CHAPITRE II
LES QUESTIONS NUCLÉAIRES

Au cours de l'année 1998 , les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire avaient été particulièrement affectés par "l'encoche" pratiquée dans le budget d'équipement de la Défense , puisqu'ils avaient diminué de 13 % et se situaient en retrait de 2,3 milliards de francs par rapport au niveau prévu par la loi de programmation .

Cette ponction importante sur le budget du nucléaire avait entraîné un certain nombre d'aménagements et de décalages dans le déroulement des programmes.

La "revue de programmes" a poursuivi dans la même voie, dégageant sur les quatre années 1999-2002 une économie de 3,4 milliards de francs sur le budget nucléaire militaire, provenant à la fois d'une optimisation des programmes SNLE-NG et M 51 et de réductions conséquentes dans les crédits de maintien en condition opérationnelle et d'études amont.

De ce fait, pour 1999, les crédits consacrés au nucléaire se situeront à un niveau inchangé -16,6 milliards de francs - par rapport à 1998, niveau encore inférieur de 2 milliards de francs à celui qu'avait prévu la loi de programmation.

Ces crédits atteindront leur niveau historiquement le plus bas alors que les évolutions survenues au plan international, en particulier les essais nucléaires réalisés par l'Inde et le Pakistan, ont montré les faiblesses du régime de non-prolifération et renforcent aux yeux de votre rapporteur, l'obligation qui pèse sur notre pays de mener à bien la modernisation de sa force de dissuasion, tant en ce qui concerne les composantes elles-mêmes que le programme de simulation, qui garantira la fiabilité et la sûreté des armes futures.

I. L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE INTERNATIONAL : UN HORIZON INCERTAIN

En réduisant ses forces nucléaires et en renonçant à ses capacités d'expérimentation, la France s'est volontairement inscrite dans une perspective, ouverte par la fin de l'affrontement Est-Ouest, de désarmement nucléaire et de lutte contre la prolifération.

A la suite des essais réalisés par l'Inde et le Pakistan, mais aussi au regard de la permanence des risques liés à la prolifération, force est de constater que ce mouvement se heurte à de sérieuses résistances.

A. LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE : UN PROCESSUS QUI AVANCE A PAS COMPTÉS

La question du désarmement nucléaire reste dominée par la réduction des arsenaux nucléaires américain et russe qui marque le pas, compte tenu de l'absence de ratification de l'accord Start II.

Le Royaume-Uni et la France, dont les arsenaux ne sont en rien comparables, ont pris des mesures unilatérales significatives, alors que la Chine semble demeurer à l'écart de toute logique de désarmement.

1. Les difficultés du processus russo-américain START

La poursuite de la mise en oeuvre des accords américano-russe START reste aujourd'hui suspendue à la ratification, en attente devant la Douma, de l'accord START II.

Rappelons que l'accord START I, signé en 1991, avait fixé le plafond des armes nucléaires stratégiques des deux pays à 6 000 têtes nucléaires. Sa mise en oeuvre s'est poursuivie selon le calendrier prévu, ce qui devrait permettre d'atteindre les objectifs de réduction à l'horizon 2003, grâce notamment à l'aide financière occidentale. Les armes nucléaires stratégiques situées en Ukraine, en Biélorussie et au Kazakhstan ont été transférées à la Russie qui prend en charge leur démantèlement.

Signé en 1993, l'accord Start II prévoit une nouvelle réduction, de l'ordre de la moitié par rapport à Start I, des armes stratégiques. Le retard pris dans la ratification de Start II a d'ores et déjà entraîné une modification du calendrier, lors du sommet d'Helsinki en mars 1997. Les échéances de mise en oeuvre ont été reculées, si bien que la première phase, au cours de laquelle le plafond du nombre total de têtes déployées doit être ramené à 4 250, s'achèverait en 2004, la seconde phase s'achevant en 2007 avec un abaissement des plafonds à 3 000 pour la Russie et à 3 500 pour les Etats-Unis. Par ailleurs, l'ensemble des têtes nucléaires des missiles stratégiques devant être éliminées à la fin 2007 devront être désactivées à la fin 2003.

Depuis plusieurs mois, la mise en oeuvre du Start II est subordonnée à sa ratification par la Douma russe. Il en va de même du protocole adopté à Helsinki en 1997 portant sur la désactivation des têtes nucléaires. Déjà problématique, cette ratification apparaît aujourd'hui plus improbable encore, du moins à brève échéance, compte tenu de l'évolution de la situation intérieure russe.

Le blocage de Start II éloigne également la perspective de la négociation d'un accord Start III, envisagé lors du sommet d'Helsinki, qui prévoit un nouveau palier de têtes nucléaires déployées de l'ordre de 2 000 à 2 500 et qui pourrait également permettre d'aborder des thèmes jusqu'alors écartés des accords antérieurs, comme les missiles de croisière navals de longue portée et les missiles tactiques.

Dans ces conditions, la dynamique du désarmement bilatéral américano-russe paraît pour le moment interrompue.

2. La Chine demeure à l'écart de la réduction des arsenaux nucléaires

La question de l'arsenal nucléaire chinois est jusqu'à présent peu abordée, éclipsée qu'elle était par l'écrasante prépondérance des arsenaux américain et russe et par l'acuité des enjeux nucléaires sur le continent européen.

Avec les essais nucléaires indiens et pakistanais, et l'éclairage donné sur la prolifération nucléaire et balistique en Asie, la question de l'arsenal nucléaire chinois devrait susciter un intérêt plus marqué.

Par sa dimension, cet arsenal n'est en rien comparable à celui des deux grandes puissances puisqu'il se composerait d'environ 500 têtes nucléaires et se rapprocherait donc des arsenaux britannique et français. Il convient cependant de souligner que d'une part les informations concernant les forces nucléaires chinoises échappent pour le moment à tout souci de transparence et que d'autre part, à la différence des quatre autres puissances nucléaires, la Chine semble rester à l'écart de toute réduction de son dispositif nucléaire, dont elle augmente au contraire les capacités .

3. Les initiatives unilatérales britanniques et françaises

Face à la lenteur du désarmement nucléaire russe, dans le domaine des missiles stratégiques et surtout celui des missiles tactiques, et au maintien, voire même à l'augmentation de l'arsenal chinois, la France et le Royaume-Uni se caractérisent par une participation active au processus de désarmement.

S'agissant de la France, cette politique s'est traduite par le démantèlement des missiles "préstratégiques" Hadès et des missiles sol-sol stratégiques du plateau d'Albion, par la fermeture du centre d'expérimentation du Pacifique, l'arrêt de la production de matière fissile à des fins militaires et la réduction à 4 SNLE-NG de la composante sous-marine.

Quant au Royaume-Uni, il a éliminé dès 1991 les armes nucléaires tactiques embarquées sur des bâtiments de la Marine et procède depuis cette année au démantèlement de sa composante aéroportée, pour ne conserver qu'une composante sous-marine s'appuyant sur 4 SNLE de classe Vanguard. Selon les conclusions de la revue de défense rendues publiques en juillet, le nombre de têtes nucléaires déployées devrait être réduit de près de moitié et ramené en dessous de 200 à l'horizon 2000.

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