VI. AUDITION DE

VII. VIII. MONSIEUR FRANÇOIS BEAUJEU
VICE-PRÉSIDENT
ET DE MONSIEUR STÉPHANE DITCHEV

1. Secrétaire général de la Fédération des mouvements de la condition paternelle

2. René GARREC

Monsieur Stéphane Ditchev, vous être secrétaire général de la Fédération des mouvements de la condition paternelle. Je donne la parole.

Stéphane DITCHEV

Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Effectivement, nous sommes très intéressés par le débat parlementaire en cours, puisque depuis fort longtemps (notre association existe depuis 28 ans maintenant), nous avons fait des propositions afin de modifier la procédure de divorce, notamment au niveau des conséquences que nous constatons pour les enfants. Lors de nos réflexions, nous avions même repris l'histoire de France et nous nous étions penchés sur l'histoire du divorce, c'est-à-dire entre autres, sur le premier texte traitant du divorce du 20 septembre 1792, qui de fait établissait un divorce sans juge. Ce temps est certainement dépassé ; néanmoins, nous avions constaté, et il s'agit pour nous d'un axe essentiel, qu'il manquait déjà pour les parents des lieux de parole où ils puissent tenter de gérer les difficultés auxquelles ils ont à faire face dans cette situation nouvelle. Leurs difficultés portent principalement sur trois domaines : la question des enfants, les questions financières et enfin les questions mobilières. Nous avons remarqué, dans notre vie associative, que les parents ont besoin d'un certain temps pour gérer ces difficultés, y compris un temps de discussion et de négociation. Nous avons constaté que les procédures entraînent souvent les parents à être dos-à-dos. Or nous pensons pour notre part qu'il faut essayer de trouver des moyens pour que les parents soient moins dos-à-dos, mais plutôt face à face. Nous travaillons donc à la mise en place de médiations familiales : il s'agit pour nous d'un axe essentiel pour que les séparations et les divorces se passent mieux. Dans ce sens, nous apprécions un certain nombre de points de la proposition Colcombet.

En ce qui concerne les idées importantes que nous pourrions relever dans la proposition actuelle, à côté de la tendance d'apaisement par des procédures plus légères, l'idée de maintien des violences conjugales nous gêne : en effet, elles pourraient constituer la focalisation d'un certain nombre de difficultés. Nous pensons que ce qui est proposé correspond à un relatif allègement des procédures, mais si les violences peuvent servir à demander des dommages et intérêts ou encore être un frein à la médiation familiale, nous pensons qu'alors, les textes n'auront pas du tout évolué parce que les procédures seront toujours aussi longues et lourdes, chacun cherchant à prouver qu'il y a eu violence ou non. Cela constituerait alors une difficulté supplémentaire, puisqu'il n'est pas fait actuellement mention dans le Code civil des violences conjugales.

En outre, actuellement, lorsqu'il y a violences conjugales, elles sont traitées au niveau pénal. Ces procédures existent donc et sont très largement employées. Pour notre part, nous pensons que le pénal est plus à même de prendre des décisions et de statuer sur ces questions qui sont relativement graves. S'il s'agit de violences peu graves, elles peuvent être traitées dans le cadre de la médiation familiale. Ceci est la remarque la plus importante que nous souhaitions faire. Nous pensons que la mise en place de service de médiation familiale peut contribuer très largement, d'une part à prolonger sinon restaurer le dialogue entre les parents, dialogue dont les enfants ont besoin, et d'autre part elle peut permettre de parler des dérapages et des difficultés du couple. Ainsi, une de nos propositions est de pouvoir inscrire dans le texte que le médiateur familial doit être spécialisé. De même, nous préférons qu'il soit inscrit « médiation familiale » plutôt que médiation tout court, de façon à ce qu'il s'agisse d'un travail très spécifique dont les couples et parents ont besoin. Les parents ont besoin de lieux de paroles pour dépasser leur conflit.

En outre, il est difficile pour nous d'avoir un raisonnement sur cette proposition de loi s'il n'y a pas de meilleures articulations avec d'autres propositions de loi et notamment la proposition sur l'autorité parentale. Il faut qu'il y ait une meilleure coordination au niveau de cette avancée qualitative qui propose que l'enfant puisse résider alternativement chez l'un et chez l'autre des parents.

Ensuite, nous revenons sur deux ou trois autres petits points dans le document de synthèse que je vais vous laisser. Dans l'article 252-2 par exemple, il est dit que le juge des affaires familiales doit être informé de toutes les procédures civiles ou pénales, passées ou en cours. Ceci nous a un peu étonnés et nous a un peu fait sourire : c'est plutôt au moment du mariage qu'il faudrait être informé de toutes les procédures passées ou en cours ! De même, il est fait référence au notaire : il pourrait prendre un rôle actif au niveau des articles 255 et 265. Nous pensons que si le notaire est chargé de prendre en main certaines choses quant à la dissolution de la communauté, cela va à l'encontre d'une responsabilisation des parents qui est pourtant bien nécessaire.

Nous avons encore beaucoup de choses à dire, mais nous nous en sommes tenus à ce qui est présenté comme étant des nouveautés dans le texte. Ainsi, nous n'avons pas parlé de l'enquête sociale sur laquelle nous sentons beaucoup de difficultés ; nous n'avons pas évoqué l'écoute de l'enfant, pourtant sujette à un enjeu extraordinaire. Nous nous en sommes tenus pour l'instant à ce qui est présenté comme étant de nouvelles rédactions. Je vous remercie de votre attention.

Patrice GÉLARD

Vous n'avez pas abordé le divorce pour faute.

Stéphane DITCHEV

Effectivement. Nous nous sommes exprimés depuis très longtemps (y compris de façon médiatique) très clairement pour la suppression du divorce pour faute parce que le divorce pour faute fait des dégâts ou tout au moins les procédures en place permettent une sorte d'escalade dans les différends entre les parents. Par ailleurs, est-ce que le divorce pour faute est toujours justifié dans notre société aujourd'hui ? On dit souvent que pour se marier il faut être deux et que pour divorcer, il faut également être deux. Mais pour continuer à être marié, il faut aussi être deux ! Que se passe-t-il dans une famille lorsque l'un souhaite divorcer pour différentes raisons ? Ne doit-il pas avoir le droit au divorce ? C'est une grave question, nous le savons. Même si l'on peut regretter qu'il y ait autant de divorces dans la société actuelle. Nous rencontrons des personnes divorcées après quelques mois de mariage !). Nous sommes persuadés que ce n'est pas une nouvelle loi sur la suppression du divorce pour faute qui va accentuer le nombre de divorce. Le nombre de divorce a été complètement disparate depuis son apparition : depuis 1884 jusqu'en 1972-1975, l'évolution des divorces a été parallèle à l'évolution de la population. En 1972, il y a eu environ 32 000 divorces en France. La grande augmentation du nombre de divorce s'est faite sous le régime du divorce pour faute. N'est-ce pas le texte et les procédures en place depuis 1975 qui ont, en quelque sorte, favorisé l'augmentation des divorces ? Aujourd'hui, il suffit à quelqu'un qui souhaite divorcer de trouver n'importe quelle faute et cela fonctionnera. Or nous pensons que la généralisation de la mise en place des services de médiation familiale pourrait aider à résorber le nombre de divorce. Nous le constatons tous les jours : dès la première phase de la médiation familiale, les parents réapprennent à se parler, à se comprendre et parce qu'ils se sont compris, un bon pourcentage renoncent à leur démarche de divorce. Pour certains services, ce pourcentage dépasse les 30 %. Il faut donc favoriser la communication entre les parents pour arriver à des solutions sereines, or le divorce pour faute dégrade complètement la communication entre les parents.

François BEAUJEU

On évoque fréquemment un certain nombre d'avantages supposés du divorce pour faute, mais je pense qu'il ne faut pas trop s'engager dans une discussion interminable pour savoir s'il y a vraiment des avantages ou non. Ce qui doit être déterminant, c'est la balance entre les avantages et les inconvénients. Or, d'après notre pratique prolongée, les inconvénients l'emportent de très loin sur les avantages. Ainsi, plutôt que de continuer à discuter sur des supposés avantages, constatons que les inconvénients actuellement l'emportent très largement sur les avantages.

René GARREC

Il existe deux cas de divorces : soit les deux conjoints sont d'accord, soit l'un des deux reproche un grief à l'autre. Il faut selon moi retenir cette possibilité de divorce, même si l'on n'utilise par le terme « divorce pour faute ». Il faut s'interroger là-dessus.

Stéphane DITCHEV

Nous n'en sommes pas certains, car nous retombons là dans l'instruction du divorce. L'un des deux époux niera forcément le grief qui lui est reproché et l'on retombe alors dans le système d'argumentation et d'établissement des preuves. Pour nous, cette question des raisons de la séparation doit être débattue entre les époux et le lieu de dialogue pour ce faire n'est pas le lieu judiciaire. C'est un lieu où ils pourront être dans l'intimité pour pouvoir retrouver certaines traces dans leur vie commune, de façon surtout à retrouver confiance. De fait, lorsque les époux auront trouvé une raison pour divorcer, que la justice l'aura mise en tant que telle sur la place publique et qu'elle figurera dans un jugement, cela dégrade leur relation. A l'inverse, tout ce qui se passe en médiation familiale reste dans l'intimité. Les parents ont besoin de s'entendre réciproquement. Il est certain qu'ils ont besoin d'échanger sur certains sujets, mais nous ne sommes pas persuadés que cela doive être inscrit dans un jugement.

Maurice ULRICH

On constate que les jeunes se marient en général après une période de vie commune. Est-ce que cette période de vie commune, considérée comme une période d'essai, a une conséquence sur le nombre de divorce. Y a-t-il moins de divorce lorsque le mariage a lieu après une période plus ou moins longue de vie commune ? Autrement dit la thèse de Léon Blum, datant déjà de 1936, serait-elle vérifiée ou non ?

Stéphane DITCHEV

C'est une évidence de dire que les gens ayant vécu cette période d'essai de vie commune décident de s'engager dans le mariage avec l'expérience de cette vie commune. Ils se sont jaugés. Je ne sais si des études ou des statistiques ont été réalisées sur le sujet. Nous constatons toutefois que des gens qui ont vécu dix ans de vie commune, divorcent presque dès le lendemain de leur mariage. On pourrait d'ailleurs se poser la même question quant à la naissance d'un enfant. Je me demande si le mariage au bout d'un certain nombre d'année de vie commune n'est pas quelquefois la dernière bouée pour sauver une relation.

François BEAUJEU

C'est ce que l'on appelle le mariage thérapeutique.

Maurice ULRICH

Il n'y a donc pas d'études sur le sujet.

Stéphane DITCHEV

Je n'ose pas dire qu'il n'en existe pas. Il existe certainement des réflexions de psychologues ou de conseillers conjugaux, mais je n'ai pas connaissance d'études chiffrées ou de sondages.

René GARREC

S'il n'y a plus de question, je vous remercie de votre intervention.

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