Révision des condamnations pénales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive (demande du groupe RDSE).

Discussion générale

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette proposition de loi entend améliorer la procédure de révision des condamnations pénales ; elle a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, sans doute inspirée par La Bruyère qui disait : « Un coupable puni est un exemple pour la canaille ; un condamné innocent est le problème de tous les honnêtes gens ».

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Vive La Bruyère !

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Nous avons tous en tête le combat de Voltaire pour réhabiliter Jean Calas, celui de Zola pour le capitaine Dreyfus. La lutte contre l'erreur judiciaire, obsession des honnêtes gens comme des philosophes, a connu des moments forts. La procédure de révision existe depuis l'Ancien Régime, et elle trouve sa source dans l'ordonnance criminelle de 1670. Elle fut brièvement supprimée par la Révolution, qui croyait à l'infaillibilité de la justice populaire ; elle fut rétablie moins d'un an après par la Convention puis introduite dans le code de l'instruction criminelle en 1808. Une loi de 1867 puis une autre de 1895, après l'affaire Dreyfus, l'ont approfondie, cette dernière reconnaissant la nécessité de prendre en considération les faits et éléments nouveaux inconnus au moment de la condamnation. La dernière en date, celle défendue par M. Sapin en 1989, a judiciarisé entièrement la procédure. Il suffit que le fait nouveau ou la pièce nouvelle fasse naître un doute, alors qu'auparavant ils devaient établir l'innocence du condamné.

Le sujet est difficile car il faut concilier le souci constant de la vérité et l'autorité de la chose jugée. S'il est important d'éviter qu'un innocent soit condamné, il est non moins important, dans l'intérêt du corps social, de la victime et de l'auteur qu'un terme soit mis au procès pénal. Une fois toutes les voies de recours épuisées, il a une fonction d'apaisement de la société.

Il a fallu trouver un chemin entre ces deux contraintes. Il est rocailleux et difficile, d'autant que la vérité judiciaire n'est pas nécessairement « la » vérité. L'homme n'est pas infaillible, qu'il juge en robe ou soit juré populaire. Notre droit d'ailleurs lui-même pose le principe de l'intime conviction. Ce qui impose d'ouvrir des voies de révision, afin de corriger des condamnations prononcées à tort.

Parmi les dispositions majeures de cette proposition de loi, l'une garantit en amont la possibilité de la révision. Depuis des années, la Cour de cassation déplore la destruction des scellés qui auraient pu être utiles à la Cour de révision. Le Sénat le sait, qui s'est soucié de la conservation des scellés à bon escient. La proposition de loi transmise au Sénat prévoyait une destruction limitée, afin que le système de conservation des scellés soit équilibré, sous l'arbitrage de la chambre de l'instruction. Votre commission des lois a adopté un amendement qui élargit le champ de la demande de conservation. Nous en débattrons tout à l'heure.

En tant que garde des sceaux, je suis en charge du bon fonctionnement des juridictions. La prolongation du délai de conservation a un coût pour celles-ci. En l'absence d'étude d'impact, s'agissant d'une proposition de loi, j'ai demandé à la Direction des services judiciaires de l'évaluer. Dans 28 TGI et 22 cours d'appel, il est apparu que seules 41 % des décisions de destruction de scellés dans les TGI et 65 % dans les cours d'appel respectent strictement les termes de la circulaire en vigueur. Je suis prête à assumer ce coût : il faudrait 160 mètres carrés supplémentaires sur dix ans, six magistrats et une quinzaine de fonctionnaires supplémentaires. Nous y ferons face, compte tenu de l'importance de la conservation des scellés sur les procédures de révision. Le coût pourra être compensé par la dématérialisation de certains scellés et l'amélioration des procédures de vente de certains autres, en matière correctionnelle, ou n'étant plus nécessaires à la manifestation de la vérité. En rationalisant ainsi les choses, nous réaliserons des économies.

La décision sur QPC du Conseil constitutionnel du 11 avril a supprimé une disposition du code de procédure pénale autorisant les procureurs à décider la suppression de scellés, au motif de l'absence de voie de recours. J'en ai tenu compte en présentant un amendement à l'Assemblée nationale lors de l'examen du texte sur la modernisation du droit. Je souhaite plein succès à la CMP qui en débattra...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ne remuez pas le fer dans la plaie ! (Sourires)

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Je ne doute pas que les points de vue finiront pas converger.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous travaillons sous l'ombre de Portalis.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Il exerçait sous Bonaparte consul à vie... Depuis, la démocratie a progressé.

Il fallait aussi estimer l'impact de l'enregistrement systématique des audiences. Nous y reviendrons.

Vous n'avez pas voulu du « moindre doute », pour des motifs que tout législateur peut entendre, ceux d'une écriture la plus simple, la plus acérée possible. C'est pour vous une question d'orthodoxie légistique. Comprenez néanmoins les raisons pour lesquelles cette formulation a été retenue par les auteurs de la proposition de loi. Entre 1989 et 2013, on n'a compté, sur 3 500 saisines en révision, que neuf annulations de condamnations criminelles et 43 en correctionnelle. Si l'on n'insiste pas sur le fait que le doute doit permettre l'instruction de la requête en révision, les résultats risquent d'être peu probants. L'Assemblée nationale, en 1990, avait adopté l'expression doute « sérieux », épithète que M. Dreyfus-Schmidt avait fait supprimer au Sénat. Je connais votre aversion pour ces adjectifs...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Oui.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Faut-il préciser l'importance, la profondeur, l'intensité du doute ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela est inclus dans le mot « doute ».

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Ce texte crée une juridiction au sein de la Cour de cassation, composée de dix-huit magistrats - dont cinq qui seront membres de la commission de révision - chargée de la révision et du réexamen. La commission sera en capacité d'instruire dans les deux cas.

Ce texte permet à la personne condamnée, avant de saisir la commission, de demander des investigations supplémentaires, ce qui met sur le même pied les personnes démunies et celles disposant de davantage de moyens, y compris médiatiques. Le ministère obligatoire d'un avocat assurera aux personnes qui veulent mettre en cause une condamnation qu'elles seront mieux défendues.

La noblesse et la grandeur de la justice, c'est l'autorité ; elle trouve plus de grandeur encore en admettant sa faillibilité et en donnant à la société, aux citoyens des moyens de recours. En faisant cela, nous renforçons la démocratie. Zola, dans sa Lettre à la jeunesse, explique comment l'erreur judiciaire interpelle les consciences qui, une fois interpelées, se mettent en marche pour que justice soit rétablie. Tel est le sens de ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur de la commission des lois .  - La procédure pénale est le rempart de la liberté des citoyens. C'est là que les valeurs de la République trouvent leur vérité la plus éclatante. « La vérité est en marche, rien ne l'arrêtera » écrivait Émile Zola en 1898. Je salue le travail exceptionnel des députés Alain Tourret et Georges Fenech, auteurs de la proposition de loi.

Une décision de justice est revêtue de l'autorité de la chose jugée, quand toutes les voies de recours ont été épuisées dans les délais prévus par la loi. C'est une exigence de sécurité, d'autant plus grande en matière criminelle. Il arrive toutefois qu'une erreur de fait conduise à la condamnation d'un innocent ; c'est une injustice insupportable. D'où l'existence d'une procédure exceptionnelle, celle de la révision.

En 1895, le législateur essaie de couvrir en principe toutes les hypothèses : c'est le fameux « fait nouveau ou élément inconnu au jour du procès de nature à établir l'innocence du condamné ». L'affaire Mis et Thiennot a conduit Robert Badinter à proposer un nouveau projet de loi en 1983 qui n'aboutit pas. C'est M. Sapin qui portera la loi du 23 juin 1989, assurant la judiciarisation complète de la procédure et substituant à la certitude de l'innocence le doute sur la culpabilité. Enfin, en 2000, le Parlement a introduit une procédure de réexamen d'une décision pénale à la suite d'un arrêt de la CEDH.

La loi de 1989 n'a pas conduit à une augmentation significative du taux de succès des recours en révision ; depuis cette date, seules 2,65 % des demandes sont parvenues à la Cour de révision, 84 sur 3 358 ; et la Cour a procédé à l'annulation de 52 condamnations pénales, dont neuf en matière criminelle. C'est dire qu'elle ne fait pas souvent droit aux pourvois pourtant déjà passés par le filtre de la commission de révision...

La commission des lois a approuvé les grands axes de cette réforme, tout en procédant à quelques modifications importantes.

Elle n'a pas modifié les premiers articles qui concernent les moyens matériels, conservation des scellés et enregistrement des audiences. L'article 3 constitue le coeur de la réforme : il instaure une instance unique de révision et de réexamen.

La commission des lois a adopté un amendement permettant au président de la commission d'instruction de statuer par ordonnance pour rejeter les demandes en réexamen ou les renvoyer immédiatement à la cour de révision et de réexamen.

La deuxième modification importante concerne la composition de la cour, qui serait composée de dix-huit magistrats, à raison de trois pour chaque chambre de la Cour de cassation ; le président de la chambre criminelle serait président de la cour et de la formation de jugement. Cinq de ces magistrats désignés en son sein composeraient la commission d'instruction. Cette formule assurerait une plus grande diversité de vues.

Latroisième modification importante concerne l'appréciation du doute que fait naître le fait nouveau ou l'élément inconnu au jour du procès. Nous proposons de transférer entièrement à la formation de jugement de la Cour de révision l'appréciation de ce doute, aujourd'hui également examinée par la commission de révision

La notion de « moindre doute » pose davantage de difficulté. Si la chambre criminelle s'est plusieurs fois fondée sur la notion de « doute sérieux », c'était pour assouplir l'examen de la requête. En outre, l'appréciation de la Cour de révision a varié selon que de nouveaux débats devant une autre juridiction étaient possibles ou ne l'étaient plus. Il est inutile enfin de qualifier le doute. Les magistrats cherchent à établir si le fait nouveau ou l'élément inconnu est susceptible ou non de remettre en cause l'édifice intellectuel qui a mené à la condamnation. L'adjectif « moindre » n'aura aucun effet. L'adjectif, disait le doyen Carbonnier, est « l'acné du style juridique »... Le doute ne se divise pas.

La commission des lois a d'autre part supprimé les trois derniers cas d'ouverture ; reflets de l'histoire, ils sont tous contenus dans le premier et ils renvoient tous à un fait nouveau. Magistrats et praticiens ont été unanimes.

Il n'est pas illogique que le parquet puisse provoquer une révision. Les possibilités de recours sont élargies au concubin ou à la personne liée au condamné par un pacs.

La commission a adopté un amendement pour préciser que les mesures d'investigations qui peuvent être effectuées par la cour ou la commission d'instruction sont celles correspondant aux prérogatives du juge d'instruction, à l'exclusion de la mise en examen, de la garde à vue et de l'audition libre. Elle a précisé les conséquences de la saisine du procureur de la République lorsqu'il apparaît qu'un tiers pourrait être impliqué dans la commission des faits.

Danny Leprince avait été libéré par la commission de révision puis réincarcéré après que sa demande en révision avait été rejetée par la Cour ; la commission des lois a prévu que toute demande de suspension de l'exécution de la condamnation sera examinée par la chambre criminelle.

Nous avons enfin revu le plan de l'article 3, qui manquait de cohérence à l'issue du vote de l'Assemblée nationale.

Aucun amendement n'a été déposé demandant la révision d'une décision d'acquittement - disposition qu'avait proposée Georges Fenech. Le principe non bis in idem est inscrit au protocole n°7 additionnel à la Cour européenne des droits de l'homme. Et, comme l'écrivait Blackstone, « mieux vaut dix coupables en liberté qu'un innocent en prison ». Qui aurait l'audace de déclarer, comme Moro Giafferi : « je ne connais comme erreurs judiciaires que les acquittements que j'ai obtenus »...

La société n'est pas parfaite. Une erreur judiciaire, douloureuse, est toujours possible. Toutefois, notre justice n'a pas à en rougir. L'émotion suscitée par certaines affaires ne saurait faire oublier que notre République aura avantageusement supporté toutes les comparaisons en la matière avec les pays ayant adhéré à la Convention des droits de l'homme. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - L'erreur judiciaire est l'une des plus grandes questions posées à la conscience. Il existe un double degré de juridiction, une Cour de cassation. Toutefois l'erreur est humaine et fait partie de l'histoire. Je remercie chaleureusement M. Tourret, député, qui a déposé cette proposition de loi et M. Alfonsi qui a accompli avec une grande conviction un travail considérable, minutieux, détaillé.

Le premier mérite de ce texte est de créer une juridiction unique. Le réexamen est dû à des décisions de justice, notamment celles de la CEDH. Il fallait inscrire dans la loi la définition et la constitution de cette juridiction unique. Des avocats ont évoqué « la composition aléatoire de la Cour de révision ». La CEDH a établi que les organes de justice relèvent de la décision du législateur.

Cinq magistrats chargés de l'instruction examineront la seule recevabilité objective. Seule la formation de jugement jugera.

Grâce à votre initiative, monsieur le rapporteur, si vous êtes suivi, ce que j'espère, elle sera présidée par le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il y a eu un débat. Mais cela apparaît juste et logique. Les trois puis quatre motifs traditionnels de révision seront réduits à un seul. Le cas de l'homicide, la victime supposée étant toujours vivante, relève pour l'heure de la littérature, pas de la réalité judiciaire. Le nouveau jugement qui aurait pour effet de condamner une autre personne pour le même fait, c'est un élément nouveau. De même pour le faux témoignage. C'est pourquoi vous nous proposez de simplifier en ne visant que le fait nouveau, en vous en tenant à ce que le législateur écrivait en 1989, « de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné ».

L'élargissement des requérants possibles, des petits-enfants aux personnes pacsées ou concubins, l'approfondissement du droit à la parole des parties, l'intervention de la partie civile, la présence de l'avocat sont d'autres améliorations notables.

Nous reviendrons sur la conservation des scellés et sur l'enregistrement sonore des débats.

Sur les pouvoirs d'investigation de la Cour de révision et de réexamen, M. Alfonsi propose avec sagesse que les actes coercitifs relèvent du parquet.

Enfin, autre véritable amélioration du texte : pour éviter qu'un acteur juge deux fois la même affaire, la chambre criminelle de la Cour de cassation aura seule le pouvoir de décider une suspension.

Je ne peux terminer cette intervention sans quelques menus propos sur les adjectifs.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Nous n'attendions que cela !

Mme Cécile Cukierman.  - Avec impatience.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je sais que vous les attendez ! Il y a une semaine, des députés voulaient qualifier l'égalité entre les femmes et les hommes de « réelle » ; naguère, d'aucuns voulaient une laïcité « positive ». Ajouter des adjectifs à notre chère devise « Liberté, égalité, fraternité », pour lui donner force ? Non pas. Michel Dreyfus-Schmidt avait le pouvoir, l'énergie, la force d'arguments de faire durer les jours et les nuits de séance. Il a chassé l'adjectif « sérieux ». La langue française est ainsi faite que lorsque l'on dit « sans doute », c'est qu'il y a un doute, « certainement », que ce n'est guère certain, « sérieusement », que ce n'est pas sérieux...

Mme Cécile Cukierman.  - Ce sont des adverbes !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Certes !

Le doute se suffit à lui-même ; dès lors qu'il est là, si petit soit-il, la révision se justifie.

Un grand merci encore à M. Tourret et à notre rapporteur. (Applaudissements à gauche)

Mme Hélène Lipietz .  - Comme toujours, ou comme très souvent, nous pouvons saluer l'apport des propositions de loi à nos lois et les améliorations apportées par notre commission des lois. Ce texte fait oeuvre de justice, de belle justice. Le juge est humain ; la justice est idéale, rendons-la humaine en posant des garde-fous.

On a toujours aspiré à une justice idéale, qu'elle vienne des dieux, des ordalies ou des ordonnances. Il ne suffit pas d'abolir la torture et la peine de mort, il faut autoriser la révision d'une condamnation. C'est l'utile parapet de la justice.

Malgré les efforts accomplis depuis 1989, notre procédure est archaïque. Le doute doit profiter au condamné, voilà l'apport de cette proposition de loi qui améliore, c'est essentiel, la conservation des scellés et des débats judiciaires grâce à l'enregistrement. Enfin, nous aurons désormais inscrit dans notre droit une procédure de réexamen.

Reste à ce que ces nouvelles procédures soient efficaces. Nous comptons sur vous, madame la garde des sceaux, pour rappeler que l'intime conviction ne ressort pas de la lubie ; elle est une motivation couchée sur le papier.

Je profite de cet instant pour vous dire au revoir. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous vous regretterons.

Mme Hélène Lipietz.  - Nos oppositions politiques, lorsque nous les utilisons en faisant preuve d'intelligence collective, font honneur au travail parlementaire. Je vous remercie pour votre écoute, votre accueil et votre dévouement à la chose publique, à notre république et à notre démocratie. (Applaudissements)

M. Jean-Jacques Hyest .  - Autorisez un Seine-et-Marnais à saluer Mme Lipietz...

M. Henri de Raincourt.  - Elle est Icaunaise ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest.  - ... qui a beaucoup animé les discussions de la commission des lois. Son activité parlementaire a peut-être été brève mais elle a été dense...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest.  - D'autres, qui sont restés longtemps, n'ont pas été aussi actifs.

MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Claude Lenoir.  - Des noms ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest.  - On cite souvent les travaux de M. Tourret sur la révision pénale, n'oublions pas M. Fenech même s'il n'est pas de la majorité. Notre cadre actuel ressort de la loi de 1989 ; depuis lors, très peu de demandes ont abouti. Il ne faut pas s'en offusquer, c'est la preuve du bon fonctionnement de notre justice. Il demeure que quelques cas, d'ailleurs très médiatisés, méritent un réexamen. Il fut un temps où la révision d'une décision d'assises n'existait pas ; eh oui ! Mme Lipietz l'a dit : mieux la décision sera motivée, plus on écartera le risque d'erreur judiciaire.

Ce texte unifie les procédures, la commission des lois a introduit de la souplesse. La conservation des scellés a un coût, c'est vrai. Les progrès de la science nous livreront-ils de nouveaux éléments à partir des scellés ? Je ne suis pas certain qu'il faille en attendre beaucoup. (M. Jacques Mézard acquiesce) Cela dit, l'affaire est importante.

Ce qui fait débat est le fameux « doute sérieux » - Michel Dreyfus-Schmidt disait, en substance, il y a doute ou il n'y a pas doute ; inutile de le qualifier de sérieux. D'où la proposition des députés de « moindre » doute dont le Sénat ne veut pas davantage. La jurisprudence de la Cour de révision affinera les choses.

Après les travaux de l'Assemblée nationale et de notre commission des lois, je ne doute pas que cette proposition de loi suscitera l'adhésion du Sénat, en tout cas elle emporte celle du groupe UMP. (Applaudissements)

M. François Zocchetto .  - La procédure de révision reste d'une rareté extrême : neuf demandes de révision ont abouti depuis la loi de 1989. On peut s'en féliciter, mais n'y aurait-il eu que neuf erreurs judiciaires en un quart de siècle ?

C'est que les obstacles sont nombreux... La loi de 1989 avait considérablement amélioré la situation en judiciarisant intégralement la procédure. En réalité, depuis les années 1800, le champ de la révision n'a cessé de s'élargir. Je salue à mon tour le travail de qualité des députés Alain Tourret et Georges Fenech. Délicat équilibre qui est celui entre souci de la vérité et autorité de la chose jugée. Celle-ci, garante de l'ordre public dans un État de droit, ne peut être invoquée contre une demande de révision car il n'est pas de pire injustice que la condamnation d'un innocent. Il y va de la confiance de nos concitoyens en notre système judiciaire.

Ce texte a le grand mérite de créer une juridiction unique de révision et de réexamen. Au lieu de trois organes coexistants jusqu'à présent, elle sera composée de deux formations afin de séparer clairement la phase de l'instruction de celle du jugement. Je salue le travail pertinent de M. Alfonsi. Notre commission des lois a adopté sans difficulté nombre de ses propositions.

À mon tour de revenir sur la notion de « moindre doute ». Il fallait la supprimer. En matière pénale, l'alternative est claire : soit il y a doute, soit il n'y a pas doute.

Le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi nécessaire. J'espère que le texte définitivement adopté par le Parlement reprendra les apports du Sénat.

Mme Cécile Cukierman .  - L'infaillibilité n'est pas dans la nature humaine. C'est pourquoi il est bon de prévoir des procédures de révision, tout en les encadrant afin de ne pas fragiliser le principe de l'autorité de la chose jugée. L'équilibre est délicat. Cette proposition de loi l'a trouvé. Il fallait revoir notre procédure de révision trop ancienne. Le groupe CRC approuve ce texte qui sera encore amélioré en séance.

En commission, nous avons longuement débattu de la suppression de la qualification du doute pour finir, et avec raison, par supprimer l'adjectif. Dans quelques instants, nous parlerons de l'ouverture d'une voie de recours supplémentaire.

En attendant, le groupe CRC réaffirme son soutien à ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. René Vandierendonck .  - La procédure de révision a été revue à six reprises depuis Louis XIV. C'est que la voie est étroite entre respect de la chose jugée et réparation de l'injustice, sans créer un troisième degré de juridiction. Il revient à la commission des lois de l'Assemblée nationale d'avoir confié une mission sur la révision en juillet 2013 à deux députés de sensibilités politiques différentes, l'avocat Alain Tourret et le magistrat Georges Fenech. Les statistiques parlent d'elles-mêmes : 84 demandes sur 3 358 ont été transmises à la Cour de révision, neuf condamnations criminelles révisées seulement. Mesurons l'angle mort : avant l'introduction de l'appel aux assises, entre 2003 et 2005, sur 1 262 condamnations, 64 acquittements en appel !

Je salue les apports de la commission des lois. Morceau de bravoure : le problème de l'appréciation du doute. Notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt avait obtenu la suppression de la qualification du doute. Je me suis retourné vers les travaux de l'Assemblée nationale. M. Tourret s'interroge : « Quel doute pour quel fait nouveau ? » Faut-il le qualifier de sérieux ou de raisonnable ? « Nous n'avons pu que constater, ajoute-t-il, que la jurisprudence, ne tenant pas compte de la volonté du législateur, s'appliquait toujours à imposer un doute sérieux, quand elle n'imposait pas à l'accusé de dire qui était le vrai coupable... ». Il conclut en affirmant qu'il faut retenir la notion de « moindre doute », sans quoi les demandes seront refusées.

Je préfère suivre notre rapporteur, nos débats seront suffisamment clairs, notre confiance dans la Cour de cassation fera le reste. La clarification des attributions de la commission d'instruction évitera les doublons et « l'autocensure » évoquée par Mme Anziani, ancienne présidente de la commission de révision, lors de son audition.

Sur les scellés ; M. Michel, qui a dû rentrer dans sa circonscription, sera très satisfait des progrès accomplis par ce texte, même si ce dernier ne concerne que les scellés criminels.

Après le progrès colossal de l'appel en assises, l'enregistrement systématique des audiences, qui n'a l'air de rien, sera un grand pas.

Enfin, nous donnerons vie à la loi de 1989 qui substitue à la certitude absolue de l'innocence le doute sur la culpabilité.

Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard .  - L'erreur est humaine, tout comme la justice ; le reconnaître l'est moins et la justice ne fait pas exception. L'innocence bafouée, c'est la destruction d'une vie, de ses proches noyés dans une procédure parfois kafkaïenne. Le législateur a dû la combattre au gré d'affaires très médiatisées, de l'affaire du Courrier de Lyon qui a amené la loi du 9 juin 1867 qui a instauré la révision après décès et la révision sans renvoi, aux affaires Borras et Vaulx qui furent à l'origine de la loi du 8 juin 1895 qui permit la révision pour fait nouveau et au condamné innocenté de demander réparation à l'État. Plus proche de nous, l'affaire Seznec a donné lieu à la réforme de 1989 qui a élargi l'ouverture au « doute sur la culpabilité du condamné ». La procédure inquisitoire, mieux que la procédure accusatoire des Anglo-Saxons, nous protège contre l'erreur judiciaire. Parce que, disait François Mauriac, « la civilisation d'un peuple se mesure à sa justice », je salue le travail de MM. Tourret de Fenech. En ces temps où le nombre fait la loi, ce texte n'est pas de circonstance ; il est de réflexion. Je remercie aussi M. Alfonsi, il est la quintessence de l'intelligence parlementaire. (On applaudit)

M. Jean-Michel Baylet.  - Bravo !

M. Jacques Mézard.  - Qui ne se souvient de l'affaire qui dura de 1986 à 2002 ? La création d'une cour unique, le renforcement du droit des requérants, l'élargissement du nombre de requérants garantiront l'efficacité de notre justice, si forte et si faible à la fois.

Le groupe RDSE votera sans réserve ce texte, qui a été déposé par un radical de gauche et qu'il a voulu inscrire dans son ordre du jour réservé. (Applaudissements à gauche)

M. Richard Tuheiava .  - Notre procédure de révision s'est parfois révélée inadaptée... Le risque de l'erreur judiciaire est aussi minime qu'insupportable.

Vous connaissez tous l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; peut-être moins l'histoire du fondateur du nationalisme polynésien arrêté en 1958, élu sénateur à son retour d'exil forcé entre 1971 et 1977. Le seul sénateur pour lequel la Chancellerie ait été saisie d'une demande de révision, accueillie par l'unanimité de la classe politique polynésienne.

Le secret-défense peut faire obstacle à la manifestation de la vérité. D'où un amendement à l'article 3. Je proposerai également d'autoriser les ayants droit de la troisième génération à déposer une demande de recours.

Je voterai ce texte. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Après l'article 41-5 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41-6 ainsi rédigé : 

II.  -  Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

Par dérogation aux alinéas précédents

par les mots :

Art. 41-6.  -  Par dérogation aux articles 41-4 et 41-5

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Amendement de coordination, entre la présente proposition de loi et le projet de loi de modernisation et de simplification du droit et des procédures sur les scellés. Il tire les conséquences de la décision QPC du Conseil constitutionnel du 11 avril 2014 qui a abrogé le dernier alinéa de l'article 41-4 permettant la destruction par le parquet des objets dangereux ou illicites.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Amendement de coordination et ... d'anticipation. Avis favorable.

L'amendement n°20 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

cour d'assises,

insérer les mots :

ou par un tribunal correctionnel pour un délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement,

M. René Vandierendonck.  - Cet amendement étend aux délits punis d'une peine d'emprisonnement - très lourde - de sept ans et plus, la procédure dérogatoire de conservation des scellés. Le processus de correctionnalisation l'exige. Quelle est la position de la garde des sceaux ?

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis favorable de la commission des lois. J'y étais personnellement opposé. Je comprends votre préoccupation, mais songez aux problèmes posés pour l'administration de la justice.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Nous comprenons aussi votre préoccupation. Sur le principe, il est difficile d'admettre l'hypothèse d'une peine aussi lourde prononcée en correctionnelle. La catégorie de délits que vous visez concerne quelque 50 000 condamnations annuelles. Argument paradoxal, face à notre volonté de faciliter la révision, j'en conviens. Je vous propose non pas un retrait sec, mais un retrait pour encourager le travail en cours, tendant à rationaliser la gestion des scellés. Avec la proposition de loi de Jean-Pierre Michel, ce travail se poursuivra. Nous ne pouvons ignorer les effets d'une telle mesure.

L'amendement n°3 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et la partie civile

M. René Vandierendonck.  - La partie civile doit être consultée sur la conservation des scellés. Des personnes condamnées pourront avoir intérêt à la destruction des scellés. Le parquet, en charge des scellés, n'a pas toujours la connaissance la plus poussée du dossier.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - La commission a donné un avis défavorable. Le parallélisme des formes ne tient pas ; la partie civile est étrangère au procès en révision, les condamnations définitives étant intervenues. Imaginer qu'un condamné aurait intérêt à la destruction des scellés ? C'est aller trop loin.

Le procureur peut demander l'autorisation de détruire les scellés. N'accumulons pas des tâches qui pèseraient sur les services judiciaires et les parquets.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Même avis. Il s'agit d'une personne condamnée. Notre politique d'aide et d'accompagnement des victimes, car celles-ci ont des droits, sera renforcée par le projet de loi de procédure pénale.

J'ai décidé récemment d'expérimenter des dispositions intéressantes d'une directive européenne, sur l'accompagnement individualisé des victimes.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 2, deuxième phrase

Supprimer le mot :

éventuelle

Mme Hélène Lipietz.  - Sus aux adjectifs inutiles ! Amendement de bon sens.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°5 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 2, troisième phrase

Après le mot : 

saisit

insérer les mots :

, dans un délai d'un mois,

Mme Hélène Lipietz.  - Amendement de précision, pour limiter dans le temps la possibilité pour le procureur de saisir la chambre de l'instruction.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable. Votre amendement raccourcit le délai imparti aux procureurs, au nom d'un parallélisme qui n'existe pas. Ne leur imposons pas un délai aussi court.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°6 est retiré.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

2°  À la seconde phrase du quatrième alinéa, les mots : « devant la commission de révision de la Cour de cassation, devant la Cour de cassation » sont remplacés par les mots : « devant la cour de révision et de réexamen » ;

II.  -  Alinéa 5

Remplacer la référence :

626-5

par la référence :

622-2

L'amendement rédactionnel n°16, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Tuheiava.

Alinéa 6

Après le mot :

condamné

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, à faire naître un doute sur sa culpabilité ou à remettre en question le caractère indépendant et impartial de la juridiction ayant prononcé la condamnation.

M. Richard Tuheiava.  - Il s'agit de conformer le droit national en matière de révision des condamnations pénales aux dispositions internationales issues de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales. L'article 6-1 de ladite convention consacre le droit de tout individu à être jugé par un tribunal indépendant et impartial.

Dans certains cas, l'indépendance de la juridiction ayant prononcé la décision de condamnation, souffre d'une contestation sérieuse s'appuyant sur des pièces et écrits couverts par le secret-défense, établissant un lien direct entre une volonté politique d'époque et le sort pénal d'un justiciable. 

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission des lois n'est pas insensible aux éléments qui vous préoccupent, mais cet amendement perturberait l'équilibre du texte. Ne faisons pas remonter tout ce qui est mal jugé.

Nous sommes soucieux de trouver des solutions au douloureux problème que vous évoquez, peut-être Mme la garde des sceaux peut-elle y réfléchir.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Oui, nous comprenons votre intention, mais nous traitons de sujets de nature différente. Ne confondons pas éléments de fait et de droit. Les procédures de recours sont limitées dans le temps. Le pourvoi en cassation ou le recours à la CEDH permet de mettre en cause l'impartialité de la juridiction. Continuons à y travailler. Cela ne concerne pas de nombreuses procédures, ce sera chaque fois très douloureux, je suis soucieuse d'apporter des réponses efficaces.

L'amendement n°1 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 7, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le réexamen peut être demandé dans un délai d'un an à compter de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme.

II.  -  Alinéa 30, seconde phrase

Remplacer les mots :

au premier alinéa de l'article 622-3

par les mots :

à l'article 622-1

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Cet amendement corrige une omission dans le texte de la commission.

L'amendement n°15, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

ses enfants, ses parents, ses petits-enfants

par les mots :

ses parents, ses descendants ou alliés en ligne directe ou indirecte

Mme Hélène Lipietz.  - Nous élargissons le champ des personnes susceptibles de demander la révision du procès, afin que la mémoire des morts soit lavée de l'infamie d'une condamnation injustifiée.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Tuheiava.

Alinéa 12

Après le mot :

petits-enfants

insérer les mots :

ou arrière-petits-enfants,

M. Richard Tuheiava.  - Cet amendement, dans le même sens que le précédent, préserve les intérêts moraux et patrimoniaux des ayants droit au troisième degré d'une personne condamnée à tort. Il existe des cas dans lesquels les faits nouveaux n'ont pu être découverts qu'à l'occasion de l'accès à des fonds d'archives officielles, voire classées secret-défense. Or l'accès à des documents secret-défense n'est autorisé qu'au moyen d'une dérogation du Gouvernement ou au terme d'un délai légal dépassant au moins deux degrés de descendance.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable à ces deux amendements inspirés par des préoccupations différentes. Le texte autorise les enfants, petits-enfants, conjoints, partenaires liés par un pacs, concubins... à déposer une demande de révision. N'allons pas plus loin !

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Ces deux amendements visent en effet le même objet. Votre amendement, madame Lipietz, est plus large : avis défavorable. Le procès pénal doit, à un moment, prendre fin, pour la société elle-même. Une contestation de condamnation doit bénéficier d'instruments et de temps plus importants que d'autres recours. Mais n'allons pas permettre aux arrière-arrières petits-fils de le faire. On peut laver une mémoire par d'autres voies, celle de la recherche historique par exemple.

Avis favorable à votre amendement, monsieur Tuheiava, pour les arrière-arrières petits-enfants. Seule une procédure judiciaire peut établir l'erreur judiciaire. Voyez l'affaire Seznec. Il y a des archives inaccessibles. Il y a le temps de la mémoire, le temps de l'affect, le temps de l'action. Les arrière-petits-enfants pourront sortir de la dimension affective et agir.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

L'amendement n°2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 18, première phrase

Remplacer le mot :

dix-sept

par le mot :

dix-huit

Mme Hélène Lipietz.  - Cet amendement rétablit le parallélisme entre le nombre de membres de la formation de jugement et les suppléants.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Votre amendement est satisfait : dix-huit magistrats. Quel est le problème ? Retrait sinon défavorable.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Même avis. Il serait démagogique de vous dire oui pour vous être agréable avant votre départ.

M. Jean-Jacques Hyest et M. René Garrec.  - Il reste cinq amendements !

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Maintenons le texte actuel.

L'amendement n°14 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 26

Au début, insérer les mots :

Sans préjudice de l'examen au fond,

Mme Hélène Lipietz.  - Souvent, dans la procédure de révision, la première marche est la plus difficile à franchir : tous les rapports l'ont établi. L'admission à la procédure ne doit pas être rejetée pour « absence d'éléments sérieux » ou autres motifs qui ont pour effet de clore la discussion avant qu'elle ne s'engage.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable. Lorsque la demande est irrecevable, le président de la commission d'admission peut la rejeter par ordonnance. Votre amendement risque d'introduire de la confusion. Le fond ne peut être apprécié que dans un deuxième temps, par la commission d'instruction.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Vous évoquez des rapports que je n'ai pas retrouvés, juste un avis émis par des auxiliaires de justice. Je vous invite à retirer votre amendement qui n'améliore pas le texte.

Mme Hélène Lipietz.  - Je le maintiens.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 27

Remplacer les mots :

une infraction

par les mots :

l'infraction ayant conduit à la condamnation dont la révision ou le réexamen est demandé

Mme Hélène Lipietz.  - Cet amendement précise l'exception introduite par cet alinéa.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission des lois a été perplexe devant votre amendement. Dans l'hypothèse où il y a un suspect, le texte renvoie au procureur de la République. La commission de l'instruction ne peut pas s'instaurer en un troisième degré de juridiction, procéder à des actes tels que des gardes à vue, etc. Quels scénarios envisagez-vous ? Un faux témoignage ?

Quel est l'avis du Gouvernement ? N'allons pas trop loin dans les pouvoirs d'investigation de la commission d'instruction.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absolument.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Oui, vous avez raison : le sujet mérite d'être examiné avec précision. La réécriture du texte par la commission des lois a évité un mélange des genres préjudiciable à tout le monde. Votre amendement est d'une autre nature, madame Lipietz. Il s'agirait d'entendre une personne pouvant apporter des éléments tendant à éclaircir la possibilité d'une révision. Le Gouvernement y est plutôt favorable. Il est bon que la commission puisse entendre une telle personne, cela accélèrerait les choses.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Je demeure perplexe.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Il s'agit de condamnations lourdes...

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

Alinéa 46

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

La cour de révision et de réexamen peut également ordonner la suppression des mentions figurant dans les fichiers de police judiciaire, dans le fichier automatisé des empreintes digitales, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques et dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, si, compte tenu de la finalité de ces fichiers, la conservation de ces données n'apparaît plus nécessaire. Dans le cas prévu par le cinquième alinéa du présent article, la suppression de ces mentions est obligatoirement ordonnée.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - Certains fichiers de police judiciaire ou les fichiers d'empreintes peuvent ne pas être effacés par la décision de la commission.

L'innocence de l'accusé peut être si évidente à la suite de la procédure de révision que l'inscription dans ces fichiers ne se justifie plus. Il convient donc que la cour de révision, en cas d'annulation de la condamnation, puisse décider d'ordonner la suppression des mentions figurant dans ces différents fichiers.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°19 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 65, première phrase

Supprimer le mot :

son

Mme Hélène Lipietz.  - Amendement purement rédactionnel.

L'amendement n°9 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

I.- Alinéa 65, première phrase

Supprimer les mots :

la partie civile,

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Hélène Lipietz.  - La procédure de révision entraîne des frais pour l'État. Ce dernier peut ensuite se retourner contre les parties. C'est dangereux : des victimes peuvent s'être portées parties civiles de bonne fois en croyant reconnaître un agresseur ou un assassin.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

I.- Alinéa 65, première phrase

1° Après le mot :

dénonciateur

insérer les mots :

calomnieux ou mensonger

2° Après le mot :

témoin

insérer les mots :

ou la personne qui s'est rendue coupable de l'infraction mentionnée à l'article 434-11 du code pénal,

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Hélène Lipietz.  - Cet amendement élargit la possibilité de recours à l'encontre des dénonciateurs dont nous précisons la qualité, et de ceux qui connaissant la preuve de l'innocence d'un condamné n'en apportent pas le témoignage.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

I.-Alinéa 65

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le recours ne peut être exercé qu'après la condamnation de la personne pour les infractions mentionnées à cet alinéa.

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Hélène Lipietz.  - Le recours en réparation ne doit être exercé qu'après une condamnation pour les faits évoqués (faux témoignage, etc.) et non sur simple présomption.

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur.  - L'alinéa 65 vise tout ensemble « la partie civile, le dénonciateur ou le faux témoin par la faute desquels la condamnation a été prononcée ». Une faute a bien été commise. Avis défavorable à l'amendement n°10.

L'amendement n°11 ne me paraît pas pertinent. Avis défavorable ainsi qu'à l'amendement n°12.

Mme Christiane Taubira, ministre.  - Ces amendements relèvent du même esprit. On ne peut exonérer la partie civile lorsqu'elle a été à l'origine, par faute, d'une condamnation injuste. C'est l'état du droit actuel. Avis défavorable.

M. Philippe Bas.  - En effet, ces amendements reposent sur un malentendu. Il faut suivre le rapporteur et la ministre. Il ne s'agit pas, avec l'amendement n°10, de dissuader la partie civile. Ce qui lui est reproché par l'alinéa 65, c'est une faute, beaucoup plus grave qu'une simple erreur. Mieux vaudrait retirer ces amendements.

Mme Hélène Lipietz.- Je m'incline sans être convaincue : la faute de la partie civile me paraît très difficile à établir.

Les amendements nos10, 11, 12 sont retirés.

L'article 3, modifié, est adopté.

Les articles 4 et 4 bis sont successivement adoptés.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

 1° À l'article L. 451-1, les mots : « de la commission de révision des décisions pénales, de la commission de réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme » sont remplacés par les mots : « de la cour de révision et de réexamen » ;

L'amendement rédactionnel n°17, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Alfonsi, au nom de la commission.

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) À la seconde phrase du quatrième alinéa, les mots : « de cassation » sont remplacés par les mots : « de révision et de réexamen » ;

II. - Alinéa 4

Remplacer la référence :

626-5

par la référence :

622-2

III. - Alinéa 6

Remplacer la référence :

626

par la référence :

624-7

IV. - Alinéa 7

Remplacer la référence :

626-12

par la référence :

626-1

L'amendement de coordination n°18, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Les articles 7 et 8 sont successivement adoptés.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté à l'unanimité.

(Applaudissements)