C. LE PROGRAMME RELATIF À L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE

Votre rapporteur pour avis approuve le plan de développement de l'agriculture biologique mis en place par le Gouvernement en décembre 1997.

Ce programme étant largement détaillé dans l'avis sur les industries agro-alimentaires, votre rapporteur renverra le lecteur au rapport de notre collègue M. Marcel Deneux sur ce sujet.

D. LE DOSSIER DES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

L'année 1997 a débuté dans un contexte relativement confus. La Commission européenne, secouée par l'affaire de la vache folle, venait d'accorder son autorisation au maïs Bt à la suite de nombreuses polémiques et après avoir pris toutes ses précautions en consultant trois comités scientifiques. Certaines personnalités, dont Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture français, ont toutefois fait remarquer que cette décision, en intervenant un mois avant le vote définitif du règlement " Nouveaux aliments ", semblait prématurée. Ce règlement visait, en effet, à imposer un étiquetage des aliments OGM ou issus d'OGM 11( * ) .

La France a ainsi notifié la décision de la commission permettant alors la commercialisation du maïs sur le territoire français. Cependant, afin de garantir une information aux consommateurs, notre pays a aussi publié un avis destiné aux opérateurs, leur spécifiant qu'un étiquetage des produits était nécessaire. Cet avis concernait uniquement le territoire national.

Le 12 février 1997, le Conseil des ministres français a interdit la mise en culture de ce maïs en France. Les producteurs de maïs ont alors manifesté leur indignation en soulignant la distorsion de concurrence créée par cette décision.

La situation n'en était pas moins confuse au moins européen.

L'Autriche, l'Italie et le Luxembourg ont refusé d'importer du maïs transgénique et sont ainsi attiré les réactions de la commission. A ce jour, ces pays maintiennent leur décision.

Si le règlement " Nouveaux Aliments " a été enfin voté par le Parlement européen le 27 janvier -règlement n° 258-97-, les conditions et modalités de l'étiquetage n'y étaient pas définies, ce qui rendait son application difficile à la date prévue du 15 mai. Il ne s'appliquait, d'autre part, ni aux aliments déjà présents sur le marché comme le maïs Bt et la soja " Round up ready ", ni aux autres produits issus des OGM, comme les aliments du bétail et les produits non alimentaires.

Votre rapporteur pour avis ne reviendra pas de manière détaillée sur ce dossier, deux excellents rapports l'ayant abordé ces derniers mois 12( * ) . Il souhaite tout au plus constater la convergence d'appréciation entre ces deux documents. En effet, les conclusions des deux rapporteurs approuvent l'utilisation des OGM, mais sous de strictes conditions.

Rappelons, en outre, que l'INRA s'est récemment inquiété des conséquences du développement des plantes transgéniques pour les agriculteurs, évoquant la complexité des techniques culturales et le risque de dépendance accrue envers l'industrie.

1. La réglementation européenne en cours de clarification

Pour combler ces lacunes, la Commission a engagé des travaux sur plusieurs fronts.

Les points suivants ont été intégrés à la directive 90/220 régissant les autorisations de mise en marché des OGM : étiquetage des OGM afin de permettre une traçabilité en amont ; surveillance obligatoire des produits, assujettie d'une autorisation de sept ans ; remaniement de la procédure d'autorisation en ajoutant la consultation systématique d'un Comité scientifique.

Cette modification partielle de la réglementation précède une révision globale de la directive en cours d'examen.

2. Un étiquetage qui se précise

Votre rapporteur pour avis regrette les tergiversations européennes en matière d'étiquetage.

Les principes de l'étiquetage ont été définis au niveau communautaire par le règlement n° 258-97 sur les " nouveaux aliments et nouveaux ingrédients " du 27 janvier 1997, entré en vigueur le 15 mai 1997.

Le dispositif élaboré s'est avéré inapplicable en raison de l'absence de définition des critères permettant de classer les divers produits entre " équivalents " et " non équivalents ".

La décision du 26 mai 1998 a permis de mettre au point les décisions suivantes :

- suppression dans les modalités d'étiquetage de l'option " peut contenir des organismes génétiquement modifiés ", seules les mentions " contient " ou, facultativement quand la preuve scientifique est faite, " ne contient pas " étant prévues. La Commission prévoyait de rendre obligatoire cette option en cas d'incertitude sur la présence d'organismes génétiquement modifiés dans le produit final compte tenu de l'absence de ségrégation entre les plantes transgéniques et conventionnelles au moment de la récolte. Il apparaît que dans l'esprit du Conseil, cette suppression contraindra le producteur final à procéder, dans tous les cas, à une analyse du produit fini pour déterminer s'il existe ou non des traces de protéines ou d'ADN modifié. La question du seuil de détection reste toujours posée ;

- introduction du principe d'une liste d'aliments et ingrédients alimentaires à base de soja ou de maïs transgénique exemptés de l'obligation d'étiquetage spécifique, que la Commission sera chargée d'établir sur la base d'avis scientifiques.

Il convient de noter que c'est uniquement le principe de cette liste qui a été posé, celle-ci étant à l'heure actuelle vide ;

- allongement du délai d'entrée en vigueur du règlement porté à 90 jours après sa publication au Journal Officiel au lieu de 20 jours.

3. L'action du Gouvernement

Saisi du dossier en juin le Gouvernement de Lionel Jospin a engagé une consultation sur les OGM. Un renforcement des dispositifs d'information du public et d'évaluation des risques, ainsi que le respect du principe du " précaution " ont ainsi été retenus.

Le contrôle des plantes transgéniques sera effectué par la mise en place d'un dispositif de biovigilance pour les variétés autorisées. Ce dispositif permettra de suivre l'apparition d'éventuels risques comme le transfert des gènes de résistance à des plantes adventices proches, l'apparition de phénomène d'adaptation des populations de ravageurs comme les pyrales, le transfert de gène aux bactéries du sol...

Ce réseau permettra une collecte de données à partir des cultures en champs des plantes transgéniques. Cette collecte sera effectuée sous la responsabilité des services de la protection des végétaux et confiée pour l'analyse à un comité spécifique. Les résultats de cette surveillance pourront, éventuellement, remettre en cause les autorisations accordées.

Dans cet objectif, les pouvoirs d'investigation, de contrôle et de police des services de la protection des végétaux seront renforcés. Cette mesure nécessitera des dispositions d'ordre législatif complétant la loi de 1992.

Il sera, d'autre part, procédé au renouvellement de la Commission du génie biomoléculaire et à la modification de son fonctionnement, ceci afin de renforcer la participation des associations pour le respect de l'environnement et celle des représentants des consommateurs.

L'évaluation des risques sanitaires sera confiée à la future agence de sécurité sanitaire des aliments et un avis sera systématiquement demandé au ministre de la santé. Jusqu'alors, ce ministre n'était sollicité que pour les médicaments OGM. Cette disposition adapte, par ailleurs, à la nouvelle réglementation, l'évaluation précédemment réalisée par le comité supérieur d'hygiène publique.

L'information des citoyens a été assurée au cours d'une conférences de consensus organisée avec l'Office parlementaire d'évaluation scientifique et technologique qui a rendu ses conclusions au mois de juin dernier. D'autre part, une plus grande transparence de l'ensemble des procédures d'agrément est recherchée, notamment par la publication des avis des Commissions scientifiques.

Enfin, un étiquetage précis des produits alimentaires sera mis en place. En l'occurrence, le Gouvernement retient quatre mentions d'étiquetage " génétiquement modifié ", " issu d'OGM ", " OGM ", " modifié par les biotechnologies modernes ".

Les ingrédients tels que farine, protéines de soja et dérivés, extraits de fèves de soja contenant des protéines, farine de semoule de maïs, gluten de maïs, devront également être étiquetés.

D'une manière générale, ces orientations ont été établies en cohérence avec les dispositifs réglementaires européens en cours de discussion, et constituent la participation de la France au débat européen.

En vertu de ce principe, le Gouvernement a décidé l'autorisation de mise en culture de la variété du maïs Bt, ainsi qu'un moratoire pour les autres espèces végétales, jusqu'à ce que les études scientifiques aient démontré l'absence de risque pour l'environnement et que le débat public ait été achevé.

Cette décision bloque donc, pour l'instant, la culture de colzas et de betteraves transgéniques, plantes pour lesquelles les premières expériences montrent que les croisements avec plantes adventices existent.

Rappelons qu'au mois d'août, le Gouvernement a autorisé les maïs de Monsanto et d'Agr Evo tout en mettant en place un moratoire de deux ans sur le colza et la betterave (même sur les importations). Ce moratoire est d'ailleurs contesté par la Commission européenne.

Les organisations agricoles françaises ont fait part de leur satisfaction face à ces décisions, qui s'inscrivent globalement dans le cadre des principes qu'elles avaient elles-mêmes énoncées en juillet 1997.

A l'heure actuelle, les productions de maïs et de soja transgéniques se développent dans le monde. 25 % des surfaces cultivées en soja aux Etats-Unis l'ont été avec des variétés OGM. Par ailleurs, après les Etats-Unis, le Canada et l'Argentine, le Brésil a donné son autorisation au soja Round Up Ready. Cette situation impose donc que l'étiquetage européen des denrées soit opérationnel le plus rapidement possible, pour être applicable et crédible. Les pays producteurs considèrent en effet, cette réglementation comme un moyen de freiner les importations, et les Etats-Unis ont annoncé leur intention d'avoir recours à l'OMC.

La Communauté européenne se trouve donc contrainte d'avancer rapidement, afin de parfaire une réglementation exigée par ses consommateurs, avec la crainte de devoir la modifier face aux pressions internationales.

Soulignons que la récente décision du Conseil d'Etat de septembre dernier contribue à accentuer la confusion dans ce domaine.

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