N° 130

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

TOME VI

DÉFENSE

Préparation et emploi des forces (Programme 178)

Par M. Olivier CIGOLOTTI et Mme Michelle GRÉAUME,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, André Guiol, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Claude Malhuret, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Le choix de la précédente LPM de reporter à 2025 la remontée de l'activité opérationnelle pour faire face à l'hypothèse d'engagement majeur et de la haute intensité s'est heurté à l'accélération de l'histoire avec la guerre en Ukraine. La nouvelle LPM, adoptée en juillet 2023, a mis l'accent, sous l'impulsion du Sénat et de l'Assemblée nationale, sur la nécessité d'une intensification de la préparation opérationnelle, sur l'obtention de meilleures performances en matière de disponibilité des matériels et sur la poursuite de la transformation des services de soutien.

Les crédits de paiement du programme 178 pour 2024 se montent à 13,6 Mds€, soit + 1,5 Md€ par rapport à 2023 (+12,4 %). La moitié de cette augmentation (745 millions d'euros) est due à la hausse des crédits de l'entretien programmé du matériel (EPM), coeur du maintien en condition opérationnel, déterminant majeur de la disponibilité des matériels, donc de l'activité et de la préparation opérationnelle des armées. Malgré cette augmentation importante des crédits, l'année 2024 apparaît davantage comme une année de transition que comme une année de progrès décisif vers les objectifs de la LPM.

I. DES EFFORTS IMPORTANTS POUR LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE (MCO)

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS D'ENTRETIEN PROGRAMMÉ DES MATÉRIELS (EPM)

La nouvelle LPM 2024-2030 prévoit que 49 milliards d'euros seront consacrés à l'entretien programmé des matériels (EPM). Pour 2024, la LFI prévoit que ces crédits atteindront 5,74 milliards d'euros pour l'ensemble des armées, soit une hausse de 15%, +745 milliards d'euros par rapport à la LFI 2023. Ces montants doivent toutefois être relativisés. En 2019, la précédente LPM évaluait à 6,5 milliards d'euros le besoin en EPM pour 2024. Ainsi le présent PLF pour 2024 prévoit en réalité 800 millions d'euros de moins que ce qui était inscrit pour la même année par la précédente loi de programmation, et ceci alors même qu'il faut tenir compte de l'inflation.

 
 

De crédits d'entretien programmé des matériels en 2023

De crédits d'entretien programmé des matériels en 2024

Crédits d'entretien programmé des matériels (EPM) : comparaison 2024/2023

 

EPM en M€ (hors dissuasion)

LFI 2023

PLF 2024

Évolutions

AE

CP4

AE

CP

AE

CP

DIRISI

Action 1 - Titre 3

90,0

73,8

116,7

110,8

+29,7 %

+50,1 %

Armée de Terre Action 2 - Titre 3

1 090

1 228

1 856

1 458

+70 %

+19 %

Marine nationale Action 3 - Titre 3

1 227,4

1 685,2

2 276,6

1 834,5

+86 %

+9 %

Marine nationale Action 3 - Titre 5

102,4

78,5

82,3

69,0

-20 %

-13 %

Armée de l'Air et de l'Espace

Action 4 - Titre 3

1 947,3

1 923,0

3 469,8

2 259 ,0

+ 78 %

+ 18 %

Armée de l'Air et de l'Espace

Action 4 - Titre 5

8,6

3,3

7,0

6,2

- 19 %

+ 88 %

Service interarmées des munitions

Action 5 - Titre 3

6,7

6,3

6,2

5,8

-7,4 %

-7,9 %

Total

4 472,2

4 998,2

7 814,4

5 743,5

+74,7 %

+14,9 %

-S'agissant de l'armée de terre, le PLF2024 prévoit 1,46 milliard d'euros de crédits de paiement pour l'EPM, en progression de 19% par rapport à 2023. La hausse est de 70% en AE du fait de la notification du marché verticalisé pour le Tigre (600 millions d'euros).

La hausse des crédits de paiement permettra la poursuite de la modernisation du VBL Ultima et du Char Leclerc, la prise en compte des nouveaux matériels SCORPION. S'agissant de ces derniers, le principal sujet est sans doute de parvenir à établir de manière suffisamment précise le besoin de maintenance pour les années à venir, en vue du renouvellement des contrats initiaux passés par la DGA par des contrats verticalisés efficaces. La montée en puissance de l'école militaire préparatoire et technique (EPMT) devrait également permettre de développer les compétences de MCO pour ce programme.

En ce qui concerne le MCO aéroterrestre, les crédits serviront notamment à maintenir la flotte des PUMA dont l'âge est important et dont le retrait progressif diminuera dans un premier temps la disponibilité des hélicoptères HMA (hélicoptère de manoeuvre et d'assaut).

-S'agissant de l'armée de l'air, la dotation prévisionnelle en EPM (hors dissuasion) est de 3,48 milliards d'euros en AE, en augmentation de 78% par rapport à 2023, en raison du renouvellement de grands marchés. Les crédits de paiement augmentent de 18% à 2,2 milliards d'euros, afin de financer le soutien des A400M et MRTT et l'acquisition de moyens supplémentaires pour la flotte de Rafale (épaisseur logistique).

-Enfin, les crédits d'EPM de la Marine nationale sont en hausse de 6 % en CP, afin de couvrir les hausses de prix prévisibles des contrats et les travaux de rénovation à mi-vie des missiles ASTER et EXOCET. On observe une forte hausse des AE, liée au renouvellement de plusieurs marchés de MCO : sous-marins nucléaires d'attaque, porte-hélicoptères amphibie, frégates de surveillance. La Marine nationale va aussi continuer à développer le concept de maintenance continue en mission, permettant de limiter les arrêts techniques.

Au-delà du MCO actuel, les armées continuent à mener des réflexions sur l'économie de guerre, qui implique un renforcement des échanges avec la base industrielle et technologique de défense (BITD).

B. DES CONTRATS VERTICALISÉS QUI ONT ENCORE UNE MARGE DE PROGRESSION

Le ministère des armées a entamé depuis 2018 une démarche d'optimisation de l'organisation du soutien, en transformant le MCO de ses équipements terrestres, navals et aéronautiques par la refonte de sa stratégie contractuelle. Des contrats pluriannuels « verticalisés » confient ainsi à un maître d'oeuvre unique, l'industriel, un périmètre englobant un système d'armes complet et la gestion logistique des stocks de pièces (livraison de pièces de rechange et d'outillages, prestations de réparations et de maintenance).

Ce nouveau type de contrats responsabilise les industriels en leur assignant des objectifs de performance portant sur un seuil et un plafond d'activités à soutenir, l'engagement sur une longue durée leur offrant une visibilité qui leur permet de mieux organiser leurs prestations, leur chaîne d'approvisionnement, leur sous-traitance, de planifier des investissements et d'anticiper les obsolescences. Ceci doit permettre de maîtriser les coûts tout en améliorant les taux de disponibilité pour satisfaire les besoins des forces.

Les contrats verticalisés signés jusqu'à présent semblent globalement offrir satisfaction. Néanmoins, des progrès restent attendus, notamment en matière de rapidité de montée en puissance pendant les premières années du contrat.

Par ailleurs, s'agissant du MCO des matériels terrestres, il est désormais nécessaire, dans le cadre du renouvellement des marchés passés autour de 2010 et de l'arrivée des matériels SCORPION, de faire évoluer les marchés de soutien en passant d'une logique de flux tendus, performante pas adaptée à la haute intensité et à une disponibilité moins assurée des pièces, vers des marchés durcis, combinant stocks et flux, qui soient capables de garantir la réactivité et l'endurance des forces terrestres en cas de crise majeure. Parallèlement, la LPM ne finançant pas la constitution des stocks nécessaires, le MCO terrestre devra dégager les économies permettant ce financement.

Le point sur les marchés verticalisés

Terre

Les 3 contrats verticalisés emblématiques du MCO terrestre donnent satisfaction et les objectifs sont globalement tenus, notamment en matière de disponibilité des pièces de rechanges, fixée à un niveau élevé pour éviter de retomber dans les difficultés du passé ; les potentiels alloués dans le cadre des marchés de soutien en service (MSS) sont respectés :

-MSS12 LECLERC : marché de 10 ans ;

-MSS VBCI (véhicule blindé de combat de l'infanterie) : marché de 10 ans ;

-MSS2 CAESAR : marché de 7 ans.

Marine nationale

Les principaux marchés verticalisés notifiés en 2022 correspondent au renouvellement de marchés pluriannuels de MCO :

-MCO des frégates multi-missions (FREMM) ;

-MCO des frégates de défense aérienne (FDA) et frégates légères furtives type La Fayette (FLF) ;

-MCO des porte-hélicoptères amphibie (PHA) et du bâtiment de commandement et ravitaillement BCR Somme (dernière unité du type en service) ;

-MCO des bâtiments de soutien et d'assistance outre-mer (BSAOM).

L'année 2023 a également été marquée par la passation de plusieurs marchés verticalisés, notamment :

-MCO du bâtiment d'essais et de mesures Monge ;

-MCO des navires, vedettes et engins portuaires basés à Cherbourg ;

-MCO des patrouilleurs Antilles Guyane (PAG) ;

-MCO du système de surveillance des approches maritimes (SPATIONAV).

Armée de l'Air et de l'espace

Portée par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), la transformation du MCO aéronautique initiée en 2018 vise à en améliorer la performance. Les nouveaux contrats de soutien verticalisés et globalisés confient à un maître d'oeuvre unique un périmètre d'actions couvrant la quasi-intégralité d'un aéronef et la gestion logistique des stocks sur une longue durée : contrats de soutien des FENNEC, des TIGRE, du RAFALE, des hélicoptères lourds, des Atlantique 2, du Mirage 2000, etc.

Ces contrats donnent pour certains des résultats positifs :

- la réduction des délais d'attente de décision et d'attente de pièces a permis de poursuivre la hausse de la disponibilité tant pour les Rafale Air que pour les Rafale Marine. Cette hausse s'est poursuivie dans un contexte pour l'armée de l'Air et de l'Espace (AAE) et de réduction de parc (cessions d'avions à la Grèce) ;

- le doublement de l'activité de la flotte FENNEC de l'armée de Terre entre 2018 et 2020 ;

- la disponibilité du Tigre a poursuivi sa croissance ;

- si la disponibilité des NH90 en version NFH reste insuffisante, la disponibilité des TTH (Tactical Transport Helicopters) a poursuivi sa progression. Un groupe de travail de crise EMM (état-major de la Marine) / DMAé / industriels a été mis en place en 2020, en vue d'atteindre une disponibilité permettant de satisfaire les besoins opérationnels et organiques ;

- la disponibilité Mirage 2000D et 2000-5F s'est fortement redressée sous l'effet de la verticalisation, avec la mise en place d'un pôle de conduite du soutien.

L'effet des marchés verticalisés est renforcé par la mise en place de pôles de conduite et de soutien (PCS) ou de plateaux Etat-industrie, tandis que le projet SO 4.0 a pour but d'améliorer le soutien opérationnel, autre déterminant de la performance du MCO.

C. DAVANTAGE DE CRÉDITS POUR LES MUNITIONS

Pour l'armée de terre, les crédits d'accompagnement (EAC) connaissent une hausse de 59 % en AE par rapport à la LFI 2023, conséquence de la mise en place d'un marché pluriannuel d'acquisition de munitions (mortier de 120 mm). La ressource en CP augmente de 7 %. La tendance haussière doit permettre l'augmentation des stocks de munitions et de matériels de préparation opérationnelle pour les besoins de la haute intensité. Pour la Marine, les crédits de paiement d'EAC sont en progression de 9 %, permettant de poursuivre le renouvellement des équipements des commandos marine et le recomplètement des stocks de munitions (obus, bombes et munitions de petits calibres). Enfin, pour l'armée de l'air et de l'espace, une hausse importante des paiements (+43 %) doit permettre de constituer des stocks renforcés de munitions aériennes non complexes. L'opération budgétaire « EPM des munitions aériennes » voit également ses crédits croître (+52 % d'AE et 21 % de CP), afin de renforcer l'épaisseur logistique de la défense sol-air et de réorganiser le soutien des pods Talios.

II. UNE DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS EN LÉGÈRE AMÉLIORATION

A. UNE INFORMATION SUR LA DISPONIBILITÉ DU MATÉRIEL ET SUR L'ACTIVITÉ DES FORCES DÉSORMAIS IMPOSSIBLE À COMMUNIQUER

Le PLF 2024 est marqué par une réduction importante de l'information disponible pour le public sur les principaux indicateurs de performance des armées que sont la disponibilité des matériels et l'activité réalisée, tous deux désormais protégés par le Gouvernement au motif que leur diffusion pourrait renseigner nos compétiteurs stratégiques. Si cet argument peut s'entendre, il n'en demeure pas moins que les parlementaires se voient dans l'impossibilité de communiquer de manière précise au public les résultats des efforts menés pour améliorer la préparation des matériels et des hommes en vue des engagements de demain, ou pour signaler des difficultés. Toutefois, les rapporteurs des deux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat continuent à recevoir ces informations et il reste possible pour eux de rendre compte des grandes tendances.

B. UNE AMÉLIORATION PROGRESSIVE

En ce qui concerne la disponibilité des matériels de l'armée de terre, la situation devrait s'améliorer très progressivement. Certains parcs de matériels ont cependant toujours une disponibilité insuffisante. La disponibilité des chars sera nécessairement affectée en 2024 en raison de la rénovation des Leclerc. Pour le reste, la disponibilité est soit stable, soit en faible augmentation. Ainsi, pour la catégorie des blindés (VAB, Griffon, Serval, VBCI), la livraison des nouveaux matériels et le retrait des VAB aura un effet légèrement positif. Encore faudrait-il que la cession de matériels à l'Ukraine n'ait pas pour conséquence une baisse de la disponibilité par la prolongation de matériels plus anciens. Le « recomplètement » progressif des matériels concernés palliera ce problème, en particulier pour les Caesar, les nouveaux étant livrés de 2024 à 2027. Les responsables militaires auditionnés par la commission se sont par ailleurs félicités de l'augmentation très significative de la cadence de production de ce canon.

La disponibilité des hélicoptères de reconnaissance et d'attaque (HRA) est en faible augmentation, notamment en raison de nombreux chantiers sur les Tigre, tandis que les Caïmans rencontrent toujours d'importantes difficultés de maintenance.

Concernant la disponibilité des aéronefs de l'AAE, après des progrès certains entre 2018 et 2022, il peut être indiqué que pour 2023, selon le chef d'état-major de l'armée de l'air, les chiffres sont stables ou en légère baisse, mais en hausse modérée (3%) pour l'aviation de chasse. Pour 2024, les cibles sont en légère hausse. Selon la direction de la maintenance aéronautique (DMaé), un temps d'adaptation de deux ou trois ans minimum est nécessaire pour qu'un contrat verticalisé de 10 ans apporte les bénéfices attendus, l'industriel devant d'abord se transformer pour s'adapter. S'agissant du Rafale, les résultats semblent ainsi désormais consolidés, la remontée de la disponibilité compensant en partie les cessions à la Grèce et à la Croatie. Le contrat verticalisé avec Safran devrait permettre de faire face au vieillissement des moteurs. Les nouveaux contrats pour le MRTT et de son moteur, tout juste signés pour 10 ans, devraient apporter progressivement des bénéfices de disponibilité sur ces matériels.

Par ailleurs, au-delà de ces contrats verticalisés, les efforts globaux d'efficience doivent être poursuivis dans le MCO aéronautique : diminution de la charge de maintenance, simplification des normes de navigabilité, capacité à prendre les décisions aux plus bas échelons, facilitation de l'accès à l'expertise technique industrielle et connexion plus directe des industriels à l'armée de l'air et de l'espace via la généralisation des pôles de conduite et de soutien sur les bases aériennes, cession plus rapide des flottes obsolètes (PUMA), etc. S'y ajoute l'indispensable effort en faveur de la transformation numérique. Sur ce plan, le projet Brasidas a récemment évolué dans sa conception d'ensemble : compte tenu des capacités des systèmes d'information qui se développent dans l'industrie à la faveur des contrats verticalisés, Brasidas a vocation à devenir un « chapeau » pour ces différents SI (Dassault, Thalès...).

Enfin, en matière de disponibilité des matériels de la marine, les principaux points noirs des années précédentes (hélicoptères, frégates) devront faire l'objet d'efforts particuliers. La disponibilité des Rafale Marine sera nécessairement impactée par la mise au standard F4.

III. LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE ET L'ACTIVITÉ : UNE REMONTÉE TRÈS PROGRESSIVE

Évolution des crédits de l'OS « activités opérationnelles » (AOP)

 

AOP - évolution des CP en M€

BOP

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

Marine nationale

250

336,5

+ 35 %

Armée de l'air et de l'espace

451,2

591,3

+ 31 %

Armée de Terre

199

217

+ 9%

En ce qui concerne l'armée de terre, les crédits consacrés aux activités opérationnelles (AOP) dans le PLF 2024 poursuivent leur progression (+9 % en crédits de paiement, de 199 à 217 millions d'euros). L'entraînement des forces terrestres est organisé pour répondre au contrat opérationnel, avec une priorité donnée au combat de haute intensité. L'exercice majeur ORION 2023 a participé d'une amélioration qualitative de la préparation opérationnelle dans la perspective de la haute intensité, qui va se poursuivre en 2024, avec notamment la participation à des exercices multinationaux, comme Steadfast Defender 2024 (OTAN) et les missions de réassurance Lynx en Estonie, Aigle en Roumanie, Gerfaut en Pologne. Par ailleurs, le niveau d'engagement en opérations de l'AT est toujours très élevé avec environ 5100 personnes en septembre 2023.

Malgré l'augmentation des crédits prévue pour la première marche de la LPM 2024-2030, la remontée de la préparation opérationnelle et de l'activité sera encore très lente en 2024

En réalité, contrairement à ce qui avait été espéré, l'AT maintiendra son activité mais n'ira pas quantitativement au-delà en 2024. Ainsi, les journées d'activité du combattant terrestre (JACT) devraient rester stables, de même que le nombre de coups par équipage de Caesar ou le nombre d'heures d'entraînement par équipage de chars et de blindés. Le nombre d'heures de vol par hélicoptère de l'AT va remonter légèrement puis se stabiliser en 2024 à la suite de la baisse de 2023.

L'année 2024, avec l'engagement des JO, ne sera pas favorable à une remontée de l'entraînement opérationnel. Ce n'est qu'à partir de 2025 et 2026 que les objectifs d'entraînement devraient commencer à être atteints, dans l'optique de disposer d'une division à deux brigades interarmes projetable en 30 jours en 2027.

Par ailleurs, le niveau attendu de l'inflation ainsi que les conséquences du soutien de l'Ukraine sont également à prendre en compte pour envisager le niveau d'activité effectif. L'inflation représente environ un tiers de d'augmentation prévue des moyens en 2024. Comme en 2023, les conséquences exceptionnelles de l'inflation seront traitées par le mécanisme du report de charge. Concernant la guerre en Ukraine, le surcoût prévisionnel pour l'armée de terre en 2023 est estimé à 292,4 millions d'euros, dont 222,7 millions pour les missions opérationnelles et les alertes, 25,2 millions d'euros pour la mission d'assistance militaire de l'Union européenne en soutien à l'Ukraine (EUMAM) et 44,5 millions d'euros pour les cessions à l'Ukraine. Ces surcoûts devront être couverts en gestion.

S'agissant de l'activité de l'armée de l'air et de l'espace, les objectifs d'activité fixés par la LPM pour 2030 sont les suivants : 180 heures de vol pour un pilote de chasse, 320 heures pour un pilote de transport, 200 heures de vol pour un pilote d'hélicoptère. Au sein du projet de performance de la LFI 2023, les objectifs fixés étaient très en-dessous (respectivement 147 heures, 189 heures, 181 heures), montrant la hauteur de la marche à franchir dans les prochaines années. C'est notamment pour prendre en compte cette difficulté que les deux assemblées avaient décidé, lors de l'examen de la LPM, de faire remonter la « première marche » de la programmation. Ainsi, le PLF 2024 prévoit un passage de 451 millions à 591 millions d'euros des crédits de préparation opérationnelle pour l'armée de l'air et de l'espace. Comme l'a indiqué le chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, l'activité sur Rafale est passée de 250 heures de vol par avion en 2022 à 290 heures de vol en 2023, afin de compenser les prélèvements pour la Grèce et la Croatie, mais cela n'a sans doute pas fait augmenter l'activité globale (le nombre d'avions étant moindre).

Pour 2024, les objectifs d'activité prévus sont en légère hausse par rapport aux cibles 2023. La déflation du parc Rafale due aux problèmes de disponibilité technique et aux cessions rend nécessairement la progression globalement plus difficile. Le niveau de PO sur le transport a progressé en 2023 grâce à ORION et à une meilleure disponibilité des A400M et des C130. L'activité « hélicoptères » est affectée par les difficultés rencontrées par les PUMA.

En ce qui concerne la préparation opérationnelle de la Marine, sous l'impulsion du plan «Mercator Accélération 2021», une phase de PO de haute intensité (POHI) est mise en place pour préparer les unités aux combats futurs. Cette POHI s'est particulièrement illustrée lors des exercices majeurs POLARIS 21 et ORION 2023. À l'avenir, la MN s'appuiera pour la POHI sur les exercices POLARIS (dont POLARIS 24 juxtaposé avec MARE APERTO), les exercices STEADFAST DEFENDER 24 & 27 et ATLANTIC ALLIANCE 26 & 28. Les résultats en matière de préparation opérationnelle sont satisfaisants, en particulier le niveau d'activité d'entraînement des pilotes de chasse de la Marine.

IV. DES SERVICES DE SOUTIEN TOUJOURS SOUS PRESSION

Au sein de la progression des crédits prévue par le PLF 2024, un montant de 275 millions d'euros bénéficiera aux services de soutien de proximité, ce dont on ne peut que se féliciter compte-tenu du sous-investissement dans la période récente.

Cette année encore, les rapporteurs sont amenés à souligner la situation difficile du service de santé des armées (SSA). Publié en juin 2023, un rapport de la Cour des comptes pointe ces difficultés : vacances de poste (au-delà de la centaine de médecins), incapacité pour les hôpitaux militaires d'instruction à générer plus de 48 équipes chirurgicales (sur les 65 prévues pour 2025), difficultés de recrutement au sein des hôpitaux mais aussi des personnels paramédicaux, particulièrement en Ile-de-France, taux d'attrition des étudiants de l'école de santé des armées dépassant 30%. Pour 2024, les crédits globalement alloués au SSA passeront de 1,34 à 1,44 milliard d'euros. Fort de cette augmentation, le SSA devra affronter ces difficultés tout en engageant sa préparation vers la haute intensité. Il devra en particulier faire porter ses efforts sur la coopération avec le système de santé civile, tant il apparaît évident que dans la situation actuelle le système dans son ensemble (civil+militaire) ne pourrait pas faire face à cette haute intensité. Les étapes préparatoires de la reconstruction d'un hôpital d'instruction des armées (HIA) de nouvelle génération à Marseille seront également lancées en 2024.

En ce qui concerne le service des essences opérationnelles (SEO), avec un budget de 68 millions au sein du PLF 2024 contre 60,9 millions d'euros en 2023 (+11,6%), le service tentera de répondre à de fortes difficultés de recrutement afin de pouvoir rapidement remonter en puissance. L'année 2024 verra une participation accrue aux exercices majeurs comme l'exercice interalliés VOLFA à Mont de Marsan au printemps 2024. Dans le domaine des équipements, la LPM prévoir la poursuite de l'acquisition de camions avitailleurs adaptés aux programmes A400M et MRTT, un durcissement des matériels (blindage) et le lancement de l'acquisition des camions citernes nouvelles générations dédiés au soutien des opérations. Une première commande de camions citernes devrait pouvoir être faite en 2024.

Le budget du service interarmées des munitions (SIMu) sera quant à lui en hausse en 2024 d'un peu plus de 10%, avec des AE de 22 millions d'euros et des CP de 21 millions d'euros. Plusieurs difficultés doivent cependant susciter une attention particulière. Comme pour d'autres services, le problème du recrutement et de la fidélisation se fait particulièrement sentir. Grâce à la LPM, le SIMu va certes disposer de 11 postes supplémentaires, mais actuellement 133 postes ne sont pas honorés. Le service doit notamment améliorer son attractivité envers les ouvriers d'Etat. Des pistes pourraient être explorées comme la notion de réservistes industriels. Par ailleurs, il apparaît nécessaire de développer les voies ferrées et la sécurisation de bout en bout des convois, indispensables en hypothèse de conflit majeur. Or les processus sont trop longs : pour le raccordement ferré de Brienne le Château, de la demande à la réalisation, il se sera écoulé 26 ans (de 2000 à 2026).

En 2024, le service du commissariat des armées (SCA) disposera de 912 millions d'euros en AE et de 838 millions d'euros en CP, en augmentation respective de 6% et 5%. D'après les informations recueillies par les rapporteurs, le service travaille sur le nouveau référentiel opérationnel (NRO) qui prévoit moins de masse que l'hypothèse d'engagement majeur (HEM), la masse devant être produite par la coalition. Le service doit aussi faire face à la contrainte du changement des théâtres d'opération, du semi-désertique africain aux conditions froides de l'Europe de l'Est. L'inflation a impacté les fournisseurs, 120 d'entre eux étant en difficulté : le service a dû renégocier certains contrats. En ce qui concerne la restauration, l'inflation a également commencé à se faire sentir. Il a par ailleurs été décidé de faire durer les véhicules de 7 à 9 ans d'ancienneté moyenne en 2030, afin de pourvoir conserver un de 14 000 véhicules correspondant au besoin. Le renoncement porte également sur le rythme de verdissement du parc.

Le RETEX de l'exercice ORION est globalement positif pour le SCA. Des marges de progression sont toutefois apparues s'agissant de la connaissance des stocks, d'où le besoin de systèmes d'information rénovés. Par ailleurs, il s'agissait essentiellement d'un exercice de gestion de crise et non de haute intensité, celle-ci devant en revanche faire l'objet d'ORION 26.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Michelle Gréaume et de M. Olivier Cigolotti, sur les crédits de la préparation et de l'emploi des forces.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Préparation et emploi des forces ». - Monsieur le président, mes chers collègues, il me paraît tout d'abord nécessaire d'évoquer un point de méthode important. Les documents budgétaires publiés cette année sur le programme 178 sont un peu vidés de leur substance. Désormais, ni la disponibilité, qu'elle soit technique ou opérationnelle, ni l'activité réalisée par les forces ne sont plus librement accessibles. Or il s'agissait bien là des principaux indicateurs du programme 178, essentiels pour apprécier l'état des forces ! Le motif est que la diffusion de ces données renseignerait trop nos compétiteurs. Pourtant, il n'est pas certain que savoir si la disponibilité est de 65% ou de 70% leur donne un avantage décisif ! D'ailleurs les Américains ou les Allemands publient ces chiffres. Par exemple, l'équivalent américain de la Cour des comptes a récemment communiqué sur la disponibilité du F35 en affirmant que, je cite : « Si l'avion ne peut fonctionner que 55% du temps et que l'objectif est de 85 à 90%, les contribuables n'en auront pas pour leur argent » : c'est précisément pour pouvoir faire ce genre d'analyses que nous évoquions auparavant ces données. Le fait que ces chiffres soient néanmoins transmis aux présidents de commission et partagés avec les rapporteurs, et que nous puissions évoquer les grandes tendances, ne repose pour le moment que sur la bonne volonté du Gouvernement. Il faudrait au moins que ce soit entériné par une circulaire, en attendant que des nouvelles modalités de communication de ces informations soient peut-être trouvées !

J'en viens maintenant au fond. Pour 2024, la LFI prévoit que les crédits en faveur de l'entretien programmé des matériels (EPM) atteindront 5,74 milliards d'euros pour l'ensemble des armées, soit une augmentation de 745 milliards d'euros par rapport à 2023. Cette hausse doit toutefois être relativisée. La précédente LPM évaluait à 6,5 milliards d'euros le besoin en EPM pour 2024. Ainsi le présent PLF pour 2024 prévoit en réalité 800 millions d'euros de moins que ce qui était inscrit pour la même année par la précédente LPM. Il ne faut donc pas s'attendre à une progression radicale de l'état des parcs de matériels en 2024.

En ce qui concerne l'armée de Terre, la situation devrait ainsi s'améliorer, mais très progressivement. Certains parcs ont toujours une disponibilité insuffisante. Les chars seront encore légèrement moins disponibles en 2024 qu'en 2023 en raison de la rénovation des Leclerc. Pour le reste, la disponibilité est soit stable, soit en faible augmentation. Ainsi, pour la catégorie des blindés (VAB, Griffon, Serval, VBCI), la livraison des nouveaux matériels et le retrait des VAB aura un effet légèrement positif. Encore faudrait-il que la cession de matériels à l'Ukraine n'ait pas pour conséquence une baisse de la disponibilité par la prolongation de matériels plus anciens. Le « recomplètement » progressif des matériels concernés palliera progressivement ce problème, en particulier pour les Caesar, les nouveaux étant livrés en remplacement de 2024 à 2027. Sur ce point, il faut se féliciter de l'augmentation très significative de la cadence de production, passant de deux à six canons par mois. La disponibilité des hélicoptères de reconnaissance et d'attaque de l'armée de terre (HRA) est quant à elle en faible augmentation, notamment en raison de nombreux chantiers sur les Tigre, tandis que la poursuite de la livraison des Caïmans fait baisser la disponibilité globale du fait des fortes difficultés de maintenance sur cet appareil.

Concernant l'armée de l'air et de l'espace, il peut être indiqué que pour 2023 les chiffres devraient être stables, voire en baisse pour certains matériels. Pour 2024, les cibles sont en légère hausse. Ainsi, les progrès dus aux contrats verticalisés ne parviennent pas encore à compenser d'autres facteurs, comme l'étroitesse de certains parcs impactés par les cessions : je pense évidemment aux Rafale cédés à la Grèce et à la Croatie. Selon la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), un temps d'adaptation est nécessaire pour qu'un contrat verticalisé de 10 ans apporte les bénéfices attendus. Ainsi, le contrat « Ravel » du Rafale a cinq ans, mais pendant les deux ou trois premières années Dassault devait investir, notamment dans son système d'information. C'est donc plutôt dans la deuxième partie du contrat que l'on peut attendre des gains substantiels. Les nouveaux contrats pour le MRTT et son moteur, tout juste signés par la DMAé et la DGA pour 10 ans, devraient aussi bientôt apporter des bénéfices de disponibilité.

Au-delà de ces contrats verticalisés, les efforts d'efficience doivent être poursuivis dans le MCO aéronautique. Cela passe par une diminution de la charge de maintenance, une simplification des normes de navigabilité, une connexion plus directe des industriels à l'armée de l'air et de l'espace via la généralisation des pôles de conduite et de soutien, etc. S'y ajoute l'indispensable effort pour la transformation numérique, en combinant le projet Brasidas de la DMAé aux systèmes d'informations développés par l'industrie à la faveur des contrats verticalisés.

Enfin, en matière de disponibilité des matériels de la Marine nationale, celle des bâtiments de combat sera stable sur le début de la programmation, les admissions au service actif étant compensées par un plan de maintenance dense. Il y aura du mieux pour les sous-marins nucléaire d'attaque (SNA), mais la chasse va traverser une période difficile avec la mise au standard F4 des Rafale.

Au total, en matière de disponibilité, on assiste à un « frémissement » qui augure, on doit l'espérer, d'un redressement plus franc par la suite. Mais il reste des défis d'ampleur. Ainsi, la remontée des stocks dans le cadre de la préparation à l'économie de guerre n'est malheureusement pas financée en LPM. La maintenance terrestre sera donc contrainte de faire des économies pour constituer un stock répondant aux besoins de l'hypothèse d'engagement majeur. Le renouvellement des marchés de soutien en service (MSS) terrestres passés autour de 2010 et la passation des nouveaux marchés de MCO pour les véhicules SCORPION constitue à cet égard un levier essentiel. La nouvelle génération de marchés de soutien « durcis » doit sortir d'une logique de flux tendus de pièces de rechange, très performante mais pas adaptée à la haute intensité, vers une logique de constitution de stocks, permettant une réactivité maximale au combat.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Préparation et emploi des forces ». - Monsieur le président, mes chers collègues, il faut d'abord rappeler que le rapport annexé de la nouvelle LPM prévoit que « À partir des acquis de la précédente loi de programmation militaire, la préparation opérationnelle progressera quantitativement dès 2024 jusqu'à rejoindre en 2030 les normes d'activité ». Force est de constater que, malgré l'augmentation des crédits prévue pour 2024, qui découle de la première marche rehaussée par nos soins, cette progression quantitative n'est pas vraiment acquise : on reste encore assez loin des normes de l'OTAN et de la LPM. C'est d'ailleurs pourquoi le Gouvernement et les chefs d'état-major préfèrent mettre en avant l'amélioration « qualitative ». Celle-ci est certes réelle. Elle se joue notamment à travers les grands exercices comme ORION, et va se poursuivre en 2024 avec la participation à des exercices multinationaux comme Steadfast Defender 2024 (OTAN), et les missions de réassurance Lynx en Estonie, Aigle en Roumanie, Gerfaut en Pologne. Toutefois, ni les exercices ni les missions opérationnelles et OPEX ne suffiront à garantir l'excellence de la préparation opérationnelle en vue de la haute intensité, si le volume de celle-ci reste insuffisant.

Ainsi, pour l'armée de terre, l'activité par combattant terrestre devrait stagner, de même que le nombre de coups tirés par équipage de Caesar ou le nombre d'heures d'entraînement par équipage de chars et de blindés. Il est clair par ailleurs que l'année 2024, avec les JO de Paris, ne sera pas favorable à une remontée de l'armée de terre vers les compétences nécessaires pour la haute intensité. La préparation opérationnelle devrait même être suspendue pendant plusieurs mois. Ce n'est donc qu'à partir de 2025 et 2026 que les objectifs d'entraînement devraient commencer à être atteints, dans l'optique de disposer d'une division à deux brigades interarmes projetable en 30 jours en 2027.

S'agissant de la préparation opérationnelle de l'armée de l'air et de l'espace, on est également encore assez loin des objectifs. Bien que le PLF 2024 prévoie de passer de 451 millions à 591 millions d'euros de crédits de préparation opérationnelle, les cibles d'activité prévues pour 2024 sont seulement en légère hausse. En particulier, la déflation du parc Rafale due aux problèmes de disponibilité technique et aux cessions rend plus difficile d'atteindre ces objectifs. Le niveau d'entraînement sur le transport a certes progressé en 2023 grâce à ORION et à une meilleure disponibilité des A400M et des C130, mais la situation progresse peu pour les équipages de CN235 (CASA). L'activité « hélicoptères » est notamment impactée par la fin de vie des PUMA. En ce qui concerne enfin la préparation opérationnelle de la Marine, sous l'impulsion du plan « Mercator Accélération 2021 », une phase de préparation opérationnelle de haute intensité est mise en place. Après les exercices POLARIS 21 et ORION 2023, la Marine participera notamment à POLARIS 24 et STEADFAST DEFENDER 24. Les résultats en matière de préparation opérationnelle sont satisfaisants, mais le niveau d'entraînement des pilotes de chasse va être impacté par la mise au standard F4 du Rafale.

Au total, s'agissant de l'activité et de la préparation opérationnelle, les résultats et les prévisions pour 2024 sont donc un peu décevants par rapport à l'ambition que nous avons portée pour le début de la LPM. Nous devrons veiller à ce que la disponibilité technique évoquée par mon co-rapporteur, et l'ensemble des autres facteurs qui déterminent cette préparation opérationnelle, suivent bien la trajectoire ascendante prévue pour les prochaines années. Le niveau de l'inflation ainsi que les conséquences du soutien de l'Ukraine seront également à prendre en compte : il faudra veiller à ce que les effets en soient compensés autant que possible.

J'évoquerai à présent brièvement les soutiens. Le service de santé des armées (SSA) reste pour moi la première préoccupation. Il a fait l'objet d'un rapport assez alarmant de la Cour des comptes : nombreuses vacances de poste (nettement plus d'une centaine de médecins manquent) ; incapacité pour les hôpitaux militaires d'instruction à générer plus de 48 équipes chirurgicales sur les 65 prévues ; difficultés de recrutement au sein de la composante hospitalière, taux d'attrition des étudiants de l'école de santé des armées entre 30% et 40%, etc. Pour 2024, les crédits augmentent et devraient permettre de lancer enfin les étapes préparatoires à la reconstruction d'un hôpital d'instruction des armées à Marseille-Laveran. Le SSA devra surtout faire porter ses efforts sur une meilleure coopération avec le système de santé civile, car il apparaît évident que dans la situation actuelle le système dans son ensemble (civil+militaire) ne pourrait pas faire face à la haute intensité ! Il faut également achever la transposition du Ségur de la Santé, c'est indispensable pour améliorer l'attractivité du service !

Par ailleurs, tant le service des essences opérationnelles (SEO) que le service interarmées des munitions (SIMu) ont un budget en hausse pour 2024 mais doivent faire face à de fortes difficultés de recrutement. Par exemple, environ 10% de l'effectif n'est pas honoré au SIMu. Des pistes pourraient être explorées comme les réservistes industriels, c'est-à-dire des employés qui viendraient dans les dépôts remplacer les militaires lorsqu'ils partent dans les forces. Par ailleurs, il apparaît nécessaire de développer les voies ferrées, indispensables en hypothèse de conflit majeur pour acheminer les munitions. Or les processus sont pour le moment trop longs : pour l'établissement de Brienne le Château, il se sera écoulé 26 ans (de 2000 à 2026) entre la demande et la réalisation du raccordement !

Voici, monsieur le Président, mes chers collègues, les quelques points que je souhaitais soulever à propos de ce PLF 2024 qui entérine la hausse des crédits que nous avions inscrits dans la LPM, mais qui ne produira pas encore d'effets massifs en 2024.

M. Alain Cazabonne. - Qu'en est-il de l'hôpital d'instruction des armées de Bordeaux, avec le projet de regroupement Bahia qui serait arrêté par les armées ? Avez-vous des informations à ce sujet ?

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Préparation et emploi des forces ». - En réalité, tous les hôpitaux militaires traversent une période difficile. Il y a de la concurrence avec les cliniques privées. Les médecins partent car les salaires ne sont pas attractifs. Le Ségur de la santé n'a pas été étendu à tous ceux qui pourraient en bénéficier. Sur Bordeaux spécifiquement je n'ai pas d'information mais nous allons solliciter le SSA pour nous informer.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Préparation et emploi des forces ». - Nous avons auditionné le nouveau directeur central du SSA, qui veut lancer des investissements importants : cela va être le cas sur Marseille Laveran par exemple avec un hôpital neuf.

Mme Évelyne Perrot. - Je confirme que pour Brienne le Château, il y a un gros problème de connexion ferroviaire. L'Aube est le département le plus mal loti en la matière.

M. Philippe Folliot. - Certains au SSA s'interrogeraient sur le nombre de médecins qui diraient être victimes de syndrome post-traumatique pour pouvoir quitter le service des armées et exercer leur métier dans le civil. Est-ce exact ?

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Préparation et emploi des forces ». - Je n'ai pas de chiffre sur cette question précise mais il est évident qu'il y a une déperdition importante à cause des problèmes de pouvoir d'achat, c'est un problème général.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Préparation et emploi des forces ». - Il y a aujourd'hui des difficultés de recrutement importantes. En opération, les réservistes sont indispensables au fonctionnement du SSA. Les revalorisations pour mieux fidéliser le personnel sont sur le bureau du directeur central.

M. Cédric Perrin, président. - Au total, pour le P178 comme pour le reste de la mission « Défense », les budgets augmentent, mais moins vite que les besoins. Nous ne faisons pas de procès d'intention, mais nous avons tellement négligé ces budgets pendant des décennies qu'il faut maintenant rattraper, et c'est compliqué ! Par exemple, sur l'entraînement pour les pilotes d'avions de combats, on est très loin des normes OTAN. C'est très satisfaisant de se dire que les avions volent, mais il faut acculturer nos collègues des autres commissions sur le fait que ce n'est pas forcément dans les meilleurs conditions. Le problème fondamental est de conserver un modèle d'armée de temps de paix, alors que la situation géopolitique a considérablement changé.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Les affaires étrangères et la défense sont précisément les deux ministères qui ont servi de variables d'ajustement pendant toutes ces années !

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mercredi 25 octobre

- Service de santé des armées : MGA Jacques MARGERY, directeur central, Mme Muriel PACAUD, Sous-directrice des finances et des achats, Mme Morgan PONEN, cheffe de bureau « analyse, synthèse, relations d'armées »

Mercredi 8 novembre

- Service interarmées des munitions (SIMu) : Général Éric LAVAL, Directeur.

- Service du commissariat des armées : CRGHC Philippe JACOB, accompagné de l'AEG2 Frédéric CRÉNICY, sous-directeur performance-synthèse, et de CRC2 Ludovic BECQUART, chef du bureau programmation budget

Jeudi 9 novembre

- Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) : M. Marc HOWYAN, directeur, accompagné de l'IGA1CL Yannick CAILLIEZ, sous-directeur opérations et de l'IGA Bernard L'ANTHOEN, sous-directeur cohérence physico-financière

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