5. Les limites du « panier de soins » de la couverture maladie complémentaire

La couverture maladie universelle complémentaire permet la prise en charge avec dispense de frais :

du forfait journalier hospitalier (sans limitation de durée) ;

du ticket modérateur sur les actes et prescriptions des professionnels de santé, dans la limite des tarifs de responsabilité des caisses ;

des frais supplémentaires en sus des tarifs de responsabilité pour certaines prestations (optique - dentaire - auditif - dispositifs spéciaux) dans la limite de forfaits fixés par quatre arrêtés ministériels.

Quatre arrêtés conjoints des ministres de l'emploi et de la solidarité, de l'agriculture, et de l'économie et des finances, en date du 31 décembre 1999, ont donc fixé la liste des dispositifs et le montant limite des frais pris en charge.

Ils ont été assouplis par la circulaire de la Direction de la sécurité sociale du 27 avril 2000 et trois arrêtés en date du 14 août 2002 qui assouplissent quelque peu le dispositif initial.

A bien des égards toutefois, la CMU complémentaire demeure une « couverture complémentaire minimale » :

- le ticket modérateur est limité au tarif de responsabilité des caisses. Ce principe ne pose de difficultés que pour les médecins pratiquant des honoraires supérieurs à ce tarif. La pratique en ce domaine semble variable. Certains d'entre eux demandent contra legem un dépassement, d'autres respectent ces tarifs, d'autres enfin sélectionnent leur clientèle ;

- le principe du tiers payant est parfois lourd à gérer pour les praticiens, du fait notamment des délais de remboursement ;

- les tarifs prévus par les textes sont récusés par les professionnels de santé car considérés comme insuffisants, notamment les pharmaciens, qui contestent certains tarifs fixés en référence à des prix de gros, et les dentistes qui les estiment trop bas par rapport aux coûts réels des soins ;

- les tarifs prévus excluent, de fait, certains biens jugés comme courants par les professionnels de santé ou limitent drastiquement les choix de produits médicaux disponibles pour les assurés CMU (optique, dentaire, etc.) ;

- le panier de soins fait parfois référence à des notions considérées comme « floues » par les praticiens, telle « l'impérieuse nécessité médicale » qui permet un dépassement du plafond de prise en charge des prothèses dentaires et qui est source de divergences d'appréciation entre dentistes et dentistes-conseil des caisses.

Optique

Dentaire

Auditif

Dispositifs médicaux spéciaux

Arrêtés du 31/12/1999

- fixe par catégorie figurant à la nomenclature et par équipement les montants maxima remboursables en sus des tarifs de responsabilités

- fixe les prix limites de vente auxquels les distributeurs doivent proposer ces dispositifs aux bénéficiaires de la CMU

- pour les enfants, les prix limites sont égaux aux tarifs de remboursements par l'assurance maladie

- pour les adultes, la CMUC prend en charge la différence entre les prix limites et les tarifs de remboursements

- assure la prise en charge des équipements optiques (verres/montures/suppléments) dans le cadre d'un achat par an sauf exception justifiée

- établit la liste des prothèses et des traitements d'orthodontie pour lesquels les dépassements tarifaires sont pris en charge par la CMUC

- fixe les dépassements maxima par rapport aux tarifs de remboursement de l'assurance maladie de base

- les tarifs fixés réglementairement doivent être respectés par les professionnels de santé

- le montant total des frais pris en charge en sus des tarifs de responsabilité ne peut excéder 2.600 francs par période de deux ans sauf « impérieuse nécessité médicale »

- les audioprothésistes doivent proposer des prothèses analogiques à contours d'oreille non programmables à un prix n'excédant pas 2.910 francs par prothèse pour les adultes, et n'excédant pas le tarif de responsabilité des caisses pour les enfants

- pour les autres prothèses auditives, pour adultes, les frais exposés, au-delà du tarif de responsabilité au titre de la protection complémentaire sont pris en charge dans la limite de 1.600 francs par période de deux ans

- les distributeurs de dispositifs médicaux particuliers figurant dans la liste dressée par les arrêtés (cannes et déambulateurs, colliers cervicaux, appareils pour stomisés, canules trachéales etc.) doivent proposer leurs produits à des prix égaux au tarif de responsabilité de l'assurance maladie de base

Circulaire du 27 avril 2000

- l'administration précise qu'elle ne « s'opposera pas » à la prise en charge du remplacement d'un équipement au cours de l'année de référence en cas d'évolution rapide de la pathologie visuelle ou une intolérance aux verres progressifs nécessitant la délivrance de deux dispositifs

- il est possible d'individualiser la notion d'équipement et d'assurer la prise en charge d'un verre seulement ou de la seule monture.

- suppression du plafond de 2.600 francs

Arrêtés du 14 août 2002

Les montants pris en charge pour les lunettes sont fixés à 54,57 euros pour tous, sauf verres progressifs (163,73 euros pour les enfants contre 137,21 euros pour les adultes)

Les distributeurs sont tenus de proposer des prothèses auditives à des prix n'excédant pas le tarif de remboursement quel qu'en soit le modèle à deux catégories : les patients de moins de 20 ans et les adultes atteints de cécité ou d'un fort déficit auditif

La liste établie précédemment est modifiée

*

* *

Au total, le système CMU base et complémentaire correspond à une sorte de « sécurité sociale à 100 % », qui a amélioré la situation de patients ne pouvant jusque là accéder à certains soins, sans pour autant leur permettre d'accéder à une situation « de droit commun ».

Le rapport de l'IGAS 2 ( * ) de décembre 2001, relatif à l'évaluation de la CMU, note à ce titre que « si elle a doté 8 % des Français d'une couverture complémentaire, 30 % de ces derniers indiquent qu'ils ne peuvent toujours pas assumer les dépenses restant à leur charge pour certains soins, essentiellement pour les prothèses dentaires et l'optique ».

Certaines des difficultés soulevées par ce rapport, et qu'avait notées notre collègue Alain Vasselle qui siège au Conseil de surveillance de la CMU, trouvent lentement des éléments de solutions.

Le rapport de l'IGAS vu par M. Alain Vasselle

(...)

« Même si ce document fait preuve d'une grande prudence, il s'apparente, par certains côtés, à un véritable « livre noir de la CMU », tant les critiques explicites portées sur l'application du dispositif, et les critiques implicites sur sa conception même, sont nombreuses :

« - premièrement, l'objectif quantitatif de la CMU complémentaire, qui était censé toucher 6 millions de personnes, est loin d'être atteint : on en serait à 4,6 millions de « CMUistes », alors que l'aide médicale départementale bénéficiait à 3,4 millions de personnes ;

« - deuxièmement, les trois reports successifs du réexamen de la situation des bénéficiaires de l'aide médicale départementale, basculés automatiquement dans le nouveau régime le 1 er janvier 2000, sont sévèrement critiqués ; ces reports auraient représenté un coût de 1,5 milliard de francs ;

« - troisièmement, le rapport décrit sans complaisance la question insoluble de l'effet de seuil créé par la couverture maladie universelle complémentaire, générateur d'injustices et d'un contentieux important ; les différents mécanismes proposés par le Gouvernement pour pouvoir y remédier apparaissent bien complexes, et risquent de recréer des inégalités que la CMU avait pour ambition de faire disparaître ;

« - quatrièmement, le rapport décrit avec précision la complexité inutile des règles de droit différentes entre la CMU de base et la CMU complémentaire ;

« - cinquièmement, le dévoiement du « scénario partenarial » apparaît patent : 88 % des ressortissants de la CMU complémentaire sont gérés par les CPAM, la part des organismes complémentaires étant cependant en progression ;

« - sixièmement, si le rapport passe un peu rapidement sur les nombreux griefs des professionnels de santé (contenu du panier de soins, longueur des délais de remboursement, nombreuses erreurs de remboursement...), il conclut cependant par un « aveu » terrible : « La réforme a instauré un système rigide, moins souple que l'aide médicale départementale qui, malgré ses défauts, permettait une prise en charge correcte des patients grâce aux conventions particulières passées dans de nombreux départements entre le conseil général, les caisses et les professionnels de santé et aux autres aides locales ».

« Enfin, le rapport est particulièrement bref sur les conséquences de l'instauration de la CMU pour les finances de l'Etat, les finances sociales et les finances locales . Le surcoût engendré par la CMU pour la CNAMTS représente pourtant 1,4 milliard d'euros (9,1 milliards de francs) , puisque les recettes qui lui avaient été initialement affectées ont été détournées pour financer le FOREC. En revanche, l'Etat -compte tenu des moindres dépenses de la CMU complémentaire- n'a pas constaté le surcoût attendu : reportant une fois de plus sur la sécurité sociale le soin de financer les générosités de sa politique, l'Etat est en quelque sorte « le gagnant » de la CMU.

Source : communiqué de presse du 20 février 2002

* 2 Inspection générale des affaires sociales, Yves Carcenac et Evelyne Liouville, Première évaluation de l'application de la loi du 27 juillet 1999 portant création de la Couverture maladie universelle (CMU), rapport n° 2001 112, décembre 2001

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