D. AUDITION DE M. FRANÇOIS DE PAILLERETS, PRÉSIDENT DU COMITÉ FRANÇAIS D'ÉDUCATION POUR LA SANTÉ ET DE MME BERNADETTE ROUSSILLE, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE

M. Nicolas ABOUT, président - Monsieur le président, après avoir écouté monsieur Bernard Kouchner, ministre délégué chargé de la santé, notre commission a poursuivi ses auditions en entendant quelques acteurs majeurs de notre système de santé, le Conseil national de l'Ordre des médecins, la Conférence nationale de santé et le Haut comité de santé publique. Nous avons le plaisir de vous accueillir à présent, avec le délégué général, Mme Bernadette Roussille, pour que vous nous donniez le sentiment du Comité français d'éducation pour la santé.

Tous ces avis nous intéressent beaucoup dans la mesure où nous avons besoin de votre éclairage, d'abord sur la philosophie du texte, au regard des réflexions qui ont pu être formulées sur notre système de santé et des relations entre les professionnels et les personnes malades, ensuite quant à l'évolution qu'entraîne le projet de loi sur le rôle ou le statut des institutions, et en particulier de l'institution que vous représentez.

Nous nous livrerons, après votre exposé introductif, au jeu des questions et réponses, avec nos rapporteurs, M. le Professeur Giraud, M. Dériot et M. Lorrain, et avec les membres de la commission.

M. François de PAILLERETS - Je vous remercie de prendre la peine de nous entendre, mesdames et messieurs les rapporteurs. J'ai à mes côtés Bernadette Roussille qui est Délégué général du CFES. Elle a un parcours consacré à la santé, en tant qu'inspecteur général des affaires sociales ; je suis moi même pédiatre.

Je vais tout d'abord vous présenter le CFES, sa structure, ses missions. Le CFES est une association de 1901, de type particulier dans la mesure où elle est sous tutelle du ministre de la santé. Née il y a trente ou cinquante ans, selon que l'on donne ou non de l'importance au sigle de cette association, elle a en tout cas pris un essor considérable depuis sept ans, puisque son personnel a doublé, atteignant presque cent salariés, que son budget a triplé, dépassant 350 millions de francs pour l'exercice passé, et que son activité a été encore relativement plus importante.

Quelles sont ses principales missions ? La plus connue, importante en temps, en compétences et en budget, concerne les campagnes réalisées en faveur des grandes causes de la santé. Ce sont avant tout des campagnes médiatiques, mais dont on s'est aperçu qu'il fallait, pour être réellement et durablement efficaces, qu'elles soient accompagnées d'actions sur le terrain. De ce point de vue, les Comités régionaux et départementaux d'éducation pour la santé sont des auxiliaires, et même des acteurs précieux. Lorsque l'on parle du Comité français d'éducation pour la santé, on parle aussi de son réseau de comités.

Une autre mission du CFES est d'ailleurs d'appuyer et de soutenir le réseau, sur le plan du conseil pédagogique, du conseil méthodologique, par le biais de séminaires organisés à l'attention des responsables du réseau.

Nous avons une importante activité d'édition et de diffusion puisque nous diffusons plus de 40 millions de documents par an. Cela complète la mission d'expertise du CFES, qui se veut un centre expert en matière d'éducation pour la santé. Le Comité agit ici en essayant de conduire des actions de recherche à partir d'une réflexion scientifique, en sciences de la santé, mais aussi en sciences humaines (communication, pédagogie...), et d'une réflexion éthique. Je crois d'ailleurs que nous avons beaucoup progressé sur ce dernier aspect.

Cette dimension est indispensable parce que l'éducation pour la santé consiste essentiellement à modifier des comportements de santé, lesquels reposent sur des croyances et sur des désirs profonds, qui font l'intimité de chacun d'entre nous. Pour les manipuler, il faut du savoir, du savoir-faire, du temps, d'autant que les effets bénéfiques d'un changement de comportement ne s'observent que des années plus tard.

Ce travail est difficile, mais il est très important. La médecine moderne scientifique, bien souvent, ne trouve son efficacité que si elle est accompagnée d'une démarche humaniste, au centre de laquelle se situe justement l'éducation pour la santé. En outre, l'émergence de plus en plus fréquente des maladies chroniques rend notre travail indispensable. L'éducation thérapeutique du patient, à qui il faut apprendre à gérer sa maladie aux côtés du médecin, est un élément majeur de la réussite.

Enfin, il faut tenir compte d'une exception française qui veut que si notre pays est champion en matière d'espérance de vie, il affiche en même temps de très mauvaises performances pour ce qui est de la surmortalité prématurée. Or nous savons que, dans plus de deux tiers des cas, cette surmortalité est due à un comportement défavorable à la santé. La logique est donc d'agir sur les comportements.

Voilà ce que je voulais vous dire à propos du Comité français, dont j'ai la responsabilité depuis sept ans. Je précise que l'essentiel du travail est réalisé par la Déléguée générale et son équipe de direction, ce qui me permet de dire tout le bien que je pense de ce Comité.

Pour terminer, je voudrais me pencher sur les évolutions qui sont envisagées pour notre Comité. Dans la situation actuelle, la structure associative donne une certaine souplesse à notre action et à la maîtrise de notre budget. Les marchés publics comportent en effet des règles qui sont plus rigides pour les établissements publics que pour les structures associatives. Pour autant, une association loi 1901 reste fragile, surtout lorsqu'il faut gérer plus de 350 millions de francs d'argent public. En tant que président du conseil d'administration du CFES, je trouve que cette responsabilité est parfois lourde. Notre position est également fragile face à des interlocuteurs publics qui pèsent lourd, qu'il s'agisse de la Direction générale de la santé ou de la CNAM, et cela malgré la qualité des hommes que l'on trouve au sein du Comité. Au fond, notre légitimité provient de notre compétence.

C'est à partir de cette analyse que nous pouvons dire notre position vis-à-vis de la transformation programmée du CFES en un Institut national de prévention et de promotion de la santé.

Mme Bernadette ROUSSILLE - J'ajoute que le statut d'association, intéressant par ailleurs sur certains points, crée également une difficulté sur le plan du financement, dans le sens où nous sommes essentiellement financés sur programme et très peu pour le fonctionnement, si bien que notre activité est découpée thématiquement en programmes. Cela ne nous donne pas les moyens de creuser l'expertise et de développer l'infrastructure de base de l'éducation pour la santé, c'est-à-dire ce qui a trait à la recherche, à la formation, à la méthodologie, à l'évaluation. Nous devons nous contenter, sur ces points, de travailler à l'intérieur des programmes. C'est une fragilité dont nous espérons sortir grâce à un nouveau statut.

M. LE PRESIDENT - Je donne la parole aux rapporteurs, et en premier lieu au Professeur Giraud.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Monsieur le président, monsieur de Paillerets, vous êtes la seconde personne de la journée à évoquer, à la lecture du projet de loi qui nous est soumis, une « mort programmée » pour son organisme, c'est-à-dire une transformation de votre institution dans un cadre peut-être plus vaste, en tout cas avec des structures différentes. Mon collègue, M. Dériot, vous interrogera sur votre position par rapport à cette transformation. Pour ma part, je vous demanderai, en tant qu'acteur hospitalo-universitaire ayant fait toute sa carrière dans la pédiatrie et la santé publique, votre sentiment sur ce que ce nouveau texte propose, en particulier au niveau national, en termes d'organisation de la santé, avec la création d'un Haut Conseil de la santé, la modification des missions pour la Conférence de la santé...

Ma seconde question renvoie à votre expérience très solide en matière d'éducation de la santé. Je me suis toujours demandé comment il était possible de limiter ces actions dans le cadre d'un ministère de la santé et de ne pas l'étendre, sur un plan structurel, à l'éducation nationale. On voit mal, en effet, une éducation de la santé qui serait dissociée d'un programme plus vaste de formation du citoyen. Ce projet de loi évoquant beaucoup les droits des malades, et, à notre sens, pas assez leurs obligations, c'est peut-être par un système éducatif que les Français apprendraient à se comporter en société vis-à-vis de ces problèmes de santé. J'aimerais connaître votre avis sur ce problème de la difficulté de la liaison avec l'éducation nationale.

M. François de PAILLERETS - Tout d'abord, je prétends que la Conférence nationale de santé est un élément important du dispositif de santé, même si elle n'est pas encore prête à rendre des avis globaux, tenant compte de la totalité des problèmes, y compris l'aspect financier. Quoi qu'il en soit, la Conférence a une vertu pédagogique considérable. Si le retard en matière de culture de santé publique est en train de se combler en France, c'est, je pense, en partie du fait de la Conférence de santé et de sa composition, qui n'est pas limitée aux seules professions de santé. Je le dis depuis longtemps, et pas uniquement parce que j'ai été amené à participer à la conception de cette structure dans le cadre des ordonnances de 1996.

Je suis pour le reste, après avoir hésité, favorable à la transformation du CFES. Certes, un établissement public sera plus rigide et compliquera notre tâche en partie pour ce qui concerne les appels d'offres dans les marchés de la communication. Mais parallèlement, l'institut disposera de davantage de poids face aux autres acteurs de santé. Surtout, le CFES et les réseaux apprécient le fait que, pour la première fois, la loi reconnaît l'éducation à la santé comme une mission de service public, offrant ainsi la légitimité et la reconnaissance que nous recherchions depuis des années.

Pour ce qui est des liens avec l'éducation nationale, je constate que le CFES a essayé de nouer des liens, avec peu de succès. Nous avons néanmoins le sentiment que les choses bougent depuis quelque temps ; il est ainsi à noter que le siège dédié à l'éducation nationale au sein du conseil d'administration du CFES est, depuis quelques mois, désormais occupé. Cela permet des échanges, mais les choses ne sont pas faciles : l'éducation pour la santé doit probablement être faite essentiellement par les enseignants, avec l'aide des médecins et infirmières scolaires, mais l'éducation à la santé ne s'improvise pas. Il faut donc apporter une formation réelle à ces personnels. A partir de là, la collaboration deviendra plus facile.

Mme Bernadette ROUSSILLE - L'Institut, qui a une mission plus importante de formation et de production d'outils, devrait fournir ces outils à l'éducation nationale, pour peu qu'elle veuille s'en saisir. Les collaborations restent difficiles au niveau national et il faudrait profiter de la création de l'Institut pour mettre en place davantage d'écoles promotrices en santé -domaine créé par l'OMS où notre pays a beaucoup de retard-, introduire la dimension santé dans les projets d'établissement, développer les formations supérieures en éducation pour la santé.

La mission de service public est un aspect fondamental du projet de loi. Il est fait mention, dans vos documents, de 118 comités départementaux et régionaux. Au dernier recensement, il n'y avait plus que 106 comités, ce qui est le signe d'une fragilité, d'une dépendance au bénévolat et aux bonnes volontés, d'une inégalité sur le territoire. Cela se traduit par une inégalité de qualité qui fait que l'éducation à la santé est la chose la plus inégalement répartie ; elle ne correspond pas à un service public. Je pense que l'Administration, derrière votre loi, devrait prendre au sérieux la mission qui lui est donnée de fixer des normes quantitatives et qualitatives.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Il nous a semblé extrêmement important que la prévention soit un point important de la prise en compte de la qualité du système de santé. Depuis des années, nous avons, les uns et les autres, pu répondre à la partie thérapeutique, c'est-à-dire la partie soins et traitements. Mais d'une manière générale, il faut bien reconnaître que la prévention et l'éducation à la santé ont, sinon été négligées, tout au moins prises en compte de façon discontinue. Votre organisme a notamment joué ce rôle qui a consisté à souligner la nécessité de l'éducation à la santé.

Que pensez-vous de la transformation de l'association en institut ? Vous nous avez répondu et il semble effectivement logique s'agissant de la gestion de sommes aussi considérables, de s'inscrire dans un système beaucoup plus encadré, plus « étatisé ». Cela étant, le manque de souplesse de la solution nouvelle m'inquiète quelque peu. Je crains qu'à l'avenir vous ne soyez constamment soumis à des règles de marchés publics pour les campagnes d'information, vous rendant de moins en moins efficaces à ce niveau. Je partage votre sentiment sur ce point, vous serez sans doute beaucoup moins réactifs que vous ne l'avez été jusqu'à présent. Certes, il sera possible de modifier l'organisation pour y faire face, il n'en demeure pas moins que vous aurez des délais et des temps de latence qui seront plus longs.

La mission qui vous est confiée est primordiale dans la mesure où c'est à partir de l'éducation que l'on peut éviter un certain nombre de problèmes de santé publique, qui sont justement rencontrés parce que le comportement n'est pas celui que l'on aurait pu souhaiter de la part de nos concitoyens, et parce que sans doute ils n'ont pas été éduqués correctement. J'adhère aux propos exprimés par le Professeur Giraud : c'est au niveau de l'éducation nationale qu'un premier enseignement sur les problèmes de santé s'impose, de manière à préparer dès le plus jeune âge nos jeunes concitoyens.

Le problème est d'importance. Dans notre pays, le sujet ne fait souvent qu'un feu de paille, puisqu'une fois les campagnes achevées, le relais sur le terrain n'est que rarement mis en oeuvre. Les professionnels de santé sont en partie responsables, et ils auraient peut-être dû être de meilleurs relais pour expliquer et faire comprendre. Au niveau actuel des choses, pensez-vous qu'il reste des actions et des campagnes supplémentaires à lancer auprès des professionnels de santé et de l'éducation nationale ? La mise en place d'un institut sera-t-elle plus efficace sur ce plan ? Aurez-vous davantage de poids pour mobiliser tous les acteurs en faveur de l'éducation à la santé ? Enfin, je m'interroge par rapport à l'expression « promotion de la santé » : quel en est le sens exact ? Quelles sont les actions et les méthodes à utiliser pour être encore un peu plus dans le sens de l'éducation et de la prévention ?

M. François de PAILLERETS - Qu'est-ce que la promotion de la santé ? Je me suis souvent interrogé sur la sémantique utilisée et j'ai très souvent entendu un mot employé pour un autre. Je crois pour ma part qu'il convient de distinguer deux niveaux : un niveau conceptuel, qui est celui de la santé, de la prévention, de la promotion de la santé, et un niveau relatif aux outils de cette promotion et de cette prévention de la santé. En l'occurrence, l'éducation pour la santé est un outil, à la fois pour la prévention des maladies et de leurs complications -c'est l'éducation thérapeutique du patient- et pour la promotion de la santé -c'est l'éducation à la santé du citoyen et des décideurs. Il serait une erreur que de placer l'éducation pour la santé au même niveau que la promotion et la prévention de la santé.

Quelle est la différence entre prévention et promotion de la santé ? La réponse est liée à l'évolution du concept même de santé. A la notion d'absence de maladie, notre époque actuelle y a ajouté la notion de bien-être. De même, la prévention des maladies a évolué pour intégrer aujourd'hui la promotion de la santé. Pour faire avancer ces notions, qui font appel à des domaines plus larges que le domaine médical traditionnel, nous disposons d'outils, comme la vaccination pour la prévention des maladies infectieuses. Parmi ces outils, l'éducation pour la santé me semble essentielle.

Ayant dit cela, quelle est la bonne méthode ? Je ne sais pas. En revanche, j'ai la conviction que les comportements en santé sont au centre des actions, qu'il s'agisse d'éviter les maladies, de promouvoir le bien-être, de faire en sorte que le système de santé fonctionne de manière responsable. Et il importe d'agir dès l'enfance, pour intervenir avant que les problèmes ne se posent.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Cette définition pose un problème majeur. Il y a nécessité d'associer tous ceux qui sont concernés par une responsabilité dans la vie de tous les jours, à tous les niveaux. Pour être véritablement efficace, il faut pouvoir rassembler tous les responsables, qu'ils soient responsables de l'Etat ou de collectivités locales, pour les consulter et les associer aux réflexions. Les accidents de la route, aux conséquences si dramatiques, peuvent tenir à un mauvais état des routes dans un département. En tant que présidents de conseils généraux, nous sommes en partie responsables d'une qualité des voies de circulation ; c'est vrai aussi pour l'Etat s'agissant des routes nationales, c'est vrai pour les conditions de vie dans tel ou tel domaine. Dans ces conditions, y aura-t-il, à l'intérieur de l'Institut, une véritable association de tous les acteurs qui ont une responsabilité dans les décisions ?

M. François de PAILLERETS - La coordination est le maître mot en matière de santé publique. Les efforts de prévention sont beaucoup plus importants et plus nombreux que l'on croit, mais il est vrai qu'il convient également de maîtriser un risque. La santé fait intervenir de nombreux facteurs, et pas seulement médicaux, mais il faut veiller à ce qu'à vouloir trop embrasser, on n'étreigne mal. Si l'on n'a pas une capacité de coordination importante, que ce soit au niveau national -je crois là qu'un institut devrait avoir une puissance plus importante qu'une association de 1901- ou que ce soit au niveau local -et je pense que les délégations régionales de l'Institut national doivent avoir ce rôle de coordination-, on n'aura guère progressé.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Justement, vous venez d'expliquer que ces instances régionales et départementales allaient rester sous forme associative. Elles seront donc des émanations d'un institut établissement public, mais sous forme associative.

M. François de PAILLERETS - En un mot, les comités souhaitent effectivement conserver leur structure associative, et cela me paraît légitime et important, tandis que les délégations régionales serviraient d'interface entre l'Institut national, auquel elles appartiendront, les comités et les autres acteurs de la santé. Je crois que leur rôle sera essentiellement un rôle de coordination. Elles seront en tout cas extérieures aux comités.

M. Bernard ROUSSILLE - Les CRES et les CODES sont des associations dont l'on ne peut pas « d'en haut » décréter la dissolution. Pour que des délégations régionales se substituent aux comités régionaux, il faudrait que les comités régionaux acceptent de se dissoudre. J'ajoute que l'éducation à la santé a une dimension communautaire, qui mobilise la population autour de projets : la forme associative s'y prête bien, en permettant de mobiliser des bénévoles et des acteurs issus de différents secteurs. Elle est objectivement bien adaptée au sujet. De fait, les structures locales y tiennent, même si elles souffrent d'une précarité et d'une absence de reconnaissance. Je pense que nous progresserons dans une plus grande sécurité et une plus grande égalité d'accès par la notion de service public.

Effectivement, les délégations régionales sont pour nous des structures de coordination qui sont une interface avec un réseau qui subsiste.

M. Gérard DERIOT, rapporteur - Comment articuler la politique de prévention entre la Direction générale de la santé, le nouvel Institut, le Haut Conseil de santé et la Conférence nationale de santé ? Tout cela ressemble à un puzzle qu'il sera difficile d'assembler.

Mme Bernadette ROUSSILLE - Nous avons la préoccupation d'inscrire, dès sa naissance, l'Institut dans son environnement administratif, pour qu'il trouve sa place par rapport à la DGS, mais aussi au Fonds de prévention de la CNAM, et éventuellement par rapport à ce que fait l'éducation nationale. En revanche, le positionnement par rapport au Haut Conseil de santé et à la Conférence de santé ne me paraît pas difficile à régler dans le sens où ce sont des instances consultatives qui vont proposer des mesures au Parlement. Il faudra néanmoins veiller à ce que l'Institut ne devienne pas une instance de proposition supplémentaire de type « politique » ; si elle joue son rôle d'opérateur qui émet des avis sur des outils et des programmes, et non sur des politiques, il ne devrait pas y avoir d'interférence avec le Haut Conseil et la Conférence de la santé.

Il peut par contre y avoir des possibilités de duplications ou de malentendus avec la DGS, celle-ci pouvant vivre la création d'une agence supplémentaire comme la dépossession d'un certain nombre de programmes, en particulier dans le domaine de la prévention médicalisée, c'est-à-dire les actions de vaccination, de dépistage et de prophylaxie, qui n'étaient pas tellement traitées jusqu'ici par le CFES. Il est donc important que les choses soient suffisamment claires dès le départ et que l'Institut reste structuré par une thématique de l'éducation pour la santé et la création d'outils et de programmes dans le domaine de l'action ; s'y ajoutera de plus en plus une mission d'expertise, d'avis et d'accréditation. A cet égard, je voudrais vous dire que certains membres du conseil d'administration et nous-mêmes nous demandons parfois s'il est bien raisonnable de donner à un même organisme des missions dans le domaine de l'action et dans le domaine de l'évaluation et de l'accréditation. L'Institut, pour ne pas être accusé d'être juge et partie, devra être très vigilant du point de vue de l'organisation interne.

Notre préoccupation est assez grande vis-à-vis de la CNAM et du Fonds national de prévention. Du point de vue du financement, le rapport de l'Assemblée nationale indique que le FNPEIS apportera la dotation globale de l'Institut, qui est évaluée à 415 millions de francs, chiffre qui coïncide avec ce que nous avons prévu. La loi fait par ailleurs référence à une dotation globale versée par l'assurance maladie, mais qui semble référer au budget du risque. Qu'en est-il ? Si c'est, comme je le crois, le risque qui va payer, le Fonds de prévention conservera son budget : qu'adviendrait-il alors des grandes campagnes ? Le Fonds de prévention continuera-t-il à en mettre en place et à avoir des grands programmes ? A qui s'adressera-t-il ? Je pense qu'il est important de clarifier cette situation, sans doute par le biais de contacts entre le ministère et la CNAM, éventuellement au niveau du décret. C'est en tout cas l'un de nos gros soucis, d'autant que la CNAM, finançant actuellement les campagnes organisées par le CFES sur programmes, est en mesure de les contrôler. Au titre de la dotation globale, cette possibilité sera pour elle réduite.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Le fil rouge qui nous conduit, dans le cadre du projet en cours, concerne l'aléa médical. Comment votre organisme se positionne par rapport à l'aléa médical ? On demande maintenant aux patients d'avoir une responsabilité économique et d'avoir une responsabilité juridique, puisqu'il doit prendre conscience des risques. On lui demande aussi d'accueillir l'information. En tant qu'organisme de communication et d'éducation, comment réagissez-vous à un texte qui traite des risques et de l'aléa médical ?

M. François de PAILLERETS - Nous n'avons pas de réflexion et de propositions spécifiques dans ce domaine. Il est vrai que nous devrons inventer une pédagogie et une éducation de la responsabilité et du risque. C'est une raison pour souhaiter que l'éducation pour la santé ait davantage de moyens et de capacités. Au-delà de ces déclarations d'intention, je ne puis vous apporter de réponses.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - La question n'est donc pas encore entrée dans les moeurs !

M. François de PAILLERETS - Ces problèmes ne sont pas encore formalisés et bien concrétisés. Ce problème n'est pas encore entré dans le champ de la santé de manière précise.

Mme Bernadette ROUSSILLE - De la même manière, nous sommes en retard en matière d'éducation thérapeutique. Nous avons pris conscience qu'il fallait faire de la pédagogie du risque, mais nous ne sommes pas encore bien outillés pour faire de la pédagogie du risque thérapeutique.

M. Guy FISCHER - Je constate que les moyens du CFES ont été en constante progression au cours de la dernière période, tant du point de vue des hommes que des moyens financiers. Je souhaiterais savoir si le CFES est bien à l'origine de la campagne portant sur l'alcoolisme et les accidents routiers.

Mme Bernadette ROUSSILLE - Nous avons effectivement initié cette campagne.

M. Guy FISCHER - Vous avez mis l'accent sur le fait que le projet de loi reconnaissait l'éducation à la santé comme une mission de service public. Sur des thèmes très difficiles comme la contraception, il est clair que le manque de volonté affirmée a conduit à certaines situations posant question, et notamment du point de vue des comportements des jeunes femmes. Nous savons qu'en matière d'éducation et de prévention, la médecine scolaire, dans notre pays, mérite des moyens supplémentaires. On peut douter que le ministère de l'éducation mette véritablement en oeuvre des moyens qui sont aujourd'hui apportés par les collectivités territoriales, notamment dans l'enseignement pré-élémentaire et élémentaire.

Dans le cadre de votre changement de statut, il semble que vous ayez une inquiétude par rapport au financement de l'Institut.

Mme Bernadette ROUSSILLE - Nous ne sommes pas inquiets en termes de niveau, mais en termes d'organisation. Nous nous demandons qui paiera quoi. En revanche, le nouveau système de dotation globale sécurisera notre fonctionnement.

M. Guy FISCHER - Est-il possible de passer à un palier supérieur si, dans le même temps, les moyens supplémentaires ne sont pas accordés, au niveau de l'éducation nationale ou de la participation des professionnels de santé ? Les enseignants ne pourront pas tout faire et l'on peut se poser la question du rôle amplifié de la médecine libérale. Finalement, en quoi cette nouvelle structure contribuera-t-elle à la mise en oeuvre d'une véritable politique d'éducation pour la santé ?

M. François de PAILLERETS - La question des moyens ne m'inquiète pas outre mesure, à condition qu'ils soient clarifiés. Je suis davantage préoccupé par le potentiel de formation. Notre pays n'a pas encore le potentiel de formation nécessaire pour sensibiliser et apprendre aux différents acteurs, enseignants ou personnels de santé, ce qui ne s'improvise pas. Je crains ensuite qu'à vouloir faire trop de choses, on ne fasse guère de choses. Je souhaite que l'éducation pour la santé soit le noyau dur de ce futur Institut pour au moins quelques années.

M. André LARDEUX - Quelle est la part apportée par le privé et les collectivités locales dans vos ressources ?

Mme Bernadette ROUSSILLE - Les partenariats privés nous apportent environ 100.000 francs de ressources et les ventes de document contribuent à 5 % de nos ressources. Les collectivités locales ne participent pas au financement du CFES, mais interviennent au niveau du réseau, avec une part de l'ordre de 30 % dans les ressources des comités. Certains comités sont d'ailleurs très liés aux conseils généraux.

M. LE PRESIDENT - D'où viennent les 350 millions de francs de budget du CFES ?

Mme Bernadette ROUSSILLE - 65 % proviennent de la CNAM et le solde nous est versé par la DGS et par la MILDT. Sur cette somme, plus de 280 millions sont affectés aux programmes qui nous sont imposés dans le cadre des financements.

M. André LARDEUX - Votre transformation en établissement public conduira peut-être les collectivités locales à modifier leurs relations avec vous et à se désengager.

Mme Bernadette ROUSSILLE - Les comités départementaux et régionaux comptent garder la forme associative et espèrent garder la confiance de leurs financeurs habituels. D'ailleurs, bon nombre de leurs actions s'inscrivent dans des projets locaux.

M. LE PRESIDENT - Je vous remercie, monsieur le président, madame la déléguée générale, d'avoir accepté de participer à nos auditions.

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