3. Le devenir de la redevance et la question du sous-financement du secteur public audiovisuel

Dans une certaine mesure, le rapport de M. Michel Boyon remet en question le déplacement du centre de gravité du secteur public vers les chaînes du numérique terrestre dans le cadre d'une diversification de son offre. Cela peut donner lieu à débat. En revanche, ce qui est, selon votre rapporteur spécial, indiscutable, c'est que France Télévisions n'a pas véritablement les moyens des ambitions affichées par son président.

L'année dernière, prolongeant ses études précédentes, votre rapporteur spécial s'est efforcé de démontrer que le secteur public avait besoin de ressources susceptibles d'évoluer à peu près au même rythme que celles de ses concurrents privés.

S'il ne veut pas être marginalisé, le secteur public doit bénéficier de ressources courantes -indépendamment de ses besoins d'investissements propres pour acheter des programmes mais aussi se placer sur le marché de l'interactivité-, dont la croissance reste du même ordre de grandeur que celle de ses concurrents .

Il lui faut investir dans des programmes suffisamment attractifs, qu'il s'agisse de payer les droits de plus en plus lourds exigés pour les retransmissions sportives ou de conserver leurs animateurs vedettes -ce qui est un problème non seulement pour la télévision mais également pour la radio- ou de faire réaliser des émissions de fiction de prestige. C'est ce que le Gouvernement a fait en consacrant aux programmes les moyens qui devaient être affectés aux nouvelles chaînes du numérique. Mais est-ce suffisant ?

En effet, malgré la crise, les données à long terme du problème n'ont pas changé : TF1 voit ses dépenses d'exploitation croître deux fois plus vite que le budget de France Télévisions.

A cet égard, la question du devenir de la redevance reste entière . Votre rapporteur spécial tient à faire une mise au point sur le coût de la collecte de la redevance.

Celui-ci est certes élevé, entre 4 et 6 % du produit suivant le mode de comptabilisation de certaines charges de structure, mais ces chiffres restent comparables à ceux de la collecte d'autres impôts, et la visite que votre rapporteur a faite au centre de la redevance de Rennes l'a convaincu de ce que le service de la redevance faisait de réels efforts de productivité.

S'il comprend que l'on ait pu retarder l'augmentation de la redevance pour des raisons psychologiques, il estime toujours qu'il faut, à moyen terme, l'augmenter substantiellement pour la rapprocher du niveau en vigueur chez nos principaux partenaires et, notamment en Allemagne où elle atteint 193 €. Il se demande, à cet égard, si le succès des bouquets payants en France ne vient pas précisément de la relative faiblesse du montant de notre redevance qui a permis aux Français d'accéder plus facilement aux services privés.

Au mois d'août dernier, le ministre de la culture a fait savoir qu'une des pistes de travail étudiée en matière de financement de l'audiovisuel public consistait à adosser la collecte de la redevance sur la taxe d'habitation .

Cette voie qui mérite d'être étudiée, provient en fait d'un rapport de l'inspection générale des finances de novembre 1999, intitulé «  rapport d'enquête sur le coût, l'efficacité et les perspectives d'évolution du service de la redevance audiovisuelle ».

Défavorable, comme l'inspection des finances à une budgétisation des ressources de l'audiovisuel public ainsi qu'à son financement par le produit des jeux , dans la mesure où il est essentiel de conserver au travers de la redevance un lien citoyen entre les Français et leur télévision, votre rapporteur spécial estime que l'on pourrait effectivement adosser la redevance sur la taxe d'habitation mais sans les confondre : il s'agirait d'envisager une identité du fait générateur - disposer d'un local à usage d'habitation - et donc de l'identifiant informatique du contribuable/redevable, tout en distinguant les avis d'imposition et les modalités de perception de façon à ne pas créer de confusion des responsabilités entre l'État et les collectivités territoriales .

Une telle réforme, qui passe aussi par un renforcement des pouvoirs juridiques des services compétents - droit de communication amélioré, utilisation de l'avis à tiers détenteur -, permettrait à la fois d'augmenter substantiellement les ressources de l'audiovisuel public et de régler le problème des exonérations .

Le rapport estime à environ 610 M€ le surcroît potentiel de ressources , ce montant pouvant être affecté soit à l'octroi de financements additionnels de l'audiovisuel public, soit à de nouvelles exonérations comme celui des titulaires du RMI, soit même à la mise au point d'un abattement pour les résidences secondaires.

Le service de la redevance, dont votre rapporteur a pu apprécier l'efficacité, ne serait pas supprimé mais simplement restructuré pour ne plus avoir à traiter que l'émission des avis d'imposition et du contentieux, déchargeant en ce qui concerne cette dernière tâche les services de la comptabilité publique, ce qui devrait limiter les réaffectations et donc le coût social de la réforme.

Votre rapporteur spécial persiste à penser qu'il s'agit d'une voie intéressante dès lors, d'une part, qu'aucune confusion n'est faite entre taxe d'habitation et redevance et, d'autre part, que la présomption de possession d'une télévision puisse supporter la preuve contraire et, notamment, l'absence d'antenne ou de parabole extérieure. Il ne saurait donc être question de prélèvement d'office comme cela a été indiqué dans la presse.

Cet adossement serait sans doute l'occasion de revoir le régime actuel des exonérations qui indépendamment même des initiatives prises lors des deux précédentes lois de finances n'est pas parfaitement satisfaisant, au regard de l'égalité entre les citoyens.

Pour sauver le modèle audiovisuel français, il faut y mettre les moyens financiers. Le rapporteur spécial ne peut que , surtout à l'orée d'une nouvelle période de vaches maigres budgétaires , réitérer sa position de principe : il faut non seulement conserver la redevance mais encore avoir le courage de l'augmenter pour la rapprocher de celle des grands pays européens et notamment de la Grande-Bretagne où elle est de l'ordre de 190 €.

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