LES DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SÉNAT

Série GROUPES D'AMITIÉ

ENTRE DEUX EMBARGOS

LA RÉPUBLIQUE DE MACÉDOINE AU DÉBUT 1995

RAPPORT DU DÉPLACEMENT

EFFECTUÉ DU 3 MARS AU 8 MARS 1995

PAR LE GROUPE D'AMITIÉ

FRANCE-RÉPUBLIQUE DE MACÉDOINE

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la suite du déplacement effectué par le Groupe d'Amitié France-République de Macédoine. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

n° GA3 Septembre 1995

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

MM. Roland BERNARD Président du groupe d'amitié

Sénateur du Rhône

André BOYER Sénateur du Lot

La délégation était accompagnée de M. Pierre MAYEUR, administrateur des services du Sénat, secrétaire administratif du groupe d'amitié.

INTRODUCTION : LE GROUPE D'AMITIÉ FRANCE - RÉPUBLIQUE DE MACÉDOINE DU SÉNAT

Le 17 mai 1994, le Bureau du Sénat a autorisé, sur la demande de M. Roland BERNARD, la constitution d'un groupe d'amitié entre la France et la République de Macédoine. Ce groupe a tenu son Assemblée Générale Constitutive le 28 juin 1994.

L'histoire de ce groupe d'amitié est ainsi très récente et se limite principalement au premier de ses objectifs : mieux faire connaître à MM. et Mmes les sénateurs cette petite République de 2 millions d'habitants. La Macédoine constitue, en effet, une clef essentielle pour le maintien de la paix dans le sud des Balkans, alors que Skopje est distant de 300 kilomètres de Sarajevo.

COMPOSITION DU BUREAU

Á la suite de l'Assemblée Générale constitutive du 28 juin 1994, le Bureau du groupe d'amitié est le suivant :

Président : M. Roland BERNARD (SOC-Rhône)

Vice-Présidents : M. Michel MIROUDOT (RI - Haute-Saône)

M. Jacques BÉRARD (RPR - Vaucluse)

Secrétaires : M. Jacques GOLLIET (UC - Haute-Savoie)

M. René RÉGNAULT (SOC- Côtes d'Armor)

M. Yvon COLLIN (RDE - Tarn-et-Garonne)

Il est à noter que le Président du groupe d'amitié, M. Roland BERNARD et le deuxième vice-président, M. Jacques BÉRARD, se sont rendus en Macédoine, en qualité d'observateurs internationaux, pour le premier tour des élections présidentielle et législative, le 16 octobre 1994, accompagnés par le secrétaire administratif du groupe. Si cette mission n'était pas une mission du groupe d'amitié, elle a permis de contribuer à une meilleure information sur la situation macédonienne. Le rapport de cette mission a été distribué, notamment, à tous les membres du groupe d'amitié.

Le mercredi 7 décembre 1994, le groupe a organisé un dîner au Sénat en l'honneur de Son Excellence Luan STAROVA, ambassadeur de la République de Macédoine en France, qui a permis à la dizaine de sénateurs présents d'avoir un meilleur éclairage encore de la situation de son pays, au lendemain de ces élections très importantes.

Les autorités macédoniennes, très sensibles aux efforts du groupe d'amitié, ont tenu à l'inviter à effectuer un déplacement en mars 1995. L'invitation a été lancée par M. Stojan ANDOV, Président du Parlement, alors que le groupe d'amitié macédonien avec la France n'avait pas encore été constitué.

Lors de ses déplacements dans le sud de la Macédoine, la délégation a été accompagnée par M. Atanas VANGELOV, député de Gevgeljia et professeur à l'université Cyrille et Méthode de Skopje. Qu'il trouve ici l'expression des remerciements de la délégation.

Enfin, ce déplacement n'aurait pu pleinement réussir sans le dévouement de l'ambassadeur de France à Skopje, M. Patrick CHRISMANT, et de sa petite, mais efficace équipe.

I- L'indépendance de la Macédoine est une conséquence de la dislocation de la fédération yougoslave.

1- La Macédoine dans l'Histoire

a) Un enjeu de toujours entre puissances balkaniques

Le nom de Macédoine évoque immédiatement le royaume que Philippe II porta à son apogée, avant d'imposer son hégémonie à toute la Grèce antique (359-336 avant J.C.). Les Macédoniens étaient des Grecs du Nord, ils n'étaient pas des Héllènes, "citoyens d'une cité-État" 1 ( * ) , comme les Athéniens ou les habitants de Sparte. Ce territoire avait été préalablement occupé par les Perses (VIème - Vème siècle). La Macédoine antique était d'une superficie d'à peu près 70.000 km 2 , un pays essentiellement montagneux ouvert par des bassins, dont le plus vaste est celui du Vardar.

De la Macédoine antique à l'arrivée des Slaves

VIème siècle avant J.C - VIIème siècle après J.C

VIème - Vème siècle avant J.C . occupation par les Perses

336 - 323 Règne d'Alexandre le Grand

323 - 276 Diadoques

276 - 168 Antigonides

148 victoire des Romains à Pydna : la Macédoine devient province romaine jusqu'au IVème siècle après Jésus-Christ, date à laquelle elle est rattachée à l'Empire romain d'Orient.

C'est au VIIème siècle après Jésus-Christ que les tribus slaves déferlent sur la péninsule balkanique, occupant même la plus grande partie du Péloponnèse. La Macédoine va être alors, du IXème au XlVème siècle, un enjeu territorial entre Byzantins, Serbes et Bulgares. En 864, la Bulgarie se convertit au christianisme orthodoxe. Le territoire de la Macédoine va être le foyer de la religion orthodoxe (monastères) et de la langue slave. Quand la Russie est convertie au christianisme orthodoxe en 989, elle adopte le dialecte slave macédonien "cyrillique", inventé en Bulgarie. La première chronique russe, au début du XIIème siècle, est écrite en slavon de Macédoine. La Serbie en 1180, puis la Bulgarie en 1185, se révoltent et créent deux États indépendants de l'Empire romain d'Orient. Après être passée sous la domination de l'Empire grec de Nicée au milieu du XIIIème siècle, la Serbie conquiert, à la fin du siècle, toute la partie septentrionale du territoire macédonien. L'entente étant impossible entre Serbes et Grecs, ce sont les Turcs qui s'imposent. De 1371 à 1912, la Macédoine fait partie de l'Empire ottoman. En 1767, les Grecs obtiennent des Turcs qu'ils destituent le métropolitanat d'Ohrid, pour le placer sous la domination d'exarques nommés par le patriarche de Constantinople.

La Macédoine enjeu des Balkans :

du traité de San Stefano au traité de Bucarest

1878 - 1913

1878 Traité de San Stefano mettant fin à la guerre russo-turque impose l'idée d'une grande Bulgarie occupant la Macédoine.

1878 Congrès de Berlin : la Macédoine est restituée à l'Empire ottoman.

1894 création de l'ORIM (Organisation Révolutionnaire Intérieure de Macédoine) à Salonique, soutenue par la Bulgarie.

1903 (2 août) insurrection de la Saint-Elie (ou révolte d'Illinden) contre les Turcs : échec et répression sanglante.

octobre 1912 - mars 1913 première guerre balkanique. Les Serbes occupent la Macédoine.

juin 1913 deuxième guerre balkanique les Bulgares attaquent leurs ex-alliés serbes, sans succès.

août 1913 traité de Bucarest, mettant fin à la domination turque et partageant la Macédoine.

Par le traité de Bucarest (août 1913), la Grèce bénéficie de 51,7 % du territoire de la Macédoine (soit 34 177 km 2 ), la Macédoine du Vardar revenant à la Serbie (38,2 %, soit 25 713 km 2 ), la Bulgarie se contentant de 10,11 % du territoire.

Des "échanges de population" ont alors lieu, les "héllénophones" de la Macédoine "serbe" et "bulgare" refluant vers la Macédoine grecque, la plupart des Slavo-macédoniens quittant la Grèce. De 1915 à 1918, la région est le théâtre d'une campagne menée par les Alliés contre les forces austro-germano-bulgares. La Bulgarie s'engage en effet dans la première guerre mondiale avec le but d'occuper la Macédoine. La ville de Monastir (Bitola) est ainsi libérée par les troupes françaises de l'armée d'Orient, en septembre 1916. Le Traité de Neuilly de 1919 confirme celui de Bucarest. Á la suite des traités suivant la première guerre mondiale, la partie "serbe" fait partie intégrante du Royaume de Yougoslavie, sans qu'on lui reconnaisse pour autant des droits spécifiques. Leur différence n'est pas reconnue de peur de fournir des arguments aux prétentions bulgares. Il est rarement question, alors, de "Macédoniens". On parle de "Serbes" ou de "Serbes du Sud". La seconde guerre mondiale offre à la Bulgarie, en 1941, une nouvelle occasion d'annexer la Macédoine (à l'exception des territoires annexés à l'Albanie italienne) : les troupes bulgares occupent la Macédoine grecque et yougoslave. La Bulgarie applique une politique de reconnaissance de l'identité macédonienne (à la différence de la politique d'assimilation serbe entre les deux guerres). La résistance menée par le parti communiste de Macédoine conduit à la libération, pendant l'été 1943, de plusieurs territoires de la région. Le "Manifeste de la résistance macédonienne", publié en octobre 1943, définit les principaux éléments de l'organisation juridique du futur État macédonien.

* 1 comme l'écrit l'historien anglais Toynbee dans La grande aventure de l'Humanité , p. 190 (Pavot, 1993)

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page