EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat-résilience », a fixé à la France et ses collectivités territoriales d'ambitieux objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols.

Afin de tendre vers la « zéro artificialisation nette » d'ici 2050, et dans un premier temps, d'atteindre une réduction de moitié de l'artificialisation nouvelle d'ici 2031, elle impose aux Régions, intercommunalités et communes françaises d'intégrer à leurs documents de planification respectifs des objectifs et trajectoires chiffrées, qui visent à limiter le nombre d'autorisations octroyées sur des parcelles jusqu'alors non artificialisées.

La méthode portée par le texte et défendue par le Gouvernement adopte toutefois une logique descendante, centralisatrice, qui confie en premier lieu aux Régions le soin de fixer un objectif chiffré surplombant de réduction l'artificialisation des sols au sein de leurs schémas d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ou documents équivalents. Cet objectif, qui doit être d'au moins -50%, s'imposera ensuite aux documents des intercommunalités et des communes qui devront à leur tour les intégrer.

Afin de respecter la répartition des compétences décentralisées - en cohérence notamment avec le rôle prépondérant de l'échelle communale et intercommunale en matière d'urbanisme - le Sénat a pris soin, lors de l'examen de la loi, d'assurer que toutes les collectivités d'une même Région puissent s'exprimer et participer à la détermination de ces objectifs régionaux.

Ainsi, avant que la Région ne fixe des cibles chiffrées au sein de son document, il est prévu que se tienne obligatoirement une « conférence des SCoT », instance de dialogue territorial rassemblant l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunaux porteurs de SCoT ainsi que des représentants des collectivités non couvertes par un SCoT d'un même ressort régional. Dans une logique ascendante cette fois, chaque conférence des SCoT peut proposer à la Région, avant que celle-ci n'entame la révision du SRADDET ou de son document, une cible concertée de réduction de l'artificialisation, et le cas échéant, une modalité de territorialisation de cet objectif entre les différentes parties du territoire régional.

Dans l'objectif d'un déploiement rapide des nouveaux documents régionaux et de leurs objectifs de réduction de l'artificialisation, la loi « Climat-Résilience » avait fixé un délai de huit mois aux conférences des SCoT pour transmettre leurs propositions à leurs Régions respectives. Ce délai étant apparu trop court, la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « loi 3DS », a porté à quatorze mois l'échéance des travaux des conférences des SCoT, celle-ci étant désormais fixée au 22 octobre 2022. À cette date, si aucune proposition de la conférence n'est parvenue à la Région, cette dernière pourra assumer seule la fixation d'objectifs chiffrés de réduction de l'artificialisation, qui s'imposeront ensuite aux intercommunalités et communes de son périmètre.

Cinq mois après cette prolongation, il apparaît que les conférences des SCoT ne peuvent toujours pas, à ce jour, mener à bien leur mission dans de bonnes conditions.

Tout d'abord, la loi « 3DS » ayant précisé les modalités de désignation des représentants des collectivités au sein de ces conférences, certaines n'ont pu débuter leurs travaux qu'au cours du mois de mars dernier.

Par ailleurs, la nécessaire réalisation d'un état des lieux de l'artificialisation au sein de chaque territoire (afin de mesurer l'artificialisation constatée au cours des dernières décennies, devant servir de référence pour les nouveaux objectifs) est un processus long. Les données d'enquêtes foncières devant être transmises par l'État sont souvent manquantes. La nomenclature des sols artificialisés, établie par décret et parue en avril 2022, a suscité plus d'interrogations qu'elle n'a apporté de réponses et pourrait être modifiée au cours des prochaines semaines.

Enfin, une concertation apaisée, permettant aux nombreuses collectivités d'une même Région de s'accorder sur des priorités communes, mais aussi de concilier les spécificités de chaque bassin ou commune, exige davantage de temps.

Si cette phase cruciale de dialogue territorial, de concertation et de négociation en vue de fixer un objectif réellement partagé, est négligée en raison d'un délai trop restrictif, des objectifs inadaptés seront inscrits dans les SRADDET et autres documents régionaux. Ils nuiront, à terme, au déploiement d'une politique équilibrée et efficace de lutte contre l'artificialisation en France.

En effet, la fixation d'objectifs uniformes, inéquitables ou inatteignables placerait inévitablement les communes et intercommunalités du pays, lorsqu'elles devront modifier leurs documents d'urbanisme, dans des impasses tant politiques que pratiques. Comment réduire de 50% l'artificialisation dans des communes ne délivrant qu'un permis de construire par an ? Comment atteindre cet objectif dans des communes où n'existe pas de foncier déjà artificialisé à recycler, ou dans celles où la pression démographique est intense ?

Pour prémunir de ce risque, et éviter de lancer tête baissée, à marche forcée, nos collectivités territoriales dans une course vers des objectifs intenables, il convient de laisser la place et le temps au dialogue territorial. Les auteurs de cette proposition de loi estiment qu'un projet réellement co-construit, depuis l'échelon de proximité jusqu'à l'échelon régional puis national, sera plus efficace que l'imposition in abstracto de cibles quantitatives uniformes depuis les documents régionaux.

Alors que le travail des conférences des SCoT est désormais bien lancé, et mérite d'être mené à bien sereinement pour pouvoir porter ses fruits, la présente proposition de loi, gage de confiance envers les élus de nos territoires, propose de prolonger d'un an le délai laissé aux conférences pour transmettre aux Régions leurs propositions d'objectifs de lutte contre l'artificialisation et de territorialisation.

Ce délai supplémentaire permettra aussi de mener à bien la révision des textes d'application de la loi « Climat-résilience », révision qu'appellent de leurs voeux les associations représentatives d'élus locaux, comme l'avait fait le Sénat dès avril 2022.

Il convient effectivement de revoir ces décrets, dont la conformité à l'esprit de la loi votée est plus que contestable, afin de clarifier la portée des objectifs inscrits au SRADDET, les possibilités de densification ou encore le sort des grands projets d'aménagement d'intérêt national ou régional. Il serait impensable d'imposer aux collectivités de se prononcer définitivement sur les objectifs qui s'appliqueront à elles pour la décennie prochaine, alors que les « règles du jeu » du nouveau modèle de « zéro artificialisation nette » ne sont pas encore clairement établies par les textes.

L' article unique de cette proposition de loi propose donc de repousser d'un an le délai maximal à l'issue duquel les conférences des SCoT devront avoir transmis à la Région leurs propositions d'application territoriale du « ZAN », c'est-à-dire de prolonger la phase de concertation jusqu'au 22 octobre 2023.

La prolongation du délai laissé aux conférences des SCoT implique en outre de repousser d'autant l'échéance de révision des documents régionaux, puisque les objectifs que devront fixer les Régions s'appuieront sur les résultats des travaux des conférences. Pour ne pas dénaturer la logique ascendante de ce dispositif, telle que l'avait défendue le Sénat lors de l'examen de la loi, il importe de conserver le parallélisme de ces délais.

L'article unique de la présente proposition de loi opère donc également cette prolongation d'un an du délai fixé pour la révision des documents régionaux de planification, tant pour les SRADDET, que pour le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et les schémas d'aménagement régionaux (SAR) dans les Régions concernées.

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