II. EXAMEN DE L'AVIS

La commission a procédé, le mardi 28 novembre 1995, à l'examen du rapport de M. Jacques Machet, rapporteur pour avis des crédits en faveur des personnes handicapées ouverts par le projet de loi de finances pour 1996.

M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a indiqué que le budget de la politique en faveur des personnes handicapées s'élevait à 32,8 milliards de francs, soit 2,08 % du budget de l'État, contre respectivement 29,55 milliards et 1,99 % en 1995.

Sa progression est principalement imputable à celle de l'allocation aux adultes handicapés, ainsi qu'aux conséquences financières de la création de 2.750 places en centres d'aide par le travail.

M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a observé combien ce budget était émietté entre plusieurs ministères.

Il a indiqué que la nomination d'un seul ministre, chargé à la fois du travail et des affaires sociales ainsi que celle d'un délégué interministériel aux personnes handicapées, chargé de coordonner les actions ne pouvaient qu'être appréciées positivement.

Il a, ensuite, évoqué les crédits et les dispositions consacrés à l'insertion sociale.

L 'évolution des crédits de l'AAH résulte de deux facteurs évoluant en sens contraire : d'une part, les conséquences de la revalorisation intervenue au 1er juillet 1995 et l'évolution du nombre des bénéficiaires, soit 2,425 milliards de francs et, d'autre part, les effets attendus de l'application de l'article 95 de la loi de finances pour 1994, soit 400 millions de francs d'économie.

Mais il a souligné combien, selon les informations dont il disposait, cette économie apparaissait optimiste.

Par ailleurs, M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a noté l'importance de la montée en charge du complément d'autonomie, en nombre de personnes concernées (+ 32,86 %) et surtout en montants (+ 62,5 %).

Évoquant l'allocation compensatrice, il a mentionné l'aspect positif de la parution du décret du 6 mai 1995 sur la composition des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) qui est maintenant équilibrée entre représentants de l'État et du département. En revanche, le décret du 27 janvier 1995 sur l'effectivité de l'aide n'est pas apparu totalement satisfaisant dans la mesure où la volonté du législateur semble n'avoir pas été totalement respectée.

M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a ensuite examiné la situation des personnes handicapées dans les établissements d'hébergement et celle des personnes qui bénéficient d'autres modes d'accueil.

Concernant les établissements, il apparaît que la circulaire du 27 janvier 1995 relative aux conséquences de l'amendement Creton n'a pas véritablement apporté de solution aux établissements concernés. D'autres problèmes restent insuffisamment traités comme celui posé par l'accueil des handicapés vieillissants avec l'insuffisance de places en maisons d'accueil spécialisé (MAS), ou celui des traumatisés crâniens ou encore par l'absence de places pour enfants gravement handicapés. De plus, 1995 n'a pas encore vu la publication d'un statut des foyers à double tarification, ni celle d'un texte législatif sur la répartition des compétences entre collectivités et organismes en matière de handicap.

En revanche, M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a observé un certain nombre de points positifs, comme l'instauration d'un plan quinquennal dans chaque région visant à mettre en oeuvre un réseau de prise en charge des autistes quel que soit leur âge, et la publication de circulaires relatives à l'intégration scolaire des préadolescents et adolescents handicapés.

Concernant les autres modes d'accueil, M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a regretté que la loi du 10 juillet 1989 n'ait pas connu le développement qu'elle aurait pu connaître.

M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a ensuite examiné l'évolution des crédits de l'insertion professionnelle.

Il a indiqué que les crédits en faveur des centres d'aide par le travail (CAT) croissent de 5,6 %, grâce notamment à la création de 2.750 places nouvelles.

Sur le plan du financement des CAT, il a observé que, dans le droit fil des conclusions du rapport conjoint de l'Inspection générale des Affaires sociales et Inspection générale des finances (IGAS-IGF) de novembre 1993, une procédure de réallocation des ressources plus juste et efficace, comprenant une renégociation des conventions avec les CAT et un examen des dépenses de fonctionnement « au premier franc » serait mise en oeuvre pour la campagne budgétaire 1996.

Il a indiqué que les différents crédits consacrés, en 1996, aux ateliers protégés évoluent d'une manière contrastée.

En effet, pour tenir compte de la création de 500 emplois pour 1996, les crédits destinés aux actions déconcentrées croissent de 3,6 %. En revanche, si les subventions d'investissement croissent bien, en crédits de paiement, de 15,62 %, les autorisations de programme baissent de 13,05 %.

M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a ensuite examiné l'évolution des crédits d'insertion en milieu ordinaire de production.

Il a regretté que les actions en direction du milieu ordinaire de production qui bénéficiaient déjà de moyens peu importants enregistrent une chute globale des montants qui leur sont affectés.

Il a aussi constaté la baisse d'un tiers des crédits consacrés aux équipes de préparation et de suite du reclassement professionnel (EPSR).

Ce désengagement de l'État est corrélé avec un accroissement de l'intervention de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH), menée dans le cadre de la convention État-AGEFIPH. Un des objectifs de cette convention est de couvrir l'ensemble du territoire avec au moins une EPSR par département et de remplir des contrats de placement.

Pour M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, cette initiative serait tout à fait louable, s'il n'y avait un glissement de la nature même de l'EPSR, de la tâche de préparation et de suivi de la personne très lourdement handicapée vers une tâche purement quantitative de placement. Ce phénomène semble tout à fait préoccupant même si l'on comprend le souci d'efficacité qui guide l'AGEFIPH.

Par ailleurs, l'AGEFIPH a réduit très significativement, à compter du 1er octobre, sa prime d'insertion, qui passe de 30.000 à 15.000 francs pour l'entreprise et de 30.000 francs à 10.000 francs pour la personne handicapée. Cette réduction obéit essentiellement à des considérations financières dans la mesure où les dépenses d'intervention ont été, en 1995, supérieures à la collecte de fonds.

M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a précisé qu'il serait particulièrement attentif aux conséquences de cette réduction du montant des primes à l'insertion. Il a indiqué qu'il examinerait si le cumul avec les aides existantes, en particulier le contrat initiative-emploi (CIE) sera de nature à compenser, pour les intéressés, la baisse de ces primes.

M. Alain Vasselle a estimé qu'il conviendrait de demander au ministre quelles sont ses intentions en matière de double tarification pour les foyers occupationnels.

Il a observé que les personnes handicapées rencontrent d'importantes difficultés pour trouver une entreprise qui accepte de les embaucher, les employeurs préférant le plus souvent payer une taxe que de leur donner leur chance d'insertion. Il a estimé qu'il conviendrait de mettre en place un dispositif d'insertion très incitatif

M. Jean Chérioux a évoqué les difficultés rencontrées par de nombreux petits établissements qui accueillent des personnes handicapées pour faire face aux charges financières nées de l'application de conventions collectives nationales.

Il a souligné le problème posé par l'accueil des handicapés vieillissants.

Il a interrogé le rapporteur sur le volume d'aide accordée aux personnes malades du Sida à travers le service de l'allocation aux adultes handicapés.

M. Jean Madelain a estimé que le rapporteur pour avis devrait demander au ministre de publier sans délai le décret concernant les foyers à double tarification. Il s'est interrogé sur l'ampleur des passages des meilleurs éléments des CAT vers les ateliers protégés, regrettant que les premiers freinent cette évolution normale du parcours des personnes handicapées.

M. Jean-Louis Lorrain a regretté l'existence d'une concurrence, notamment pour des marchés de sous-traitance, entre les CAT et des entreprises ou associations d'insertion.

Il a regretté les conséquences de l'augmentation du forfait hospitalier sur le revenu disponible des personnes handicapées hospitalisées.

Il a souligné les difficultés des familles pour faire face au coût des aides techniques aux personnes handicapées.

Mme Joëlle Dusseau a estimé que l'ensemble des besoins des personnes handicapées était loin d'être satisfait, qu'il s'agisse d'hébergement, d'activité professionnelle aidée ou d'insertion. Elle a souligné l'inadaptation des réponses trop globales, compte tenu de la diversité des problèmes du handicap.

Elle a souligné l'importance du nombre de nouvelles places en CAT, même si elle a regretté que leur financement ne soit peut être pas suffisant. Elle a demandé au rapporteur pour avis si l'on connaissait l'ampleur des besoins. Elle s'est également interrogée sur l'opportunité du dépôt d'un amendement tendant à mieux contrôler l'effectivité de l'aide par une tierce personne pour le versement de l'allocation compensatrice.

M. Georges Mazars a regretté que l'effort budgétaire devant permettre la création de 2.750 places de CAT ne soit pas assez important.

Il a rappelé que les personnes handicapées devraient parfois attendre un an avant de trouver une place en CAT. Il a souligné les effets pervers de l'insuffisance du nombre de places et en particulier un recrutement de plus en plus sélectif dans les CAT.

Il a fait part de sa vive inquiétude à la suite de la diminution des crédits des EPSR, et indiqué qu'elle pourra se traduire par des licenciements.

M. Bernard Seillier a demandé si la gestion de l'AGEFIPH pourrait être examinée par le Parlement lorsqu' 'il disposera de nouvelles compétences en matière de sécurité sociale.

M. André Vezinhet a souligné les difficultés de fonctionnement des COTOREP, et les retards dans l'instruction des dossiers qui peuvent aller jusqu'à deux ans.

Il a indiqué que les problèmes posés par le vieillissement des personnes handicapées ne sont pas résolus, l'accueil dans des maisons d'accueil spécialisées ne constituant qu'une réponse très partielle.

Il a estimé que le Gouvernement devrait prendre des mesures contraignantes en matière d'accessibilité des bâtiments et des transports publics.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a indiqué que le constructeur Renault avait finalement accepté de construire des autobus à plancher plat et que ceux-ci pouvaient désormais être acquis par les collectivités.

M. Jacques Machet, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il interrogerait le ministre sur la publication du décret sur les foyers à double tarification. Il a déclaré faire siens les propos des divers intervenants sur la nécessité de convaincre les employeurs d'embaucher des personnes handicapées sur le problème des handicapés vieillissants, sur les difficultés pour entrer dans un CAT, sur la compétition entre CAT et entreprises intermédiaires et sur les difficultés rencontrées par les petits établissements pour faire face aux dépenses de personnel résultant de l'application de conventions collectives.

Il a indiqué à M. Bernard Seillier que la réforme de la sécurité sociale ne donnerait pas de nouveaux pouvoirs au Parlement concernant l'AGEFIPH et a répondu à Mme Joëlle Dusseau qu'il se concerterait avec M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis des personnes âgées, sur l'amendement concernant l'allocation compensatrice.

La commission a émis, sur proposition de son rapporteur pour avis, un avis favorable à l'adoption des crédits en faveur des personnes handicapées.

Mesdames, Messieurs,

Le budget de la politique en faveur des personnes handicapées, tel que votre rapporteur a pu le collationner à partir des éléments qui figurent dans le projet de loi de finances pour 1996, s'élève à 32,8 milliards de francs, soit 2,08 % du budget de l'État, contre respectivement 29,55 milliards et 1,99% en 1995. Il progresse donc fort sensiblement de 2,729 milliards de francs et de 9,8 % par rapport à l'an passé et accroît, par la même occasion, son poids dans le budget de l'État.

Cette hausse considérable est principalement imputable à l'accroissement de plus de 10 % de l'allocation aux adultes handicapés du ministère de la solidarité entre les générations à cause de l'effet report dû à l'accroissement de 2,8 % au 1er juillet 1995, du minimum vieillesse sur lequel est alignée cette prestation ainsi qu'aux conséquences financières de la création de 2.750 places en centres d'aide par le travail, destinées, en partie, à pallier les difficultés rencontrées du fait de l'application de l'amendement Creton.

Comme de coutume, et plus encore qu'à l'habitude, il convient de remarquer combien ce budget est, en fait, la synthèse de multiples actions provenant de nombreux ministères. Cette impression est encore accrue cette année dans la mesure où la scission intervenue dans le ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, a conduit à intégrer dans les chapitres budgétaires consacrés au ministère de l'Intégration et de la Ville, un article sur le centre de formation des enseignants intervenant auprès des jeunes sourds, alors même que tous les crédits relatifs aux jeunes sourds et aveugles se trouvaient situés au sein du ministère de la solidarité entre les générations. De plus, la création du fonds interministériel pour l'accessibilité des personnes handicapées des bâtiments anciens, ouverts au public, et qui appartiennent à l'État a ajouté à la dispersion des crédits dans la mesure où ce fonds figure dans les charges communes du ministère de l'Économie et des Finances. Enfin, le ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, pour la part d'allocation aux adultes handicapés qui lui revient et surtout le ministère du Travail, du Dialogue social et de la Participation, interviennent pour une part non négligeable des crédits. Aux ministères précités s'ajoutent ceux chargés de la Fonction Publique, de l'Éducation Nationale pour les CDES, de l'Équipement, des transports et du logement pour l'accessibilité qui sont également concernés par ce budget. La multiplicité de ces intervenants ne peut que nuire à la lisibilité de la politique suivie en ce domaine.

A cet égard, la nomination d'un seul ministre, chargé à la fois du travail et des affaires sociales ainsi que celle d'un délégué interministériel aux personnes handicapées, chargé de coordonner les actions dans ce domaine ne peuvent être appréciées que positivement dans la mesure où la cohérence de cette politique, à laquelle le Président de la République, M. Jacques Chirac, a souhaité donner une nouvelle impulsion lors de son discours de Bort-les-Orgues du 1er juillet 1995, serait accrue.

Le budget de la politique en faveur des handicapés, compte tenu de l'émiettement de ses crédits, est articulé traditionnellement autour de deux pôles : d'une part, l'intégration sociale qui comprend l'évolution des prestations, la situation dans les établissements et dans les différents modes d'accueil et l'accessibilité à la ville et, d'autre part, l'insertion professionnelle, qu'elle concerne le milieu protégé ou le milieu ordinaire de production, qu'il s'agisse du secteur privé ou du secteur public.

Concernant l'insertion sociale, plusieurs faits importants sont à noter comme l'évolution très significative de l'allocation aux adultes handicapés sous l'effet mécanique de la revalorisation du 1er juillet 1995. Parallèlement, le report de la création d'une prestation dépendance a été déploré par l'ensemble des associations auditionnées par votre rapporteur car il laisse intact tous les problèmes actuels de dérive de l'ACTP et d'engorgement des COTOREP. Concernant les établissements, il apparaît que la circulaire du 27 janvier 1997 relative aux conséquences de l'amendement Creton n'a pas véritablement apporté de solution aux établissements concernés. D'autres problèmes restent insuffisamment traités comme celui des handicapés vieillissants, celui des traumatisés crâniens et celui de l'absence de places pour enfants gravement handicapés, ce qui conduit leurs parents à les placer en Belgique. De plus, 1995 n'a pas encore vu la publication d'un statut des Foyers à double tarification, de même qu'un texte législatif sur la répartition des compétences entre collectivités et organismes en matière de handicap. Concernant les autres modes d'accueil, il apparaît que la loi du 10 juillet 1989 n'a pas connu le développement qu'elle aurait pu avoir. En revanche, un certain nombre de points positifs sont à relever comme l'instauration d'un plan relatif à la prise en charge du syndrome autistique et la publication de circulaires relatives à l'intégration scolaire des préadolescents et adolescents handicapés.

Quant à l'insertion professionnelle, son évolution est marquée d'abord par l'évolution positive des crédits en ce qui concerne le milieu protégé. Celui-ci verra notamment la création de 2.750 places pour contribuer à régler les conséquences de l'amendement Creton. Il faut également noter que l'organisation budgétaire des CAT a été consacrée par la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social et que les situations de ces structures ont été remises à plat depuis l'an passé dans un souci d'équité. Quant aux ateliers protégés qui devraient bénéficier d'une aide budgétaire pour créer 500 emplois, la mission d'audit de septembre 1994 les concernant, doit inspirer un plan d'action en leur faveur qui devrait être bientôt annoncé. Concernant le milieu ordinaire, quatre faits saillants ont été retenus. Tout d'abord, les crédits consacrés aux Équipes de préparation et de suite du reclassement baissent fortement de plus de 18 millions de francs, soit 31 %. Ensuite, pour la première fois, les crédits d'intervention de l'AGEFIPH ont dépassé le montant des fonds collectés auprès des entreprises, ce qui l'a conduite à baisser les primes à l'insertion depuis le 1er octobre 1995. Enfin, si l'emploi des handicapés dans la fonction publique est tout à fait insuffisant et baisse même en pourcentage -les dispositions adoptées lors de la loi de février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social sont trop récentes, pour faire l'objet d'une évaluation- en revanche, le pourcentage de personnes handicapées dans les entreprises continue, mais, faiblement, à croître avec 4,06 % tout en n'atteignant pas le quota pourtant requis depuis 1992 par la loi.

C'est autour de ces deux volets, intégration sociale et insertion professionnelle que s'est articulée la réflexion de votre rapporteur.

Évolution des crédits de la politique en faveur des personnes handicapées

(en millions de francs)

T, D S et P : Ministère du travail, du dialogue social et de la participation

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page