B. L'ADOSSEMENT AUX RÉGIMES DE DROIT COMMUN : UNE TECHNIQUE CONTESTÉE

1. Le risque d'une pérennisation des droits spécifiques

La Cour des comptes s'inquiète dans son rapport des « risques pour l'avenir » qu'entraîne le recours à la technique de l'adossement des régimes spéciaux aux caisses de retraite de droit commun du secteur privé. Les observations des magistrats financiers 9 ( * ) sur ce point rejoignent d'ailleurs certaines interrogations exprimées de longue date par votre commission :

« Les réformes du financement du régime des IEG et du régime de la RATP ont tourné le dos à cette orientation [la réduction des inéquités entre les assurés sociaux dans le cadre des réformes des retraites de 1993 et de 2003]. En laissant inchangés le niveau des droits des affiliés et en adoptant la technique de l'adossement aux régimes de droit commun, elles reviennent à pérenniser les droits spécifiques servis par ces régimes spéciaux. Les régimes spéciaux demeurent ainsi en dehors de l'objectif de convergence des règles applicables au régime général et aux régimes des fonctions publiques et voient même leurs particularités garanties.

Sans qu'il soit nécessaire a priori de porter un jugement sur la légitimité des avantages particuliers qu'offrent les régimes spéciaux, l'opportunité n'a cependant pas été saisie d'une adaptation des règles relatives à l'acquisition des droits à la retraite.

Dans cette nouvelle organisation, l'adossement aux régimes de droit commun et la garantie des droits spécifiques sont porteurs de risques de différents types dans le futur :

- les augmentations futures des taux de cotisation dans les régimes de droit commun se répercuteront automatiquement sur les employeurs et les salariés des régimes adossés ; elles auront un impact direct sur les coûts de production et indirect sur la politique salariale des entreprises publiques ;

- les mesures d'allongement de la durée d'assurance déjà inscrites dans la loi de réforme des retraites de 2003, augmenteront relativement le montant des droits spécifiques dans le futur ;

- les éventuelles réformes des droits qui pourraient être réalisées dans le futur dans les régimes de droit commun conduiront également à augmenter la part relative des droits spécifiques, du fait de la garantie du montant de la pension ;

- même en l'absence de toute réforme d'envergure des droits, toute baisse du rendement dans les régimes complémentaires en points Arrco et Agirc augmentera relativement la part des droits spécifiques.

En revanche, ces réformes n'ont pas touché aux droits des affiliés. L'opportunité n'a pas été saisie d'adapter les règles d'acquisition et de liquidation des droits à la retraite dans ces régimes, comme cela a été fait dans les fonctions publiques lors de la réforme des retraites de 2003. »

2. Des garanties à renforcer

Au cours des dernières années, le Parlement a élevé au niveau législatif les principes de neutralité et de transparence de ces opérations d'adossement. En effet, malgré toutes les précautions qui peuvent être prises, cette technique apparaît très complexe et les hypothèses de projection sur des durées de vingt-cinq ans minimum ne peuvent manquer de présenter une marge d'incertitude.

Notamment, votre commission est à l'origine de l'inscription dans le code de la sécurité sociale :

- du principe de « stricte neutralité financière » des adossements pour les assurés sociaux du secteur privé ;

- de l'obligation pour les caisses de retraite concernées de rendre compte de la mise en oeuvre de ce principe tout au long des vingt-cinq années de l'adossement et d'assurer la publication des données techniques correspondantes ;

- de l'organisation d'une information préalable du Parlement et d'un renforcement des moyens de contrôle des commissions.

Sur ce dernier point toutefois, votre commission continue à n'avoir connaissance de ces opérations qu'à travers la lecture de la presse. Il conviendra donc certainement à l'avenir de renforcer les garanties existantes :

- en prévoyant une consultation obligatoire du conseil d'administration de la Cnav pour en évaluer les modalités au regard du principe de neutralité financière pour ses assurés sociaux ;

- en permettant que le régime général puisse, comme les régimes complémentaires, demander l'intégration d'une clause de rendez-vous plafonnée dans les conventions d'adossement. Il semble en effet difficile d'imaginer que la Cnav prenne le risque de s'engager, irréversiblement, sur le calcul des droits d'entrée non seulement des IEG, mais aussi de la RATP, de La Poste et de la SNCF, soit au total plus de 300 milliards d'euros d'engagements de retraite.

* 9 Rapport de la Cour des comptes - Septembre 2006 - p. 338.

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