Réutilisation des informations du secteur public (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public.

Discussion générale

M. Hugues Portelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP est rapidement parvenue à un accord, la seule divergence portait sur l'interprétation à donner à l'article premier. Le Sénat considérait que les chercheurs risquaient d'être dépossédés de leurs travaux avant leur achèvement. D'où notre volonté de maintenir l'article 11 de la loi Cada. Après avoir échangé avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, le danger n'apparaissant plus aussi évident, la CMP s'est ralliée à la rédaction de l'Assemblée nationale. Cependant, soyons vigilants sur les protections offertes à nos chercheurs.

Nous reviendrons sur la question de la gratuité dans le projet de loi pour une République numérique. Attention à la spécificité du statut des collectivités territoriales d'outre-mer. Avançons petit pas par petit pas en commençant par respecter nos engagements européens. Nous aurions dû avoir transposé la directive il y a déjà six mois ! (Applaudissements)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification .  - Merci pour cet accord en CMP. M. Portelli a dit l'essentiel : nous devions éviter une surtransposition et offrir des garanties aux chercheurs sur lesquelles nous serons vigilants.

Le travail se poursuit sur la gratuité et les redevances avec le texte sur la République numérique qui a été présenté en Conseil des ministres la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Claude Requier .  - La France se situe au troisième rang mondial pour l'ouverture des données publiques, preuve que l'administration s'est ouverte, à rebours de sa tradition du secret, qui était source potentielle d'arbitraire. Que de chemin parcouru entre la loi sur l'accès aux documents administratifs du 17 juillet 1978 et celle du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs, à la création du portail data-gouv.fr ! Dernière avancée notable : la loi NOTRe, qui renforce les exigences d'information en ligne par les collectivités territoriales. L'open data, s'il renforce le droit à l'information du citoyen, inscrit à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, doit être accompagné de garde-fous clairs : respect de la vie privée, licences à visée pédagogique et accords d'exclusivité dont la durée peut atteindre dix ans. En revanche, nous n'avons pas posé de règles claires sur le montant des redevances, nous y reviendrons dans le débat sur la République numérique. Parce que ce texte libèrera la croissance, le groupe RDSE le votera unanimement.

M. Claude Kern .  - Je me réjouis que le dernier texte examiné avant les fêtes soit issu d'un accord en CMP. Trop souvent le Sénat apparaît incapable de jouer entièrement son rôle de législateur. Mais sans vouloir jouer les trouble-fêtes, je déplore le retard pris dans la transposition des directives. Si nous avons progressé avec un Conseil d'État jouant un rôle d'aiguillon, nous avons dû examiner ce morceau du projet de loi sur la République numérique pour rattraper un retard de six mois dans la transposition d'une directive.

Depuis la loi de 1978, nous n'avons cessé de progresser dans l'accès aux documents administratifs sans faire pour autant de l'administration une maison de verre. Ce texte y participera.

Le voter nous donnera une double satisfaction en cette fin d'année : une CMP réussie et le respect de nos engagements européens. (Applaudissements au centre)

M. Éric Bocquet .  - Dans ce qu'il est convenu d'appeler une société de l'information tous azimuts, on découvre enfin que le service public est créateur de valeur et d'emplois. Que ferions-nous sans les recensements de l'Insee ? La directive de juin 2013 vise le patrimoine des établissements universitaires, dont l'ouverture ne sert pas le seul partage des savoirs... Ce texte tombe à point nommé : la numérisation des données est une tâche de longue haleine, et le budget 2016 donne la priorité à l'entretien du patrimoine immatériel public. Deux écueils doivent être évités : la marchandisation des données publiques - l'article 2 nous paraît trop favorable aux opérateurs de numérisation - et l'opacité dans la fixation du niveau des redevances. En la matière, toutes les universités ne jouent pas dans la même catégorie. Nous ne voulons pas que se reproduise l'affaire du musée de l'Homme : cet établissement a dû payer des droits pour des reproductions de ses oeuvres dans le livre célébrant sa réouverture. Ce texte ne nous préserve pas d'une pure logique commerciale, c'est pourquoi le groupe CRC ne pourra pas le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je salue le travail de qualité effectué par M. Portelli, à qui nous devons un accord en CMP, ainsi que la transposition sans excès d'une directive. Je salue à cet égard la grande rigueur de M. Jean-Louis Debré qui s'emploie à la tête du Conseil constitutionnel à faire barrage aux cavaliers.

Je veux insister sur deux notions : la transparence d'abord, qui ne saurait être absolue. La communication ensuite, que d'aucuns qualifient de concept, et qui a parfois remplacé les idées - on le voit hélas en politique. Ce n'est pas de cette communication qu'il s'agit mais de partage critique des informations, indispensable au progrès du savoir et de la science. Deux limites sont posées. Les travaux en cours n'ont pas vocation à être communiqués - on ne saurait rendre public un brouillon. La réutilisation des données ne saurait faire obstacle à la propriété intellectuelle, commerciale, industrielle. Nombre de revues scientifiques sont en situation délicate...

Un mot d'une autre communication, celle faite par M. Jean-Léonce Dupont au Bureau de notre Haute Assemblée. Il propose, et je m'en réjouis, de maintenir les deux comptes rendus de séance, l'intégral et l'analytique, ce dernier étant un outil précieux, un plus considérable pour suivre l'activité du Sénat. À cela s'ajoutent d'autres initiatives pour mieux communiquer sur ce que nous faisons au Sénat.

Merci à Mme Valter pour le sérieux de son engagement en faveur de la libération des données publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, UDI-UC et Les Républicains)

Mme Corinne Bouchoux .  - Les écologistes auraient aimé un débat moins saucissonné et plus tonique sur les questions d'open data. Le mécanisme d'accès premium que nous proposons doit au moins être éprouvé. Nous avançons, monsieur Portelli, à trop petits pas !

Il aurait fallu préciser dans le texte ce qu'est un fichier réutilisable : une information qui peut être consultable mais qui n'est pas susceptible d'un traitement automatisé. La CMP a hélas coupé une partie de la définition.

L'open data n'est pas une punition. C'est une opportunité pour l'administration de mieux être comprise ; c'est une chance pour l'économie et pour la démocratie. Espérons que les fonctionnaires y seront davantage formés.

Les écologistes voteront les conclusions de la CMP comme la plupart des autres groupes, preuve qu'au Sénat, on n'est pas forcé de se disputer sur tout ! (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Hervé Marseille, vice-président

Mme Jacky Deromedi .  - Après la dématérialisation du Journal officiel, nous discutons d'un autre texte consensuel : l'ouverture des données publiques. Le texte transpose la directive du 26 juin 2013, il sera prolongé par les projets de lois République numérique et Nouvelle opportunité économique.

Les deux assemblées ont amélioré le texte dans le strict respect de la directive. Le libre accès est important pour le développement économique et culturel de notre pays. La France est déjà classée troisième pays mondial pour l'open data par une association internationale indépendante - quatrième selon l'ONU.

Sur la protection des travaux de recherche, la mise à disposition sous forme électronique, la licence facultative ou obligatoire, la CMP est parvenue à un accord après des échanges que le rapporteur de l'Assemblée nationale a qualifiés de conviviaux et fructueux. Elle a notamment suivi celle-ci en abrogeant l'article 11 de la loi Cada. Certains s'inquiètent de la charge qui en résultera pour les universités, mais l'enjeu est important et il a paru justifié de les faire rentrer dans le droit commun. Des garanties sont apportées à titre transitoire : les documents de recherche inachevés ne seront ni communicables ni réutilisables ; et les informations sur lesquelles les établissements de recherche détiennent un droit de propriété industrielle ne seront communicables qu'aux intéressés pour protéger le secret commercial et industriel.

La version du Sénat a été retenue sur la limitation à dix ans de la durée des accords d'exclusivité, sauf pour les besoins de la numérisation culturelle. La possibilité d'établir des licences dans le cas où la réutilisation se fait à titre gratuit est une avancée.

Le groupe Les Républicains votera ce texte, utile au rayonnement de la France dans le monde ; il fait avancer notre pays dans la voie de la modernité. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Prochaine séance, mardi 12 janvier 2016 à 14 h 30.

La séance est levée à 12 h 35.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques