II. DES INTERROGATIONS MAJEURES S'AGISSANT DE L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

En matière d'évaluation, le Commissariat général du Plan était historiquement chargé d'une double mission : contribuer au développement de l'évaluation dans l'administration et animer le dispositif d'évaluation des contrats de plan Etat-régions.

Mais, en 2003, le recentrage du Commissariat général du Plan, voulu par le Premier ministre, sur ses missions de prospective entraînait l'abandon de celles qu'il exerçait en matière d'évaluation des politiques publiques.

Lors de son intervention à l'Assemblée nationale le 23 octobre 2003 pour la présentation des crédits consacrés au Plan dans le projet de loi de finances pour 2004, M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat avait même proposé « à la représentation nationale un rendez-vous commun, par exemple en début d'année prochaine, pour faire le point sur ce qui concerne l'évaluation des politiques publiques. En effet, dès lors que le Commissariat du Plan n'assumera plus cette mission, la question se pose de sa réorganisation, l'évaluation étant au coeur des orientations voulues par le Premier ministre . »

Or, force est de constater, un an plus tard, que ce rendez-vous avec la représentation nationale n'a pas eu lieu , qu'aucune décision n'a été prise s'agissant de l'évaluation des politiques publiques, et que, de façon virtuelle, le budget du Commissariat général du Plan affiche toujours, même en baisse, des crédits consacrés à l'évaluation, alors même qu'il n'en est plus en charge.

Votre commission des affaires économiques ne saurait se satisfaire de cette situation qui, d'une part, est contraire à l'objectif de transparence et de lisibilité que le Parlement est en droit d'attendre de la présentation du budget, et d'autre part, résulte d'une absence de décision très préoccupante, lorsqu'on connaît l'enjeu présenté par l'évaluation des politiques publiques.

Pour y remédier, il vous sera donc proposé un amendement ayant pour seul objectif d'inciter le Gouvernement à prendre clairement position.

A. L'ABANDON DE L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DE L'ÉTAT

En matière d'évaluation des politiques publiques, le Commissariat général du Plan a été chargé en 1998 d'assurer le secrétariat du Conseil national de l'évaluation (CNE) et de contribuer au développement de l'évaluation dans l'administration (décret du 18 novembre 1998 et circulaire du Premier ministre du 28 décembre de la même année).

1. Le secrétariat d'un conseil non renouvelé

Le Conseil national de l'évaluation a été installé le 16 février 1999 et sa présidence a été assurée jusqu'en 2002 par M. Yves Cousquer.

Le Conseil national de l'évaluation (CNE)

Aux termes du décret du 18 novembre 1998, le Conseil national de l'évaluation (CNE) est composé de quatorze membres, désignés par décret : six personnalités qualifiées, un représentant du Conseil d'Etat, un représentant de la Cour des comptes, trois membres désignés par le Conseil économique et social, un maire, un conseiller général, un conseiller régional, désignés au vu des propositions faites par les grandes associations représentatives.

Le CNE est chargé :

- de proposer un programme annuel d'évaluation au Premier ministre, sur la base des propositions qui peuvent lui être transmises par le Premier ministre, les ministres, le Conseil d'Etat, la Cour des comptes, le Conseil économique et social, le Médiateur de la République, ainsi que les collectivités territoriales et leurs associations représentatives. Ce programme énumère les projets d'évaluation retenus et expose leur contenu ainsi que les méthodes préconisées pour réaliser l'évaluation ;

- de formuler un avis sur la qualité des travaux menés par les instances d'évaluation, dans les deux mois suivant leur achèvement ;

- d'établir un rapport annuel d'activité.

Il peut par ailleurs être consulté sur toute question méthodologique relative à l'évaluation par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Aux termes de l'article 8 du décret du 18 novembre 1998, le Commissariat général du Plan assure le secrétariat du Conseil national de l'évaluation et il a contribué à l'instruction et à la mise au point des projets d'évaluation, en liaison avec les divers départements ministériels concernés. Il a été chargé de désigner les présidents et les membres des instances d'évaluation et de suivre leurs travaux. Au titre de ce suivi, les chargés de mission du Plan ont contribué à la passation des marchés d'études, le commissaire étant la personne responsable du marché, ainsi qu'à la rédaction, à la mise en forme et la publication des rapports d'évaluation.

Mais l'absence de renouvellement du CNE interdit au Commissariat général du Plan d'instruire de nouveaux projets en 2002 et 2003, même si il a néanmoins poursuivi la mise en oeuvre des programmes décidés antérieurement.

- Le Premier ministre avait en effet approuvé le 2 août 2001 le troisième programme d'évaluation proposé par le Conseil national de l'évaluation. Ce programme comportait sept projets :

- fonds structurels et politiques régionales ;

- politique du service public des déchets ménagers ;

- aides aux très petites entreprises ;

- politique de contractualisation avec les universités ;

- pratiques de recours à des opérateurs externes pour la mise en oeuvre des politiques actives d'emploi ;

- politique de transport combiné rail/route ;

- étude de faisabilité d'une évaluation sur les politiques d'amélioration de l'accès à la prévention et aux soins.

Les instances correspondant à ce troisième programme ont été installées entre septembre 2001 et février 2002. Elles ont défini rapidement le programme d'études commandées à des prestataires extérieurs (dans la plupart des cas, eu égard aux montants, dans le cadre d'un appel d'offres au niveau européen) et conduit les travaux dans de bonnes conditions, de sorte que le délai de 18 mois prescrit par le décret (entre le lancement de l'instance et l'achèvement des travaux) a été respecté par l'essentiel des instances de ce programme.

- En ce qui concerne le premier programme (en date du 13 juillet 1999), la dernière évaluation, celle de la politique de lutte contre le sida, a été rendue publique en novembre 2002.

Quant aux évaluations décidées par le Premier ministre, en octobre 2000, sur la formation professionnelle continue des agents de l'Etat, la mise en oeuvre de la politique nationale de sécurité routière par les systèmes locaux de contrôle-sanction, les politiques de développement rural, les rapports ont été achevés entre janvier et mai 2003.

2. La contribution du Plan au développement de l'évaluation dans l'administration

Le Commissariat général du Plan a pris l'initiative, début 2002, de bâtir un site Internet consacré à l'évaluation des politiques publiques et ce projet a été construit en étroite collaboration avec le Conseil national de l'évaluation, qui souhaitait la mise en oeuvre de supports de communication spécifiques à l'évaluation. Il correspondait aussi à la demande du réseau d'acteurs régionaux de l'évaluation qui éprouvaient le besoin de lieux d'échanges de savoirs et de bonnes pratiques pour consolider l'évaluation au niveau régional. Ce site avait non seulement pour objet de donner une publicité aux travaux d'évaluation effectués sous l'égide du Conseil national de l'évaluation et dans le cadre de l'évaluation des contrats de plan Etat-régions mais aussi de faciliter l'accès à un ensemble de références institutionnelles, bibliographiques et méthodologiques utiles à l'ensemble des acteurs de l'évaluation et à un large public.

Par ailleurs, le Commissariat général du Plan a contribué à la formation dans le domaine de l'évaluation, notamment en diffusant l'état des pratiques et des méthodes. Il a ainsi participé à différents séminaires de formation organisés à l'initiative des administrations centrales, des établissements publics de formation (École nationale d'administration, ENGREF, Institut d'études politiques de Paris, École nationale de la santé publique...) ou des acteurs régionaux ; il a, en outre, accueilli nombre de visiteurs étrangers, universitaires et hauts fonctionnaires et participé au réseau des experts européens en évaluation.

Enfin, le Commissariat général du Plan a contribué aux travaux de la Commission présidée par M. Gilles Carrez sur l'évaluation des politiques locales (mai-juin 2003).

3. Le maintien d'une demi-mesure

Comme il a été rappelé ci-dessus, le Plan n'est plus officiellement en charge de l'évaluation des politiques publiques depuis octobre 2003. Mais néanmoins, dans le projet de loi de finances pour 2005, des crédits sont maintenus sur le chapitre 34-98 à hauteur de 300.000 euros, soit une réduction de presque 50 %, auxquels il convient d'ajouter les crédits de fonctionnement et de personnels assurant le secrétariat du CNE.

Cette demi-mesure n'est pas satisfaisante et doit être rapidement corrigée. Il est en effet indispensable que le Gouvernement arrête le nouveau dispositif qui sera chargé de l'évaluation des politiques publiques.

Votre rapporteur pour avis considère en effet qu'il s'agit d'un enjeu majeur dans la perspective de la réforme de l'Etat et de mise en oeuvre de la LOLF. A ce titre, il approuve totalement le constat établi par nos collègues MM. Noël Bourdin, Pierre André et Jean-Pierre Plancade 6 ( * ) qui soulignent qu'« avec la LOLF, l'évaluation acquiert en même temps qu'une consécration juridique constitutionnelle, le statut d'« ardente obligation » pour l'administration, dont les instruments de pilotage doivent être adaptés au nouveau contexte . » 7 ( * )

L'évaluation des politiques publiques constitue un élément déterminant du dispositif pour assurer la pleine efficacité de la LOLF. Or, celle-ci sera pleinement appliquée à compter du 1 er janvier 2006, et il est donc essentiel qu'une décision politique intervienne début 2005 pour que le système d'évaluation arrêté soit opérationnel à la même date.

Le Parlement y a d'autant plus intérêt que pour exercer pleinement ses nouvelles compétences s'agissant de l'évaluation des performances de l'action publique, il devra pouvoir s'appuyer sur le système mis en place par le Gouvernement .

Il est en effet essentiel que ce système soit autonome vis-à-vis de l'exécutif et largement accessible aux citoyens et à leurs représentants.

* 6 « Placer l'évaluation des politiques publiques au coeur de la réforme de l'Etat » par MM. Joël Bourdin, Pierre André et Jean-Pierre Plancade au nom de la Délégation pour la planification. Rapport n° 392 (2003-2004).

* 7 Idem p.221.

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