M. le président. La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Je vous remercie de votre question, madame Estrosi Sassone, car elle me permet de préciser trois éléments fondamentaux.

D’abord, comme le Premier ministre l’a annoncé il y a quelques jours, il convient simplement de respecter la loi que vous avez adoptée puisque, vous le savez, la programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit notamment le lancement d’une concertation publique dans le cadre de la Commission nationale du débat public (CNDP). (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous le savez, puisque vous l’avez voté ! Cette consultation va avoir lieu, nous respectons la loi.

Deuxième point important que je souhaite aborder avec vous : nous avons eu beaucoup de consultations sur l’avenir énergétique de la France au cours des dernières années, dont une, comme le Premier ministre l’a rappelé, il y a quelques jours, « grandeur nature », si je puis dire : 35 millions de Français se sont prononcés sans aucune ambiguïté sur l’avenir énergétique de la France.

Un certain nombre de candidats à l’élection présidentielle de 2022 – (M. le ministre se tourne vers le groupe GEST.) l’un d’entre eux est même présent ici –…

M. Roland Lescure, ministre délégué. … prônaient la sortie du nucléaire en France. Un autre candidat, qui a été élu, a clairement exposé, dans le cadre d’un discours prononcé à Belfort en janvier 2022, les quatre piliers qui nous permettront de relancer l’avenir énergétique de la France (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) : la sobriété, l’efficacité, l’accélération des renouvelables et, oui, la relance d’un programme nucléaire d’ampleur.

Troisième point : oui, pour ce faire, nous aurons un débat public, même si les principes ont, pour l’essentiel, été tranchés par les Français. (Mêmes mouvements.) Il faut que ce débat ait lieu au Parlement et dans toutes les dimensions que vous avez mentionnées. Il a commencé hier avec le vote de l’Assemblée nationale, après le vote du Sénat, de la réforme de la gouvernance du nucléaire.

M. Michel Savin. Du pipeau !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous devons débattre de l’avenir de l’hydraulique, de la régulation des tarifs et du mix énergétique. Nous aurons l’occasion d’aborder tous ces sujets. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Yannick Jadot sexclame.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Autant vous le dire, monsieur le ministre, vous ne m’avez pas convaincue.

Si nous n’avançons pas, vous aurez la responsabilité de notre impréparation quand, en 2040, les réacteurs des années 1970 arriveront en fin de vie. Et vous aurez fait reposer les conséquences de vos décisions sur les épaules des générations futures ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation sanitaire à mayotte

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le ministre chargé de la santé et de la prévention, un premier cas de choléra a été détecté à Mayotte : la personne infectée est une jeune femme venue d’Anjouan, arrivée en kwassa au nord de l’île de Mayotte dimanche dernier.

Le lendemain, une trentaine de kilomètres plus loin, elle a été prise en charge par le service d’aide médicale urgente (Samu) après l’apparition de violents symptômes, puis testée, isolée et soignée au sein de la cellule « choléra » du centre hospitalier.

L’agence régionale de santé (ARS), au conseil d’administration de laquelle je siège, a présenté il y a un mois un plan de riposte en cas d’introduction de la maladie à Mayotte. « Plan de riposte », dis-je, car, malheureusement, aucune campagne de vaccination massive n’est possible en raison d’une pénurie mondiale de doses de vaccin. Ce plan prévoit un renforcement des contrôles sanitaires aux frontières, ainsi que la mise en place et le déploiement rapide d’équipes d’investigation et de désinfection, afin d’éviter la contamination des cas contacts.

Alors que l’épidémie s’intensifie depuis le début de l’année en Afrique, notamment aux Comores, et compte tenu de l’immigration clandestine massive venue de cet archipel, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour protéger les Mahorais, qui se demandent légitimement ce que sont devenus les autres passagers du kwassa ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je le rappelle, le choléra est une maladie digestive très contagieuse causée par une bactérie qui se transmet par l’eau et par les aliments contaminés. Le cas que vous avez évoqué, monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, a en effet été détecté ce lundi sur le sol français, importé de l’archipel des Comores par une femme arrivée dimanche sur le territoire depuis l’île d’Anjouan.

Cette femme a très rapidement été prise en charge à l’hôpital de Mamoudzou, par la cellule « choléra » ouverte de manière préventive depuis plusieurs mois au sein de l’établissement. Dès lundi soir, une première équipe d’investigation de l’ARS s’est rendue là où séjournait la patiente, pour identifier les cas contacts et leur délivrer les premiers traitements. Une deuxième équipe a été déployée hier matin sur la zone pour désinfecter ce lieu de séjour. Ces équipes resteront sur place plusieurs jours afin de suivre l’éventuelle apparition d’autres symptômes.

Une conférence de presse a été organisée hier matin par le préfet et le directeur de l’ARS ; elle a permis d’informer largement la population, mais surtout de rappeler les mesures de vigilance renforcée qui ont été prises depuis déjà plusieurs mois compte tenu du développement de l’épidémie qui touche les Comores.

Je veux les rappeler à mon tour, parce qu’il convient d’être précis sur ces sujets : dès le mois de février dernier, un plan de riposte avait été mis en place, qui a montré son efficacité autour d’au moins trois axes : renforcement de la vigilance en vue de détecter les cas le plus tôt possible ; mise en place de mesures de prévention ; organisation de la prise en charge dans un délai le plus court possible.

Concrètement, voici ce que cela veut dire : le contrôle sanitaire aux frontières a été renforcé ; les gestes de prévention ont été rappelés à la population de l’île ; la traçabilité de l’ensemble des passagers en provenance des Comores, mais aussi de l’Afrique des Grands Lacs, est assurée ; des renforts de la réserve sanitaire sont mobilisés ; des équipes mobiles de l’ARS sont déployées afin d’identifier les cas contacts, de vacciner les personnes à risque et d’informer le public dès la confirmation d’un cas suspect.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, les services de l’État sont pleinement mobilisés sur ce cas. Je suis personnellement la situation, en lien avec les autorités locales, notamment le directeur de l’ARS ; nous restons bien entendu d’une vigilance extrême. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour la réplique.

M. Thani Mohamed Soilihi. Voilà un nouvel exemple des multiples conséquences de l’absence de maîtrise des flux migratoires en provenance des Comores vers ce petit territoire français qu’est Mayotte.

L’Union des Comores, dont le président s’était engagé, dans un accord de 2019, à lutter contre les trafics humains, moyennant une aide conséquente de la France, ne respecte pas ses engagements. Azali Assoumani utilise au contraire des méthodes migratoires poutiniennes, ce qui ne devrait pas nous étonner : après tout, lorsque le président russe promet de l’aider à déstabiliser la France à Mayotte, Azali le félicite en retour pour sa « brillante réélection ».

Il est temps que notre pays en tire les enseignements qui s’imposent ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

tiktok

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Madame la secrétaire d’État chargée du numérique, jeudi dernier, la Chambre des représentants des États-Unis d’Amérique a adopté, à une très large majorité, un texte contraignant le réseau social TikTok à couper définitivement ses liens avec le parti communiste chinois. À défaut, l’application pourrait être interdite sur le territoire national américain.

Pourquoi ? Parce que nos collègues parlementaires américains soupçonnent TikTok d’être le vecteur d’un espionnage et d’une manipulation systématiques et massifs des données de ses utilisateurs.

La semaine dernière, le 14 mars – je le dis un 20 mars, date de la Journée internationale de la francophonie –, le Canada, qui n’est pas un pays qui compte peu pour la France,…

M. Emmanuel Capus. … nous en parlerons d’ailleurs demain, a engagé à l’endroit de TikTok un examen de sécurité nationale. L’Indonésie, l’Inde et le Pakistan ont d’ores et déjà interdit TikTok dans leur pays. En France, le 31 janvier dernier, le général Burkhard, chef d’état-major de nos armées, a alerté nos collègues députés sur la menace que fait peser TikTok sur notre territoire, qualifiant le réseau d’« arme informationnelle » au service de la Chine.

Ici même, la commission d’enquête que nous avons créée sur l’initiative du groupe Les Indépendants a conclu de la façon suivante : si le réseau social TikTok ne respecte pas les obligations législatives françaises en vigueur, il doit être suspendu.

Ma question est donc extrêmement simple, madame la secrétaire d’État : que va faire le Gouvernement,…

M. Emmanuel Capus. … et dans quels délais, pour que TikTok respecte les lois françaises et européennes ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC. – MM. Martin Lévrier, Jacques Fernique et Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Capus, votre question soulève un sujet majeur, celui de la protection de notre sécurité nationale et de la préservation de notre modèle démocratique face aux tentatives d’ingérence étrangère.

Je tiens d’ailleurs ici à saluer les travaux de la commission d’enquête sénatoriale dont le groupe Les Indépendants a pris l’initiative de la création, vous l’avez rappelé. Ces travaux ont notamment permis de tirer la sonnette d’alarme quant aux risques liés à l’utilisation de TikTok du fait des liens capitalistiques, politiques et techniques existant entre le réseau social et les autorités politiques chinoises.

Soyez-en assuré, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement conscient de ces risques.

D’ailleurs, depuis 2021, vous le savez, nous avons renforcé notre dispositif de lutte contre les manipulations de l’information en mettant en place Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères.

Le Gouvernement a également décidé, il y a maintenant plus d’un an, d’interdire le téléchargement et l’installation des applications récréatives, y compris l’application TikTok, sur les téléphones professionnels fournis aux agents publics.

À l’échelon européen, monsieur le sénateur, la France a été le fer de lance de l’adoption de plusieurs règlements, dont le Digital Services Act ou règlement sur les services numériques, qui contraint les grands réseaux sociaux comme TikTok à une plus grande transparence algorithmique. Dans ce cadre, la Commission européenne a décidé, le 19 février dernier, d’ouvrir une enquête sur TikTok, dont nous attendons les conclusions. À l’issue de cette enquête, si la Commission constatait des manquements, l’alternative serait simple pour le réseau social : soit les corriger soit risquer une amende importante, voire une restriction temporaire de l’accès au service, sanction prévue en cas de violations graves et répétées.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le rapport de force a bien changé avec les plateformes : désormais, nous avons les moyens d’agir à l’échelle européenne. Vous pouvez compter sur mon engagement plein et entier et sur celui du Gouvernement pour lutter contre toute forme d’ingérence étrangère. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

conditions de travail des enseignants

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Hier, les syndicats appelaient à une grève de la fonction publique.

Aujourd’hui, je souhaite plus particulièrement évoquer le cas des enseignants, qui se sont davantage mobilisés que les autres fonctionnaires et qui avaient déjà manifesté, le 1er février dernier, pour une amélioration de leurs conditions de travail.

Il est commun de dire, mais il n’est pas inutile de répéter, que l’école est le commencement de tout : de l’accès aux savoirs, de l’accès à la sociabilité, de l’accès au sens critique, de l’accès aux valeurs républicaines, donc de la citoyenneté.

Nous mettons entre les mains des professeurs, en toute confiance, ce que nous avons de plus cher : nos enfants.

Ils exercent du mieux qu’ils peuvent leur principale mission, l’enseignement, mais ils redeviennent aussi, de plus en plus, des hussards noirs de la République, car on leur demande de ne rien lâcher sur la laïcité, dans une société où cette valeur n’est plus du tout une évidence pour certains. Cette dernière mission est devenue dangereuse ; les agressions venant de parents d’élèves ou d’élèves eux-mêmes en sont une tragique illustration.

Aussi, le minimum que nous leur devons, c’est un salaire qui soit à la hauteur de leur investissement et de leur dévouement.

Or, sans ignorer les effets du pacte Enseignant ni les différentes revalorisations du point d’indice, il faut bien reconnaître que, sur la durée, les enseignants sont de grands perdants : alors que le budget de l’éducation en France est supérieur à ce qu’il est en Allemagne, les professeurs sont deux fois moins payés ici que là-bas ; alors que le salaire brut hors primes des jeunes enseignants de collège équivalait à 2,3 Smic en 1980, il n’était plus que de 1,2 fois le salaire minimum en 2021.

Madame la ministre, comment réorienter davantage les moyens de l’éducation nationale vers les professeurs, qui sont en première ligne dans la construction de la cohésion sociale et de l’avenir de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Pantel, nous sommes évidemment aux côtés des enseignants – nous ne pouvons que l’être – dans toute la diversité de leurs missions, que vous venez de rappeler.

Il y a trois points à propos desquels je souhaite apporter à nos enseignants un appui clair.

Pour ce qui est tout d’abord de la revalorisation de leur salaire, il faut le dire, entre 2023 et 2024, c’est un effort de 4,8 milliards d’euros qui a été déployé à cet effet, soit trois fois plus que l’effort consenti entre 2013 et 2017. Cela nous permet de donner à nos professeurs titulaires, à nos psychologues, à nos conseillers principaux d’éducation (CPE), un salaire de 2 100 euros net par mois au début de leur carrière. Cette revalorisation importante nous place à cet égard dans la moyenne des pays européens. De surcroît – vous l’avez rappelé, madame la sénatrice –, le pacte qui a été proposé aux enseignants leur permet de prendre en charge des missions complémentaires et d’être rémunérés à ce titre ; beaucoup se sont engagés dans cette démarche.

Pour ce qui est ensuite de leur cadre de travail, qui fait évidemment partie intégrante de leur vie d’enseignants, nous travaillons sur le bâti scolaire avec les collectivités territoriales concernées ; je ne peux en dire ici que quelques mots, mais je rencontre régulièrement les présidents de ces collectivités. Nous avons recruté des assistants d’éducation (AED) pour qu’ils assurent en nombre l’accompagnement éducatif. Quant à la sécurité des bâtiments, nous y travaillons également avec les collectivités et avec les autres services de l’État ; nous aurons demain une réunion interministérielle à ce sujet précis autour de M. le Premier ministre.

Un troisième point me semble important, qui fait aussi partie de la manière dont ils envisagent leur travail : c’est la prise en charge de l’hétérogénéité de nos élèves. Nous accueillons aujourd’hui tous les jeunes, et il est très bien qu’il en soit ainsi, mais nous devons mettre en place des dispositifs qui permettent aux enseignants de le faire : je pense aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), aux efforts que nous avons à faire pour une école inclusive et à l’ensemble des mesures que nous devons continuer à construire en ce sens. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

infirmières intervenant dans le cadre du dispositif asalée

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Cigolotti et Loïc Hervé applaudissent également.)

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de la santé et de la prévention, mes chers collègues, l’association Asalée, née voilà une vingtaine d’années dans le département des Deux-Sèvres, dont je suis élu, regroupe aujourd’hui environ 2 000 infirmiers et infirmières travaillant en partenariat avec plus de 9 000 médecins sur l’ensemble du territoire national.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Notamment dans l’Yonne !

M. Philippe Mouiller. Le but de cette association est d’accompagner dans leur parcours de soins un certain nombre de patients, ceux notamment qui sont atteints de maladies chroniques et d’affections de longue durée. Elle propose des interventions dans le domaine de l’éducation et de la prévention. Ces professionnels sont répartis sur tout le territoire, notamment dans les zones rurales, où ils apportent un service dans des secteurs qui manquent de médecins.

Depuis plusieurs mois, l’association se trouve en difficulté dans ses relations avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Depuis 2023, il n’y a plus de cadre juridique entre la Cnam et Asalée ; des négociations sont toujours en cours. Ces relations difficiles se traduisent par des retards dans le versement des subventions ; aussi les professionnels ne peuvent-ils plus être payés dans des délais normaux. L’association n’ayant désormais plus de trésorerie, elle risque de se retrouver en cessation de paiements, ce qui entraînerait la fin du dispositif Asalée.

Ma question est donc fort simple, monsieur le ministre : alors que nous sommes dans une situation de pénurie de professionnels de santé et que l’organisation dont il est question répond aux difficultés d’accès aux soins, souhaitez-vous prendre le risque de voir disparaître l’association Asalée ? Dans le cas contraire, quelles mesures entendez-vous engager de manière urgente pour régler cette situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDSE. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur, cher Philippe Mouiller, le Gouvernement, et au premier chef votre serviteur, est convaincu de l’intérêt de ce dispositif Asalée, qui mobilise, vous l’avez rappelé, de nombreux professionnels de santé ; il finance principalement des infirmières pour accompagner les patients dans leur parcours de soins.

Rappelons que les infirmières « Asalée » accompagnent les patients aux côtés des médecins, et ce depuis plusieurs années, dans le cadre d’un dispositif qui est progressivement monté en puissance.

Que les choses soient très claires : il n’est absolument pas question de remettre ce dispositif en question. Il a en effet toute sa place dans la politique menée par la majorité présidentielle depuis plusieurs années : cette politique vise à développer la délégation de tâches ; or les infirmières Asalée sont un magnifique exemple de délégation de tâches réussie et reconnue par tous. C’est pourquoi l’État, du reste, a depuis l’origine accompagné ce dispositif dans sa croissance.

Vous l’avez rappelé, près de 2 000 infirmiers et infirmières sont financés par ce biais ; rappelons également que le cadre réglementaire initialement défini prévoyait le financement de 700 postes par l’assurance maladie. L’État a donc bel et bien accompagné le déploiement de ce dispositif, et 80 millions d’euros sont chaque année versés par l’assurance maladie pour le financer.

Les montants investis par les pouvoirs publics sont alloués aux soins et la dernière convention entre Asalée et l’assurance maladie ne prévoit pas – c’est sans doute là le nœud de la discussion – la prise en charge de loyers, ce que souhaite l’association. Les nombreux échanges n’ont pour l’instant pas permis d’aboutir et il est normal que l’État, s’agissant de fonds de l’assurance maladie, veille à ce qu’ils soient prioritairement et exclusivement destinés à la prise en charge des patients.

Pour autant, l’assurance maladie n’a ni retardé ni suspendu ses versements à l’association, qui reçoit chaque mois 6 millions d’euros servant à financer les salaires.

L’association Asalée a été reçue au ministère de la santé le 8 mars dernier. Il a été convenu, lors de cette rencontre,…

M. le président. Il faudra conclure !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. … qu’une nouvelle convention serait signée très vite ; mais chaque euro dépensé pour Asalée doit aller aux soins et à la prise en charge des patients français ! (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. J’entends qu’une discussion doive avoir lieu sur les loyers, mais cette question a déjà été tranchée par l’assurance maladie.

Je vous invite à venir sur le terrain rencontrer les acteurs. Je les ai vus il y a quarante-huit heures : ils étaient au bord de la cessation de paiements, car les subventions ne sont pas arrivées à temps. Les professionnels ne sont pas payés, certaines infirmières prennent même sur leurs propres deniers pour faire tenir le dispositif : la situation est complètement dégradée. Nous sommes là face à une incohérence : vous reconnaissez que ce système fonctionne et dans le même temps, en cherchant à étatiser la démarche, vous créez des difficultés, alors que l’enjeu est grand pour les territoires.

Nous avons tous à la bouche l’enjeu de la désertification médicale et nous disposons enfin d’un système qui marche ; soutenez-le, non seulement en paroles, mais en actes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, SER et RDSE. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

climat social actuel

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, la France se paupérise, tout le monde constate l’affaiblissement de notre modèle social et vous regardez ailleurs…

Hier encore, les agents des trois versants de la fonction publique se sont mobilisés pour demander une hausse urgente de leurs rémunérations. En 2022 et 2023, ils ont certes obtenu des augmentations, mais celles-ci furent très largement inférieures à l’inflation. En dix ans, les salaires du privé ont grimpé deux fois plus vite que ceux du public. L’année 2024 ne doit pas être une année blanche en matière salariale pour les fonctionnaires.

En somme, vous demandez toujours plus d’efforts à ceux qui ont le moins.

Entre autres, vous persistez dans votre souhait de mettre la main sur l’Unédic et ses futurs excédents. L’argent géré, qui, je le rappelle, est le fruit de cotisations d’assurance, devrait pourtant être exclusivement destiné aux chômeurs, et non à combler les déficits que vous creusez. Vous dites vouloir abaisser la durée d’indemnisation à douze mois, contre dix-huit actuellement, et laisser l’État gérer seul l’assurance chômage. Quel mépris pour les partenaires sociaux !

Je note que, en la matière, comme sur le reste, vous ne tenez pas vos engagements : vous souhaitez de nouveau vous en prendre aux demandeurs d’emploi alors que le chômage repart à la hausse.

Avec vous, ce sont des droits pour les nantis, des devoirs pour les plus petits !

Ma question est donc simple : quand allez-vous cesser de concentrer les efforts demandés sur les Français les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Corinne Féret, eu égard à ce que vous venez de dire, il est important de rétablir les faits, tous les faits, rien que les faits.

Vous commentiez les mouvements qui ont eu lieu hier dans la fonction publique. Au cours des deux dernières années, pour faire face à une inflation importante, le Gouvernement a procédé aux augmentations salariales les plus importantes…

M. Mickaël Vallet. Des deux dernières années ! (Sourires.)

Mme Catherine Vautrin, ministre. … depuis trente-sept ans dans la fonction publique !