C. QUELS TRANSFERTS DE CHARGES ?

1. Le recentrage des financements sur la nouvelle prestation

Comme il est normal, la mise en place de la prestation d'autonomie va solvabiliser des besoins actuellement non satisfaits. Mais il y a un risque non négligeable que cet effet d'appel de la nouvelle prestation s'exerce également sur les autres modes de prise en charge de la dépendance, et que certains intervenants soient tentés de se désengager.

Ainsi, il pourrait y avoir un transfert de la branche maladie de la sécurité sociale vers la prestation d'autonomie.

Dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, la prestation d'autonomie pourrait être amenée à prendre en charge des Prestations qui sont actuellement financées au travers des forfaits de soins. Il suffit de comparer les définitions respectives de :

la prestation d'autonomie qui est destinée à "toute personne âgée dont l'altération des facultés nécessite une surveillance constante ou une aide régulière pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie" (art. 1er du projet) ;

la section de cure médicale qui est destinée à "l'hébergement et à la surveillance médicale que nécessite l'état des pensionnaires ayant perdu la capacité d'effectuer seuls les actes ordinaires de la vie ou atteints d'une affection somatique ou psychique stabilisée qui nécessite un traitement d'entretien et une surveillance médicale ainsi que des soins paramédicaux" ;

des soins de longue durée "prévus pour des personnes n'ayant pas leur autonomie de vie et dont l'état nécessite une surveillance médicale constante et des traitements d'entretien".

Le nombre des sections de cure dans les maisons de retraite (125.000 places) est aujourd'hui notoirement insuffisant au regard des besoins. Il est à craindre que la création de la prestation d'autonomie n'incite pas à leur développement.

De même, la branche vieillesse de la sécurité sociale pourrait être tentée de réorienter son aide sociale facultative aux personnes âgées.

En 1993, l'aide ménagère de la CNAVTS a bénéficié à 322.000 Personnes âgées pour un coût de 1.9 milliard de francs. Au cours des dernières années, la Caisse nationale s'est efforcée de renforcer son aide aux plus dépendants : en 1993. 3,25 % des personnes âgées concernées ont bénéficié de Plus de 16 heures par mois, et 4 % de plus de 30 heures. La création de la Prestation d'autonomie pourrait inciter la CNAVTS à abandonner son effort en faveur des personnes âgées lourdement dépendantes, pour ne plus financer que l'aide ménagère courante.

Or. avec un montant maximum de 4.300 F, la prestation d'autonomie ne permettra de financer qu'environ 50 heures d'aide par mois, ce qui est insuffisant pour les dépendances les plus lourdes. Il conviendrait donc que l'aide facultative des caisses de retraite vienne compléter, le cas échéant, la prestation d'autonomie servie par les départements. L'aide à l'amélioration de l'habitat de la CNAVTS (130 millions de francs en 1993) peut également contribuer de façon décisive au maintien à domicile des personnes âgées dépendantes.

Enfin, la prestation d'autonomie, dans la mesure où elle pourra être utilisée pour rémunérer des membres de la famille de la personne âgée, risque d'aboutir à une forme de "salarisation du bénévolat". Ce point est particulièrement délicat. Il ne fait pas de doute que le soutien familial est un mode de prise en charge de la dépense essentiel, même s'il n'est pas possible d'en évaluer la valeur marchande. Si l'on souhaite assurer une parfaite neutralité entre le maintien à domicile et le placement en hébergement, il ne convient pas d'exclure l'entourage familial du champ de la prestation d'autonomie. Mais il ne faut pas se cacher que cela aboutira à transférer sur la collectivité des coûts actuellement supportés par des particuliers.

2. Des corrections nécessaires

Les définitions des divers forfaits de soins devront donc être précisées, afin que la répartition des rôles entre l'assurance maladie et la nouvelle prestation d'autonomie soit bien claire. Par ailleurs, les niveaux des forfaits de soins actuellement très disparates (17,90 F pour les soins courants, 144,40 F pour les sections de cure médicale, 174,75 F pour les soins à domicile) mériteraient d'être harmonisés, et dans l'ensemble relevés.

D'autre part, les modes d'imposition des maisons de retraite ne devront plus aboutir à surtaxer la dépendance. La TVA qui leur est aujourd'hui appliquée présente à cet égard deux "anomalies" :

les sections de cure médicale sont soumises au taux normal de 20,6 % alors que les prestations médicales à l'acte ou en long séjour hospitalier sont complètement exonérées de TVA ;

alors que les prestations de logement et de nourriture dans les maisons de retraite sont soumises au taux réduit de 5,5 % (art. 279 A du code général des impôts), les prestations d'aide à la dépendance facturées de façon distincte par certaines maisons de retraite sont taxées au taux de 20,6 %.

La solution de la première "anomalie" suppose une modification des textes communautaires définissant le champ du taux réduit de la TVA (directive n° 92/77/CEE). La solution de la seconde implique éventuellement une modification de l'article 279 A du code général des impôts, mais une simple inflexion de l'interprétation de celui-ci par l'administration fiscale pourrait suffire.

Page mise à jour le

Partager cette page