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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Salut à un nouveau ministre

Sénateurs en mission

CMP (Demande de constitution)

Modification à l'ordre du jour

Retrait de questions orales

Décès d'un ancien sénateur

Lutte antiterroriste

Discussion générale

M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Éliane Assassi

M. Alain Richard

Mme Esther Benbassa

M. Jean Louis Masson

M. Jacques Mézard

M. Bruno Retailleau

M. Yves Détraigne

M. Jacques Bigot

M. François-Noël Buffet

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Philippe Bas, président de la commission

M. François Grosdidier

M. Jean-Pierre Sueur

M. Jacques Bigot

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre

ARTICLE 2

Article 3

M. François Grosdidier

M. Alain Richard

Questions d'actualité

Tiers-payant généralisé

M. Alain Milon

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Grippe aviaire

M. Jean-Claude Requier

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Agriculture raisonnable

M. Joël Labbé

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Crise de l'agriculture (I)

M. Michel Le Scouarnec

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Crise de l'agriculture (II)

M. Yannick Botrel

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Libye

M. Jean-Marie Bockel

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Migrants

M. François-Noël Buffet

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Aéroport Notre-Dame des Landes

M. Yannick Vaugrenard

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Natalité

M. Dominique de Legge

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

Virus Zika

M. Félix Desplan

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Lutte antiterroriste (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3 (Suite)

M. Michel Mercier, rapporteur

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre

ARTICLE 4

ARTICLE 5

ARTICLE 6

ARTICLE 10

M. Jean Louis Masson

ARTICLE 11

M. Jean-Pierre Grand

Question prioritaire de constitutionnalité

Accord en CMP

Lutte antiterroriste (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 11

ARTICLE 12

ARTICLE 13

ARTICLE 14

ARTICLE 15

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 16

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 17

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre

M. Jean-Pierre Sueur

M. André Reichardt

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 19

ARTICLE 20

M. Jean-Pierre Sueur

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 23

Interventions sur l'ensemble

M. Jacques Bigot

Mme Esther Benbassa

Ordre du jour du mercredi 3 février 2016




SÉANCE

du mardi 2 février 2016

60e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Claude Haut, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Salut à un nouveau ministre

M. le président.  - Je salue la présence dans notre hémicycle, pour la première fois au banc du Gouvernement, de M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. (Applaudissements sur tous les bancs). Monsieur le ministre, nous vous souhaitons pleine réussite dans vos nouvelles, prestigieuses et difficiles fonctions.

Sénateurs en mission

M. le président.  - Par courrier en date du 29 janvier 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l'article L.O. 297 du code électoral, Mme Élisabeth Lamure, sénateur du Rhône, M. Charles Revet, sénateur de la Seine-Maritime, M. René Vandierendonck, sénateur du Nord, et M. Jérôme Bignon, sénateur de la Somme, en mission temporaire auprès de M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Cette mission portera sur le renforcement de l'attractivité et de la compétitivité des principales portes d'entrée maritime françaises.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - J'ai reçu de M. le Premier ministre les demandes de constitution de commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d'une part, de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs et, d'autre part, du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du 29 janvier 2016, M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE, a demandé le retrait de l'ordre du jour réservé à son groupe du mercredi 3 février 2016 de la proposition de loi organique visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d'une mission temporaire.

Retrait de questions orales

M. le président.  - La question orale n°1308 de Mme Nicole Bonnefoy est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 9 février, ainsi que du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

Les questions orales n°1342 de Mme Catherine Procaccia et n°1355 de M. Philippe Kaltenbach sont retirées du rôle des questions orales, à la demande de leur auteur.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent ainsi que M. le garde des sceaux) C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai appris hier le décès de notre ancien collègue Bernard Piras, sénateur de la Drôme de 1996 à 2014.

Pendant ces dix-huit années, il fut secrétaire du Sénat, vice-président de la commission des affaires économiques, président des groupes d'amitié France-Arménie et France Caraïbes - j'ai eu une pensée pour lui en recevant ce matin le président Raoul Castro -, et, chacun s'en souvient, président du groupe d'études Trufficulture, mission qu'il remplissait avec passion et gourmandise.

Ingénieur agricole de profession, il fut dès 1977 conseiller municipal de La Baume-d'Hostun, puis adjoint au maire de Romans-sur-Isère entre 1983 et 1995 et, enfin, de 2001 à 2014, maire de Bourg-lès-Valence.

Bernard Piras était un homme de dialogue, profondément humain et d'une grande jovialité. Chacun de ceux qui ont eu la chance de le connaître se rappelle à quel point il aimait la vie et les gens. Il n'hésitait pas à dépasser les clivages traditionnels pour servir l'intérêt général.

Au nom du Sénat tout entier, je veux assurer sa famille et ses proches, ainsi que le président et les membres du groupe socialiste, dont il avait été un membre de premier plan, de notre compassion et leur présenter nos condoléances les plus attristées. Nous serons à leurs côtés vendredi dans la Drôme.

Je vous propose d'observer un moment de recueillement en sa mémoire. (Mmes et MM. les Sénateurs ainsi que M. le ministre observent un moment de recueillement)

Lutte antiterroriste

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

Discussion générale

M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi, que j'ai rédigée avec les présidents Retailleau et Zocchetto ainsi que Michel Mercier, est destinée à renforcer les moyens de la justice en matière terroriste, à élargir le champ des incriminations permettant de réprimer le terrorisme, et à faire en sorte que les condamnés pour faits de terrorisme, une fois leur peine effectuée, ne se perdent pas dans la nature.

Face au terrorisme, il faut être d'une fermeté inébranlable, dans le respect de nos traditions démocratiques, des valeurs de la République et de l'État de droit. Les restrictions aux libertés doivent être justifiées et proportionnées.

De nombreuses dispositions ont déjà été adoptées en la matière, notamment pour renforcer les pouvoirs de la police, par exemple la récente loi sur le renseignement. Le terrorisme est multiforme, alimenté par des phénomènes nationaux et internationaux. La situation au Proche-Orient et dans certains pays d'Afrique trouve un écho dans la société française, où l'islamisme radical, porteur de dérives terroristes, est une réalité incontestable. D'où la nécessité de donner un coup d'arrêt aux revendications communautaristes, dans les services publics ou les entreprises : nul ne doit pouvoir s'exonérer du respect de la loi en invoquant ses croyances ou ses origines.

Le Gouvernement proposera demain de prolonger encore l'état d'urgence pour trois mois ; il renforcera les moyens de l'autorité administrative.

Cette proposition de loi, elle, ne concerne que la justice et renforce les pouvoirs du procureur et du juge.

Renforcement des pouvoirs d'enquête du procureur, d'abord. Début 2015, j'avais écrit au Premier ministre pour lui faire les propositions qui se retrouvent dans ce texte.

M. Hubert Falco.  - Très bien ! Vous anticipez...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Le comité de suivi de l'état d'urgence a constaté combien ces mesures étaient attendues par le Parquet ; François Molins l'a souligné. Il faut assurer la continuité entre l'enquête de flagrance, l'enquête préliminaire et l'instruction. Cette proposition de loi autorise les perquisitions de nuit pendant l'enquête préliminaire, la saisie de données informatiques à l'insu de l'intéressé, et ouvre aux procureurs l'emploi d'outils de renseignement actuellement réservés à la police, comme l'Imsi Catcher ou la sonorisation de lieux privés. (On s'en félicite sur les bancs du groupe Les Républicains)

Le texte crée un délit de consultation habituelle des sites Internet provocant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie, ainsi qu'un délit de séjour intentionnel sur un théâtre étranger en vue d'entrer en relation avec une organisation terroriste. Il exclut les crimes et délits terroristes du champ de la contrainte pénale -  dont je souhaite d'ailleurs l'abrogation.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - S'agissant de l'exécution des peines, on ne peut traiter les condamnés pour terrorisme comme les autres (On renchérit sur les bancs du groupe Les Républicains). Il faut donner une base légale aux unités dédiées aux personnes radicalisées ou en voie de radicalisation ; restreindre les possibilités d'aménagement de peine, rendre la libération conditionnelle quasiment impossible pour les condamnés pour actes de terrorisme, afin que la perpétuité réelle soit une réalité (Applaudissements à droite). Il faut rendre possible le prononcé d'un suivi socio-judiciaire, comme le recours au bracelet électronique. (Applaudissements au centre et à droite)

Ce texte, très complet, ne déborde pas du champ de la justice ; il renforce les moyens du procureur, la possibilité de prononcer des peines sévères, l'accompagnement des détenus jusqu'à une libération que nous souhaitons la plus tardive possible et encadrée de précautions, pour éviter la récidive. (Applaudissements à droite et au centre).

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC). Face au terrorisme, pour enquêter, poursuivre et faire condamner les coupables, il nous faut un droit dérogatoire - il l'est déjà largement. Mais on ne peut se contenter de prolonger indéfiniment l'état d'urgence : le droit commun doit, lui-même, permettre d'agir efficacement. Si l'on ne veut pas que les terroristes gagnent, il faut que la République puisse les anéantir avec les règles de droit commun.

C'est l'objet de cette proposition de loi, qui donne aux magistrats de l'ordre judiciaire les moyens pour mener l'enquête et condamner plus efficacement, et adapte le régime d'exécution des peines.

Nous avons abordé ces questions sans priori, et auditionné les praticiens du parquet, du pôle d'instruction... Les mesures proposées sont celles qu'ils nous ont demandées. Nous pensions d'abord prolonger la durée de l'enquête de flagrance ; ils ont considéré que ce n'était pas le plus efficace. En revanche, l'interruption actuelle de la procédure entre l'enquête et l'instruction est très préjudiciable : nous prévoyons à l'article 1er donc que les mesures techniques prises pendant l'enquête, comme des écoutes, perdurent 48 heures, jusqu'à ce que le juge d'instruction prenne position.

L'article 2 autorise les perquisitions de nuit pendant l'enquête préliminaire ; l'article 3, la saisie informatique des données de messagerie électronique sans l'accord et la présence de la personne intéressées ; l'article 5, l'utilisation par le parquet et le juge d'instruction des Imsi Catchers, de la sonorisation et de la fixation d'images - outils nouveaux nécessaires à l'efficacité de l'enquête.

Trois nouvelles incriminations sont précisées.

Pour les condamnés ayant terminé leur peine, nous avons renoncé à la rétention de sûreté en matière terroriste pour lui préférer une perpétuité réelle - trente ans, incompressibles - et un suivi socio-judiciaire. Il s'agit d'adapter les outils du droit commun à la lutte contre le terrorisme.

Nous prônons un régime d'application des peines plus strict. Le tribunal d'application des peines pourra s'opposer à une libération conditionnelle qui pourrait troubler gravement l'ordre public. Bref, nous avons voulu des règles de procédure pénale conformes aux principes de l'État de droit, mais tenant compte des spécificités de la lutte antiterroriste.

Cette proposition de loi renforce les pouvoirs du juge judiciaire. Il est légitime que les mesures de police administrative, qui visent à prévenir les actes de terrorisme, soient soumises au contrôle du juge administratif, qui est aussi le juge des libertés publiques, il l'a démontré. Mais le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, doit aussi voir reconnu son rôle ; même si le Conseil constitutionnel interprète strictement l'article 66 de la Constitution, cette proposition de loi donne au juge judiciaire les moyens d'être pleinement acteur. On ne peut lutter contre le terrorisme en abandonnant nos principes et les fondements de notre vivre ensemble. La commission des lois vous propose donc d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Il était écrit que ma première intervention devant le Parlement aurait lieu au Sénat. J'y vois un symbole et une invitation. Un symbole, parce que la question, ici, n'est pas partisane : la lutte contre le terrorisme, la défense des libertés imposent l'unité nationale. Une invitation aussi, au dialogue, à la recherche du compromis, à la disponibilité et l'ouverture.

Hélas, nous connaissons tous la question du terrorisme ; nos assemblées ont toujours cherché à perfectionner les lois qui se sont succédé en la matière depuis 2012. Il est logique qu'il faille toujours adapter notre droit, qui va toujours moins vite que l'imagination de ceux que nous combattons.

La loi de 2014 sur le renseignement, après deux autres depuis le début du quinquennat, a donné à nos services les moyens d'agir tout en encadrant des pratiques trop souvent obscures. S'y ajoutent les efforts budgétaires : en janvier 2015, le gouvernement a annoncé 2 680 emplois nouveaux sur trois ans, 950 au ministère de la justice, 1 400 au ministère de l'intérieur, 250 au ministère de la défense, 80 au ministère des finances. S'y ajoutent 425 millions d'euros en moyens de fonctionnement : 181 millions d'euros supplémentaires pour le budget de la justice, 233 millions pour l'Intérieur. Devant le Congrès, le président de la République a annoncé 2 500 créations d'emplois dans la justice, 5000 dans la police et la gendarmerie, 1 000 dans les douanes, et la suspension des suppressions de postes dans nos armées. Ces chiffres témoignent de la volonté de protection qui est celle du Gouvernement. L'objectif, partagé, est de rassembler contre une menace protéiforme, folle, déterminée. Certes, il faut du temps entre le dire et le faire, pour recruter et former, mais former n'est jamais prendre du retard.

L'état d'urgence a été décrété et sera prolongé. Je présenterai demain en Conseil des ministres un nouveau projet de loi adaptant notre procédure pénale aux nécessités de la lutte antiterroriste, dont l'esprit est le même que celui de votre proposition de loi : bien de vos propositions figurent dans le texte du Gouvernement.

Ce débat est l'occasion pour moi de saluer le travail du Sénat dans la lutte contre le terrorisme. Voilà deux ans que je travaille quotidiennement avec Philippe Bas : ensemble, nous avons utilement oeuvré au service de l'intérêt général, animés par le même souci du juste compromis. Je souhaite qu'il en aille de même à l'avenir, car la justice est un bien commun et une oeuvre commune. Si nous avons des divergences d'approche, de débouchés, elles sont plus rares que nos accords.

Je veux aussi saluer le travail déterminé du président Sueur, sa constance, sa pugnacité. (On apprécie à droite et sur les bancs du groupe socialiste et républicain). La voix qu'il porte dans cette assemblée servira les intérêts que défend le Gouvernement.

Vous trouverez toujours chez moi une oreille attentive à toute proposition visant à plus d'efficacité, plus de justice, plus de liberté. Dans l'épreuve qu'il traverse, le pays demande une réponse pénale ferme et des institutions solides.

Nulle captation de bénévolence dans mon propos ; je ne cacherai donc pas nos divergences. Le Gouvernement n'entend pas exclure les délits terroristes du champ de la contrainte pénale. D'ailleurs, le Parquet de Paris a dit son intérêt pour cet instrument. Je défendrai donc un amendement de suppression de l'article 14. (On s'en désole à droite).

De même, l'allongement de la durée de détention provisoire des mineurs soulève des questions de principe que je ne souhaite pas voir aborder de manière parcellaire au détour de ce texte - d'autant que le bénéfice opérationnel serait restreint, vous le savez. Là aussi, je défendrai un amendement de suppression.

Les autres dispositions emportent en revanche notre adhésion, par exemple le suivi socio-judiciaire, la prise en charge psychologique ; les divergences d'écriture n'empêcheront pas de bâtir un consensus, d'autant que nombre des dispositions que vous proposez figurent dans le projet de à venir.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Votons-les dès maintenant !

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Votre texte ouvre et nourrit un débat qui trouvera un premier aboutissement dans le projet de loi de procédure pénale. Notre modèle antiterroriste est propre à la France, j'ai pu le constater en dialoguant avec mon homologue belge : nous avons voulu placer le juge judiciaire au centre de la prévention et de la répression. Je veux rassurer : il n'est pas question de toucher à l'article 66 de la Constitution, selon lequel l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.

Progressons ensemble sur le chemin escarpé de la protection de notre sécurité et de la défense de nos libertés, qui témoigne de la noblesse de notre tâche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. François Grosdidier applaudit également)

Mme Éliane Assassi .  - M. le garde des sceaux l'a dit : nous sommes tous déterminés à lutter contre le terrorisme. Mais nous nous interrogeons sur l'opportunité de cette proposition de loi, d'autant qu'elle comporte des articles quasi identiques à ceux du projet de loi en préparation...

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Nous ne pouvions pas le savoir.

Mme Éliane Assassi.  - Bien sûr... Les attaques du 13 novembre imposent une réponse sans faille de la puissance publique, d'autant que la menace n'a pas faibli. Les terroristes nous tendent un piège politique, disait Robert Badinter. Ce n'est pas par des lois ou des juridictions d'exception que nous défendrons la liberté contre l'ennemi.

Cette proposition de loi élargit les possibilités de perquisition, étend aux services judiciaires - avec un encadrement moindre - les techniques dont disposent les services de renseignement... Le juge d'instruction pourra autoriser une perquisition de nuit par courrier électronique ! On veut aller vite, trop vite.

Le texte crée aussi trois nouvelles infractions, dont le délit de consultation « habituelle » de sites faisant l'apologie du terrorisme : qu'est-ce à dire ? Le séjour, à lui seul, sur un théâtre d'opérations où agissent des groupes terroristes...

M. Roger Karoutchi.  - Quand on va à Raqqa, ce n'est pas pour y faire du tourisme...

Mme Éliane Assassi.  - Cette proposition de loi d'affichage et de surenchère (Protestations à droite et au centre) propose un projet de société déplorable, et voué à l'échec.

Au lieu de répondre aux craintes légitimes de l'opinion publique à coup de lois antiterroristes inefficaces, réfléchissons plutôt à renforcer la coopération internationale !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - D'accord !

Mme Éliane Assassi.  - Je regrette que la commission des affaires étrangères ne se soit pas saisie du sujet.

Assez d'hypocrisie, la question du financement du terrorisme n'est jamais abordée...

M. Roger Karoutchi.  - C'est vrai !

Mme Éliane Assassi.  - Seule la paix garantira la sérénité des peuples, ici et là-bas. L'arsenal législatif, les murs et les barbelés n'empêcheront pas la haine. Il faut désarmer les fous de Dieu.

Cessons d'être complaisants avec les pays du Golfe... (Mme Nathalie Goulet s'exclame), avec la Turquie...

M. Roger Karoutchi.  - On ne peut pas faire la guerre à tout le monde !

Mme Éliane Assassi.  - Nous sommes convaincus de la suprématie des mesures sociales sur la surenchère carcérale qui conduit à des pratiques indignes de la République. Pour combattre la tentation de l'extrémisme, il faut d'abord éduquer, instruire. N'en déplaise à M. Valls, il y a un terreau du terrorisme, semons-y des graines d'espoir et de paix !

Notre droit commun est déjà en pointe pour lutter contre le terrorisme. Nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. François Zocchetto.  - Dommage !

M. Alain Richard .  - La France est en état de choc. Mais gardons-nous d'y voir une phase passagère : la menace terroriste est installée sur notre territoire. Le terreau existe dans notre société pour des gens qui basculent vers le fanatisme, mais l'impulsion est extérieure : c'est le produit des convulsions qui agitent depuis longtemps le Moyen-Orient. Le défi est durable, cela crée des devoirs à l'État. La France est plus exposée que d'autres, d'où l'effort permanent du Gouvernement et du chef de l'État pour convaincre nos partenaires européens d'être aussi proactifs.

Nous avons voté ensemble la loi antiterroriste de novembre 2014 et la loi sur le renseignement de juillet 2015. Le projet de loi qui sera adopté demain en Conseil des ministres consolidera encore les moyens de l'État pour réagir et prévenir plus efficacement les menées terroristes sur notre sol. Le coeur de ce projet de loi, comme de la présente proposition de loi, est le renforcement des moyens d'enquête confiés au procureur -  sous contrôle d'un magistrat du siège  - où l'effet de surprise est nécessaire. Dans un état de danger permanent, c'est indispensable pour empêcher le passage à des actes meurtriers, y compris à la dernière minute.

Il est légitime que l'opposition nationale apporte sa contribution au débat. Toutefois, des différences d'approche se révèlent et certaines propositions faites ici sont très marquées par l'appartenance politique de leurs auteurs...

Il est également paradoxal de renforcer les prérogatives de l'autorité judiciaire tout en restreignant à plusieurs reprises sa marge d'appréciation, ce qui est un signe de défiance... Nous entendons participer loyalement à cet échange d'idées, que nous voyons comme une étape préparatoire à l'élaboration du projet de loi gouvernemental, mieux achevé, autour duquel nous devrions pouvoir nous rassembler.

J'espère, enfin, qu'un consensus s'exprimera pour renforcer l'indépendance du Parquet en menant à son terme la révision constitutionnelle réformant le Conseil supérieur de la magistrature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Esther Benbassa - Après les lois antiterroristes de décembre 2012 et novembre 2014, celles de 2015 sur le renseignement et les communications électroniques internationales, l'état d'urgence, puis, dernièrement, la proposition de loi sur l'insécurité dans les transports, c'est au tour de la droite sénatoriale de se lancer dans la compétition législative.

M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi - Ironie facile !

Mme Esther Benbassa.  - Le terrorisme est - il soluble dans la surenchère législative ?

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Non.

Mme Esther Benbassa.  - Aucune de ces lois n'a empêché le terrorisme ni endigué la guerre civile que fomentent les assassins liés à Daech. À Versailles, le président de la République a qualifié les actes du 13 novembre d'actes de guerre. Répond-on à des voyous meurtriers avec des lois ? Ces lois ne servent, dans le meilleur des cas, qu'à couvrir les politiques et à donner à nos concitoyens l'illusion d'être à l'abri... C'est la méthode Coué.

Le terrorisme est un phénomène extraordinairement complexe. Mais le Premier ministre considère que chercher à comprendre, c'est déjà excuser ! (On approuve sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen).

Devons-nous devenir aussi obscurantistes que nos ennemis ? (Exclamations à droite et au centre)

Ce texte, inspiré par le procureur François Molins, donne à la droite l'occasion de montrer à ses électeurs qu'elle ne reste pas les bras croisés ; mais nous, politiques, ne savons pas changer de cap, qui adoptons des lois qui ne décourageront pas les terroristes mais préparent le terrain au Front National.

On est traité de naïf en défendant les libertés ; les historiens dont je suis, ne se laissent pas impressionner : nous n'excusons rien, mais nous craignons des dérives attentatoires aux libertés individuelles.

Une perquisition sans accord de la personne ? C'est problématique. Le nouveau délit de séjour intentionnel en zone de conflit ? Nous devons prendre de la hauteur, sortir des circonstances. Une jeune femme rejoignant les Peshmergas pour défendre la cause des femmes Yezidis, doit-elle subir une peine de cinq ans de prison ? Notre vote dépendra du sort de nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen)

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

M. Jean Louis Masson .  - La France a été victime d'attentats sans précédent mais la pensée unique empêche de voir les choses telles qu'elles sont, et de rechercher les racines...

M. Alain Néri.  - Tous aux abris !

M. Jean Louis Masson.  - Si tous les Musulmans ne sont pas des terroristes, bien sûr, tous les attentats commis l'ont été par des intégristes musulmans, issus de l'immigration... Des pays sont mis à feu et à sang sous l'influence des djihadistes : du 11 septembre au conflit au Mali, jusqu'au refus de la minute de silence à l'école, il y a un continuum, celui de refus de nos valeurs - c'est le même phénomène qui se manifeste dans les viols en Allemagne cet hiver, encore les Allemands ont-ils, au bout d'un moment, l'honnêteté de reconnaître les choses en osant, après un temps d'hésitation, les nommer, c'est-à-dire désigner les auteurs de ces crimes et délits.

Voix à gauche.  - Caricature !

M. Jean Louis Masson.  - L'avenir de la France est en jeu, par une action contre l'immigration massive, les faux demandeurs d'asile, contre tous ceux qui refusent nos valeurs !

Mme la présidente. - Concluez !

M. Jean Louis Masson.  - Il faut prendre le mal à la racine, contre le radicalisme, ou bien les islamistes prospèreront !

M. Jacques Mézard .  - La première loi contre le terrorisme date de 1986. Sans remonter jusqu'aux attentats anarchistes de la fin du XIXe siècle et d'extrême gauche des années soixante et soixante-dix, depuis lors, une vingtaine de textes ont été pris, généralement après les attentats -  je songe au plan Vigipirate, créé après les attentats de 1995, et toujours en vigueur, à la loi du 22 juillet 1996 qui a instauré le délit d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.

Depuis les attentats de New York, Madrid et Londres, notre dispositif législatif en la matière s'est renforcé. L'actuelle majorité n'est pas en reste : deux lois contre le terrorisme depuis 2012, ont accru les moyens d'action de l'administration. Une nouvelle loi est-elle nécessaire ? Ou bien assiste-t-on à une course entre partis politiques du Gouvernement ? Notre arsenal répressif est déjà solide, à condition d'être utilisé...

Seule innovation, l'état d'urgence, que nous ne voulons pas voir pérennisé. Monsieur le Garde des Sceaux, pourquoi tant de défiance envers l'autorité judiciaire ? Hier, fait rare, les plus hautes autorités judiciaires, le premier président de la Cour de Cassation et les premiers présidents de Cours d'appel s'en sont inquiétés, dans une déclaration commune : que va lui répondre le Gouvernement ?

Cette proposition rééquilibrera certes quelques prérogatives du juge judiciaire par rapport au juge administratif : c'est un bon signe, par exemple en matière de flagrance. Cependant, d'autres mesures renforçant le pouvoir du Parquet posent problème : en particulier l'interception de données électroniques ; par des dispositifs de collecte à distance - comme les Imsi Catchers - attentatoires aux libertés car ils enregistrent tout sans discrimination...

M. Bruno Sido.  - Les gens honnêtes n'ont rien à cacher.

M. Jacques Mézard.  - Peut-être, mais cela ne suffit pas, quand il en va de protection des libertés individuelles, de nos principes !

Mme Hermeline Malherbe.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - Nous avons besoin de moyens supplémentaires contre le terrorisme, pas de moins de droits ! Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et communiste républicain et citoyen)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Oui, la France est en guerre ; une guerre qui s'est affranchie des frontières, des nationalités - nos ennemis sont en civil et nous sommes tous des cibles. Il faut en tirer les conséquences. Réviser la Constitution ? Oui, mais la portée est symbolique. Proroger l'état d'urgence ? Oui, mais pensons à l'après. C'est ce que nous faisons ici, en tirant les leçons. Janvier n'a pas pu nous prévenir de novembre. Nous ne sommes pas des historiens mais des politiques : nous devons évaluer la menace, elle est intense, et réévaluer nos outils.

En France, onze attentats évités en 2015, c'est considérable ! Tous les continents sont concernés, Daech crache son venin de haine partout, à la conquête du monde, se renouvelant partout - Lénine a dit que « Le communisme, ce sont les soviets plus l'électricité » ; Daech, c'est le califat plus l'internet : une régression - de la pensée - et c'est dans le vide de la pensée que prospère le mal, nous a dit Hannah Arendt.

Face à cette menace, nous devons réévaluer tous nos outils, autrement nous serons dépassés ! (Applaudissements à droite) Nous devons cependant garantir nos libertés individuelles : c'est pourquoi nous avons placé le magistrat du siège au centre du dispositif, aux côtés du magistrat du Parquet.

Nous adaptons notre droit numérique, avec les Imsi Catchers, le délit de consultation habituelle des sites djihadistes.

Deuxième défi : tourner le dos au laxisme, à l'angélisme pénal - nous renforçons les moyens d'enquête, d'investigation, les délais de perquisition, au-delà même de l'état d'urgence, la répression du terrorisme, avec le délit du séjour en pays en guerre. Comment un terroriste pourrait-il bénéficier de la contrainte pénale ? Ce n'est pas possible ! (« Très Bien ! » et applaudissements à droite, ainsi que sur quelques bancs au centre)

Même chose pour la perpétuité réelle : les terroristes doivent réellement rester enfermés jusqu'au terme de leur peine ! (Mêmes mouvements)

Troisième défi, la garantie des libertés individuelles, je suis, nous sommes sensibles aux inquiétudes des plus hautes autorités judiciaires.

Le président de la République, le 18 décembre, appelait au « dialogue avec l'opposition quand elle a des propositions à faire ». Nous y sommes : voici nos propositions, nous sommes au rendez-vous de la responsabilité politique, au service de nos concitoyens, pour leur sécurité et leur sûreté ! (Bravos et vifs applaudissements à droite et au centre)

M. Yves Détraigne .  - La menace terroriste reste forte, nous devons vivre avec, sans panique, sans mettre en cause nos valeurs, mais sans baisser la garde, sans angélisme.

L'état d'urgence était nécessaire, nous l'avons soutenu, mais notre pays ne doit pas rester indéfiniment dans ce régime d'exception. La sortie de l'état d'urgence ne doit pas passer par le maintien de pouvoirs dévolus aux préfets, mais par la réforme de nos outils de droit commun : c'est l'objet de ce texte.

Avons-nous besoin de symboles, comme la déchéance de nationalité, ou de mesures techniques graves comme la perpétuité réelle ? Les premiers n'empêcheront pas les actes terroristes, les secondes, plus probablement.

Ce texte est nécessaire, notre rapporteur nous en a rappelé l'objectif d'efficacité, d'adaptation de notre droit aux évolutions technologiques très rapides. Les nouvelles peines sont également nécessaires dans la situation de guerre que nous connaissons, en particulier la perpétuité effective.

Nous voterons naturellement ce texte important pour la sécurité des Français. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jacques Bigot .  - Notre groupe aurait pu interroger le sens de cette proposition de loi alors qu'un projet de loi est prévu ; mais nous avons préféré en prendre acte, pour un « pré-débat » où vous verrez toutes les qualités de la Haute Assemblée, monsieur le garde des sceaux. Donc nous n'avons pas multiplié les amendements de suppression, nous avons corrigé les propositions excessives en commission avec un certain succès et j'en remercie le rapporteur.

Nous sommes loin des débats sur les écoutes téléphoniques, nous savons faire la part des choses, au service de la démocratie. Il est important de doter nos services de moyens comparables à ceux utilisés par les terroristes.

Cependant, nous pensons que le contrôle préalable du juge judiciaire est nécessaire, ainsi que le débat devant le juge des libertés ou le juge d'instruction. Ce qui n'est pas le cas devant le procureur.

Les perquisitions numériques ? Il faut y travailler encore. Vous proposez de nouvelles infractions pénales, elles ne nous convainquent pas ; nous en débattrons.

Je ne comprends pas monsieur le président l'exclusion de la contrainte pénale dans le cadre du terrorisme : personne ne l'envisage !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est possible !

M. Jacques Bigot.  - Vous vous contredisez à l'article 13....

Enfin, quelle sanction pénale pour protéger contre la récidive ? C'est le rôle du juge de l'application des peines, de la sortie de prison, de la perpétuité. Nous en débattrons.

Merci pour ce moment... de débat ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. François-Noël Buffet .  - À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : d'abord l'état d'urgence, qui ne va pas durer ; ensuite, l'adaptation de nos outils, avec la loi sur le renseignement, puis avec cette proposition de loi qui renforce les moyens du Parquet, de la police ; c'est utile. En 2015, huit attentats ont été évités sur notre sol.

Le recours aux Imsi Catchers, par exemple, est indispensable ; 48 000 tweets djihadistes seraient postés chaque jour ; il faut en prendre acte, nous donner les moyens d'agir plus rapidement, plus efficacement.

Le combat contre les terroristes, cependant, se mène aussi dans l'exécution de peines : cette proposition de loi la rend plus stricte, plus complexe - en supprimant des mécanismes de réduction de peine -, mieux différenciée à mesure de la gravité des actes, ou à la création d'unités de détention dédiées. Même dans les cas où tout délai est exclu, cette proposition de loi prévoit l'intervention du juge, c'est protéger nos libertés : monsieur le ministre, un simple accord de votre part renforcerait nos moyens contre les terroristes, au service de la République ! (Applaudissements à droite et au centre)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'amendement n°1 n'est pas défendu.

L'amendement n°2 n'est pas défendu.

ARTICLE PREMIER

M. Philippe Bas, président de la commission .  - Le Parlement devrait attendre le projet de loi plutôt que de débattre de sa proposition de loi. Ce n'est pas notre conception de l'initiative parlementaire !

M. Hubert Falco.  - Le Parlement a ses idées.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Oui, et il est de son devoir de les proposer et de les défendre. Le vote que nous allons émettre devra se retrouver dans le projet de loi : si nous adoptons cette proposition de loi, nous serons cohérents sur le projet de loi. Le président du Sénat l'a dit pour la révision constitutionnelle elle-même. (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Grosdidier .  - On ne remplace pas l'état de droit par l'état d'urgence... Cependant, nos moyens actuels ne sont pas adaptés dans notre guerre contre le terrorisme. Nous devons donner des moyens à l'autorité judiciaire, pas à l'autorité administrative - en particulier plus de réactivité. Cet article premier est nécessaire.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Monsieur le président Bas, nous ne récusons nullement le droit d'initiative parlementaire ! Dans une lettre ouverte au président de la République, vous vous inquiétez de l'inflation législative, et ce matin vous nous appeliez au consensus -  c'est le sens du groupe de travail confié à Michel Mercier.

Cependant, le jour même où vous annonciez sa constitution, vous présentiez cette proposition de loi lors d'une conférence de presse, assez partisane...(Exclamations à droite) J'appartiens aussi à un parti et à un groupe politique ! Mais ici, un projet de loi arrive bientôt : il y a, à l'évidence, une course à la communication... Nous avons décidé d'en faire bon usage : nous débattrons, mais ne déposerons pas d'amendements - et nous préparerons ainsi notre débat prochain.

M. Jacques Bigot .  - Cette proposition de loi prolonge, pour le porter à quinze jours, l'état de flagrance. La commission prolonge de 48 heures la période pendant laquelle les actes d'investigation en matière terroriste peuvent se poursuivre sous l'autorité du Parquet. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre .  - Le Gouvernement n'en mesure pas l'effectivité. L'intention de cet article est juste, sagesse.

Je reviens à la discussion générale : personne ne propose de revenir sur l'article 66 de la Constitution, qui fait du juge judiciaire le protecteur des libertés individuelles. Le juge administratif n'a pas le même rôle, nous ne jouons pas l'un contre l'autre.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article aligne la procédure de perquisition dans les locaux d'habitation dans le cadre des enquêtes préliminaires sur celle de l'enquête de flagrance afin, notamment, de permettre de réaliser la perquisition sans l'accord et en l'absence de l'occupant. Cette surenchère législative est attentatoire aux libertés individuelles.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Défavorable. S'agissant de cette proposition de loi, nous l'avons rédigée avec Philippe Bas, en nous adaptant à ce que nous ont dit les nombreux magistrats et responsables que nous avons auditionnés. Nous serions de tristes sires de vouloir agir de manière partisane : nous visons l'efficacité, au service de l'intérêt général. Les magistrats nous ont dit que devoir attendre 6 heures du matin pour entrer chez un terroriste qui peut se faire exploser à tout moment, c'est comme annoncer l'heure de sa visite... Il s'agit bien de mesures spécifiques.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis. Dans le projet que je présenterai demain, nous allons dans le même sens que cet article, avec une rédaction nourrie par la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2004 et la science du Conseil d'État que j'ai la faiblesse de croire meilleure...

M. Jacques Bigot.  - L'article 706 - 90 du code de procédure pénale pose des conditions qui ont été validées par le juge constitutionnel. Mais le juge des libertés et de la détention, qui ordonne la perquisition et peut y assister, y serait-il disposé s'il est placé sous la contrainte de fait du procureur ? Pourra-t-il jouer son rôle de garant des libertés ?

Cet article 2 mérite une autre rédaction.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

M. François Grosdidier .  - Nous sommes face à un ennemi à la conception du monde barbare mais très moderne dans ses techniques. Ses attentats répercutés sur le Net ont le même effet qu'une bombe nucléaire. Il recrute des petits délinquants, et dans les prisons, où les aumôniers manquent. Même des adolescents sans problème ont été enrôlés, à l'insu de leur famille. Le diable se faufile partout. Nous devons nous protéger. Il ne s'agit pas de porter atteinte aux libertés.

M. Alain Richard .  - Cet article nous renvoie à un débat d'ampleur, que nous avions posé à propos de la loi du 13 novembre 2014, dans notre rapport réalisé avec Jean-Jacques Hyest. La saisie des données numériques est très intrusive. Le cadre juridique n'est pas assez précis : il faut plus de garanties procédurales. En l'état actuel, il n'est pas acceptable. La Gouvernement doit poursuivre sa réflexion d'ici à la discussion du projet de loi.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Oui à un quantum des peines mais avis défavorable sur la forme.

La séance est suspendue à 16 h 40.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Tiers-payant généralisé

M. Alain Milon .  - Le Conseil constitutionnel, il fallait s'y attendre, a invalidé une mesure phare du projet de loi Santé, le tiers-payant généralisé, mesure politicienne qui ne répond pas aux besoins des Français.

Nécessaire pour les plus fragiles, il va - s'il est généralisé - à l'encontre de la liberté de choix de leur médecin pour les patients et de la liberté de prescription des médecins.

Allez-vous vous conformer à la décision des Sages ou persévérer, madame la ministre des affaires sociales ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes .  - Je salue votre implication et celle de la commission des affaires sociales dans l'examen du projet de loi Santé.

Le tiers-payant ne porte atteinte ni à la liberté de choix de leur médecin par les patients, ni à la liberté de prescription du médecin, toutes deux réaffirmées par la loi. Le Conseil constitutionnel ne dit pas le contraire. Le tiers-payant s'appliquera dès maintenant aux femmes enceintes ainsi qu'aux patients atteints de maladies chroniques ou lourdes. À partir de 2017, il s'appliquera à tous pour ce qui est de la part de la sécurité sociale, et selon le choix du médecin pour la part complémentaire.

Cette loi de justice sociale ne remet donc pas en cause les principes de la médecine libérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Milon.  - Le Conseil constitutionnel juge que la mesure est « mal encadrée », et que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence... Cette loi devra être abrogée. Dommage que vous n'ayez pas tenu compte de nos propositions élaborées, elles, après concertation des médecins.

Grippe aviaire

M. Jean-Claude Requier .  - Pour éradiquer l'épizootie de grippe aviaire, les éleveurs palmipèdes de 18 départements du sud-ouest devront arrêter leur production pendant plusieurs mois afin de créer un vide sanitaire. Cette mesure consiste à ne plus faire naître et à ne pas introduire de canetons durant au moins quatre mois.

Pour soutenir notre production de qualité, aux méthodes traditionnelles et aux produits sous labels issus des filières courtes, l'État apporte 130 millions d'euros pour les éleveurs et les accouveurs du sud-ouest. On pourrait aussi prendre des mesures comme d'autoriser après le vide sanitaire l'arrivée d'animaux prêts à gaver issus de régions indemnes de grippe aviaire, plutôt que d'avoir à repartir avec de petits canetons. Cela ferait gagner du temps. On pourrait aussi envisager une compensation financière pour tous les acteurs de la filière touchés par cet arrêt de la production. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE, à droite et au centre)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Ces palmipèdes, oui, participent à la renommée de notre agriculture. J'ai réuni tous les professionnels. Si l'on veut éradiquer la grippe aviaire, il faut appliquer un strict vide sanitaire, ce qui exclut votre proposition sur des canards prêts à gaver.

Soutenir les professionnels ? Oui : 130 millions d'euros ont déjà été débloqués pour les éleveurs et nous évaluerons le montant des remboursements nécessaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean-Claude Requier.  - Je regrette que vous fermiez la porte sur le premier point mais salue votre action. Pamela Anderson est venue - malvenue  - dire à l'Assemblée nationale qu'elle était contre le gavage. Pour ma part, je suis contre le silicone et le botox, en particulier à cause de leurs effets sur le cerveau ! (Rires partagés et vifs applaudissements)

Agriculture raisonnable

M. Joël Labbé .  - Notre agriculture a perdu 350 000 emplois en dix ans, et ce n'est pas fini. Toujours la même rengaine : concentration, investissements, et finalement surendettement. Les plans de sauvetage se multiplient mais les agriculteurs veulent vivre de leur travail, non de subventions. Ce modèle d'agriculture productiviste et subventionnée est à bout de souffle alors que les exploitations familiales en polyculture et poly-élevage sont viables. En réponse à la détresse paysanne, frémit un ébranlement des consciences.

Le Gouvernement est-il prêt à organiser un grand débat national pour tracer les lignes d'un horizon clair pour notre agriculture ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Vous opposez systématiquement agriculture « productiviste » et agriculture familiale. Notre agriculture a vocation à occuper tous les marchés car elle est diverse. On doit concilier trois performances : performance économique, pour que les exploitants vivent de leur travail, performance environnementale, avec ses conséquences économiques, performance sociale, en lien avec la recherche. Cette mutation prendra du temps ; en attendant nous soutenons nos agriculteurs et défendons une agriculture compétitive ! (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Crise de l'agriculture (I)

M. Michel Le Scouarnec .  - Les campagnes sont frappées par la crise. Beaucoup d'agriculteurs ne s'en sortent plus, à cause de la chute des prix qui n'en finit pas, et les exploitations disparaissent une à une. Démantèlement de la régulation, dumping social, concentration, pouvoir des centrales d'achat dans la grande distribution : les causes sont connues. La logique libérale est une impasse. Le plan de soutien de 290 millions d'euros ne suffit pas. Mettrez-vous en place une conférence des prix ? L'étiquetage est aussi très attendu. Quel marché, quels prix, quelle organisation pour ces filières, avec quel soutien de l'Union européenne ? L'État doit s'engager dans le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je ne suis pas comptable de choix bien antérieurs à mes prédécesseurs. (Exclamations à droite) Ce n'est pas moi qui ai inventé l'économie de marché. L'État ne fixe pas les prix. Cela dit, des médiateurs ont été mis en place, pour évaluer les coûts de production. Certains acteurs économiques se sont alors retirés du marché du porc de Plérin. Je n'y peux rien !

Avec la DGCCRF et Bercy, nous resterons vigilants sur le respect des règles commerciales, en particulier de l'interdiction de la vente à perte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Crise de l'agriculture (II)

M. Yannick Botrel .  - Monsieur le ministre de l'agriculture (Exclamations), la situation appelle des mesures urgentes qui doivent être appliquées durablement par les différents partenaires. Les agriculteurs dénoncent les distorsions de concurrence à l'intérieur de l'Union européenne, l'application variable des règles sanitaires, l'orientation très libérale du commissaire européen à l'agriculture.

Quelle place des producteurs dans le partage des marges ? La PAC était dans l'impasse, quelle politique européenne pour répondre à l'attente de nos concitoyens et garantir une juste rémunération du travail des agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - L'année blanche dans le remboursement des annuités doit mobiliser les banques. L'État a contribué pour 25 millions d'euros, la date limite de dépôt des dossiers a été reportée au mois de juin.

Quelle politique européenne ? Sur demande française, l'observatoire du lait, considérant que la production laitière continue d'augmenter de plus de 3 % par an dans certains pays européens alors que nous sommes en surproduction, appelle à réagir. En conséquence, je vais proposer cette semaine un mémorandum comprenant de nouveaux outils de régulation. Il est vrai que nous sommes confrontés à beaucoup de libéraux qui croient que le marché réglera tout... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Libye

M. Jean-Marie Bockel .  - A l'heure où le djihadisme se répand, la question libyenne est brûlante. On ne peut laisser prospérer un nouveau sanctuaire terroriste, menace terrible pour la France, la Méditerranée et l'Afrique.

La question d'une intervention militaire au sol est sur la table. Pourtant M. Fabius a dit depuis Rome qu'elle n'était pas d'actualité. Certes, il convient d'attendre une demande du Gouvernement libyen, mais comment nous préparons-nous à cette perspective ? Avec quels moyens ? (Applaudissements au centre)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - La stabilité de la Libye est une question essentielle. Nous devons tout faire pour éviter que se développe là un refuge pour Daech, qui perd du terrain en Syrie et en Irak. Pour cela, nous soutenons le processus de transition en cours en Libye. Après l'accord de Skhirat, un Gouvernement provisoire a été constitué mais le parlement libyen ne l'a pas soutenu. Une nouvelle liste de membres est en préparation et devrait lui être soumise le 5 février. Il faut absolument un tel accord.

Nous travaillons avec l'Union européenne et les États-Unis pour préparer des sanctions, protéger les ressources pétrolières, assurer la stabilité du pays. La seule voie est une solution politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marie Bockel.  - Vous ne pouviez pas dire autre chose... Toutefois, il faudra être prêt à intervenir, nous en reparlerons.

Migrants

M. François-Noël Buffet .  - Plusieurs morts au large de la Grèce, des policiers blessés, une nouvelle jungle à Grande-Synthe après celle de Calais....

Face à cette situation, les moyens mis en oeuvre sont très insuffisants. La sécurité des sites n'est pas assurée, les auteurs d'infractions ne sont pas poursuivis. L'Ofpra n'assume qu'une mission temporaire. À quand une agence européenne de contrôle des frontières et une renégociation des accords du Touquet ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Pourquoi ne pas souligner le rôle de Bernard Cazeneuve dans la prise de conscience européenne en la matière ? Avec les élus locaux, comme Mme Bouchart, nous avons multiplié les réponses à Calais : dispositif policier sans précédent, comprenez 17 unités mobiles, la BAC, la police des frontières, travaux de sécurisation... La frontière est aujourd'hui étanche, il faut que cela se sache : cela ne vaut pas la peine de venir à Calais dans l'espoir de passer en Angleterre ! Le ministre de l'intérieur a donné des instructions très fermes pour démanteler les filières -  27 ont déjà été démantelées  - et 1 754 personnes en situation irrégulière ont été reconduites à la frontière depuis Calais. Des structures d'accueil ont été ouvertes, comme un nouveau centre d'accueil de jour qui accueille 681 personnes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. François-Noël Buffet.  - 2 000 migrants avant l'été, 4 000 en septembre, 10 000 aujourd'hui : il est temps d'agir efficacement (Applaudissements à droite et au centre)

Aéroport Notre-Dame des Landes

M. Yannick Vaugrenard .  - Nos concitoyens ont besoin de cohérence politique, y compris sur le futur aéroport du grand ouest. Le projet est triplement légitime : économiquement, juridiquement et démocratiquement. Il est attendu depuis des années par les acteurs économiques, le trafic de l'aéroport actuel continuant à croître ; il a été déclaré d'utilité publique depuis longtemps et les recours ont été rejetés ; toutes les collectivités territoriales de la région l'appellent de leurs voeux. Or une poignée de zadistes font vivre les habitants dans la terreur brisant la liberté d'aller et venir !

Quand la force du droit l'emportera-t-elle ? Quand la zone de non droit sera-t-elle résorbée ? Quand la force du droit sera-t-elle respectée ? (Applaudissements vifs et prolongés à droite, ainsi qu'au centre et sur les bancs du groupe socialiste et républicain).

M. Éric Doligé.  - Il est des nôtres !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le tribunal administratif de Nantes a rejeté l'ensemble des recours contre le futur aéroport : le projet est parfaitement conforme. Le tribunal de grande instance de Nantes vient d'ordonner l'expulsion des 14 derniers occupants -  260 sont déjà partis à l'amiable. Les collectivités locales ont salué cette nouvelle étape. L'automne prochain verra les travaux démarrer (Applaudissement au centre et à droite) Des problèmes d'ordre public se posent, le Premier ministre a demandé la plus grande fermeté - tous les Républicains devraient s'y associer, la violence ne saurait être une réponse ! Nous renforcerons la présence des forces de l'ordre dans les communes concernées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Natalité

M. Dominique de Legge .  - Pour la première fois depuis longtemps, la France n'assure plus le renouvellement des générations : 20 000 naissances en moins. La modulation des allocations familiales comme la baisse des autres prestations en sont-elles responsables ? Reviendrez-vous dessus ? (Applaudissements à droite)

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Y a-t-il un lien entre la politique familiale du Gouvernement et la baisse de la natalité ? Non. Sachez d'abord que la modulation des allocations familiales n'étant entrée en vigueur qu'en juillet 2015, il y a peu de risques qu'elle ait eu un effet négatif sur les naissances la même année ! Oui, monsieur le sénateur, il faut toujours au moins neuf mois pour faire des enfants ! (Rires et applaudissements à gauche) Cependant, le taux de fécondité, à ne pas confondre avec la baisse de natalité, reste à 1,96 en France. C'est le plus élevé en Europe.

M. Éric Doligé.  - Tout va bien alors !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Toutefois, le nombre de femmes en âge d'avoir des enfants est moins important aujourd'hui à cause d'un creux de natalité subi il y a vingt ans : il nous manque quelque 300 000 femmes en âge de procréer par rapport à il y a quelques années.

Le Gouvernement cherche à réorienter les prestations vers celles qui en ont le plus besoin, notamment les familles monoparentales qui concentrent toutes les difficultés. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique de Legge.  - Je parlais de politique familiale. Vous me parlez de politique sociale. La politique familiale n'en est pas un sous-produit, mais est universelle. L'essentiel est de créer un climat favorable. Le Gouvernement a rompu le consensus qui a toujours prévalu sur ce sujet. Bilan : non seulement l'économie est en crise mais notre démographie aussi ! (Applaudissements à droite)

Virus Zika

M. Félix Desplan .  - Le virus Zika a gagné la Guyane et les Antilles. Le Gouvernement déconseille aux femmes enceintes de s'y rendre, en raison d'un risque qui n'est certes pas scientifiquement établi. Reste que 10 000 cas de microcéphalie ont été enregistrés en 2015 après 154. La vigilance s'impose donc.

Les professionnels du tourisme s'inquiètent alors qu'une reprise de l'activité s'esquissait.

M. le président.  - Votre question ?

M. Félix Desplan.  - Le Gouvernement doit veiller à adopter une communication maîtrisée. L'OMS juge les restrictions de voyage injustifiées : avec l'expérience de la dengue et du chikungunya, nous connaissons les précautions à prendre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes .  - Cette épidémie, qui touche massivement l'Amérique latine, a atteint la Martinique et la Guyane mais pas la Guadeloupe ni Saint-Martin. Elle appelle des mesures fortes. L'OMS en a fait une urgence internationale, appelant à accélérer la recherche sur les liens entre Zika et les malformations congénitales recensées. D'ici là, je recommande aux femmes enceintes de ne pas se rendre sur place, comme l'ont fait les États-Unis, le Canada et même le Brésil dans la perspective des jeux Olympiques. Je recevrai demain les élus locaux pour les informer du protocole scientifique mis en place.

Il ne s'agit pas d'inquiéter outre mesure, mais d'apporter la meilleure protection à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 17 h 35.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 17 h 50.

Lutte antiterroriste (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la suite de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3 (Suite)

M. Michel Mercier, rapporteur .  - Depuis le début de notre débat, on entend répéter que la proposition de loi mériterait d'être réécrite, que le projet de loi est mieux rédigé... Les parlementaires ont-ils oui ou non l'initiative des lois ?

Nous ne disposons certes pas de l'expertise du Conseil d'État, mais nous avons fait appel aux praticiens, et c'est d'ailleurs un conseiller d'État, président de notre commission, qui a rédigé ce texte. Au bout du compte, il y aura une loi votée par le Parlement, dont je souhaite qu'elle rassemble tous ceux qui veulent armer le juge pour lutter contre le terrorisme tout en respectant les libertés fondamentales. Sommes-nous en 1799, quand Sieyès voulait que la loi fût rédigée par le Conseil d'État et seulement votée par le Parlement ?

À vous, Monsieur le ministre, de faire en sorte que votre texte s'amalgame à celui-ci. Aidez-nous et nous vous aiderons, monsieur le ministre ! (Applaudissements à droite)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre .  - À votre ouverture répond mon pragmatisme. J'estime qu'une autre écriture est possible, mais le Parlement est souverain ; d'ailleurs, le Gouvernement se garde de se montrer fermé. Sur le fond, nous sommes d'accord - pour l'essentiel. Le Conseil d'État ne fait pas la loi, le Gouvernement s'inspire seulement de ses avis, comme des positions du Sénat, et assume ses positions.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Jusqu'à présent, les juges d'instruction du pôle anti-terroriste de Paris n'ont jamais eu recours à la captation des données informatiques à distance, en raison de la procédure d'autorisation ministérielle... et en l'absence de mesures d'application. Cet article supprime donc l'autorisation ministérielle préalable, étendant aux juges le recours aux techniques de surveillance jusqu'ici réservées aux services de renseignement, mais sans aucun encadrement ; notamment sur la conservation des données captées... Nous demandons sa suppression.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°30, présenté par le Gouvernement.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Cet amendement de suppression est en fait de clarification. La LOPPSI II du 14 mars 2011 a prévu l'agrément et l'homologation de ces chevaux de Troie, à la demande de la CNIL. L'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) est donc habilitée à donner cette autorisation, pour garantir la protection de la vie privée. L'absence d'habilitation frappe de nullité la procédure.

De notre point de vue, cette autorisation par l'ANSSI doit absolument être maintenue. Nous souhaitons limiter l'usage de ces techniques aux officiers de police judiciaire. Ce n'est pas l'habilitation, très rapide, qui posait problème, mais la construction du logiciel. Je comprends votre intention, mais vous faites une mauvaise interprétation de la difficulté.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - En effet, cette disposition déjà ancienne n'a encore jamais été utilisée. Les magistrats anti-terroristes nous ont demandé de la rendre possible. Nous avons prévu des garde-fous, avec un recours possible au centre technique d'assistance ou à des experts agréés par l'ANSSI ou figurant sur la liste nationale de la Cour de cassation. Si ces précautions s'avèrent insuffisantes, nous y reviendrons au cours de la navette. Le Gouvernement aurait pu déposer un amendement de précision plutôt que de suppression : cela aurait été un signe de l'esprit d'ouverture dont vous vous targuez, monsieur le ministre ! Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le groupe socialiste votera ces amendements de suppression. Il n'y a aucun complexe à avoir, monsieur le rapporteur : nous sommes tous légitimes pour déposer des propositions de loi. Mais ces dispositifs très intrusifs, qui permettent de capter n'importe quelles données, ne sauraient être soumis à un agrément à géométrie variable. Avec cet article, un vendeur malveillant pourrait se donner les moyens de capter les données des services... Les intrusions informatiques sont monnaie courante. Nous avons la chance de disposer de l'ANSSI, il serait très imprudent de se priver de cet agrément.

Les amendements identiques nos6 et 30 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'article 706-102-2, après le mot : « application », sont insérés les mots : « du premier alinéa ».

L'amendement de coordination n°28, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article étend au Parquet la technique récemment autorisée aux services de renseignement de l'Imsi Catching, qui permet de capter, par le biais d'une fausse antenne relais, les données de connexion de toutes les personnes détenant un périphérique électronique dans une zone géographique. La mesure a été très débattue lors de l'examen de la loi Renseignement, nous nous y étions fermement opposés. Et voilà qu'on veut aller toujours plus loin, toujours plus vite, avant tout retour d'expérience, sans même prévoir le même encadrement que pour les services de renseignements ! Comment ces données seront-elles conservées, pendant combien de temps ? Les services ne peuvent-ils travailler de concert avec les enquêteurs ? Nous refusons cette fuite en avant.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°18, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - La technique de l'Imsi Catching est attentatoire au droit à la protection des données personnelles. Nous nous étions déjà opposés à ce que les services de renseignement puissent y avoir recours. À tout le moins, il faudrait dresser le bilan de cette mesure, dont l'efficacité n'est pas démontrée.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°26 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du RDSE.

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'avais cru comprendre que les services de renseignement et la justice avaient des fonctions très différentes : prévention d'un côté, répression de l'autre... En donnant à la justice ordinaire les moyens des services de renseignement, on prétend rendre l'exception permanente ! Cela me gêne beaucoup.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Certes, les terroristes sont des barbares, mais qui emploient les technologies les plus modernes. Il serait paradoxal de refuser à la justice des moyens modernes pour les combattre !

D'autant que nous avons pris moult précautions : dans le cadre de l'instruction, c'est une commission rogatoire qui décide ; dans le cadre de l'enquête, préliminaire ou de flagrance, le procureur devra obtenir l'accord du juge des libertés et de la détention, qui devra être informé en temps réel des résultats obtenus. La loi sur le renseignement, elle aussi, a strictement encadré le recours à cette technique - certes intrusive, mais face à des individus d'une dangerosité particulière, la République ne peut être désarmée. N'envoie-t-elle pas son plus beau bâtiment, son plus bel avion, ses forces spéciales combattre l'État Islamique ? Les magistrats doivent jouer pleinement leur rôle. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis, cette technique est utile, et il convient d'harmoniser les règles.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le problème est double. On prend des mesures rigoureuses dans un but précis, mais l'état d'urgence peut servir à tout, dès lors qu'il y a atteinte à l'ordre public... Et l'on multiplie les autorités habilitées à recourir à ces moyens extraordinaires. J'aimerais qu'on se pose la question du terreau où nait le terrorisme ! Bruno Retailleau a parlé de guerre totale, cela devrait donc être aussi une guerre idéologique ! Depuis trente ans, on ne fait que durcir toujours plus notre arsenal sans jamais parler du fond : je ne trouve pas cela normal.

M. Alain Richard.  - Vu les moyens que le législateur a donné aux services de renseignement, quels moyens convient-il de donner au pouvoir judiciaire ? Le rôle des services de renseignement est préventif : ils interviennent s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un acte terroriste est en préparation. Quand le procureur et le juge d'instruction interviennent, c'est qu'ils estiment être en mesure de mettre à jour une infraction déjà commise. Il y a donc encore moins de motif de leur refuser ces mêmes moyens, d'autant qu'ils demeurent sous le contrôle du juge du siège, pour rechercher la matérialité d'une infraction déjà commise. Les écoutes judiciaires, par exemple, ont permis de confondre bien des criminels.

Mme Nathalie Goulet.  - Dans quelles conditions les données seront-elles stockées, et pour combien de temps ? Jusqu'à décision définitive ?

M. Jean Louis Masson.  - Face à des terroristes extrêmement dangereux, nous avons le devoir de donner à tous nos services le maximum d'atouts. Les États-Unis n'ont pas hésité. Cette proposition de loi va globalement dans le bon sens, je voterai cet article.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Les données sont conservées pendant toute la durée de la procédure, jusqu'à épuisement des voies de recours, puis détruites.

L'état d'urgence ne permet pas de faire n'importe quoi, monsieur Collombat. La loi Renseignement a transféré le contrôle de la commission départementale au juge administratif. La décision du Conseil d'État du 11 décembre 2015 est accompagnée d'un véritable vademecum de l'état d'urgence, parfaitement rédigé par Xavier Domino, rapporteur public. Les zones d'incertitude sont dissipées ; le Conseil constitutionnel s'est lui aussi prononcé à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Les amendements identiques nos7, 18 et 26 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéas 8 à 12

Supprimer ces alinéas.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Défendu.

L'amendement n°25 rectifié bis, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

Mme la présidente.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Défendu.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Même avis défavorable que précédemment.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis. L'intention de cet article est bonne, même si nous proposerons une écriture différente - je ne dis pas meilleure....

M. Michel Mercier, rapporteur.  - C'est déjà mieux !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous jugeons sur pièces, article après article. Celui-ci permet aux services d'enquête de pénétrer clandestinement dans un domicile pour y installer un dispositif de sonorisation ou de captation d'images. Il y a là une atteinte aux libertés individuelles qui impose l'autorisation du juge judiciaire, estime le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004. Vu les garanties apportées en commission à l'initiative du rapporteur, nous voterons contre cet amendement et pour l'article.

L'amendement n°27 rectifié n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 est adopté, de même que les articles 8 et 9.

ARTICLE 10

M. Jean Louis Masson .  - L'intitulé de ce titre II, dont c'est le premier article, « Aggraver la répression du terrorisme » est une expression particulièrement malvenue, c'est le vocabulaire des adversaires de la proposition de loi ! Mieux vaudrait l'appeler, par exemple : « Renforcer la lutte contre le terrorisme ». (Marques d'approbation sur divers bancs)

Je suis tout à fait défavorable à la première partie de cet amendement, qui pénalise la consultation des sites internet. Je n'ai aucune sympathie pour le terrorisme, encore moins islamiste, mais pourquoi irais-je en prison pour avoir juste consulté, depuis mon domicile, un site ? Nous sommes dans une République de liberté !

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Il est défendu, et le sera encore...

Mme la présidente.  - Amendement identique n°19, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - Défendu également.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Les incriminations prévues sont précises : il s'agit, pour la première, de la consultation « habituelle » de sites faisant l'apologie du terrorisme. Les juges nous ont dit qu'on y voyait comment couper une tête, jouer au football avec... C'est de la même manière que le législateur a prévu la répression de la consultation habituelle des sites pédopornographiques...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut commencer par supprimer ces sites.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - L'autre infraction créée est le fait d'entraver le blocage de sites par l'administration, ce qui est nécessaire. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Les autres amendements sont contraires à la jurisprudence constitutionnelle de 2004.

Depuis 2012, le législateur a fait tout ce qu'il pouvait faire, en matière technique, contre la propagation du terrorisme sur internet.

Le législateur a toujours refusé de faire de la consultation habituelle de sites internet terroristes une infraction à elle seule : c'est en revanche un élément constitutif de l'entreprise terroriste individuelle.

Il y a toutes les raisons d'espérer que des blocages judiciaires seront prononcés. Allez voir ces sites, si vous voulez : il n'y a pas de mots pour qualifier ce que l'on y trouve !

M. Jacques Bigot.  - Avec le titre II, les auteurs de la proposition de loi veulent montrer qu'ils sont plus répressifs que d'autres... Le Conseil d'État s'est dit défavorable à l'incrimination de la simple consultation de sites, qui serait d'ailleurs compliquée à mettre en oeuvre. Les magistrats ne sont pas demandeurs.

M. Jean Louis Masson.  - Les explications du rapporteur ne m'ont pas convaincu. Autant je suis favorable à ce que soit sanctionnée l'entrave au blocage de ces sites, autant, dans un pays de liberté, on ne saurait pénaliser la consultation d'un site ou la lecture d'un livre.

L'argumentaire de monsieur le ministre m'a, en revanche, paru pertinent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La priorité, c'est de fermer ces sites. Internet n'est pas la sphère du non-droit ! Notre code pénal réprime déjà l'injure, l'apologie du terrorisme, etc. Cela vaut aussi pour internet !

L'office chargé de surveiller les messages sur internet a les moyens de faire respecter la loi. Mais le site peut être rouvert depuis un paradis cybernétique, car il en existe comme des paradis fiscaux ! D'où l'importance de la coopération internationale, monsieur le garde des sceaux.

Les amendements nos8 et 19 ne sont pas adoptés.

L'article 10 est adopté

ARTICLE 11

M. Jean-Pierre Grand .  - Je me réjouis que cet article, prenne partiellement en compte notre amendement présenté en commission, en renforçant la répression de l'infraction de terrorisme, avec une période de sûreté portée à trente ans et une peine de perpétuité incompressible.

Il n'y a que quatre cas de figure, pour un terroriste : il se donne la mort, ou il est abattu par les forces de l'ordre, ou il se trouve en cavale ou il est capturé et doit être mis entre les barreaux suffisamment longtemps pour empêcher toute récidive : voilà précisément ce qu'attendent nos concitoyens.

La déchéance de nationalité proposée par le président de la République, et dont nous débattrons bientôt avec le projet de loi constitutionnelle, est une mesure purement symbolique, inefficace et inacceptable, puisqu'elle remet en cause le droit du sol...

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Mais non !

M. Jean-Pierre Grand.  - Je voterai contre. Ce qu'il faut, c'est modifier le code pénal pour garantir une peine incompressible : c'est la seule déchéance qu'attendent les nombreuses familles de victimes, et c'est l'honneur de notre Haute Assemblée de répondre ainsi aux attentes des Français, pour lutter contre la folie du terrorisme. Gageons que le Gouvernement et l'Assemblée nationale ne pourront pas ne pas suivre le Sénat dans cette voie.

M. Charles Revet.  - On verra !

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Charon, D. Laurent, J.P. Fournier, B. Fournier, Joyandet et Laufoaulu, Mmes Deromedi et Deseyne, MM. Mandelli, Béchu, Chaize, G. Bailly, Revet, Gournac, Panunzi, Vasselle et Gilles, Mme Garriaud-Maylam, MM. Karoutchi et Pellevat, Mme Hummel, M. Savary, Mme M. Mercier et MM. Chasseing, Laménie, Gremillet, Mayet et Vaspart.

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

II.  -  L'article 720-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « et 221-4 » sont remplacés par les mots : « , 221-4 et 421-3 » ;

2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les crimes commis en bande organisée constituant un acte de terrorisme au sens de l'article 421-1 du code pénal, cette durée est au moins égale à cinquante ans. »

M. Jean-Pierre Grand.  - Nous portons la peine de sûreté à cinquante ans au lieu de trente ans. La nouvelle forme de barbarie à laquelle nous sommes confrontés nous impose la plus grande fermeté. J'avais, dans un premier temps, prévu de refuser tout aménagement de peine, mais il semble que cela se heurterait à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à la convention européenne des droits de l'homme. Une peine totalement incompressible ferait également courir un risque d'inconstitutionnalité, au regard de deux décisions du Conseil constitutionnel prises en 1994 et en 2001.

D'où ma proposition : un aménagement pourra être considéré au bout de cinquante ans de détention pour crime de terrorisme commis en bande organisée.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Ma réponse est dans votre exposé des motifs : c'est contraire à nos engagements internationaux -via la convention européenne des droits de l'homme (CEDH)  - pour un plafond de trente ans. Mieux vaut la perpétuité réelle, de trente ans effectifs, avec un suivi socio-judiciaire à la sortie (M. Jean-Pierre Grand proteste) - qui, lui aussi, peut tout de même durer jusqu'à trente ans. Ce n'est pas rien ! Le traité s'impose à la loi, c'est l'article 55 de notre Constitution : retrait, sinon rejet.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Grand.  - Un terroriste du Bataclan qui aurait survécu, serait donc libre à 48 ans... la CEDH date de 1953, l'abolition de la peine de mort... de 1983. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen, écologiste) Je me félicite de cette abolition, mais je regrette l'absence de substitution...

Aucune convention internationale ne devrait nous empêcher de nous protéger efficacement. La CEDH, en 2014, a qualifié de « suffisante » notre possibilité de réexamen de la peine au regard non de sa durée, mais des procédures - et elle a précisé que la durée était entre les mains de l'État.

L'inhumanité est du côté des terroristes, pas du nôtre.

M. Alain Vasselle.  - Je voterai cet amendement, en étant cosignataire. Il n'est guère incompatible avec la CEDH, ou c'est question d'interprétation.

Un fait divers, récemment, a rappelé que des crimes sont commis, sous contrôle judiciaire...

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Ce n'est pas tout à fait comparable !

M. Alain Vasselle.  - Quelles garanties avons-nous quant à l'efficacité de ce contrôle sur l'ensemble du territoire nationale ? Il faut trouver une solution. Cet amendement la propose.

L'amendement n°11 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Jacques Bigot.  - Nous parlons de lutte contre le terrorisme, de jeunes prêts à se tuer pour leur cause - et on fait comme s'ils pouvaient hésiter du seul fait que la peine encourue serait incompressible... C'est irréel, ou plutôt de l'affichage : ce qu'attendent nos concitoyens, c'est de savoir ce que l'on fait concrètement contre le terrorisme ! Au bout de trente ans, soit à 48 ans, en suivant votre exemple, le condamné saura que son cas peut être réévalué, mais son éventuelle libération, assortie d'un suivi socio-judiciaire, n'aura rien d'automatique.

L'article 11 est adopté.

Question prioritaire de constitutionnalité

Mme la présidente.  - Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 2 février 2016, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la traversée des propriétés privées par les ouvrages de transport et de distribution d'électricité.

La séance est suspendue à 19 heures.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

Accord en CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée est parvenue à l'élaboration d'un texte commun.

Lutte antiterroriste (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la suite de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 11

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par M. Lemoyne.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 434-1 du code pénal est complété par les mots : « et les actes de terrorisme définis au chapitre 1er du titre II du livre IV du code pénal ».

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - L'article 434-1 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de ne pas informer les autorités d'un crime dont on a connaissance et dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets.

Cet article exonère de cette obligation une liste exhaustive de personnes proches de l'auteur ou du complice : les parents en ligne directe, par exemple, ou encore les frères et soeurs. Cette exemption ne s'applique toutefois pas pour les crimes commis sur les mineurs de quinze ans.

Cet amendement propose d'ajouter une exception supplémentaire, celle des actes terroristes.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Le législateur a toujours considéré que le contexte familial devait atténuer les effets de la règle pénale, que la solidarité familiale l'emportait sur l'obligation sociale de dénonciation, sauf pour les crimes sur les mineurs.

Il est possible d'inverser cette logique en levant l'immunité familiale ; mais cette modification profonde d'un principe essentiel de notre droit nécessite une réflexion approfondie, que nous pouvons mener d'ici l'examen du texte du Gouvernement. Retrait, sinon rejet.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Avis défavorable. Merci, monsieur le rapporteur, pour votre disponibilité à intégrer le projet de loi dans la réflexion collective... Le droit satisfait pour l'essentiel l'amendement : une personne qui ne dénonce pas un crime peut être poursuivie pour complicité, y compris dans le cadre de l'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Le rapporteur incitait tout à l'heure le Gouvernement à être attentif aux propositions du Sénat. Je ne vois que des avantages à poursuivre la réflexion pendant les quelques jours qui nous séparent de l'examen du projet de loi.

M. Alain Richard.  - La réflexion ouverte par l'amendement de M. Lemoyne mérite d'être approfondie. Il faudra que nous appréciions bien, lors de l'examen du projet de loi du Gouvernement, si la non-dénonciation peut avoir des suites pénales. Nous cherchons l'efficacité, sans jamais être certains de la trouver... Si les membres des familles se rendaient compte de la responsabilité qu'ils prennent en ne disant rien, peut-être des drames pourraient-ils être évités...

M. André Reichardt.  - Merci à M. Lemoyne d'avoir soulevé cette question. Avec Mme Goulet et M. Sueur, nous avions vu combien le signalement par la famille était important - nous en faisons état dans notre rapport. Tout ce qui peut être fait pour rappeler ses obligations à la famille, y compris celle de signaler la dérive d'un proche, est opportun. Même s'il faut être prudent, la réflexion doit se poursuivre.

Mme Nathalie Goulet.  - Je serai plus prudente que les collègues s'étant exprimés. Selon l'Uclat, plus de 50 % des signalements viennent de la famille. La pénalisation du non-signalement doit être envisagée avec prudence. Certaines personnes maîtrisent mal le français ou sont en situation irrégulière... Les familles sont placées devant un terrible dilemme... C'est seulement après une évaluation des dispositifs en place qu'il pourra être envisagé une disposition de ce type. Je me rendrai d'ailleurs à cette fin dans les services la semaine prochaine.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Merci à M. Lemoyne d'avoir retiré son amendement. Il ne faut pas confondre le signalement administratif, qui est un appel à l'aide des familles, et la dénonciation judiciaire. Je redis mon engagement d'examiner, d'ici la deuxième lecture ou la première du texte amélioré du Gouvernement, les conséquences de la disposition proposée.

M. Marc Laménie.  - Cet amendement cosigné par de nombreux collègues peut être une première étape pour sensibiliser les esprits à une solution possible.

L'amendement n°12 rectifié est retiré.

L'article 11 bis est adopté.

ARTICLE 12

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 12 crée un nouveau délit, le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d'opérations terroristes, sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Si le seul séjour suffit à caractériser cette infraction, cela revient à sanctionner une hypothèse ou une éventuelle intention.

De surcroît, la définition floue de « groupements terroristes » pourrait être utilisée à d'autres desseins que ceux qui sont les nôtres aujourd'hui.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Pourquoi créer ce délit ? Pour autoriser les poursuites judiciaires contre les personnes de retour de ces zones et remplacer les assignations à résidence administratives par des mesures de suivi judiciaire. Nous renforçons le rôle du juge judiciaire, ce qui devrait vous convaincre de retirer votre amendement. Sinon avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Sagesse. Le droit existant est suffisant. Il est possible de placer en détention provisoire ou d'assigner à résidence les personnes de retour de Syrie. Il y a un risque de redondance avec l'incrimination d'entreprise individuelle terroriste. Le champ d'application de cet article est en outre très large. L'objectif de contacter des groupements terroristes suffirait. Quid si une personne cherchait à contacter les Peshmergas ou l'Armée syrienne libre ? La sanction des actes préparatoires existe déjà. Le Gouvernement est constant dans son hostilité à cet article.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté.

ARTICLE 13

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Le Gouvernement est favorable, sinon enthousiaste, à cet article. Je ne résiste pas au plaisir de vous le dire. (Sourires)

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 14

Mme la présidente.  - Amendement n°21, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 14 exclut du champ de la peine de contrainte pénale toutes les infractions susceptibles d'être considérées comme terroristes.

La contrainte pénale est une peine qui exige un suivi intense des condamnés. Il revient au magistrat de décider de la peine la plus pertinente selon la personnalité de l'individu qu'il a à juger.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°31, présenté par le Gouvernement.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Le Gouvernement est hostile à l'idée de supprimer la contrainte pénale - dispositif auquel il est très attaché - dans ce domaine. Il fait confiance aux magistrats. Le suivi en est bien plus étroit que dans le sursis avec mise à l'épreuve.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Pour les prochains textes comme pour celui-ci, il faut se méfier des symboles... La contrainte pénale n'a pas séduit les magistrats : 80 ont été prononcées par 23 tribunaux contre 140 000 décisions de suivi avec mise à l'épreuve.

Une contrainte pénale peut valoir pour les faits les moins graves, pas pour le terrorisme. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Jacques Bigot.  - L'auteur de la proposition de loi et président de la commission des lois est opposé à la contrainte pénale et compte la supprimer un jour... Soit, nous verrons... Il n'y a guère de cohérence entre l'article 13, où on accepte le sursis avec mise à l'épreuve, et l'article 14, qui interdit la contrainte pénale, pourtant plus contraignante et assortie de sanctions plus sévères. Dommage de s'en tenir à une pétition de principe. L'idéologie n'a pas sa place dans un tel texte.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Excellent !

Les amendements identiques nos21 et 31 ne sont pas adoptés.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE 15

Mme la présidente.  - Amendement n°22, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 15 rend obligatoire la peine complémentaire d'interdiction du territoire français (ITF) en cas de condamnation pour certaines infractions terroristes. Un régime dérogatoire pour les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation et pour les actes de terrorisme est déjà prévu dans le droit en vigueur.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable. Une proposition de loi signée entre autres par M. Le Roux utilise la même formule que la nôtre. Le juge est libre de décider ou non de la peine complémentaire, mais il doit se prononcer.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Défavorable. Le Gouvernement partage les objectifs de l'article 15, mais demande une modification rédactionnelle : remplacer « est prononcée » par « peut être prononcée ».

Mme la présidente. - Ce sera l'amendement n°33.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - D'accord.

Mme Nathalie Goulet.  - Je suis extrêmement favorable aux mesures d'ITF, mais la réalité est que nous avons bien du mal à les exécuter, comme en témoigne la présence sur le territoire d'imams salafistes sous le coup de plusieurs arrêtés d'interdiction...

M. André Reichardt.  - Très bien.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. Jacques Bigot.  - Si on modifie le texte dans le sens souhaité par le Gouvernement, l'alinéa 2 devrait tomber.

M. André Reichardt.  - Tout à fait !

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Mieux vaut en rester pour l'instant au texte de la commission, nous verrons plus tard... (M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, en convient)

L'amendement n°33 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié ter, présenté par MM. Reichardt, Allizard, Baroin, Béchu, Bizet, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Danesi, Darnaud et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. J. Gautier, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Gremillet, Grosdidier, Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Panunzi, Paul, Pierre, Pinton et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Rapin, Retailleau, Revet, Savin et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vogel et Vasselle.

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigés :

« La durée de l'interdiction ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ;

« 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ;

« 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ;

« 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement ;

« 5° Six ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 6° Huit ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 7° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention.

« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine ou de la prononcer pour une durée inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur. »

M. André Reichardt.  - Peut-être cet amendement peut-il régler le problème... Il introduit un mécanisme d'interdiction plancher du territoire français pour les infractions terroristes les plus graves commises par des étrangers, avec différents seuils selon la gravité des faits. Pour garantir le principe constitutionnel de la personnalisation des peines, la juridiction de jugement pourrait décider, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer cette peine ou de prononcer une interdiction d'une durée inférieure à ces seuils.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet amendement intéressant théoriquement ne tient pas assez compte de la pratique des juridictions, qui prononcent surtout des ITF à titre définitif. Son adoption serait contreproductive. Il pourrait être retravaillé. Retrait.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Avis défavorable à cet amendement : le Gouvernement est défavorable aux peines plancher, problématiques au regard du principe d'individualisation des peines.

M. André Reichardt.  - L'individualisation de la peine est tout à fait possible grâce au dernier alinéa.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - C'est vrai !

M. André Reichardt.  - Mon but n'étant pas de réduire la durée de l'interdiction du territoire, je retire mon amendement.

L'amendement n°4 rectifié ter est retiré.

L'article 15 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Reichardt.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 702-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est inapplicable aux personnes condamnées à une interdiction du territoire français prononcée pour une infraction prévue au titre II du livre IV du code pénal, à l'exception de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-6. »

M. André Reichardt.  - Cet amendement a pour objet d'exclure, pour les infractions terroristes les plus graves, la procédure de relèvement d'interdiction du territoire français demandée par la personne à la juridiction l'ayant condamnée.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Toute personne ayant fait l'objet d'une peine peut demander à la juridiction qui l'a prononcée de la relever : c'est un principe bien établi de notre droit. Y contrevenir serait contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. Supprimer la possibilité d'un relèvement rendrait la peine complémentaire automatique, ce qui serait inconstitutionnel. Retrait, sinon rejet.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis.

M. André Reichardt.  - Compte tenu des propos de M. le rapporteur, je retire l'amendement. Mais les motifs de droit sont peu de chose au regard des actes dont nous parlons. Cela me fait penser à un ouvrage de Jean-François Revel intitulé Comment les démocraties finissent ...

L'amendement n°10 rectifié est retiré.

ARTICLE 16

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article aggrave la durée de détention des mineurs. Il est contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant et à l'ordonnance de 1945.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°23, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Mme Esther Benbassa.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°32, présenté par le Gouvernement.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Ce dispositif ne concernerait qu'une ou deux personnes. Le Gouvernement est hostile sur le principe - un régime spécifique de prise en charge des mineurs est indispensable - et dubitatif sur son application.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable. Sur la centaine de personnes mises en examen pour terrorisme, seize sont mineures, dont douze âgées de plus de 16 ans. Ils sont peu nombreux, réjouissons-nous-en. Mais ce n'est pas une raison pour désarmer. Je ne suis pas un fanatique de l'emprisonnement des mineurs. J'ai contribué, en tant que garde des sceaux, en créant les centres éducatifs fermés, à réduire leur nombre en prison. Mais nous parlons ici de jeunes radicalisés et violents ; 8 250 personnes se sont radicalisées...

M. Jean-Pierre Sueur.  - La radicalisation est un vaste problème. Les membres de la commission d'enquête ont pu mesurer combien il était complexe. Certains ont inventé un mot magique, la déradicalisation... Mais lorsqu'un être humain a été sous l'emprise de telles idées - si l'on peut parler d'idées - c'est un travail considérable de le sortir de là. Cela a peu avoir avec le temps pénitentiaire...

Nous pouvons remettre sur le métier la justice des mineurs. Mais ne le faisons pas à la faveur d'un article de proposition de loi sur la lutte contre le terrorisme. (Mme Éliane Assassi approuve)

Les amendements identiques nos9, 23 et 32 ne sont pas adoptés.

L'article 16 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Bizet, Karoutchi, Pellevat, Joyandet, Danesi, Savary, Milon, Trillard et Doligé, Mmes Morhet-Richaud et Mélot, M. Gournac, Mmes Lamure et Deromedi, M. Laménie, Mmes Imbert et Deseyne, MM. Mayet, Pierre, Vaspart et Pointereau, Mmes Lopez et Duranton et MM. Vasselle et Revet.

I.  -  Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 25 du code civil est ainsi modifié :

1° Les mots : « L'individu qui a acquis » sont remplacés par les mots : « Tout individu ayant » ;

2° Les mots : « , sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride » sont supprimés.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre ...

Possibilité de déchoir de sa nationalité française tout individu ayant la qualité de Français et condamné définitivement pour crime ou délit de terrorisme

M. Jean Bizet.  - Cet amendement concerne la déchéance de nationalité, qui devrait concerner tout Français, binational ou non, s'il est coupable de terrorisme.

Cette proposition est dans la droite ligne de la résolution du 30 mars 2015 adoptée après une journée de travail avec sept parlements européens. C'est une affaire de symbole, mais les symboles ont leur importance... La nationalité se mérite au quotidien. Soyons clairs, les conventions signées par la France, celles de New York de 1954, celle de 1961 ou la Convention européenne de 1997 restreignent les possibilités de créer des apatrides mais ne l'interdisent pas. Le président de la Cour européenne des droits de l'homme, lors de sa dernière visite en France, a déclaré que cette juridiction devait devenir réaliste. Le fait de ne pas être juriste me fait peut-être inconvenant mais aussi proche, politiquement et socialement, du sentiment de nos concitoyens.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Cet amendement est intéressant, le sujet va nous occuper quelques heures dans quelques jours... M. Bizet a raison de poser quelques jalons... Mais le texte traite de procédure pénale et vous proposez de modifier l'article 25 du code civil...

Vous avez raison de souligner qu'aucun texte n'interdit à la France de créer des apatrides : elle a signé les conventions ad hoc mais ne les a pas ratifiées...

Seul l'article 25 du code civil, disposition du droit interne, interdit de créer des apatrides. De plus, le code civil distingue la perte de nationalité de la déchéance de nationalité. Certains envisagent de faire de celle-ci une peine complémentaire. Autant dire que nous sommes dans un droit mouvant.

Monsieur Bizet, vous avez lancé le débat. Mieux vaut retirer ce riche amendement, qui relève du code civil et non du code de procédure pénale, plutôt que de l'exposer à un vote négatif.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Le Gouvernement ne peut que suivre le rapporteur. Dans notre esprit, la question de la déchéance ne relève pas du symbole mais du principe. Le juge prendra acte de la décision du terroriste de se mettre au ban de la collectivité nationale. Le terroriste rejette la nation, ce n'est pas la nation qui le rejette.

M. Jacques Bizet.  - Je le retire mais resterai vigilant. Il y va de la survie de notre démocratie.

L'amendement n°13 rectifié est retiré.

ARTICLE 17

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre .  - Avis de sagesse du Gouvernement sur cet article. Cela se fait sans passage par la loi. Cet article n'est donc pas utile mais puisque cela se fait nous n'avons pas non plus lieu de nous y opposer.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Le groupe socialiste votera cet article qui permet de créer des unités spécialisées au sein des maisons d'arrêt. Je salue le rapporteur qui a accepté notre proposition de modification évitant l'automaticité du placement en unités spéciales. Tirons les leçons de l'unité créée à Fresnes : le personnel pénitentiaire craint ce qu'il appelle l'effet cocotte-minute des regroupements trop nombreux de radicalisés.

M. André Reichardt .  - Je voterai l'article 17, malgré l'atténuation acceptée par le rapporteur, qui est pourtant réductrice. Rendre simplement possible l'encellulement individuel des radicalisés me laisse perplexe. Ces personnes sont dangereuses. Faut-il encore examiner si leur comportement en prison pose problème ? N'attendons pas que le mal soit fait pour agir.

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne voterai pas cet article. Il est incohérent. La radicalisation existait bien avant Daech et nous n'avons pas les moyens pour lutter contre elle en prison : nous manquons d'aumôniers formés, de personnel, de logistique, de places en prison... Nous tâtonnons en cette matière. Dommage qu'un texte aussi brillant soit entaché par cet article 17.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Le législateur est dans son rôle de légiférer en ce domaine, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2009.

Je tiens à rendre hommage à l'administration pénitentiaire, à ses unités d'analyse de la personnalité des prisonniers avant leur libération, à son service de renseignement. Pourquoi ai-je accepté la modification ? Par pragmatisme : la mesure ne peut être applicable dans certains établissements. Il y a plus de prisonniers que de places théoriques en prison, et c'est encore plus vrai aujourd'hui qu'en 2012.

Laissons aux directeurs de prisons le soin de décider. Puis nous aurons à reprendre le programme de construction pénitentiaire.

L'article 17 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Guerriau et Kern, Mmes Doineau et Morin-Desailly, MM. Delahaye, Roche, Cadic, Bockel et Détraigne, Mme Férat, MM. Houpert, Mandelli, Kennel et Huré, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Joyandet et Bouchet, Mmes Duranton et Di Folco, MM. Reichardt et Laufoaulu et Mme Billon.

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La libération d'un détenu, à titre exceptionnel ou à l'issue de l'exécution de sa peine, si elle s'accompagne de mesures de surveillance ou de reconduite à la frontière ayant été décidées par la juridiction de condamnation, ne peut avoir lieu que si ces mesures peuvent effectivement être intégralement mises en oeuvre.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement fait suite à une question au Gouvernement posée récemment par M. Maurey. Un jeune couple a été assassiné en Haute Normandie par un prisonnier récemment libéré dont la reconduite à la frontière n'avait pas été exécutée en raison d'un doute sur sa nationalité. Les décisions de justice doivent être exécutées.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Vous proposez rien de moins que de maintenir en détention des personnes sans décision de justice.

Mme Nathalie Goulet.  - Oui !

M. Michel Mercier, rapporteur.  - C'est contraire à la Déclaration des droits de l'homme ! Et à notre Constitution. Avis défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - A quoi bon prononcer des peines si elles ne sont pas appliquées ? La reconduite à la frontière avait été décidée par un tribunal.

Et si je remplace « détention » par « rétention ».

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Encore une fois, selon l'article 66 de la Constitution, seul le juge peut décider de priver quelqu'un de liberté. Nul ne peut être détenu arbitrairement en France. C'est un principe constitutif de notre droit, de notre vivre-ensemble que les terroristes veulent détruire. Ne les y aidons pas.

Mme Nathalie Goulet.  - Je maintiens mon amendement au nom des victimes d'une telle personne.

M. André Reichardt.  - J'ai cosigné cet amendement. J'ai été touché par le fait évoqué par M. Maurey dans sa question d'actualité : un double assassinat perpétré par une personne qui n'a pas été reconduite à la frontière car on ne connaissait pas sa nationalité.

J'avais, quant à moi, proposé un amendement qui a été refusé au titre de l'article 41. Il disposait que, 72 heures avant la levée d'écrou d'une personne condamnée à être expulsée, l'administration pénitentiaire devait en informer la police aux frontières pour qu'elle puisse préparer sa reconduite à la frontière. Monsieur le garde des sceaux, s'il est vrai que cet amendement est de niveau réglementaire, vous engagez-vous à rédiger un texte dans ce sens ?

M. Philippe Bonnecarrère.  - La question qui est posée est celle de l'effectivité des décisions de justice : la reconduite à la frontière est une peine complémentaire et, en l'occurrence, elle n'a pas été exécutée. Pourquoi le Gouvernement ne cherche-t-il pas à régler cette question ?

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Le débat parlementaire présente cette richesse qu'il amène à préciser les choses. Nous tenons à fluidifier la circulation d'informations entre les administrations, qui sont trop verticales. Un protocole a été conclu en 2014 en ce sens. En tant que co-rapporteur de la mission de l'Assemblée nationale sur le suivi de l'état d'urgence, j'ai constaté sur le terrain que les mentalités avaient évolué et que l'échange d'informations était devenu une réalité. Certes il faut aller plus loin et je rencontrerai prochainement tous les directeurs de mon administration centrale.

L'amendement n°14 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

L'article 18 demeure supprimé.

ARTICLE 19

Mme la présidente.  - Amendement n°24, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 19 rend plus rigoureuses les conditions d'exécution des peines des personnes condamnées pour terrorisme. Il crée, en matière d'exécution des peines, un véritable régime dérogatoire, à quoi nous sommes très hostiles. Jusqu'où irons-nous dans la surenchère législative ? Je rappelle que d'aucuns ont été jusqu'à proposer des camps d'internement pour les personnes fichées « S ». Restons-en au droit commun.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement contraire à la position de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Avis favorable au nom du principe de l'individualisation des peines, de la confiance que nous devons aux magistrats. L'article 19 est trop rigide.

M. Jacques Bigot.  - Nous voterons cet amendement. Ne cédons pas au climat de défiance envers les magistrats. La question de l'application des peines est centrale. Il faut aussi préparer les sorties de prison et le retour à la vie civile. Les juges d'application des peines ont de plus en plus de travail. Donnons-leur tous les outils dont ils ont besoin. Le législateur doit voter des textes applicables.

Les magistrats ne sont pas laxistes. Ils prononcent déjà des interdictions de séjour définitives à l'encontre d'étrangers ayant commis des infractions graves.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

ARTICLE 20

M. Jean-Pierre Sueur .  - (On s'impatiente, à droite) Insérer dans le fichier des personnes recherchées des personnes ne respectant pas leurs obligations imposées par les services pénitentiaires d'insertion et de probation créerait un mélange des genres. Nous nous abstiendrons sur cet article.

L'article 20 est adopté.

L'article 21 demeure supprimé.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°15 rectifié ter, présenté par Mmes N. Goulet et Goy-Chavent, MM. Guerriau et Bockel, Mmes Doineau et Morin-Desailly, M. Delahaye, Mme Férat, MM. Houpert, Mandelli, Kennel et Huré, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Joyandet et Bouchet, Mme Duranton, M. Kern et Mme Billon.

Avant l'article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sur simple demande, le maire d'une commune, ou le maire délégué, peut obtenir communication des éléments relatifs à des faits liés à des infractions terroristes ou démontrant toute forme de radicalisation issus du fichier des personnes recherchées.

Mme Nathalie Goulet.  - Les maires, officiers de police judiciaire, doivent pouvoir participer pleinement à la lutte contre le terrorisme. Il serait naturel qu'ils connaissent les personnes fichées « S » résidant dans leur commune.

Quelle est la suite donnée aux signalements des maires ? Comment les associer à la lutte contre le terrorisme après la disparition du renseignement territorial ? Je m'associe à la demande de la commission sécurité de l'AMF. Mon amendement est sans doute imparfait mais comment faire ?

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Madame Goulet, on peut tout modifier, tout détruire. Avec cet amendement, tous les maires auraient accès au fichier des personnes recherchées.

Ce fichier est avant tout un instrument de la police et de la gendarmerie, pas des maires. Le ministre de l'intérieur l'a dit à la commission des lois ce matin, il a demandé aux préfets d'informer les maires, et même d'envoyer les comptes rendus de ces réunions au ministère. Il y a aussi les comités de prévention de la délinquance. Ouvrez un tel fichier aux maires, autant le supprimer ! Ne remplaçons pas la police par l'Association des maires de France. La sécurité est une affaire régalienne. Je suis élu local depuis très longtemps, et j'y suis très attaché ; mais je suis encore plus attaché à l'État, qui est consubstantiel à la France. Ne le réduisons pas en bouillie.

Mme Nathalie Goulet.  - Merci pour cette réponse limpide ! Je vais m'empresser de la faire connaître à tous les maires qui manifestent leur inquiétude en la matière.

L'amendement n°15 rectifié ter est retiré.

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Je m'en félicite. On prête beaucoup trop à ce fichier qui n'est qu'un instrument de la police. Il a été créé en 1969 et recense 400 000 personnes. Et il n'y a pas que les fiches « S », il y a aussi les fiches « V » pour les évadés, les fiches « AL » pour les aliénés, les fiches « M » pour les mineurs recherchés, etc. Laissons la police travailler tranquillement, c'est une condition de son efficacité.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, Commeinhes, Pellevat, Huré, de Raincourt, Gilles et B. Fournier, Mme Procaccia, MM. Bizet et Laufoaulu, Mmes Duchêne et Cayeux, MM. D. Laurent, Cambon, Houel et Lefèvre, Mme Garriaud-Maylam, M. Charon, Mme Micouleau, MM. Reichardt et Pierre, Mme Hummel, M. Joyandet, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Savary, Trillard, Grand, Dufaut, Kennel, Grosdidier, Gournac, Chaize et Allizard, Mme Morhet-Richaud, M. Masclet, Mme Lamure, M. Chasseing, Mme Giudicelli, MM. Milon et Forissier, Mmes Deseyne et Estrosi Sassone, MM. Gremillet et J.P. Fournier, Mme Mélot, MM. Panunzi, Pointereau et Mayet, Mme Gruny et MM. Vaspart, Cornu, G. Bailly, Mouiller, Vasselle et Laménie.

Avant l'article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre VI du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre ...

« Partage d'informations en matière de sécurité intérieure

« Art. L. 264.  -  Le représentant de l'État dans le département, sur la base des informations transmises par les services de police ou de gendarmerie, transmet aux employeurs publics ainsi qu'aux employeurs de secteurs dits sensibles dont la liste est définie par décret en Conseil d'État la liste de ceux de leurs salariés qui font l'objet d'un signalement "fiche S". »

M. Bruno Retailleau.  - Défendu.

L'amendement n°3 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 22 demeure supprimé.

ARTICLE 23

Mme la présidente.  - Amendement n°29, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

II.  -  À la première phrase du 2° de l'article 422-3 du code pénal, les mots : « le deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « les deuxième et troisième alinéas ».

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

L'amendement n°29, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 23, modifié, est adopté.

L'article 24 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Jacques Bigot .  - Merci pour ce débat. Quoique nous soyons tous ici, ce soir, des républicains, il n'est pas toujours facile de ne pas céder aux sirènes du tout sécuritaire, de respecter les conventions internationales et nos libertés. D'autant qu'il faut répondre aux attentes de nos citoyens.

Le débat de ce soir prélude bien à la discussion à venir sur le projet de loi constitutionnelle. Nous n'en acceptons pas toutes les dispositions mais nous n'avons pas cru bon de nous y opposer, ni même de tenter de l'amender. Nous nous abstiendrons.

Mme Esther Benbassa .  - Rien sur la prévention et la réinsertion. Ces mots sont devenus tabou. Le tout répressif est devenu la seule option. Croyez-vous vraiment que des peines de quarante ans de prison incompressibles nous protègeront contre la radicalisation ?

La lutte contre le terrorisme engage toute la société, les formateurs, les éducateurs, les associations comme les forces de l'ordre. Ce texte se trompe de réponse en s'en tenant à la répression. Le groupe écologiste votera contre.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre.  - Je présenterai demain au Conseil des ministres le projet de loi dont nous aurons à débattre bientôt. Merci à vous pour vos propositions. Le Gouvernement s'en inspirera, parfois littéralement, respectueux qu'il est de l'initiative parlementaire, dans son souci de fermeté et de renforcer la sécurité.

La séance est levée à 23 h 25.

Prochaine séance, demain, mercredi 3 février, à 14 h 30.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 3 février 2016

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 30 Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : M. Serge Larcher et M. Jean-Pierre Leleux

Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain

1. Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (n° 245, 2015-2016).

Rapport de Mme Chantal Jouanno, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 268, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 269, 2015-2016).

2. Proposition de loi visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation (n° 284, 2015-2016).

Rapport de Mme Catherine Di Folco, fait au nom de la commission des lois (n° 337, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 338, 2015-2016).

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit Présidence :M. Claude Bérit-Débat, vice-président M. Hervé Marseille, vice-président

Ordre du jour réservé au groupe RDSE

3. Proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article 1er de la Constitution (n° 258, 2015-2016).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 342, 2015-2016).

Résultat des travaux de la commission (n° 343, 2015-2016).

4. Proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires (n° 3, 2015-2016).

Rapport de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois (n° 330, 2015-2016).

Résultat des travaux de la commission (n° 331, 2015-2016).