M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Médevielle et Verzelen, Mmes Bourcier et Lermytte, MM. Wattebled, Chasseing, A. Marc, Chevalier, Brault, V. Louault et Capus et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après l’article 77-1 de la Constitution, il est inséré un article 77-2 ainsi rédigé :

« Art 77-2. – À partir du premier renouvellement général des assemblées de provinces et du congrès suivant la publication de la présente loi constitutionnelle, la répartition des sièges entre les trois provinces au congrès de la Nouvelle-Calédonie, telle qu’elle résulte de l’accord mentionné à l’article 76, sera modifiée avant chaque renouvellement afin que cette répartition évolue dans le même sens que l’évolution démographique entre les trois provinces. Les modalités de cette répartition sont prévues par loi organique.

« Pour le premier renouvellement général des assemblées de provinces et du congrès suivant la publication de la présente loi constitutionnelle, la modification de la répartition des sièges entre les trois provinces au congrès de la Nouvelle-Calédonie prend en compte l’évolution démographique depuis l’accord mentionné à l’article 76. »

La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale et comme vient de le rappeler notre collègue Georges Naturel, la crise économique et sociale a entraîné d’importants mouvements de population vers la province Sud, où vivent aujourd’hui 75 % de la population.

Dans ces conditions, il faut 2,4 fois plus d’habitants dans la province Sud que dans les îles Loyauté pour avoir un élu. En septembre 1985, lors de la mise en place des régions dans le cadre du statut Fabius-Pisani, le Conseil constitutionnel avait censuré un rapport de représentativité de 2.

Cet amendement tend à revenir à un coefficient de représentativité de 1,4, qui a été accepté par les deux parties en 1988 et en 1998. Un tel rapport, s’il reste favorable aux indépendantistes, serait tout de même plus juste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je comprends les motivations des auteurs de l’amendement n° 3 rectifié septies, mais ce sujet n’a pas été abordé par le Gouvernement dans le cadre de cette révision constitutionnelle et se trouve étranger à la question de la liste électorale, objet principal de ce texte.

Toutefois, les arguments avancés par M. Naturel sont importants. Le Conseil d’État admet que la représentation d’un territoire, y compris dans l’Hexagone, ne soit pas strictement proportionnée au nombre de ses habitants.

Pour autant, il faut tenir compte des évolutions : la population de la province Sud est passée de 68 % à 75 % de la population totale, alors qu’elle ne détient toujours pas plus de 59 % des sièges.

Cette question doit être traitée. Il n’est pas possible de le faire définitivement au travers du présent texte, qui vise à assurer l’organisation des élections cette année. Je vais donc proposer à M. Naturel de rectifier son amendement, en retenant cette rédaction : « Par dérogation à l’article 77 de la Constitution, la répartition des sièges entre les provinces au sein du congrès de la Nouvelle-Calédonie peut être modifiée par une loi organique, prise après avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie. »

Cette question ne serait donc plus constitutionnelle ; elle dépendrait d’une simple loi organique. Nous préférons tous la conclusion d’un accord, mais le pouvoir serait ainsi donné au législateur de trancher à la majorité simple.

Si M. Naturel accepte cette modification, il me semble qu’elle serait de nature à satisfaire M. Médevielle. Dès lors, la commission demanderait le retrait de son amendement ; à défaut, elle y serait défavorable.

M. le président. Monsieur Naturel, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par la commission ?

M. Georges Naturel. J’y consens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 3 rectifié octies, présenté par M. Naturel, Mmes Primas et Estrosi Sassone, MM. Karoutchi et Lefèvre, Mme Puissat, MM. Somon et Szpiner, Mmes Eustache-Brinio et M. Mercier, M. H. Leroy, Mmes Josende, Tetuanui, Aeschlimann et V. Boyer, MM. Panunzi, Brisson, Tabarot, Mandelli, Bazin et Le Gleut, Mmes Valente Le Hir, Petrus et Muller-Bronn, MM. Sautarel, Burgoa, Chaize et Courtial, Mme Gosselin, MM. Milon, Belin et de Nicolaÿ, Mmes Berthet et Lassarade, MM. Meignen, Favreau et Sido, Mmes Lopez, Malet, P. Martin, F. Gerbaud, Imbert, Pluchet, Belrhiti et Joseph et MM. Bruyen, Cambier, Reynaud, Grosperrin et Omar Oili, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… . - Par dérogation à l’article 77 de la Constitution, la répartition des sièges entre les provinces au sein du congrès de la Nouvelle-Calédonie peut être modifiée par une loi organique, prise après avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Il me semble contradictoire de dire qu’il faut maintenir la liste électorale pour les élections provinciales dans l’attente d’un accord tout en proposant de modifier la répartition des sièges aux élections provinciales, donc, in fine, au congrès, alors que cela relève manifestement du champ de l’accord.

Les arguments de MM. Naturel et Médevielle sont justes. J’ai d’ailleurs souligné lors de la discussion générale l’existence d’une incontestable disproportion dans la représentativité des élus calédoniens. Il faudra s’intéresser à cette question, en s’appuyant notamment sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Est-il souhaitable d’alourdir la Constitution avec des dispositions qui seront certainement revues ?

Ne préemptons pas non plus le débat sur la répartition des sièges au congrès, dont est issu le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement considère que cette question doit faire l’objet d’un accord. Je rappelle que les provinces ont été créées pour répartir le pouvoir entre indépendantistes, au Nord et dans les îles, et non-indépendantistes, au Sud.

Par conséquent, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement n° 1 rectifié bis de M. Médevielle. Quant à l’amendement rectifié de M. Naturel, j’attends qu’il nous soit distribué pour me prononcer – il s’agit tout de même de modifier de la Constitution…

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, le temps que l’amendement n° 3 rectifié octies soit distribué.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 3 rectifié octies ?

M. Gérald Darmanin, ministre. À la lecture de ces dispositions, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié octies et je maintiens mon avis de sagesse sur l’amendement n° 1 rectifié bis de M. Médevielle, tout en attirant l’attention du Sénat sur le fait qu’il n’est pas conforme à l’esprit du texte du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.

M. le président. Mes chers collègues, à la demande de la commission, nous allons interrompre nos travaux pour quelques minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Pour la clarté des débats, je rappelle, comme je l’ai indiqué avant la suspension, que le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié octies présenté par M. Naturel et un avis de sagesse sur l’amendement n° 1 rectifié bis présenté par M. Médevielle.

Je veux par ailleurs attirer l’attention de la Haute Assemblée sur le fait que la question de la répartition des élus entre provinces, même si elle est légitime – il faudra travailler sur ce sujet –, n’est pas abordée dans le texte du Gouvernement. Nous n’avons rien proposé en la matière, car il nous semble que cette question relève plutôt d’un accord local. Il faut toutefois que tout le monde comprenne qu’une évolution sur ce point est nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Le groupe Union Centriste votera contre l’amendement n° 3 rectifié octies présenté par M. Naturel, et ce pour une raison de fond.

Nous nous efforçons, sur ce texte, de faire preuve de responsabilité. Il faut que les élections puissent avoir lieu, donc que la question du corps électoral soit traitée et que la révision constitutionnelle aboutisse.

Tout à l’heure, lorsque nous avons eu à examiner le sous-amendement présenté par M. Buffet, nous avons bien compris l’importance qu’il présentait pour le Gouvernement et pour le groupe Les Républicains. Lors de la discussion générale, j’avais indiqué que nous étions plutôt enclins à soutenir la rédaction retenue par M. Bas dans l’amendement n° 4. Nous avons néanmoins constaté que le rejet du sous-amendement aurait pu mettre en péril la possibilité de dégager une majorité dans cette assemblée et aurait, en tout cas, compromis la perspective d’une majorité des trois cinquièmes au Congrès.

Or voici que nous découvrons, au travers d’une rectification d’amendement, une rédaction qui n’avait jamais été évoquée devant nous. Elle franchit, à nos yeux, une ligne rouge ; je n’aime pas beaucoup utiliser ce type de formulation, mais elle s’impose dans le cas présent.

Autant nous étions d’accord sur le dégel du corps électoral, autant nous n’avons jamais envisagé de modifier la répartition des sièges entre les provinces : le Conseil d’État estime en effet que la distorsion démographique n’est pas telle qu’une mesure de correction soit aujourd’hui nécessaire.

En adoptant cet amendement, on toucherait au contenu des accords de Nouméa, donc à l’ordre constitutionnel. Déclasser au niveau de la loi organique, à l’occasion de cette révision, la répartition des sièges entre les provinces revient à déconstitutionnaliser cette partie des accords de Nouméa. Voilà une bien lourde responsabilité ! Une telle mesure pourrait, selon nous, entraîner de sérieuses difficultés en Nouvelle-Calédonie.

C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu’émettre un vote négatif sur cet amendement, une fois passé l’effet de surprise lié à sa rectification…

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ces deux amendements. Ils ne correspondent pas, comme le ministre l’a d’ailleurs indiqué, à l’objet du texte initial.

Il y avait déjà débat entre les partisans d’un accord préalable entre les parties et ceux qui estimaient que ce texte pourrait les inciter à y parvenir. Mais pour le coup, avec ces amendements, on irait très loin, même si je peux admettre que les évolutions démographiques nécessiteront, le moment venu, des évolutions. Toutefois, en procédant de la sorte, on risque de complexifier profondément les discussions locales, tout en changeant totalement la nature du projet de loi constitutionnelle.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, il faut maintenant faire preuve de sagesse. Ce que vous avez déjà inscrit dans le texte en ce qui concerne le dégel du corps électoral, suffira largement à montrer aux partisans de cette approche qu’ils ont obtenu gain de cause. Mais il faut savoir s’arrêter à temps : à trop vouloir charger la barque, on risque de la renverser ! Restons-en à ce que nous avons déjà adopté. Nous voterons donc contre ces deux amendements.

Par ailleurs, monsieur le ministre, si je me satisfais de votre avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié octies, je suis tout de même surpris par votre avis de sagesse sur l’amendement n° 1 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour explication de vote.

M. Georges Naturel. Je constate que mon amendement, ainsi que celui qu’a présenté notre collègue Pierre Médevielle suscitent le débat. Chacun est convaincu, dans cet hémicycle, que les mesures proposées ont du sens, qu’elles sont importantes.

En tant que parlementaire responsable, mon objectif est que ce projet de loi constitutionnelle soit adopté. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire plusieurs fois, nous devons être en mesure d’organiser rapidement des élections en Nouvelle-Calédonie, afin de donner à nos concitoyens la possibilité de construire un destin commun.

Je remercie notre rapporteur de m’avoir proposé de rectifier mon amendement afin d’éviter de devoir passer par une nouvelle réforme constitutionnelle si, à la suite des discussions que nous aurons entre nous en Nouvelle-Calédonie, un accord permettait une évolution sur ce point.

Je constate cependant que ma proposition risque de ne pas recueillir l’assentiment d’une majorité de notre assemblée. J’espère que ce ne sont pas des considérations politiques qui amènent certains à la rejeter. Je maintiens mon amendement et je fais confiance à chacun d’entre nous pour la suite. Je souhaite surtout, j’y insiste, que ce projet de loi constitutionnelle soit adopté par notre assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié octies.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 16 est présenté par Mme Narassiguin, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Temal, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 32 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 4 à 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 16.

Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 à 7. Ne renvoyons pas au pouvoir réglementaire le soin de mettre en œuvre ces dispositions à valeur constitutionnelle. Nous ne voulons pas que le Parlement soit contourné : il importe qu’il soit au centre du processus. Il revient au législateur organique de modifier, le cas échéant, les règles relatives au corps électoral spécial des élections provinciales.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 32.

Mme Mélanie Vogel. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Remplacer la référence :

77-1

par la référence :

46

2° Remplacer les mots :

décret en Conseil d’État délibéré en conseil des ministres

par les mots :

une loi organique votée dans les conditions prévues à l’article 45

3° Remplacer le mot :

septembre

par le mot :

octobre

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. L’idée est la même que celle que vient d’exposer Mme Narassiguin : il convient de ne pas donner au pouvoir réglementaire une habilitation à traiter de sujets qui relèvent de la loi organique.

En l’occurrence, les questions relatives au droit de suffrage, essentielles dans une démocratie, ne sont pas d’ordre réglementaire.

Mon amendement a donc le même objet que les deux précédents, mais sa rédaction me paraît meilleure : c’est pourquoi, à défaut d’un retrait, j’émettrai un avis défavorable sur ces amendements identiques nos 16 et 32.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Il est défavorable sur ces trois amendements.

Si l’on ne peut pas procéder par un décret, on ne pourra pas tenir les délais ! Je rappelle qu’une loi organique devrait être votée de façon conforme par les deux chambres ; il faudrait d’abord qu’elle puisse être inscrite à leur ordre du jour, lequel dépend des assemblées et du Gouvernement. Il me semblait, monsieur le rapporteur, que nous nous étions mis d’accord sur une position. L’adoption de l’amendement n° 5 rendrait l’organisation des élections très délicate : le calendrier serait extrêmement contraint. Je ne peux donc que lui être défavorable.

Je regrette que nous n’ayons pas été consultés sur cet amendement en amont : nous aurions peut-être pu nous mettre d’accord sur un calendrier qui aurait permis d’en passer par une loi organique avant l’organisation des élections.

M. le président. Madame Narassiguin, l’amendement n° 16 est-il maintenu ?

Mme Corinne Narassiguin. Non, je le retire au profit de l’amendement n° 5 du rapporteur, dont nous convenons que la rédaction est juridiquement plus robuste.

M. le président. L’amendement n° 16 est retiré.

Madame Vogel, qu’en est-il de l’amendement n° 32 ?

Mme Mélanie Vogel. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 32 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Je tiens à répondre à M. le ministre. Je comprends bien la nécessité d’un délai. Monsieur le ministre, je vous ai d’ailleurs interrogé, en commission, sur ce point : je doutais que l’on soit capable de tenir un délai aussi rapproché. Mais j’ai précisément tenu à anticiper votre inquiétude en inscrivant dans cet amendement que la loi, en l’occurrence, serait votée non pas selon la procédure d’adoption des lois organiques, mais selon celle des lois ordinaires. Monsieur le ministre, nous savons voter les textes rapidement quand c’est nécessaire ; il n’y aura pas de problème de délai. Si vous avez d’autres arguments, n’hésitez pas à nous les soumettre, mais celui-ci n’est pas valable !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais vos propositions et vos amendements n’ont pas toujours été, jusqu’à présent, d’une grande cohérence avec le texte ! Je goûte donc assez peu votre remarque.

Vous m’avez affirmé, en commission, qu’on ne serait pas capable de tenir les délais. Mais quoi de mieux pour y parvenir qu’un décret ? Il peut se passer bien des choses lorsque le Gouvernement ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale… Que ferait-on si le Gouvernement devait convoquer les élections provinciales sans que l’Assemblée nationale puisse en organiser la tenue ?

Je le dis aux membres de la majorité sénatoriale : si vous votez l’amendement du rapporteur, vous prendrez une lourde responsabilité, car on courrait alors le risque de ne pas pouvoir organiser les élections provinciales, alors qu’il s’agit d’une obligation constitutionnelle.

Le fait que le groupe socialiste soit favorable à cet amendement devrait d’ailleurs vous interpeller…

M. Rachid Temal. Nous sommes les méchants !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je crains les Grecs, même lorsqu’ils apportent des cadeaux, selon l’expression populaire…

Je dis simplement que, si vous ne confiez pas au Gouvernement le soin d’organiser les élections provinciales et de convoquer, par décret, les électeurs, le résultat sera que celles-ci ne pourront pas se tenir avec ce nouveau corps électoral. Mais peut-être est-ce le match retour, après le vote du sous-amendement de M. Buffet…

J’attire donc l’attention du Sénat sur ce point : si le texte n’est pas adopté en termes identiques à ceux de l’Assemblée nationale, le Congrès ne pourra pas être convoqué, auquel cas la réforme constitutionnelle ne sera pas adoptée avant le 1er juillet. Sans doute est-ce pour cette raison que le groupe socialiste a retiré son amendement. J’indique aussi à M. Naturel que, par sa position, il vide de sa substance les belles déclarations qu’il a faites, et que je soutiens, sur le dégel du corps électoral.

Même dans l’hypothèse du recours à une loi ordinaire, il faut envisager des circonstances exceptionnelles : or les délais sont serrés – un an et demi au plus long. N’oublions pas qu’une pandémie a récemment sévi, que la guerre est aux portes de l’Europe, qu’une motion de censure peut être adoptée, qu’une dissolution de l’Assemblée nationale est toujours possible, etc. En votant cet amendement, vous retireriez au Gouvernement la possibilité de mettre en œuvre la volonté du constituant. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Il faut être raisonnable : n’inscrivons pas dans la Constitution des dispositions qui relèvent du travail ordinaire du ministre de l’intérieur, comme c’est le cas de la convocation des électeurs. L’adoption de cet amendement, j’y insiste, nous empêcherait de convoquer les électeurs à temps.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Souffrez, monsieur le ministre, que nous ayons un désaccord ! Celui-ci est fondamental. Je me permets de vous dire qu’il s’agit de la liste électorale et non pas du décret de convocation des électeurs. Ce sont deux choses différentes !

Nous ne pouvons pas accepter que vous ne respectiez pas le Parlement. Ces questions relèvent de la loi organique ; nous ne voulons pas les abaisser au niveau réglementaire. Toutefois, nous vous offrons la garantie d’un traitement rapide de cette question par le Parlement, puisque ce seront les délais de la procédure législative ordinaire qui s’appliqueront, et non pas ceux de la loi organique.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne vous permets pas, monsieur le rapporteur, de dire que je ne respecte pas le Parlement. D’ailleurs, vous ne représentez pas à vous seul le Parlement entier ! Je constate d’abord l’existence de contradictions entre vous et votre majorité. (M. Pierre Médevielle applaudit.)

Ensuite, vous commandez sans doute le Sénat, même si cela reste encore à démontrer : les discussions ne sont pas si simples avec vos amis centristes ou même avec le président de la commission des lois, qui, pour la première fois, sous-amende un amendement du rapporteur ! (M. le rapporteur proteste.) Permettez-moi de m’étonner, parfois, de la façon dont les lois sont construites ici… En tout cas, vous ne commandez pas l’Assemblée nationale. Par ailleurs, je le redis, vous devriez trouver troublant que le groupe socialiste retire son amendement au profit du vôtre.

Je le dis aux membres de la majorité sénatoriale – les Calédoniens aussi l’entendront : nous ne pourrons pas organiser les élections provinciales si vous ne confiez pas au Gouvernement le soin de le faire. Chacun voit que cette affaire est complexe. Elle concerne quelques dizaines de milliers d’électeurs à 17 000 kilomètres de Paris. Je respecte profondément le Parlement. J’ai présenté un projet de loi organique et un projet de loi constitutionnelle ; nous discutons de ce sujet depuis plusieurs heures et j’ai répondu longuement à vos questions.

Monsieur le rapporteur, l’adoption de votre amendement aurait pour effet d’empêcher l’application de ce texte et la convocation des élections. Mais le Sénat votera comme il le souhaite, bien évidemment.

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. À ce point de notre discussion, je donne raison au ministre. J’estime que nous avons déjà inscrit, par les dispositions que nous venons de voter, les garde-fous nécessaires dans la Constitution. Il s’agit, en l’occurrence, d’un simple décret de convocation des électeurs.

M. Philippe Bas, rapporteur. Non !

Mme Lana Tetuanui. On en a l’habitude, c’est la procédure normale. C’est pourquoi je voterai contre l’amendement du rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

L’article 1er entre en vigueur le 1er juillet 2024. Toutefois, il n’entre pas en vigueur ou, le cas échéant, devient caduc si le Conseil constitutionnel saisi à cette fin par le Premier ministre constate qu’un accord portant sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, négocié dans le cadre des discussions prévues par l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998, a été conclu avant le 1er juillet 2024 entre les partenaires de cet accord. Le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai de huit jours à compter de sa saisine.

En cas de conclusion de l’accord mentionné au premier alinéa avant les élections nécessaires au premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle, un décret en Conseil d’État délibéré en conseil des ministres peut reporter ces élections au plus tard jusqu’au 30 novembre 2025. Le terme des mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province est alors reporté jusqu’à la première réunion des assemblées nouvellement élues.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 15 est présenté par Mme Narassiguin, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Temal, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 28 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 15.

Mme Corinne Narassiguin. Dans la continuité de notre opposition à ce texte, nous proposons d’en supprimer l’article 2.

Le Gouvernement s’est mis lui-même dans la seringue. Le Conseil d’État a indiqué que la Constitution permettait de reporter ces élections jusqu’en novembre 2015 au plus tard. Vous évoquez depuis tout à l’heure, monsieur le ministre, le risque de ne pas pouvoir tenir les élections à temps, mais c’est bien le Gouvernement qui a décidé de les reporter à la fin de l’année 2024 seulement. Il s’agit d’un calendrier arbitraire, qui ne répond à aucune logique politique particulière.

Nous souhaitons également, évidemment, que les élections aient lieu le plus rapidement possible ; simplement, nous considérons que le mieux pour y parvenir est de laisser les acteurs locaux s’organiser. Ils connaissent les contraintes constitutionnelles. Ils sont aussi les meilleurs juges de la situation locale. Dans le passé, ils ont toujours su trouver le chemin d’un accord, même lorsque l’on pensait que c’était impossible.