AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

On ne peut que se réjouir de la mobilisation affichée au cours des derniers mois par les pouvoirs publics en faveur des outre-mer, qu'il s'agisse de la multiplication bienvenue des rapports d'étude consacrés à ces territoires encore souvent mal connus, ou de la meilleure prise en compte des populations ultramarines dans les textes législatifs.

Sur la situation sanitaire des outre-mer, sujet qui intéresse particulièrement la commission des affaires sociales, la Cour des comptes a publié en juin 2014 un constat alarmant 1 ( * ) , pointant la « responsabilité de la République » dans cet état de fait ; une délégation de la commission s'est ensuite rendue dans l'Océan Indien en avril dernier 2 ( * ) , où elle a pu observer la performance contrastée du système de santé à La Réunion et à Mayotte.

Ces préoccupations nouvelles se sont notamment traduites lors de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé (LMSS), qui comporte plusieurs dispositions relatives aux territoires ultramarins. Surtout, la discussion prochaine du projet de loi pour l'égalité réelle outre-mer dans notre assemblée paraît témoigner d'un changement de perspective bienvenu.

Pour autant, un examen attentif de la mission « Outre-mer » du budget de l'État pour 2017 permet de constater que cette mobilisation ne se traduit pas, loin s'en faut, en termes financiers.

Si le Gouvernement annonce une légère progression des crédits de la mission pour 2017, celle-ci n'est cependant que d'affichage, et résulte d'une simple mesure de périmètre. En réalité, ainsi que les travaux de la commission des finances ont permis de le mettre en évidence, c'est plutôt une baisse sensible des crédits qui est à enregistrer, avec - 2,2 % en autorisations d'engagement et - 3,9 % en crédits de paiement.

En d'autres termes, au moment même où le Gouvernement affiche dans la loi l'objectif d'une égalité réelle dans les outre-mer, il dé-sanctuarise, pour la première fois depuis 2012, les crédits qui leur sont consacrés. Or, c'est bien de moyens que ces territoires ont besoin, plutôt que de déclarations de principe sans traduction concrète, ou de programmes législatifs sans portée réelle.

De ce point de vue, trois postes budgétaires me semblent particulièrement problématiques.

En premier lieu, les différentes mesures d'exonérations de cotisations sociales bénéficiant aux entreprises ultramarines ont fait l'objet de mesures de réduction successives au cours des dernières années, qui ont entraîné une diminution notable des crédits budgétaires associés (- 6 % entre 2016 et 2017). Si l'on ne peut que souscrire à l'objectif de rationalisation des niches sociales, nous ne devons pas oublier que ces dispositifs spécifiques sont indispensables à la compensation des désavantages compétitifs des économies ultramarines. Je regrette donc que leur réduction se fasse sans vision d'ensemble, et au détriment de l'emploi qualifié dans les outre-mer.

En second lieu, je ne peux que souligner, cette année encore, le manque criant des moyens dédiés au logement. Je continue en outre de m'interroger sur la priorité financière accordée à la construction du neuf, au détriment d'opérations de réhabilitation moins coûteuses, qui permettraient à mon sens de lutter plus efficacement contre l'habitat indigne.

Je prends enfin acte du désengagement de l'État de la politique de continuité territoriale, qui constitue pourtant la traduction des principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République entre l'hexagone et les outre-mer. Au terme du quinquennat, ce sont 20 % de ses crédits qui ont été purement et simplement supprimés, entraînant en conséquence un effondrement du recours à ces aides, et un report mécanique de leur financement sur les collectivités territoriales.

Je souhaite par ailleurs souligner qu'au 10 octobre, date limite de fixée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pour les réponses aux questionnaires budgétaires, seulement 40 % des éléments demandés nous étaient parvenus. À la date de publication du présent rapport, nous n'avons toujours pas reçu les réponses aux questions portant plus particulièrement sur le champ sanitaire. Je dois dire que la négligence dont fait preuve le Gouvernement cette année à l'égard de la représentation nationale me surprend, d'autant que ce n'était pas le cas au cours des années précédentes.

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis ne peut donc que proposer de donner un avis défavorable à ce budget, qui paraît n'avoir aucune autre ambition que celle de continuer à garantir un niveau minimal de ressources aux outre-mer - et certainement pas celle de parvenir à une « égalité réelle » entre les territoires de la République.


* 1 Cour des comptes, « La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République », 12 juin 2014.

* 2 « Promouvoir l'excellence sanitaire française dans l'Océan Indien », rapport d'information n° 738 (2015-2016) de MM. Alain Milon, Gilbert Barbier, Mmes Laurence Cohen, Chantal Deseyne et M. Jean-Louis Tourenne, fait au nom de la commission des affaires sociales, 29 juin 2016.

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