Avis n° 344 (2013-2014) de Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 5 février 2014

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N° 344

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 février 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , d' avenir pour l' agriculture , l' alimentation et la forêt ,

Par Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Didier Marie, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1548 , 1604 , 1614 , 1639 et T.A. 273

Sénat :

279 (2013-2014)

SYNTHÈSE DES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le 29 janvier 2014, sous la présidence de Mme Marie-Christine Blandin (ECOLO - Nord), la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné, sur le rapport pour avis de Mme Brigitte Gonthier-Maurin (CRC - Hauts-de-Seine), le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt .

Elle a adopté plusieurs amendements afin de conforter la capacité de l'enseignement agricole à assurer la promotion sociale de ses élèves et de consacrer la vocation essentiellement pédagogique des ateliers et exploitations dépendant des établissements.

En outre, elle a retenu la suppression de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France , considérant que ce projet n'était pas suffisamment mûr et ces contours encore trop indéfinis. Toutefois, considérant que le débat parlementaire devrait permettre d'obtenir les clarifications souhaitables, elle a également adopté des amendements visant à préciser le statut, le périmètre, les missions et la gouvernance de cet institut, s'il venait à être créé.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat s'est saisie pour avis du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Sa saisine porte sur le titre IV, enrichi de cinq articles additionnels à l'Assemblée nationale et consacré à l'enseignement, la formation, la recherche et le développement agricoles et forestiers. Ces sujets entrent pleinement dans le champ de compétences de la commission, qui chaque année analyse la situation des enseignements agricoles technique et supérieur dans ses avis budgétaires.

Votre rapporteure pour avis a ainsi analysé les dispositions susceptibles :

- de favoriser la promotion sociale des élèves de l'enseignement agricole en facilitant notamment les poursuites d'études vers les diplômes de techniciens et d'ingénieurs ;

- de promouvoir la diffusion de l'agroécologie et de permettre aux élèves d'apprendre à produire autrement ;

- de restructurer le paysage institutionnel de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE SOUTIEN À L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE AGRICOLE

A. LA PROMOTION SOCIALE DES ÉLÈVES ET DES ÉTUDIANTS

1. La participation de l'enseignement agricole à la réduction des inégalités entre territoires urbains et ruraux

Une étude du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), publiée en septembre 2011, a jeté un éclairage sur le clivage net qui sépare les parcours scolaires en zone urbaine et en milieu rural, à partir de l'analyse de la région Basse-Normandie.

La morphologie sociale des collèges et des lycées ruraux illustre la moindre qualification générale de la population rurale et la sous-représentation des cadres et des professions libérales. La part des élèves d'origine défavorisée dans les collèges ruraux avoisine 42 % en moyenne contre 34 % environ en milieu urbain et périurbain. Les résultats scolaires pendant les années de collège sont identiques, voire un peu meilleurs, en zone rurale, mais à la fin de la classe de 3e, les jeunes ruraux sont plus souvent orientés vers la voie professionnelle : c'est le cas de 48 % d'entre eux contre 41 % des jeunes urbains. La part de l'apprentissage est particulièrement importante : 30 % des ruraux entrent dans la voie professionnelle contre 25 % des urbains. C'est ce biais d'orientation qui cause les différences de niveau de sortie du système éducatif avec à la fois de moindres sorties sans diplôme qu'en milieu urbain mais surtout nettement moins de sorties à bac +3 et plus.

Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer les différences de parcours, comme les représentations des élèves et des familles qui privilégient les métiers qu'ils connaissent concrètement et alimentent une autolimitation des ambitions, mais aussi la réalité des perspectives d'emploi en zone rurale dont le marché du travail est tassé vers le bas de l'échelle sociale. L'implantation des établissements et l'offre de formation pèsent également. Les lycées notamment généraux sont nettement plus petits en zone rurale et l'offre de formation y est beaucoup moins diversifiée, ce qui limite de fait les possibilités de cursus par la suite.

Enfin, la gestion des déplacements et du logement est cruciale. Bien souvent, le déterminisme géographique est fort et les élèves choisissent la filière présente dans l'établissement le moins éloigné de leur domicile. C'est pourquoi le développement des aides à la mobilité et au logement est nécessaire afin d'ouvrir l'horizon des parcours possibles pour les jeunes ruraux.

L'élévation du niveau de qualification des populations rurales dépend pour une grande part de la qualité de l'offre pédagogique, de la finesse du maillage territorial et de la fluidité des parcours de l'enseignement agricole.

Pour lutter contre les inégalités de destin persistantes entre les jeunes urbains et les jeunes ruraux, il convient de renforcer les capacités de promotion sociale de l'enseignement agricole. À cette fin, plusieurs leviers doivent être actionnées simultanément : le conseil en orientation, l'amplification de l'aide sociale, la facilitation des reprises d'études, le développement de l'accès aux formations de techniciens supérieurs agricoles (BTSA) et d'ingénieurs.

2. Un projet de loi qui entreprend de faciliter les poursuites d'études

Votre rapporteure pour avis partage le souci de faciliter les poursuites d'études au sein du réseau de l'enseignement agricole technique et supérieur et soutient les avancées du projet de loi sur ce point.

Il est prévu à l'article 26 d'inclure un plan d'action en matière d'orientation dans les projets d'établissements. C'est utile pour soutenir les élèves dans la construction de leurs parcours au sein de l'enseignement agricole, alors que la rénovation de la voie professionnelle a entraîné une refonte importante des filières et des cursus.

Néanmoins, il convient de travailler en amont avec les collèges pour que l'enseignement agricole gagne en visibilité et devienne effectivement une option possible pour les élèves à égale dignité avec les lycées de l'éducation nationale. De ce point de vue, une grande attention devra être portée au mouvement de régionalisation du système d'orientation. Il ne doit pas conduire à refermer davantage l'enseignement agricole sur les seuls métiers de la production agricole alors qu'il s'est considérablement diversifié vers l'agroalimentaire, la transformation, les services en milieux ruraux et les métiers de la forêt et de l'environnement.

L'article 26 acte également la participation de l'enseignement agricole à la lutte contre les stéréotypes sexués, ce dont votre rapporteure pour avis ne peut que se féliciter. Cela doit contribuer à ouvrir l'horizon des possibles professionnels pour les jeunes garçons et les jeunes filles, alors que certaines filières connaissent encore un fort biais sexué, comme l'ensemble de l'enseignement professionnel sous tutelle de l'éducation nationale.

Pour faciliter les reprises d'études, l'article 26 du projet de loi prévoit la possibilité d'une acquisition progressive des diplômes par capitalisation d'unités de valeurs au cours de la formation. À cette fin, les élèves se verraient remettre une attestation qui validerait les connaissances et les capacités acquises lors de leur formation, un décret devant préciser les conditions de son utilisation pour l'obtention ultérieure du diplôme. Il convient de rappeler qu'un dispositif similaire existe dans l'éducation nationale pour les diplômes des formations technologiques et professionnelles mais n'a pas été utilisé. C'est d'ailleurs pourquoi la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l'école de la République a dû instaurer un droit différé à la formation dont l'applicabilité et le financement restent flous, mais qui en l'état du droit s'impose à l'État en général, donc aussi bien à l'éducation nationale qu'à l'enseignement agricole.

Votre rapporteure pour avis n'est pas opposée ceteris paribus aux mesures de sécurisation des parcours scolaires. Néanmoins, dans l'arrêt des modalités d'application du dispositif d'acquisition progressive des diplômes, il est impératif de ne pas fragiliser la valeur nationale et le niveau des diplômes, alors que la rénovation de la voie professionnelle n'a pas été encore pleinement assimilée. La modularisation du diplôme ne doit pas non plus servir de palliatif à la chute très préoccupante des résultats au baccalauréat professionnel agricole depuis deux ans, notamment dans le coeur de métier, la production. Cette chute appelle des correctifs pédagogiques et non administratifs.

L'appui à la poursuite d'études passe également par un soutien financier. L'article 26 du projet de loi renvoie au droit commun la fixation du montant des bourses dans l'enseignement agricole. Il prévoit en revanche de nouveaux arrêtés spécifiques pour préciser les conditions d'attribution des aides à la mobilité internationale dans l'enseignement agricole. La nécessité d'un soutien à la mobilité internationale est apparue comme un des axes de la concertation sur l'avenir de l'enseignement agricole. La confrontation avec des sociétés et des environnements étrangers dans le cadre de leur formation est particulièrement importante pour des jeunes souvent issus de milieux ruraux peu mobiles. Elle contribuera à leur apprentissage citoyen comme à l'acquisition de techniques nouvelles de production.

La mesure phare du projet de loi en matière de promotion sociale des élèves concerne l'entrée dans les formations d'ingénieurs de l'enseignement supérieur agricole, qui rassemble douze écoles agronomiques et vétérinaires. Votre rapporteure pour avis approuve la création d'une voie d'accès spécifique grâce à l'instauration de classes préparatoires professionnelles.

Il est bien certain qu'aujourd'hui l'accès aux concours des écoles nécessite soit le passage par une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) qui concerne essentiellement les bacheliers de la série S, soit l'obtention préalable d'un BTSA ou d'une licence professionnelle. Dans les deux cas, les bacheliers professionnels agricoles ne sont pas mis en capacité de prétendre aux formations d'ingénieur de l'enseignement supérieur agricole. Il y a donc bien une coupure préjudiciable dans l'organisation des parcours qui freine la poursuite d'études supérieures d'élèves issus très majoritairement de milieux sociaux défavorisés.

Il faut noter sur ce point un paradoxe : les écoles d'ingénieurs publiques font moins bien que leurs homologues privées. Profitant de leur liberté pédagogique et de sélection, celles-ci mettent en place des classes préparatoires intégrées qui accompagnent les élèves et effacent l'obstacle du concours après deux ans, ce qui leur permet d'assurer la promotion sociale d'élèves issus de milieux modestes.

Si l'instauration de classes préparatoires est bienvenue, votre rapporteure pour avis souhaite toutefois en ramener la portée à de justes proportions. Il n'est pas prévu que ce dispositif concerne plus de quelques dizaines d'élèves par an. Il ne s'agit donc en rien d'une mesure susceptible d'enclencher un mouvement massif de promotion sociale. Elle laisse, de plus, dans l'angle mort, deux difficultés :

- comment assurer la poursuite d'études du baccalauréat professionnel vers le BTSA ? Si l'on veut être plus efficace, il faut consolider l'enseignement supérieur court comme marche intermédiaire ;

- comment assurer, après leur admission, la réussite en formation d'ingénieur des bacheliers professionnels et des BTSA ? Il ne faut pas oublier l'aspect pédagogique derrière le problème de « tuyauterie ». Les élèves visés ont dans les matières les plus académiques un retard certain à rattraper sur un étudiant sorti d'une CPGE après un baccalauréat S.

Pour renforcer le dispositif de l'article 26 du projet de loi et porter plus avant l'ambition du Gouvernement, votre commission pour avis a donc adopté deux amendements à l'initiative de sa rapporteure. Les deux amendements sont en parfaite cohérence avec l'article 33 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui tendait lui aussi à favoriser les poursuites d'études des élèves les plus défavorisés.

Le premier vise à développer une démarche volontaire avec la fixation par arrêté du ministre de l'agriculture d'un pourcentage de bacheliers professionnels agricoles dans les BTSA.

Le second vise la mise en place d'un accompagnement spécifique des bacheliers professionnels agricoles et des titulaires d'un BTSA qui intègrent une formation d'ingénieur dans l'enseignement supérieur agricole.

B. APPRENDRE À PRODUIRE AUTREMENT DANS LES ÉTABLISSEMENTS

1. Un cadre national au service de la transformation agroécologique

L'enseignement agricole est un levier essentiel pour transformer le système de production français et assurer la diffusion de l'agroécologie, ambitions que porte le ministre de l'agriculture. Votre rapporteure pour avis partage ces objectifs et accueille très favorablement les éléments du projet de loi qui concourent à l'implication des établissements dans l'apprentissage de modes de production alternatifs respectueux de l'environnement. Plus que la course à la performance économique encore trop affichée, c'est le souci de la performance sociale et écologique qui doit être mise au coeur du projet pédagogique et éducatif au sens large de l'enseignement agricole.

L'article 26 du projet de loi rappelle ainsi la participation de l'enseignement agricole à la politique de développement durable. Il ajoute la promotion de la diversité des systèmes de production agricole aux missions des établissements d'enseignement agricole publics et privés. Il fait également obligation aux établissements de participer à la politique de promotion de l'agroécologie et de l'agriculture biologique.

Pour que cette nouvelle mission assignée à l'enseignement agricole ne reste pas lettre morte et pour éviter que l'autonomie locale ne vienne en émousser la portée, il est nécessaire de définir un cadre national solide qui servira de référence commune. C'était une des préconisations de l'observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA), présidé par M. Henri Nallet, et c'était également une des conclusions de la concertation sur l'enseignement agricole qui a précédé l'élaboration du projet de loi.

Votre rapporteure pour avis se félicite donc qu'il soit prévu, au sein de l'article 26 précité, de compléter le cadre de référence auquel doivent se conformer les projets d'établissements en y intégrant un projet stratégique national pour l'enseignement agricole. De même est bienvenu le rappel de la nécessité de mettre en cohérence les projets d'établissements avec les orientations des politiques publiques pour l'agriculture. Ces nouveaux éléments sont de nature à conforter et à compléter le cadre de référence déjà dessiné par le schéma prévisionnel national des formations de l'enseignement agricole et par les programmes et les référentiels nationaux.

Toutefois, il conviendra de rester vigilants alors qu'est enclenché progressivement un mouvement de régionalisation des formations professionnelles.

La loi de refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 a confié aux régions l'élaboration de la carte des formations professionnelles initiales, en concertation avec les autorités académiques. La confection de cette carte régionale nécessitera un dialogue approfondi entre les recteurs et les directeurs régionaux de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF) pour arbitrer les ouvertures et les fermetures de filières. Il faut garantir la complémentarité des réseaux sans concurrence et dans le respect des spécificités de chacun. Certaines formations de l'enseignement agricole risquent de pâtir de la régionalisation, dès lors que le réseau est beaucoup plus mince et disséminé que celui de l'éducation nationale et que les DRAAF et les structures privées n'ont pas le même pouvoir de négociation que les recteurs.

Un amendement à l'article 26 du présent projet de loi, adopté à l'Assemblée nationale, est venu apporter sa pierre à l'édifice, en associant les régions à la mise en oeuvre des missions de l'enseignement agricole public à l'exception de la mission de formation proprement dite. Sont visées l'animation et le développement des territoires, l'insertion scolaire, sociale et professionnelle, l'expérimentation et l'innovation agricoles et agroalimentaires et la coopération internationale.

Sur le principe, votre rapporteure pour avis n'est pas hostile à la participation des régions, mais dans la pratique, elle s'inquiète de la dilution des priorités nationales et de l'aggravation des inégalités territoriales, qui résulteraient de politiques régionales divergentes et disparates.

2. Les ateliers techniques et les exploitations pédagogiques

Les ateliers techniques et les exploitations dépendant des établissements d'enseignement agricole constituent des instruments essentiels pour la formation des futurs agriculteurs et pour l'expérimentation et la diffusion de nouveaux modes de production. C'est pourquoi il convient de les conforter, notamment du point de vue financier, alors que les politiques de soutien des conseils régionaux sont très variables.

De ce point de vue, l'article 26 du projet de loi contient une avancée importante avec l'ouverture aux établissements de l'accès à l'indemnisation pour calamités agricoles subies par leurs exploitations. Le droit en vigueur l'interdisait à toutes les personnes publiques.

Cependant, n'est pas remis en cause le principe de rentabilité économique qui s'impose aux exploitations des établissements agricoles. Or, il paraît illusoire de demander à ces exploitations simultanément de fonctionner dans les conditions réelles du marché, d'assurer la formation des élèves et d'innover pour diffuser l'agroécologie. C'est pourquoi il convient de relâcher la contrainte d'autofinancement.

C'est une contrainte que les lycées professionnels de l'éducation nationale ne connaissent pas et que leurs maigres ressources ne permettraient pas de respecter si elle leur était imposée. Un lycée hôtelier n'a pas à financer son restaurant d'application sur les repas qu'il vend. Un atelier de menuiserie dans un lycée professionnel n'a pas à financer ses achats de bois par la vente de meubles fabriqués par ses élèves. La même logique devrait s'imposer dans l'enseignement agricole, qui n'a pas à supporter un handicap financier supplémentaire.

Dans de nombreux secteurs agricoles, la contrainte d'équilibre économique paraît irréaliste et conduit à écarter les élèves des exploitations ou à sacrifier l'expérimentation de techniques nouvelles. Les lycées viticoles, comme les remarquables établissements d'Avize dans la Marne et de Blanquefort en Gironde, qu'a visités la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, peuvent éventuellement soutenir cette contrainte économique parce que leur secteur peut dégager des marges suffisantes et parce que l'activité de commercialisation est directement associée au métier de producteur. Les lycées spécialisés dans l'élevage par exemple sont nettement moins bien lotis.

En tout état de cause, les exploitations ne peuvent pas s'éloigner trop durablement de leur environnement économique, si elles veulent que les diplômes soient reconnus par la profession. Ce constat n'impose cependant pas de reproduire et d'imiter platement les modes de production des entreprises agricoles environnant le lycée. Il ne faut renoncer ni à l'exemplarité des exploitations pédagogiques, qui doivent préparer la transition du système de production français, ni à leur vocation didactique, qui leur impose de s'adapter à leurs élèves.

C'est pourquoi à l'initiative de sa rapporteure, votre commission pour avis a adopté un amendement pour limiter l'impératif de rentabilité économique. Il met en avant la vocation essentiellement pédagogique des ateliers technologiques et des exploitations agricoles et il supprime la notion en vigueur de formation aux réalités pratiques, techniques et économiques au profit de l'objectif de formation aux pratiques professionnelles.

3. Les personnels des établissements

Pour que les élèves puissent apprendre à produire autrement, il faut porter une attention toute particulière aux personnels qui les forment et les encadrent dans les établissements d'enseignement agricole. La formation de ces personnels constitue à l'évidence un enjeu important, qu'avaient bien identifié l'ONEA et les participants à la concertation sur l'enseignement agricole.

Le projet de loi est décevant sur ce point. Il donne l'impression de vouloir simplement prolonger, au sein de l'Institut agronomique et vétérinaire de France (IAVF), l'action des opérateurs actuels que sont l'École nationale de formation agronomique (ENFA) et AgroSupDijon.

Votre rapporteure pour avis estime très insuffisant le renvoi à un décret pour constituer un réseau chargé de la formation des personnels de l'enseignement technique entre les membres de l'IAVF. Cette mesure ne répond pas aux difficultés présentes, elle compte sur les coopérations volontaires déjà existantes et ne prend pas la mesure de la rénovation introduite dans l'éducation nationale avec la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ).

C'est pourquoi votre commission pour avis a adopté, à l'initiative de sa rapporteure, un amendement à l'article 27 du projet de loi pour faire de l'appui à l'enseignement technique agricole une mission essentielle de l'IAVF, pour donner un statut législatif au réseau interne à l'institut qui sera chargé d'assurer la formation initiale et continue des personnels des Établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) et pour prévoir la conclusion de partenariats entre l'IAVFF et des ÉSPÉ.

D'autres mesures concernant les personnels suscitent les inquiétudes de votre rapporteure pour avis. L'extension des possibilités d'expérimentation dans les établissements à l'organisation des équipes pédagogiques devra être appliquée avec une grande prudence, uniquement avec des personnels volontaires et dans le respect des garanties accordées par leur statut.

Surtout une disposition introduite à l'Assemblée nationale à l'article 26 du projet de loi risque d'affaiblir l'emploi statutaire public en favorisant le recours aux contractuels. Elle provient du Gouvernement qui aurait dû l'intégrer à la version initiale du texte pour le soumettre à l'avis du Conseil d'État. Elle ouvre la possibilité de recruter des agents contractuels à temps complet dans les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) et dans les centres de formation d'apprentis (CFA) des établissements de l'enseignement agricole public.

Il convient de rappeler un des principes fondamentaux du droit de la fonction publique : les emplois permanents de l'administration sont normalement occupés par des fonctionnaires. Les dérogations à ce principe pour permettre le recours à des agents contractuels sur des emplois destinés à répondre à des besoins permanents sont limitées. Il faut citer l'impossibilité pratique de recruter des agents titulaires, les spécificités inhérentes à certains emplois, le remplacement momentané de fonctionnaires, le pourvoi d'emplois à temps non complet, le recrutement d'agents handicapés.

Est visé par l'amendement adopté à l'initiative du Gouvernement, le pourvoi d'emplois à temps non complet pour répondre à un besoin permanent dans les CFPPA et les CFA de l'enseignement agricole public. Le droit en vigueur ouvre cette possibilité dans la fonction publique d'État uniquement pour les emplois d'une durée n'excédant pas 70 % d'un temps complet. L'amendement ouvre de façon totalement dérogatoire la possibilité d'un recrutement à temps complet.

Votre rapporteure pour avis considère qu'il faut avoir recours à la titularisation des agents contractuels, conformément au droit commun de la fonction publique, si l'on veut déprécariser les agents contractuels à temps incomplet. Cette titularisation est soumise à des règles d'ancienneté et des procédures clairement définies. Elle ouvre des garanties et des protections beaucoup plus importantes que le recours à des temps complets.

II. LE RESSERREMENT DES COOPÉRATIONS INSTITUTIONNELLES DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AGRICOLE

A. LE PARI RISQUÉ ET INCERTAIN DE LA CRÉATION DE L'INSTITUT AGRONOMIQUE, VÉTÉRINAIRE ET FORESTIER DE FRANCE

La création de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVF) constitue l'innovation essentielle du titre IV du projet de loi consacré à l'enseignement agricole. Cette structure nouvelle rassemble l'ensemble des écoles de l'enseignement supérieur agricole, qui ne perdent pas pour autant leur personnalité juridique ni leur autonomie financière. L'article 27 du projet de loi ouvre l'adhésion à l'institut à d'autres établissements d'enseignement et de recherche à raison de leur champ d'activités.

Ce n'est pas la première tentative de renforcement des coopérations dans le domaine de l'enseignement et de la recherche agronomique te vétérinaire. En l'espace d'une décennie, le nombre d'établissements a été divisé par trois grâce à des fusions. Sont apparues également des écoles mixtes couvrant les deux champs comme ONIRIS et VetagroSup.

Le décret n° 2009-522 du 7 mai 2009 a ensuite créé le Consortium national pour l'agriculture, l'alimentation, la santé animale et l'environnement, mieux connu sous le nom d'Agreenium. Constitué sous forme d'un établissement public de coopération scientifique (EPCS), Agreenium regroupe sur la base du volontariat des organismes comme le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'école nationale vétérinaire de Toulouse, historiquement très liée à l'INRA, et des écoles agronomiques comme MontpellierSupAgro, AgroCampusOuest, AgroParistech, rejoints en juin 2012 par AgroSupDijon et Bordeaux SciencesAgro.

Dans un souci de rationalisation, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a supprimé le statut d'EPCS au moment où sont créées les communautés d'universités et d'établissements. Un délai de cinq ans est laissé à Agreenium par la loi pour changer de statut. Plutôt que de procéder à sa transformation, par exemple en établissement public administratif (EPA), le Gouvernement a choisi de constituer une nouvelle structure, l'IAVF, auquel seront transférés dès sa création les droits, les biens et les titres d'Agreenium.

Votre rapporteure pour avis s'interroge sur ce choix alors qu'aucune évaluation indépendante rigoureuse d'Agreenium n'existe. Le délai de cinq ans aurait pu être mis à profit pour la réaliser et réfléchir à la transformation d'Agreenium sur une base solide et partagée.

Nous sommes confrontés à un dilemme. Soit Agreenium est un échec, et dans ce cas il faut rompre avec ce modèle. Soit Agreenium a apporté par une méthode de concertation non contraignante des bénéfices suffisants comme une visibilité supplémentaire à l'international et un rapprochement entre les écoles agronomiques et la recherche. Dans ce cas, pourquoi ne pas continuer sur ce modèle et convaincre progressivement, sur la base de résultats concrets, les organismes réticents comme les écoles vétérinaires (Alfort, Lyon et Nantes) ou l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) ?

La vraie rupture de l'IAVFF avec Agreenium est de rejeter le principe d'intégration volontaire des écoles agronomiques et vétérinaires au profit d'un rassemblement obligatoire de tout l'enseignement supérieur agricole. Cette contrainte nouvelle risque de se traduire concrètement par une crispation des acteurs et un blocage de la coopération espérée, d'autant que l'IAVFF n'assurera pas de tutelle sur les écoles et les organismes de recherche et ne disposera pas des moyens juridiques de leur imposer ses décisions. Le risque que porte en lui l'IAVFF est celui de la paralysie et de l'enlisement.

En tout état de cause, tel que l'IAVFF est décrit dans l'article 27 du projet de loi, il est difficile d'estimer le surcroît d'efficacité que l'on peut espérer de sa constitution par rapport au bilan d'Agreenium. Autrement dit les bénéfices de la création de l'IAVFF sont incertains, tandis que les risques et les coûts de sa création sont réels.

Les bénéfices sont d'autant plus incertains que le plus grand flou règne sur la définition du statut de l'IAVFF, sur la délimitation de son périmètre et sur son mode de gouvernance. Le projet de loi ne mentionne même pas qu'il s'agit d'un établissement public. Il maintient sans raison une distinction entre les écoles agronomiques et vétérinaires incorporées sans délai et sans liberté de choix, d'une part, et les organismes de recherche qui pourront adhérer ultérieurement et de leur propre chef, d'autre part. Il demeure peu précis sur la structuration interne de l'institut et sur les équilibres à respecter dans la composition du conseil d'administration.

Au fond, qu'est-ce que l'IAVFF ? Les réponses de la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) et des actuels responsables d'Agreenium, qui y voient leur action seulement perpétuée sur un autre mode, n'ont pas convaincu votre rapporteure pour avis. Au cours des auditions qu'elle a menées, elle a pu entendre des interprétations divergentes : l'IAVFF serait à la fois un Parlement de l'enseignement supérieur agricole, un canal de transmission de la politique ministérielle, une agence de projets -soit comme maître d'ouvrage soit comme financeur- un opérateur de formation, une marque internationale...

La profusion des exégèses de l'article 27 du projet de loi ne serait-elle pas l'indice même que la forme, la place, le rôle et le fonctionnement de l'IAVFF ne sont pas encore arrêtés ? Il est particulièrement difficile au législateur de se prononcer sur la création d'un objet aux contours aussi indéfinis.

Il est tout à fait intéressant de se rapporter aux versions antérieures du projet de loi, particulièrement à celle présentée pour avis au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agronomique, agro-alimentaire et vétérinaire (CNESERAAV). La rédaction de l'article 27 était extrêmement différente et reprenait plus étroitement les rapports rendus en 2013 par Bernard Chevassus-au-Louis et par Stéphane Martinot sur la coopération en matière agronomique et vétérinaire respectivement. La version actuelle de l'article 27 est manifestement le résultat du collage de fragments de la version initiale dans laquelle coexistaient et étaient très précisément décrits :

- un établissement public de coopération agricole pour le domaine agronomique inspiré du premier rapport ;

- un établissement public administratif regroupant les écoles vétérinaires inspiré du second rapport ;

- un grand établissement de formation des enseignants en lien avec les ESPE, inspiré des conclusions de la concertation sur l'enseignement agricole.

Alors que l'on aurait pu penser que la démarche de construction du projet de loi irait dans le sens d'une clarification, au contraire tous les éléments précis et tous les contours ont été gommés.

Il manque également une vision claire de l'articulation avec la nouvelle structuration du paysage universitaire issue à la loi du 22 juillet 2013 précitée. Quelle sera l'articulation de la politique de l'IAVFF avec les politiques de site menées dans les communautés d'universités et d'établissements auxquelles appartiennent les écoles agronomiques et vétérinaires ? Il ne suffit pas de constater que, d'un point de vue logique et strictement juridique, il n'existe pas de contradiction entre les textes de loi. Il faut s'assurer de la cohérence de leurs orientations et des effets de leur application concrète. Le poids des politiques de sites contraindra nécessairement l'action de l'IAVFF et doit donc être anticipé.

Le projet Saclay ne déterminera-t-il pas les conditions de participation d'AgroParisTech à l'IAVFF ? Comment l'IAVFF prendra-t-il en compte l'inscription de l'école nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA) dans une communauté d'universités avec l'Université Paris-Est Créteil, l'Université Paris Est Marne La Vallée, l'école des Ponts et d'autres écoles d'ingénieurs et d'architectes, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), l'établissement français du sang, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) entre autres ? Ces questions se poseront pour tous les membres de l'IAVFF.

Il existe bel et bien un risque d'orthogonalité avec la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, un risque d'enfermement ou de repli sur le champ agricole. Ce serait dommageable pour tous les acteurs mais en particulier pour les écoles vétérinaires qui ont vocation à tisser des partenariats avec les facultés de médecine et des organismes de recherche extérieurs au ministère de l'agriculture comme l'Inserm et l'Institut Pasteur.

Votre rapporteure pour avis ne peut également manquer de pointer la question du financement de l'IAVFF. Ces inquiétudes portent sur deux points :

- le recours possible à des fonds privés dans des domaines sensibles qui touchent à l'alimentation et à la santé publique ;

- la fragilisation de la situation financière des écoles par ponction de leurs ressources. Ce second point suscite beaucoup de craintes dans les établissements concernés dont la situation budgétaire est parfois extrêmement difficile.

La création de l'IAVFF permettra certainement de constituer une marque visible pour tenir notre rang dans la compétition internationale. C'est très loin d'être un avantage négligeable. Mais ce résultat pourrait être obtenu par d'autres biais. Cela ne nécessiterait en réalité qu'une convention entre les établissements pour désigner un chef de file ou une structure extrêmement légère de type conférence soutenue efficacement par la tutelle. Malgré la création de l'IAVFF, même en matière d'action internationale, on renverra pour la partie opérationnelle vers les établissements et les instituts de recherche qui gardent leur politique et leur personnalité juridique.

Il ne semble pas que, sans un projet clair et dans un contexte financier tendu, il existe une solution intermédiaire possible entre un institut intégré absorbant tous les établissements, solution que personne n'envisage pour l'instant, et une formule de concertation volontaire et de rapprochement graduel.

Votre rapporteure pour avis considère qu'il est paradoxal de confier un rôle de conseil et d'orientation stratégique pour la définition des politiques nationales d'enseignement et de recherche agricoles à un établissement comme l'IAVFF alors que ces missions devraient être assumées en propre par la tutelle, c'est-à-dire par le ministère de l'agriculture lui-même. Si la situation n'est pas aujourd'hui satisfaisante, c'est bien parce que le ministère n'assume pas correctement sa tutelle et ses prérogatives sur les écoles et les instituts de recherche. La volonté de créer l'IAVFF pour lui déléguer une des missions fondamentales de la tutelle révèle en filigrane la faiblesse de la DGER.

B. LES CLARIFICATIONS SOUHAITÉES PAR LA COMMISSION DE LA CULTURE, DE L'ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION

Considérant les incertitudes grevant la création de l'IAVFF, votre commission pour avis a adopté un amendement de suppression de cette mesure qui ne lui paraît pas encore suffisamment mûre.

Toutefois, considérant également que l'institut pourrait se révéler un instrument intéressant de consolidation de l'enseignement supérieur agricole, si son positionnement et son fonctionnement étaient mieux définis, votre commission pour avis a adopté plusieurs amendements de repli afin d'en clarifier et d'en préciser le statut, le périmètre et la gouvernance.

Outre l'amendement déjà évoqué plus haut en matière de formations des personnels de l'enseignement technique agricole, ces amendements ont pour objet de :

- doter l'IAVFF du statut d'établissement public national à caractère administratif ;

- inclure dans le périmètre initial et obligatoire de l'IAVFF les établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST) sous la tutelle du ministre de l'agriculture, soit les organismes de recherche que sont l'INRA et l'IRSTEA ;

- exclure du périmètre les établissements privés à l'exception des fondations reconnues d'utilité publique, à l'instar de l'Institut Pasteur ;

- créer une commission scientifique chargée d'apporter son expertise au conseil d'administration ;

- prévoir que tous les membres de l'IAVFF sont représentés au conseil d'administration, ce qui donnera notamment au moins quatre sièges aux quatre écoles vétérinaires afin de garantir leur poids dans l'institut ;

- supprimer le rapport d'évaluation sur la création de l'IAVFF, qui empiète inutilement sur les compétences de la commission d'application des lois et du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES).

Par ailleurs, votre commission pour avis a adopté deux amendements afin de supprimer les modifications de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche introduites par l'article 27 bis du projet de loi. Elle a souhaité en rester à la rédaction issue de ses travaux lors du débat parlementaire de l'été dernier qui offre toute les garanties de respect de la démocratie universitaire.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IV - ENSEIGNEMENT, FORMATION, RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT AGRICOLES ET FORESTIERS

Article 26 (art. L. 361-7, L. 718-2-1, L. 718-2-2, L. 800-1, L. 810-2, L. 811-1, L. 811-2, L. 811-5, L. 811-6, L. 811-8, L. 813-1, L. 813-2, L. 813-8-1 [nouveau], L. 813-8-2 [nouveau], L. 814-2 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 341-1 et L. 421-22 du code de l'éducation) - Diverses dispositions en matière d'enseignement agricole

I. Le texte du projet de loi

A - Clarification des missions de l'ensemble de l'enseignement agricole

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 800-1 du code rural et de la pêche maritime concerne l'ensemble des établissements ou organismes d'enseignement, de formation professionnelle, de développement agricole et de recherche agronomique et vétérinaire sous la tutelle du ministère de l'agriculture. Il leur demande de développer leur coopération en élaborant et en mettant en oeuvre des projets communs en matière de production, de protection de l'environnement et d'aménagement du territoire. Aucune autre disposition du code rural ne définit le cadre des missions du système d'enseignement et de recherche agricole.

Le 1° du I de l'article 26 du projet de loi étoffe significativement ces dispositions générales valables pour l'ensemble de l'enseignement agricole. Il assigne aux établissements concernés trois missions :

- assurer l'acquisition et la diffusion de connaissances dans une perspective de performance économique, sociale, écologique et sanitaire. Sont concernés aussi bien les activités de production et de transformation que les services liés à l'agriculture, à l'alimentation, aux territoires ruraux et la sylviculture ;

- participer aux politiques d'éducation, de recherche, de développement technologique et d'innovation, de sécurité alimentaire et sanitaire, de développement durable et de cohésion des territoires ;

- élaborer et mettre en oeuvre des projets communs dans les domaines précités, qui définissent un champ d'intervention élargi.

B - Médiateur de l'enseignement agricole

Le 2° du I de l'article 26 du projet de loi consacre législativement la fonction de médiateur de l'enseignement agricole technique et supérieur, qui n'est aujourd'hui régi que par une note de service de la DGER en date du 25 octobre 2000. Le médiateur recevra les réclamations concernant le fonctionnement du service public de l'enseignement agricole. Sa compétence couvre les relations avec ses usagers, essentiellement les élèves, les étudiants et leurs familles, et avec ses agents. La rédaction est décalquée de l'article L. 23-10-1 du code de l'éducation qui régit le médiateur de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur.

Des missions complémentaires de médiation à titre préventif ou lors de situations conflictuelles pourront lui être confiées par le ministre de l'agriculture. Cette faculté n'a pas d'équivalent dans l'éducation nationale et n'est pas inscrite à l'article L. 23-10-1 précité, ni dans les articles D. 222-37 à D. 222-42 du code de l'éducation qui le déclinent pour préciser le fonctionnement du médiateur et de ses correspondants académiques.

C - Acquisition progressive des diplômes

L'article L. 811-2 du code rural et de la pêche maritime dans sa version en vigueur définit le cadre commun des formations dispensées par l'enseignement général, technologique et professionnel et la formation professionnelle publics aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires.

Ces formations s'étendent de la classe de quatrième du collège à l'enseignement supérieur inclus. Elles sont dispensées suivant des programmes et des référentiels nationaux. Elles sont sanctionnées par des diplômes d'État ou des diplômes nationaux reconnus équivalents aux diplômes de même niveau de l'enseignement général, technologique et professionnel sous tutelle du ministre de l'éducation nationale.

Le 3° du I de l'article 26 du projet de loi complète l'article précité du code rural pour prévoir la possibilité d'une acquisition progressive de ces diplômes. À cette fin, les élèves se verraient remettre une attestation qui validerait les compétences acquises lors de leur formation, un décret devant préciser les conditions de son utilisation pour l'obtention ultérieure du diplôme. Un dispositif analogue existe déjà pour les formations technologiques et professionnelles de l'éducation nationale sans avoir connu d'application concrète (art. L. 335-11 du code de l'éducation).

D - Bourses et aides à la mobilité internationale dans l'enseignement agricole

L'article L. 811-6 du code rural et de la pêche maritime renvoie à des arrêtés ministériels le soin de préciser pour chaque établissement d'enseignement agricole et vétérinaire ou, en cas de pluralité d'établissements d'une même catégorie, pour chaque catégorie d'établissements :

- leur organisation intérieure ;

- le programme des études ;

- les conditions d'admission et le montant des droits de scolarité ;

- les conditions d'attribution des bourses et les modalités de fixation des prix de pension.

Est visé l'enseignement agricole aussi bien technique que supérieur.

Le 4° du I de l'article 26 du projet de loi ne garde de cette liste que l'arrêté fixant les conditions d'admission et le montant des droits de scolarité.

Ceci ne remet pas en cause la compétence du pouvoir réglementaire pour régler l'organisation intérieure des établissements et le programme des études. Nulle autorisation législative n'était nécessaire et les arrêtés existants demeureront en vigueur.

Les limites à la compétence du pouvoir réglementaire en matière de cursus de formation que pose le principe d'autonomie des établissements d'enseignement supérieur restent également valides. De même, les modalités de fixation des prix de pension dépendent des délibérations des conseils d'administration des EPLEFPA (art. R. 811-86 du code rural et de la pêche maritime) et des établissements d'enseignement supérieur.

La suppression du renvoi à un arrêté pour fixer les conditions d'attribution des bourses n'a pour conséquence que d'aligner sur le droit commun de l'enseignement supérieur le régime de l'enseignement agricole. Il n'existe d'ailleurs pas de politique propre d'attribution des bourses par le ministre de l'agriculture, qui reprend les mesures prises par le ministre en charge de l'enseignement supérieur. Cette modification paraît essentiellement formelle.

En revanche, le 4° du I de l'article 26 du projet de loi prévoit de nouveaux arrêtés spécifiques pour préciser les conditions d'attribution des aides à la mobilité internationale accordées aux élèves, étudiants, apprentis et stagiaires de l'enseignement agricole. La nécessité d'un soutien à la mobilité internationale était apparue comme un des axes de la concertation sur l'avenir de l'enseignement agricole.

E - Projets d'établissements dans l'enseignement technique agricole

L'article L. 811-8 définit les missions, l'organisation et les principes de fonctionnement des EPLEFPA.

Le 5° du I de l'article 26 du projet de loi précise que la démonstration, l'expérimentation et la diffusion des techniques nouvelles dans les ateliers technologiques et les exploitations pédagogiques doivent être cohérentes avec les orientations des politiques publiques pour l'agriculture.

De même, le projet d'établissement établi par chaque EPLEFPA devra respecter les orientations des politiques publiques en matière d'agriculture. Il lui est toujours demandé de surcroît de respecter le schéma prévisionnel national des formations de l'enseignement agricole, le schéma prévisionnel régional des formations, le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles, ainsi que les programmes et les référentiels nationaux.

Enfin, le projet d'établissement devra décrire la politique retenue en matière d'échanges internationaux et de participation à des activités de coopération internationale.

F - Transposition à l'enseignement technique agricole privé

En outre, le 5° du I de l'article 26 du projet de loi transpose à l'enseignement privé :

- le principe d'une organisation des diplômes permettant leur acquisition progressive ;

- l'inscription dans le projet d'établissement de la politique d'échanges internationaux et de coopération ;

- la nécessité pour le projet d'établissement de respecter les orientations des politiques publiques en matière d'agriculture.

G - Indemnisation des exploitations pédagogiques en cas de calamités agricoles

Le II de l'article L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) exclue les collectivités publiques du bénéfice des indemnisations versées par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). En particulier, les exploitations pédagogiques des établissements d'enseignement agricole ne peuvent bénéficier de l'indemnisation des calamités agricoles appuyée sur la troisième section du FNGRA.

Aux termes de l'article L. 361-5 du CRPM, « les calamités agricoles sont les dommages résultant de risques, autres que ceux considérés comme assurables [...] , d'importance exceptionnelle dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l'agriculture, compte tenu des modes de production considérés, n'ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants. »

Le II de l'article 26 du projet de loi prévoit une dérogation à l'interdiction d'indemnisation des collectivités publiques au bénéfice des établissements d'enseignement et de formation professionnelle agricole à raison de l'activité de leurs exploitations pédagogiques.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a modifié le projet de loi pour :

- ajouter l'acquisition et la diffusion de connaissances, et non seulement de compétences, aux missions des établissements d'enseignement agricole ;

- faire explicitement mention du modèle coopératif et d'économie sociale et solidaire comme une réponse aux enjeux de performance de la production agricole devant être présenté dans l'enseignement agricole ;

- supprimer la mention des seuls territoires « ruraux » de telle sorte que l'enseignement agricole réponde aux enjeux de performance de tous les territoires ;

- rappeler l'association des milieux professionnels concernés à l'exercice des missions de l'enseignement agricole ;

- rappeler la participation de l'enseignement agricole à la politique de développement durable ;

- préciser que l'enseignement agricole participe aux politiques publiques aux niveaux national, européen et international ;

- ajouter la promotion de la diversité des systèmes de production agricole aux missions des établissements d'enseignement agricole publics et privés ;

- préciser le contenu et des modalités de l'attestation délivrée dans le cadre de l'acquisition progressive des diplômes ;

- prévoir un plan d'action en matière d'orientation au sein des projets d'établissement des lycées agricoles ;

- rappeler que les EPLEFPA forment aussi aux métiers de l'alimentation ;

- compléter le cadre de référence auquel doivent se conformer les projets d'établissements en y intégrant un projet stratégique national pour l'enseignement agricole ;

- étendre des possibilités d'expérimentation dans les établissements à l'organisation des équipes pédagogiques ;

- intégrer la formation continue à l'agroécologie dans les missions des CFPPA et des centres privés.

En séance plénière, l'Assemblée nationale a en outre modifié le projet de loi pour :

- faire participer les établissements d'enseignement agricole à la politique de promotion de l'agroécologie et de l'agriculture biologique ;

- faire participer l'enseignement agricole public à la lutte contre les stéréotypes sexués ;

- associer les régions à la mise en oeuvre des missions de l'enseignement agricole public (animation et de développement des territoires ; insertion scolaire, sociale et professionnelle ; expérimentation et innovation agricoles et agroalimentaires ; coopération internationale) à l'exception de la mission de formation proprement dite ;

- substituer une attestation du niveau des « capacités » à une attestation du niveau des « compétences » dans le cadre de l'acquisition progressive des diplômes ;

- ouvrir la possibilité de recruter des agents contractuels à temps plein dans les centres de formation d'apprentis (CFA) et dans les CFPPA ;

- créer un comité consultatif ministériel compétent pour les personnels enseignants et de documentation des établissements de l'enseignement agricole privé. C'est le complément logique du mouvement engagé par la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l'école de la République au bénéfice des personnels des établissements privés dépendant de l'éducation nationale ;

- ouvrir la possibilité pour le Fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant (Vivea) de procéder à un recouvrement fractionné de la contribution due par les exploitants agricoles au titre de la formation professionnelle continue.

III. La position de votre commission pour avis

Votre commission pour avis soutient pleinement la volonté du Gouvernement d'assurer la promotion sociale des élèves de l'enseignement agricole. Pour compléter le dispositif, elle a adopté un amendement qui tend à favoriser la poursuite d'études des titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole vers le BTSA en donnant au ministre de l'agriculture la faculté de fixer un pourcentage minimal de bacheliers professionnels agricoles dans les sections préparant au BTSA.

Cet amendement vient compléter les prérogatives du ministre de l'agriculture à qui l'article L. 811-6 du code rural et de la pêche maritime confie la fixation des conditions d'admission dans les établissements d'enseignement agricole. Il est inspiré de l'article 33 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui confie aux recteurs le soin de fixer des pourcentages minimaux de bacheliers professionnels dans les STS et de bacheliers technologiques dans les IUT.

En outre, votre commission pour avis se félicite du tournant agroécologique promu par le ministre de l'agriculture et souhaite que les établissements d'enseignement agricole puissent pleinement y participer. C'est dans cette perspective qu'elle a adopté un amendement visant à clarifier les missions des ateliers technologiques et des exploitations agricoles des EPLEFPA . Il met en avant leur vocation essentiellement pédagogique. Il préfère la notion de formation aux pratiques professionnelles à celle en vigueur de « formation aux réalités pratiques, techniques et économiques », qui paraît à la fois moins concise et moins précise et qui justifie la recherche de l'équilibre économique des exploitations, à rebours de leur mission didactique et de promotion de techniques nouvelles.

Enfin, votre commission pour avis s'est interrogée sur la possibilité de recruter des agents contractuels à temps plein dans les CFPPA et dans les centres de formation d'apprentis des établissements de l'enseignement agricole public.

Le législateur a encadré le recours à des agents contractuels pour répondre à des besoins permanents de l'administration Il a prévu une dérogation spécifique au principe du recrutement d'agents titulaires, c'est-à-dire de fonctionnaires, pour le pourvoi d'emplois à temps incomplet. C'est celle qui est utilisée dans les CFA et les CFPPA. Cette dérogation est justement encadrée pour éviter un recours intempestif et excessif à ce type de contrats qui viderait de son sens l'obligation de recrutement de titulaires. Elle est limitée dans la fonction publique d'État à des emplois d'une durée n'excédant pas 70 % d'un temps complet. La titularisation demeure toujours possible conformément au droit commun de la fonction publique.

Article 26 bis A - Rapport au Parlement sur l'harmonisation des statuts des personnels des établissements d'enseignement agricole et des établissements de l'éducation nationale

Cet article additionnel adopté par l'Assemblée nationale prévoit la remise avant le 31 décembre 2014 d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les personnels des EPLEFPA. Ce rapport a pour objet spécifique l'étude des conditions dans lesquelles les statuts de ces personnels sont « harmonisés, jusqu'à la réalisation de la parité, avec ceux des corps homologues de l'enseignement général, technologique et professionnel ».

Cette harmonisation devrait avoir pour finalité d'offrir aux personnels de l'enseignement technique agricole public les mêmes garanties que celles dont bénéficient les personnels des établissements relevant du ministère de l'éducation nationale.

L'exposé des motifs de l'amendement du député Le Roch mentionnait en particulier l'examen de l'opportunité de créer une agrégation de l'enseignement agricole, dédiée à ses enseignements spécifiques comme les sciences et techniques agricoles et l'éducation socioculturelle.

Votre commission pour avis a adopté un amendement de suppression de cet article additionnel. L'harmonisation des statuts est prévue par l'article L. 811-4 du code rural et de la pêche maritime. On peut légitimement douter de l'intérêt des demandes de rapports dans la mesure où rien ne vient sanctionner l'inaction fréquente de l'administration. En outre, ce type d'évaluation relèverait plutôt de la commission d'application des lois, d'une part, des corps d'inspection de l'agriculture et de l'éducation nationale, d'autre part.

Article 26 bis B - Rapport au Parlement sur le développement des formations biqualifiantes

Cet article additionnel adopté par l'Assemblée nationale prévoit la remise avant le 31 décembre 2014 d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les modalités de développement des formations biqualifiantes dans l'enseignement agricole, notamment en zone de montagne. L'amendement était porté par le rapporteur de la commission des affaires économiques.

L'exposé des motifs de l'amendement visait en particulier des formations à l'agrotourisme, au commerce et à l'agroalimentaire ou encore aux activités sportives qui permettraient aux futurs exploitants agricoles de diversifier leurs sources de revenus.

Votre commission pour avis a adopté un amendement de suppression de cet article additionnel. Elle exprime les mêmes doutes que précédemment sur l'intérêt et l'efficacité des demandes de rapport au Parlement. En l'espèce, la matière est même infraréglementaire et dépend du programme normal de contrôle de l'inspection de l'enseignement agricole, sous l'autorité du ministre de l'agriculture.

Article 26 bis (art. L. 312-9 du code de l'éducation et art. L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime) - Participation de l'enseignement agricole au service public du numérique éducatif

I. Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel adopté par l'Assemblée nationale tend à assurer la participation de l'enseignement agricole au service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance, instauré par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

II. La position de votre commission pour avis

Votre commission pour avis approuve ces précisions apportées au code de l'éducation qui permettront à l'enseignement agricole de participer pleinement à la construction du service publique du numérique éducatif. Ce sera le moyen d'activer la mise en réseau des établissements, de stimuler la rénovation des méthodes pédagogiques et de faciliter l'adaptation des supports de cours aux nouveaux usages sociaux.

Article 27 (art. L. 812-1, L. 812-6 à L. 812-10 [nouveaux], L. 813-10, L. 830-1 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 343-1 du code de la recherche) - Création de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France et missions de l'enseignement supérieur agricole

I. Le texte du projet de loi

A - Missions de l'enseignement supérieur agricole public

L'article L. 812-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) fixe les finalités spécifiques et les grands principes d'organisation de l'enseignement supérieur agricole public.

Le 2° du I de l'article 27 du projet de loi conserve les missions qui lui sont d'ores-et-déjà assignées et en complète la liste en lui demandant également de :

- contribuer à l'éducation au développement durable et à la mise en oeuvre de ses principes ;

- contribuer à la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche et à l'attractivité du territoire national ;

- promouvoir la diversité des recrutements et la mixité ;

- contribuer à l'insertion sociale et professionnelle des étudiants ;

- assurer un appui à l'enseignement technique agricole, notamment par le transfert des résultats de la recherche et par la formation de ses personnels.

B - Promotion sociale dans l'accès aux formations d'ingénieurs

Le 3° du I de l'article 27 du projet de loi insère un nouvel article L. 812-6 au sein du CRPM. Il donne au ministre chargé de l'agriculture la faculté de prévoir des conditions particulières d'accès aux formations d'ingénieurs dispensées dans l'enseignement supérieur agricole public au bénéfice des titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole qui ont suivi une classe préparatoire professionnelle dans un établissement d'enseignement agricole.

Il s'agit donc d'ouvrir une nouvelle voie d'accès ad hoc aux écoles agronomiques et vétérinaires. Les élèves de l'enseignement agricole peuvent déjà se présenter aux concours, mais l'architecture des cursus n'est pas adaptée aux bacheliers professionnels. Le concours A s'adresse aux étudiants ayant suivi une classe préparatoire aux grandes écoles « Biologie, chimie, physique et sciences de la terre » (BCPST), ce qui en tout état de cause limite l'accès aux seuls bacheliers S. Le concours C est préparé par les étudiants titulaires d'un BTSA, d'un diplôme universitaire de technologie (DUT) ou d'un brevet de technicien supérieur (BTS) dans certaines options, dans le cadre d'une classe préparatoire « ATSbio » en un an.

C - Création de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF)

Le 4° du I de l'article 27 du projet de loi insère deux nouvelles sections et quatre nouveaux articles (L. 812-7 à L. 812-10) au sein du CRPM. Il crée une nouvelle structure, l'Institut agronomique et vétérinaire de France (IAVFF), qui rassemble les établissements d'enseignement supérieur agricole publics.

Cette catégorie d'établissements comprend les écoles agronomiques et vétérinaires sous la tutelle du ministre de l'agriculture. Aux termes de l'article L. 812-2 du CRPM, il s'agit d'établissements publics nationaux dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Conformément au droit commun des établissements publics à caractère administratif, repris dans l'article L. 812-3 du CRPM, ils sont créés par décret, administrés par un conseil d'administration et dirigés par un directeur. Leur statut les met donc à part du système universitaire qui est constitué autour d'établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).

Si l'IAVFF rassemble des établissements, il ne met pas pour autant fin à leur existence ; il ne peut pas non plus se substituer à leur tutelle. Les écoles agronomiques et vétérinaires conserveraient donc leur personnalité juridique et leur autonomie.

Il est confié à l'IAVFF trois missions principales :

- élaborer et mettre en oeuvre des stratégies de recherche et de formation communes aux établissements aux niveaux national, européen et international ;

- apporter au ministre chargé de l'agriculture une expertise en matière de formation, de recherche et de développement ;

- assurer la mise en oeuvre d'activités et de projets qui lui sont confiés par ses membres.

En outre, il est prévu que l'IAVFF puisse être accrédité par les ministres de l'agriculture et de l'enseignement supérieur pour délivrer des diplômes nationaux. Cette disposition pourrait servir de support à la constitution d'une « université numérique » et d'une école doctorale commune aux membres de l'IAVFF.

La gouvernance de l'IAVFF est esquissée à l'article 27 du projet de loi selon des formules classiques :

- un conseil d'administration qui détermine la politique de l'institut, approuve son budget et en contrôle l'exécution ;

- un directeur qui dirige l'institut.

Le directeur est nommé par décret. Le président du conseil d'administration est élu parmi ses membres. L'article L. 812-3 du CRPM est plus restrictif puisqu'il précise, pour les établissements d'enseignement supérieur agricole publics, que le président est élu parmi les personnes extérieures à l'établissement et n'assurant pas la représentation de l'État.

D'après l'article 27 du projet de loi, le conseil d'administration de l'IAVFF comprend des personnalités qualifiées et des représentants :

- de l'État ;

- des établissements et organismes membres. La rédaction n'impose pas de représentation de la totalité des membres. La direction générale de l'enseignement supérieur et de la recherche du ministère de l'agriculture a indiqué que pour limiter le nombre de sièges au conseil d'administration et garantir son bon fonctionnement, il était envisageable que certains membres ne soient pas représentés ;

- des enseignants-chercheurs, des enseignants, des chercheurs et des autres personnels des établissements membres et de l'institut. Il est précisé qu'ils représentent au moins 20 % des membres du conseil d'administration. Il convient de noter que dans les écoles agronomiques et vétérinaires, l'article L. 812-3 du CRPM prévoit plus restrictivement que les enseignants-chercheurs et les enseignants se voient attribuer au moins 20 % des sièges ;

- des étudiants en formation dans les établissements membres. En général, le droit commun, dans le code de l'éducation par exemple, évoque plutôt une représentation des usagers au sens large, pour inclure les salariés en formation continue ou les apprentis, au-delà des seuls étudiants.

En matière de ressources propres de l'IAVFF, l'article 27 du projet de loi dispose qu'il bénéficie des contributions de ses membres, ainsi que de toute recette autorisée par les lois et les règlements.

Enfin, le présent article confie à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer plus avant l'organisation et le fonctionnement de l'institut. L'article 27 du projet de loi encadre partiellement le décret sur deux points :

- il devra préciser les compétences que l'IAVFF pourra exercer par délégation de ses membres. Il s'agira donc d'une liste fixée ex ante et de façon assez rigide. Peut-être cela pourrait-il être laissé à la décision des membres et donc au conseil d'administration. En tout état de cause, la mise en place effective des délégations autorisées par le décret demandera une délibération du conseil d'administration de l'Institut ;

- il pourra créer, au sein de l'IAVFF, des structures internes permettant des coopérations renforcées entre certains des membres. Trois domaines de coopération renforcée sont « notamment » mentionnés : la formation des personnels de l'enseignement agricole, l'établissement des cartes de formation agronomique et vétérinaire, les coopérations entre l'enseignement supérieur et la recherche. Le caractère facultatif de ces coopérations renforcées ne cadre pas tout à fait avec l'ambition de cohérence stratégique qui préside à la création de l'IAVFF.

D - Accréditation des établissements créés par un traité international

Le nouvel article L. 812-10 du CRPM qu'introduit le 4° de l'article 27 du projet de loi vise à permettre l'accréditation par les ministres de l'agriculture et de l'enseignement supérieur des établissements d'enseignement supérieur, de recherche et de coopération créés par un traité international dont la France est partie, si l'un au moins des instituts qui le composent est situé en France. Cette accréditation permettra aux établissements de délivrer des diplômes nationaux.

D'après l'exposé des motifs, cette disposition vise le Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM) créé en 1962 par un accord international. L'institut agronomique méditerranéen de Montpellier en dépend et pourrait ainsi délivrer des diplômes nationaux.

E - Transposition aux établissements d'enseignement supérieur agricole privés

Le II de l'article 27 du projet de loi actualise les missions assignées aux établissements supérieurs privés sous contrat par symétrie avec les modifications applicables aux établissements publics.

F - Dissolution d'Agreenium

Le III de l'article 27 du projet de loi prévoit le transfert à titre purement gratuit des biens, droits et obligations du Consortium Agreenium à l'IAVFF dès sa création.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre des corrections et des précisions rédactionnelles, le texte issu des travaux de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale contient les modifications suivantes :

- une mention « notamment » des expérimentations conduites dans les exploitations, les centres hospitaliers universitaires vétérinaires et les installations techniques comme fondement des actions de valorisation de la recherche et d'innovation technologique ;

- une mention « notamment » des conclusions de conventions d'échanges d'étudiants, d'enseignants-chercheurs, d'enseignants et de chercheurs comme instrument de coopération internationale ;

- une mention « notamment » de la conclusion de conventions comme instrument de construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- une mention « notamment » de la formation initiale et continue des personnels comme un des moyens pour l'enseignement supérieur agricole de venir en appui de l'enseignement technique agricole ;

- l'ajout d'une dimension forestière à la compétence de l'Institut agronomique et vétérinaire de France ;

- l'ajout au champ de compétences de l'IAVFF agissant comme conseil du ministre de l'agriculture de l'expertise en matière de transfert de technologie, lorsque celui-ci est possible ;

- la participation de l'IAVFF à l'élaboration de la stratégie nationale de recherche et de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur ;

- le respect de la parité entre les femmes et les hommes dans les nominations des personnalités qualifiées au conseil d'administration de l'IAVFF ;

- la suppression, dans l'encadrement du décret en Conseil d'État régissant l'organisation de l'IAVFF, de la possibilité de créer des structures internes permettant des coopérations renforcées entre les membres de l'institut. À la place, obligation pour le décret de créer un réseau interne dédié à la formation des personnels de l'enseignement technique agricole et de définir les conditions de mise en oeuvre de coopérations renforcées entre les membres de l'IAVFF ;

- le rappel que la recherche agronomique et vétérinaire s'appuie non seulement sur le développement de la recherche fondamentale, mais aussi sur la recherche appliquée et sur l'innovation technologique ;

- la prise en compte de la recherche agroalimentaire par le ministre de l'agriculture afin qu'elle soit coordonnée avec la recherche agronomique et vétérinaire ;

- la participation des instituts techniques liés aux professions agricole et agroalimentaire, ainsi que de leurs structures nationales de coordination, à la coopération et à la valorisation dans le domaine de la recherche et du développement technologique.

Outre une correction rédactionnelle, l'Assemblée nationale, en séance plénière, a précisé le champ du décret en Conseil d'État qui doit régler l'application des nouvelles dispositions législatives créant l'IAVFF.

Le pouvoir réglementaire pourra définir les conditions dans lesquelles des coopérations renforcées pourront être spécifiquement instituées entre certains de ses membres en matière d'enseignement et de recherche vétérinaire. Il s'agit ainsi de prévoir au sein de l'IAVFF un mode de collaboration propre aux quatre écoles vétérinaires sur les sujets qui les concernent plus particulièrement.

III. La position de votre commission pour avis

La mise en place de classes préparatoires professionnelles pour favoriser l'accès des bacheliers professionnels de l'enseignement agricole vers des formations d'ingénieurs est une mesure bienvenue pour diversifier l'origine sociale des étudiants des écoles agronomiques et vétérinaires.

Pour compléter ce dispositif, il paraît opportun de prévoir un accompagnement pédagogique spécifique tant des titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole passé par une classe préparatoire nouvelle que des titulaires d'une BTS agricole qui entrent dans une école d'ingénieur de l'enseignement supérieur agricole.

Votre commission pour avis a adopté un amendement à cette fin en s'inspirant de l'article 33 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui prévoit que les universités et les grandes écoles puissent mettre en place des dispositifs d'accompagnement tenant compte de la diversité et de la spécificité des publics étudiants accueillis.

C'est essentiellement la définition du nouvel Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF) qui a suscité les interrogations de votre commission pour avis.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France , considérant que ce projet n'était pas suffisamment mûr et que ces contours demeuraient encore trop indéfinis.

Toutefois, considérant que le débat parlementaire devrait permettre d'obtenir les clarifications souhaitables, elle a également adopté des amendements visant à préciser le statut, le périmètre, les missions et la gouvernance de cet institut, s'il venait à être créé.

L'exposé des motifs affirme que l'IAVFF est un établissement public de coopération ad hoc . Autrement dit, le projet de loi entend créer une nouvelle catégorie sui generis d'établissements publics, qui comprendrait l'IAVFF comme unique membre. La création d'une catégorie nouvelle d'établissements publics relève en effet du domaine de la loi, conformément à l'article 34 de la Constitution, tandis que le pouvoir réglementaire peut créer les établissements publics particuliers appartenant à une catégorie existante.

Cependant, la rédaction de l'article 27 du projet de loi ne définit pas le statut de l'IAVFF ; il n'est pas qualifié d'établissement public. Les mentions vagues d' « établissement de coopération » employées au détour de la description du conseil d'administration dans la version initiale ont été supprimées par l'Assemblée nationale. En réalité, il s'agissait de scories d'une version antérieure du texte du projet de loi qui superposait à la fois un établissement public à caractère administratif rassemblant les écoles vétérinaires, conformément aux conclusions du rapport Martinot, et un établissement public de coopération agricole sui generis pour le volet agronomique, en accord avec les recommandations du rapport Chevassus-au-Louis.

Ceci laisse toute latitude au décret en Conseil d'état chargé de déterminer l'organisation et le fonctionnement de l'IAVFF pour en définir le statut. La description succincte de son organisation interne le met à l'écart des EPSCP et des communautés d'universités et d'établissement tels qu'ils sont définis dans la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il semble que le Gouvernement réactive sans l'affirmer explicitement une nouvelle forme d'établissement public de coopération scientifique (EPCS), statut récemment supprimé par la loi précitée.

Votre commission pour avis a adopté un amendement visant à clarifier le statut de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France . Le statut classique d'établissement public administratif (EPA) est retenu pour sa souplesse ; c'était celui que préconisait le rapport Martinot de 2013 consacré à la rénovation de l'enseignement et de la recherche vétérinaire en France. C'est celui de très nombreux organismes oeuvrant dans le domaine de l'enseignement et de la recherche.

Les autres statuts existants (EPSCP, EPST, EPIC) ne paraissent pas adaptés à une structure légère de coordination stratégique. Le statut d'EPCS qui est celui d'Agreenium aurait pu convenir mais dans un souci de rationalisation, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche l'a supprimé. Tout autre statut ad hoc ou sui generis pour l'IAVFF demeure vague et incertain. En tout état de cause, il ne pourrait constitutionnellement en être laissé la définition au pouvoir réglementaire.

Le périmètre de l'IAVFF n'est pas non plus précisément fixé . Certes les établissements d'enseignement supérieur agricole publics ont l'obligation d'en faire partie. En revanche, l'adhésion d'autres établissements d'enseignement supérieur, sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ou privés par exemple, et d'instituts de recherche est purement facultative. La direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'agriculture a confirmé que dans ce cas, il reviendrait aux conseils d'administration des établissements candidats de se prononcer.

Il y a donc une dichotomie entre les écoles agronomiques et vétérinaires, d'une part, et les organismes de recherche comme l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), d'autre part. Ce n'est pas cohérent avec l'objet même de l'IAVFF, qui doit rapprocher l'enseignement et la recherche.

Votre commission pour avis a adopté deux amendements visant à clarifier le périmètre de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France .

Le premier amendement de votre commission pour avis inclut dans l'IAVFF dès sa création et sans décision d'adhésion de leur part, les EPST sous tutelle du ministre chargé de l'agriculture , c'est-à-dire les organismes de recherche essentiels que sont l'INRA et l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA). Ainsi est rétabli l'équilibre entre enseignement et recherche dès la constitution de l'IAVFF.

Cette disposition maintient la possibilité d'adhésion d'autres organismes de recherche, comme l'Inserm qui est un EPST sous tutelle du ministre de la santé et dont la participation à l'IAVFF serait essentielle pour les écoles vétérinaires, ou comme le CIRAD qui est un EPIC sous tutelle du ministre chargé des affaires étrangères et qui est membre d'Agreenium.

L'IAVFF doit devenir un instrument d'orchestration stratégique de l'enseignement et de la recherche agronomique et vétérinaire en appui des politiques publiques. Son périmètre initial ne compte légitimement que des organismes publics. Le second amendement de votre commission pour avis sur le périmètre de l'établissement vise à restreindre les possibilités d'adhésion à l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France pour veiller à ce qu'il ne concentre que des membres publics . Une exception est faite pour les fondations reconnues d'utilité publique afin de permettre l'éventuelle adhésion de l'Institut Pasteur. Faire obstacle à l'adhésion de structures privées à but lucratif empêchera qu'elles ne pèsent sur l'orientation des recherches dans des domaines particulièrement sensibles.

Alors que l'éducation nationale s'est engagée dans un vaste mouvement de refondation de la formation des enseignants, l'enseignement agricole est resté en retrait sur cette question. Il convient de profiter de la création de l'IAVFF pour enclencher une dynamique nouvelle de coopération entre les établissements de l'enseignement supérieur agricole, notamment l'ENFA et AgroSup Dijon, au service de la modernisation des formations initiale et continue des personnels de l'enseignement technique agricole.

Le 4 e atelier de la concertation sur l'enseignement agricole était consacré à la formation des enseignants et plaidait pour une structuration renforcée et un partenariat avec l'éducation nationale pour dégager des synergies internes et externes. Sur cette base, une version antérieure du projet de loi prévoyait d'ailleurs la création d'un grand établissement dédié à la formation s'appuyant sur des partenariats avec les ÉSPÉ.

L'article 27 du projet de loi, dans sa rédaction actuelle, est en retrait, tant par rapport à cette version que par rapport aux conclusions de la concertation. C'est pourquoi votre commission pour avis a adopté un amendement visant à remettre la formation des enseignants au coeur des responsabilités de l'IAVFF .

La formation des enseignants est une matière législative comme le confirment les textes très détaillés sur ce point des lois du 8 juillet 2013 de refondation de l'école de la République et du 22 juillet 2013 sur l'enseignement supérieur et la recherche. Par cohérence, l'amendement de votre commission pour avis inscrit trois principes directement dans la loi, sans les renvoyer au décret :

- l'IAVFF doit assumer une mission essentielle d'appui à l'enseignement technique agricole ;

- un réseau spécifique est constitué entre les établissements membres pour assurer la formation initiale et continue des personnels des EPLEFPA ;

- des partenariats peuvent être conclus avec les écoles supérieures du professorat et de l'éducation.

Il est fréquent de prévoir dans les agences ou les établissements de coopération une commission d'experts à côté des organes de décision et de gestion afin de préparer et d'éclairer les décisions du conseil d'administration.

Agreenium comprend ainsi un conseil d'orientation qui apporte au conseil d'administration une réflexion à moyen et long termes sur les grandes orientations stratégiques en matière de recherche, de formation et de développement. Dans une version antérieure du projet de loi, l'Institut vétérinaire de France, construit à partir des préconisations du rapport Martinot, comprenait précisément un conseil scientifique de cette sorte. Il paraît opportun de le rétablir . C'est l'objet d'un amendement adopté par votre commission pour avis.

L'IAVFF doit instaurer une coopération stratégique entre ses membres pour garantir la cohérence et l'efficacité de la politique d'enseignement supérieur et de recherche du ministère de l'agriculture. Il convient dès lors de garantir la présence de tous les établissements membres au conseil d'administration , organe de décision de l'IAVFF.

C'est une condition nécessaire pour s'assurer d'une information complète et non biaisée du conseil d'administration, pour bâtir un consensus opérationnel entre les acteurs et pour éviter les crispations entre des parties qui ne sont pas tous volontaires. Votre commission pour avis a adopté un amendement pour prévoir que siège au conseil d'administration de l'IAVFF au moins un représentant de chaque établissement ou organisme membre .

D'autres solutions moins contraignantes paraissent plus complexes à mettre en oeuvre dans un organisme national à périmètre évolutif. C'est le cas par exemple de la création de collèges distincts agronomique et vétérinaire ou encore de la définition d'un plancher, par exemple de 75 %, de représentation des établissements membres, ce qui reprendrait une des conditions fixées par la loi du 22 juillet 2013 pour les communautés d'universités.

Article 27 bis (art. L. 718-7, L. 718-11 et L. 718-12 du code de l'éducation) - Modalités des élections au conseil d'administration et au conseil académique des communautés d'universités et d'établissements

I. Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, revient sur certaines dispositions de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche :

1° il rectifie certaines références aux dispositions du code de l'éducation applicables aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ;

2° il modifie les modalités d'élection des représentants des personnels et des étudiants au conseil d'administration des communautés d'universités et d'établissements (CUE) :

- d'une part, il supprime le renvoi à l'article L. 719-1 du code de l'éducation qui régit les élections aux différents conseils internes au EPSCP et qui pose en particulier le principe d'une élection au scrutin secret par collèges distincts et au suffrage direct ;

- d'autre part, il supprime l'obligation de représentation d'au moins 75 % des établissements membres sur chaque liste de candidats ;

3° il permet des élections au suffrage indirect, dans les conditions fixées par les statuts de la communauté, des représentants des personnels et des étudiants au conseil académique de la CUE.

II. La position de votre commission pour avis

Votre commission pour avis a adopté un amendement afin de préserver la version actuelle de l'article L. 718-11 du code de l'éducation, qui provient d'une initiative du Sénat au cours de l'adoption de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Elle entend ainsi maintenir la condition de représentation d'au moins 75 % des établissements membres sur les listes des représentants élus au conseil d'administration des communautés d'universités et d'établissements. Alors que le paysage universitaire est en pleine recomposition, il ne faut pas affaiblir des éléments cruciaux de la démocratie universitaire et raviver des foyers d'inquiétude et de querelles entre établissements.

Votre commission pour avis a adopté un deuxième amendement afin de préserver également la rédaction de l'article L. 718-12 du code de l'éducation dans la version approuvée par le Sénat et issue de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Elle entend ainsi maintenir l'élection au suffrage direct des représentants des diverses catégories de personnels et des étudiants au conseil académique des communautés d'universités et d'établissements. Comme précédemment, dans un paysage universitaire en pleine recomposition, il ne faut pas affaiblir la démocratie universitaire et raviver des foyers d'inquiétude dans la communauté des enseignants et des chercheurs.

Article 27 ter - Rapport au Parlement sur la création de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France

Cet article additionnel adopté par l'Assemblée nationale prévoit la remise, dans un délai de deux ans à compter de la création de l'IAVFF, d'un rapport du Gouvernement au Parlement consacré à l'évaluation scientifique, pédagogique et financière de la création de ce nouvel établissement.

Votre commission pour avis a adopté un amendement de suppression de cet article additionnel. Plutôt qu'un rapport sur la création de l'IAVFF dont on voit difficilement comment il pourrait être défait deux ans après sa constitution, c'est une évaluation régulière et indépendante des travaux de l'institut qui serait judicieuse. Cela relève de la compétence de la commission d'application des lois, d'une part, de l'agence indépendante qu'est le Haut conseil d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), d'autre part.

Par ailleurs, les établissements membres de l'IAVFF sont tous soumis à l'évaluation du HCERES ; il sera ainsi possible de mesurer opérationnellement l'impact de la création de l'IAVFF au niveau tant des laboratoires que des établissements.

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Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a donné un avis favorable à l'adoption des articles 26, 26 bis , 27, 27 bis et a adopté des amendements de suppression des articles 26 bis A, 26 bis B et 27 ter du projet de loi, dont elle s'est saisie pour avis.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 5 FÉVRIER 2014

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Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis . - Mon avis porte sur le titre IV du projet de loi n° 279 (2013-2014), adopté par l'Assemblée nationale, d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt dont notre commission s'est saisie. Je vous présenterai les mesures touchant à l'enseignement technique agricole avant d'aborder la question essentielle de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF). Le déplacement à l'école nationale vétérinaire d'Alfort, auquel vous avez été très nombreux à participer, vous laisse présager de mes observations sur ce point.

Pour lutter contre les inégalités de destin persistantes entre les jeunes urbains et les jeunes ruraux, il faut agir simultanément sur l'orientation, sur l'aide sociale, sur les reprises d'études et sur le développement de l'accès aux formations de techniciens supérieurs agricoles (BTSA) et d'ingénieurs.

Ce texte entend renforcer les capacités de promotion sociale de l'enseignement agricole. J'approuve la création d'une voie d'accès spécifique aux formations d'ingénieurs de l'enseignement supérieur agricole grâce à l'instauration de classes préparatoires professionnelles.

L'accès aux concours d'entrée dans les écoles agronomiques nécessite aujourd'hui soit le passage par une classe préparatoire aux grandes écoles, soit l'obtention préalable d'un BTSA ou d'une licence professionnelle. Dans les deux cas, les bacheliers professionnels agricoles ne sont pas mis en capacité d'y prétendre.

L'instauration de classes préparatoires pour ce public est bienvenue, mais elles ne concerneront chaque année quelques dizaines d'élèves seulement ; surtout, deux difficultés persistent : comment assurer la poursuite d'études du baccalauréat professionnel vers le BTSA ? Comment assurer, après leur admission, la réussite en formation d'ingénieur des bacheliers professionnels et des BTSA ? Il ne faut pas oublier l'aspect pédagogique derrière le problème de « tuyauterie ».

Pour renforcer le dispositif, je vous proposerai deux amendements en cohérence avec l'article 33 de la loi du 22 juillet relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui tendait lui aussi à favoriser les poursuites d'études des élèves les plus défavorisés.

L'enseignement agricole est un levier essentiel pour transformer le système de production français et assurer la diffusion de l'agroécologie. Plus que la course à la performance économique, c'est le souci de la performance sociale et écologique qui doit être mis au coeur du projet pédagogique et éducatif de l'enseignement agricole.

L'article 26 du projet de loi rappelle ainsi la participation de l'enseignement agricole à la politique de développement durable. Il ajoute la promotion de la diversité des systèmes de production agricole, de l'agroécologie et de l'agriculture biologique aux missions des établissements.

Je me félicite également de l'élaboration d'un projet stratégique national pour l'enseignement agricole, auquel devront se conformer les projets d'établissements. De même, la mise en cohérence des projets d'établissements avec les orientations des politiques publiques pour l'agriculture est-elle bienvenue. Ces nouveaux éléments sont de nature à conforter et à compléter le cadre de référence national.

Les ateliers techniques et les exploitations dépendant des établissements d'enseignement agricole constituent des instruments essentiels pour l'expérimentation et la diffusion de nouveaux modes de production. C'est pourquoi il convient de les soutenir.

De ce point de vue, l'article 26 du projet de loi contient une avancée importante avec l'accès des établissements à l'indemnisation pour calamités agricoles. Le droit en vigueur l'interdisait pour toutes les personnes publiques.

Cependant, le principe de rentabilité économique qui s'impose aux exploitations des établissements agricoles n'est pas remis en cause. Or, il est illusoire de demander à ces exploitations simultanément de fonctionner dans les conditions réelles du marché, d'assurer la formation des élèves et d'innover pour diffuser l'agroécologie.

Les lycées professionnels de l'éducation nationale ne connaissent pas cette contrainte. Un lycée hôtelier n'a pas à financer son restaurant d'application sur les repas qu'il vend. Un atelier de menuiserie dans un lycée professionnel n'a pas à financer ses achats de bois par la vente de meubles fabriqués par ses élèves. La même logique devrait s'imposer dans l'enseignement agricole.

Je vous présenterai donc un amendement qui relâche la contrainte d'équilibre économique pour mettre en avant la vocation essentiellement pédagogique des ateliers technologiques et des exploitations agricoles.

Pour que les élèves apprennent à produire autrement, il faut aussi porter une attention toute particulière à la formation de leurs enseignants. Le projet de loi est décevant sur ce point. Il donne l'impression de vouloir simplement prolonger l'action des opérateurs actuels que sont l'École nationale de formation agronomique (ENFA) et AgroSupDijon.

Je vous proposerai un amendement pour faire de l'appui à l'enseignement technique agricole une mission essentielle du nouvel IAVFF et pour proposer des partenariats avec les ÉSPÉ.

D'autres mesures concernant les personnels suscitent mon inquiétude. Je pense surtout à l'ouverture du recrutement de contractuels à temps complet dans les centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) et dans les centres de formation des apprentis (CFA) de l'enseignement agricole public. Je vous en proposerai la suppression car je considère qu'il faut plutôt titulariser les agents contractuels, conformément au droit commun de la fonction publique.

J'en viens à l'innovation essentielle du titre IV du projet de loi, la création de l'IAVFF pour rassembler toutes les écoles de l'enseignement supérieur agricole - sans leur faire perdre cependant leur personnalité juridique, ni leur autonomie financière.

En 2009 a été créé par décret le Consortium national pour l'agriculture, l'alimentation, la santé animale et l'environnement, mieux connu sous le nom d'Agreenium. Constitué sous forme d'un établissement public de coopération scientifique (EPCS), Agreenium regroupe sur la base du volontariat des organismes comme le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'école nationale vétérinaire de Toulouse, historiquement très liée à l'INRA, et des écoles agronomiques.

La loi du 22 juillet 2013 précitée a supprimé le statut d'EPCS dans un souci de rationalisation. Un délai de cinq ans est laissé à Agreenium pour changer de statut. Plutôt que de le transformer, par exemple en établissement public administratif, le Gouvernement a choisi de constituer une nouvelle structure, l'IAVFF, auquel seront transférés dès sa création les droits, les biens et les titres d'Agreenium.

Je m'interroge sur ce choix alors qu'aucune évaluation indépendante rigoureuse d'Agreenium n'existe. Il est difficile en l'état d'estimer le surcroît d'efficacité que l'on peut espérer de la constitution de l'IAVFF. Autrement dit, les bénéfices de la création de l'IAVFF sont incertains, tandis que les risques et les coûts de sa création sont réels.

La vraie rupture de l'IAVFF avec Agreenium est de rejeter le principe d'intégration volontaire au profit d'un rassemblement obligatoire de tout l'enseignement supérieur agricole. Cette contrainte nouvelle risque de se traduire concrètement par une crispation des acteurs et un blocage de la coopération espérée. C'est d'autant plus probable que l'institut n'assurera pas de tutelle sur les écoles et les organismes de recherche. Le risque est bien celui de la paralysie et de l'enlisement.

Les bénéfices sont d'autant plus incertains que le plus grand flou règne sur la définition du statut de l'IAVFF, sur la délimitation de son périmètre et sur son mode de gouvernance. Le projet de loi ne mentionne même pas qu'il s'agit d'un établissement public ! Il maintient sans raison une distinction entre les écoles agronomiques et vétérinaires incorporées sans délai et sans liberté de choix, d'une part, et les organismes de recherche qui pourront adhérer ultérieurement et volontairement, d'autre part. Il demeure peu précis sur la structuration de l'institut et sur les équilibres à respecter dans la composition de son conseil d'administration.

Au fond, qu'est-ce que l'IAVFF ? Au cours des auditions que j'ai menées, j'ai entendu toute une série d'interprétations : l'IAVFF serait à la fois un Parlement de l'enseignement supérieur agricole, un canal de transmission de la politique ministérielle, une agence de projets, soit comme maître d'ouvrage, soit comme financeur, un opérateur de formation, une marque internationale...

Il me semble particulièrement difficile de nous prononcer sur la création d'un objet aux contours aussi indéfinis.

Il manque également une vision claire de l'articulation avec la nouvelle structuration du paysage universitaire. Comment la politique de l'IAVFF sera-t-elle articulée avec les politiques de site menées dans les communautés d'universités et d'établissements auxquelles appartiennent les écoles agronomiques et vétérinaires ? Il ne suffit pas de constater que, d'un point de vue logique et juridique, il n'existe pas de contradiction entre les textes de loi ; il faut également s'assurer de la cohérence de leurs orientations et des effets de leur application concrète. Le poids des politiques de sites contraindra nécessairement l'action de l'institut, il faut l'anticiper.

Le projet Saclay ne déterminera-t-il pas les conditions de participation d'AgroParisTech à l'IAVFF ? Comment l'IAVFF prendra-t-il en compte l'inscription de l'école nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA) dans une communauté d'universités avec l'Université Paris-Est Créteil, l'Université Paris-Est Marne-La-Vallée, l'école des Ponts, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), l'établissement français du sang, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) entre autres ? Les mêmes questions se poseront pour tous les membres de l'IAVFF.

Il existe bel et bien un risque d'orthogonalité avec la loi Fioraso, un risque d'enfermement ou de repli sur le champ agricole. Ce serait dommageable pour tous les acteurs, mais en particulier pour les écoles vétérinaires. Elles ont vocation à tisser des partenariats avec les facultés de médecine et des organismes de recherche extérieurs au ministère de l'agriculture comme l'INSERM et l'Institut Pasteur.

En matière de financement, je m'inquiète du recours de l'IAVFF à des fonds privés dans des domaines sensibles qui touchent à l'alimentation et à la santé publique, mais également d'une ponction sur les ressources des écoles - elles s'en inquiètent également - surtout quand leur situation budgétaire est déjà très difficile, comme à MontpellierSupAgro ou à Alfort.

Considérant les incertitudes et les risques qui grèvent la création de l'IAVFF, je vous avoue pencher pour se dispenser d'un tel institut. Je vous proposerai donc, à titre personnel, un amendement de suppression. Cependant, la commission m'ayant chargée de construire une position commune qui pourrait être portée devant nos collègues de la commission des affaires économiques saisie au fond du projet de loi, je vous présenterai des amendements de repli, pour préciser le texte.

Mon avis résulte d'un travail de plusieurs mois. En vingt-deux auditions et déplacements, j'ai rencontré toutes les parties concernées. Ce texte est complexe, il demande d'authentiques arbitrages. J'ai travaillé à bâtir une position qui puisse être partagée par la commission et mes amendements reflètent cette volonté de critique constructive.

Sous réserve de l'adoption de mes amendements, je vous proposerai de rendre un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi dont notre commission s'est saisie.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Je rappelle que notre commission étant saisie pour avis, les amendements que nous adopterons seront transmis à la commission des affaires économiques : c'est elle, saisie au fond, qui établit le texte de la commission, nous ne faisons que lui transmettre nos amendements.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Ce qui nous laisse quelque liberté...

M. Jacques-Bernard Magner . - Ce titre IV « Enseignement, formation, recherche et développement agricoles et forestier  » est central dans ce projet de loi pour l'avenir de l'agriculture, l'alimentation et la forêt, puisque notre système d'enseignement et de recherche devra s'affirmer comme le pilier de la transition agroécologique, avec un objectif de performance économique et écologique. Trois enjeux sont identifiés : favoriser l'agroécologie en formant à produire autrement ; renforcer l'enseignement agricole comme outil de promotion sociale innovant, dans la logique de la refondation de l'école ; enfin, accroitre la visibilité internationale de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, avec la création de l'IAVFF.

L'article 26 actualise les missions que l'État assigne à la formation et l'enseignement agricole, en plaçant l'agroécologie au coeur des objectifs. Il reconnaît l'activité du médiateur de l'enseignement agricole technique et supérieur ; il prévoit l'acquisition progressive des diplômes par un dispositif de validation des compétences ; il aligne les conditions générales d'attribution des bourses sur le régime général de l'enseignement supérieur et introduit la possibilité d'attribuer des aides à la mobilité internationale ; il oblige chaque établissement d'enseignement agricole à prévoir, dans son projet d'établissement, un volet sur la coopération internationale ; enfin, il rend les exploitations pédagogiques des établissements, éligibles au Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

L'article 27 crée l'IAVFF pour approfondir la coopération initiée, via Agreenium, entre les acteurs de la recherche et de la formation agronomiques et vétérinaires. Cette coopération sera élargie aux douze écoles sous tutelle du ministère de l'agriculture tandis que les établissements d'enseignement et de recherche de ce secteur - l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), l'ANSES, l'INSERM, le CNRS... - pourront l'être également, sur la base du volontariat.

La création de cet institut tire les conséquences de la suppression du statut d'EPCS par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. L'objectif est également d'atteindre une masse critique pour le rayonnement international, tout en conciliant l'identité et la politique de site de chaque établissement et la mise en oeuvre des orientations stratégiques nationales. Ce nouvel institut relève d'une nouvelle catégorie d'établissement public national dont il sera l'unique représentant ; il sera dirigé par un directeur nommé par décret et piloté par un conseil d'administration ; ses ressources proviendront initialement du transfert de celles d'Agreenium.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera ce texte.

Mme Françoise Férat . - Ce projet de loi est un rendez-vous manqué : son intitulé vise « l'avenir de l'agriculture, l'alimentation et la forêt », mais son dispositif se contente de la seule production agricole, alors qu'elle ne concerne que 17 à 18 % des élèves de l'enseignement agricole - toutes les autres professions, pourtant majoritaires, sont oubliées ! Des évolutions sont nécessaires pour produire mieux et autrement. Nous répétons à l'envi que notre agriculture obtient d'excellents résultats, mais cela ne suffit pas, il faut avancer, bien davantage que ne le propose ce texte.

Je partage l'avis de notre rapporteure : que les exploitations techniques agricoles visent l'équilibre, j'en suis d'accord, mais qu'on ne les oblige pas à une rentabilité immédiate, car ce n'est pas possible partout, ni dans tous les secteurs. Le texte annonce une action confortée à l'international : mais avec quels moyens ? Enfin, je m'inscris en faux contre l'idée que l'enseignement agricole s'adresserait seulement à des élèves en difficulté ou qui ont besoin de remédiation : la réalité est bien plus complexe, et diverse !

M. Jacques-Bernard Magner . - Nous en sommes bien d'accord !

Mme Sophie Primas . - Ce texte comporte quelques avancées mais, comme l'indique notre rapporteure, leur réalité dépendra beaucoup de leurs conditions d'application. Sur l'IAVFF, je suis très réservée. Notre visite à l'école vétérinaire d'Alfort a été édifiante : nos écoles rayonnent déjà à l'international, elles ont besoin de soutien et de ressources, beaucoup plus que de l'adjonction d'une structure qui, floue sur ses orientations, ses compétences et ses moyens, risque fort de n'être qu'un « grand machin » qui les encombrera plutôt qu'il ne servira leur développement...

Mme Françoise Cartron . - Je souscris parfaitement à l'objectif que les élèves, après un baccalauréat professionnel, poursuivent leur cursus en études supérieures ; cependant, connaissant les conditions de sélection dans les écoles supérieures d'agronomie, je sais qu'il ne suffit pas de décréter un tel objectif, pour que la réalité suive. Jusqu'où envisagez-vous d'aller ? Ira-t-on, comme pour Sciences Po Paris, jusqu'à prévoir des quotas, avec une préparation spécifique ?

S'agissant de la rentabilité des exploitations, il faut compter avec la participation des conseils régionaux. Je veux témoigner que toutes ne sont pas déficitaires et que certaines sont même prospères. Je pense, en particulier, à l'exploitation agricole de la Tour Blanche, en Gironde, qui produit le Château La Tour Blanche, 1 er cru classé de Sauternes, dont la vente rentabilise largement l'exploitation...

Enfin, je crois que l'IAVFF sera utile au développement international des écoles : certaines d'entre elles rayonnent déjà, mais leur action sera plus forte à l'international si elles se regroupent.

Mme Corinne Bouchoux . - Comme écologiste, je soutiens la logique qui préside à ce projet de loi, consistant à sortir du productivisme agricole : ce changement de paradigme rend nécessaire un autre enseignement, ce texte en prend acte. L'enseignement agricole est très inventif et draine un public très divers. L'enseignement général pourrait s'en inspirer sur bien des points. Trois écoles supérieures d'agronomie, du reste, recrutent déjà des bacheliers technologiques, ce qui est loin d'être négligeable par rapport aux standards de l'enseignement général...

En revanche, au sein du groupe écologiste, ce texte nous laisse particulièrement perplexes sur l'IAVFF : nous sommes d'un naturel plutôt confiant, surtout quand les choses vont dans le bon sens, mais s'agissant de cet institut, trop d'éléments restent à définir. Quand il y a trop de flou, on ne voit plus l'objectif ! Nous attendrons donc des précisions en séance, avant de décider de notre vote.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Monsieur Magner, vous avez cité l'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation (ANSES) parmi les membres de l'IAVFF, mais cette participation ne se fera que sur la base du volontariat, n'est-ce pas ?

M. Jacques-Bernard Magner . - Oui, sur la base du volontariat.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Nous avons besoin de cette loi, pour aider l'agriculture à faire face aux défis qui s'imposent à elle : l'enjeu, c'est bien l'avenir de notre agriculture. Nous sommes en première lecture, nous avons donc largement la possibilité d'améliorer ce texte, c'est dans cette perspective que je m'inscris.

Nous sommes tous d'accord pour développer la promotion sociale par l'enseignement et la formation agricoles ; c'est du reste l'un des objectifs de la refondation de l'école. Cependant, il ne suffit pas de le dire : il faut des mesures concrètes, c'est ce que je vous proposerai avec un amendement qui prévoit que le ministre fixe un pourcentage d'accès aux sections préparant au BTSA pour les élèves titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole. Sans une telle mesure, la promotion sociale se limiterait à quelques individus seulement. Ensuite, il faudra aussi mettre en place des mesures d'accompagnement, pour aider à la réussite des élèves concernés.

Nous sommes également d'accord sur la rentabilité des exploitations : les situations des ateliers techniques et des exploitations sont très diverses, la rentabilité est très différente dans la viticulture et dans l'élevage, par exemple. Il faut donc relâcher la pression, d'autant que des conseils régionaux se désengagent, et placer les lycées agricoles dans le droit commun des lycées techniques, à qui l'on ne demande pas d'être rentables - voyez les lycées hôteliers. C'est le sens d'un de mes amendements, réaffirmant la fonction pédagogique des ateliers et des exploitations liés à des établissements d'enseignement agricole.

S'agissant de l'IAVFF, monsieur Magner, vous reprenez l'exposé des motifs beaucoup plus que vous n'entrez dans le texte du projet de loi : il est des plus flous sur les missions, les compétences, le financement, le statut même de l'institut - et mon rôle, c'est d'en alerter la commission, pour améliorer le texte qui nous est soumis. Je comprends qu'on veuille faire entendre la voix de notre enseignement agricole à l'international, mais si les conditions ne sont pas réunies, si nos écoles se portent mal, il ne se passera rien. Pourquoi créer l'IAVFF alors que nous ne disposons d'aucun bilan d'Agreenium ? Une évaluation aurait été utile ! La coordination à l'international est toujours bienvenue, mais s'agit-il bien de cela ? Nous ne pouvons pas le dire, car tout dépend des conditions de montage et de la nature même de l'IAVFF.

Je crois donc qu'en l'état ce projet d'institut n'est pas mûr, qu'il faut y travailler, en préciser le périmètre, le statut, la gouvernance, l'articulation avec les politiques publiques agricoles - toutes choses que je vous proposerai dans mes amendements de repli.

Nous sommes saisis pour avis, en première lecture, il y a beaucoup de travail à faire sur ce texte : utilisons cet espace, au service de notre agriculture !

M. Jacques-Bernard Magner . - Des groupes de travail sont en cours sur cette réforme dont nous n'avons pas encore les résultats. Mais nous en tiendrons compte pour élaborer les amendements que nous déposerons en vue de l'examen du projet de loi en séance plénière, prévue courant avril. En attendant, les commissaires socialistes s'abstiendront sur les amendements de notre rapporteure, sauf pour voter contre l'amendement de suppression de l'IAVFF et celui de suppression de l'article 27 ter du projet de loi.

Mme Sophie Primas . - Le groupe UMP ne prendra pas part au vote sur l'ensemble des amendements, à l'exception des deux amendements évoqués à l'instant que nous approuvons.

Mme Françoise Férat . - Il en sera de même pour le groupe UDI-UC.

Article 26

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Avec l'amendement n° 1, je vous propose que le ministre de l'agriculture puisse prévoir, pour l'accès aux sections préparatoires au brevet de technicien supérieur agricole, un pourcentage minimal d'élèves titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole, ainsi que des critères appropriés de vérification de leurs aptitudes. Un tel dispositif existe pour l'enseignement général depuis la loi Fioraso, je vous propose de l'étendre à l'enseignement agricole. Les quotas ne règlent certainement pas toutes les difficultés, mais ils créent une obligation.

L'amendement n° 1 est adopté .

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - L'amendement n° 2 permet de recentrer les ateliers technologiques et les exploitations des établissements d'enseignement agricole sur leurs missions pédagogiques - sans référence à leur rentabilité.

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Avec l'amendement n° 3, je vous propose de supprimer la possibilité de recruter des agents contractuels à temps plein dans les CFPPA et dans les CFA des établissements de l'enseignement agricole public. Pour mémoire, cette dérogation avait été introduite par Anicet Le Pors pour répondre à des difficultés de recrutement dans des métiers spécifiques et absents du statut de la fonction publique : elle devait ne durer que trois ans, mais pas devenir un mode régulier de recrutement...

L'amendement n° 3 est rejeté.

Article 26 bis A

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Les députés, en insérant cet article, ont prévu un rapport sur l'harmonisation des statuts des personnels de l'enseignement agricole et de l'éducation nationale : ce rapport m'apparaît d'autant plus inutile que son défaut n'est pas sanctionné. Avec l'amendement n° 4, je vous propose par conséquent de supprimer cet article.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article 26 bis B

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Les députés ont ici prévu un rapport sur le développement des formations bi-qualifiantes dans l'enseignement agricole, notamment dans les zones de montagne : avec l'amendement n° 5, je vous propose de lui réserver le même sort que l'article précédent.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 27

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - L'amendement n° 6 prévoit que les établissements d'enseignement supérieur agricole mettent en place des dispositifs d'accompagnement pédagogique spécifiques pour les élèves titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole ou d'un brevet de technicien supérieur agricole qu'ils accueillent dans une formation d'ingénieur.

L'amendement n° 6 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - L'amendement n° 16 a pour objet de supprimer la création de l'IAVFF, dont les contours me paraissent bien trop flous.

Mme Sophie Primas . - Le groupe UMP votera cet amendement.

M. Jacques-Bernard Magner . - Je trouve contradictoire de vouloir améliorer l'IAVFF et de proposer de le supprimer : le groupe socialiste votera contre cet amendement.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Je rappelle que, quand bien même nous adopterions cet amendement, les autres amendements de notre rapporteure relatifs à l'IAVFF poursuivraient leur chemin si nous les adoptions également puisque notre rôle se limite à transmettre des amendements à la commission des affaires économiques et non à établir un texte.

Mme Françoise Cartron . - Le groupe socialiste votera effectivement contre cet amendement, car nous sommes pour le changement : c'est un vote de confiance.

L'amendement n° 16 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Avec l'amendement n° 7, j'aborde les amendements de repli à celui de suppression. Le premier amendement tend à préciser que l'IAVFF est un établissement public national à caractère administratif.

L'amendement n° 7 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - L'amendement n° 8 vise à clarifier le périmètre de l'IAVFF.

L'amendement n° 8 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Avec l'amendement n° 9, je vous propose de restreindre aux personnes publiques l'adhésion à l'IAVFF, avec une exception pour les fondations reconnues d'utilité publique, afin de permettre l'éventuelle adhésion de l'Institut Pasteur. Cette restriction garantira le financement public de l'institut.

L'amendement n° 9 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - L'amendement n° 10 tend à renforcer les exigences envers la formation des enseignants, en disposant que l'IAVFF doit assumer une mission d'appui à l'enseignement technique agricole ; qu'un réseau spécifique est constitué entre les établissements membres pour assurer la formation initiale et continue des personnels des établissements publics d'enseignement agricole ; enfin, que des partenariats peuvent être conclus avec les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ).

L'amendement n° 10 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Avec l'amendement n° 11, je vous propose d'instituer une commission scientifique au sein de l'IAVFF, aux côtés de son conseil d'administration.

L'amendement n° 11 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - L'amendement n° 12 permet que chaque établissement membre de l'IAVFF dispose d'au moins un représentant au conseil d'administration de l'institut.

L'amendement n° 12 est adopté.

Article 27 bis

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Le troisième alinéa de l'article 27 bis revient sur une disposition de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche issue d'un amendement du Sénat et qui figure à l'article L. 718-11 du code de l'éducation. En le supprimant, l'amendement n° 13 maintient donc l'exigence qu'au moins 75 % des établissements membres soient représentés au conseil d'administration des communautés d'universités et d'établissements.

Mme Dominique Gillot . - Cette condition a effectivement été introduite par le Sénat dans la loi Fioraso, mais elle s'est avérée d'application difficile dans les communautés universitaires et d'établissements qui comptent plus de dix membres, conduisant à constituer des conseils d'administration pléthoriques. Son retrait paraît donc bienvenu, pour des raisons pratiques.

Mme Corinne Bouchoux . - Nous avons là un petit différend amical... Faut-il privilégier l'efficacité, avec une gouvernance inspirée de celle des entreprises, ou bien l'expression démocratique de toutes les opinions sur les campus, vecteur pour que tout le monde se mette à l'épreuve des responsabilités ? Nous penchons pour la seconde partie de l'alternative, avec la rapporteure.

M. Jacques-Bernard Magner . - Je comprends qu'il soit difficile de changer d'avis quelques mois seulement après le vote de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Mais il faut tenir compte des modalités pratiques d'application des dispositions que nous avons adoptées.

L'amendement n° 13 est adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Dans le même ordre d'idée, l'amendement n° 14 permet de maintenir l'élection au suffrage direct des représentants des diverses catégories de personnels et des étudiants au conseil académique des communautés d'universités et d'établissements.

L'amendement n° 14 est adopté.

Article 27 ter

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Avec l'amendement n° 15, je supprime un rapport sur la création de l'IAVFF.

M. Jacques-Bernard Magner . - Le groupe socialiste vote contre.

L'amendement n° 15 est adopté.

M. Jacques-Bernard Magner . - Le groupe socialiste a fait le choix de ne pas s'opposer à la plupart des amendements, pour laisser vivre le débat et quoique nous trouvions bien contradictoire de vouloir à la fois améliorer... et supprimer l'IAVFF ! Nous aurions souhaité des propositions plus constructives : nous en débattrons plus avant en séance.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Lorsqu'elle est saisie pour avis, la commission est un peu comme un sénateur en séance, qui peut proposer un amendement de suppression, puis des amendements de repli : je n'y vois pas de contradiction, plutôt de la stratégie.

Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a donné un avis favorable à l'adoption des articles 26, 26 bis , 27, 27 bis et a adopté des amendements de suppression des articles 26 bis A, 26 bis B et 27 ter du projet de loi, dont elle s'est saisie pour avis. .

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES DÉPLACEMENTS

AUDITIONS DE LA COMMISSION

Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA)

- M. Henri NALLET, président

Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

- Mme Mireille RIOU-CANALS, directrice générale de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture et M. Philippe SCHNÄBELE, directeur général adjoint

AUDITIONS DE LA RAPPORTEURE POUR AVIS

Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

- M. Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, inspecteur général de l'agriculture

- MM. Bernard GARNIER et Luc VIGNOT, ingénieurs généraux des ponts, des eaux et des forêts

- M. Bertrand HERVIEU, vice-président du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)

- MM. Hervé SAVY, doyen de l'inspection de l'enseignement agricole

Conseil économique, social et environnemental (CESE)

- Mme Jocelyne HACQUEMAND, vice-présidente de la section de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation

Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP)

- M. Philippe POUSSIN, secrétaire général

École nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA)

- M. Marc GOGNY, directeur

École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT)

- Professeur Alain MILON, directeur

École nationale de formation agronomique (ENFA)

- M. Michel BASCLE, directeur

Agreenium

- Mme Marion GUILLOU, présidente, et M. Frédéric LAPEYRIE, directeur général

AgroCampus Ouest

- M. Grégoire THOMAS, directeur général

AgroParis Tech

- M. Gilles TRYSTRAM, directeur général

AgroSup Dijon

- M. Claude BERNHARD, directeur général

Oniris

- Professeur Pierre SAÏ, directeur général

VetAgro Sup

- M. Stéphane MARTINOT, directeur général

Collectif de défense de l'enseignement agricole

- Mmes Nathalie GAUJAC, Muriel FILIPPI et Alexandra LESTINGUEZ, MM. Jean-Marie LE BOITEUX, Olivier BLEUNVEN, Serge PAGNIER, Xavier COMPAIN, Roger PERRET, Thomas VAUCOULEUR, Gérard PIGOIS et Etienne HEULIN

Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation (UNMFREO)

- MM. Xavier MICHEL, président, et Serge CHEVAL, directeur

Syndicats

- SNETAP-FSU (Syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire) : MM. Jean-Marie LE BOITEUX, secrétaire général, Serge PAGNIER, Frédéric CHASSAGNETTE et Olivier BLEUNVEN, secrétaires généraux adjoints

- SGEN-CFDT (Syndicat général de l'éducation nationale - Confédération française démocratique du travail) : MM. Didier LOCICERO et Philippe SABATIER, secrétaires fédéraux

Déplacements de la commission

- Lycée viticole d'Avize et Maison familiale et rurale de Gionges (Marne)

- École nationale vétérinaire d'Alfort (Val-de-Marne)

Annexe 1 - COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE M. HENRI NALLET

ANNEXE 1 - compte rendu de l'audition de M. Henri Nallet, président de l'observatoire national de l'enseignement agricole (onea)

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MERCREDI 23 OCTOBRE 2013

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Henri Nallet, président de l'Observatoire national de l'enseignement agricole, dans la perspective de la prochaine loi sur l'avenir de l'agriculture, qui contiendra des dispositions destinées à sécuriser et à promouvoir l'enseignement agricole.

M. Henri Nallet, président de l'Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA) . - L'enseignement agricole sera effectivement traité dans la prochaine loi, qui sera portée par M. Stéphane Le Foll.

L'enseignement agricole devant former les agriculteurs de demain, il convient de l'adapter aux évolutions de l'agriculture attendues dans les années à venir. Deux tendances lourdes semblent s'annoncer.

D'une part la nécessité de répondre à une forte croissance démographique, assortie d'une augmentation des exigences alimentaires, qui nécessitera de produire des quantités toujours plus importantes, sur des surfaces identiques voire amoindries.

D'autre part la nécessité - vitale - de parvenir à ces niveaux de production dans des conditions respectant et préservant l'écosystème. Cette exigence est maintenant prise en compte par la politique agricole commune (PAC), qui conditionne certaines aides et subventions aux conditions de production.

De ces deux tendances, découlent plusieurs conséquences, dont la première est la nécessaire promotion de l'agronomie, qui accroîtra l'efficacité des agriculteurs en leur permettant de mieux comprendre leur environnement. L'émergence de la génération des « paysans-chercheurs », que certains appellent de leurs voeux, sera favorisée par une meilleure communication et une coopération continue entre les exploitations, l'enseignement et la recherche.

Cette volonté est présente dans l'avant-projet de loi, par exemple dans le renforcement des liens entre l'enseignement technique et l'enseignement supérieur, mais de façon pas encore assez affirmée.

La deuxième conséquence est l'ouverture plus grande de l'exploitation à l'enseignement : l'exploitation ne doit plus être seulement le lieu où l'on applique des connaissances acquises auparavant et ailleurs, mais un réceptacle de formation et d'information continues et permanentes.

Troisième conséquence, le renforcement de la présence de professionnels de l'agriculture et des industries agro-alimentaires dans les instances de l'enseignement agricole. Cette présence constitue déjà un atout majeur de l'enseignement agricole, par rapport aux autres types d'enseignement professionnel.

La quatrième conséquence est le nécessaire maintien de la tutelle du ministère de l'agriculture sur la formation des professeurs de l'enseignement agricole. Ce point a été très discuté lors de la concertation, les représentants de l'Éducation nationale souhaitant remettre en cause cette responsabilité.

La dernière conséquence concerne l'ouverture du monde agricole sur l'extérieur. Sous peine de manquer de bras, l'agriculture devra employer des jeunes issus d'autres milieux, ruraux ou même urbains. À cet égard, nous plaidons pour que l'orientation scolaire relève de l'interministériel et non plus seulement de l'Éducation nationale et pour que les trois familles de l'enseignement agricole - secteur public, secteur privé et maisons familiales - soient désormais rattachées à un schéma national.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Ce n'est pas dans notre commission que sera débattu le modèle de production agricole de demain, mais c'est bien nous qui débattrons de sa transposition dans la formation des jeunes.

Mme Françoise Férat . - Je salue monsieur le président, la finesse de vos analyses. Comme vous, j'aimerais insister sur la complémentarité des trois familles de l'enseignement agricole, qui ne sont pas en concurrence. De quels professionnels avons-nous besoin pour assurer la transformation de nos modes de production et garantir la qualité de notre alimentation ? C'est la question. Vous proposez plusieurs scénarios d'évolution de l'enseignement agricole dans votre rapport. Malheureusement, je n'en retrouve pas trace dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture. Je regrette d'ailleurs que la concertation préalable ait été aussi courte.

Je suis personnellement favorable à l'implication des régions dans l'enseignement agricole. Cependant, nous ne pouvons que constater d'importantes disparités entre territoires. Dès lors, quel cadre national, quel mode de gouvernance devrions-nous retenir pour assurer un traitement équitable de toutes les régions ?

La question de l'orientation me paraît cruciale. Jamais on ne propose aux élèves de les orienter vers l'enseignement agricole à la sortie du collège. Les responsables des centres d'information et d'orientation (CIO) l'admettent eux-mêmes. Comment mieux faire connaître et rayonner l'enseignement agricole ?

Autre point qui me laisse dans l'expectative : la formation des enseignants. Le projet de loi initial prévoyait la création d'une école supérieure du professorat et de l'éducation agricole (ÉSPÉA). Cela ne semble plus à l'ordre du jour. Pourtant, pour produire autrement nous devons enseigner autrement. Comment pourrons-nous assurer la cohérence de la formation des enseignants de l'enseignement agricole avec celle des enseignants de l'éducation nationale ?

Je suis persuadé que les exploitations agricoles annexées aux établissements doivent jouer un rôle moteur dans le développement de l'agroécologie et de modes alternatifs de production. En avons-nous les moyens ? Le statut, le personnel et le financement sont-ils suffisants ? Comment associer équitablement les établissements publics et privés à cette politique ?

Enfin, quelle évolution des diplômes vous semble souhaitable afin d'assurer la liaison bac-3/bac+3 dans l'enseignement agricole ?

M. Henri Nallet . - La question du rôle des conseils régionaux est très importante. C'est un vrai sujet de débat. Tout le monde conviendra que les régions ont parfaitement rempli la compétence qui leur a été dévolue en matière de lycées. Faut-il aller encore plus loin dès lors qu'à bien des égards, le conseil régional est plus proche du terrain que la rue de Varenne ? Certaines régions se sont équipées et disposent de personnels compétents qui leur permettraient certainement de mener une politique propre de formation agricole. Néanmoins, sans contester le rôle éminent des régions, nous ne pouvons faire l'impasse sur une coordination nationale. Il nous faut un véritable plan stratégique pour garantir la cohérence des différentes politiques régionales. L'État ne doit pas entièrement laisser la main.

En matière d'orientation, il est important de rappeler que l'enseignement agricole forme à d'autres métiers qu'à ceux de la production. Par exemple, le lycée agricole de Mirande forme des spécialistes de la couture du cuir de haute qualité, qui sont recrutés chaque année par Hermès.

Je dois vous avouer que je ne connais pas précisément l'état actuel du projet de loi, en cours d'examen par le Conseil d'État. Mais je crois savoir qu'il a un peu reculé par rapport à la version initiale. Je partage votre souci quant aux exploitations des établissements. Il faut associer les collectivités à leur gestion et assurer une égalité de traitement entre les différents ordres d'enseignement sur ce point.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Je vous confirme que les collectivités interviennent pour soutenir les exploitations. Ainsi, à Arras, l'exploitation du lycée agricole s'est orientée vers des cultures biologiques. Cette exigence nouvelle s'est traduite par une moindre rentabilité. C'est le conseil régional qui comble le déficit. Mais si nous voulons soutenir les modes alternatifs de production en utilisant les exploitations des lycées comme modèles, il faut aussi que l'État contribue à les soutenir.

Mme Corinne Bouchoux . - Pour avoir passé plusieurs années dans une école agronomique publique, je considère que l'enseignement agricole est bien plus innovant que l'éducation nationale. L'internat y est très développé, ce qui permet un travail beaucoup plus approfondi et exemplaire en matière de vie de l'élève et de gestion non violente des conflits. L'enseignement agricole, outre ses qualités pédagogiques, offre le modèle d'une éducation proche de l'élève et attentive à ses besoins. Nous devons trouver le moyen de diffuser cette culture au sein de l'éducation nationale. Ne pourrions-nous pas identifier des moments dans la formation des enseignants de l'éducation nationale, au sein des nouvelles ÉSPÉ, pour leur faire connaître l'enseignement agricole ? Cela contribuerait aussi à résoudre le problème de l'orientation vers cet enseignement encore délaissé.

J'aimerais aussi vous faire part d'expérimentations menées dans le Maine-et-Loire qui s'appellent « une école, un jardin » et « un collège, un jardin ». Elles permettent de diffuser une culture de la production biologique dans de petites parcelles auprès des enfants. Elles ouvrent des coopérations entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole au niveau local pour un budget très modeste. Je pense qu'elles mériteraient d'être diffusées et imitées.

M. Jean-Claude Carle . - L'agriculture raisonnée, que l'on pourrait aussi appeler raisonnable, n'est pas celle de la course à la productivité. Pour soutenir notre filière agricole, nous devons privilégier la création de valeur ajoutée plutôt que la hausse des volumes. Je partage tout à fait les orientations de votre rapport.

La spécificité de l'enseignement agricole exige qu'il soit maintenu sous la tutelle du ministre de l'agriculture, malgré les velléités périodiques de le rattacher à l'éducation nationale. La concertation avec les professionnels est une des clefs du succès incontestable de l'enseignement agricole. C'est une excellente chose que la présidence du conseil d'administration des établissements puisse être confiée à un représentant du monde économique. Dans la loi Fillon de 2005 dont j'étais rapporteur, nous avions ouvert la même possibilité dans les lycées de l'éducation nationale à titre expérimental. Devant les résistances internes au ministère cette expérimentation a malheureusement fait long feu.

Pour garantir le développement de l'enseignement agricole, il convient de ne pas se disperser mais au contraire de se concentrer sur l'agronomie. Je partage totalement votre avis sur ce point. Je considère que c'est la région qui constitue le meilleur échelon de planification pour l'enseignement agricole. Il faut regretter à cet égard que les directeurs régionaux de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) ne soient pas autant impliqués que les recteurs dans l'élaboration des contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP).

M. Jacques-Bernard Magner . - Vous avez émis une critique à peine voilée de l'agriculture telle que nous la vivons encore aujourd'hui. Si j'en juge par ce que j'observe dans mon département, en moyenne montagne, l'heure reste à la concentration des exploitations laitières sur les fermes de 1 000 vaches, qui, loin de produire de manière plus raisonnée, voire en bio, servent à la fois lait et biomasse.

La place des céréaliers et de l'agriculture intensive au sein de la formation reste dominante par rapport aux nouveaux systèmes de production. Il faut rompre avec ce modèle obsolète.

Je partage votre conviction : la formation des agriculteurs doit rester confiée aux établissements, placés sous la responsabilité du ministère de l'agriculture. En revanche, la formation des enseignants ne relève pas seulement d'une formation spécifique. Elle doit donc être assurée au sein des ÉSPÉ. Enfin, je me félicite que les crédits de l'enseignement agricole progressent de 1,5 % au sein du projet de loi de finances pour 2014, ce qui devrait satisfaire votre rapporteure que je sais très attentive sur ce point.

M. Pierre Bordier . - Évoqué il y a quelques années, l'institut des sciences et techniques du vivant n'a pu voir le jour.

Il pourrait être utile de remettre ce sujet sur la table. J'ai d'ailleurs posé une question orale au ministre de l'agriculture sur l'avenir de l'École nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA) et du centre d'application de Champignolles, dans l'Yonne le 11 septembre dernier.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - L'agriculture est aujourd'hui confrontée à des défis majeurs, notamment alimentaire, démographique ou encore environnemental. Mais il y a aussi, à mon sens, un enjeu démocratique avec la participation des citoyens aux débats relatifs à l'exploitation agricole. Dans ce cadre, je considère d'ailleurs que l'enseignement agricole a un rôle important à jouer puisqu'il peut faire le lien entre la recherche, l'expérimentation et les apprentissages. Comme M. Magner, je suis aussi sensible au sujet de la formation des enseignants pour laquelle la question se pose de la mise en place d'un lieu spécifique.

En outre, dans le cadre d'une réflexion sur les enjeux industriels français, nous ne pourrons pas, évidemment, nous passer de traiter le cas de l'agriculture. Sur le plan de la politique agricole, quelle sera l'articulation avec le pouvoir régional ? À cet égard, je considère qu'il faut une véritable stratégie, à l'échelle nationale voire européenne, et non une simple coordination entre les différents acteurs.

Enfin en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, je considère qu'il est aussi intéressant d'étudier la question de la place des femmes, encore trop minorée dans l'agriculture.

M. Henri Nallet . - Monsieur Magner, vous avez senti dans ma présentation une forme de critique à l'égard de l'agriculture actuelle. Je tiens à souligner que le travail d'intensification de la production agricole a été remarquable. Les agriculteurs de cette génération ont mené à bien une formidable modernisation.

Il reste qu'il existe un mouvement et une demande dans notre société, au demeurant assez contradictoires : se nourrir pas cher avec des aliments guérissant de toutes les maladies ! Il faut en tenir compte en encourageant une production efficace présentant des coûts peu élevés et offrant une nourriture de qualité. Ce qui est en train de s'effondrer en Bretagne est à cet égard un modèle artificiel, importé des États-Unis. Il faut développer aujourd'hui une agriculture plus ménagère, notamment en retrouvant des vieilles traditions agronomiques. On redécouvre ainsi la polyculture élevage, car c'est efficace et écologiquement sûr. Il faut ainsi réfléchir aux risques de la concentration notamment dans l'élevage, car ces formes de production ont des effets écologiques non maîtrisables.

La formation des enseignants doit être ouverte sur l'éducation mais en y associant des professionnels de l'agronomie.

En réponse à M. Carle sur la spécificité de l'enseignement agricole et le rôle positif joué par ses structures de gouvernance sur son succès, je tiens à souligner que la loi du 9 juillet 1984 constitue un instrument formidable, que j'ai obtenu de haute lutte au prix de deux dispositifs, l'un consacré à l'enseignement agricole public et l'autre à l'enseignement agricole privé, et qui est désormais apprécié de tous les professionnels.

Pour autant, la concertation avec les professionnels mériterait d'être rajeunie et redynamisée. Les professionnels, qui sont nombreux et assument bien souvent plusieurs responsabilités, semblent effectivement un peu moins présents dans la gouvernance des établissements.

Je souscris pleinement à la piste excellente évoquée par Mme Bouchoux qui consisterait à renforcer les liens entre les établissements d'enseignement agricole et les établissements situés en zone urbaine, afin de favoriser les échanges entre les enseignants et les classes, notamment dans le cadre de parcours de découverte des exploitations.

À M. Bordier qui m'interrogeait sur les innovations apportées par le projet de loi en matière d'enseignement supérieur et d'enseignement vétérinaire, je répondrai qu'un certain nombre de reculs peuvent être relevés dans la dernière version du texte par rapport aux propositions qui avaient été formulées au départ. Le projet de loi envisageait initialement la création d'un Institut vétérinaire de France qui aurait rassemblé les quatre écoles vétérinaires de notre pays. C'est peu dire que les quatre établissements concernés ont mal accueilli cette proposition, parfois avec une certaine virulence.

Le même type de recul a été observé en ce qui concerne la mise en place de regroupements, proposition qui a également fait l'objet de réactions négatives de la part des établissements. Pourtant, et je ne suis pas le seul à partager cette idée, les regroupements s'imposent pour permettre l'émergence de quatre à cinq grands établissements qui accueilleraient en moyenne 15 000 étudiants chacun. C'est une des conditions pour garantir leur rayonnement à l'international.

La résistance opposée par certaines réactions corporatistes explique en partie les reculs que je viens de décrire. Cette situation n'est pas sans rappeler l'échec, que je considère comme le plus important de ma carrière, du projet de création au début des années 1990 de l'Institut des sciences et techniques du vivant (ISTV), fermement combattu par l'École nationale vétérinaire d'Alfort. Les élus, tant de la Marne que de la région, étaient pourtant prêts à s'engager pour financer le projet.

La question du défi démocratique et de la maîtrise par les citoyens de l'avenir de notre agriculture, posée par Mme Gonthier-Maurin, est à la fois essentielle et complexe dans ses éléments de réponse. Au lendemain de la guerre, quand l'heure était à l'intensification de la production et à l'ouverture de notre agriculture à d'autres formes de culture, nos concitoyens semblaient globalement en phase avec les ambitions agricoles du pays. Le même accord a prévalu par la suite, non sans quelques difficultés, pour la mise en place du marché commun.

À l'heure actuelle, cet accord n'existe plus. Après la crise de confiance provoquée par le scandale de la « vache folle », les choses se sont certes améliorées depuis le Grenelle de l'environnement. Il est clair que le projet de loi est une occasion à ne pas manquer pour tenter de reconstituer une forme de consensus de la communauté nationale sur l'avenir de son agriculture, afin de se mettre d'accord sur les meilleurs moyens de relever le principal défi contemporain : parvenir à nourrir les populations sans abîmer notre environnement.

M. Jean-Claude Carle . - Quel avenir envisagez-vous pour les écoles nationales d'industrie laitière (ÉNIL), qui offrent d'excellentes formations mais qui sont aujourd'hui confrontées à de lourds problèmes de recrutement ?

M. Henri Nallet . - Les ÉNIL constituent un modèle de formation professionnelle tout à fait exceptionnel : on y forme les étudiants aux toutes dernières innovations du secteur, en s'inspirant de ce qui se fait de mieux dans les écoles nationales professionnelles. Ce n'est pas un hasard si les diplômés de ces écoles trouvent un emploi dans les 48 heures ! Les facteurs de succès des ÉNIL méritent d'être étudiés de près afin que d'autres établissements puissent s'en inspirer, et nous sommes prêts, au sein de l'Observatoire, à nous pencher sur leur modèle.

ANNEXE 2 - COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE MME MIREILLE RIOU-CANALS

ANNEXE 2 - compte rendu de l'audition de Mme Mireille Riou-Canals, directrice générale de l'enseignement et de la recherche

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MERCREDI 15 JANVIER 2014

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Nous accueillons à présent Mme Mireille Riou-Canals, directrice générale de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui va nous présenter les articles 26 et 27 du projet de loi d'avenir pour l'agriculture. Ces articles ont trait plus spécifiquement à l'enseignement agricole qui relève de la compétence de notre commission.

Mme Mireille Riou-Canals, directrice générale de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture . - Les articles 26 et 27 du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt traduisent la priorité accordée à la jeunesse par le Président de la République et constituent la déclinaison, pour l'enseignement agricole, du pacte pour l'éducation. Au-delà des moyens qui ont été affectés à cette fin, soit deux cents postes en 2014 et 250 en 2013, ces articles participent à la réalisation de trois objectifs : redéfinir le projet éducatif, réunir les conditions de l'insertion scolaire et professionnelle des jeunes et permettre le renouvellement des générations dans le secteur agricole.

En effet, la rénovation de la formation des enseignements dispensés aux futurs acteurs du monde agricole doit être en phase avec les nouveaux défis auxquels ce secteur est confronté. La mise en oeuvre du projet agro-écologique et la modernisation de l'agriculture, de l'industrie agroalimentaire et du secteur forestier exigent de mobiliser l'appareil de formation.

Ces articles récapitulent ainsi l'ensemble des travaux conduits dans le cadre de la concertation pour l'avenir de l'enseignement agricole présidée par Henri Nallet. Ils s'articulent également avec les autres lois présentées par le Gouvernement sur l'enseignement supérieur et la recherche, ainsi que pour la refondation de l'école.

L'article 26 redéfinit, en préambule, les objectifs de l'enseignement agricole. S'il n'y avait pas lieu de modifier ses missions qui ont été réaffirmées lors de la concertation, il fallait en revanche replacer ce dispositif éducatif dans le contexte global des politiques conduites par le ministère de l'agriculture, qui fixe comme priorité le développement de l'agro-écologie.

L'enseignement agricole doit demeurer un acteur de la promotion sociale et de la réussite scolaire.

En ce sens, deux dispositions sont prises : l'une vise à permettre l'acquisition progressive des diplômes selon des modalités qui seront ultérieurement précisées par décret. Il s'agit ainsi de limiter les sorties du système éducatif sans diplôme et de permettre aux élèves de passer le baccalauréat professionnel, en recourant à la formation continue ou à l'apprentissage. Chaque étape doit ainsi être sanctionnée par un certificat et les jeunes doivent pouvoir accumuler à leur rythme de nouvelles unités de valeur.

L'autre disposition concerne la création d'une voie d'accès spécifique à nos écoles d'agronomie destinée aux bacheliers professionnels. Il importe de diversifier les publics accédant à nos écoles, tout en assurant l'excellence et la démocratisation de leurs recrutements. Cette perspective s'inscrit dans la continuité de la pratique déjà usitée pour les étudiants titulaires du brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) qui peuvent accéder aux concours des écoles supérieures d'agronomie par une voie spécifique.

L'enseignement supérieur doit également amplifier son ouverture européenne et internationale. À cette fin, les projets d'établissement devront spécifier les modalités de leur contribution aux missions de l'enseignement et décrire leur politique en matière d'échanges internationaux.

S'agissant du fonctionnement du secteur éducatif agricole, les relations entre usagers ou entre les personnels de l'enseignement agricole et l'administration impliquent la recherche de solutions négociées. Actuellement, l'activité du médiateur de l'enseignement agricole n'est pas reconnue dans les textes et c'est pourquoi le ministre a souhaité que son existence soit inscrite dans la loi comme c'est le cas pour le médiateur de l'éducation nationale. Son action n'en sera que plus légitime.

Enfin, l'article 26 du projet de loi vise à améliorer la situation des exploitations agricoles des établissements, qui sont aujourd'hui exclues du bénéfice des indemnisations versées par le fond national de gestion des risques, alors même qu'elles sont assujetties à la contribution additionnelle. Ces exploitations doivent demeurer économiquement rentables, bien que leur mission première soit d'ordre pédagogique.

L'article 27, pour sa part, définit de nouveaux moyens pour que l'enseignement supérieur agricole atteigne ses objectifs en matière de promotion de la mixité sociale, d'ouverture européenne, d'appui à l'enseignement technique et à la politique de développement durable.

Le texte conforte le lien entre l'enseignement supérieur et l'enseignement technique. Puisque l'enseignement agricole, dans le secteur secondaire, comprend des filières générale, technologique et professionnelle, les disciplines générales qui y sont enseignées sont susceptibles de rapprochement avec le ministère de l'éducation nationale. En revanche, les autres disciplines, plus techniques et spécifiques au secteur agricole, nécessitent l'intervention d'enseignants, issus de l'enseignement supérieur agricole et dispensant une formation technique à leurs homologues du secondaire.

La création de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVF) demeure la proposition phare de l'article 27. Établissement public de coopération scientifique, cet institut n'a pas vocation à devenir un opérateur de la formation. Il doit se substituer à l'actuel établissement public AGREENIUM, dont le statut juridique doit s'éteindre d'ici cinq ans, aux termes de la loi du 22 juillet 2013 pour l'enseignement supérieur et la recherche (ESR).

Le Gouvernement a souhaité que ce nouvel établissement puisse organiser l'interface, dans le secteur agricole, entre l'ensemble des écoles supérieures des secteurs agronomique et vétérinaire d'une part, et les organismes de recherche comme l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), d'autre part. À cette fin, les écoles placées sous la tutelle du ministère de l'agriculture en seront membres, tandis que d'autres écoles, soit privées, soit issues du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche dans les disciplines connexes à l'agriculture, pourront y participer. D'autres instituts de recherche que ceux qui sont déjà membres d'AGREENIUM, comme l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), se verront également reconnaître la possibilité de rejoindre cet institut.

Associer les partenaires scientifiques des écoles vétérinaires, comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l'Institut Pasteur, voire l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), est l'un des objectifs de la création de ce nouvel institut. En effet, dans les écoles d'agronomie ou vétérinaires, le lien avec la recherche demeure très fort, via l'existence d'unités mixtes de recherche, mais la nécessaire montée en puissance des partenariats avec le monde de la recherche implique qu'un organisme commun en assure la coordination. Il importe de faire fructifier les partenariats déjà existants, parfois sur le long terme : les écoles supérieures relevant du ministère de l'agriculture participent aux Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur (PRES) et ont vocation à devenir partenaires des contrats de site définis par la loi ESR, ainsi qu'à rejoindre des coopérations thématiques dans les domaines agronomiques et vétérinaires.

Cet institut a également pour objectif d'optimiser les formations qui peuvent certes être efficacement dispensées localement jusqu'au niveau Master mais qui, pour le doctorat, impliquent d'optimiser les ressources disponibles sur le programme budgétaire 142 à l'échelle nationale.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Merci pour votre communication. Je passe dans un premier temps la parole à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure, qui a plus spécifiquement étudié les deux articles que vous nous avez présentés.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - Nous avons déjà organisé près d'une vingtaine d'auditions pour préparer l'avis de notre commission sur ce texte. De nombreuses inquiétudes se font jour et ce faute de précisions quant à la nature précise et à la mise en oeuvre du dispositif proposé.

En effet, s'agissant de l'article 27, quel va être le statut retenu pour ce nouvel institut ? Tandis que vous parlez d'établissement de coopération scientifique, structure disparaissant avec la loi ESR, l'exposé des motifs précise qu'il s'agit d'un établissement public ad hoc . Le texte lui-même reste muet sur ce point. Pour que le travail parlementaire s'opère à bon escient, encore faudrait-il que nous disposions des précisions nécessaires au sujet de ce nouvel établissement !

La seconde question concerne le périmètre de cet institut, avec une rédaction qui nous semble à l'opposé des objectifs affichés de rapprochement en matière de recherche du fait de la dualité entre les établissements qui peuvent ou doivent, selon le cas, le rejoindre.

En outre, quelles seront les missions assignées à cet institut : sera-t-il une sorte de parlement des instances de recherche et d'enseignement des domaines agricoles et vétérinaires, ou encore une sorte d'interface entre les secteurs de la pédagogie et de la recherche, voire une agence de projets ? Quelle en sera la gouvernance ? Enfin, s'il est vrai que huit postes semblent devoir être dédiés à la création de ce nouvel établissement, en plus des emplois auparavant dévolus à AGREENIUM qui lui seront réaffectés, quelle pourra être la part du financement incombant à ses membres, dont la situation financière est parfois fragile ?

S'agissant de l'article 26, je souhaiterais que soient précisées les conditions d'obtention, par étapes, du baccalauréat professionnel, ainsi que les modalités d'organisation des futures classes passerelles vers l'enseignement supérieur. Il me paraît également que le maintien de l'impératif de rentabilité économique pesant sur les exploitations pédagogiques, qui doivent également rémunérer des personnels sur une base contractuelle de droit privé, obère leur capacité éducative et leur rôle dans l'insertion sociale des jeunes.

J'attends avec intérêt vos réponses, Madame la directrice générale, puisque celles-ci ne manqueront pas de conditionner l'avis que je présenterai, au nom de notre commission, sur le projet de loi.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Je compléterai la demande de précision de la rapporteure en vous interrogeant sur le positionnement de ce futur établissement par rapport aux alliances, et en particulier l'Alliance du vivant qui se veut une enceinte de dialogue des différents acteurs et organes de la recherche dans ce secteur.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure . - J'ajouterai également une question sur la tutelle de cet établissement.

Mme Mireille Riou-Canals . - S'agissant du statut de l'institut tel qu'en dispose l'article 27, j'ai mentionné la coopération scientifique en raison de la nature des activités qui seront les siennes, puisque la catégorie d'établissement public de coopération scientifique a été supprimée par la loi ESR. Cet établissement public sera ainsi sui generis et répondra aux besoins particuliers de coopération dans les thématiques agronomiques et vétérinaires.

Cet institut regroupera les membres de droit que sont les écoles supérieures publiques sous la tutelle du ministère de l'agriculture, ainsi que d'autres établissements d'enseignement supérieur sous contrat et relevant du programme budgétaire 142 qui seront libres de le rejoindre. Certains instituts de recherche sont par ailleurs des partenaires privilégiés de l'enseignement agronomique en France, comme l'INRA - qui concentre 74 unités mixtes de recherche sur les 102 intégrées aux écoles - ou le CNRS. D'autres établissements, comme l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), qui n'étaient pas membres d'AGREENIUM, pourraient également rejoindre ce nouvel établissement. Il incombera ainsi aux conseils d'administration respectifs des établissements dont l'adhésion n'est pas obligatoire de se prononcer.

Nous attendons très précisément que ce nouvel établissement remplisse les objectifs suivants : dans le domaine de la formation, il sera chargé, d'une part, d'élaborer une offre globale de formation d'ingénieurs en phase avec le coeur de métier des écoles supérieures d'agronomie du ministère de l'agriculture et de structurer, d'autre part, la collaboration des écoles vétérinaires, en identifiant les besoins de formation, en élaborant des référentiels communs et un tronc commun de formation, ainsi qu'en définissant une stratégie commune des écoles pour leur accréditation européenne et internationale. Au-delà de ces formations de référence, le nouvel institut assurera la concertation entre les écoles afin qu'elles puissent présenter une offre globale raisonnée de masters et de doctorats. Il a en ce sens vocation à reprendre le doctorat ABIES, porté par AgroParisTech, en co-accréditation avec la future Université Paris-Saclay. Il élaborera par ailleurs une offre numérique de formation dans le cadre d'une université virtuelle d'agronomie.

En matière de recherche, ce nouvel institut confortera les indispensables liens entre formation et recherche noués dans les unités mixtes de recherche (UMR) et assurera la mise en commun des fonctions de prospective, d'analyse et de veille stratégiques, afin de développer une stratégie commune et de contribuer, pour le secteur de l'agriculture, à la définition de la stratégie nationale de la recherche.

L'institut permettra de structurer la formation, initiale et continue, des enseignants et des cadres de l'enseignement technique agricole, sur la base des formations délivrées par les deux opérateurs principaux que sont l'École nationale de formation agronomique (ENFA) de Toulouse et AgroSup Dijon, en collaboration avec les autres écoles supérieures d'agronomie. Ainsi, des professeurs d'agronomie issus de ces établissements pourront participer à la formation des enseignants du second degré agricole dans les disciplines techniques. Dans la continuité de cette mission, l'institut soutiendra l'enseignement technique, via la recherche et l'appui en didactique et en pédagogie, ainsi que le développement du numérique éducatif.

Cet établissement assurera une offre intégrée, pour l'international, de formation et recherche en sciences agronomiques et vétérinaires, en facilitant la conclusion d'accords de partenariat. Il participera ainsi au développement des coopérations internationales qui contribuent au rayonnement de la science française et qui sont un vecteur de l'influence française en matière d'agriculture et d'alimentation. Il contribuera enfin à la négociation et à la gestion d'accords internationaux, tout en facilitant la mobilité des étudiants.

Ses moyens proviendront de la réaffectation de ceux déjà mobilisés par AGREENIUM auquel il succède, soit une trentaine d'agents et environ trois millions d'euros comme budget de fonctionnement. Il devrait également bénéficier de nouveaux moyens affectés par le ministère de l'agriculture, à savoir huit nouveaux emplois en 2014, des crédits de fonctionnement et des bourses doctorales.

Un décret devrait, une fois la loi adoptée, préciser la gouvernance de l'institut qui veillera à accorder une représentation à l'ensemble des catégories professionnelles qui y travaillent. Pour éviter l'encombrement du conseil d'administration, si le nombre de membres est trop important, il pourra être utile de prévoir des collèges distincts.

L'institut devrait être sous la tutelle de la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), à l'instar des écoles. D'autres ministères seront associés à sa gouvernance : le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que le ministère des affaires étrangères du fait de sa vocation internationale.

Ainsi, cet institut assure une double innovation en s'occupant des différents niveaux de formation, et pas seulement de l'interface enseignement-recherche, et en rassemblant l'ensemble des acteurs des filières agricoles, agronomiques et vétérinaires en France.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Il faut que vous compreniez que nous sommes des parlementaires et qu'à nos yeux, la rédaction des articles doit primer sur toute déclaration verbale. C'est pourquoi nos interrogations sont précises et renvoient dans le détail aux textes qui sont soumis à notre examen.

Mme Françoise Férat . - Le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne nous semble pas résoudre les problèmes qui se posent à l'enseignement agricole. L'évolution des métiers de ce secteur doit entraîner celle de la formation !

Je ne retrouve pas les différentes préconisations formulées par l'Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA) qui avaient pour finalité de définir la formation nécessaire à l'émergence de l'agriculture de demain.

Ainsi, quel partenariat avec les collectivités, et plus particulièrement avec les régions, le projet de loi propose-t-il ? Comment allez-vous éviter, à cet égard, que les diversités territoriales n'entraînent des disparités de traitement entre les collectivités locales ?

S'agissant de l'orientation scolaire, l'enseignement agricole n'est pas assez proposé à chaque étape du parcours pédagogique des élèves. Que faire pour changer cet état de fait ?

Par ailleurs, le projet de loi proposait initialement que la formation des enseignants relève d'un établissement public administratif à part entière, tandis que celle-ci semble désormais n'incomber qu'à l'institut. En outre, si les exploitations agricoles annexées aux exploitations doivent bel et bien assumer un rôle pilote dans la formation et le développement de l'agro-écologie comme l'a souligné le ministre de l'agriculture, comment mieux associer l'ensemble des acteurs à leur fonctionnement ? Ne faut-il d'ailleurs pas abandonner le principe de rentabilité de ces exploitations qui nous semble illégitime ?

En ce qui concerne les nouveaux diplômes, comment renforcer le lien entre l'enseignement technique et l'enseignement supérieur agricoles en assurant leur juste articulation au-delà du médiateur ?

Enfin, comment assurer le rayonnement international de nos filières d'enseignement ? Je mesure par ailleurs qu'aucune articulation n'a été prévue à ce jour avec le sixième schéma national de formation et que la voie réglementaire aura pour finalité de combler les vides législatifs ce qui, d'ailleurs, n'est pas sans susciter une forme de frustration en tant que parlementaire !

Mme Françoise Laborde . - Quel est le rôle du médiateur qui est pourtant mis en avant sans pour autant être aujourd'hui reconnu par la loi ?

Mme Mireille Riou-Canals . - En réponse à cette toute dernière question, le médiateur qui s'occupe de l'enseignement technique agricole n'a pas de base législative, tandis que le médiateur de l'éducation nationale est défini par la loi. Nous proposons ainsi que notre médiateur dispose d'une autorité comparable et que soit pris un décret pour préciser ses compétences sur l'ensemble de l'enseignement agricole et ses différents acteurs.

L'institut sera un établissement public. La rédaction des dispositions du projet de loi a été visée par le Conseil d'État, mais elle peut s'avérer perfectible et ne manquera de donner lieu, lors de son examen au Sénat, à des amendements.

Concomitamment à la préparation de la loi, un projet stratégique pour l'enseignement agricole a été élaboré. Il me paraît répondre aux questions que vous m'avez adressées et je le tiens à votre disposition. Il exprime le consensus de l'ensemble des membres du Conseil national de l'enseignement agricole et devrait être visé par le texte de la loi comme un document de référence.

Ce projet stratégique fixe les priorités de l'enseignement agricole qui sont au nombre de onze, à savoir : renforcer la promotion sociale et la réussite scolaire en favorisant l'accès à l'enseignement supérieur agricole, conforter les filières de l'apprentissage et de la formation professionnelle tout au long de la vie, poursuivre la rénovation des diplômes, relancer la pédagogie et les innovations en développant l'utilisation du numérique éducatif, enseigner à « produire autrement » et renforcer la place des exploitations agricoles des établissements, poursuivre l'ancrage territorial des établissements et les liens avec leurs partenaires, renforcer l'ouverture internationale, développer les actions éducatives, l'apprentissage du vivre ensemble et l'éducation à la citoyenneté, développer la formation initiale et continue de la communauté éducative, appuyer les établissements d'enseignement dans leurs projets et mettre en oeuvre l'ensemble de ces priorités à travers un dialogue social renforcé.

S'agissant de l'adaptation de la formation aux exigences de l'agriculture de demain, nous allons poursuivre la rénovation des diplômes comme ceux du brevet de technicien supérieur agricole, du baccalauréat agricole professionnel spécialisé dans la conduite des exploitations ainsi que du brevet professionnel responsable d'exploitation agricole en promouvant des formations permettant d'aborder à la fois les systèmes de culture et d'élevage. Il s'agit de conférer aux futurs agriculteurs de demain les moyens d'une gestion stratégique et intégrée de leur exploitation sur le long terme.

En outre, la réflexion sur la rénovation de la formation du certificat d'aptitude professionnelle agricole (CAPA), qui concerne un grand nombre d'élèves, a été engagée en 2012 et devrait prochainement aboutir à la formation d' « ouvrier de l'exploitation agricole », spécialité unique pour l'ensemble des productions agricoles, ainsi qu'à une redéfinition de ses référentiels pédagogiques.

En ce qui concerne le partenariat avec les régions, également examiné par l'Assemblée nationale qui a amendé l'article 26 pour les associer à l'ensemble des missions de l'enseignement agricole, à l'exception toutefois de la formation initiale qui relève de la compétence de l'État, la nouvelle rédaction du projet de loi prend acte des pratiques usitées à l'échelle nationale. En effet, les conseils régionaux sont largement mobilisés pour assumer les missions de développement territorial et international. Bien souvent, les élus régionaux siégeant au sein des Conseils régionaux de l'enseignement agricole (CREA) et dans les conseils d'administration des établissements publics locaux d'enseignement agricole.

Je partage l'avis exprimé par l'une des commissaires quant à la nécessité de faire connaître auprès des élèves l'enseignement agricole qui présente une grande diversité de formations et favorise la réussite de l'insertion d'élèves en difficulté, tout en offrant des perspectives à ceux qui souhaitent opter au plus tôt vers des études professionnelles. À ce titre, ma direction développe une importante coopération avec l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) pour faire connaître le plus en amont possible l'enseignement agricole, qui est non seulement professionnel mais également général et technologique, lors de chacune des étapes de l'orientation scolaire.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Comme vous le savez, notre commission est également compétente en matière de recherche. Or, nous venons de découvrir qu'un nouvel article 27 bis , introduit par amendement lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale, ruine ce que mes collègues et moi-même avions patiemment élaboré lors de l'examen de la loi ESR.

Par ailleurs, alors que les précédents gouvernements se sont efforcés de séparer la gestion du risque, incombant aux ministères, de l'expertise, reconnue aux agences, les nouveaux articles 22 et 22 bis transfèrent l'arbitrage de la mise sur le marché à l'ANSES. Je souhaiterais vous demander les motifs de tels changements.

Mme Mireille Riou-Canals . - Je ne suis pas en mesure, Madame la Présidente, de vous répondre, car les problèmes que vous soulevez en matière de mise sur le marché ne relèvent pas de mes compétences, mais plutôt de celles de la direction générale de l'alimentation.

L'insertion d'un nouvel article 27 bis dans le projet de loi exprime le souhait du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qui sera plus à même que moi de vous en exposer les motifs.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION DE LA CULTURE

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ARTICLE 26

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En tenant compte de la spécialité du diplôme préparé, le ministre chargé de l'agriculture peut prévoir, pour l'accès aux sections préparatoires au brevet de technicien supérieur agricole, un pourcentage minimal d'élèves titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole, ainsi que des critères appropriés de vérification de leurs aptitudes. »

ARTICLE 26

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

-          le 3° est ainsi rédigé :

«3° Un ou plusieurs ateliers technologiques ou exploitations agricoles à vocation essentiellement pédagogique qui assurent l'adaptation et la formation aux pratiques professionnelles et qui contribuent à la démonstration, à l'expérimentation et à la diffusion des techniques nouvelles, en cohérence avec les orientations des politiques publiques pour l'agriculture. »

ARTICLE 26 BIS A (NOUVEAU)

Supprimer cet article.

ARTICLE 26 BIS B (NOUVEAU)

Supprimer cet article.

ARTICLE 27

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements d'enseignement supérieur agricole mettent en place, dans des conditions fixées par décret, des dispositifs d'accompagnement pédagogique spécifiques au bénéfice des élèves titulaires d'un baccalauréat professionnel agricole ou d'un brevet de technicien supérieur agricole qu'ils accueillent dans une formation d'ingénieur. » ;

ARTICLE 27

I. Alinéas 16 à 24

Supprimer ces alinéas

II. Alinéa 34

Supprimer cet alinéa

III. En conséquence, alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

IV. En conséquence, alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Section 2

ARTICLE 27

Alinéa 18, première phrase

Après le mot :

« France »

insérer les mots :

« est un établissement public national à caractère administratif qui »

ARTICLE 27

Alinéa 18, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

« et les établissements publics à caractère scientifique et technologique sous tutelle du ministre chargé de l'agriculture.»

ARTICLE 27

Alinéa 18, seconde phrase

Après le mot :

« établissements »

insérer le mot :

« publics »

et

après le mot :

« recherche »

insérer les mots :

« ou de fondations reconnues d'utilité publique »

ARTICLE 27

I. Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il apporte son appui à l'enseignement technique agricole. À cette fin, il assure la constitution entre ses membres d'un réseau dédié à la formation initiale et continue des personnels enseignants, d'éducation et d'encadrement des établissements mentionnés à l'article L. 811-8. Il peut également établir des partenariats avec les écoles mentionnées à l'article L. 721-1 du code de l'éducation. »

II. En conséquence, à l'alinéa 24, dernière phrase

Supprimer les mots :

« crée un réseau interne dédié à la formation initiale et continue des personnels enseignants, d'éducation et d'encadrement de l'enseignement général, technologique et professionnel agricole et »

ARTICLE 27

Alinéa 21

Après la première phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

« Il comprend une commission scientifique qui apporte toute expertise utile au conseil d'administration pour l'accomplissement de ses missions. »

ARTICLE 27

Alinéa 22, deuxième phrase

Remplacer les mots :

« des représentants des organismes et établissements membres »

par les mots :

« au moins un représentant de chaque organisme et établissement membre »

ARTICLE 27 BIS (NOUVEAU)

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

ARTICLE 27 BIS (NOUVEAU)

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

ARTICLE 27 TER (NOUVEAU)

Supprimer cet article.

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