L'évolution du rôle du Parlement dans le processus budgétaire



Palais du Luxembourg, 24 et 25 janvier 2001

2. QUELS SONT LES BESOINS DES PARLEMENTS POUR RÉELLEMENT CONTRÔLER LA PRÉPARATION ET L'EXÉCUTION DU BUDGET ?par M. Che Shik Chang Président de la Commission spéciale du budget et des comptes publics

Assemblée nationale coréenne

Avant de commencer, je voudrais remercier le Sénat français et l'OCDE d'avoir pris l'initiative d'organiser la présente réunion, sans précédent, des Présidents des Commissions parlementaires des finances des pays Membres de l'OCDE.

C'est pour moi un grand honneur de présenter brièvement quelques vues sur le thème principal du présent Symposium - les méthodes permettant aux parlements d'exercer un contrôle efficace sur les procédures de planification et d'exécution du budget.

De tout temps, le Parlement a eu un rôle à jouer parce que les dirigeants avaient besoin d'un assentiment populaire sur la fiscalité. C'est pourquoi il ne peut y avoir de vraie démocratie que si le Parlement examine réellement les plans budgétaires de l'Exécutif et supervise l'exécution des plans approuvés.

Cependant, dans de nombreux pays, l'Exécutif est devenu extrêmement puissant et le Parlement manque des ressources et des capacités qui lui permettraient de contrôler efficacement le processus budgétaire. Dans les pays en développement tout particulièrement, où la séparation des pouvoirs est encore insuffisante, le Parlement approuve souvent sans discussion toutes les exigences de l'Exécutif.

Pour rendre les Parlements plus à même de procéder à un contrôle efficace du processus budgétaire, un certain nombre de conditions doivent être remplies.

Il faut tout d'abord que le pouvoir du Parlement soit au moins aussi fort, voire plus grand, que le pouvoir de l'Exécutif. Ceci constitue une condition absolument nécessaire, notamment dans les pays n'ayant qu'une brève expérience de la démocratie. Si le Parlement ne dispose pas d'un pouvoir suffisant, aucun système de contrôle du budget ne peut fonctionner efficacement.

Je souhaite vous faire part d'un certain nombre d'innovations institutionnelles que le Parlement coréen a mises en oeuvre à ce sujet.

La plus importante d'entre elles est l'enquête et l'audit auxquels le Parlement soumet l'Exécutif à longueur d'année. Certes, il est vrai que tous les Parlements soumettent l'Exécutif à une enquête et à un audit lorsque certains problèmes particuliers se posent qui appellent l'attention du Parlement. Toutefois, ce qui est intéressant dans le cas de la Corée est que cet exercice couvre toutes les questions et intervient régulièrement, au début de la session annuelle d'automne.

Au titre de cet exercice, le Parlement est en droit d'exiger des responsables de l'Exécutif qu'ils lui fournissent toutes les informations nécessaires, par écrit ou oralement. Cet exercice permet en outre au Parlement de procéder à une enquête préliminaire sur les questions budgétaires avant que ne soit lancée, ultérieurement au cours de Tannée, la procédure budgétaire proprement dite.

La seconde innovation institutionnelle prise par le Parlement coréen consiste en ce que ce dernier non seulement examine minutieusement les plans budgétaires pour Tannée à venir, mais évalue en outre dans quelle mesure les plans budgétaires de Tannée précédente ont été dûment exécutés.

L'examen après exécution fournit certaines informations fort utiles qui peuvent servir à évaluer les différentes propositions budgétaires.

En troisième lieu, le Comité d'audit et d'inspection, qui relève directement du Président, présente au Parlement son rapport sur les comptes des différents départements de l'Exécutif. Ce rapport est très utile en ce qu'il permet d'évaluer l'exécution du budget de Tannée précédente et d'évaluer les propositions budgétaires pour la nouvelle année.

Le Parlement coréen a le droit d'exiger de l'Exécutif toute information concernant l'évaluation des plans budgétaires. C'est ainsi que le Commission spéciale du budget, que je préside, demande généralement à être informé sur plus de 5 000 points chaque année.

Il est une autre condition importante à tout contrôle parlementaire efficace : il s'agit des compétences. Les membres du Parlement doivent disposer des compétences techniques et des capacités pour acquérir et utiliser les informations nécessaires, ce qui à son tour exige de disposer d'organismes d'appui. Le Parlement coréen est doté de capacités importantes d'analyse budgétaire.

Il existe en premier lieu un Bureau parlementaire de la politique budgétaire, spécialisé et composé de 40 personnes. En second lieu, la Commission spéciale du budget bénéficie du soutien d'analystes budgétaires et de conseillers juridiques. En troisième lieu, chaque membre du Parlement a ses propres assesseurs en matière politique, dont les salaires sont versés par le Parlement. Enfin, les partis politiques dotés du statut de négociateur reçoivent des fonds pour faire appel à des analystes de la politique.

Le Parlement a en outre besoin de la coopération d'experts extérieurs, afin d'améliorer la qualité de ses décisions et de dégager un consensus politique à leur sujet. Le Parlement coréen fait un large appel à des experts extérieurs. Il organise en outre un certain nombre d'auditions publiques, encore que les débats y sont souvent plutôt superficiels.

De surcroît, les plans budgétaires élaborés par l'Exécutif doivent faire l'objet d'analyses avantages-coûts approfondies de la part de la Commission parlementaire du budget avant que les plans ne soient définitivement mis au point. On sait bien que les différentes branches de l'Exécutif manoeuvrent pour obtenir de plus grands budgets, ce qui impose des évaluations équilibrées des coûts et avantages de leurs propositions. De surcroît, de nombreux projets gouvernementaux mettent enjeu des sommes importantes, ce qui fait qu'il est très coûteux d'y mettre fin en milieu du processus. Il en est de même de la promulgation de lois qui impliquent de fortes dépenses.

Malheureusement, les analyses coûts-avantages des plans budgétaires menées dans le Parlement coréen ne sont pas assez approfondies, et en tant que Président actuel de la Commission du budget, je suis résolu à y remédier. À mon avis, sans une analyse coûts-avantages approfondie, il n'est pas possible de contrôler efficacement le budget.

Une évaluation réelle des plans budgétaires doit parallèlement s'accompagner d'un contrôle efficace de l'exécution du budget, comprenant même des visites sur le terrain. À cette fin, depuis juin 2000, la Commission du budget du Parlement coréen a pour mission d'oeuvrer tout au long de l'année et pas seulement à l'occasion de l'évaluation du budget.

Enfin, nous nous efforçons d'introduire un système de budget fondé sur la performance (budgétisation axée sur les résultats). Le système budgétaire actuellement en cours en Corée classe les plans budgétaires selon leur nature matérielle et/ou le département dont ils relèvent, afin de faciliter le contrôle de l'exécution du budget.

C'est pourquoi, l'efficacité dans l'exécution du budget se verra renforcée si on établit un lien entre les évaluations des performances budgétaires et les décisions déterminant quels sont les projets qui doivent bénéficier d'un appui budgétaire et le montant de l'appui à apporter. Chaque agence gouvernementale verra ses responsabilités renforcées pour atteindre des objectifs spécifiques.

Comme vous le savez, dans le système du budget fondé sur les performances, les évaluations du budget exécuté se font essentiellement à partir des résultats du budget planifié.

De surcroît, une fois que le système fondé sur la performance sera mis en place, les membres du Parlement seront davantage incités à avoir une vision plus large et à ne pas se cantonner aux besoins de leurs électeurs.

Dans le système actuel, les membres du Parlement soucieux de leur électorat font souvent campagne en faveur de dépenses budgétaires au profit de leur circonscription, sans tenir compte des incidences sur l'ensemble de la société.

Dans cette communication j'ai avancé les réformes nécessaires pour améliorer le contrôle par le Parlements de la planification et de l'exécution du budget.

Avant de terminer, je souhaiterais faire deux propositions aux pays Membres de l'OCDE.

Je suggère tout d'abord que nous mettions en place un réseau d'informations entre les Commissions des finances des Parlements des pays Membres et que nous intensifions leurs relations. Il sera ainsi plus aisé de normaliser les principaux indicateurs budgétaires, ce qui facilitera la comparaison internationale et permettra de tirer des leçons des expériences respectives.

Je propose également que les Commissions des finances des pays Membres encouragent des échanges bilatéraux et multilatéraux de personnel. On approfondira ainsi notre compréhension réciproque et nous pourrons ainsi partager nos connaissances.

À cet égard, le Parlement coréen accueillera toujours avec plaisir la visite des présidents et des membres des Commissions des finances des Parlements des pays Membres.

Je souhaite conclure en remerciant à nouveau le Sénat français et l'OCDE pour avoir organisé ce remarquable symposium et m'avoir invité à partager mes vues avec toutes les personnes présentes dans cette salle.

Je vous remercie.

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