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N° 119

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 novembre 2012

PROPOSITION DE LOI

portant création d'une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Jacqueline GOURAULT et M. Jean-Pierre SUEUR,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les États Généraux de la démocratie territoriale, organisés sous l'égide du Président du Sénat les 4 et 5 octobre 2012, ont mis en exergue la question récurrente des normes et de leurs conséquences sur les politiques publiques locales.

De l'« inflation normative » à la « logorrhée législative », nombreuses sont les expressions qui ont été employées pour désigner l'exaspération des élus locaux face au volume des normes qu'ils doivent appliquer quotidiennement. Devant ce constat, le Président du Sénat a missionné le président de la commission des lois et la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour proposer un texte permettant d'y remédier.

Si l'édiction de règles répond, le plus souvent, à d'incontestables nécessités, qu'il s'agisse aussi bien de la protection des personnes que de la sécurité technique et juridique, la surproduction normative engendre aussi de réelles difficultés, aussi bien techniques que budgétaires. Le renchérissement de l'action publique que ce constat entraîne est d'autant plus préoccupant dans le contexte de contraintes budgétaires que connaît aujourd'hui notre pays.

Or, dans un cadre qui nécessite souplesse, réactivité et inventivité, la surabondance de règles, qui ne sont pas toujours en adéquation avec les spécificités des territoires, peut représenter pour nos collectivités territoriales un frein à la réalisation de leurs projets d'investissement. Certains domaines semblent particulièrement touchés : citons, à titre d'exemple, les règles d'urbanisme, les règlements sportifs, la gestion de l'eau et de l'assainissement, la gestion des déchets, etc. S'y ajoute leur évolution constante qui complexifie leur application.

Le rapport de notre ancien collègue Alain Lambert, en 2007, relatif aux relations entre l'État et les collectivités territoriales, avait conduit à la création de la commission consultative d'évaluation des normes, formation restreinte du comité des finances locales. Si le bilan d'activité de cette nouvelle structure est positif, force est de constater que ses moyens humains ne sont pas à la hauteur de ses missions qui ne visent pourtant que le flux de normes. Or, le stock de normes, évalué aujourd'hui à 400 000 par l'Association des Maires de France, soulève lui aussi d'innombrables difficultés d'application pour les collectivités territoriales.

C'est pourquoi la mise en place d'un nouveau dispositif de contrôle et d'évaluation des normes s'impose.

La proposition de loi de notre collègue Éric Doligé (n° 779, 2010-2011) a présenté toute une série de mesures destinées à simplifier un certain nombre de normes et à élargir le dispositif prévu à cet effet. Le débat au Sénat a démontré l'intérêt des pistes qu'elle ouvrait.

Au vu des conclusions des États généraux de la démocratie territoriale, du débat précité et des contributions des associations d'élus, il est apparu au président de la commission des lois et à la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat qu'il était nécessaire de créer une institution dont l'autorité et la représentativité seraient incontestables, qui aurait pour mission de contrôler l'ensemble des normes applicables ou susceptibles d'être appliquées aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi que le Sénat est appelé à examiner.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Après le chapitre III du titre premier du Livre deuxième de la première partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un titre premier bis ainsi rédigé :

TITRE 1 ER BIS

HAUTE AUTORITÉ D'ÉVALUATION DES NORMES

CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 1211-5-1. - I. - Il est créé une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités territoriales.

« La Haute autorité est dotée de l'autonomie financière.

« II. - Elle est composée de représentants des administrations compétentes de l'État, du Parlement et des collectivités territoriales.

« Elle comprend :

« - deux députés élus par l'Assemblée nationale ;

« - deux sénateurs élus par le Sénat ;

« - trois conseillers régionaux élus par le collège des présidents des conseils régionaux ;

« - trois conseillers généraux élus par le collège des présidents des conseils généraux ;

« - six membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre élus par le collège des représentants d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;

« - dix conseillers municipaux élus par le collège des maires de France ;

« - neuf représentants de l'État.

« La Haute autorité est présidée par un représentant des collectivités territoriales, élu en son sein par les membres titulaires d'un mandat électif. Elle est renouvelable tous les six ans.

« Est élu, en même temps que chaque membre titulaire et selon les mêmes modalités, un membre suppléant appelé à le remplacer en cas d'empêchement temporaire ou de vacance définitive, pour quelque cause que ce soit.

« En cas d'empêchement, chaque représentant de l'État peut se faire remplacer par un membre de la même administration désigné dans les mêmes conditions que les membres titulaires.

« Elle peut s'adjoindre le concours de toute personnalité qualifiée.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret.

« Art. L. 1211-5-2. - I. - La Haute autorité est consultée par le Gouvernement sur l'impact technique et financier des projets de textes règlementaires créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

« Elle est également consultée par le Gouvernement sur l'impact financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

« Elle émet, à la demande du Gouvernement, un avis sur les projets de texte communautaire ayant un impact technique et financier, quel qu'il soit, sur les collectivités territoriales ou leurs établissements.

« Sont exclues de la compétence de la Haute autorité les normes justifiées directement par la protection de la sûreté nationale.

« II. - Le président d'une assemblée parlementaire peut soumettre à l'avis de la Haute autorité une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose.

« La Haute autorité peut être saisie sur les normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics dans les domaines des politiques publiques par le Gouvernement, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

« Elle peut se saisir des normes en vigueur applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

« III. - La Haute autorité examine les évolutions de la règlementation applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics dans les domaines des politiques publiques, évalue leur mise en oeuvre et leur impact technique et financier au regard des objectifs poursuivis. Les conclusions de la Haute autorité sont remises chaque année au Premier ministre et aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

« IV. - La Haute autorité dispose d'un délai de six semaines à compter de la transmission d'un projet de texte visé au I ou d'une demande d'avis formulée en application du II pour rendre son avis. Ce délai est reconductible une fois par décision du président.

« À titre exceptionnel et sur demande du Premier ministre, il est réduit à deux semaines.

« À défaut de délibération dans les délais, l'avis de la Haute autorité est réputé favorable.

« Les avis rendus par la Haute autorité sur les propositions visées au premier et au deuxième alinéas du I. sont publiés au Journal officiel de la République française . Ses avis sur les projets de loi sont annexés à l'étude d'impact de ces projets.

« Lorsque la Haute autorité émet un avis défavorable sur tout ou partie d'un projet de texte visé au premier alinéa du I, le Gouvernement dispose d'un délai de six semaines pour élaborer un nouveau projet.

« Art. L. 1211-5-2. - I. - Il est créé, au sein de la Haute autorité, une formation restreinte dénommée commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs.

« Elle est composée de représentants des administrations compétentes de l'État, du Parlement et des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Elle est présidée par un représentant des collectivités territoriales élu en son sein par les membres titulaires d'un mandat électif. Les représentants des collectivités et de leurs établissements publics disposent d'au moins la moitié des sièges. La commission peut s'adjoindre le concours de toute personne qualifiée.

« La composition et les modalités de fonctionnement de la commission sont fixées par le règlement intérieur de la Haute autorité.

« II. - La commission rend un avis sur les projets de règlements relatifs aux équipements sportifs, élaborés dans les conditions prévues à l'article L. 131-16 du code du sport par les fédérations mentionnées à l'article L. 131-14 du même code.

« L'avis de la commission est rendu dans un délai de quatre mois à compter de la date de transmission du projet de règlement accompagné de sa notice d'impact par le ministre chargé des sports. En cas d'avis défavorable, les fédérations compétentes disposent d'un délai de deux mois pour proposer un nouveau règlement.

« Les avis rendus par la commission sont publiés au Journal Officiel de la République française . »

Article 2

I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L'article L. 1211-4-2 est abrogé.

2° À l'article L. 1211-3, la dernière phrase du troisième alinéa est supprimée.

II. - L'article L. 131-16 du code du sport est abrogé.

Article 3

Les conséquences financières pour l'État de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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