2- Une indépendance obligée plus que désirée

Ce mouvement d'indépendance va s'appuyer, dans un premier temps, sur une authentique revendication nationaliste. Le 19 mai 1990, 50.000 manifestants, en République yougoslave de Macédoine, bloquent la frontière avec la Grèce pour réclamer la reconnaissance par celle-ci de la minorité " macédonienne " dans la province grecque de Macédoine. Cette minorité est en effet chiffrée entre quelques milliers et 50.000 pour la Grèce, État unitaire qui se refuse à reconnaître les minorités ethniques. Le 25 mai de la même année, les délégués macédoniens s'associent aux délégués croates et Slovènes pour boycotter les travaux du congrès de la Ligue des communistes yougoslaves. En juin, le Parti démocratique pour l'unité nationale macédonienne (VMRO) est créé. Il se veut l'héritier du mouvement nationaliste, terroriste et pan-macédonien ORIM (Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne). Le VMRO est, à vrai dire, un regroupement hétérogène de mouvements. Certains réclament ouvertement la Macédoine grecque et Thessalonique. Les 11 et 25 novembre 1990, des élections libres sont organisées. Un Gouvernement de coalition, composé d'experts, associant l'Alliance sociale-démocrate et le VMRO-DPMNE est constitué. Le Parlement élit M. GLIGOROV comme Président de la République et M. GEORGEVSKI comme Vice-Président. Le 8 septembre 1991, lors d'un référendum boycotté par la plus grande partie des albanophones et des serbes (72 % de participation), 95 % des Macédoniens choisissent l'indépendance. En octobre 1991, le VMRO quitte la coalition, se plaignant d'être insuffisamment associé à l'exercice du pouvoir, mais participe néanmoins à la rédaction de la nouvelle constitution, promulguée le 21 novembre 1991.

Le 12 janvier 1992, la minorité albanaise organise unilatéralement un référendum sur son autonomie politique et territoriale, qui est tenu évidemment pour non valide par le Gouvernement.

Le 9 février 1992, un accord est signé avec l'armée fédérale yougoslave pour son évacuation du territoire de la République avant le 15. Cette république aura été ainsi la seule à quitter la fédération sans qu'il y ait eu l'amorce d'un conflit armé.

Cette indépendance est plus le résultat d'une évolution historique non maîtrisée, qu'une indépendance réellement désirée depuis toujours. Il s'agit d'ailleurs d'un des grands points de divergence entre la droite macédonienne du VMRO, qui revendique cette indépendance "slave" et les forces de gauche issues de l'ancienne Ligue communiste, qui présentent cette souveraineté comme la volonté des citoyens de la république de Macédoine, slaves macédoniens, slaves non macédoniens et non slaves, de construire un État qui n'est pas un État-nation, mais qui ne veut pas rester dans une fédération dominée par la seule Serbie. Il existe un corpus de doctrine très fort à Skopje pour considérer que les frontières héritées de la fédération doivent être sauvegardées : la question albanaise, c'est-à-dire la volonté de rassembler tous les Albanais d'Albanie, du Kosovo et de Macédoine dans un seul État est, dans ce sens, profondément analogue à la question serbe.

a) une volonté de construire un régime parlementaire et démocratique...

La constitution de 134 articles adoptée au lendemain de l'indépendance, fait de la République de Macédoine un régime parlementaire, avec :

- u ne Assemblée unique, l'Assemblée de la République de Macédoine, composée de 120 députés élus pour quatre ans,

- un Président élu pour cinq ans au suffrage universel, ayant les prérogatives habituelles d'un chef de l'État en régime parlementaire,

- un Gouvernement responsable devant l'Assemblée par les mécanismes de la question de confiance et de la motion de censure; il est à noter qu'il existe une incompatibilité totale entre les fonctions de membre du Gouvernement et de député (absence de suppléant), un membre du Gouvernement ne peut pas se présenter à la députation.

- et une Cour Constitutionnelle.

L'Assemblée nationale et le Président de la République sont élus au suffrage universel direct.

Principales dispositions de la loi sur l'élection des députés

(76 articles)

loi du 21 septembre 1990

article 2

droit de vote et éligibilité à 18 ans.

article 6

Le Président du Parlement convoque les électeurs tous les quatre ans.

article 20

conditions pour être candidat

il faut être présenté par un parti politique déclaré ayant au moins 1500 membres, les organisations politiques qui n'atteignent pas ce chiffre, ou qui ne sont pas déclarées, peuvent présenter un candidat sous réserve de 100 signatures.

articles 53 à 59

conditions pour être élu

un candidat est élu au premier tour s'il obtient un tiers des électeurs inscrits ; possibilité de se maintenir au deuxième tour pour tous les candidats ayant obtenu au moins 7 % des votants ; la liste des candidats est établie dix jours avant le deuxième tour ; le candidat élu au second tour est celui arrivé en tête.

Pour l'élection du Président de la République, la loi rappelle principalement les dispositions prises dans la Constitution :

Loi sur l'élection du

Président de la République

article 6

un candidat à la présidence de la République doit être proposé par au moins 10.000 électeurs ou 30 députés. Un électeur ou un parlementaire ne peut proposer qu'un candidat. Les conditions pour être candidat à la présidence de la République sont inscrites dans la Constitution (article 80 : 40 ans minimum, résidence de dix ans pendant les quinze dernières années).

articles 11 à 13

Le candidat atteignant au premier tour plus de 50 % des électeurs inscrits est élu. Ne restent au deuxième tour, deux semaines après le premier, que les deux candidats arrivés en tête. Est élu au deuxième tour celui dépassant 50 % des électeurs inscrits. Si, au deuxième tour, aucun des deux candidats n'atteint 50 % des inscrits, toute la procédure est recommencée, (article 81 de la Constitution).

La formation des partis politiques est libre, pourvu qu'ils respectent l'ordre constitutionnel et la paix :

Loi sur les partis politiques

article 3

les membres des partis politiques doivent être citoyens de la République de Macédoine.

article 4

le programme, le statut et les activités des partis politiques ne peuvent être animés par :

- la volonté de détruire l'ordre constitutionnel,

- l'appel à une agression armée,

- la manifestation d'intolérance religieuse ou ethnique.

article 7 à 26

Conditions de reconnaissance

Les partis politiques doivent prouver chaque année qu'ils ont toujours 500 membres auprès de la Cour de Justice de Skopje. Cette cour contrôle que le statut et les buts du parti respectent l'article 4. La Cour Suprême intervient en appel. La décision finale de reconnaissance revient à la Cour Constitutionnelle de la République de Macédoine.

Les partis politiques en Macédoine se distinguent entre partis politiques "généralistes" et partis ethniques.

Partis « généralistes » de la coalition

Alliance sociale-démocrate : héritière de la Ligue des communistes de Macédoine. Elle a tenu son congrès fondateur en novembre 1989. Son programme met en avant l'État de droit, l'ouverture à l'Europe, les privatisations.

Parti libéral : Parti modéré, il a fait le choix de s'intégrer dans les organisations mondiales, en devenant observateur de l'Internationale libérale depuis 1994. Il s'accorde avec les grandes options du parti social-démocrate, mais diffère sur le choix des priorités (libéralisation de l'économie, privatisations, etc.)

Parti socialiste : Il se réclame de l'Internationale socialiste et propose un programme social-démocrate.

Pour les partis politiques généralistes, on assiste à un regroupement depuis 1994 à gauche et au centre, sous le nom d'Alliance pour la Macédoine, des sociaux-démocrates (ex-communistes), du parti libéral et de la fraction majoritaire du parti socialiste.

Á droite, le VMRO, dont le mot d'ordre est "La Macédoine aux Macédoniens" est une organisation qui chapeaute en fait une demi-douzaine de fractions, dont le DPMNE est la plus importante. Il est à noter qu'en 1994, comme en 1990, ces fractions se sont présentées divisées au premier tour.

Un parti nouveau, déclarant vouloir se battre contre la corruption, a fait irruption dans la vie politique macédonienne, le parti démocratique (intellectuels, hommes d'affaires), dont le mot d'ordre est "Des mains propres", dirigé par M. Petar GOSEV, ancien président de la Ligue des communistes de Macédoine et ancien de l'Alliance social-démocrate. Son programme économique est ultra-libéral et se réclame ouvertement du thatchérisme.

Partis « généralistes » d'opposition

VMRO

formé en juin 1990 par des Macédoniens de la diaspora, reprenant le sigle du mouvement révolutionnaire ORIM.

anti-communiste et nationaliste.

Parti démocratique

PDM

Pour les partis ethniques, on en observe de toutes sortes. Les partis albanais (PDP, NDP) sont les plus importants, se divisant eux-mêmes entre fractions modérées et radicales. Il existe également des partis turcs. Le parti des Yougoslaves et le parti communiste se rangent dans cette catégorie puisqu'ils sont exclusivement représentés au nord de la Macédoine, là où il existe un peuplement serbe. Il existe enfin un parti pour la reconnaissance à part entière de la minorité tzigane.

Principaux partis ethniques

Partis albanais

PDP (Parti de la prospérité démocratique)

fondé à Tetovo en avril 1990.

NDP

le NDP tient normalement un discours plus « dur », mais il existe une fraction du PDP désormais radicalisée autour de Menduh THACI (congrès de février 1994)

Autres

Parti pour l'émancipation des Roms

Parti des Yougoslaves

Parti communiste

Parti turc

La loi sur les partis politiques prévoit le système de financement suivant :

Financement des partis politiques

Le financement par des États étrangers ou par des collectivités locales est interdit. Le financement public gouvernemental revient pour 30 % de manière égale entre les partis qui on obtenu au moins 3 % aux dernières élections, et pour 70 % aux partis qui disposent de députés, proportionnellement à leur nombre. Les dons privés sont soumis à un plafond.

La source des revenus des partis politiques doit être rendue publique.

Des premières élections libres ont eu lieu les 11 et 25 novembre 1990. Le Parlement macédonien, fort de 120 membres, s'est partagé alors entre trois principales fractions :

- un bloc majoritaire de "gauche", composé de l'Alliance sociale-démocrate du président GLIGOROV, du parti libéral et du parti socialiste.

- une opposition minoritaire (droite nationaliste du VMRO). Il faut noter que pendant près de deux ans une "grande coalition" d'unité nationale, associant le VMRO au pouvoir, est restée au pouvoir.

- des groupes parlementaires hétérogènes représentant les partis ethniques : les deux partis albanais PDP (Parti de la prospérité démocratique) et NDP, les représentants du parti des yougoslaves, les indépendants et le parti tzigane.

Le Parlement macédonien 1990 - 1994

Alliance social-démocrate

32

Réformistes (libéraux)

18

Parti socialiste

4

PDP et NDP (partis albanais)

23

Indépendants

2

VMRO

38

Parti des Yougoslaves

2

Parti Tzigane

1

TOTAL

120

Ce parlement a élu à son tour M. Kiro Gligorov à la présidence de la République. Né en 1917 ou 1919 selon les sources, il s'agit d'un ancien hiérarque de l'administration yougoslave, ce qui est un argument souvent utilisé par les nationalistes macédoniens. Il jouit, au-delà des clivages politiques, d'une incontestable popularité, parce que c'est lui -notamment - qui a obtenu le retrait sans heurts des troupes fédérales yougoslaves et le déploiement préventif- une première dans les opérations de ce genre - de 1.000 casques bleus de la FORPRONU (Scandinaves en janvier 1993 et américains en juillet 1993).

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