqué que les crédits budgétaires d'aide au développement du ministère des affaires étrangères atteignaient un peu plus de 2 milliards d'euros, soit une hausse de 7,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 ; et que ceux du ministère de l'économie s'élevaient à 950 millions d'euros, soit une baisse de 6 %. Au total, les dépenses budgétaires augmentaient de 3,1 %, pour atteindre près de 3,25 milliards d'euros, mais le volume global d'APD, en incluant les TOM, était de près de 6,9 milliards d'euros.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial , a ensuite exposé ses principales observations sur ce budget, qui lui apparaissait assez satisfaisant mais dont certaines orientations stratégiques appelaient, selon lui, des réserves.

Rappelant brièvement le contexte international, il a relevé que l'année 2003 pouvait être celle de la confirmation ou de la déception, après une année 2002 riche en engagements formulés lors de divers sommets, tels ceux de Monterrey, Kananaskis ou Johannesburg. Parmi les avancées enregistrées en 2003, il a mentionné les 90 propositions de M. Michel Camdessus sur le financement des infrastructures de l'eau, l'accord partiel sur les médicaments génériques, un effort accru en faveur de la lutte contre le sida et le paludisme, en particulier via le Fonds mondial pour la santé, la proposition franco-britannique d'une nouvelle « facilité financière internationale » destinée à relancer l'investissement privé dans les pays pauvres, et les initiatives prises au sommet du G8 qui s'était tenu à Evian en juin 2003 et avait été placé sous le signe de la promotion du développement en Afrique.

Le bilan lui apparaissait néanmoins mitigé et les risques de désillusion demeuraient, selon lui, réels. Il a ainsi relevé l'estimation du Programme des Nations unies pour le développement, selon laquelle 54 pays seraient aujourd'hui plus pauvres qu'en 1990, et indiqué que le Nouveau partenariat économique pour le développement en Afrique (NEPAD) peinait à se traduire en actes et était parfois perçu comme un instrument de l'hégémonisme de l'Afrique du Sud. Il a également souligné l'échec du sommet de Cancun, révélateur selon lui de la difficulté de dépasser le « stade oratoire » dès lors que l'on promettait une meilleure insertion des pays en développement dans le commerce mondial. Les initiatives présentées lui semblaient donc relever trop souvent du « catalogue d'intentions » ou de la constitution de groupes de travail, et trop peu de financements effectifs.

Il s'est, dès lors, réjoui de ce que la France, quatrième bailleur mondial en volume et premier créancier des pays pauvres, se soit, en dépit de ce contexte, attachée à pérenniser tant l'augmentation de l'aide que la priorité accordée à l'Afrique et au canal bilatéral. Il a néanmoins relevé que le volontarisme politique était, en partie, entravé par la rationalité budgétaire : la régulation avait ainsi été sévère en 2003 comme en 2002 et avait créé des difficultés de paiement importantes et de plus en plus précoces pour l'Agence française de développement (AFD) et le Fonds de solidarité prioritaire (FSP). Il a reconnu que la régulation était légitime et inévitable en période budgétaire tendue, mais qu'elle pouvait être contestée dans certaines de ses modalités, et que la logique de projet, qui se traduisait par une dimension pluriannuelle et le respect d'engagements financiers auprès de tiers, s'accommodait mal d'une régulation focalisée sur le court terme. Il a, dès lors, estimé que la rigueur budgétaire actuelle justifiait d'autant plus de réformer l'Etat, de réduire son périmètre de fonctionnement et de mettre en place des outils de gestion modernes.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial , a ensuite exposé les quatre axes qui, selon lui, constituaient les grandes mutations de la stratégie d'APD française.

En premier lieu, il a considéré que les orientations budgétaires semblaient traduire l'amorce d'une marginalisation de l'aide-projet au profit de l'aide-programme, et que les indices étaient à cet égard nombreux : la montée en puissance des contrats de désendettement-développement, les propositions du plan d'action stratégique du ministère prévoyant de repositionner le FSP sur l'aide programme, l'accent mis sur la coopération avec les autres bailleurs bilatéraux et la mise en place de fonds ad hoc, ainsi que l'impact de la régulation budgétaire. Il a souligné que l'aide-programme pouvait contribuer à amorcer un développement endogène ou à financer des réformes de structure, mais que l'aide-projet n'en conservait pas moins d'importants atouts, en ce qu'elle impliquait une présence effective sur place, était beaucoup plus visible pour les populations et contribuait concrètement à l'amélioration de leurs conditions de vie. Il a estimé que l'aide-programme tendait, en revanche, à diluer l'expérience et l'apport français dans une collaboration élargie et pouvait se constituer en « boite noire » complexe. Elle faisait ainsi courir le risque d'un affadissement de la bonne réputation de la coopération française ou de sa « récupération » par d'autres bailleurs. La participation française à l'aide-programme devait donc, selon lui, être assortie des moyens de rendre cette aide visible et clairement identifiable par les populations, à l'image des cofinancements entre collectivités territoriales sur le territoire français.

Il a dès lors considéré que l'aide-projet devait continuer de véhiculer l'expertise et l'excellence françaises, mais aussi poursuivre en parallèle sa modernisation, en particulier par un renforcement de l'évaluation, une coopération au cas par cas avec un ou deux autres opérateurs étrangers, l'accroissement du montant unitaire des projets pour redynamiser les portefeuilles et mettre fin au saupoudrage et aux coûts de gestion élevés qu'il entraînait, et par la formation des partenaires locaux en vue de faciliter le relais et la pérennisation des projets.

En deuxième lieu, M. Michel Charasse, rapporteur spécial , a estimé que l'impact budgétaire des annulations de dette était déterminant dans la hausse de l'APD française, mais ses résultats incertains.

Il a indiqué que les multiples mécanismes de rééchelonnement et d'annulation de la dette des pays pauvres mis en place au cours de la dernière décennie selon des termes multilatéraux, en particulier dans le cadre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés, ou bilatéraux, poursuivaient un objectif de restauration de la soutenabilité de l'endettement, afin que la réduction corrélative du service de la dette permette de dégager des marges de manoeuvre budgétaires pour le développement du débiteur. Il a cependant relevé que le dispositif présentait plusieurs défauts : les pays concernés n'avaient pas nécessairement les moyens budgétaires de mettre en oeuvre les programmes requis par le Fonds monétaire international, les allègements de dette ne constituaient pas, en soi, une garantie de maintien de la soutenabilité et étaient donc susceptibles de ne procurer qu'un « soulagement temporaire », et les débiteurs demeuraient souvent obligés de recourir, à nouveau, à l'endettement pour amortir les conséquences de chocs externes.

Il a ainsi considéré que les annulations de dette ne sauraient constituer le vecteur privilégié de l'APD, mais seulement une composante parmi d'autres, et qu'il conviendrait également d'accentuer les efforts d'accroissement des recettes d'exportation et des recettes fiscales. Il a, en outre, relevé que ces mécanismes étaient très complexes, difficilement compréhensibles pour le citoyen et échappaient en grande partie au contrôle budgétaire. Il a donc appelé le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à poursuivre les progrès qu'il avait timidement amorcés pour fournir une information plus claire, fiable et complète, à l'image des exigences renforcées pour les engagements hors bilan des entreprises privées.

En troisième lieu, il a indiqué que l'évolution de l'APD française témoignait plus fondamentalement d'une inflexion stratégique vers une externalisation croissante des capacités d'intervention de la France, au profit d'un certain recentrage sur la seule ingénierie financière. Il a rappelé que la stratégie d'APD française devait, certes, rechercher une meilleure concertation avec les autres bailleurs et renforcer la contractualisation avec les récipiendaires et les partenaires financiers, mais ne devait pas pour autant se « dépouiller », ni se « démembrer » au profit d'expertises extérieures, qui avaient, dans bien des cas, fait la preuve de leur moindre efficacité.

En quatrième lieu, il s'est félicité de ce que les critiques récurrentes qu'il avait depuis longtemps émises sur le fonctionnement du Fonds européen de développement fussent à présent formulées par le Président de la République, ainsi qu'il l'avait fait en octobre 2003. Il a relevé que les décaissements avaient enregistré de réels progrès depuis deux ans grâce à des aménagements dans le processus de décision, mais que la situation était encore loin d'être satisfaisante. Il plaçait donc ses espoirs dans le consensus, relayé par la Commission, qui tendait à se dégager sur la perspective d'une budgétisation de ce Fonds, et dans laquelle la France avait un intérêt financier majeur puisque la « communautarisation » du Fonds européen de développement devait conduire à une diminution du taux de contribution de la France de 24,5 % à 17 %.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial , a ensuite abordé les réformes structurelles entreprises par le ministère des affaires étrangères.

Il a constaté que la réflexion budgétaire du ministère des affaires étrangères n'était pas tout à fait à la hauteur du projet stratégique. Relevant que le ministère des affaires étrangères s'était attelé assez tardivement à la réflexion sur la LOLF, il a estimé que son projet n'était guère convaincant pour deux raisons principales : le projet de structure budgétaire manifestait encore quelques scories d'une vision « trop littéraire » des actions du ministère, et surtout, les crédits d'APD étaient disséminés entre trois programmes de taille sensiblement équivalente. Le programme intitulé « coopération et action culturelle » ne constituait pas le véritable programme d'aide au développement qu'il appelait de ses voeux, et il s'est dès lors demandé si ce projet de nomenclature constituait réellement un progrès par rapport aux actuels agrégats du « bleu » budgétaire. Il a, enfin, fait part de ses inquiétudes sur les incertitudes persistantes qui entouraient le périmètre de la mission interministérielle. Il s'est, à cet égard, déclaré plutôt favorable à la mise en place d'une mission « aide publique au développement », qui lui semblait plus conforme aux prescriptions de la loi organique qu'une mission portant sur « l'action extérieure de la France ».

S'agissant de la stratégie ministérielle de réforme, qui s'inscrivait en réalité dans le Plan d'action stratégique du ministère, il s'est réjoui de ce que ce document témoigne d'une réflexion à la fois large, approfondie et assez opérationnelle sur les missions du ministère. Il a, à cet égard, relevé la réduction et la modernisation du réseau des établissements culturels, la création d'un réseau d'experts en recherche sur le développement, l'augmentation du nombre d'assistants techniques et la diversification de leur origine professionnelle et de leurs fonctions, et une volonté de mieux exercer la tutelle sur l'Agence française de développement. Il a néanmoins regretté que le plan stratégique introduise des ambiguïtés sur la pérennisation de l'aide-projet, ne donne pas suffisamment d'engagements chiffrés et se montre insuffisamment ambitieux sur la reconfiguration du réseau diplomatique.

C'est sous le bénéfice de ces observations que M. Michel Charasse, rapporteur spécial , a recommandé à la commission d'adopter les crédits de ce budget, qui pérennisaient les engagements pris par la France auprès des pays les plus pauvres.

Cet exposé a été suivi d'un débat.

Mme Marie-Claude Beaudeau a souhaité savoir si la comptabilisation de l'aide publique au développement par l'Organisation de coopération et de développement économique incluait les annulations de dette et la coopération militaire.

En réponse, M. Michel Charasse, rapporteur spécial , a indiqué que les remises de dette n'étaient comptabilisées que pour la valeur des intérêts annulés, mais que les normes du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) intégraient également des prêts financés sur ressources extra-budgétaires. Les crédits budgétaires de coopération militaire n'étaient, quant à eux, pas retenus par le Comité d'aide au développement, alors même que l'assistance française en la matière était désormais davantage portée sur la formation sur place et l'accueil en France de stagiaires, que sur la fourniture directe de matériel.

M. Jean Arthuis, président , a remercié M. Michel Charasse, rapporteur spécial, pour sa présentation « sans complaisance », et lui a demandé s'il avait analysé les engagements hors bilan de l'Agence française de développement.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial , a indiqué qu'il ne s'était pas livré à une telle analyse, mais que son rapport préciserait l'imputation des annulations de dette. Il a, en outre, indiqué que lui-même et M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial du budget des affaires étrangères, seraient particulièrement vigilants en 2004 sur les engagements pris par l'Agence et sur la manière, selon lui très perfectible, dont le ministère des affaires étrangères exerçait sa tutelle sur cet organisme, laissant à la direction du Trésor le soin de veiller à ses grandes orientations. Il a, à cet égard, relevé qu'un récent projet de financement de l'Agence, relatif à des prêts d'étude entrant dans le cadre du contrat de désendettement-développement au Cameroun, avait fait l'objet d'informations insuffisantes lors de la consultation à domicile qui avait été sollicitée fin juillet, et avait suscité un incident lors de la réunion de son Conseil de surveillance du 2 octobre, à laquelle M. Jacques Chaumont s'était rendu en sa qualité de titulaire. Il a dès lors plaidé pour une réelle amélioration du processus de décision de l'Agence, et plus particulièrement de l'exercice de la double tutelle.

A l'issue de ce débat, la commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères et d'aide publique au développement.

Lors de sa réunion du jeudi 20 novembre 2003, la commission a confirmé cette position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page