B. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

1. Les évolutions institutionnelles et politiques

a) La mise en oeuvre du nouveau statut

Voici désormais plus de deux ans que le nouveau statut , instauré par deux lois du 12 avril 1996 , l'une organique, l'autre simple complétant la première, renforçant l'autonomie et modernisant le fonctionnement des institutions de la Polynésie française est entré en vigueur. Ses nouvelles dispositions reçoivent progressivement leur pleine application.

Ainsi sont mises en oeuvre les compétences élargies dont le territoire a été doté :

- en matière de transports aériens internationaux : le président du gouvernement de la Polynésie française a signé un accord avec l'Australie le 21 février 1997 pour permettre le développement des relations aériennes régionales et le conseil des ministres de la Polynésie française a approuvé le 1er avril 1998 les programmes d'exploitation et les tarifs proposés par les compagnies Quantas, AOM et Air France ;

- dans le domaine diplomatique : en application de l'article 40 de la loi organique du 12 avril 1996, le président du gouvernement de la Polynésie française a signé les trois protocoles additionnels au traité de Rarotonga établissant une zone exempte d'armes nucléaires dans le Pacifique sud ;

- en matière de domaine public maritime : en application de l'article 7 de la loi organique, l'assemblée de la Polynésie française a adopté, le 20 février 1997, une délibération réglementant l'exploitation des ressources de la mer territoriale et de la zone économique exclusive ;

- la commission paritaire de concertation entre l'État, le territoire et les communes instaurée par l'article 91 de la loi organique, réunie pour la première fois le 29 août 1997, a examiné une série de dossiers consacrés à l'éducation, l'adduction d'eau, le traitement des déchets, l'assainissement, la circulation routière et le développement des archipels. Elle s'est réunie à nouveau les 14 et 26 novembre 1997 et le 25 juin 1998 pour débattre de l'alimentation en eau potable des communes et des cantines scolaires ;

- en application de l'article 96 de la loi organique, le territoire a signé le 28 janvier 1998 une convention d'assistance financière avec la commune de Nuku Hiva aux Marquises pour la réalisation de travaux d'adduction d'eau. Le territoire a par ailleurs créé une délégation au développement des communes ayant pour objet d'instruire les projets d'équipement des communes auxquels il apporte sa participation financière ;

- en matière de sécurité civile , un groupe de travail a été mis en place pour définir les modalités de mise en oeuvre des dispositions statutaires concernant la gestion des risques majeurs et des catastrophes naturelles et la coordination des moyens ;

- concernant les deux procédures, l'une administrative (article 113), l'autre juridictionnelle (article 114), prévoyant la saisine pour avis du Conseil d'État sur les actes soulevant une question de répartition des compétences , le décret n° 97-30 du 13 janvier 1997 a précisé les conditions d'application des dispositions statutaires.

Trois dossiers ont depuis lors fait l'objet de la procédure de l'article 113 dans les matières suivantes : réglementation des jeux de hasard proposés pendant la durée et dans l'enceinte des fêtes foraines ou traditionnelles (compétence territoriale pour fixer les règles applicables aux loteries autres que celles relatives au contrôle de leur installation et de leur fonctionnement, qui relèvent de la compétence de l'État), recherche et constatation des infractions à la réglementation territoriale pour la protection des végétaux (compétence de l'État), création du service d'assistance et de sécurité du territoire chargé d'une mission de police et délivrance des autorisations de port d'arme aux agents de ce service (compétence de l'État).

Quatre autres dossiers ont donné lieu à l'application de l'article 114 à l'occasion de recours portés devant le tribunal administratif de Papeete sur les sujets suivants : compétence du service territorial des affaires sociales en matière d'adoption (compétence territoriale), légalité des mesures de saisie et d'exécution d'office opérées par les agents habilités et assermentés du service d'hygiène et de salubrité publiques dans le cadre d'une police sanitaire (compétence de l'État), fixation du taux d'alcoolémie dans le sang en matière de sécurité routière (compétence de l'État), création de groupements d'intérêt public (compétence de l'État).

L'ensemble du dispositif statutaire fonctionne de façon satisfaisante , permettant une meilleure sécurité juridique dans la mise en oeuvre de la répartition des compétences et une concertation plus efficace des différents acteurs en vue du développement économique du territoire. En dépit du caractère récent de ce nouveau statut renforçant l'autonomie de la Polynésie française, une nouvelle évolution pourrait être demandée au cours des prochains mois dans le prolongement de ce qui a été adopté pour la Nouvelle-Calédonie. Une telle éventualité est d'ailleurs inscrite dans l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie qui concluait : " Une démarche analogue pourra être suivie afin de favoriser l'évolution institutionnelle d'autres territoires d'outre-mer. "

b) Le paysage politique polynésien

Le renouvellement de l'assemblée de la Polynésie française intervenu le 12 mai 1996 , avait confirmé une certaine bipolarisation du paysage politique polynésien, le Tahoeraa, parti de M. Gaston Flosse, président du gouvernement de la Polynésie française, ayant obtenu la majorité absolue avec 22 sièges sur les 41 composant l'assemblée (contre 18 précédemment) et le Tavini, parti indépendantiste présidé par M. Oscar Temaru, ayant plus que doublé le nombre de ses élus territoriaux en emportant 10 sièges (contre 4 auparavant).

Le tribunal administratif de Papeete a cependant annulé le 25 mars 1997 les opérations électorales dans deux des cinq circonscriptions de la Polynésie française, celle des îles Sous-le-Vent (8 conseillers) et celle des îles Marquises (3 conseillers). Le Conseil d'État ayant confirmé en appel les deux décisions d'annulation le 18 février 1998, un décret du 5 mars a convoqué les électeurs de ces circonscriptions pour un renouvellement partiel le 24 mai.

Aux Marquises, les trois conseillers dont l'élection avait été invalidée (deux appartenant au Tahoeraa et un membre du parti marquisien) ont été réélus. Aux îles Sous-le-Vent, le Tahoeraa a remporté 6 des 8 sièges à pourvoir, soit un gain d'un siège par rapport à 1996, le Tavini obtenant 2 sièges. A l'issue de ce scrutin, le Tahoeraa conserve la majorité absolue à l'assemblée de la Polynésie française avec 25 sièges dont un apparenté.

M. Gaston Flosse , président du gouvernement de la Polynésie française et maire de Pirae, a par ailleurs été élu sénateur de la Polynésie française au mois de septembre, M. Daniel Millaud ne se représentant pas.

2. Le décollage de l'économie polynésienne et les concours financiers de l'État

a) Une situation économique encourageante

Après la fermeture définitive des deux sites d'essais nucléaires de Mururoa et Fangataufa intervenue au cours de l'été 1998 , la source de transferts financiers que constituait le fonctionnement du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) (versements au budget du territoire correspondant aux taxes de nature douanière frappant les matériels introduits en Polynésie ; commandes passées à des entreprises locales ; emplois procurés à des personnels locaux bénéficiant souvent, de ce fait, d'une formation professionnelle ; retombées, pour l'économie locale, des rémunérations versées aux personnels d'origine métropolitaine résidant temporairement en Polynésie) est désormais tarie. Entre les mois de juillet 1966 et juillet 1995, la France aura effectué 193 essais nucléaires dont 137 essais souterrains. A la suite de l'arrêt complet annoncé le 29 janvier 1996, la France a été, avec la Grande-Bretagne, le premier pays doté d'armes nucléaires à ratifier le traité d'interdiction.

Les autorités polynésiennes ont dès lors entrepris, avec le concours de l'État, d'élaborer un plan stratégique de développement et de diversification de l'économie.

Concernant les activités tournées vers l'exportation , l'effort porte essentiellement sur les produits de la mer. La production et la commercialisation de la perle noire sont ainsi en croissance continue : premier poste à l'exportation, les revenus procurés à la Polynésie par cette activité ont plus que triplé entre 1991 et 1997. La pêche hauturière se développe également mais l'insuffisance des infrastructures portuaires et de fret aérien constituent des freins sérieux à son développement. L'Institut d'Émission d'Outre-mer (IEOM) souligne cependant " la naissance d'une véritable industrie locale d'exportation de poissons frais et congelés " en indiquant que la Polynésie a exporté au cours des neuf premiers mois de l'année 1997 712 tonnes de poissons, soit autant que pendant les cinq dernières années. Dans le secteur agricole, la recherche d'une valorisation des productions traditionnelles telles que le coprah et le monoï doit être complétée par des productions nouvelles (fruits, jus de fruits, fleurs). Le " nono " en particulier, fruit polynésien destiné à la fabrication d'un poisson vitaminé et diététique, est très apprécié des Américains dont la demande ne cesse de croître.

L'IEOM note par ailleurs une reprise de l'activité touristique (augmentation de 35% du taux de fréquentation de la petite hôtellerie et des pensions de famille) et du secteur du bâtiment et des travaux publics . Avec la fin des essais nucléaires et grâce à l'amélioration du parc hôtelier et des capacités de transports intérieurs, 180.000 visiteurs ont séjourné sur le territoire en 1997. Il souligne également les bons résultats obtenus par les exportations polynésiennes qui ont augmenté de 16% en volume et de 34% en valeur.

b) Le soutien financier de l'État lié à la fermeture du Centre d'Expérimentation du Pacifique (C.E.P.)

L'arrêt définitif des essais nucléaires en janvier 1996 et la fermeture du C.E.P. ayant mis un terme aux transferts financiers induits, le principe d'une compensation financière devant permettre à l'économie polynésienne d'organiser sa reconversion a été décidé et une convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française a été signée le 25 juillet 1996 entre le Premier ministre et le président du gouvernement de la Polynésie française, fixant à 990 millions de francs le montant du versement annuel devant bénéficier pendant dix ans au territoire. Cette somme se décompose en trois enveloppes, la somme forfaitaire annuelle étant répartie de la façon suivante pour 1997 :

- le versement compensatoire des pertes de recettes douanières résultant de la fermeture du C.E.P. atteint 223,52 millions de francs ;

- la deuxième enveloppe, tendant à compenser la disparition de l'activité de formation que le centre dispensait aux personnels recrutés au titre du service militaire adapté (SMA), s'élève à 57,3 millions de francs ;

- les dépenses induites par la fermeture du CEP (démantèlement des installations, indemnités de départ octroyées au personnel qui avait été recruté localement ...) ont atteint 552 millions de francs en 1997. Vient s'y ajouter une somme de 157,3 millions de francs correspondant au solde de la compensation, consacrée à l'alimentation d'un fonds de reconversion d'aide à la création et au développement d'activités pourvoyeuses d'emplois, en particulier dans les domaines du tourisme, de l'agriculture et du logement.

Un comité de gestion du fonds de reconversion , co-présidé par le haut-commissaire et le président du gouvernement de la Polynésie française, a été mis en place le 15 juillet 1997 et un délégué au développement économique et social de la Polynésie française a été nommé.

En outre, un programme stratégique pour le renforcement de l'autonomie économique polynésienne a été établi par le territoire en concertation avec l'État et publié au Journal officiel du territoire le 11 août 1997. Il repose sur cinq grandes orientations : créer un environnement macro-économique favorable au développement du secteur productif ; développer les infrastructures nécessaires à la mise en oeuvre et au fonctionnement de ce secteur ; maintenir une cohésion sociale en répondant au défi du chômage et de la pénurie d'habitat social ; assurer la cohérence des actions menées par le territoire et les communes ; garantir les conditions d'un développement géographique équilibré dans l'ensemble des archipels.

L'ensemble des mesures, arrêtées d'un commun accord entre l'État et le territoire, doivent permettre d'organiser la mutation économique de la Polynésie française. Les premières actions envisagées sont : l'aménagement du port de pêche de Papeete, l'assainissement de Moorea, le réaménagement du port et du centre ville d'Uturoa à Raiatea, l'assainissement de Bora-Bora, l'aménagement d'aéroports à Ravaivae et Rapa aux Australes, l'extension des aéroports d'Hiva-Oa et de Ua Pou aux Marquises, le développement d'une base de pêche aux Marquises et l'amélioration de la route reliant l'aéroport de Terre déserte à Taiohae à Nuku-Hiva.

c) La poursuite de la politique contractuelle

Le dispositif contractuel relatif à la Polynésie française résulte du contrat de développement du 2 mai 1994 , conclu entre l'État et le territoire en application de l'article 8 de la loi n° 94-99 du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, et du contrat de ville concernant la zone urbaine de Papeete conclu le 30 août 1994 et inclu dans le contrat de développement. La durée d'exécution de ces contrats a été portée de cinq à six ans en vertu de la décision d'étalement sur une année supplémentaire de l'ensemble des engagements pluriannuels de l'État intervenue au cours de l'été 1997.

Ce contrat de développement s'articule autour de trois programmes d'intervention d'un coût total sur la période de 3.012 millions de francs , dont 1.507 millions de francs à la charge de l'État (683 millions de francs sur le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer) : le développement économique, en particulier dans les domaines du tourisme, de l'agriculture et de la formation professionnelle ; l'équipement du territoire et le désenclavement des archipels ; l'insertion sociale.

Au 31 décembre 1997, le taux d'engagement financier s'élevait à 59,5%. La relative faiblesse de ce taux est due, en partie, au retard pris sur les opérations concernant le logement social. Selon les informations délivrées par le secrétariat à l'outre-mer, les problèmes techniques à l'origine de ce retard auraient été résolus en 1998. Des discussions devraient s'engager cette année pour l'élaboration d'un nouveau contrat de développement.

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