B. L'INDISPENSABLE RENOUVELLEMENT DES HOMMES ET DES NAVIRES.

1. Le renouvellement des générations, nécessaire à la pérennité de la pêche maritime.
a) Malgré les atouts du métier de pêcheur ...

Si le métier de marin est difficile et dangereux, il est aussi varié, avec des possibilités d'évolution de carrière, de simple matelot vers les fonctions de second voire de patron-pêcheur, ou encore de mécanicien.

C'est aussi un métier polyvalent : le matelot participe à l'ensemble des activités de pêche (préparation, mise à l'eau et relève des engins de pêche), du traitement des captures (tri, préparation, conditionnement et stockage des captures), de l'entretien du navire et du matériel et du débarquement au port.

L'amélioration de la situation économique des entreprises de pêche a permis également de revaloriser les rémunérations des pêcheurs. La part représente entre 2 000 et 8 000 euros mensuels , d'après les informations fournies à votre rapporteur par le CNPMEM.

b) ... de réelles difficultés à recruter et fidéliser.

Avec 16 887 marins-pêcheurs inscrits au fichier des affaires maritimes en 2013, leur nombre continue de se réduire. Le renouvellement du personnel est assez fort, avec 11,9 % des marins inscrits dans le fichier en 2013 qui ne l'étaient pas en 2012. L'âge moyen des marins-pêcheurs est de seulement 41 ans.

Une partie de l'activité est donc assurée par des salariés qui ne font qu'un passage rapide par le secteur de la pêche, sans y faire carrière. Pour autant, la professionnalisation des pêcheurs constitue un enjeu fort. Un brevet de technicien supérieur (BTS) maritime spécifique à la pêche a ainsi été lancé en 2014, afin de répondre à ce besoin.

Mais la filière a aussi des besoins quantitatifs . D'après le CNPMEM, il manquerait entre 800 et 1 000 matelots en France. Par manque de main d'oeuvre, certains navires sont restés à quai durant l'été 2015. Les difficultés de recrutement ont été confirmées par l'ensemble des personnes et organismes que votre rapporteur a pu auditionner, et sont concentrées sur le segment de la pêche au large, pour des marées de plus d'une semaine, qui ne correspondent pas au rythme de vie que souhaitent les salariés.

La modernisation des navires peut constituer une réponse à ce besoin de recrutements : en disposant d'un outil de travail plus adapté, plus confortable, le marin améliore ses conditions de vie à bord.

Enfin, pour perpétuer l'activité de pêche, la filière a aussi besoin de favoriser l'installation de jeunes . La programmation française du FEAMP prévoit d'ailleurs une enveloppe de 14,3 millions d'euros sur l'ensemble de la période 2014-2020 pour aider les jeunes pêcheurs à la création d'entreprise, dont 9,3 millions d'euros financés sur crédits européens et 5 millions d'euros de crédits nationaux.

2. La modernisation de la flotte de pêche : à la recherche de solutions intelligentes.
a) La nécessité de renouveler la flotte de navires de plus de 12 mètres.

Le constat du vieillissement de la flotte de pêche française n'est pas nouveau . Le rapport Deprost-Suche a permis de caractériser la situation et a mis en évidence les difficultés spécifiques à la flotte hauturière.

L'âge moyen des navires de pêche atteint 26 ans . La fin des subventions à la construction de navires de pêche en 2004 a conduit à une forte baisse des constructions de navires neufs : seulement 35 nouveaux bateaux ont été mis à l'eau en France métropolitaine en 2013, soit 0,7 % de la flotte totale. Parmi ces navires, seulement 6 faisaient plus de 12 mètres.

Or, ce segment de la flotte de plus de 12 mètres, comportant surtout des chalutiers, est stratégique pour l'avenir de la pêche française . Il assurait en 2013 70 % des captures en volume et 73 % en valeur. Ce segment permet de générer les volumes d'approvisionnement des criées. Mais il permet aussi d'éviter que la pêche se concentre trop sur la côte, car une surpêche côtière a des effets environnementaux délétères.

Enfin, c'est ce segment de la pêche française qui permet de consommer effectivement les quotas. Le rapport Deprost-Suche met en évidence une sous-consommation de quotas d'environ 40 %. Certes, seulement 50 % de la pêche française concerne des espèces sous quotas, mais votre rapporteur partage la crainte des auteurs du rapport de voir une situation durable de sous-consommation amener à remettre en cause les quantités allouées à la France, en application du principe de stabilité relative.

Au final, les auteurs du rapport Deprost-Suche considèrent qu'un effort particulier de renouvellement de la flotte des navires de plus de 12 mètres doit être entrepris d'urgence .

b) Des leviers pour le renouvellement de la flotte.

Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont encouragé les innovations technologiques pour aller vers le navire de pêche du futur, plus efficace, plus confortable, et moins gourmand en carburant. Le projet Arpège a permis la mise à l'eau du premier navire de ce type en septembre 2015. D'un coût de 8 millions d'euros (pour un navire de 25 mètres), il a été financé à hauteur de 2 millions d'euros par l'ADEME, au titre du programme des investissements d'avenir (PIA). La construction en série permettrait d'en abaisser le coût, probablement autour de 3,5 millions d'euros.

Au-delà des innovations technologiques, le rapport Deprost-Suche met en avant la nécessité de modifier le modèle économique de la pêche, en donnant de la visibilité économique aux pêcheurs , et en facilitant l'investissement.

Les auteurs du rapport soulignent l'urgence à réformer le système des permis de mise en exploitation , (PME), qui ne facilite pas l'installation. Le Gouvernement a suivi ces propositions en annonçant une réforme des PME lors du dernier CIEM.

Les auteurs du rapport soulignent surtout la nécessité d'attirer des investisseurs dans le secteur de la pêche maritime . S'ils considèrent que les outils d'incitation fiscale existent déjà largement, ils regrettent qu'ils ne soient que peu utilisés.

D'une manière générale, les pistes ouvertes par le rapport orientent l'action des pouvoirs publics vers un encouragement au regroupement des marins. Compte tenu de l'importance des investissements dans les navires, le modèle économique d'une pêche pilotée par un patron-pêcheur capitaine de son navire n'est probablement plus adapté que pour la petite pêche côtière effectuée par les navires de moins de 12 mètres.

La valorisation du produit en circuits courts permettra toujours à cette petite pêche de vivre, avec des investissements réduits.

En revanche, le segment de la pêche hauturière nécessite des regroupements et des investissements, car l'activité d'un seul navire ne peut suffire pour dégager suffisamment de revenu afin d'en financer un second. En outre, les banques ne peuvent suffire à financer de lourds investissements qui ne sont rentabilisés que sur des durées longues et dans des conditions aléatoires, dépendant notamment des quotas attribués.

Votre rapporteur souhaite vivement que la filière pêche profite de la conjoncture actuelle plutôt favorable pour entreprendre les réformes nécessaires à assurer son avenir, qui passent par la relance de l'investissement dans des navires neufs.

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