Sommaire

Présidence de M. Loïc Hervé

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

1. Procès-verbal

2. Sécurité des élus locaux et protection des maires. – Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Article 5

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Réservé.

Article 14

Amendement n° 2 du Gouvernement. – Réservé.

Vote sur l’ensemble

M. Éric Bocquet

Mme Maryse Carrère

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Mathieu Darnaud

M. Christopher Szczurek

M. Vincent Louault

Mme Isabelle Florennes

M. Guy Benarroche

Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.

3. Dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois

Mme Maryse Carrère

Mme Nicole Duranton

M. Pierre-Alain Roiron

Mme Catherine Di Folco

M. Vincent Louault

Mme Lana Tetuanui

M. Guy Benarroche

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Clôture de la discussion générale.

Avant l’article unique

Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Lana Tetuanui. – Retrait.

Article unique

Vote sur l’ensemble

Adoption de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

5. Accord avec le Canada. – Adoption définitive en procédure accélérée et en procédure d’examen simplifié d’un projet de loi dans le texte de la commission

6. Convention fiscale avec le Luxembourg. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur de la commission des finances

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Michaël Weber

M. Jean-François Husson

M. Pierre Jean Rochette

M. Vincent Capo-Canellas

Mme Ghislaine Senée

Mme Silvana Silvani

Mme Véronique Guillotin

Mme Micheline Jacques

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Vote sur l’ensemble

M. Éric Bocquet

M. Jean-François Husson

Mme Véronique Guillotin

Mme Silvana Silvani

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur

M. Michaël Weber

Adoption de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.

7. Convention fiscale avec la Moldavie. – Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe

M. Michel Canévet, rapporteur de la commission des finances

M. Rémi Féraud

M. Marc Laménie

M. Pierre Jean Rochette

M. Olivier Cadic

Mme Ghislaine Senée

M. Éric Bocquet

Mme Véronique Guillotin

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué

Article unique

Vote sur l’ensemble

Adoption définitive de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

8. Dispositions législatives relatives à la santé. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées

Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Micheline Jacques

M. Vincent Louault

Mme Lana Tetuanui

Mme Anne Souyris

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Mme Véronique Guillotin

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jean-Luc Fichet

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Vote sur l’ensemble

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission.

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Loïc Hervé

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Catherine Conconne.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux
Article 5

Sécurité des élus locaux et protection des maires

Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux (texte de la commission n° 362, rapport n° 361).

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, votée à l’unanimité au Sénat en octobre dernier ; moins de six mois plus tard, nous voilà réunis pour examiner le texte établi par une large majorité transpartisane en commission mixte paritaire. Nous pouvons collectivement être fiers du travail accompli.

Les violences exercées à l’encontre des élus sont insupportables et nous ne pouvons, à cet égard, que rendre hommage au dévouement et à l’implication des maires qui, sur le terrain, sont plus que jamais les vigies de la République en ces temps difficiles.

Si les élus locaux, et singulièrement les maires, doivent bénéficier à tout moment de la protection effective de notre République, celle-ci est aujourd’hui largement perfectible.

Déposée le 28 mai dernier, peu de temps après la démission de Yannick Morez, alors maire de Saint-Brevin-les-Pins, et avant même que le Gouvernement ne prenne conscience de la nécessité de faire évoluer rapidement les dispositifs en vigueur, la proposition de loi de M. Buffet visait à répondre aux attentes des élus et des citoyens dans nos territoires. Alors qu’ils font face à des contraintes et à des menaces toujours croissantes, les élus demandent que leur travail soit reconnu. Ils demandent aussi une protection urgente, pour eux-mêmes comme pour leurs proches.

Fruit d’un travail réalisé en bonne intelligence avec les associations d’élus locaux et les sénateurs de tous les groupes politiques, le texte initial comportait des mesures utiles, largement inspirées de travaux parlementaires antérieurs.

Toutes les dispositions initiales ou nouvelles adoptées par le Sénat ont été reprises par l’Assemblée nationale, en commission comme en séance publique. Certaines modifications, sur l’initiative de la rapporteure Violette Spillebout ou de nos collègues députés Thibaut Bazin ou Paul Molac, ont permis d’introduire de nouvelles dispositions particulièrement bienvenues.

Je pense en particulier à la disposition visant à conférer le caractère de dépense obligatoire aux dépenses liées à la protection fonctionnelle des élus. De plus, deux dispositions visant à mieux prendre en compte la situation des anciens élus victimes de violences du fait de décisions prises durant leur mandat ont été judicieusement introduites.

Permettez-moi toutefois d’exprimer trois regrets, madame la ministre.

Nous aurions souhaité aller plus loin sur la protection fonctionnelle, et donc élargir son périmètre à l’ensemble des élus, y compris à ceux qui n’assument pas de responsabilités exécutives, ainsi que sur les conditions de couverture assurantielle des élus et des biens nécessaires à l’exercice de leur mandat.

Madame la ministre, nous resterons attentifs aux actions que le Gouvernement proposera pour traduire vos engagements, pris ici même, au Sénat, au banc des ministres. Dans la même logique, nous veillerons à ce que les décrets soient bien publiés pour rendre l’ensemble de ce texte pleinement applicable.

J’en viens enfin à l’article 2 bis. Nous avons souhaité, à l’unanimité des sénateurs membres de la commission mixte paritaire, rétablir la rédaction, issue d’une initiative sénatoriale transpartisane, allongeant les délais de prescription des personnes dépositaires de l’autorité publique victimes d’injure et de diffamation publiques.

Le vote du Sénat avait été unanime – avec votre assentiment, madame la ministre. Les députés se sont opposés à cette évolution, ce que nous ne pouvons que regretter. C’est sans doute le résultat d’une maladresse, mais ne pas avoir rétabli cette disposition traduit un manque de courage.

Il nous faudra impérativement, à l’avenir, renforcer la protection des élus locaux et des personnes dépositaires de l’autorité publique. Ils font face à une multiplication des injures et des faits de diffamation sur les réseaux sociaux, qui prennent une ampleur particulièrement préoccupante.

Pour conclure, l’ensemble des dispositions que nous vous présentons aujourd’hui apporteront, j’en suis convaincue, des réponses concrètes et opérationnelles aux difficultés que nos maires rencontrent quotidiennement sur le terrain.

Je forme le vœu que les conclusions de cette commission mixte paritaire soient votées sur toutes les travées. Depuis 2019, le Sénat a été à l’origine de nombreuses évolutions en matière de protection des élus locaux, et les groupes politiques sénatoriaux se sont systématiquement mis d’accord pour décider de réformes législatives en la matière. J’espère que le même état d’esprit guidera nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois – cher François-Noël Buffet –, madame la rapporteure – chère Catherine Di Folco –, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier très sincèrement et solennellement le Sénat, tout comme l’Assemblée nationale, pour le travail fourni sur le sujet de la lutte contre les violences faites aux élus.

Nous avons échangé à de très nombreuses reprises et je ne peux que me réjouir des conclusions positives de la commission mixte paritaire.

Non seulement le Gouvernement est très favorable à la grande majorité des mesures portées par cette proposition de loi, mais il considère aussi que ce texte est une pierre angulaire de la lutte contre les violences faites aux élus, au même titre que le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus.

Le phénomène des violences contre les élus est un véritable fléau. S’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République : il était important d’atteindre un consensus transpartisan. Cela est bien le cas, comme le montre l’état d’esprit dans lequel ce texte a été discuté au Sénat, puis à l’Assemblée nationale et enfin en commission mixte paritaire. Nous ne pouvons que nous en féliciter collectivement.

Cette proposition de loi comporte des avancées législatives majeures, qui viendront compléter les mesures que nous avons prises jusqu’à présent.

À la suite des événements survenus à Saint-Brevin-les-Pins, j’ai annoncé le 17 mai dernier, sous l’autorité de la Première ministre et du ministre de l’intérieur et des outre-mer, différentes mesures pour mieux protéger les élus.

Le dispositif repose notamment sur la mise en œuvre d’un « pack sécurité ». Il s’appuie sur la création d’un réseau de plus de 3 400 référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades de gendarmerie et dans tous les commissariats, afin que les élus aient un point de contact privilégié pour parler des menaces ou des violences dont ils font l’objet.

Par ailleurs, le dispositif Alarme élu est renforcé. Il permet aux élus qui se sentent menacés de se manifester auprès de leur commissariat ou de leur gendarmerie, d’être secourus rapidement en cas d’appel au 17 et de bénéficier d’une vigilance renforcée de la part des forces de l’ordre.

Nous développons aussi, à l’attention des élus, de nouvelles sessions de sensibilisation à la gestion des incivilités et à la désescalade de la violence, dispensées par le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et par le Raid.

La mobilisation de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), pour mieux détecter et judiciariser les violences en ligne, nous a permis, par exemple, de retirer des contenus postés par un certain Papacito, qui attaquait de manière systématique le maire de Montjoi, dans le Tarn-et-Garonne.

Enfin, nous amplifions la démarche « d’aller vers » les forces de l’ordre pour permettre aux élus locaux de déposer une plainte quand et où ils le souhaitent, en gendarmerie, en mairie ou depuis leur domicile. Ces mesures sont mises en œuvre par les policiers et les gendarmes.

Au niveau national, j’ai également lancé un Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae), qui regroupe l’ensemble des services concernés – forces de sécurité intérieure, renseignement, ministère de la justice, direction générale des collectivités locales (DGCL). Ce centre a pour objectif de mieux coordonner l’action de toutes les parties prenantes. Il vise notamment à mieux comprendre le phénomène et à examiner les situations individuelles sensibles afin de vérifier la mise en place, au niveau déconcentré, des mesures les plus adaptées pour protéger les élus.

Je souhaite que nous ne passions à côté d’aucune situation problématique, et nous devons prendre en charge chacune de ces situations avec la plus grande humanité.

Nous avons engagé ces réformes pour répondre à l’urgence. Votre proposition de loi apporte des solutions à long terme ; elle est l’expression d’un soutien total des parlementaires, du Gouvernement et des citoyens envers les élus locaux.

Tous les jours un peu plus, les élus sont confrontés à une violence grandissante dans notre société ; ils sont en première ligne – vous l’avez dit, madame la rapporteure. Les attaques physiques et verbales et le sentiment d’impunité qui découle de ces actes, trop souvent impunis, n’entraînent qu’épuisement chez les élus locaux et les conduisent de plus en plus à des démissions.

Ce renoncement, ce désabusement, vous les combattez, nous les combattons. C’est une réponse commune que la République doit apporter pour mieux protéger ses élus. S’il s’intéresse aux sanctions, à la protection et à l’accompagnement des élus, ce texte n’est à nos yeux qu’une première étape. Ce mal qui nous ronge a des racines plus profondes. Encore une fois, je me félicite des travaux que nous menons avec vous sur le statut de l’élu ; ils viendront nourrir la réflexion globale que nous devons mener sur le rapport de notre société à la République et à ses représentants.

Le mandat de maire – ce ne sont pas les sénateurs qui me contrediront – est le plus beau mandat. Nous devons le protéger, de même que nous devons protéger tous les élus, qu’ils soient locaux ou nationaux. À ce titre, je voudrais avoir une pensée pour votre collègue, le sénateur Patriat, dont le domicile a été vandalisé dans la nuit de lundi à mardi. Ces actes sont inacceptables, les auteurs doivent être systématiquement et durement punis. C’est la raison qui nous réunit aujourd’hui.

Nous devons aussi aller plus loin en matière de réponse pénale et judiciaire. Une fois encore, cette proposition de loi, parce qu’elle alourdit les sanctions, constitue une avancée que nous appelions très vivement de nos vœux.

Elle viendra compléter les mesures que nous avons prises récemment pour mobiliser les parquets. Dans une circulaire conjointe signée par le ministre de l’intérieur, le garde des sceaux et moi-même, que nous avons diffusée à l’été 2023 et qui s’adresse simultanément aux parquets et aux préfets, nous demandons aux procureurs de mettre en place un traitement priorisé des procédures liées aux atteintes aux élus et d’apporter une réponse pénale systématique, ferme et rapide. La circulaire demande que la voie du défèrement soit privilégiée, au regard de la nature des faits et de la personnalité du mis en cause, afin de permettre le prononcé d’une mesure de sûreté, destinée notamment à prévenir toute réitération à l’encontre de la victime.

Nous observons d’ores et déjà une légère amélioration de la réponse pénale par rapport à l’année dernière, avec une augmentation des mesures répressives : le nombre de personnes déférées a augmenté d’un peu moins de 4 points, et le nombre de personnes faisant l’objet d’une convocation judiciaire de 8,5 points. Toutefois, cette amélioration n’est pas pleinement satisfaisante. Nous devons faire encore mieux et encore plus vite.

Ce texte s’inscrit dans une prise de conscience globale, dans une volonté d’action transpartisane. Il vient enrichir le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus que nous sommes en train de mettre en œuvre, lequel s’appuie pleinement sur votre proposition de loi.

Ce plan cherche à agir selon quatre axes : la protection juridique, la sécurité physique des élus, la réponse judiciaire et les relations entre les maires et les parquets.

Nous travaillons ainsi à la mise en place d’un dispositif d’aide aux victimes et d’appui psychologique aux élus victimes de violences. Nous trouvons également de nouveaux moyens d’assurer la sécurité physique des élus, notamment en encourageant le déploiement de solutions de vidéosurveillance, qui permettent d’identifier les auteurs et de faire avancer très rapidement les enquêtes.

De très nombreux points nécessitent toutefois de modifier la loi, pour renforcer la protection fonctionnelle, améliorer sa prise en charge financière et pour alourdir les sanctions pénales. Sur tous ces points – j’y insiste – votre travail est absolument décisif.

Bien évidemment, nous pouvons toujours aller plus loin. Je pense notamment à l’article 2 bis, qui a été supprimé en commission mixte paritaire. Si l’objectif visé est essentiel, la voie retenue soulevait de nombreuses inquiétudes. Sur ces sujets, nous devons être capables de trouver les solutions les plus consensuelles possible, et je m’engage à continuer d’y œuvrer avec vous.

Sur tous ces enjeux essentiels, je ne puis que me féliciter du fait que nous arrivions à travailler de façon apaisée et consensuelle. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et GEST.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux

TITRE Ier

CONSOLIDER L’ARSENAL RÉPRESSIF POUR MIEUX PROTÉGER LES ÉLUS EN CAS DE VIOLENCES COMMISES À LEUR ENCONTRE

Article 1er

Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :

a) Au 4° bis des articles 222-12 et 222-13, les mots : « toute personne chargée d’une mission de service public, » sont remplacés par les mots : « une personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées à l’article 222-14- 5 du présent code » ;

b) Le premier alinéa du I de l’article 222-14-5 est ainsi modifié :

– les mots : « ou un agent de l’administration pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « , un agent de l’administration pénitentiaire, le titulaire d’un mandat électif public ou, dans la limite de six années après l’expiration du mandat, l’ancien titulaire d’un mandat électif public » ;

– après le mot : « fonctions », sont insérés les mots : « , actuelles ou passées, » ;

2° La section 8 est ainsi modifiée :

a) Au deuxième alinéa de l’article 222-47, les mots : « et 222-14- 2 » sont remplacés par les mots : « , 222-14- 2 et 222-14- 5 » ;

b) (Supprimé)

Article 1er bis

Au 3° de l’article 322-8 du code pénal, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « ou chargée d’une mission de service public ».

Article 2

I. – La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article 31, après le mot : « peine », sont insérés les mots : « et d’une peine de travail d’intérêt général » ;

2° Le premier alinéa de l’article 33 est complété par les mots : « et d’une peine de travail d’intérêt général ».

II. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le 4° de l’article 222-33-2-2, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis Lorsqu’ils ont été commis sur le titulaire d’un mandat électif ; »

2° Au premier alinéa de l’article 433-5, après le mot : « amende », sont insérés les mots : « et d’une peine de travail d’intérêt général définie à l’article 131-8 ».

Article 2 bis

(Supprimé)

Article 2 ter

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article 223-1-1 est ainsi modifié :

a) Après la seconde occurrence du mot : « public », sont insérés les mots : « , d’un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les mêmes peines sont applicables lorsque les faits sont commis dans les mêmes conditions à l’encontre du conjoint, d’un ascendant ou d’un descendant en ligne directe ou de toute autre personne vivant habituellement au domicile de la personne mentionnée au présent alinéa, en raison des fonctions exercées par cette dernière. » ;

2° L’article 226-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, titulaire d’un mandat électif public ou candidate à un tel mandat ou d’un membre de sa famille, les peines sont également portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende. »

TITRE II

AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES ÉLUS VICTIMES DE VIOLENCES, D’AGRESSIONS OU D’INJURES DANS LE CADRE DE LEUR MANDAT OU D’UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE

Article 3

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2123-35 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La commune accorde sa protection au maire, aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsqu’ils sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en a résulté.

« L’élu adresse une demande de protection au maire, ce dernier adressant sa propre demande à tout élu le suppléant ou ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection de la commune à l’expiration d’un délai de cinq jours francs à compter de la réception de sa demande par la commune s’il a été procédé, dans ce délai, à la transmission de la demande au représentant de l’État dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement, selon les modalités prévues au II de l’article L. 2131-2, et à l’information des membres du conseil municipal. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance suivante du conseil municipal. À défaut de respect de ce délai, l’élu bénéficie de la protection fonctionnelle à compter de la date d’accomplissement de ces obligations de transmission et d’information.

« Le conseil municipal peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle l’élu bénéficie de la protection de la commune, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 à L. 242-5 du code des relations entre le public et l’administration.

« Par dérogation à l’article L. 2121-9 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le maire est tenu de convoquer le conseil municipal dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « premier à cinquième alinéas » ;

2° (Supprimé)

3° Le deuxième alinéa de l’article L. 3123-29 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le département accorde sa protection au président du conseil départemental, aux vice-présidents, aux conseillers départementaux ayant reçu délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsqu’ils sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Il répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en a résulté.

« L’élu adresse une demande de protection au président du conseil départemental, ce dernier adressant sa propre demande à tout élu le suppléant ou ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection du département à l’expiration d’un délai de cinq jours francs à compter de la réception de sa demande par le département s’il a été procédé, dans ce délai, à la transmission de la demande au représentant de l’État dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement, selon les modalités prévues au II de l’article L. 3131-2, et à l’information des membres du conseil départemental. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance suivante du conseil départemental. À défaut de respect de ce délai, l’élu bénéficie de la protection fonctionnelle à compter de la date d’accomplissement de ces obligations de transmission et d’information.

« Le conseil départemental peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle l’élu bénéficie de la protection du département, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 à L. 242-5 du code des relations entre le public et l’administration.

« Par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le président est tenu de convoquer le conseil départemental dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. » ;

4° Le deuxième alinéa de l’article L. 4135-29 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La région accorde sa protection au président du conseil régional, aux vice-présidents, aux conseillers régionaux ayant reçu délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsqu’ils sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en a résulté.

« L’élu adresse une demande de protection au président du conseil régional, ce dernier adressant sa propre demande à tout élu le suppléant ou ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection de la région à l’expiration d’un délai de cinq jours francs à compter de la réception de sa demande par la région s’il a été procédé, dans ce délai, à la transmission de la demande au représentant de l’État dans la région, selon les modalités prévues au II de l’article L. 4141-2, et à l’information des membres du conseil régional. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance suivante du conseil régional. À défaut de respect de ce délai, l’élu bénéficie de la protection fonctionnelle à compter de la date d’accomplissement de ces obligations de transmission et d’information.

« Le conseil régional peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle l’élu bénéficie de la protection de la région, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 à L. 242-5 du code des relations entre le public et l’administration.

« Par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le président est tenu de convoquer le conseil régional dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. »

Article 3 bis

I. – L’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au 3°, après la référence : « L. 1621-2 », sont insérés les mots : « , les frais nécessaires à la mise en œuvre des protections mentionnées aux articles L. 2123-34 et L. 2123-35 » ;

2° Le 4° est complété par les mots : « ainsi que les frais nécessaires à la mise en œuvre des protections mentionnées aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique ».

II (nouveau). – L’article L. 3321-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au 2°, après la référence : « L. 1621-2 », sont insérés les mots : « et les frais nécessaires à la mise en œuvre des protections mentionnées aux articles L. 3123-28 et L. 3123-29 » ;

2° Le 5° est complété par les mots : « , ainsi que les frais nécessaires à la mise en œuvre des protections mentionnées aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique ».

III (nouveau). – L’article L. 4321-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au 2°, après la référence : « L. 1621-2 », sont insérés les mots : « et les frais nécessaires à la mise en œuvre des protections mentionnées aux articles L. 4135-28 et L. 4135-29 » ;

2° Le 5° est complété par les mots : « , ainsi que les frais nécessaires à la mise en œuvre des protections mentionnées aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique ».

Article 4

(Supprimé)

Article 5

L’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d’agent de l’État, il bénéficie, de la part de l’État, de la protection prévue aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique. Il adresse sa demande de protection au représentant de l’État dans le département. »

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Article 7

I. – À la fin du dernier alinéa de l’article L. 127-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, les mots : « par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique ».

II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 2123-34, les mots : « par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique » ;

2° La seconde colonne des deux dernières lignes du tableau du second alinéa de l’article L. 2573-10 est ainsi rédigée :

 

«

La loi n° … du … renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux

La loi n° … du … renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux

»

Article 8

Avant le dernier alinéa de l’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La protection mentionnée aux mêmes premier à cinquième alinéas implique notamment la prise en charge par la commune de tout ou partie du reste à charge ou des dépassements d’honoraires résultant des dépenses liées aux soins médicaux et à l’assistance psychologique engagées par les bénéficiaires de cette protection pour les faits mentionnés auxdits premier à cinquième alinéas. »

Article 9

I. – Après le titre V du livre II du code des assurances, il est inséré un titre V bis ainsi rédigé :

« TITRE V BIS

« LASSURANCE DES RISQUES LIÉS À LEXERCICE DUN MANDAT ÉLÉCTIF

« Art. L. 253-1. – Le titulaire d’un mandat électif ou la personne s’étant publiquement déclarée candidate à un tel mandat qui s’est vu refuser la souscription d’un contrat par au moins deux entreprises d’assurance couvrant en France les risques de dommages des biens meubles et immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales peut saisir un bureau central de tarification prévu à l’article L. 212-1.

« Le bureau central de tarification fixe le montant de la prime en contrepartie de laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque mentionné au premier alinéa. Il peut déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré.

« L’entreprise d’assurance qui maintient son refus de garantir le risque dont la prime a été fixée par le bureau central de tarification est réputée ne plus respecter la réglementation en vigueur. Elle encourt, selon le cas, soit le retrait des agréments prévus aux articles L. 321-1, L. 321-7 et L. 329-1, soit les sanctions prévues à l’article L. 363-4.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les critères permettant, en fonction de chaque scrutin, de définir les modalités de saisine du bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public. »

II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.

Article 10

I. – Après le chapitre V bis du titre Ier du livre Ier du code électoral, il est inséré un chapitre V ter ainsi rédigé :

« CHAPITRE V TER

« Protection des candidats

« Art. L. 52-18 (nouveau). – I. – Les deuxième et sixième alinéas de l’article L. 52-8, l’article L. 52-8-1, le dernier alinéa du I de l’article L. 52-12, les dixième et dernier alinéas de l’article L. 52-14, le quatrième alinéa de l’article L. 52-15 et l’article L. 52-17 sont applicables aux dépenses mentionnées au présent chapitre.

« Pour l’application des dispositions mentionnées au premier alinéa du présent I :

« 1° La référence au financement de la campagne électorale est remplacée par la référence au financement des dépenses de sécurité ;

« 2° La référence au compte de campagne est remplacée par la référence à l’état détaillé des dépenses de sécurité ;

« 3° La référence aux dépenses de campagne est remplacée par la référence aux dépenses de sécurité définies au présent chapitre.

« II. – Le présent chapitre s’applique aux candidats ayant déclaré leur candidature au représentant de l’État dans le département et ayant effectivement pris part au moins au premier tour de l’élection. Le présent chapitre s’applique aux dépenses de sécurité mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 52-18- 2 lorsqu’elles ont été engagées, dans la limite d’une période maximale de six mois précédant le premier jour du mois de l’élection, à compter du moment où le candidat a officialisé sa candidature par une déclaration publique ou, à défaut, par la déclaration d’un mandataire financier en application de l’article L. 52-4.

« Art. L. 52-18-1. – Chaque candidat bénéficie, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’au tour de l’élection auquel il participe, de la protection prévue aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique. Cette protection est assurée par l’État.

« Art. L. 52-18-2. – Pendant la période définie à l’article L. 52-18-1, l’État prend à sa charge, lorsqu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif, qu’elles ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge au titre des dépenses de sécurité remboursées au titre de l’article L. 52-12 et qu’une menace envers un candidat est avérée, les dépenses engagées par un candidat provenant des activités qui consistent en :

« 1° La fourniture de services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales ainsi que la sécurité du candidat se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ;

« 2° La protection de l’intégrité physique du candidat.

« Art. L. 52-18-3. – Les demandes de remboursement des dépenses mentionnées à l’article L. 52-18-2 sont adressées à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard à 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin, sous la forme d’un état détaillé des dépenses de sécurité accompagné des factures, des devis et des autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées par le candidat ou pour son compte. Dans le délai prévu au deuxième alinéa de l’article L. 52-15, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve ou, après une procédure contradictoire, rejette ou réforme les demandes de remboursement. Elle arrête le montant du remboursement.

« Art. L. 52-18-4. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre, notamment les critères permettant de définir différents niveaux de menace dans le cadre d’un référentiel national. Le représentant de l’État dans le département, en fonction de chaque scrutin, évalue le caractère avéré et le degré de gravité de la menace à laquelle le candidat est exposé. Le décret fixe des plafonds de prise en charge des dépenses mentionnées à l’article L. 52-18- 2 différenciés en fonction du niveau de menace ainsi défini pesant sur le candidat. Il fixe également les modalités de transmission à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de l’identité du candidat menacé et du niveau de menace caractérisé par le représentant de l’État dans le département. »

II. – Le présent article entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.

TITRE III

RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS DES MANDATS ÉLECTIFS LOCAUX PAR LES ACTEURS JUDICIAIRES ET ÉTATIQUES

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Article 12

I. – L’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « , à sa demande, » sont supprimés ;

2° Au quatrième alinéa, après le mot : « informé », sont insérés les mots : « , dans un délai d’un mois, ».

II. – Des conventions prévoyant un protocole d’information des maires sur le traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des élus peuvent être signées entre les associations représentatives des élus locaux, le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République.

Article 13

Après le premier alinéa de l’article L. 2121-27- 1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République du ressort de la cour d’appel compétent sur le territoire de la commune peut, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article et dans le respect de l’article 11 du code de procédure pénale, diffuser dans un espace réservé toute communication en lien avec les affaires de la commune. »

Article 14

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L’article L. 132-4 est complété par treize alinéas ainsi rédigés :

« S’il n’a pas été désigné par le maire, le représentant de l’État territorialement compétent désigne un agent coordinateur au sein des services de l’État afin d’assister le maire dans l’animation du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.

« Sont membres de droit du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance :

« 1° Le représentant de l’État ou son représentant ;

« 2° Le procureur de la République ou son représentant ;

« 2° bis (Supprimé)

« 3° Le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et dont la commune est membre ou son représentant ;

« 4° à 6° (Supprimés)

« Peuvent être désignés membres dudit conseil :

« a) Des représentants des services de l’État désignés par le représentant de l’État dans le département ;

« a bis) À leur demande, les parlementaires concernés élus dans la circonscription où est située la commune ;

« b) Des représentants d’associations, d’établissements ou d’organismes œuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou des activités économiques désignés par le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, après accord des responsables des associations, des établissements ou des organismes dont ils relèvent concernés.

« En tant que de besoin et selon les particularités locales, les maires des communes limitrophes de moins de 5 000 habitants ou leurs représentants et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associés aux travaux du conseil.

« La composition du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est fixée par arrêté du maire.

« Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance se réunit au moins une fois par an en présence des membres de droit ou de leurs représentants spécialement désignés à cet effet. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 132-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À la demande du maire, du représentant de l’État dans le département ou de l’autorité judiciaire, un groupe thématique chargé des violences commises à l’encontre des élus peut être constitué au sein du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Il peut traiter de l’organisation d’une réponse aux violences et d’une stratégie d’accompagnement des élus victimes. » ;

3° L’article L. 132-13 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :

« II. – Sont membres de droit du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance :

« 1° Le représentant de l’État ou son représentant ;

« 2° Le procureur de la République ou son représentant ;

« 2° bis et 3° à 6° (Supprimés)

« Peuvent être désignés membres dudit conseil :

« a) (Supprimé)

« b) Des représentants des services de l’État désignés par le représentant de l’État dans le département ;

« b bis) (nouveau) À leur demande, les maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale ou leurs représentants ;

« b ter) (nouveau) À leur demande, les parlementaires concernés ;

« c) Des représentants d’associations, d’établissements ou d’organismes œuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou des activités économiques désignés par le président du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, après accord des responsables des associations, des établissements ou des organismes dont ils relèvent.

« En tant que de besoin et selon les particularités locales, des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associés aux travaux du conseil intercommunal.

« La composition du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est fixée par arrêté du président de l’établissement public de coopération intercommunale.

« Le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance se réunit au moins une fois par an en présence des membres de droit ou de leurs représentants spécialement désignés à cet effet. » ;

c) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– au début, est ajoutée la mention : « III. – » ;

– après la deuxième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « À la demande du président ou des maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale, du représentant de l’État dans le département ou de l’autorité judiciaire, un groupe thématique chargé des violences commises à l’encontre des élus peut être constitué au sein du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. Il peut traiter de l’organisation d’une réponse aux violences et d’une stratégie d’accompagnement des élus victimes. »

Article 15

I. – Au premier alinéa des articles L. 155-1, L. 156-1, L. 157-1 et L. 158-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense » est remplacée par la référence : « n° … du … renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux ».

II. – Le début du premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, en Nouvelle-Calédonie… (le reste sans changement). »

III. – Au premier alinéa du I de l’article L. 388 du code électoral, la référence : « n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique » est remplacée par la référence : « n° … du … renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux ».

IV. – Après le mot : « loi », la fin de l’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigée : « n° … du … renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

V. – Le début du premier alinéa de l’article 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé : « La présente loi est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, dans les îles… (le reste sans changement). »

Article 16

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’opportunité d’élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle :

1° À tous les élus locaux, y compris à ceux qui n’exercent pas de fonctions exécutives ;

2° Aux conjoints, aux enfants et aux ascendants directs des conseillers départementaux et régionaux lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, de violences, de voies de fait, d’injures, de diffamations ou d’outrages.

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Article 18

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport recensant les actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et leurs résultats. Ce rapport dresse également le bilan des suites données aux plaintes déposées par les élus auprès des services de police ou de gendarmerie pour les faits de violences dont ils sont victimes.

Article 19

(Supprimé)

M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.

Article 5

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux
Article 14

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Au second alinéa du I et au 2° du II de l’article L. 2335-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « au dernier » sont remplacés par les mots : « à l’avant-dernier ».

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le président, il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Le vote est réservé.

Article 14

Article 5
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer les mots :

élus dans la circonscription où est située la commune

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’avis de la commission est également favorable.

M. le président. Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 14
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 21 décembre dernier, à la vue du mot « maire » inscrit sur l’insigne bleu blanc rouge accroché au revers de la veste d’André Mondange, un groupe d’extrême droite a agressé violemment le maire de Péage-de-Roussillon et sa famille.

L’image de son visage tuméfié témoigne de la violence de ses agresseurs. La suspicion que ce maire puisse être de gauche a suffi pour pousser ces gens à commettre cet acte immonde et tenir des propos racistes – mais tous les maires sont bien évidemment concernés, quelle que soit leur tendance politique.

Malheureusement, les cas similaires sont nombreux sur tout le territoire français, et je voudrais ici rendre hommage aux très nombreux élus touchés par ce fléau. En 2022, 2 265 plaintes et signalements pour violence verbale ou physique contre des élus ont été recensés par le ministère de l’intérieur, soit une hausse de 32 % par rapport à 2021.

Ces agressions ne se limitent pas aux élus, mais touchent aussi leurs familles. En 2020, le fils de 14 ans de Stéphanie Daumin, maire de Chevilly-Larue, a été agressé ; un mois auparavant, la voiture de Mme Daumin avait été endommagée et son domicile avait été visé par des tirs de mortier…

Ces faits ne constituent pas un cas isolé. Je souhaite ainsi m’associer au salut particulier adressé à notre collègue François Patriat, dont le domicile a subi des dégradations : c’est totalement inacceptable. Je songe aussi à Jacques Montois, maire d’Hantay, commune rurale du Nord, qui a fait l’objet, voilà quelques semaines, de menaces de mort.

La France compte plus de 520 000 élus locaux engagés au quotidien pour défendre les valeurs de la République, dans l’ensemble des 35 000 communes de notre pays. Il est de notre devoir de protéger les représentants de la démocratie locale et d’éviter à la République de se voir ainsi affaiblie, alors même que la crise des engagements s’installe dans ce climat violent.

En 2023, à mi-mandat, plus de 3 % de l’ensemble des maires élus en 2020 avaient déjà choisi de démissionner. Si les violences subies par les élus ne sont pas l’unique raison de ce désengagement, nous partageons le constat, mes chers collègues, que ces violences ne peuvent qu’aggraver la chute des vocations.

La présente proposition de loi répond à ce besoin en renforçant le volet répressif, afin de mieux protéger nos élus, et en améliorant leur prise en charge lorsqu’ils sont victimes de violences.

Toutefois, elle devra aussi s’accompagner d’un réel réinvestissement de l’État dans l’ensemble du territoire français. Depuis près de dix ans, les dotations versées aux communes par l’État n’ont cessé de baisser, alors que le transfert de charges augmente.

Les suppressions de la taxe d’habitation ou de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) n’ont fait qu’aggraver la situation financière des communes. Cette baisse continue réduit leur capacité à répondre aux besoins des habitants, ce qui vient aussi nourrir une forme de défiance. La perte d’autonomie fiscale et financière des collectivités affaiblit le pouvoir d’action des élus locaux. Ils sont de plus en plus sollicités, sans pouvoir répondre à tous les besoins de la population, alors qu’ils deviennent l’unique interlocuteur de nombreux citoyens.

Il convient donc de protéger les élus dans l’exercice de leur mandat et de veiller en même temps à garantir aux collectivités des moyens d’agir.

Si cette proposition de loi et l’accord trouvé sur ce texte répondent à un besoin urgent de sécurité pour nos élus, il nous faudra aussi accepter l’idée que l’échelon communal est essentiel pour l’équilibre de notre République.

Nos premiers travaux sur la construction d’un statut de l’élu local sont primordiaux et s’inscrivent dans notre souhait commun de permettre aux élus d’exercer leur mandat dans les meilleures conditions possible.

Une réponse répressive ne suffira pas. Nous devons réinvestir tous les territoires de la République, grâce à des services publics fonctionnels et accessibles à tous. Nos élus locaux ne peuvent être simplement les urgentistes de la République : ne les laissons pas seuls face aux grands besoins de notre temps. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en citant un chiffre : 1 424, soit le nombre de démissions de maires depuis juin 2020.

Si la tendance est relativement constante, soit un peu plus d’une trentaine de démissions d’édiles par mois depuis 2014, ces chiffres confirment aussi qu’un sentiment d’abandon et d’injustice perdure dans l’esprit de très nombreux élus locaux.

Ce sentiment devient d’autant plus prégnant que s’accroît la violence des agressions depuis quelques années et qu’augmentent les risques encourus par les élus du seul fait de l’exercice de leur mandat.

Homicide involontaire à Signes dans le Var en 2019, provocations à la haine et à commettre des violences et des actes de vandalisme à Montjoi, dans le Tarn-et-Garonne, en 2022, comme l’a rappelé Mme la ministre, ou encore incendie criminel, menaces et mise en danger d’autrui à Saint-Brevin-les-Pins, en Loire-Atlantique, et à L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, en 2023 : lors de chacun de ces drames, qui ne sont que les plus médiatisés, l’intégrité physique des élus et la sécurité de leurs proches se sont retrouvés au centre de violences ahurissantes et inacceptables.

Au travers des agressions de ces femmes et de ces hommes engagés pour la collectivité, c’est la République qui est attaquée. Aussi, je tiens à saluer la prise de conscience qui a suivi ces tragédies et le travail effectué par notre assemblée, notamment par la commission des lois, sous la houlette de son président, M. Buffet, pour accompagner tous ces élus de la République confrontés à cette montée intolérable de la violence.

Il y a déjà eu des avancées. La loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, a rendu obligatoire, pour les communes, la souscription à une assurance destinée à couvrir les coûts liés à la protection fonctionnelle des élus municipaux ; elle a également mis en place un dispositif de compensation par l’État des frais occasionnés par cette obligation pour les communes de moins de 3 500 habitants.

La loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression constitue une autre avancée, sur l’initiative de Mme Nathalie Delattre et des membres du groupe RDSE.

Je pense enfin aux recommandations de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, que j’ai eu l’honneur de présider, et dont le rapporteur était M. Mathieu Darnaud. Nous défendions, par exemple, le principe d’un renforcement de la protection fonctionnelle et d’une amélioration du dispositif judiciaire face aux violences, menaces et outrages.

Le présent texte, qui reprend plusieurs de ces recommandations, va dans le bon sens en ce qu’il reconnaît la nécessité de mieux protéger les élus de la République.

Ainsi, l’alignement des peines sur le régime applicable à certains dépositaires de l’autorité publique, l’institution d’une peine de travail d’intérêt général (TIG) en cas d’injure publique ou encore la circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale, instaurés aux premiers articles et à l’article 10 du texte, durcissent la réponse pénale et répondent en cela aux demandes des élus.

Les articles 3 à 8 améliorent l’application et le financement de la protection fonctionnelle des élus, qu’ils étendent aux conseillers régionaux et départementaux ainsi qu’aux candidats aux élections locales, en assurant la sécurisation des lieux de réunions en période électorale.

Enfin, les articles 11 à 14 visent à renforcer la prise en compte des réalités du mandat par l’appareil judiciaire, contribuant ainsi à une meilleure collaboration du parquet et des services de sécurité de l’État, notamment dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RDSE considère que l’adoption de ce texte contribuera à une meilleure sécurisation de nos élus locaux et de leurs proches. Notre République démocratique ne peut exister sans le dévouement et les convictions de tous ceux qui œuvrent chaque jour à sa préservation, à son fonctionnement et à son rayonnement. Il est de notre devoir de leur assurer protection, ainsi qu’à leurs proches.

Conscient de cet enjeu crucial, le groupe RDSE votera à l’unanimité le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire. (M. Mathieu Darnaud applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme du parcours législatif de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, élus qui font face, ici comme en outre-mer, à une hausse inquiétante des violences à leur encontre. À mon tour, j’ai une pensée toute particulière pour le président Patriat.

La commission mixte paritaire s’est réunie le 27 février dernier ; elle est parvenue à un accord, dans l’intérêt de nos élus locaux.

Le présent texte vise un objectif important et consensuel. Dans cet esprit, il a fait l’objet d’un travail de coconstruction entre les deux assemblées et le Gouvernement.

Il constitue, tout d’abord, une traduction dans la loi d’une partie des mesures du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus présenté par le Gouvernement en juillet 2023.

Le texte comportait initialement des mesures utiles, auxquelles la navette parlementaire a apporté un certain nombre d’améliorations. Nous pouvons nous réjouir que l’Assemblée nationale en ait préservé les grands équilibres et qu’elle ait conservé les apports du Sénat.

Si la proposition de loi de M. Buffet est adoptée, les sanctions encourues par les auteurs de violences à l’encontre de titulaires de mandats électifs seront renforcées : une peine de travail d’intérêt général en cas d’injure publique à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou de certains élus sera créée, de même qu’une circonstance aggravante en cas de harcèlement.

Le texte prévoit également des mesures pour améliorer la prise en charge des élus locaux victimes de violences. L’octroi de la protection fonctionnelle sera automatique pour les maires et les adjoints, ou anciens maires et adjoints, victimes de violences, de menaces ou d’outrages qui en feront la demande. Cette protection sera élargie aux candidats aux élections et l’État remboursera, en cas de menace, les frais de sécurisation engagés par les candidats pendant la campagne électorale.

Enfin, même si le Sénat n’en est pas friand, plusieurs demandes de rapport ont été introduites dans le texte. Elles portent sur l’opportunité d’élargir la protection fonctionnelle à l’ensemble des élus locaux, y compris à ceux qui n’exercent pas de fonctions exécutives ; sur les actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et sur leurs résultats, en vue de disposer de statistiques plus précises concernant les élus locaux ; enfin, sur le coût, pour les communes, de l’obligation de souscrire un contrat d’assurance couvrant les frais liés à la protection fonctionnelle.

Il restait néanmoins quelques points de divergence qui ont fait l’objet de compromis, à l’exception de l’article 2 bis, introduit au Sénat, qui prévoyait l’allongement des délais de prescription des délits d’injure et de diffamation publiques, pour les porter de trois mois à un an. L’Assemblée nationale souhaitait, quant à elle, en restreindre l’application aux élus locaux.

Outre l’objectif de favoriser la liberté d’expression, le choix d’enserrer les possibilités d’action judiciaire contre les délits de presse dans des délais restreints était justifié par le caractère éphémère de la presse papier et la rapide disparition du support de l’infraction, justification qui ne tient plus avec l’évolution des techniques de communication.

Avec François Pillet, nous avions déjà réfléchi sur ce sujet, en juillet 2016, dans un rapport d’information intitulé Léquilibre de la loi du 29 juillet 1881 à lépreuve dinternet. Nous avions déposé ensuite, avec Alain Richard, dans le cadre de l’examen du projet de loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, des amendements visant à adapter le régime de la prescription des délits de presse aux spécificités d’internet, qui rendent difficilement identifiable l’auteur des faits et permettent à des messages délictueux de perdurer dans l’espace public.

C’est pourquoi, à titre personnel, je pense que la version retenue par le Sénat allait dans le bon sens et prenait en compte cette évolution impérative de notre droit aux nouvelles technologies des moyens de communication. Il est regrettable que nos collègues députés ne l’aient pas voté en termes identiques.

Pour autant, et malgré ce regret, l’unanimité ayant été acquise au Sénat en première lecture pour la protection de nos élus, le groupe RDPI confirmera son vote en faveur de son adoption, dans les mêmes conditions. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2022, le ministère de l’intérieur a recensé 2 265 faits de violence verbale et physique contre des élus, soit une augmentation de 32 % par rapport à 2021.

Les chiffres et les faits sont là. Ils traduisent une situation inacceptable, dénoncée par chacun d’entre vous, inquiétante pour la démocratie.

Dans une société où les incivilités se banalisent, tous les corps de la société sont touchés : les journalistes, les enseignants, les sapeurs-pompiers, les médecins, et aussi les élus.

Chaque fois qu’un élu est attaqué, que ce soit verbalement ou physiquement, nous témoignons unanimement de notre soutien et de notre solidarité à l’égard de la victime. Chaque fois, nous clamons toutes et tous notre indignation, sans que les sources de cette violence se tarissent, sans que notre législation arrive à l’endiguer, malgré de nombreuses initiatives parlementaires.

Nous le constatons toutes et tous dans nos territoires, qu’ils soient ruraux, urbains ou périurbains : face à une tension généralisée, ce sont désormais les maires et les élus municipaux qui sont en première ligne. Mobilisés au quotidien, ils sont les premiers à faire face au mécontentement de nos concitoyens.

Malheureusement, ce mécontentement se transforme parfois, et de plus en plus souvent, en violence physique ou verbale, dont les élus locaux sont alors les premières victimes.

Il devient donc impératif que notre droit évolue et se fasse plus protecteur à leur égard. C’est l’une des réponses – et non la seule – à apporter face à une telle situation. Telle est la mission de cette proposition de loi, dont les objectifs ont été partiellement atteints.

Nous soutenons une large partie des dispositions comprises dans ce texte, notamment l’aggravation des peines encourues pour des faits de violences commises à l’endroit des élus, l’octroi automatique de la protection fonctionnelle aux maires, aux élus municipaux, aux suppléants ou aux personnes ayant reçu une délégation, lorsque ces derniers sont victimes de violences, de menaces ou d’outrages, ou encore le dépaysement des affaires mettant en cause un maire ou un adjoint dans l’exercice de leur mandat.

Ces mesures sont de bon sens et vont dans le bon sens. Elles seront de nature à protéger nos élus par un arsenal pénal renforcé, à améliorer leur accompagnement et leur prise en charge lorsqu’ils sont victimes de violence physique ou verbale, tout en leur assurant un traitement judiciaire équitable et raisonné lorsque cela est nécessaire.

Nous regrettons cependant que nos propositions visant à étendre la protection fonctionnelle à tous les élus, notamment ceux d’opposition, n’aient pas été adoptées.

Un rapport en la matière est bienvenu, mais largement insuffisant. Pourquoi attendre, alors que le bon sens dicte une telle disposition ?

De la même manière, les revirements de l’Assemblée nationale sur l’allongement des délais de prescription des délits d’injure et de diffamation publique commis à l’encontre des élus restent, à ce jour, problématiques, dans la mesure où ils ne se fondent pas sur une réflexion approfondie, ce qui nous a placés collectivement dans une situation un peu délicate, sur laquelle nous devrons revenir.

Cette mesure était pourtant attendue par les élus locaux, et nous regrettons qu’aucune évolution législative n’ait pu être trouvée et adoptée en bonne intelligence.

Ces regrets étant énoncés, formons le vœu que ce texte soit utile pour celles et ceux qui incarnent la République partout en France. Grâce à cette proposition de loi, nous adressons un message aux élus de l’Hexagone et des territoires ultramarins, mais aussi aux représentants des Français de l’étranger. Nous sommes toutes et tous engagés et mobilisés à leurs côtés.

Trop longtemps, les élus ont subi le manque de reconnaissance de la population, la montée des violences dans la société et une complexification de l’action publique.

Si ce texte n’est pas pleinement à la hauteur des espoirs qu’il a suscités, il constitue toutefois une première étape salutaire, sur laquelle, nous l’espérons, l’exécutif s’appuiera pour mener de nouveaux travaux approfondis. J’ai cru comprendre, madame la ministre, que tel serait le cas.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi, dont il souhaite l’adoption à une large majorité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, soigner le mal de maire, le mal des maires : tel était l’objectif que nous nous étions fixé, avec Mme Maryse Carrère, dans le cadre d’un rapport sénatorial, afin d’essayer de répondre de façon pragmatique sur un sujet qui traverse notre société et touche de plein fouet l’ensemble des élus de la République.

Pour ce faire, nous avions essayé d’apporter des réponses très concrètes, qui dessinaient déjà une partie du contenu de ce texte. À cet égard, je veux saluer le travail de M. François-Noël Buffet et de Mme le rapporteur Catherine Di Folco. Permettez-moi par là même de souligner la réactivité du Sénat sur l’ensemble de ces sujets, puisque, dès 2019, certains collègues l’ont rappelé, à la suite du décès du maire de Signes Jean-Mathieu Michel, la commission des lois s’était fixé comme objectif prioritaire de travailler sur le sujet des violences auxquelles sont confrontées les élus, en y apportant des réponses très concrètes.

Nous l’avons dit, notamment, dans le cadre du texte Engagement et proximité. Nous avons poursuivi la réflexion en faisant écho au travail de notre collègue Nathalie Delattre, puis en adoptant ce texte, qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire voilà quinze jours.

Pour autant, Mme le rapporteur l’a souligné, nous aurions souhaité aller plus loin. Il conviendra donc, par-delà ce texte, de poursuivre la réflexion pour répondre véritablement aux attentes de nos concitoyens. En effet, il y va de l’avenir de la démocratie locale et de notre capacité, grâce à cet arsenal législatif, à réinviter nos concitoyennes et nos concitoyens dans la vie démocratique locale. Pour ce faire, il faut mettre en place les conditions permettant aux élus d’exercer leur mandat de façon satisfaisante.

En ce qui concerne l’allongement des délais de prescription, nous devrons travailler concrètement sur les attaques répétées et quotidiennes dont sont victimes les élus de France, notamment au travers des réseaux sociaux. Il s’agit là d’une source de démotivation pour les élus de France, dont un grand nombre, comme en témoigne le rapport auquel je faisais référence voilà un instant, indiquent ne pas vouloir être candidat en 2026.

Au-delà de la loi, il faudra aussi mettre des moyens. Nous avons pu le constater, cher Laurent Somon, dans la Somme, où le procureur de la République a dédié des moyens pour inscrire dans le temps un lien avec les élus locaux victimes d’agressions physiques ou verbales.

Nous devrons également travailler à renforcer, toujours et encore, la protection fonctionnelle, et les moyens consacrés aux collectivités pour permettre aux élus de se défendre.

Enfin, madame la ministre, vous devrez donner rapidement une suite au texte adopté à l’unanimité ici même voilà quelques jours, présenté par notre collègue Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités locales, et portant création d’un statut de l’élu local.

Très souvent, sur les sujets relatifs à la démocratie locale, les initiatives sénatoriales sont transpartisanes. C’est dire si, finalement, elles prennent en compte les inquiétudes exprimées par les élus locaux.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, nous attendons désormais du Gouvernement des signes forts. Ce texte doit être un point de départ, afin que nous puissions aller encore plus loin. À cet égard, je sais pouvoir compter sur la détermination de M. le président de la commission des lois, cher François-Noël Buffet, qui connaît ces sujets par cœur.

C’est donc avec enthousiasme que le groupe Les Républicains votera ce texte, qui appelle bien sûr des réponses complémentaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE, RDPI, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe politique.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour la conclusion du chemin parlementaire d’un texte particulièrement important.

Comme vous, j’ai pu mesurer, lors de mes multiples rencontres avec les élus locaux, comme dans mon expérience au sein de ma commune, la problématique lancinante et intolérable de l’agressivité dont les élus peuvent faire l’objet.

Dans ce domaine, quelques chiffres doivent être rappelés – et ils l’ont déjà été. Notre assemblée a produit un travail de qualité pour évaluer et circonscrire ce phénomène délétère. Depuis la crise sanitaire de 2018 et les émeutes de l’été dernier, qui ont ravagé de trop nombreuses communes, les élus locaux font face à une flambée de violence endémique à leur égard.

Selon le rapport d’information rendu en 2019 par notre collègue Philippe Bas, 92 % des élus interrogés avaient enduré des incivilités, des injures ou même des agressions physiques. Selon le ministère de l’intérieur, en 2023, 2 300 atteintes aux élus ont été enregistrées, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente.

Nous sommes particulièrement sensibles à la question de la protection des élus, car nombre de mes collègues députés, conseillers régionaux, départementaux ou municipaux ont déjà fait les frais de cet ensauvagement, qui dégrade sans cesse la vie d’élu local et empêche de plus en plus nos concitoyens de s’engager dans ces beaux mandats, au service de nos territoires.

Bien évidemment, toute violence verbale ou physique contre des représentants du peuple, quelle que soit leur appartenance politique, est insupportable. Nous déplorons que l’œcuménisme ne soit pas toujours partagé en la matière.

Le texte qui nous est ainsi présenté apporte des mesures utiles à la protection de nos élus. L’élargissement de la protection fonctionnelle octroyée aux élus et l’inscription en dépense obligatoire de la protection fonctionnelle constituent des avancées bienvenues. Néanmoins, à l’instar de notre collègue Catherine Di Folco, nous regrettons que ce dispositif n’ait pas été étendu à tous les élus, y compris à ceux qui ne disposent pas de fonctions exécutives ou à leurs collaborateurs, qui sont aussi confrontés à des faits de violence gratuite.

Nous nous félicitons que des mesures déterminantes aient été votées pour protéger les candidats aux élections locales. De même, le renforcement des sanctions pénales contre les auteurs de violences à l’encontre de nos élus va dans le bon sens. Nous devons, dans ce domaine comme dans d’autres, appliquer le principe de la tolérance zéro.

Sitôt ce texte adopté, il nous faudra rester vigilants quant à la publication des décrets d’application, ainsi qu’à la traduction pénale des mesures que nous aurons adoptées.

Madame la ministre, la sécurité des élus locaux est un principe non négociable. Nous approchons, lentement mais sûrement, des élections municipales de 2026. La France dispose, avec ses 500 000 élus locaux, d’une armature démocratique à nulle autre pareille. L’insécurité et l’incivilité latentes de notre société ne peuvent plus dégrader la vie, déjà bien difficile, de nos élus locaux, garants et défenseurs de notre identité républicaine.

Ce texte ne constitue pas la fin de notre travail, mais bien l’amorce de notre réarmement pénal contre l’insécurité touchant nos élus, comme tous les Français. À ce titre, vous nous trouverez toujours au rendez-vous de la sérénité et de la sécurité de nos compatriotes, quels qu’ils soient. (M. Aymeric Durox applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Vincent Louault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons adopté la semaine dernière, à l’unanimité, un texte essentiel permettant d’améliorer le mandat des élus locaux grâce à un grand nombre de dispositions concrètes et bienvenues.

Aujourd’hui, c’est le volet sécuritaire qui nous réunit, sujet ô combien important ! Cette proposition de loi est attendue de très longue date. En cette période de crise de l’engagement, il était nécessaire de proposer de nouvelles solutions pour protéger les élus dans l’exercice de leur mandat.

Ce texte a été malheureusement rendu nécessaire par les récents drames qui se sont succédé ces derniers mois et la hausse des violences, injures et incivilités envers les élus locaux. Pis, ces violences intolérables sont en hausse, comme nous le martelons régulièrement au Sénat.

Selon un récent rapport du ministère de l’intérieur, plus de 2 000 plaintes ou signalements ont été recensés en 2022, soit une augmentation de 32 % en un an.

La parole s’est aussi libérée. Dès 2020, le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur sont montés au créneau avec, en la matière, des consignes fortes et courageuses, renforcées par votre circulaire, madame la ministre. En plein contexte de crise démocratique, il faut couper court à cette vague de violences.

Je souhaite saluer les auteurs de ce texte et ses rapporteurs. Nous nous sommes félicités en octobre dernier d’avoir adopté ce texte, avant qu’il ne soit examiné par l’Assemblée nationale, le 7 février 2024.

Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir, puisque la commission mixte paritaire est parvenue à une rédaction commune de l’ensemble des dispositions restant en discussion.

Nous regrettons le rejet de l’allongement des délais de prescription en cas d’injure et de diffamation publiques envers des personnes dépositaires de l’autorité publique. C’était pourtant une bonne avancée. Nous espérons que le Gouvernement pourra s’en emparer.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire reprend largement les apports du Sénat.

Je pense, par exemple, à la mesure permettant la répression pénale de toute atteinte à la vie privée des candidats à un mandat électif. Il s’agit d’une bonne disposition.

Saluons ce travail collectif, qui permet d’aboutir à un texte concret, efficace et ambitieux. Il aidera utilement nos élus dans l’exercice de leurs fonctions.

Madame la ministre, il s’agit de poursuivre les efforts en faveur de la protection des élus, qui œuvrent au quotidien auprès de leurs administrés, ne ménageant ni leur temps ni leur peine. Par ce texte, nous reconnaissons et saluons leur engagement de tous les instants au service de leur territoire.

Nos élus peuvent compter sur notre entière mobilisation à leurs côtés. Cette proposition de loi en est une preuve supplémentaire.

Il s’agit désormais de les accompagner au plus près de leur mandat, en s’assurant que l’ensemble des services judiciaires, administratifs et étatiques mettent en œuvre toutes les mesures pour les protéger. C’est simple, si nous voulons dissuader les fauteurs de troubles et de violences, il faut punir plus fort et systématiquement. Nos élus attendent de la fermeté, et cette loi le permettra.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe soutient avec force ce texte si important pour nos élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer tous les élus victimes d’agression. J’ai une pensée particulière pour l’ancien maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, mortellement blessé en août 2019 par le conducteur d’une camionnette qu’il voulait verbaliser pour avoir jeté des gravats sur le bord de la route. Vous en conviendrez sans nul doute, ce texte doit lui être dédié.

Cette proposition de loi revue et corrigée en commission mixte paritaire a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale ce lundi. Ce vote a été obtenu malgré des critiques dénonçant son caractère trop laxiste ou, au contraire, trop répressif. Quelles que soient les observations pouvant être faites, j’espère que, ce matin, nous arriverons à un même vote unanime.

Le résultat est là : en quelques articles sont clairement posés l’aggravation des peines en cas d’agression contre un élu ou contre un ancien élu, ce qui permet de sanctionner des personnes malveillantes attendant la fin du mandat d’un élu pour agir violemment contre lui, la protection des candidats à un mandat électif, l’élargissement du bénéfice de la protection fonctionnelle, et le droit à l’assurance pour les permanences des élus et des candidats à un mandat.

Aujourd’hui, nous allons donc apporter une réponse circonscrite à des actes de violence ayant pris de l’ampleur depuis des années.

Si j’use du mot « circonscrit », c’est à bon escient : il ne s’agit nullement de diminuer la qualité du travail qui a été réalisé. Je relève simplement que ce texte fait partie d’un tout, constitué par la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, que nous avons adoptée la semaine dernière, ainsi que de la loi dite Engagement et proximité de 2019.

Ces textes contribuent à améliorer le quotidien des 500 000 élus que compte la France. Mais suffiront-ils à répondre au malaise qui s’empare de nombre de nos collègues et se traduit par des démissions ou le refus de se présenter à des élections ?

Selon une étude du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) et de l’Association des maires de France, parue fin 2023, 1 300 maires ont démissionné depuis juin 2020, ce qui équivaut à un rythme de 450 démissions par an. Ce chiffre, qui doit être comparé aux 350 démissions par an de la mandature 2014-2020, témoigne d’une hausse de 30 %.

En mars 2020, lors des élections municipales, 106 communes s’étaient retrouvées sans candidat déclaré. En 2014, les communes sans prétendant à la fonction de maire étaient au nombre de 62, soit une hausse de 70 % en six ans.

Ce désarroi a des origines complexes. Il est ainsi possible d’évoquer une forme de repli sur soi ou sur son proche entourage, une peur de l’engagement, qui entraîne trop d’obligations, ou une moindre appétence pour la chose publique due à la dégradation du débat public.

Par-delà les mesures que nous avons votées ou que nous allons adopter, posons-nous la question suivante : comment concevons-nous la condition des élus ?

Être élu, selon notre conception de la démocratie, c’est avant tout un engagement volontaire et personnel. Mais peut-on imaginer qu’être élu devienne un métier qui nécessiterait un diplôme ? Il existe, depuis des années, des formations pour devenir collaborateur d’élu. Peut-être faudrait-il en créer une pour être élu ?

Il y a aujourd’hui une telle suspicion à l’égard de la politique et des élus, considérés par la plupart des Français comme des privilégiés, que nous-mêmes, en tant qu’élus, avons peut-être peur d’aborder ces questions. Ces pistes de réflexion sont ouvertes à tous.

Pour revenir au présent texte, comme nous l’avons dit en commission des lois, toutes les évolutions législatives que nous pouvons adopter doivent nécessairement s’accompagner d’un changement de culture des acteurs judiciaires et étatiques, lesquels ne peuvent plus rester passifs face à cette violence.

Enfin, je tiens à remercier l’auteur de ce texte, notre collègue président de la commission des lois François-Noël Buffet, ainsi que Violette Spillebout, rapporteure pour l’Assemblée nationale et Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat. Bien sûr, j’ai également une pensée pour ma collègue Françoise Gatel, que j’ai l’honneur de remplacer.

Vous l’avez compris, le groupe Union Centriste votera résolument en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant de commencer, je souhaitais apporter également, au nom de mon groupe, mon soutien à François Patriat.

La semaine dernière, nous avons avancé sur le statut de l’élu local et les moyens d’action nécessaires dans ce cadre. Il est bon de le rappeler, ces moyens et ce statut doivent s’accompagner de la protection des personnes élues.

Notre chambre, dans son ensemble et sa diversité, restera toujours attentive aux problématiques de nos élus et de nos institutions locales. Ses nombreux travaux montrent et démontrent le besoin d’un renouveau de la démocratie locale, à laquelle nous sommes très attachés.

Notre démocratie doit accompagner et susciter la volonté d’engagement citoyen dans les projets et actions de transformation et de transition, au cœur de nos territoires.

La crise de confiance et la crise de l’engagement sont profondément liées. Le besoin de redonner aux élus locaux leur pouvoir d’agir dans de bonnes conditions, le besoin de conforter leur rôle essentiel de proximité auprès de nos concitoyens, la nécessité de revitaliser l’engagement citoyen, passent aussi par leur protection.

À ce titre, les écologistes ont toujours activement soutenu les réflexions sur le sujet et proposé des solutions permettant de désamorcer le niveau de tension existant entre élus et citoyens, qui a parfois entraîné des dérives violentes inacceptables.

Dès la remise des travaux du groupe voulu par le président Gérard Larcher, le 6 juillet dernier, notre groupe avait déjà pu se prononcer sur les problématiques auxquelles font face nos élus.

Notre groupe soutient l’action des élus locaux et s’associe à l’ensemble des propositions qui pourraient leur permettre une plus grande protection, un meilleur accompagnement dans leur engagement. Souvent non indemnisée, la conciliation avec leur vie professionnelle et personnelle peut être un frein à leur implication. Nous nous associons à la demande d’un véritable statut de l’élu plus protecteur et du développement de moyens concrets d’accompagnement pour améliorer la parité et la diversité des profils.

Cette proposition de loi ne résoudra pas ces crises. Toutefois, nous accueillons très favorablement ce texte, qui vise à améliorer la protection fonctionnelle des élus, sans aller assez loin, comme l’ont souligné Mme la rapportrice, dont je salue le travail, et Mme Marie-Pierre de La Gontrie, puisque cette disposition ne concernera ni tous les élus ni les collaborateurs.

Nous saluons également la volonté d’assurer une meilleure compensation par l’État des coûts de couverture assurantielle liés à la protection fonctionnelle. Vous le savez, les budgets de nos collectivités sont en souffrance : inflation, non-compensation, lisibilité pluriannuelle limitée… Le Sénat s’efforce de guérir toutes ces souffrances.

Nous sommes plus circonspects sur le lien entre aggravation des peines encourues et solution au problème de violences envers les élus.

Les périodes de campagne étant propices au déclenchement de violences, il est bienvenu que ce texte permette aux candidats déclarés d’être couverts par le mécanisme de protection fonctionnelle.

Enfin, nous ne pouvons que soutenir les dispositifs liés à la facilitation des relations avec les acteurs judiciaires et saluer l’équilibre nécessaire trouvé, en dépaysant d’office les affaires dont l’élu serait le mis en cause.

De manière générale, nous soutenons les mesures inscrites dans cette proposition de loi.

Pour autant, nous sommes très attentifs à ce que ce renforcement de la protection des élus ne puisse être perçu comme un ensemble de mesures inéquitables, accroissant ainsi le fossé entre élus et citoyens.

La hausse des violences envers les élus doit toutes et tous nous alerter et nous faire réagir, en tant que parlementaires, bien sûr, mais aussi et surtout en tant que citoyens.

Notre message est clair : quelles que soient leurs formes, les violences à l’égard des élus ne sont pas tolérables dans notre société et doivent être condamnées.

Pour autant, il s’agit non pas de faire des élus des citoyens à part, mais d’assurer leur protection dans l’exercice de leurs fonctions. Nous sommes très attentifs sur ce point : la justice ne doit en aucun cas être perçue comme une justice à deux vitesses. Nous continuerons, en particulier dans le cadre des discussions budgétaires, à prôner un réel renfort du service public de la justice et une meilleure utilisation des moyens en ce sens.

Oui, il est essentiel d’encourager et d’accompagner les dépôts de plainte pour violences envers les élus, car il est essentiel d’encourager et d’accompagner les dépôts de plainte pour l’ensemble des violences, notamment les violences au travail ou les violences sexistes et sexuelles.

Nous devons continuer de nous interroger sur le sentiment d’être perdu dans le parcours du combattant de la judiciarisation des actes subis par les victimes. Mais nous ne sommes pas dupes ! Ces violences contre les élus, aussi inacceptables et injustifiables soient-elles, s’inscrivent dans la perception d’un fossé entre le politique et le citoyen, la fin de la croyance d’une gouvernance pour l’intérêt commun, le sentiment accru d’une déconnexion entre la volonté citoyenne et l’action du politique, entre la vie au quotidien et notre capacité à la modifier.

La montée des violences trouvera aussi une réponse au travers d’un développement plus large de la démocratie locale. Attelons-nous à imaginer et initier des référendums citoyens, des budgets citoyens, des implications citoyennes bien en amont des décisions.

Pour toutes ces raisons, et conscient des risques et limites de cette proposition de loi, notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE-K, INDEP et UC.)

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux
 

3

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française
Discussion générale (suite)

Dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française (projet n° 279, texte de la commission n° 391, rapport n° 390).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française
Avant l’article unique (début)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de ratification de l’ordonnance du 24 mai 2023 s’inscrit dans une démarche de clarification et d’harmonisation, pour un droit plus lisible et mieux applicable en Polynésie française.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail du sénateur Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois, qui s’est fortement impliqué sur ce texte. Je souhaite aussi remercier Teva Rohfritsch de son engagement, ici, au Sénat, au service des intérêts de la Polynésie française. (Mme Lana Tetuanui sexclame.)

Pendant longtemps, le droit domanial applicable à la Polynésie est resté illisible en raison des nombreux régimes applicables et des différentes catégories de domaines.

Depuis 1977, la Polynésie française détient la propriété de son domaine, à la suite du transfert par l’État de la totalité de son domaine public maritime à cette collectivité, à l’exception notable des zones dédiées à l’exercice de sa souveraineté, comme celles qu’utilise la marine nationale.

Bien qu’ils jouissent d’une grande autonomie en matière de gestion domaniale, l’État et ses institutions publiques conservent un important patrimoine public, incluant des infrastructures telles que les aérodromes, tribunaux, ports ou écoles, ainsi qu’un domaine privé.

Au cours du précédent quinquennat, le Parlement a voté la loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française, et ce afin de simplifier le droit applicable.

Cette loi a eu pour effet d’attribuer à l’État la faculté d’étendre les règles applicables à son domaine privé et à celui de ses établissements publics, tout en soumettant les dispositions législatives et réglementaires correspondantes au régime de l’applicabilité de plein droit.

Elle a en outre permis d’étendre le régime d’applicabilité de plein droit aux dispositions législatives et réglementaires relatives au domaine public des établissements publics de l’État, alignant ainsi le régime d’applicabilité de ces dispositions sur celui qui prévalait pour le domaine public de l’État.

Ainsi, depuis 2019, les règles relatives aux domaines public et privé de l’État et de ses établissements publics sont applicables de plein droit en Polynésie française.

En somme, en cohérence avec ce qui existait déjà dans les autres collectivités d’outre-mer, le présent projet de loi prévoit d’harmoniser les règles applicables et de donner à l’État une compétence en matière d’établissement des règles relatives à son domaine privé et aux domaines privé et public de ses établissements publics en Polynésie française.

Cette évolution positive méritait d’être mise en œuvre, puisque le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) n’avait pas été mis en cohérence avec ces nouvelles dispositions. Or nous devons à la Polynésie et à nos collectivités d’outre-mer un droit pleinement applicable et de qualité. Je sais que vous y êtes très attaché, monsieur le rapporteur.

C’est à cette situation que l’ordonnance du 24 mai 2023, que je vous propose de ratifier aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, vient apporter une réponse.

Ladite ordonnance s’inscrit dans le prolongement de la démarche de codification du droit domanial applicable à l’outre-mer engagée avec l’ordonnance du 28 septembre 2016 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à l’outre-mer.

L’ordonnance de 2016 a contribué à refondre la cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques relative à l’outre-mer, afin de rendre plus lisible l’application du droit domanial dans les collectivités concernées.

Les règles relatives au domaine privé de l’État en Polynésie française n’ont cependant pas pu entrer dans le champ de cet exercice de codification, le Conseil d’État ayant rendu un avis, le 15 septembre 2016, aux termes duquel a été retenue une interprétation stricte de la compétence de l’État sur son seul domaine public et celui de ses établissements publics.

L’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 traduit, dans le livre VI de la cinquième partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, consacré à la Polynésie française, la nouvelle répartition des compétences entre l’État et cette collectivité qu’a opérée la loi organique du 5 juillet 2019. Elle permet ainsi de compléter la partie législative de ce code consacrée à l’outre-mer en renforçant, tant pour les praticiens que pour les usagers, la cohérence et l’intelligibilité des règles de droit domanial applicables en Polynésie française.

L’ordonnance est prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, qui confère au Gouvernement une habilitation permanente pour étendre, par ordonnances, dans les collectivités régies par l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les dispositions législatives en vigueur en métropole dans les matières relevant de la compétence de l’État.

Si cette ordonnance donne davantage de lisibilité au droit domanial en Polynésie française, elle ne remet aucunement en cause – j’y ai été très attentif – les compétences de la collectivité.

Je veux par ailleurs rassurer : je sais que cette ordonnance a pu susciter des interrogations chez certains élus polynésiens, mais je sais aussi que le travail du sénateur Teva Rohfritsch et de sa collègue Lana Tetuanui…

Mme Lana Tetuanui. Quand même…

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … ont permis de lever ces doutes. J’en profite pour saluer le travail de concertation et le dialogue entre parlementaires et élus locaux. C’est l’exemple même de la relation de confiance qui doit se nouer pour œuvrer le plus efficacement possible au service de tous les territoires.

Je veux également souligner le travail de consultation qui a été mené et je note que l’assemblée de la Polynésie française avait émis un avis favorable sur la loi organique de 2019.

Je sais que le dialogue se poursuivra notamment avec la ministre déléguée chargée des outre-mer, Marie Guévenoux, qui est actuellement en déplacement en Guyane et que je salue.

À l’occasion de l’examen de ce texte, qui vise à mettre un terme à l’actualisation du code général de la propriété des personnes publiques, je tiens enfin à saluer le travail remarquable des agents de la direction de l’immobilier de l’État (DIE) et, plus particulièrement, l’engagement de Pierre Brun, administrateur des finances publiques, qui, je le sais, a consacré une grande partie de sa carrière à renforcer la lisibilité et à s’assurer de la bonne application du code général de la propriété des personnes publiques.

En conclusion, l’ordonnance du 24 mai 2023 harmonise les règles domaniales de l’État en Polynésie française. En contribuant à l’édification d’un ensemble unifié, celle-ci prévient par ailleurs les lacunes et les incohérences juridiques. Elle garantit également la conformité de notre droit avec le droit polynésien, en prévoyant une législation adaptée aux dispositions locales, évitant ainsi les contradictions.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à adopter ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, l’ordonnance du 24 mai 2023, qui est soumise à la ratification du Sénat, tend à compléter le livre du code général de la propriété des personnes publiques consacré à la Polynésie française.

Considérant cette ordonnance comme un facteur d’amélioration de la cohérence et de la lisibilité des règles de droit domanial applicables en Polynésie française, la commission des lois a approuvé sa ratification sans modification.

Avant le vote de la loi organique de 2019 portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française et l’ordonnance du 24 mai 2023 prise par le Gouvernement, la multiplicité des régimes applicables et des catégories de domaine rendait en effet peu lisible le droit domanial applicable sur ce territoire.

Vous le savez, l’une des spécificités du cadre juridique de la Polynésie française réside dans l’entrecroisement de différents niveaux de compétences normatives. La collectivité dispose d’une compétence normative de principe, tandis que l’État ne peut agir qu’au sein d’un périmètre de compétences qui lui est dévolu par la loi statutaire de 2004.

À cela s’ajoute la coexistence de différentes catégories de domaines. Depuis 1977, la Polynésie française est propriétaire de son propre domaine, auquel l’État a transféré l’entièreté de son domaine public maritime, à l’exception – il est bon de le noter – des dépendances affectées à l’exercice de sa souveraineté, comme celles de la marine nationale.

Dans cette collectivité d’outre-mer particulièrement autonome en matière domaniale, l’État et ses établissements publics conservent néanmoins la propriété d’un vaste domaine public, qui comprend des aérodromes, des palais de justice, des ports ou des écoles, et d’un domaine privé.

Jusqu’en 2019, seul le domaine public de l’État figurait parmi les compétences reconnues aux autorités étatiques par le statut de 2004. A contrario, l’État n’était pas compétent pour établir les règles relatives à son domaine privé.

Cette répartition des compétences était singulière, notamment en comparaison des autres collectivités d’outre-mer. À la lumière des auditions que j’ai conduites, elle semble davantage relever d’une omission que d’un choix délibéré.

Il en résultait une insécurité, si ce n’est un vide juridique. En effet, bien qu’ayant la compétence théorique pour légiférer sur le domaine privé de l’État, la Polynésie française n’en a jamais fait usage. Dès lors, le domaine privé de l’État se trouvait, en pratique, régi par l’ancien code du domaine de l’État, qui avait été maintenu en vigueur à titre dérogatoire.

Cette fragmentation normative a été naturellement préjudiciable à l’intelligibilité, mais également à l’évolution des normes. Comme le relevait le Conseil d’État en 2016, le législateur ordinaire demeurait en effet incompétent pour modifier une disposition touchant au domaine privé de l’État en Polynésie française.

Face à ce statu quo insatisfaisant, la loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française a permis de faire un premier pas vers la résolution de cette situation. Elle a ainsi étendu expressément la compétence de l’État en Polynésie française à son domaine privé et aux domaines public et privé de ses établissements publics.

Par souci de simplification et de lisibilité, le régime de l’applicabilité de plein droit a été élargi, sur l’initiative du Sénat, au domaine de l’État et de ses établissements publics.

Cependant, cette réforme ne peut être pleinement effective sans une mise en cohérence concrète du code général de la propriété des personnes publiques. En effet, la loi organique ne permet pas à elle seule d’identifier dans ledit code les règles applicables, avec ou sans adaptations, et celles qui ne sont expressément pas étendues. L’ordonnance, que le présent projet de loi tend à ratifier, opère donc cette actualisation quatre ans après.

À cet égard, la commission des lois tient à déplorer les lenteurs de la réforme, au regard des enjeux particulièrement prégnants de lisibilité du droit en Polynésie. Ainsi, pendant vingt ans, près de quinze kilomètres carrés de territoire ont été régis en Polynésie française par des dispositions obsolètes depuis 2006, qui ont été maintenues en vigueur à défaut de solution.

Au-delà de son aspect très technique, cette ordonnance est emblématique des difficultés juridiques auxquelles sont confrontées les collectivités d’outre-mer : en premier lieu, elles résultent de la difficile appréhension de l’état du droit applicable, souvent peu lisible et accessible ; en second lieu, elles s’ajoutent à la nécessité de veiller à ce que cet objectif de clarté ne fasse pas fi des spécificités locales et ne conduise pas à omettre toute adaptation et toute prise en compte du statut particulier de la collectivité.

À ce titre, quinze articles sont insérés dans la cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques, afin d’adapter les dispositions applicables.

Certains articles n’opèrent que des ajustements mineurs, en supprimant par exemple la mention de codes inapplicables en Polynésie ou encore des éléments qui n’ont pas d’équivalent local, comme les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).

Le travail le plus important réside finalement dans l’identification des dispositions relevant de la compétence de la Polynésie française.

Pour des motifs historiques et politiques, le statut de 2004 réserve en effet à la Polynésie française une compétence exclusive pour acquérir certains biens. Ainsi, la Polynésie française dispose d’un droit de préemption immobilier ; de même, elle est compétente en ce qui concerne les biens vacants et sans maître ou ceux des personnes qui décèdent sans héritier.

Dès lors, l’ordonnance exclut expressément l’application par l’État en Polynésie de ces procédures d’acquisition, qui risqueraient d’empiéter sur les compétences propres du pays.

Dans ce contexte, la commission des lois a accordé une importance particulière à un enjeu essentiel, le respect des compétences de la Polynésie française. Aussi déplore-t-elle que l’on n’ait pas fait en sorte que l’assemblée de la Polynésie française soit en mesure d’émettre un avis sur le projet d’ordonnance – même si cet avis est réputé favorable –, la saisine du Gouvernement étant intervenue en pleine période électorale, au mois d’avril 2023.

En tant que rapporteur, je me suis attaché, au cours des travaux préparatoires de la commission, à recueillir l’avis et les observations des représentants polynésiens, notamment le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française, le SPCPF, le président de l’assemblée de la Polynésie française et notre collègue Lana Tetuanui.

Sans préempter le débat que nous ne manquerons pas d’avoir dans quelques instants, je vous assure avoir accordé la plus grande considération aux réserves formulées par les représentants de la Polynésie française.

Toutefois, au terme d’une analyse juridique approfondie, la commission est parvenue à la conclusion que cette ordonnance traduisait fidèlement les principes fixés par la loi organique de 2019, sans empiéter sur les compétences de la Polynésie française.

Ainsi, en matière d’acquisition des biens culturels maritimes, l’ordonnance se contente de mettre en cohérence le code général de la propriété des personnes publiques avec des règles qui figurent à la fois dans le code du patrimoine métropolitain et dans le code du patrimoine de la Polynésie française, comme je l’ai indiqué à mes collègues Teva Rohfritsch et Lana Tetuanui, tous deux très impliqués sur ce sujet.

Par ailleurs, je ne peux que regretter que l’amendement déposé par notre collègue Agnès Canayer ait été déclaré irrecevable, tant son dispositif semblait apporter une réponse attendue à la problématique de l’entretien des chemins privés ruraux en Polynésie. Sensible à ces enjeux, je souhaite qu’un prochain véhicule législatif nous permette d’obtenir des avancées en la matière.

En somme, la commission des lois a considéré que le présent projet de loi permettait de clarifier et de mettre en cohérence, avec du retard, mais une certaine prudence, le droit domanial de l’État en Polynésie française.

Au bénéfice de ces observations, la commission vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi de ratification sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous penchons de nouveau aujourd’hui sur les principes fixés par la loi organique du 5 juillet 2019 relative à la répartition des compétences et au régime d’applicabilité du droit domanial en Polynésie française.

Cette fois-ci, il est question de l’ordonnance du 24 mai 2023 qui consolide les principes émis par la loi organique en modifiant le code général de la propriété des personnes publiques.

Avant toute chose, je tiens à saluer le travail dense, riche et efficace du Parlement qui a scellé, par la loi organique de 2019, un pacte de confiance entre l’Hexagone et les collectivités d’outre-mer. Ce travail a été rendu possible grâce aux efforts de coopération entre notre assemblée et le gouvernement de l’époque, par l’entremise d’Annick Girardin, alors ministre des outre-mer.

L’ordonnance du 24 mai 2023, très attendue par les Polynésiens, tend à clarifier le régime du droit domanial de la Polynésie française, ce lointain et magnifique territoire aux indiscutables spécificités géographiques et géologiques avec ses 118 îles volcaniques et coralliennes. Ces caractéristiques appellent naturellement à la mise en place d’un régime juridique exigeant, qui permette aux usagers de mieux s’en prévaloir.

Ce texte met donc fin au régime de spécialité législative qui prévalait pour l’application des dispositions relatives au domaine public des établissements de l’État. Il aligne enfin le régime polynésien sur celui de l’applicabilité de plein droit pour ce qui relève du domaine public de l’État.

Pour ce territoire, qui s’étend sur une superficie comparable à celle de l’Europe, une telle clarification était nécessaire. La multiplicité des régimes applicables rendait le droit patrimonial illisible.

Le groupe RDSE appelle toutefois à la prudence, car il ne faudrait pas dénaturer le caractère sacré du rapport entre le Polynésien et sa terre. Avant d’être une simple propriété foncière, il est avant tout un symbole affectif, social et culturel.

Pour concilier ces exigences culturelles avec les spécificités de l’archipel, nous appelons le Gouvernement à se saisir de nouveau du projet de codification du régime de la propriété publique en Polynésie, abandonné en 2011. Le groupe RDSE s’est toujours prononcé en faveur de tels projets de codification.

J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à se remémorer le travail réalisé par notre collègue Nathalie Delattre lors de l’examen de la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités territoriales ; cette démarche visait à améliorer la clarté et l’intelligibilité du droit au sein des collectivités.

Parce qu’il répond aux mêmes exigences, nous voterons unanimement en faveur de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (M. le rapporteur applaudit.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de ratification de l’ordonnance du 24 mai 2023 est marqué du sceau de la clarification et de la cohérence.

Je salue l’excellent travail de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois, qui s’est beaucoup impliqué sur ce texte.

Avant 2019, de multiples régimes applicables et différentes catégories de domaines rendaient le droit domanial applicable à la Polynésie française illisible.

Le Parlement a voté la loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française pour remédier à cette situation.

Ce texte harmonise les règles applicables aux collectivités d’outre-mer et délègue à l’État la compétence en matière d’établissement des règles relatives à son domaine privé et aux domaines privé et public de ses établissements publics en Polynésie française, comme c’était déjà le cas dans toutes les autres collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Cette évolution, pour positive qu’elle soit, restait incomplète en l’absence de mise en cohérence du code général de la propriété des personnes publiques. Ce sera chose faite avec la ratification de l’ordonnance du 24 mai 2023, qui intervient plus de quatre ans après la promulgation de la loi organique de 2019.

Cette ordonnance, que nous devons ratifier avant le mois de novembre prochain, vise à remettre de l’ordre dans le code général de la propriété des personnes publiques, en donnant davantage de lisibilité au droit domanial en Polynésie française, sans bien entendu empiéter sur les compétences de la collectivité.

Je sais que, récemment, cette ordonnance a pu susciter quelques interrogations parmi les élus polynésiens, notamment concernant l’appréhension par l’État de la notion de « biens culturels maritimes » situés dans son domaine public maritime.

Je souhaite remercier mon collègue Teva Rohfritsch, sénateur de la Polynésie française, qui a travaillé sur ce texte au sein de notre groupe RDPI. Il a tenu à clarifier cette disposition précise auprès de l’assemblée de la Polynésie française qui l’avait interpellé. Je salue également notre collègue Lana Tetuanui sur ce dossier. Tous deux ont réalisé un travail remarquable dans l’intérêt de la Polynésie française.

En l’occurrence, la référence dans le code général de la propriété des personnes publiques à la notion de « gisement », issue du code du patrimoine, ne concerne pas les ressources naturelles présentes dans les fonds marins polynésiens, la zone maritime polynésienne relevant par ailleurs quasi exclusivement de la Polynésie française.

Je tiens également à souligner que l’assemblée de la Polynésie française a émis un avis favorable sur la loi organique de 2019 ; en outre, son avis était réputé favorable sur l’ordonnance du 24 mai 2023, même si le rapporteur de la commission des lois a souhaité auditionner le président de cette assemblée, M. Antony Géros.

En outre, un comité interministériel des outre-mer (Ciom) devait se tenir avant le remaniement ministériel pour évoquer la situation des collectivités du Pacifique. Les sénateurs Teva Rohfritsch et Mikaele Kulimoetoke, comme l’ensemble des membres du groupe RDPI, attendent que la nouvelle ministre déléguée chargée des outre-mer, Mme Marie Guévenoux, fixe un nouveau rendez-vous, qui sera l’occasion de proposer des mesures adaptées à cette géographie de l’immense océan Pacifique, au bénéfice de nos collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et des 550 000 citoyens français qui y résident.

Pour toutes ces raisons et avec en tête l’intérêt premier de nos concitoyens de la Polynésie française, le groupe RDPI votera ce texte. (M. le rapporteur et M. Louis Vogel applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous convaincus ici des atouts et de la grandeur du territoire polynésien. Ce constat est partagé sur toutes les travées de cet hémicycle.

Nos textes rendent hommage à la place à part entière qu’accorde à l’archipel l’article 74 de la Constitution qui, en respect de l’identité polynésienne, lui confère par ailleurs un statut d’autonomie.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française.

Cette évolution concerne l’utilisation des biens appartenant à l’État, aux collectivités territoriales et aux organismes publics.

L’ensemble des modifications apportées au code général de la propriété des personnes publiques résulte de la loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française ; le texte dont nous débattons vise donc à parachever ce mouvement.

La loi organique de 2019 a permis de clarifier et de préciser les précédentes législations. Ainsi, en accord avec les élus du territoire polynésien, le Gouvernement a élaboré un texte contribuant à une mise à jour du statut d’autonomie de la Polynésie, créé en 2004.

Les deux principaux enjeux, simples dans leur énoncé, sont toutefois complexes à atteindre : simplification juridique et respect des spécificités locales.

À nos yeux, les modifications envisagées sont fructueuses et bénéfiques, car elles contribueront à favoriser la conciliation entre le droit positif métropolitain et le droit spécifique à la Polynésie française quant à la gestion des biens publics. L’objectif est tout simplement d’améliorer la lisibilité de la répartition des compétences et le régime d’applicabilité du droit domanial en Polynésie française.

La loi organique de 2004 prévoyait que l’État et la Polynésie française détenaient respectivement un droit de propriété sur leurs domaines public et privé.

Cependant, cela ne permettait pas à l’État de disposer d’une compétence normative sur son propre domaine. Il était donc essentiel de mettre fin aux incertitudes qui entouraient les compétences de l’État et qui avaient pu freiner certaines initiatives des autorités polynésiennes.

En application de la loi organique de 2004, l’État ne pouvait pas céder ses immeubles par exemple. Comme le rappelle le rapport de la commission des lois, il faut savoir que le domaine privé de l’État représente tout de même près de 12,5 kilomètres carrés sur place. On comprend donc tout l’intérêt pour l’État de disposer d’un droit de regard en la matière.

L’ordonnance du 24 mai 2023 révise le chapitre du code général de la propriété des personnes publiques consacré à la Polynésie française.

En application de l’article 1er de l’ordonnance, l’article L. 5611-1 dudit code énonce désormais que les dispositions du code « sont applicables de plein droit en Polynésie française au domaine public et privé de l’État et de ses établissements publics ». Cette modification met fin à toute ambiguïté.

En parallèle de la mise en œuvre d’un régime d’applicabilité de plein droit, les articles 2, 3 et 4 de l’ordonnance définissent le cadre administratif et juridique de la Polynésie française relatif aux règles de droit commun applicables en matière d’acquisition, de gestion et de cession des biens du domaine de l’État.

A priori, la ratification de cette ordonnance devrait assurer à la population polynésienne un meilleur développement du parc locatif social et une meilleure gestion des terrains publics sur le territoire. En effet, la réforme du code général de la propriété des personnes publiques contribue à la mise en place de nouvelles règles qui doivent permettre à l’État de vendre des terrains appartenant à son domaine privé à prix réduit, et ce pour construire les logements sociaux tant attendus sur place.

En ce qui concerne le respect des spécificités locales, le rapporteur nous a rassurés : il a témoigné de sa vigilance sur le sujet en commission. L’épisode regrettable de la non-consultation de l’assemblée de la Polynésie française semble désormais derrière nous. Nous approuvons par ailleurs l’opinion du rapporteur lorsqu’il minimise l’incidence des dispositions permettant l’achat de biens culturels maritimes, strictement limité au domaine maritime public de l’État.

En définitive, l’ordonnance du 24 mai 2023 nous semble clarifier la législation en vigueur, garantir le développement de certaines constructions essentielles et favoriser – du moins, nous l’espérons – le développement économique et social de l’archipel polynésien.

À ce stade, le groupe SER soutient donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous soumet aujourd’hui le Gouvernement s’inscrit dans la continuité des travaux antérieurs du Parlement relatifs à la Polynésie française, en particulier des ajustements au statut de cette collectivité opérés par une loi organique de 2019, dont le rapporteur, au Sénat, était notre collègue Mathieu Darnaud.

L’ordonnance qu’il nous est proposé de ratifier concerne la question juridiquement complexe du domaine public de l’État.

Cette thématique acquiert une acuité particulière dans les collectivités françaises du Pacifique, sujettes à des règles souvent fortement dérogatoires au droit commun. Il en va ainsi de la Polynésie française, territoire doté d’un immense domaine maritime, dont l’autonomie est régie par l’article 74 de la Constitution.

L’actuelle répartition du domaine public fut historiquement structurée par un transfert graduel, à partir de 1977, de tronçons du domaine public de l’État à la collectivité polynésienne. La cohabitation des domaines y fut ensuite consacrée par la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, dont l’article 46 prévoit l’exercice par l’État, la Polynésie et les communes de leurs droits de propriété sur leurs domaines respectifs.

Toutefois, le droit applicable à la domanialité de l’État en Polynésie n’était pas dénué d’ambiguïtés. En effet, si le domaine de la collectivité a été défini en détail à l’article 47 du texte organique, il n’en a pas été ainsi de celui de l’État. Jusqu’en 2019, cette loi ne rangeait pas le domaine privé de l’État parmi les compétences de ce dernier.

Or la Polynésie française dispose de la compétence par principe sur son territoire ; cette omission revenait donc implicitement à laisser la compétence relative à l’encadrement du domaine privé de l’État à la collectivité, contrairement à ce qui existe dans d’autres collectivités ultramarines. Bien que la Polynésie n’en ait pas in fine fait usage, cet état du droit a engendré une complexité inutile et endommagé la sécurité juridique du domaine privé de l’État et de ses établissements publics.

En 2019, la loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française a utilement entamé le travail de correction de ce qui s’apparentait clairement à une anomalie et à un oubli. L’applicabilité de plein droit des dispositions nationales relatives aux deux domaines de l’État, public et privé, est donc formellement la norme dans ce territoire depuis cinq ans.

Cette modification de la loi organique relative à la Polynésie nécessitait cependant une répercussion au niveau de la loi ordinaire, en particulier au livre VI de la cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques. Tel est l’objet de l’ordonnance du 24 mai 2023, que l’on nous demande aujourd’hui de ratifier.

Je ne reviens pas sur le détail, souvent technique, du contenu de l’ordonnance, dont il suffit de dire qu’elle tire les conséquences de la loi organique et procède à un certain nombre d’adaptations, de clarifications et de simplifications rédactionnelles du code, qui amélioreront la lisibilité du droit.

À cette occasion, je salue le travail d’analyse accompli par notre rapporteur Thani Mohamed Soilihi, notamment sur la question du domaine public maritime en Polynésie.

Enfin, nous considérons que le délai de quatre ans entre la loi organique et l’ordonnance est regrettable. Même si c’est dans une moindre mesure, le délai entre la publication de l’ordonnance et le début de l’examen du projet de loi de ratification est également perfectible, puisque la caducité de l’ordonnance ne serait intervenue que dans neuf mois à peine, en application de l’article 74-1 de notre Constitution.

En conclusion, pour l’ensemble des raisons précédemment évoquées, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Vincent Louault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue les présentations qui viennent de nous être faites.

La loi organique de 2019, qui a modifié le statut de la Polynésie française, a comblé une lacune en mentionnant explicitement la compétence de l’État dans son domaine privé et a étendu le régime applicable de plein droit à toutes les dispositions relatives aux domaines public et privé de l’État.

Pour autant, depuis, aucune disposition du code général de la propriété des personnes publiques, applicable en Polynésie, n’a été actualisée. Cette actualisation est l’objet de l’ordonnance du 24 mai 2023, qu’il nous est proposé de ratifier aujourd’hui.

Je constate que, entre l’omission de la compétence de l’État sur son domaine privé et la correction de cette omission par cette ordonnance, il se sera écoulé vingt ans !

À cet égard, je remercie M. Brun, de la direction de l’immobilier de l’État, de clore ce dossier ancien avant son départ à la retraite…

Parce qu’il est urgent et nécessaire d’améliorer la lisibilité du droit applicable en Polynésie française, le groupe Les Indépendants votera pour la ratification de cette ordonnance. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, GEST et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme on dit en Polynésie, ia ora na ! (Sourires.)

Je commencerai par rappeler que la Polynésie française a envoyé au Sénat, en 2020, deux sénateurs, M. Teva Rohfritsch et moi-même, Mme Lana Tetuanui.

Conformément à l’article 74-1 de la Constitution, le Sénat est appelé à examiner, sous peine de caducité, le projet de loi ratifiant l’ordonnance modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française, prise en conseil des ministres le 24 mai 2023 et publiée au Journal officiel de la République française le 25 mai 2023.

Cette ordonnance reprend essentiellement des dispositifs existant en métropole, au bénéfice de la gestion domaniale de l’État. Son esprit est celui d’une meilleure lisibilité du droit.

À l’origine, en vertu du partage des compétences entre l’État et la Polynésie, il appartenait à la collectivité d’outre-mer de fixer les règles relatives au domaine privé de toutes ses collectivités publiques. L’État a ensuite préféré reprendre cette compétence.

Cependant, pour que les dispositions législatives relatives au domaine privé de l’État soient applicables, encore fallait-il que le texte normatif soit étendu par une mention d’applicabilité. C’est la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, modifiée en 2019, qui a permis de réformer les conditions d’applicabilité du droit domanial de l’État.

Or, après analyse, on note que la rédaction de l’ordonnance du 24 mai 2023 diffère de celle du projet de ratification soumis à notre examen.

En effet, le deuxième alinéa de son article 2 prévoit de ne pas étendre à la Polynésie les articles relatifs à certaines modalités d’acquisition – dation en paiement, droit de préemption, successions en déshérence, etc. Cette disposition paraît justifiée, puisque la Polynésie dispose d’une compétence en la matière.

Néanmoins, monsieur le ministre, le dernier alinéa de l’article 2, qui introduit l’acquisition de biens culturels maritimes par l’État, en tant qu’ils sont situés dans son domaine public maritime, appelle une certaine réserve.

Le domaine public maritime de l’État en Polynésie française doit être clairement identifié, réserve faite des éventuelles emprises relevant de la compétence liée à la défense nationale.

Il convient aussi de rappeler la compétence de la Polynésie en matière de culture, telle qu’elle résulte de la combinaison des articles 13 et 14 de la loi organique statutaire. Or il semblerait que le dernier alinéa de l’article 2 intervienne dans le domaine de compétence de la Polynésie, puisqu’il vise les biens culturels maritimes dont les éléments sont énoncés par l’article L. 532-1 du code du patrimoine : « Constituent des biens culturels maritimes les gisements, épaves, vestiges ou généralement tout bien présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique qui sont situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë. »

Toutefois, si une épave ou un vestige pouvant présenter un intérêt préhistorique, archéologique ou historique ne soulève pas de difficultés d’interprétation, il pourrait en être autrement d’un gisement, qui pourrait s’entendre au sens géologique du terme !

À cet égard, pour éviter toute ambiguïté sur l’interprétation de cette disposition ainsi qu’un enchevêtrement des compétences entre l’État et la Polynésie, j’ai déposé un amendement visant à abroger l’article L. 5621-2 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel rend applicable l’acquisition par l’État de biens culturels maritimes situés dans son domaine public maritime.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que cet amendement est soutenu par le président de l’assemblée de la Polynésie française, Antony Géros, comme celui-ci l’a exprimé dans un courrier daté du 11 mars dernier – soit il y a trois jours – qu’il a envoyé au président de la commission des lois du Sénat et à la ministre déléguée chargée des outre-mer.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, cette ordonnance est emblématique des difficultés juridiques auxquelles sont confrontées les collectivités d’outre-mer et de la difficile appréhension par l’État du droit applicable, souvent peu lisible et accessible.

Ainsi, nous devons toujours rester vigilants à l’égard de situations souvent complexes à sécuriser, dans le respect des identités foncières et des évolutions institutionnelles propres à chaque collectivité ultramarine.

Pour conclure, je veux remercier M. le rapporteur, mon cher collègue Thani Mohamed Soilihi, de l’excellent travail qu’il a fourni pour la commission des lois.

Bien évidemment, sous réserve de l’adoption de cet amendement, le groupe Union Centriste votera favorablement ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes la chambre des territoires. J’ai tendance à le répéter, même si c’est une évidence, car l’attention que nous portons aux situations de nos territoires est singulière et nous caractérise.

La Polynésie française est une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution. Son statut lui confère une autonomie renforcée et le pouvoir d’édicter des normes relevant du domaine de la loi.

Ce statut encadre strictement le domaine d’intervention de l’État, qui conserve des compétences d’attribution limitativement énumérées, tandis que la Polynésie détient la compétence normative de droit commun.

Jusqu’en 2019 et depuis le statut de 2004, l’État disposait d’une compétence normative expresse sur son seul domaine public, et non sur son domaine privé, qui représente pourtant 12,5 kilomètres carrés.

Cette répartition des compétences entre territoires et État présentait un caractère inhabituel, au regard des régimes en vigueur dans les autres collectivités d’outre-mer.

La compétence sur le domaine privé revenait donc, par défaut, aux institutions de la Polynésie, qui n’ont d’ailleurs jamais usé de cette faculté.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, dont je salue le travail, la loi organique de 2019 a précisé que l’État était compétent pour fixer les règles relatives à son domaine privé et à celui de ses établissements publics.

Le principe de cette extension a, par ailleurs, été approuvé par un avis de l’assemblée de la Polynésie française en date du 15 novembre 2018.

Cependant, pour produire pleinement ses effets juridiques et devenir pleinement applicable, cette réforme impliquait une mise en cohérence globale des dispositions du livre VI de la cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques.

C’est ce qu’a fait l’ordonnance dont nous examinons la ratification aujourd’hui.

Nous nous associons aux regrets de la commission sur la prise tardive d’une ordonnance en ce sens, au mois de mai 2023. Encore plus que ce retard, nous regrettons le manque d’égards du Gouvernement vis-à-vis de cette collectivité d’outre-mer, qui, certes, a été saisie du projet d’ordonnance, mais dans des conditions compliquées, en plein milieu des élections territoriales.

Nous sommes rassurés que notre assemblée ait pleinement joué son rôle et ait pu échanger avec les acteurs locaux, qui ont été écoutés et, surtout, entendus – j’ai été attentif à ce que vient de dire Lana Tetuanui.

Je profite de l’examen de ce texte pour rappeler l’État à son devoir.

Monsieur le ministre, près de soixante ans après les premiers essais nucléaires français dans le Pacifique, les questions des réparations et des compensations pour les dommages causés par ces tests ne sont toujours pas résolues.

Alors que près de 170 000 personnes ont été exposées à des radiations, les avancées de 2010 ne répondent toujours pas à la triste réalité, sur laquelle j’ai discuté avec plusieurs représentants du territoire polynésien.

Mes chers collègues, au-delà de cette digression liée aux dangers du nucléaire subis par la Polynésie, notre groupe soutiendra l’amendement de Lana Tetuanui et votera cette ratification, synonyme de clarification nécessaire et de sécurisation juridique plus que bienvenue. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la complexité du droit domanial outre-mer est un phénomène largement documenté. Dès 2015, le Sénat a alerté sur cette situation, née du « morcèlement » du droit de la domanialité et d’un « éparpillement des normes applicables dans un grand nombre de textes différents qui interagissent entre eux ».

La Polynésie française n’échappe pas à cette situation. En effet, les compétences de l’État en Polynésie sont régies par le principe d’attribution : la compétence de principe appartient à la Polynésie sur son territoire, tandis que les compétences de l’État lui sont spécifiquement attribuées.

La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française précise, en son article 14, que l’État est compétent pour fixer les règles relatives à son domaine public. Or, comme le précise l’étude d’impact, une lecture stricte de cette disposition pouvait laisser entendre que l’État n’était pas compétent en Polynésie pour fixer les règles relatives à son domaine privé ou au domaine, public ou privé, de ses établissements publics.

C’est pourquoi, afin de lever toute difficulté d’interprétation, l’article 3 de la loi organique de 2019 a modifié la loi de 2004 pour conférer explicitement à l’État la compétence relative à ces domaines.

Comme le souligne le rapport de la commission des lois, l’assemblée de la Polynésie française, consultée sur le projet de loi organique en 2019, avait émis un avis favorable sur cette évolution.

La commission des lois du Sénat jugeait cette clarification de nature à « parfaire la coordination entre l’État et le pays ».

L’ordonnance soumise à la ratification du Sénat est la traduction de cette clarification.

Les difficultés juridiques auxquelles sont confrontés les outre-mer, avec un droit applicable souvent peu lisible et accessible, rendaient cette clarification nécessaire. Cependant, il faut surtout rappeler que cette clarification ne doit pas empêcher l’adaptation et la prise en compte des spécificités locales et du statut particulier de la collectivité !

Par ailleurs, la question du domaine public maritime de l’État, soulevée par l’amendement déposé par notre collègue Mme Lana Tetuanui, nous interroge. Le sujet est particulièrement sensible, la Polynésie française étant constituée de 118 îles, réparties en cinq archipels, s’étendant sur une superficie comparable à celle de l’Europe, avec une surface émergée de 4 200 kilomètres carrés.

Si la quasi-totalité du domaine public maritime en Polynésie appartient à la collectivité et que le domaine public maritime de l’État est très résiduel – quelques installations portuaires affectées à la marine nationale –, il ne faudrait pas que, sous couvert de clarification, ce dernier puisse empiéter sur les compétences de la collectivité.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Comment être sûr que l’application de cet article ne présente aucun risque d’intrusion de l’État dans l’exploitation des ressources naturelles présentes dans les sous-sols marins polynésiens ? Comment en être certain, quand on sait que ces ressources peuvent être considérées comme des matières premières stratégiques et qu’elles pourraient faire l’objet d’une volonté de mainmise de la part de l’État ?

Que recouvre exactement la notion de « gisement archéologique », qui est mentionnée dans l’ordonnance ? S’agit-il, comme nous le dit M. le rapporteur, des seuls gisements au sens du code du patrimoine, c’est-à-dire constitués « par une épave qui présente un intérêt archéologique » ? Sommes-nous sûrs que cela exclut toutes les ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, dont l’exploitation relève bien d’une compétence appartenant à la Polynésie française ?

Nous réserverons notre vote aux clarifications qui seront apportées ici sur ce point. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française
Avant l’article unique (fin)

Avant l’article unique

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes Tetuanui et Gatel, MM. Bonnecarrère, Delahaye, Henno et Laugier, Mmes O. Richard et Billon et M. Cambier, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 5621-2 du code général de la propriété des personnes publiques est abrogé.

La parole est à Mme Lana Tetuanui.

Mme Lana Tetuanui. Cet amendement tend à abroger l’article L. 5621-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Il est la traduction de toutes les réserves que j’ai exprimées lors de la discussion générale, comme de toutes celles que vient d’émettre ma collègue Evelyne Corbière Naminzo.

Monsieur le ministre, nous émettons en effet de nombreuses réserves sur la notion de « gisement ».

Pourrions-nous disposer de la liste du domaine public maritime de l’État en Polynésie française – hormis Moruroa et Fangataufa, où ont eu lieu les essais nucléaires ?

J’aimerais également connaître votre interprétation du terme « gisement ». Je constate que cette notion, couverte par l’article L. 532-1 du code du patrimoine, soulève des difficultés d’interprétation, notamment au regard des dispositions de l’article 47 de la loi organique statutaire, selon lequel « la Polynésie française réglemente et exerce les droits de conservation et de gestion, le droit d’exploration et le droit d’exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques, notamment les éléments des terres rares, des eaux intérieures, en particulier les rades et les lagons, du sol, du sous-sol et des eaux sur-jacentes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive ».

En effet, au sens géologique, un gisement désigne une disposition de couches de minéraux dans le sous-sol. Nous sommes entièrement dans la compétence de la Polynésie française !

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Comme j’ai eu l’occasion de le préciser, j’ai analysé avec la plus grande attention les réserves exprimées par Lana Tetuanui par le biais de cet amendement.

Lors de l’examen du texte en commission, un amendement ayant le même objet a été rejeté, car nous avons estimé que l’ordonnance n’entraînait pas les risques d’empiétement qui viennent d’être évoqués, pour deux raisons essentielles.

En premier lieu, la compétence culturelle de la Polynésie française n’est pas menacée par l’application de l’article L. 1127-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Cet article permet à l’État d’acquérir certains biens culturels maritimes situés dans le domaine public maritime, mais l’ordonnance précise qu’il n’est applicable à la Polynésie française qu’« en tant qu’il concerne les biens situés dans le domaine public maritime de l’État ».

D’abord, l’ordonnance intervient ici à droit constant. En effet, le code du patrimoine précise déjà que l’acquisition des biens culturels maritimes par l’État ne s’applique en Polynésie française qu’au domaine public maritime de l’État.

Qui plus est, le code du patrimoine polynésien prévoit explicitement que la collectivité peut revendiquer des biens culturels maritimes, à l’exception de ceux qui sont situés dans le domaine public maritime de l’État.

Enfin, cette compétence donnée à l’État est toute relative, puisque le domaine public maritime de l’État en Polynésie est très résiduel. Il se limite, en réalité, à quelques installations portuaires affectées à la marine nationale. La quasi-totalité du domaine public maritime en Polynésie appartient à la collectivité.

En second lieu, la notion de « gisement », qui fait partie de la définition des biens culturels maritimes, n’équivaut pas à celle qui existe dans le code minier.

Un gisement, au sens du code du patrimoine, désigne une épave qui présente un intérêt archéologique, en raison de sa cargaison ou de sa bonne conservation. Sont exclus de cette définition les gisements miniers et, plus largement, l’ensemble des ressources naturelles biologiques ou non biologiques présentes dans les fonds marins polynésiens.

La compétence de la Polynésie française pour l’exploitation de ces ressources est donc totalement réservée.

J’ajoute, pour terminer, que des dispositions identiques s’appliquent à la Nouvelle-Calédonie depuis 2016, sans avoir engendré le moindre empiétement.

Pour l’ensemble de ces raisons, tout en comprenant les réserves et les craintes qui ont été exprimées, je sollicite, ma chère collègue, le retrait de votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame la sénatrice, j’entends les craintes et inquiétudes que vous exprimez au travers de cet amendement. Toutefois, je partage les arguments qui viennent d’être exposés par M. le rapporteur, notamment les précisions qu’il vous a apportées sur la définition de gisement.

Je reviens sur quelques points.

Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je répète que la compétence que détient l’État en vertu de l’article que vous souhaitez abroger est parfaitement respectueuse des compétences que la loi organique du 27 février 2004 attribue à la Polynésie française. Nous n’empiétons pas sur les compétences de la collectivité ! Cela doit être dit et redit avec la plus grande clarté.

Par ailleurs, la compétence de l’État n’empiète pas non plus sur les compétences que la collectivité détient pour légiférer sur le domaine public maritime qui lui appartient. Bien au contraire, la compétence que détient l’État en métropole est précisément adaptée pour la Polynésie française : elle tient compte du fait que l’État ne peut exercer son droit que sur le domaine public maritime qu’il a conservé de manière tout à fait résiduelle – par exemple, sur les zones portuaires ou pour les besoins liés à la défense nationale –, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Là aussi, je veux y insister.

Par ailleurs, le code général de la propriété des personnes publiques se conforme, sur ce point, à la règle énoncée à l’article L. 750-2 du code du patrimoine, qui régit les biens culturels maritimes en Polynésie française.

En conséquence, madame la sénatrice, l’abrogation que vous proposez créerait un élément contraire au code du patrimoine et, d’une certaine manière, une nouvelle illisibilité, une nouvelle complexité dans l’application du droit, alors que tout l’objectif du texte est de simplifier le droit applicable.

Enfin, le code du patrimoine polynésien traite précisément de la question des biens culturels maritimes, notamment de ceux qui sont situés dans le domaine public maritime de l’État, reconnaissant d’une certaine manière l’existence de cette notion.

Pour toutes ces raisons, que M. le rapporteur a également exposées, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous prends au mot !

Un mot signifie beaucoup.

Retracer l’histoire de la Polynésie française nous prendrait plusieurs heures, voire plusieurs jours. L’histoire du nucléaire en Polynésie, l’histoire du foncier en Polynésie et, aujourd’hui, l’histoire du domaine public en Polynésie : voilà des sujets qui parlent aux Polynésiens. Nous abordons là des questions qui touchent le cœur, l’âme, les tripes des Polynésiens.

Je veux bien vous prendre au mot, car je suis pour la paix des ménages… (Sourires.)

Attention, toutefois, les paroles s’envolent, les écrits restent ! Ainsi, tout ce que nous disons ici est retranscrit dans les procès-verbaux, et ce serait mal me connaître que de douter de ma détermination !

Je mets en garde le Gouvernement contre les répercussions, sur le terrain, de tout ce qui se dit et s’écrit à 20 000 kilomètres de la Polynésie. C’est nous qui, de retour dans nos collectivités, devrons expliquer à nos concitoyens les mesures qui auront été décidées ici. À l’heure où il faudra rendre des comptes, vous ne serez plus là, mais, nous, oui ; nous serons toujours présents.

Compte tenu de l’ensemble des réserves que vous avez émises, je retire mon amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur les travées du groupe SER. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Je tiens à redire ici tout l’intérêt que j’accorde naturellement à ces sujets, car ils concernent nos territoires. Comme l’a rappelé Lana Tetuanui en citant un adage bien connu, les paroles prononcées ici deviendront des écrits, qui figureront dans le compte rendu publié au Journal officiel.

Après l’avoir longtemps étudiée, je n’ai plus de doutes sur la question : c’est pourquoi je me suis permis d’être aussi affirmatif. Je vous remercie donc, ma chère collègue, d’avoir retiré votre amendement : si j’avais simplement voulu vous faire plaisir, je n’aurais pas hésité à donner un avis favorable et à voter cet amendement…

Nous sommes ici pour faire la loi et, au regard des considérations que j’ai précédemment exposées, retirer cet amendement était la bonne décision à prendre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Article unique

L’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française est ratifiée.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Avant l’article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française
 

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Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d'agents de sûreté en vol
Article unique (Texte non modifié par la commission) (début)

Accord avec le Canada

Adoption définitive en procédure accélérée et en procédure d’examen simplifié d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol (projet n° 938 [2022-2023], texte de la commission n° 395, rapport n° 394).

Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol, signé à Paris le 19 janvier 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d'agents de sûreté en vol
Article unique (Texte non modifié par la commission) (fin)

Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d'agents de sûreté en vol
 

6

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune
Discussion générale (suite)

Convention fiscale avec le Luxembourg

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (projet n° 255, texte de la commission n° 382, rapport n° 381).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la France a été un des moteurs des travaux de l’OCDE en matière de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting, Beps). Ces travaux ont conduit à l’adoption, en 2016, de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices.

C’est dans ce cadre que la France a souhaité mettre à jour la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune. Les négociations ont abouti à la signature d’une nouvelle convention, à Paris le 20 mars 2018.

C’est la première convention fiscale conclue par la France qui prévoit un régime dérogatoire à la lex loci laboris, selon laquelle les revenus du travail sont imposés en fonction du lieu d’exercice.

Ainsi, les travailleurs frontaliers résidant en France et exerçant leur activité au Luxembourg demeuraient soumis à l’impôt au Luxembourg, même lorsqu’ils travaillaient en dehors de ce pays, dans la limite d’un plafond de 29 jours de télétravail par an. Toutefois, si jamais ce seuil était dépassé, les dispositions de la convention étaient réputées ne pas s’appliquer et l’intégralité des jours de télétravail étaient alors imposés en France.

Face à la pratique massive du télétravail constatée lors de la crise sanitaire, ce cadre juridique est cependant rapidement apparu obsolète.

D’une part, nous sommes intervenus activement afin de neutraliser les effets fiscaux de ce recours massif au télétravail pendant cette période. L’épidémie ayant été considérée comme un cas de force majeure, des accords amiables ont été conclus avec les autorités luxembourgeoises pour instaurer un dispositif dérogatoire applicable à compter du 16 juillet 2020, puis reconduit jusqu’au 30 juin 2022. Pendant cette période, le dispositif prévoyait de ne pas prendre en compte les règles de calcul du forfait de télétravail inscrit dans la convention fiscale pendant la période délimitée précitée.

D’autre part, dans la perspective d’un retour à la mise en œuvre normale des dispositions prévues dans la convention de 2018 et considérant l’essor du télétravail, le plafond de 29 jours est rapidement apparu obsolète pour ceux des 122 000 travailleurs transfrontaliers français concernés par le télétravail.

Dans ce contexte, les autorités françaises et luxembourgeoises se sont entendues le 19 octobre 2021, à l’occasion de la sixième commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière, pour relever le plafond de télétravail prévu par la convention de 29 à 34 jours par an. L’avenant à la convention fiscale signé le 7 novembre 2022, soumis à votre approbation, entérine cette décision.

Plus précisément, cet accord prévoit que les jours de télétravail effectués dans la limite du plafond de 34 jours seront imposés comme s’ils avaient été effectués au poste de travail habituel dans l’État de situation de l’employeur. En revanche, au-delà de cette limite, la totalité des jours télétravaillés sera imposée dans l’État où est physiquement exercée l’activité professionnelle. Les dispositions de cet avenant s’appliquent pour les revenus perçus à compter du 1er janvier 2023.

Le relèvement du seuil de 29 à 34 jours reflète la réalité de l’emploi des Français travaillant au Luxembourg aujourd’hui et devrait avoir pour effet d’encourager cette nouvelle modalité d’exercice de l’activité professionnelle.

La mesure devrait contribuer à améliorer la qualité de vie des travailleurs frontaliers en leur permettant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. De même, l’impact écologique du développement du télétravail n’est pas négligeable, puisqu’il conduit à une baisse de l’affluence sur les axes routiers et dans les transports en commun.

En outre, afin de répondre à une demande du Luxembourg motivée par l’inégalité de traitement existante entre les salariés du secteur privé et les agents de la fonction publique, l’avenant étend le bénéfice du forfait de télétravail de 34 jours par an aux agents de la fonction publique.

L’augmentation du seuil de 29 à 34 jours de télétravail illustre notre volonté commune de dynamiser la relation bilatérale entre la France et le Luxembourg en prévoyant une règle d’imposition claire qui réponde à une attente de nos compatriotes exerçant une activité professionnelle frontalière.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle l’avenant à la convention entre la France et le Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune, et le protocole y relatif, faits à Paris, le 20 mars 2018, tels que modifiés par l’avenant, fait à Luxembourg, le 10 octobre 2019.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances a examiné et adopté ce projet de loi qui vise à approuver l’entrée en vigueur d’un avenant à la convention fiscale bilatérale entre la France et le Luxembourg.

En application de l’article 53 de la Constitution, il appartient en effet au Parlement d’approuver ou de ratifier un certain nombre d’accords internationaux, dont font partie les conventions fiscales.

Dans ce cadre, le Sénat est la première chambre saisie du présent projet de loi, qui comporte un article unique autorisant l’approbation de l’avenant du 7 novembre 2022 à la convention fiscale bilatérale du 20 mars 2018 entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg.

Dans un premier temps, et préalablement à l’exposé du contenu de cet avenant, il me paraît opportun de rappeler les évolutions récentes de notre relation fiscale avec le Luxembourg.

La France et le Luxembourg ont signé le 20 mars 2018 une nouvelle convention venant remplacer celle de 1958 qui régissait jusqu’alors nos relations en matière fiscale. La modernisation des relations bilatérales était attendue et nécessaire, notamment pour tenir compte des avancées en la matière de l’OCDE.

Par conséquent, la convention intègre les derniers standards de l’OCDE, notamment une définition modernisée de la résidence fiscale et de la notion d’établissement stable, ainsi qu’une clause générale anti-abus.

Parmi les concessions obtenues par le Luxembourg au cours des négociations de la convention de 2018 figure un régime spécifique d’imposition du télétravail des transfrontaliers. Compte tenu de sa superficie et de sa situation géographique, le Luxembourg est en effet particulièrement dépendant de la main-d’œuvre transfrontalière pour faire fonctionner son économie et ses services publics. Près de 121 000 transfrontaliers français – vous avez évoqué le nombre de 122 000, monsieur le ministre ; la vérité se situe certainement entre les deux ! (Sourires.) – travaillent au Luxembourg, les deux premiers départements de résidence de ces transfrontaliers étant la Moselle et la Meurthe-et-Moselle.

Le protocole annexé à la convention de 2018 prévoit ainsi un forfait de télétravail de 29 jours au cours duquel le contribuable est réputé travailler dans l’autre État. Concrètement, un Français qui travaille au Luxembourg est, en principe, imposé au Luxembourg. Lorsqu’il télétravaille en France jusqu’à 29 jours, il est réputé exercer son emploi au Luxembourg et continue donc d’être imposé dans ce pays.

Je précise que cette clause est de nature fiscale et n’empêche en rien de télétravailler au-delà de 29 jours. Simplement, en cas de dépassement du seuil, l’activité est imposée dans l’État de résidence dès le premier jour de télétravail.

Les règles d’application de la convention ont été précisées dans un accord amiable du 16 juillet 2020, qui fixe notamment la méthode de décompte des jours de télétravail. Si ce régime permet de simplifier la situation des transfrontaliers, il conduit à une perte fiscale pour la France, estimée entre 30 millions d’euros et 60 millions d’euros annuels par la direction de la législation fiscale. La France renonce en effet à un droit à imposer les activités en télétravail en deçà de 29 jours. Cette perte fiscale peut être en partie compensée par les recettes de TVA induites par les dépenses en France des télétravailleurs.

En dépit de ce manque à gagner fiscal, au sortir de la crise sanitaire, au cours de laquelle le télétravail s’est banalisé, les gouvernements français et luxembourgeois se sont accordés pour étendre le forfait de télétravail.

J’en viens donc au second point de mon intervention, qui aborde plus en détail les stipulations de cet avenant. S’il est vrai que son contenu et sa portée sont relativement limités, son entrée en vigueur est attendue, à la fois par les travailleurs transfrontaliers et par notre partenaire luxembourgeois.

Premièrement, l’avenant augmente donc la durée du forfait de télétravail de 29 à 34 jours. Désormais, le seuil de 34 jours conditionne le régime d’imposition des contribuables en télétravail.

Ce seuil de 34 jours correspond à une demande des autorités luxembourgeoises. Il est cohérent avec la renégociation récente par le Grand-Duché de ses conventions avec la Belgique et l’Allemagne afin de prévoir des seuils similaires de télétravail à 34 jours. Cette renégociation d’ensemble permet de placer les travailleurs transfrontaliers sur un pied d’égalité, quel que soit leur pays d’origine.

Deuxièmement, l’article 2 de l’avenant étend le bénéfice du forfait de télétravail à certains contribuables percevant des rémunérations publiques.

La technicité de cette clause mérite de s’y attarder un instant. La convention de 2018 prévoit deux hypothèses d’imposition pour les contribuables percevant des rémunérations publiques. Le principe général est que ces rémunérations sont imposées dans l’État de source. Concrètement, un Français travaillant au Luxembourg pour l’ambassade de France est imposé en France. Par exception, la convention précise que les rémunérations publiques sont imposées dans l’État d’exercice de l’activité lorsque le contribuable est résident de cet État et dispose de sa seule nationalité. Lorsqu’un Luxembourgeois travaille au Luxembourg pour l’ambassade de France, il est imposé au Luxembourg.

Or le télétravail peut faire basculer un contribuable d’une hypothèse à l’autre. Un Français qui travaille pour la ville de Luxembourg est imposé au Luxembourg en présentiel et en France en télétravail.

Pour remédier à cette situation, l’avenant permet de prévoir qu’en deçà du seuil de 34 jours de télétravail les revenus sont imposés dans l’État de source. Cette stipulation permet d’aligner le régime des personnes employées dans le secteur public sur le régime des personnes employées dans le secteur privé.

Troisièmement, l’avenant prévoit une clause de revoyure à la fin de 2024, qui permettra aux parties à la convention d’examiner l’application de ces nouvelles règles. Cet examen devrait permettre d’envisager un nouveau régime d’imposition du télétravail transfrontalier.

En effet, les règles actuelles apparaissent comme un cadre provisoire. En l’état du droit, il s’agit d’un compromis équilibré, qui permet de concilier la simplification de la situation administrative des travailleurs transfrontaliers et la protection des intérêts du Trésor public. Cependant, je pense qu’il serait opportun, à l’avenir, de rehausser le forfait de télétravail, auquel les travailleurs transfrontaliers sont très favorables, et, en même temps, d’envisager une meilleure répartition des recettes fiscales entre la France et le Luxembourg.

À cet égard, mes chers collègues, le rapport appelle votre attention au sujet de l’avenant du 27 juin 2023 à la convention fiscale franco-suisse de 1966. Ce dernier prévoit de fixer le forfait de télétravail à hauteur de 40 % du temps de travail, ce qui correspond à deux jours par semaine – les transfrontaliers luxembourgeois en rêvent (Sourires.) –, au cours duquel l’imposition a lieu dans l’État d’exercice de l’activité. En contrepartie, l’État où a lieu l’imposition reverse une compensation fiscale à l’État de résidence.

Dans l’attente de cette renégociation, l’entrée en vigueur de l’avenant soumis à notre approbation me paraît nécessaire pour simplifier le régime d’imposition des travailleurs transfrontaliers.

Pour conclure, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent projet de loi sans le modifier.

Je profite du temps de parole dont je dispose encore pour ouvrir une parenthèse en lien avec la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, qui a été récemment examinée ici même.

Les Français élus en France qui travaillent au Luxembourg ne bénéficient d’aucun des droits que peuvent actuellement faire valoir les élus français qui travaillent en France – crédits d’heures, autorisations d’absence…. –, et ce alors même que nous venons d’étendre ces droits et d’adopter quantité d’autres dispositifs.

Monsieur le ministre, j’ai demandé à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Mme Faure, de s’assurer que ce problème serait évoqué lors de la prochaine convention intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière.

L’attente est forte dans certaines communes proches du Luxembourg, où parfois près de 90 % de la population travaillent de l’autre côté de la frontière. Je connais même une commune dont tous les habitants travaillent au Luxembourg, à l’exception du secrétaire de mairie et de l’instituteur. Dans ces communes, il sera difficile de trouver des élus si la législation ne change pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde du travail a connu ces dernières années une transformation sans précédent, accélérée par la crise sanitaire.

Le télétravail, autrefois considéré comme un privilège ou une exception, s’est imposé comme un élément central de notre quotidien professionnel. Cette évolution rapide a démontré que le travail à distance n’était pas uniquement viable, mais qu’il apportait également de nombreux bienfaits tant pour les employés que pour les entreprises.

Son adoption massive et sa pérennisation posent toutefois de nouvelles questions, notamment en matière d’organisation du travail et de fiscalité transfrontalière.

C’est dans ce contexte que la modification de la convention fiscale avec le Luxembourg prend tout son sens.

En augmentant le nombre de jours de télétravail pendant lesquels les travailleurs résidents de l’un des deux États et employés par l’autre ne sont pas imposés par leur État de résidence, faisant passer ce seuil de 29 à 34 jours, nous reconnaissons les changements intervenus dans notre façon de travailler.

Par ce geste, nous envoyons un signal à nos 120 000 compatriotes travaillant au Luxembourg, ainsi qu’à leurs employeurs, en les assurant que le cadre législatif évolue en phase avec les réalités du monde professionnel.

Dans ce même esprit, l’avenant étend l’application du seuil de 34 jours aux travailleurs transfrontaliers employés par l’État, ses collectivités locales et territoriales ou l’une de leurs personnes morales de droit public.

En étendant cette flexibilité fiscale aux fonctionnaires transfrontaliers, nous permettons à tous les travailleurs de bénéficier des mêmes droits et opportunités dans le cadre de leur activité professionnelle.

En outre, en prévoyant une nouvelle discussion des autorités des États d’ici à la fin de 2024, l’avenant consacre une démarche d’évaluation et d’ajustement continus en fonction de l’évolution du marché du travail et des besoins tant des travailleurs que des entreprises.

Cette précision témoigne d’une volonté de rester attentifs et réactifs pour faire face aux changements. Les deux États se donnent les moyens de réévaluer ou, au besoin, d’ajuster la convention, afin qu’elle reste pertinente et bénéfique pour les deux parties.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI soutiendra cet avenant, qui représente une avancée vers un cadre de travail plus moderne et adaptable, au bénéfice de nos concitoyens frontaliers et de l’économie transfrontalière franco-luxembourgeoise.

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber.

M. Michaël Weber. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avenant vise à accorder davantage de souplesse aux travailleurs transfrontaliers. Cet objectif est pour le moins louable.

Nous nous réjouissons évidemment que le seuil d’imposition partagée des jours de télétravail passe de 29 à 34 jours, en raison des complexités administratives qui découlent de ce seuil. Toutefois, si elle n’est pas insatisfaisante, cette mesure est au mieux transitoire.

Notre défi est de faciliter pour tous l’accès aux nouveaux modes de travail, parmi lesquels figure le télétravail. En l’état, la convention fiscale ne répond pas à cette ambition, car elle ne gratifie le contribuable que de moins d’une journée par semaine de travail à distance. Elle ne règle pas non plus l’enjeu du partage de la ressource fiscale ou celui de la nécessaire simplification administrative.

La question du télétravail est cruciale pour les travailleurs transfrontaliers au Luxembourg. Près de la moitié de la population active luxembourgeoise est constituée de travailleurs transfrontaliers ; le télétravail constitue un moyen efficace de faciliter la mobilité transfrontalière.

Le nombre de travailleurs frontaliers faisant tous les jours la navette vers le Luxembourg n’a fait qu’augmenter ces dernières années, au point que les axes routiers et ferroviaires sont saturés.

On comprend aisément que les travailleurs soient réticents à l’idée de perdre trois heures par jour dans les embouteillages. Les Luxembourgeois eux-mêmes, parce qu’ils subissent l’envolée des prix de l’immobilier dans leur territoire, sont nombreux à élire domicile dans les communes frontalières, ce qui aggrave encore l’engorgement du trafic routier.

L’attractivité économique du Grand-Duché n’en finit pas d’attirer les frontaliers, qui, en retour, sont indispensables au maintien, au développement et à la croissance de l’économie luxembourgeoise.

Si le Luxembourg veut en effet maintenir son niveau de développement économique actuel, on estime qu’il lui faudra plus de 9 000 nouveaux travailleurs étrangers par an d’ici à 2030. Il est facile d’imaginer que cela pose un problème en matière non seulement de mobilité vers le Luxembourg, mais aussi de locaux de travail disponibles dans ce petit pays.

On l’aura compris, le recours au télétravail est indispensable tant pour les travailleurs français que pour les employeurs luxembourgeois, et il le sera toujours plus à l’avenir. Pourquoi donc fixer ce seuil à 34 jours, alors que l’on pourrait raisonnablement aspirer à une cinquantaine de jours télétravaillés ?

Le choix de ce nombre vient du Luxembourg, qui travaille, paraît-il, à la cohérence de sa politique conventionnelle avec ses voisins. Je cite le rapport de mon collègue mosellan Jean-Marie Mizzon : en relevant partout le seuil à 34 jours, le Grand-Duché veut « placer les travailleurs transfrontaliers sur un pied d’égalité, quel que soit leur pays d’origine ».

Toutefois, si l’égalité est véritablement le souci du Grand-Duché, pourquoi ne pas harmoniser également le dispositif de rétrocession fiscale appelé fonds Juncker-Reynders ? Ce dernier est accordé aux communes belges, mais il ne l’est ni à la France ni à l’Allemagne, alors que tous les contribuables de la Grande Région devraient pouvoir bénéficier de transports et de services publics adaptés à leurs besoins.

Les travailleurs transfrontaliers entraînent en effet des coûts importants pour les services publics en France, bien qu’ils paient leur impôt sur le revenu au Luxembourg.

Alors que les Français représentent aujourd’hui plus de la moitié des travailleurs transfrontaliers au Luxembourg, un système uniforme de compensation fiscale directement reversé aux communes frontalières nous paraît indispensable, à l’image de celui qui existe dans le canton de Genève, où une partie de l’impôt à la source acquitté par les travailleurs frontaliers est reversée à l’Ain et à la Haute-Savoie.

À Villerupt, commune de Lorraine située à quelques kilomètres de la frontière, 70 % des résidents sont des travailleurs transfrontaliers. Les recettes fiscales y sont donc très faibles et l’investissement public est paralysé.

Tour à tour, ces communes frontalières défavorisées sont désignées comme des « cités-dortoirs » ou encore des « banlieues » du Luxembourg, alors que leurs habitants ne peuvent pas bénéficier de la qualité de vie au Luxembourg.

Peut-on réellement se contenter d’un prétendu codéveloppement, alors que les inégalités entre un territoire et l’autre sont criantes ?

Sur la question du travail à distance, je rejoins la position du rapporteur : nous devons davantage encourager le télétravail et éviter tout frein administratif, en nous inspirant par exemple des récentes négociations entre la France et la Suisse, lors desquelles le forfait de télétravail a été étendu à environ deux jours par semaine, soit beaucoup plus que le seuil nouvellement fixé par cet avenant.

Pour parachever cette démarche, la perte de recettes fiscales pour le Trésor français doit impérativement être compensée. Lors des négociations avec la Suisse mentionnées dans le rapport, une compensation a été fixée à hauteur de 40 % du montant des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités effectuées en télétravail.

Je termine en plaidant en faveur d’une plus grande coopération et harmonisation à l’échelle de la Grande Région. Nous devons renforcer l’intégration politique, ainsi que la collaboration économique et fiscale à une échelle globale.

Si l’on veut vraiment traiter sur un pied d’égalité toutes les entités devenues interdépendantes, celles-ci doivent avoir la volonté politique de s’accorder et de décider en commun, et non plus au cas par cas, à la faveur de multiples traités bilatéraux aux conditions variables.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Jean-François Husson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi approuvant l’entrée en vigueur d’un nouvel avenant à la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 20 mars 2018.

Comme le rapporteur Jean-Marie Mizzon l’a rappelé, cet avenant a pour objet de simplifier le recours au télétravail entre la France et le Luxembourg pour les travailleurs transfrontaliers, dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Si les effets du télétravail au sein des entreprises sont encore incertains, j’estime que cet avenant est bénéfique pour les travailleurs transfrontaliers. Il était attendu et il est le bienvenu.

Toutefois, plus de 120 000 de nos compatriotes travaillent quotidiennement au Luxembourg. Il est donc indéniable qu’un recours accru au télétravail permettrait de désengorger les infrastructures de transport et contribuerait à l’amélioration de la qualité de vie de ces travailleurs.

Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur le fait qu’il s’agit là de la deuxième modification de la convention depuis son entrée en vigueur en 2019. Nous avons déjà examiné en 2020 un avenant revenant sur les modalités d’imposition des revenus d’emploi des travailleurs transfrontaliers.

Par ailleurs, le présent avenant comporte une clause de revoyure, qui laisse entrevoir une nouvelle modification au cours des prochains mois. Ces modifications successives révèlent, selon moi, un véritable problème de méthode dans la conduite de nos relations transfrontalières avec le Luxembourg.

Tout d’abord, les modalités actuelles de négociation des conventions fiscales ne prennent pas assez en compte les spécificités de notre relation bilatérale avec le Luxembourg.

Certes, le modèle de convention de l’OCDE doit évidemment éclairer la rédaction des conventions. La commission des finances a d’ailleurs salué les avancées du groupe de travails sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices, dit Beps.

Néanmoins, il importe de se projeter au-delà des stipulations techniques afin d’anticiper les modalités et, parfois, les difficultés de mise en œuvre à l’échelon local. Monsieur le ministre, nous devons faire ce travail au niveau politique, en associant l’ensemble des acteurs de la coopération transfrontalière.

Ce travail d’anticipation dépasse, à mon sens, le domaine exclusivement fiscal. La coopération transfrontalière englobe les domaines de la santé, de l’emploi, des transports, de la sécurité, et bien d’autres que nous devons cesser d’appréhender un par un et de manière purement technique.

Ces sujets ne sont pas indépendants les uns des autres. Au mois de décembre 2023, le Sénat a adopté un avenant au protocole d’accord franco-luxembourgeois et à la convention bilatérale en matière de transport, soit trois mois avant d’examiner le présent avenant. Je déplore que nous traitions ces sujets en silos ! À quand une vision à 360 degrés ?

Par ailleurs, le cadre de notre coopération transfrontalière me paraît pour le moins perfectible. À l’échelon des deux états comme à celui des collectivités territoriales, il existe une mosaïque d’outils transfrontaliers – commission intergouvernementale, groupement européen de coopération transfrontalière, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), syndicats mixtes, pôles métropolitains transfrontaliers… –, dont les compétences sont mal définies, il faut le reconnaître.

Je suis pour ma part convaincu que l’impulsion doit venir de l’échelon intergouvernemental. Les sujets transfrontaliers relèvent des relations entre les deux États. Le Luxembourg n’est pas une collectivité territoriale, c’est un État souverain. C’est en négociant à l’échelle des États que nous pourrons avancer, ainsi que nous l’avons vu dans le domaine fiscal avec les deux avenants à la convention de 2018. C’est bien par des négociations entre les ministres que des solutions ont été définies. Je regrette donc que ces rencontres interviennent après la survenue de difficultés.

Le cadre de la commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière pourrait constituer le point de départ d’une véritable rénovation de nos méthodes de travail avec notre voisin luxembourgeois.

Pour ce faire, cette conférence doit reposer en priorité sur des échanges bilatéraux à l’échelon ministériel, voire entre les deux Premiers ministres. Il n’est en effet pas satisfaisant qu’elle se réduise à une addition de groupes de travail, cloisonnés et techniques, puis que nous devions envisager de manière plus transversale ces problématiques.

Monsieur le ministre, nous devons travailler ensemble pour donner un cap clair, au niveau politique, à notre relation avec le Luxembourg, en rénovant nos méthodes de travail en matière de politique transfrontalière.

Monsieur le ministre, je compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est le pays qui fournit au Luxembourg le plus grand contingent de travailleurs transfrontaliers.

Quelque 120 000 Français travaillent dans le Grand-Duché. Nos compatriotes représentent près de la moitié des travailleurs transfrontaliers de ce pays. Ainsi, la France se situe loin devant la Belgique et l’Allemagne, qui sont les deux autres pays à alimenter ce contingent.

Cette situation nous rappelle tout d’abord le grand décalage de compétitivité entre la France et le Luxembourg, où le salaire moyen et le PIB par habitant sont nettement plus élevés que chez nous.

C’est évidemment et sans aucun doute la principale raison qui explique qu’autant de nos compatriotes aient opté pour ce mode de travail.

Dans la pratique, ce choix est naturellement facilité par l’intégration européenne. Reste que cette dernière ne détermine aucunement le régime d’imposition de ces travailleurs, qui relève du domaine des conventions fiscales bilatérales.

La question n’est pas nouvelle et la convention bilatérale de 2018 a déjà actualisé les relations fiscales entre nos deux pays au regard des derniers standards de l’OCDE, notamment afin d’éviter les doubles impositions.

Cette même convention a déjà été amendée en 2019, afin de mieux prendre en compte la situation des travailleurs transfrontaliers, c’est-à-dire essentiellement des Français travaillant au Luxembourg.

Et pour cause : avec le développement du télétravail, les règles classiques déterminant le pays d’imposition se révèlent pour partie caduques. À cet égard, on peut dire qu’il en va des règles fiscales comme de toutes les règles : le développement du télétravail, s’il ne les remet pas en cause, oblige le plus souvent à adapter les règles fondamentales du travail.

En l’occurrence, l’avenant de 2019 à la convention fiscale a déjà précisé la règle pour l’imposition des télétravailleurs, en fixant un forfait de 29 jours télétravaillés.

En deçà de ce plafond, les travailleurs continuent d’être imposés dans l’État de situation de l’employeur, c’est-à-dire au Luxembourg. Au-delà, la totalité des jours télétravaillés est imposée dans l’État de résidence.

Le projet de loi aujourd’hui soumis à l’approbation du Sénat propose de relever ce plafond de 29 à 34 jours, ce qui va dans le bon sens, ainsi que le rapporteur l’a fait remarquer. Ce relèvement présente au moins deux avantages.

En premier lieu, il apporte sécurité et confort à tous les travailleurs transfrontaliers qui exercent au Luxembourg un emploi pour lequel le télétravail est possible. Certes, comme cela a déjà été rappelé, on ne sait pas bien comment l’application de ce plafond sera contrôlée.

En tout état de cause, s’il peut y avoir une zone grise, mieux vaut pour les transfrontaliers qu’elle se situe autour de 34 jours plutôt que de 29 jours.

En second lieu, le rehaussement de ce plafond répond à une demande des autorités luxembourgeoises. On comprend bien l’intérêt de celles-ci, puisqu’un tel relèvement implique des recettes fiscales supplémentaires. Toutefois, puisqu’il est également clair que des dizaines de milliers de nos compatriotes tirent profit de leur situation de travailleur transfrontalier, on peut convenir que nos intérêts sont en l’occurrence partagés.

Enfin, un plafond de 34 jours s’applique déjà dans le cadre des conventions fiscales bilatérales que le Luxembourg a signées avec l’Allemagne et la Belgique. Du point de vue des autorités luxembourgeoises, cela a le mérite de la simplicité et, du point de vue des travailleurs français, celui de l’équité.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants votera bien évidemment en faveur de ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Luxembourg est un partenaire économique important de notre pays. En 2022, la France reste son troisième fournisseur et son deuxième client. En matière de services, le volume des échanges a atteint 16,3 milliards d’euros en 2021.

En 2018, une nouvelle convention bilatérale a remplacé celle de 1958, qui liait jusqu’alors la France et le Luxembourg en matière fiscale. Son but, simple et louable, était de tenir compte des derniers standards du modèle de l’OCDE, notamment d’une définition modernisée des notions de « résidence fiscale » et d’« établissement stable », ainsi que d’une clause générale anti-abus.

Depuis l’adoption de cette convention, le Luxembourg s’est mobilisé en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, et le Grand-Duché constitue l’un de nos partenaires essentiels.

L’avenant que nous examinons poursuit la dynamique lancée il y a six ans. Nous nous réjouissons de faire avancer ces sujets par le dialogue et la coopération, bien que le rythme de cette dernière puisse toujours faire l’objet de débats.

Néanmoins, le sujet des travailleurs transfrontaliers posait un problème. Le dernier avenant à la convention de 2018, que nous avons examiné en 2019, précisait la rédaction de l’accord pour éviter le risque d’une double imposition par la France des travailleurs transfrontaliers.

Ce nouvel avenant réforme une nouvelle fois à la marge le régime d’imposition des travailleurs transfrontaliers qui s’applique à la pratique du télétravail.

En effet, la crise sanitaire a bouleversé l’organisation du travail. Elle a favorisé un recours beaucoup plus fréquent au travail à distance, qui s’effectue parfois depuis un pays différent. Bien évidemment, un tel bouleversement ne pouvait pas être pris en compte dans la convention de 2018.

Le Luxembourg est particulièrement dépendant de la main-d’œuvre transfrontalière, compte tenu de sa superficie et de sa situation géographique : près de 121 000 transfrontaliers Français travaillent au Luxembourg.

Dans le détail, le protocole annexé à la convention de 2018 prévoit un forfait de télétravail de 29 jours au cours duquel le contribuable est supposé travailler dans l’autre État. Concrètement, un Français qui télétravaille en France moins de 29 jours est réputé exercer son emploi au Luxembourg et continue donc d’être imposé dans ce pays. En revanche, s’il dépasse ce seuil, son activité sera imposée dans son État de résidence dès le premier jour de télétravail.

Les autorités luxembourgeoises proposent d’augmenter la durée du forfait de télétravail de 29 à 34 jours, pour harmoniser cette norme avec celles qui ont été récemment adoptées dans les conventions signées entre le Grand-Duché et la Belgique ou l’Allemagne, afin de placer les travailleurs transfrontaliers sur un pied d’égalité, quel que soit leur pays d’origine.

Si ce régime permet de simplifier la situation des transfrontaliers, il conduit pour la France à une perte fiscale estimée entre 30 millions d’euros et 60 millions d’euros annuels.

La seconde grande mesure de cet avenant vise à étendre le bénéfice du forfait de télétravail à certains contribuables percevant des rémunérations publiques.

La convention de 2018 précise que les rémunérations publiques sont imposées dans l’État de source. Ainsi, un Français travaillant au Luxembourg pour l’ambassade de France est imposé en France. Par exception, la convention stipule que les rémunérations publiques sont imposées dans l’État d’exercice de l’activité lorsque le contribuable est résident de cet État et dispose de sa seule nationalité. Ainsi, un Luxembourgeois qui travaille au Luxembourg pour l’ambassade de France est imposé au Luxembourg.

Or le télétravail peut faire basculer un contribuable d’une hypothèse à l’autre. Un Français qui travaille pour la ville de Luxembourg est imposé au Luxembourg en présentiel, mais en France en télétravail.

Pour remédier à cette situation, l’avenant prévoit qu’en deçà du seuil de 34 jours de télétravail les revenus sont imposés dans l’État de source, afin d’aligner le régime des personnes employées dans le secteur public sur celui du secteur privé.

Cet avenant ne bouleverse pas les grands équilibres du régime d’imposition ou ceux de prévention et de lutte contre la fraude fiscale. Toutefois, la clause de revoyure permettra sans doute aux deux pays d’examiner l’efficacité de ces nouvelles règles de compromis d’ici à la fin de l’année et, à terme, d’envisager un nouveau régime d’imposition du télétravail transfrontalier. Il faut voir le progrès accompli, sans perdre de vue le chemin qui reste à parcourir.

À cet égard, je tiens à saluer l’excellent travail de notre rapporteur Jean-Marie Mizzon, qui a notamment appelé l’attention sur un avenant récent du 27 juin 2023 à la convention fiscale franco-suisse de 1966. Celui-ci prévoit un forfait de télétravail à hauteur de 40 % du temps de travail, soit deux jours par semaine, au cours duquel s’applique le principe d’imposition dans l’État d’exercice de l’activité. En contrepartie, l’État qui dispose du droit d’imposer reverse une compensation fiscale à l’État de résidence.

Une telle solution pourrait servir de base pour un nouveau régime d’imposition du télétravail transfrontalier avec le Grand-Duché du Luxembourg.

La situation des travailleurs transfrontaliers reste néanmoins un sujet de préoccupation. Dans l’immense majorité des cas, il s’agit de personnes qui résident en France et travaillent au Luxembourg. Ils sont donc redevables de leur impôt sur le revenu au Luxembourg.

Leur présence sur le territoire français se traduit par des dépenses élevées pour les services publics, sans que la France ni les collectivités obtiennent de justes retours fiscaux. Cette situation pose un véritable problème.

Certes, l’avenant soumis à notre approbation constitue indéniablement un premier pas, mais cet effort reste insuffisant et devra rapidement s’accompagner d’une réforme de plus grande ampleur, ainsi que le rapporteur l’a indiqué.

L’évitement fiscal est d’autant plus condamnable que les entreprises qui optimisent leurs impôts à l’étranger sont souvent de grandes utilisatrices d’infrastructures publiques.

L’avenant à la convention dont nous discutons marque un progrès. Nous partageons son objectif. C’est pourquoi le groupe Union Centriste, à la quasi-unanimité, votera en faveur de son approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un nouvel avenant à la jeune convention fiscale qui nous lie au Grand-Duché du Luxembourg et qui vise à éviter la double imposition ainsi qu’à prévenir l’évasion et la fraude fiscales.

Cet avenant concerne principalement les travailleurs transfrontaliers qui occupent des postes dans lesquels le télétravail est possible.

A posteriori, la convention de 2018 semble presque visionnaire : elle visait à organiser les conditions de la pratique du télétravail, deux ans avant la pandémie de covid-19.

La mise en œuvre du télétravail et son développement sont plus que nécessaires dans cette zone géographique où les transports publics sont malheureusement lacunaires et où les axes routiers sont totalement saturés.

Nous, écologistes, préférons toujours l’élargissement du télétravail à celui des routes transfrontalières.

Nous voterons en faveur de cette convention, qui est très attendue localement. Toutefois, elle demeure une solution temporaire, alors que les travailleurs et travailleuses transfrontaliers ont besoin d’une convention pérenne. Le Gouvernement doit y travailler dès maintenant.

En effet, un nouvel avenant, à la durée réduite, ne saurait offrir un cadre sécurisé ni aux travailleurs, ni aux entreprises, ni à l’administration fiscale française.

Nous tenons à souligner la faiblesse des informations contenues dans l’étude d’impact qui nous a été transmise. Celle-ci ne comporte que peu de données chiffrées ; elle ne comporte pas d’évaluation des effets de la convention, cinq ans après sa mise en œuvre, ni aucune anticipation de ses effets, notamment sur les recettes fiscales de l’État.

Je salue le travail du rapporteur de la commission des finances, qui a évalué la perte de recettes fiscales pour la France entre 30 millions d’euros et 60 millions d’euros. Ce montant n’est pas neutre pour les finances de l’État, tout particulièrement en cette période où le Gouvernement ne cesse d’annoncer des coups de rabot de la dépense publique.

De manière globale, rappelons notre attachement à l’évaluation dans le temps des conséquences économiques et budgétaires de ces négociations fiscales internationales, au traitement égalitaire de tous les travailleurs transfrontaliers, qui implique une cohérence des conventions fiscales avec les différents pays frontaliers, ainsi qu’à la nécessité d’un contrôle réel sur l’application de cette convention, à la fois sur l’effectivité du télétravail et sur l’imposition. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Silvana Silvani. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, passer de vingt-neuf à trente-quatre jours la non-imposition des revenus des télétravailleurs français au Luxembourg ne fait pas un projet politique.

Cet accommodement représente une perte de recettes fiscales pour la France de 40 millions à 70 millions d’euros. Nous parlons d’un avenant à une convention fiscale qui se refuse à traiter les problématiques soulevées par les LuxLeaks et les OpenLux. La question à traiter d’urgence, ce n’est pas celle du télétravail ; c’est celle de l’évasion fiscale instituée par le Grand-Duché au cœur même de l’Europe !

Où en sommes-nous des sous-impositions des multinationales, qui bénéficient de décisions discrétionnaires de l’administration fiscale luxembourgeoise particulièrement avantageuses ?

Où en sommes-nous des 100 milliards d’actifs de Français et Françaises logés dans ce paradis fiscal ? En 2020, à la cinquième place du podium des profits dissimulés, nous retrouvons, derrière les Îles Vierges britanniques, le Luxembourg, avec 48,8 milliards d’euros ! Nous avons appris ce lundi que le gouvernement français va prolonger le moratoire concernant l’application de la convention fiscale pour les foyers fiscaux aux revenus mixtes. C’est la troisième année consécutive ! Du provisoire qui dure ! Une raison de plus de réviser cette convention. Mais cette révision ne viendra pas aujourd’hui, et je le regrette.

J’ai conscience que mon département, la Meurthe-et-Moselle, compte parmi les principaux pourvoyeurs de travailleurs du Luxembourg. Le télétravail, qui concerne 9 % d’entre eux, apparaît comme une bénédiction pour certains, une bonne moitié selon les statistiques disponibles.

La perte de recettes fiscales est très mal évaluée. Elle avoisinerait les 60 millions d’euros. Être imposé au Luxembourg quand on travaille en France est décidément intéressant d’un point de vue fiscal. Dans la limite de trente-quatre jours désormais…

Par ailleurs, je crains que la clause de revoyure prévue par le présent accord sous l’impulsion du Grand-Duché ne nous conduise à encore accroître le nombre de jours exemptés d’imposition en France.

La pression du patronat luxembourgeois se fait forte, si bien qu’il réclame désormais quatre-vingt-seize jours après avoir gagné que, sous 50 % du temps de travail, les travailleurs transfrontaliers cotisent dans leurs pays de salariat.

La vérité est que le Luxembourg ne peut pas se passer de nos travailleuses et travailleurs, dont les cadres frontaliers surdiplômés qui vont chercher un eldorado financier là où le PIB par habitant est trois fois supérieur à celui de notre pays. Les salaires ne connaissent pas la crise de l’autre côté de la frontière.

Les ambitions du patronat ne doivent pas être satisfaites, et cet avenant, transitoire, risque de se faire au détriment des finances et de l’organisation des services publics français.

La situation est grave en Meurthe-et-Moselle. Les services publics accueillent, transportent, soignent, nourrissent tous les citoyens. Le débat sur la contribution légitime du Luxembourg au financement des services publics assumés par les collectivités territoriales n’est pas traité à ce jour. C’est un angle mort, un débat politique que d’aucuns refusent d’assumer : la désorganisation des cantines, l’afflux d’habitants, les demandes d’infrastructures liées au télétravail ; je pense par exemple aux espaces de travail partagés, aux installations, aux raccordements à la fibre, etc.

Qui doit assumer ces coûts ?

La question de la contribution du Grand-Duché doit être posée, et je la pose résolument. Je me tiens aux côtés des collectivités qui subissent la désorganisation du travail transfrontalier sans bénéficier de retombées. Plus qu’un effort financier, nous attendons une répartition des efforts et des coûts, afin que les travailleuses et travailleurs transfrontaliers soient également des citoyennes et des citoyens français. Et pas des citoyennes et des citoyens uniquement de passage, mais avec un destin lié à la communauté nationale.

Nous voterons contre cet avenant, qui entérine une situation de fait, au détriment de nos collectivités territoriales, sans contribution financière ou fiscale du Luxembourg. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2018, lorsque la nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg a été signée, 90 000 Français se rendaient chaque jour au Luxembourg pour travailler. Ils sont aujourd’hui plus de 120 000 – j’ignore si c’est 121 000 ou 122 000 –, et leur nombre pourrait doubler d’ici à 2050, un chiffre d’autant plus considérable si on le rapporte aux 660 000 habitants que compte le Luxembourg.

Le dynamisme de cette relation franco-luxembourgeoise exige de revoir à intervalles réguliers la copie initiale, pour mieux l’adapter aux réalités de la vie quotidienne des travailleurs frontaliers. C’est ainsi le troisième accord en cinq ans sur les relations fiscales entre nos deux pays.

Celui-ci a pour objet de porter à trente-quatre jours le forfait de télétravail des frontaliers employés dans une entreprise ou une administration de l’autre État : trente-quatre jours télétravaillés, mais considérés et imposés comme s’ils avaient été effectués dans l’État de l’employeur. Cette disposition s’applique sur les revenus perçus depuis le 1er janvier 2023 et jusqu’à la définition d’une solution que nous espérons pérenne.

La crise de la covid-19 a en effet créé un besoin soudain de renforcer le télétravail. Dans un territoire où la mobilité est un enjeu majeur, cette question est loin d’être anodine. Aujourd’hui, l’engorgement est tel, sur les routes et dans les trains, qu’une telle mesure revêt une dimension primordiale pour l’environnement et la santé au travail.

Au mois de décembre dernier, nous avons adopté un avenant relatif aux transports transfrontaliers, avec 440 millions d’euros investis dans le ferroviaire. Malgré une mobilisation inédite de l’État et des collectivités, les 24 000 places de train prévues en 2030 ne régleront pas le problème à elles seules. Il est donc naturel que cet avenant relatif au télétravail ait soulevé de fortes attentes. Il offre une perspective sécurisante, mais – je l’ai indiqué – de court terme, puisqu’il faudra dès la fin de l’année sceller un nouvel accord entre les autorités des deux pays, ce qui permettra peut-être d’aller plus loin. Je l’appelle de mes vœux, comme bon nombre de mes concitoyens. Une rencontre est déjà prévue pour déterminer les conditions qui s’appliqueront à compter de 2025, avec un nouvel avenant à venir.

Être voisin du Luxembourg est une chance pour les 120 000 Français qui y ont trouvé un travail. Mais ce sont aussi des spécificités que nous avons à intégrer dans nos politiques publiques, et les forces vives du territoire s’y emploient sans relâche.

Je profite de l’occasion pour saluer le travail collectif engagé par les acteurs locaux et l’État, ainsi que les propositions concrètes qui en émanent en prévision de la future commission intergouvernementale (CIG).

Mais j’insiste, monsieur le ministre : pour parvenir à l’émergence d’un véritable bassin de vie transfrontalier qui parle à nos concitoyens, le Gouvernement doit s’engager plus avant dans nos relations bilatérales, notamment avec la création d’un comité interministériel transfrontalier. Nous avons en effet besoin – Jean-François Husson l’a rappelé – d’une voix qui parle d’État à État lorsque nous traitons avec le Luxembourg, et d’une entité qui comprenne et maîtrise les enjeux spécifiques au fait frontalier. Ceux-ci sont nombreux et entraînent chaque jour pour nos collectivités, nos élus et nos concitoyens de véritables défis.

Pas plus tard que mardi, le groupe de travail consacré à la santé auquel j’appartiens a formulé des propositions audacieuses, que nous espérons voir prospérer tant les difficultés d’accès aux soins sont inquiétantes.

Monsieur le ministre, je relaie la voix des élus du territoire, qui comptent sur l’appui du Gouvernement pour défendre les propositions concrètes que nous souhaitons voir figurer à l’ordre du jour de la future CIG. À quelques mois des élections européennes, des avancées sur un futur ou probable institut de formation transfrontalier, le cofinancement des crèches ou d’autres services publics proposés par le pôle métropolitain transfrontalier, le statut de l’élu – M. Jean-François Husson y a fait référence – ou encore l’expérimentation de nouveaux modes de remboursement des consultations médicales enverraient un signal fort à nos concitoyens qui vivent sur ce territoire l’Europe du quotidien.

Dans cette attente, qui – vous l’aurez compris, monsieur le ministre – est forte, le groupe du RDSE votera évidemment en faveur de cet avenant, qui constitue une avancée pour nos travailleurs transfrontaliers. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques.

Mme Micheline Jacques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprime à la demande de Catherine Belrhiti, qui est empêchée et qui vous prie de bien vouloir l’excuser.

« Nous nous retrouvons cet après-midi pour la deuxième fois en trois mois, afin d’évoquer nos relations bilatérales avec le Grand-Duché du Luxembourg. Au rythme de l’évolution que connaît la situation, ce ne sera sans doute pas la dernière.

« Bien qu’étant de nature fiscale, l’avenant à la convention présentée devant le Sénat est intimement lié à celui sur le renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers, examiné au mois de décembre.

« En effet, chaque avenant vise à accompagner le mouvement qui pousse inexorablement nos concitoyens de Moselle et de Meurthe-et-Moselle à travailler de l’autre côté de la frontière.

« Au dernier trimestre 2022, plus de la moitié des salariés transfrontaliers que comptait le Luxembourg étaient des résidents français. En tant que Mosellane, je vois ces accords comme une véritable chance pour notre territoire.

« Ainsi, l’avenant qui nous est présenté vise à améliorer les conditions de vie de nos transfrontaliers, en étendant la durée du forfait de télétravail de vingt-neuf à trente-quatre jours. Concrètement, en dessous de ce seuil, le contribuable est réputé exercer son activité dans l’État de son employeur, en l’occurrence le Luxembourg, et y être imposé.

« Demande récurrente et évolution très attendue par nos concitoyens, une telle mesure permettra naturellement une plus grande flexibilité de nos travailleurs.

« Si rien n’empêche techniquement un travailleur frontalier d’obtenir plus de vingt-neuf jours de télétravail actuellement, la multiplication des obligations déclaratives pour l’employeur constitue, bien souvent, un frein administratif pour les entreprises. En conséquence, celles-ci cherchent naturellement à limiter l’octroi de télétravail.

« De même, l’extension de la mesure à certains contribuables percevant des rémunérations publiques est une mesure de justice fiscale. En effet, elle permettra de mettre un terme à une différence de traitement injustifiée et de rendre ainsi plus attractif l’exercice de fonctions publiques sur le territoire du Grand-Duché.

« Enfin – il faut le noter –, cette mesure devrait entraîner un cercle vertueux, qui réduirait par la même occasion les interminables congestions de nos axes routiers et ferroviaires.

« Si cette solution est à saluer, elle ne peut néanmoins pas être totalement satisfaisante, pour plusieurs raisons.

« Tout d’abord, tout accord international implique des concessions réciproques.

« Dans le cas présent, l’État français renoncera de fait à un gain fiscal estimé entre 30 millions et 60 millions d’euros en fonction du nombre de salariés qui bénéficieront du dispositif.

« Une telle perte pourrait être en partie compensée par des recettes de TVA supplémentaires, grâce à la consommation de nos travailleurs restés sur le territoire français.

« Néanmoins, cette hypothèse n’est absolument pas documentée : l’absence de contrôle spécifique des déclarations de télétravail rend le chiffrage de ces recettes quasiment impossible.

« De plus, cette solution sera par nature temporaire. En effet, la clause de revoyure prévue par la convention impliquera nécessairement une nouvelle négociation sur la question d’ici à la fin de l’année 2024. Cela modifiera à nouveau l’équilibre fiscal recherché.

« Il serait souhaitable que nos relations transfrontalières avec le Grand-Duché puissent s’inspirer à l’avenir de celles que nous entretenons avec d’autres pays frontaliers. Prenons l’exemple de la Suisse, où ces relations sont fondées sur le principe d’une compensation financière aux départements limitrophes.

« L’entretien de nos infrastructures de transport a un coût particulièrement élevé pour les collectivités frontalières, qui ne voient pas toujours le bénéfice des échanges avec nos voisins.

« Une telle compensation serait une mesure juste, car elle viendrait contrebalancer l’imposition exclusive des revenus au Grand-Duché et permettrait également à nos collectivités territoriales d’amortir partiellement le coût de la mobilité de nos concitoyens. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les interventions des différents orateurs montrent bien que le nombre de travailleurs transfrontaliers – on parle de 121 000 ou de 122 000 personnes concernées – est en augmentation. Et il devrait doubler d’ici à 2050. C’est dire l’importance de telles mesures, qui viennent fluidifier et simplifier la vie de nos compatriotes transfrontaliers.

Monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu ce que vous avez indiqué sur le statut des élus français travaillant au Luxembourg. Les élus luxembourgeois travaillant au Luxembourg et les élus français travaillant en France ont un certain nombre de facilités, que nous avons d’ailleurs renforcées dans un texte examiné très récemment par votre assemblée. Je souhaite que la CIG puisse se saisir de cette question. Cela ne me paraît pas insurmontable dans la mesure où les deux pays reconnaissent déjà à leurs élus un certain nombre de droits.

M. Weber et d’autres orateurs ont évoqué l’absence de mécanismes de rétrocession fiscale de la part du Luxembourg. Celles et ceux qui connaissent bien la question le savent, la position luxembourgeoise est particulièrement dure à cet égard ; néanmoins, il y a eu quelques progrès, notamment avec l’accord consistant à financer à hauteur de 460 millions d’euros, à parité par les deux États, le financement de projets d’infrastructures routières et ferroviaires. Notre horizon est d’aboutir non pas à un financement ad hoc, mais peut-être à une forme de pérennisation de ce type de financement.

Monsieur Husson, je suggérerai au Premier ministre qu’il puisse présider la réunion de la CIG qui se tiendra au deuxième semestre 2024. Je le comprends, ce que vous souhaitez, c’est que l’impulsion puisse être donnée au plus haut niveau.

Madame Guillotin, je souhaite pour ma part – j’en ai d’ailleurs parlé hier avec Dominique Faure – que nous puissions tenir ce comité interministériel transfrontalier. En effet, comme vous et plusieurs de vos collègues l’avez évoqué, les mêmes problèmes d’accès à la santé et à la garde d’enfants se posent sur toutes nos frontières. Ils méritent donc d’être traités, pour certains d’entre eux, dans une même réunion interministérielle. Nous nous sommes mis d’accord. Nous étions d’ailleurs au Sénat pour faire avancer ce projet, qui a été engagé avec ma prédécesseure, Laurence Boone.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du grand-duché de luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune, et le protocole y relatif, faits à Paris, le 20 mars 2018, tels que modifiés par l’avenant, fait à Luxembourg, le 10 octobre 2019, signé à Bruxelles le 7 novembre 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Vote sur l’ensemble

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Notre collègue Silvana Silvani a expliqué que nous voterions contre.

Certes, cela peut étonner. Pourquoi voter contre une disposition pratique pour les salariés concernés ?

Mais nous parlons du Luxembourg. Or le Luxembourg n’est pas n’importe quel État. Il a tout de même un statut un peu particulier, et pas seulement parce qu’il fait partie des pays à l’origine de la création de l’Union européenne en tant que signataire du traité de Rome en 1957.

Il se trouve, monsieur le ministre, que j’ai adressé un courrier à votre collègue Bruno Le Maire le 25 janvier dernier, à propos des révélations qui avaient été faites par le journal Le Monde voilà trois ans. Je fais référence à ce que l’on avait alors appelé les OpenLux. L’existence au Luxembourg de 55 000 sociétés offshore gérant des actifs dont la valeur atteignait la somme vertigineuse de 6 500 milliards d’euros avait alors été révélée. Il était d’ailleurs précisé que les Français détenaient 17 000 de ces sociétés, faisant de notre pays la première des 157 nationalités représentées.

Le 11 juin 2021, M. Le Maire avait répondu au courrier que je lui avais adressé au mois de février de la même année que le recours par certains contribuables français à des entités luxembourgeoises faisait l’objet d’une « attention particulière par les services de l’État ». Dont acte.

Je me suis posé quelques questions, que je lui ai transmises. Quel état des lieux peut être fait ? Quels montants ont pu être recouvrés ? Les sociétés offshore révélées sont-elles toujours actives ? Quelle a été la qualité de la coopération entre les autorités luxembourgeoises et les autorités françaises ?

Monsieur le ministre, vous aurez sans doute l’occasion de croiser M. Le Maire plus tôt que moi. Je me permets donc de lui demander par votre entremise si une réponse est prévue au courrier que je lui ai adressé le 25 janvier dernier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Je veux appeler l’attention de nos collègues, notamment du groupe communiste, sur la signification et, d’une certaine manière, sur l’importance du vote.

J’entends, chers collègues, votre analyse et le sens que vous souhaitez donner – c’est votre liberté – à votre vote.

Nous avons évoqué ensemble, et de manière sereine la portée de cette convention : prendre en compte l’enjeu et les contraintes du télétravail pour les travailleurs transfrontaliers. Il s’agit d’améliorer les conditions de travail et de vie des salariés, publics ou privés, qui franchissent la frontière pour aller au Luxembourg.

À mon sens, par votre vote négatif, vous allez à l’encontre des intérêts des femmes et des hommes qui travaillent au Luxembourg.

Il me semblait important de le rappeler, en particulier au regard de certaines difficultés à se faire comprendre par nos concitoyens. Nous devons être attentifs à ce que je qualifierai d’« intérêt fonctionnel » des travailleurs concernés.

Il y aura, je le crois, d’autres occasions pour adopter une posture politique sur un sujet qui mérite – je vous rejoins sur ce point, mon cher collègue – une réponse du ministre. Mais, comme vous le savez, M. Le Maire est actuellement très occupé, sur de multiples fronts. C’est peut-être la raison pour laquelle la réponse tarde à venir. Cela ne m’empêche pas d’être à vos côtés pour l’encourager à vous répondre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je confirme que notre groupe votera unanimement en faveur de cette convention. C’est une mesure attendue et appelée de leurs vœux par les travailleurs frontaliers depuis de très nombreuses années.

Tout à l’heure, Michaël Weber a évoqué Villerupt, la commune où je réside. Chez moi, où nous avons aujourd’hui plus de 70 % de travailleurs frontaliers, personne ne comprendrait que le vote sur cet avenant puisse être instrumentalisé au profit de considérations sur le modèle économique du Luxembourg.

Nous sommes là pour améliorer la vie des travailleurs frontaliers. Or une telle mesure est à la fois attendue et bénéfique, pour l’environnement comme pour la qualité de vie de ces travailleurs.

Nous voterons donc résolument pour.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Le sens de notre vote n’est évidemment pas d’aller à l’encontre d’une volonté qui serait exprimée par des travailleurs et des travailleuses transfrontaliers.

D’ailleurs, venant de la même région et du même département, je n’ai pas entendu de volonté unanime…

En revanche, j’ai bien entendu la position des élus locaux. S’ils ne sont pas contre – qui pourrait l’être ? – un meilleur confort de vie pour des travailleurs qui, rappelons-le, vivent plutôt bien, en particulier par comparaison avec les salariés travaillant en France dans cette zone-là, ils m’ont surtout fait part des difficultés rencontrées pour gérer au quotidien les collectivités territoriales.

Par notre vote, nous n’envoyons pas un message hostile au télétravail ou au confort des salariés.

Mme Véronique Guillotin et M. Jean-François Husson. Si !

Mme Silvana Silvani. Nous disons simplement qu’il ne faut pas se focaliser sur un détail qui masque le fond.

Notre responsabilité est aussi, me semble-t-il, de faire de la politique et de montrer quels sont les enjeux derrière chaque décision. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur. Je voudrais rappeler un élément.

Quelle est l’ambition de cette convention ? Tout simplement répondre à l’attente généralisée des travailleurs frontaliers pour sécuriser leurs relations fiscales avec le Luxembourg.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur. Il ne s’agit pas du tout d’évoquer la situation particulière, aux yeux de certains, de ce pays. Le fait qu’il puisse, éventuellement, s’agir d’un paradis fiscal est un autre sujet.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur. Je vous le dis, la convention n’enlève rien à personne. En revanche, elle répond à un problème concret qui se pose aux frontaliers. Quand on réside dans le secteur, on comprend mieux de quoi il s’agit, puisqu’on le vit.

C’est pourquoi je vous recommande de voter pour. C’est un progrès certes infime, mais un progrès tout de même ! Et nous pourrons encore améliorer les choses. C’est l’objet de la clause de revoyure prévue dans le texte.

En tout état de cause, et comme M. le ministre l’a rappelé, le Luxembourg est, que vous le vouliez ou non, un État souverain. (M. Vincent Capo-Canellas, Mme Véronique Guillotin et M. Jean-François Husson applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Il va dire la même chose ! (Sourires.)

M. Michaël Weber. À peu près ! (Mêmes mouvements.)

Le débat d’aujourd’hui concerne les travailleurs transfrontaliers, qui passent quotidiennement du temps dans les transports et qui attendent une telle évolution, voire la réclament en permanence.

À mon sens, il faut absolument dissocier deux sujets.

Le premier, c’est celui des exigences que nous avons vis-à-vis du Luxembourg. Je pense qu’il faut y répondre pas à pas. Nous sommes tous engagés, en particulier les élus des territoires frontaliers, pour qu’il puisse y avoir des améliorations, dans l’intérêt de notre pays comme du Luxembourg.

Le second, c’est la réponse qui est attendue par les travailleurs frontaliers au quotidien. À mon sens, même si ce n’est pas totalement satisfaisant, c’est un premier pas. Je pense qu’un vote unanime du Sénat serait un signal fort et permettrait peut-être d’obtenir d’autres avancées de la part du Luxembourg. (Mme Véronique Guillotin et M. Jean-François Husson applaudissent.)

M. Jean-François Husson. Une rupture à gauche ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune.

(Le projet de loi est adopté.) – (Mme Véronique Guillotin et M. Jean-François Husson applaudissent.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune
 

7

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
Discussion générale (suite)

Convention fiscale avec la Moldavie

Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales (projet n° 283, texte de la commission n° 385, rapport n° 384).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
Discussion générale (fin)

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avec 126 conventions en vigueur, la France dispose d’un des réseaux de conventions fiscales les plus étendus au monde. Cela répond à un double objectif : d’une part, accompagner le développement de nos entreprises à l’étranger en sécurisant d’un point de vue fiscal leurs opérations et en prévenant la double imposition de nos ressortissants expatriés ; d’autre part, comme l’indique l’intitulé de la convention soumise à votre approbation, prévenir l’évasion.

L’action bilatérale de la France va de pair avec notre activisme multilatéral en matière d’harmonisation de la fiscalité ou de transparence.

C’est précisément pour répondre à ce double objectif que le Gouvernement a souhaité conclure la présente convention avec la Moldavie, signée le 15 juin 2022.

La France et la Moldavie ne sont actuellement liées par aucune convention fiscale depuis que la Moldavie a dénoncé, en 1998, l’accord en vigueur entre la France et l’Union soviétique du 4 octobre 1985, qui s’appliquait jusqu’alors. Il résulte de cette situation que nos deux États appliquent concurremment leur droit interne en matière fiscale, ce qui crée de l’insécurité juridique pour les contribuables davantage susceptibles de se retrouver dans des situations de double imposition. Nos deux pays sont également dénués de tout cadre bilatéral de coopération en matière fiscale.

Un projet de convention fiscale avait été signé en 2006, mais la procédure d’approbation du texte a été interrompue du côté français à la suite de l’introduction en Moldavie d’un taux nul d’impôt sur les sociétés. En l’absence de nécessité de prévenir la double imposition de nos entreprises, le projet avait été stoppé, conformément à la politique conventionnelle française.

Face aux récentes évolutions moldaves, à savoir la réintroduction d’un impôt sur les sociétés ou son adhésion au Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE, le projet a pu reprendre. La France et la Moldavie ont ainsi pu entamer la négociation d’une convention fiscale à l’été 2019 sur la base d’un projet de texte soumis par les autorités françaises. Les négociations se sont poursuivies en 2020 et 2021.

Dans le cadre de ces négociations, la France a obtenu plusieurs concessions des autorités moldaves en faveur de ses intérêts. Elles concernent pour les plus significatives, d’une part, la limitation des retenues à la source en Moldavie sur les intérêts et redevances de 12 % à, respectivement, 5 % et 6 %, et, d’autre part, le renoncement de la Moldavie à taxer nos prestataires de services de manière plus aisée que les autres types d’entreprises.

Les derniers standards internationaux en matière de transparence fiscale sont intégrés dans la convention, notamment ceux de l’instrument multilatéral Beps de l’OCDE.

Plus précisément, la convention comprend une clause anti-abus générale, qui permettra de refuser l’application de la convention lorsqu’un montage ou une transaction sont clairement abusifs. Elle comporte également des dispositions de coopération administrative en matière fiscale, notamment sur l’assistance en matière de recouvrement des impôts et l’échange de renseignements.

Par ailleurs, elle contient de nombreuses stipulations conformes à notre politique conventionnelle, s’agissant de la taxation du trafic international ou du régime d’imposition des revenus des mannequins, artistes et sportifs. De même, les volontaires internationaux en entreprise (VIE) en Moldavie bénéficieront d’un traitement favorable.

L’abaissement des taux d’imposition des redevances, des intérêts et des dividendes entérinés dans la convention favorisera le développement des investissements français en Moldavie. Ceux-ci sont déjà significatifs, puisque parmi les pays investisseurs étrangers en Moldavie, la France figure au quatrième rang. Près de 240 entreprises françaises, dont les groupes Lactalis, Orange ou Lafarge, y sont déjà implantés, et d’autres ont déjà indiqué qu’elles souhaitaient s’y établir. Une mission conduite par le Medef international est d’ailleurs prévue en Moldavie pour le printemps 2024 afin d’accompagner les entreprises intéressées.

Ce cadre juridique clair et prévisible créera un climat propice aux investisseurs, aux entreprises et à la multiplication des échanges commerciaux. Ceux-ci ont atteint un montant de 131 millions en 2021 et de 155 millions sur douze mois glissants jusqu’à juin 2022.

Cette convention participe en outre au renforcement de la relation bilatérale, en même temps qu’elle s’inscrit dans la politique de soutien de la France à la trajectoire européenne de la Moldavie. Le gouvernement de ce pays conduit un programme ambitieux en matière de gouvernance et de lutte anticorruption, dans un contexte difficile. La poursuite du conflit en Ukraine a des effets particulièrement déstabilisateurs pour la Moldavie, dont une partie du territoire est de surcroît occupée depuis plus de trente ans par l’armée russe.

La présente convention a d’ailleurs été signée à l’occasion de la première visite d’État d’un président de la République française en République de Moldavie depuis la proclamation de l’indépendance de ce pays, il y a trente-trois ans.

La visite de la Présidente de la République de Moldavie en France, la semaine dernière, à l’occasion de laquelle les deux chefs d’État ont signé un accord de défense et une feuille de route économique bilatérale, illustre le dynamisme de notre relation bilatérale avec ce pays, par ailleurs notoirement francophile et francophone.

La présente convention s’inscrit directement dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle feuille de route économique bilatérale, puisqu’elle instaurera le cadre juridique fiscal bilatéral de référence pour les investisseurs et opérateurs économiques.

Cette convention, soumise à votre approbation, est donc une manifestation très concrète de notre souhait d’approfondir nos relations économiques avec la Moldavie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, enfin ! Je commencerai par souligner les efforts de deux de mes collègues pour faire adopter cette convention, qui était très attendue : il s’agit de Véronique Guillotin, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Moldavie, et d’Olivier Cadic, sénateur représentant les Français établis hors de France.

Signé le 15 juin 2022 en Moldavie, ce texte a été ratifié le mois suivant par le Parlement moldave, mais il a fallu attendre le début de cette année pour que l’Assemblée nationale en soit saisie et, enfin, ce jour, pour que le Sénat puisse en débattre. Le ministre a rappelé ses principaux points, et je n’y reviendrai pas. Cette convention est importante parce qu’elle permettra d’éviter la double imposition. Depuis la dénonciation, en 1985, de la convention qui existait entre la France et la Moldavie, aucun texte n’avait été signé. Il faut dire que la Moldavie ne répondait pas aux standards requis pour signer de telles conventions bilatérales avec nous.

Aujourd’hui, elle a apporté un certain nombre de réponses, notamment sur les standards exigés par l’OCDE. Nous le devons largement à l’élection, en 2020, de Maia Sandu, qui était proeuropéenne, à la présidence de la République moldave. Les relations entre la France et la Moldavie se sont notoirement accrues depuis lors.

D’abord, ce pays a fait acte de candidature pour rejoindre l’Union européenne en juin 2022.

Puis, sa position proeuropéenne a favorisé le développement du courant d’affaires entre nos deux pays.

La France accompagne dorénavant le développement de la Moldavie, puisque l’Agence française de développement (AFD) y possède désormais une antenne et mène des programmes d’accompagnement et de soutien.

La convention fiscale intègre les principaux standards de l’OCDE, comme la définition modernisée de l’établissement stable, la clause générale anti-abus ou un mécanisme d’élimination des doubles impositions. Nous avons choisi, pour ce qui concerne la France, la méthode dite de l’imputation, qui permet d’imputer par crédit d’impôt d’éventuelles impositions moldaves.

Je souligne, monsieur le ministre, que nous avons obtenu, dans les négociations, l’abaissement des taux de retenue à la source sur les revenus passifs que sont les dividendes, intérêts et redevances. La convention fixe ainsi un taux de retenue à la source de 10 % pour les dividendes et de 5 % pour les intérêts et redevances. Vu l’importance de l’aide publique au développement, nous avons retenu le principe d’imposition exclusive dans l’État de résidence pour les intérêts relatifs aux investissements réalisés ou garantis par les personnes publiques. Le partage dans la répartition des investissements sera plutôt favorable au Trésor français, je pense, ce qui est une très bonne chose.

Ce texte sécurisera la situation des particuliers comme des entreprises par un cadre clair d’élimination des doubles impositions. Contrairement à des conventions fiscales récentes que notre commission a eu l’occasion d’examiner – avec la Grèce ou le Danemark, par exemple –, la convention bilatérale franco-moldave ne vient pas répondre à des situations particulières de double imposition. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère de l’économie et des finances ne nous ont pas signalé de cas spécifiques en la matière.

L’abaissement des taux de retenue à la source sur les revenus passifs devrait soutenir la croissance des échanges commerciaux et financiers bilatéraux. Le ministre l’a rappelé : la Moldavie n’est que le cent treizième client de la France, mais le commerce entre nos deux pays connaît une croissance à deux chiffres !

En dehors des considérations fiscales et économiques, l’entrée en vigueur de cette convention fiscale bilatérale, dans le contexte géopolitique complexe que nous connaissons, est de nature à encourager la Moldavie dans sa démarche d’intégration européenne. C’est pourquoi la commission des finances vous propose d’adopter cette convention fiscale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention avec la Moldavie qu’il nous est proposé d’adopter intervient vingt-cinq ans après la suspension du dernier accord fiscal entre nos deux pays, en 1998, lorsque la Moldavie dénonça l’accord entre la France et l’Union soviétique, qui datait de 1985 et s’appliquait encore. Depuis lors, nos deux États appliquaient chacun leur droit interne, ce qui a créé des situations de double imposition et une insécurité juridique globale pour les contribuables concernés, mais aussi un risque accru de fraude.

S’il y a peu de ressortissants français en Moldavie, les entreprises françaises sont, elles, toujours plus nombreuses à y être implantées, et leur part de marché connaît une croissance de près de 15 % chaque année depuis quelque temps. Ce nouvel accord constitue donc une bonne nouvelle, à la fois pour le développement de leurs activités et de leurs investissements, et pour mieux prévenir l’évasion et la fraude fiscales.

J’ai envie de dire, comme le rapporteur : enfin !

Je déplore toutefois la légèreté de l’étude d’impact préalable à l’examen de ce projet de loi – même s’il en est souvent ainsi pour les conventions, fiscales ou non, que nous sommes amenés à adopter dans notre assemblée. Les études d’impact, comme le suivi post-adoption, sont généralement insuffisantes, ce qui se traduit par une absence de vision et de communication d’ensemble au Parlement, que nous ne pouvons que regretter. Une structure de suivi dédiée avait été prévue, mais, sauf erreur de ma part, elle n’est toujours pas créée. Monsieur le ministre, où en est ce projet ? Quelles sont les intentions réelles du Gouvernement en la matière ? Des progrès sont indispensables, et attendus par le Parlement.

Cette convention a tardé à voir le jour, malgré une première tentative en 2006. C’est la réintroduction par la Moldavie d’un impôt sur les sociétés et son adhésion au Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE qui ont permis de relancer le processus en 2019. La présente convention a ensuite été signée en 2022, alignée sur les standards de l’OCDE. C’était il y a déjà deux ans. Il aura donc fallu attendre assez longtemps, alors que la Moldavie est signataire d’un accord d’association avec l’Union européenne depuis 2014, et que le Parlement moldave a ratifié ce texte il y a déjà plusieurs mois.

La Moldavie est un pays très francophile, où une grande partie des élèves du secondaire apprennent notre langue. L’Alliance française de Moldavie est l’une des plus importantes d’Europe.

Politiquement, elle a engagé un virage très important depuis l’élection de Maia Sandu à la présidence. Nous devons soutenir cette orientation, tant les défis à relever sont importants dans le contexte géopolitique que nous connaissons actuellement. Il y a le défi démocratique, d’abord, dans un pays qui fait l’apprentissage de la démocratie et qui est marqué par une corruption contre laquelle le gouvernement actuel lutte avec détermination. Il y a le défi de souveraineté, ensuite, rendu particulièrement difficile par la présence d’une région sécessionniste en Transnistrie. Il y a le défi du rapprochement avec l’Union européenne, enfin. La Moldavie est devenue candidate à l’adhésion en 2022 et a signé en septembre dernier une lettre d’intention sur la coopération bilatérale en matière de défense avec la France.

Face à ces défis, nous devons soutenir la Moldavie. C’est un petit pays, mais ce n’est pas n’importe quel État, vu sa situation au cœur du continent européen.

Au lendemain du vote favorable de l’Assemblée nationale, puis du Sénat, au soutien à l’Ukraine, quelques jours après la visite de la présidente moldave à Paris, adopter cette convention enverra un message de reconnaissance et un signal de rapprochement à la Moldavie. En adoptant cette convention fiscale bienvenue, nous témoignerons notre attachement à la Moldavie, ainsi qu’au lien qui unit nos deux nations européennes.

C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi d’approbation de la convention fiscale bilatérale avec la Moldavie a été adopté à l’Assemblée nationale le 25 janvier dernier. Les conventions fiscales restent mal connues, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, alors que la France en a conclu pas moins de 126. Il y a donc de la pédagogie à faire !

Je salue le travail de la commission des finances et de son rapporteur Michel Canévet. Le document mis à notre disposition est agrémenté d’une carte géographique. La République de Moldavie est bordée à l’ouest par la Roumanie et à l’est par l’Ukraine. Elle compte 2,6 millions d’habitants, pour 34 843 kilomètres carrés. Son PIB était de 14,4 milliards de dollars en 2022. Les échanges avec la Moldavie peuvent sembler modestes, mais ils progressent. Les exportations françaises y représentent 105 millions d’euros, les importations, 71 millions.

Ce texte vise à éliminer la double imposition sur le revenu, et à prévenir l’évasion et la fraude fiscales, ce qui est de circonstance pour nos finances ! Je salue au passage le travail de nos collègues représentant les Français établis hors de France, ainsi que les membres du groupe interparlementaire d’amitié France-Moldavie : leur rôle est important. Sur le plan de l’enseignement et de l’éducation, l’AFD a aussi une place majeure.

La Moldavie était l’un des rares pays européens, avec la Suède, à ne pas avoir signé de convention fiscale bilatérale avec la France. Or elle est notre cent treizième client, et plusieurs entreprises françaises importantes y sont implantées, comme l’a rappelé à juste titre le ministre.

Cette convention, signée le 15 juin 2022, est alignée sur les derniers standards de l’OCDE et sur la pratique française. Elle a pour objectif de simplifier la situation fiscale des particuliers – soixante-cinq ressortissants français en Moldavie, 90 000 ressortissants moldaves en France – mais aussi des entreprises. Ce projet de loi offrira une sécurité juridique à chacun. C’est pourquoi, et à la lumière de toutes les précisions qui ont été apportées par les uns et les autres, le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conventions fiscales constituent un puissant levier de notre diplomatie économique. Avec plus de 120 conventions signées, la France dispose du réseau le plus étendu au monde. Renforcer ce réseau, c’est renforcer notre influence dans le monde.

C’est particulièrement vrai avec la Moldavie, dont l’histoire, la géographie et l’actualité confèrent à cette convention une coloration particulière.

C’est d’abord une question d’histoire. Voilà près de quatre décennies que plus aucune convention fiscale ne lie nos deux pays. En effet, le 4 octobre 1985, la Moldavie a décidé de dénoncer la convention franco-soviétique qui régissait encore les relations entre nos deux pays sur le plan fiscal. En 2006, puis en 2012, des tentatives pour établir une convention bilatérale entre la France et la Moldavie ont échoué.

Les choses se sont débloquées en 2019 : un accord a été trouvé pour aligner nos relations fiscales sur les derniers standards de l’OCDE en la matière. C’est un signal très positif de la part de la Moldavie, qui a signé par ailleurs plusieurs autres conventions de même teneur avec d’autres pays européens.

Depuis l’élection de Maia Sandu à la présidence en 2020, la Moldavie n’a cessé de renforcer ses liens avec l’Occident. Elle fait désormais partie des pays officiellement candidats à l’intégration à l’Union européenne. Bien sûr, il lui reste beaucoup de chemin à parcourir pour espérer intégrer un jour l’Union. Mais cette volonté politique démontre une inclination vers l’Occident. Nous aurions tort de la décevoir.

Car l’avenir de Moldavie tient aussi à sa géographie : coincée entre la Roumanie et l’Ukraine, son sort dépend pour une large part de ce qui se joue actuellement en Ukraine. Une grande majorité des Moldaves refusent que leur pays vive sous la férule de Vladimir Poutine.

À cet égard, la situation en Transnistrie, où les séparatistes œuvrent au rapprochement avec la Russie, est un facteur de déstabilisation géopolitique, tant pour la Moldavie que pour l’Europe. Le rapporteur du projet de loi a d’ailleurs précisé, en commission des finances, que la convention fiscale ne s’appliquerait pas à la Transnistrie, et ce jusqu’à son plein retour sous la souveraineté moldave. Il a bien fait ! Car sans cette précision, nous n’aurions pas voté ce texte.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe est très favorable à l’adoption de cette convention fiscale, qui est à la fois un outil diplomatique à la main de la France et un pas de plus vers l’Union européenne pour la Moldavie.

J’espère que cette convention pourra être rapidement adoptée. En effet, le rythme de la diplomatie tranche parfois avec celui de la politique. Je rappelle ainsi que les négociations ont débuté en 2019 et que la convention n’a été signée qu’en juin 2022.

Près de six mois après l’adoption de ce projet de loi par l’Assemblée nationale, il est grand temps que le Sénat adopte également ce texte, pour envoyer un signal fort aux autorités moldaves. Alors que la présidente Maia Sandu remettra son mandat en jeu dans quelques mois, il est important que la France donne des gages pour renforcer nos relations bilatérales avec la Moldavie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé tout à l’heure Michel Canévet, dont je tiens à saluer le travail fourni et de qualité, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui revêt, au-delà des considérations strictement fiscales, une importance géoéconomique et géostratégique majeure, pour la France comme pour la Moldavie. Je me réjouis que cette importance soit enfin reconnue.

L’objectif d’une convention fiscale est avant tout d’éviter la double imposition, que ce soit pour les personnes morales ou physiques.

Lors de ma visite en Moldavie, en septembre 2018, la France était, avec la Suède, l’un des deux seuls États de l’Union européenne à ne pas avoir de convention fiscale avec la République de Moldavie.

J’avais été alerté sur ce sujet par Pascal Le Deunff, ambassadeur de France à l’époque, Benoît Mayrand, conseiller des Français de l’étranger, ainsi que par Emmanuel Skoulios, président de la chambre de commerce France-Moldavie et par des représentants de nos entreprises implantées sur place. Nous étions convenus que la signature d’une convention fiscale serait ma priorité d’action pour ce pays, afin de favoriser le développement de nos échanges commerciaux.

Je remercie Véronique Guillotin, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Moldavie, d’avoir toujours soutenu nos efforts collectifs. Sitôt revenu de Chisinau, j’avais interpellé le ministre de l’économie et des finances sur une situation ubuesque qui obligeait les entreprises françaises souhaitant faire du commerce avec la Moldavie à passer par l’intermédiaire de filiales dans des pays tiers, en particulier les Pays-Bas ou la Roumanie, afin d’éviter le risque de double taxation.

Il aura fallu les conséquences de la guerre en Ukraine pour accélérer des négociations que le ministère de l’économie ne jugeait pas prioritaires jusqu’alors. Comme le disait Jean Monnet, les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise.

À la faveur de la visite du Président de la République, le 15 juin 2022, quatre années d’efforts ont été couronnées par la signature d’une convention fiscale bilatérale entre Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et son homologue moldave, Nicu Popescu.

Comme tous ceux qui ont milité pour la signature de cette convention fiscale, je me réjouis de la conclusion de cet accord, qui était très attendu des investisseurs, comme l’avait alors souligné Mme Colonna.

Garantir la sécurité juridique aux acteurs économiques en prévenant la fraude fiscale constitue un progrès majeur pour le développement de nos liens commerciaux et un facteur majeur de convergence vers les normes européennes pour la Moldavie.

Pour que l’objectif soit atteint, il nous faut ratifier le texte qui nous est soumis aujourd’hui. L’accord trouvé me paraît assurément être gagnant-gagnant.

Il est gagnant pour la France, d’abord. Faute de cadre conventionnel depuis la dénonciation de la convention franco-soviétique il y a près de quarante ans, France et Moldavie appliquent chacune de leur côté leur propre législation fiscale, au détriment de la sécurité juridique des contribuables, susceptibles de se retrouver doublement imposés, et de la prospérité des investissements et des échanges économiques entre nos deux pays.

La présente convention fiscale comporte une définition modernisée de la notion d’établissement stable et une clause générale anti-abus, en adéquation avec les nouveaux standards de l’OCDE. Elle prévoit un mécanisme clair d’élimination des doubles impositions, au bénéfice des contribuables, qu’il s’agisse des entreprises ou des particuliers.

Bénéfiques pour les contribuables, et en particulier pour les 240 entreprises françaises installées en Moldavie, les termes de cette nouvelle convention fiscale le seront aussi pour le Trésor public français. Compte tenu du niveau nécessairement asymétrique des investissements entre la France et la Moldavie, l’abaissement des taux de retenue à la source applicables aux dividendes, aux intérêts et aux redevances assurera un partage des recettes fiscales plus favorable à nos finances publiques.

Toujours au titre de la sauvegarde de nos intérêts, et au vu de l’importance de l’aide publique au développement apportée par la France à la Moldavie, je me félicite que la convention fiscale retienne un principe d’imposition exclusive dans l’État de résidence pour les investissements réalisés ou garantis par les personnes publiques.

Mais l’accord fiscal bilatéral, dont nous nous apprêtons à autoriser l’approbation, est également gagnant pour la Moldavie. Je le précise, car pour un Chinois, un accord gagnant-gagnant signifie que la Chine gagne deux fois ! (Sourires.)

Après l’agression russe en Ukraine, l’action diplomatique de la France a tout de suite consisté à soutenir la République de Moldavie, financièrement à travers la plateforme de soutien à la Moldavie, et plus globalement, dans sa démarche d’adhésion à l’Union européenne.

Or, en fixant un cadre propre à dynamiser les échanges commerciaux avec ce pays d’Europe orientale, l’adoption de ce projet de loi et, à travers elle, l’approbation de cette convention fiscale bilatérale feraient plus que combler un vide conventionnel. Elles enverraient un signal fort à destination de ce pays frontalier de l’Ukraine, qui a épousé, depuis 2020 et l’accession au pouvoir de Maia Sandu, les valeurs libérales et proeuropéennes. L’attente est grande en Moldavie, où je suis retourné en mars l’an dernier.

Je sais que Benoît Mayrand, conseiller des Français de l’étranger, Emmanuel Skoulios, président de la chambre de commerce France-Moldavie, et notre ambassadeur Graham Paul suivent à distance cet épilogue. Je salue leurs efforts, qui, je n’en doute pas, vont être récompensés aujourd’hui.

Le groupe Union Centriste votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette convention fiscale entre la France et la Moldavie comble un vide assez rare dans nos relations internationales avec les autres États. En effet, la Moldavie, depuis son retrait de la convention fiscale entre la France et l’Union soviétique en 1985, était un des très rares pays à ne pas avoir de convention fiscale avec notre pays.

Cette convention va permettre de renforcer nos relations avec ce pays limitrophe de l’Ukraine, menacé par l’impérialisme russe de Vladimir Poutine. Elle représente, dans ce contexte, un jalon important dans le processus d’intégration européenne de ce jeune État, indépendant depuis seulement 1991.

En faisant le choix de l’Europe et du rapprochement avec ses États membres, la Moldavie opte pour un alignement sur les valeurs démocratiques, sur les principes de l’État de droit et pour la coopération régionale. Cette aspiration coïncide étroitement avec notre vision d’une Europe unie et solidaire, fondée sur le respect mutuel, la coopération et la justice sociale.

La convention négociée par le Gouvernement vise non seulement à simplifier les échanges commerciaux et à faciliter les investissements, mais aussi à renforcer le lien culturel et linguistique qui unit nos deux pays. Nous ne devons pas sous-estimer l’importance de la francophonie en Moldavie, où la langue française reste enseignée et appréciée.

En cette année où l’Union européenne occupe une place singulière dans le débat public, du fait du renouvellement de ses institutions, cette convention est un signal politique fort de notre engagement à soutenir la Moldavie dans son rapprochement avec l’Union européenne. Elle témoigne de notre volonté de bâtir des ponts, de favoriser les échanges économiques et culturels et de participer activement à la stabilité et au développement de cette région stratégique de l’Europe.

Je formulerai deux réserves à ce stade.

La première concerne l’ampleur de l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, qui, cette fois encore, ne nous éclaire pas réellement sur les conséquences de l’entrée en vigueur de cette convention, notamment sur nos recettes fiscales. Dans le contexte français d’austérité budgétaire, marqué par une course à l’économie et un refus catégorique de mobiliser les leviers fiscaux, cette question ne saurait être éludée. Elle est plus large que le périmètre de cette convention franco-moldave.

De manière globale, nous avons besoin, monsieur le ministre, d’une évaluation fine, dans le temps, des conséquences économiques et budgétaires des négociations fiscales internationales.

La seconde réserve concerne la lutte contre l’évasion fiscale. L’alignement sur les standards internationaux pour prévenir la double imposition et la fraude fiscale ne nous semble pas suffisant. L’évasion fiscale prive les États de ressources cruciales pour le financement des services publics et la lutte contre les inégalités. Nous ne pouvons donc nous satisfaire de mesures symboliques ou superficielles.

Le Gouvernement doit mener sans relâche un combat contre la fraude fiscale, dans cette convention spécifiquement, comme dans toutes les autres, en se dotant de tous les outils utiles et en faisant preuve d’une réelle volonté politique.

Cela étant, cette convention est un acte important pour les relations franco-moldaves. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires la votera.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de convention fiscale est sous-tendu par la perspective d’une adhésion de la Moldavie à l’Union européenne. La procédure d’adhésion est menée au pas de charge et a été légitimée soudainement après le début de la guerre en Ukraine. Ce processus d’intégration n’est d’ailleurs pas forcément de nature à permettre l’engagement d’un processus de paix dans la région, il faut le noter.

La Moldavie dépose sa candidature d’adhésion le 3 mars 2022, laquelle est annoncée par la présidente du pays, Mme Maia Sandu, le même jour que la Géorgie et trois jours après l’Ukraine. Le 23 juin, le statut de candidat à l’adhésion est accordé par l’Union européenne. En décembre 2023, les dirigeants de l’Union européenne ont décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Moldavie et ont invité le Conseil à adopter le cadre de négociations une fois que les mesures pertinentes auront été prises.

L’ambition est de mener des réformes sur l’État de droit et dans le domaine de la justice, mais également dans le secteur économique et financier afin d’accroître l’intégration de la Moldavie au sein du marché intérieur.

L’accord d’association est à cet égard une forme de cheval de Troie libéral pour faire tomber les frontières, au nom d’une mondialisation des échanges.

Des accords de libre-échange approfondis et complets entre l’Union européenne et la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine sont en discussion.

Le salaire minimum brut en République de Moldavie, qui est de 46,29 euros par mois, est le plus bas d’Europe. Il est environ trente-quatre fois plus bas que celui du Luxembourg, dont nous avons parlé précédemment, sept fois plus bas que le Smic bulgare, qui est aujourd’hui le plus faible de l’Union européenne. Le salaire moyen n’est guère plus satisfaisant.

Comme dans le programme de Vladimir Filat intitulé Lintégration européenne : liberté, démocratie, bien-être, lancé en septembre 2009, la stabilisation repose sur le rapprochement avec les structures européennes, sur la base des acquis communautaires.

La fin du régime de Vladimir Voronin, président de 2001 à 2009, est marquée par un regain d’intérêt des bailleurs internationaux. La relance économique passe par une politique de rigueur pour tenir les engagements pris à l’égard du Fonds monétaire international.

La Moldavie est sans doute l’un des pays où le poids de l’oligarchie dans la vie politique est le plus important. En 2014, les trois principaux oligarques, Vladimir Filat, Vladimir Plahotniuc et Ilan Sor – le parti Sor a été interdit sur décision de la Cour constitutionnelle le 19 juin 2023 –, ont été accusés d’avoir commis le « casse du siècle ». À eux trois, ils ont dérobé en 2014 l’équivalent de 12 % du PIB du pays ! Les deux derniers ont été contraints à l’exil. Corruption et argent roi ont sévi.

En somme, l’intérêt majeur de nouer une relation fiscale avec la Moldavie est d’envoyer un signal en vue de l’adhésion du pays à l’Union européenne.

Notre réseau conventionnel couvrait déjà en 2019, selon la Cour des comptes, 97 % des importations et 98 % des exportations. L’excédent commercial de la France avec ce pays ne représentait que 0,018 % du total de nos exportations, soit 105 millions d’euros en 2022, pour 71 millions d’importations. Nous comptons soixante ressortissants français en Moldavie.

La Moldavie, après avoir adopté un taux d’imposition sur les sociétés de 0 %, l’a rehaussé sous la pression des bailleurs internationaux à 12 %, soit un taux inférieur de plus de la moitié au nôtre.

Finalement, toutes ces asymétries et l’ambition de faire de la Moldavie un espace de concurrence élargi ont conduit la France à balayer dans cet accord les volontés moldaves : un établissement stable pour les services numériques, disposition que le Sénat a votée à de nombreuses reprises, sur notre initiative ; des dispositions sur les prix de transfert qui profiteront certes à nos finances publiques, mais permettront de délocaliser tous les bénéfices de Moldavie alors que nos multinationales y créent de la valeur ; des retenues à la source bien plus faibles que celles qui sont pratiquées en Moldavie, notamment sur les dividendes.

Cette convention fiscale est donc plus symbolique que destinée à résoudre un problème fiscal spécifique. Nous voterons contre, habités par le doute que suscite de manière systématique chez nous le modèle des conventions fiscales bilatérales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après être intervenue sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et le Luxembourg, j’aborde à présent un autre projet de loi autorisant l’approbation d’une convention avec un second État européen, petit par la taille, mais grand par son importance.

Avec une superficie comparable à celle de la Belgique, une population de 2,7 millions d’habitants et une part importante de sa main-d’œuvre établie à l’étranger, la Moldavie demeure l’un des pays les plus pauvres d’Europe.

Son gouvernement, dirigé depuis la fin de l’année 2020 par la présidente Maia Sandu, a à cœur de faire avancer le pays sur la voie du développement économique et du rapprochement avec l’Union européenne.

Le projet de loi autorisant l’approbation de la convention fiscale bilatérale que nous examinons aujourd’hui traduit la volonté du pays de converger vers les meilleurs standards internationaux, la prospérité et l’État de droit.

La présente convention, cela a été dit, est inspirée du modèle standard, élaboré par l’OCDE, des conventions visant à éliminer les risques de double imposition et à prévenir l’évasion et la fraude fiscales.

L’accord ne s’applique pas à la région séparatiste de Transnistrie. On pourrait également s’interroger sur son application dans la région autonome de Gagaouzie. Cet ensemble de localités situées dans le sud du pays forme un territoire discontinu, moins connu certes, mais qui constitue aussi un sujet de préoccupation.

Je ne reviendrai pas trop en détail sur le contenu de cette convention, qui prévoit donc des clauses standards. Elle couvre tous les impôts analogues à l’impôt sur le revenu français, à l’impôt sur les sociétés et aux différentes contributions sociales, mais pas à l’imposition sur la fortune, qui n’existe pas en Moldavie. Elle concerne aussi les biens immobiliers, les transports internationaux ou encore les rémunérations des artistes, des sportifs et des mannequins.

Une attention particulière a été accordée à la sécurisation des transferts de données à caractère personnel. Dans le contexte international actuel, cette dimension se révèle particulièrement sensible.

L’examen de ce projet de loi d’approbation est aussi pour moi l’occasion de m’exprimer en tant que présidente du groupe d’amitié France-Moldavie. L’élection présidentielle qui doit se tenir à l’automne prochain aura des conséquences majeures pour l’avenir de la Moldavie et elle s’accompagnera d’un référendum sur une future adhésion à l’Union européenne. À l’approche de ces rendez-vous importants, les tentatives de désinformation, déjà bien présentes dans le pays, risquent de se multiplier.

Lors de mes déplacements en juillet 2021 et en mai 2022 dans cet État membre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), j’avais pu constater les défis restant à relever, mais aussi la volonté des dirigeants moldaves d’y parvenir et d’apporter à la population des résultats concrets.

Dans le contexte de la poursuite de la guerre en Ukraine, dont nous avons abondamment discuté hier avec le Premier ministre, on entend aussi parler, depuis le début, de tentatives de déstabilisation de la Moldavie. Elles semblent malheureusement se concrétiser depuis deux semaines, les autorités de la Transnistrie ayant demandé à recevoir des « mesures de protection » de la Russie.

Par ailleurs, des bureaux de vote pour l’élection présidentielle russe y ont été ouverts cette semaine, au-delà des limites fixées par les autorités moldaves.

En 2022, les États membres de l’Union européenne ont accordé à la Moldavie le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Au-delà de la perspective de long terme, c’est pour nos partenaires moldaves un moyen en soi de moderniser leurs institutions.

Avant de conclure, je tiens à saluer le travail du rapporteur Michel Canévet et l’engagement fort et constant d’Olivier Cadic sur ces sujets.

Pour conclure, vous l’aurez compris, les membres du groupe du RDSE voteront bien sûr le projet de loi autorisant l’approbation de cette convention fiscale, qui permet d’envoyer un signal fort à la Moldavie, emmenée par sa présidente, Maia Sandu, ce pays aspirant à épouser les valeurs de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.  M. Rémi Féraud applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (M. le rapporteur applaudit.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, attendez-vous à ce que je sois très original, alors que j’interviens en dernier ! (Sourires.)

Face à la complexité croissante de notre monde globalisé, l’harmonisation fiscale internationale est impérative pour assurer l’équité et la compétitivité de nos citoyens et de nos entreprises. La convention avec la République de Moldavie que nous envisageons d’autoriser répond à cette nécessité.

Elle le fait en établissant notamment un cadre bilatéral pour éliminer les doubles impositions, lesquelles représentent un frein significatif au développement économique, décourageant l’investissement et la mobilité internationale.

L’approbation de cette convention simplifiera ainsi les transactions transfrontalières et aidera nos entreprises à se lancer sur de nouveaux marchés, grâce à une clarté fiscale accrue, qui assurera à nos concitoyens et à nos entreprises l’absence d’une double imposition.

La mise en œuvre de cette convention permettra par ailleurs de prévenir les abus, l’évasion et la fraude fiscales, conformément aux standards internationaux les plus récents. Elle intégrera notamment les avancées du projet Beps et les derniers standards de l’OCDE en matière d’échanges de renseignements et de procédure amiable entre autorités compétentes.

Ces dispositifs sont particulièrement nécessaires alors que l’on constate une croissance de nos échanges commerciaux avec la Moldavie, qui sont passés de 115 millions d’euros en 2019 à plus de 150 millions d’euros en 2022. L’augmentation de 52 % de nos exportations au cours du premier semestre de 2022 démontre l’intensification des relations commerciales.

Cette dynamique positive, bien qu’elle soit encore modeste en valeur absolue, est révélatrice du potentiel du marché moldave pour les entreprises françaises et justifie de définir un cadre fiscal bilatéral.

L’importance de cette convention ne se limite pas toutefois à ce cadre fiscal. Elle représente aussi un élément clé pour la relation de confiance que nous entretenons avec la Moldavie et contribuera à renforcer son intégration européenne, alors même qu’elle est désormais candidate à l’adhésion à l’Union européenne.

Cette convention sera donc à la fois l’occasion de consolider nos relations économiques, mais aussi de renforcer nos liens culturels, voire politiques.

En conclusion, le groupe RDPI votera en faveur de la ratification de cette convention, qui permettra, nous le pensons, une plus grande justice fiscale, stimulera le développement de nos relations économiques et participera à l’intégration de la Moldavie dans l’espace européen.

À défaut d’être original, j’ai été bref ! (Sourires et applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je serai très bref, pour permettre à M. le rapporteur de prendre son train pour le Finistère ! Je le remercie de son excellent travail. De même, je remercie Véronique Guillotin et Olivier Cadic du leur, sur ce sujet si important.

J’indique à Ghislaine Senée et à Rémi Féraud que la Cour des comptes n’est pas le juge des études d’impact. Le Conseil d’État, en revanche, peut repousser un texte s’il juge que son étude d’impact est insuffisante.

Pour ma part, je trouve que celle qui est adjointe à ce projet de loi n’est pas si mal, même s’il est toujours possible de faire mieux.

Par ailleurs, je salue le travail effectué par les commissions du Sénat, qui permet, comme l’a rappelé Marc Laménie, à celles et ceux qui ne connaissent pas très bien le détail d’un texte de s’en approprier les grands enjeux et de connaître rapidement l’essentiel sur les sujets abordés par votre assemblée.

Enfin, je me joins à Pierre Jean Rochette et à Véronique Guillotin pour exprimer le soutien du Gouvernement à la Moldavie, qui est soumise à de très fortes pressions et subit d’incessantes manœuvres de déstabilisation. Nous entendons bien la soutenir dans le chemin exigeant vers l’adhésion à l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de moldavie pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales, signée à Chisinau le 15 juin 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-deux.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
 

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Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé
Discussion générale (suite)

Dispositions législatives relatives à la santé

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé (projet n° 140, texte de la commission n° 397, rapport n° 396).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé
Discussion générale (fin)

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen d’un texte d’apparence très technique, mais dont les effets seront très concrets. Son adoption est essentielle pour assurer la pérennité de plusieurs évolutions récentes de notre droit dans les collectivités du Pacifique.

En effet, le 19 avril dernier, le Gouvernement a étendu et adapté par ordonnance plusieurs mesures du code de la santé publique, déjà en vigueur dans l’Hexagone et les collectivités d’outre-mer, afin qu’elles puissent s’appliquer à nos concitoyens polynésiens, calédoniens, wallisiens et futuniens, en tenant compte, bien sûr, de l’organisation particulière de ces territoires.

Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l’article 74-1 de notre Constitution, qui prévoit une habilitation permanente d’extension des dispositions de droit commun existantes dans les domaines de compétences de l’État.

La contrepartie évidente de cette habilitation permanente est que les ordonnances prises sur ce fondement doivent nécessairement être ratifiées par le Parlement, ce qui justifie ma présence devant vous cet après-midi et la nécessité d’un projet de loi spécifique.

En effet, faute d’une ratification expresse des sénateurs et des députés dans un délai de dix-huit mois, l’ordonnance deviendrait caduque de plein droit. Concrètement, une absence de ratification entraînerait un retour à un droit antérieur pour nos concitoyens du Pacifique sur les thématiques visées par l’ordonnance. Cette régression concernerait des sujets d’importance.

Le premier objet de cette ordonnance était en effet de rattraper un certain retard en matière d’applicabilité des lois de bioéthique et d’intégrer des dispositions adoptées depuis 2012.

L’ordonnance d’avril 2023 a ainsi rendu applicables dans les trois collectivités françaises du Pacifique les récentes dispositions du code de la santé publique relatives aux recherches impliquant la personne humaine, qui permettent de préciser les conditions dans lesquelles ces recherches peuvent être menées et de garantir la sécurité et la bonne information du participant. Sont notamment visées les dispositions relatives aux comités de protection des personnes.

Ensuite, l’ordonnance étend et adapte aux trois territoires français du Pacifique certaines dispositions de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement. Il s’agit en particulier de l’allongement des délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) de douze à quatorze semaines et de la suppression du délai minimal de réflexion à l’issue d’un entretien psychosocial, et ce alors que vous avez adopté, dans cet hémicycle, puis au Congrès il y a dix jours, l’inscription dans notre loi fondamentale de la liberté de recourir à l’IVG.

L’unification des règles de recours en la matière vient améliorer et sécuriser l’effectivité du droit des femmes à pleinement disposer de leur corps dans tous les territoires de la République.

L’ordonnance a également étendu certaines dispositions de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist 1, qui prévoit l’extension des compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles pour Wallis-et-Futuna, ainsi que des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé relatives à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures.

Là encore, il s’agit de sécuriser des mesures législatives importantes pour l’accès à la santé et à la prévention, afin qu’elles bénéficient à l’ensemble de nos concitoyens.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que les objectifs du texte qui vous est soumis ce soir, après son examen attentif par la commission des affaires sociales – je remercie d’ailleurs la rapporteure Marie-Do Aeschlimann pour le travail qu’elle a effectué –, trouveront un écho favorable au sein de votre assemblée.

Il s’agit, je le répète, d’assurer la pérennité de mesures utiles et importantes concernant les recherches impliquant la personne humaine ou les délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse. C’est pourquoi je vous invite à voter ce texte afin que cela soit chose faite. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à ratifier l’ordonnance du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.

Le premier objet de ce texte était de rendre applicables certains volets des récentes lois de bioéthique en matière de recherche, notamment les dispositions se rapportant aux recherches impliquant la personne humaine (RIPH), afin de préciser les conditions dans lesquelles elles peuvent être menées et de garantir la sécurité et la bonne information du participant.

Cela représente parfois une mise à jour de plus de dix ans et permet une adaptation de références aux règlements européens applicables.

Cette même ordonnance a également étendu et adapté au territoire des îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française les dispositions relatives à l’allongement des délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse et à la suppression du délai minimum de réflexion.

D’autres extensions et adaptations concernent certains territoires seulement.

Je pense aux compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles, pour les îles Wallis et Futuna, ou à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures, pour la Polynésie française.

L’ordonnance qu’il nous est aujourd’hui proposé de ratifier a été prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, lequel permet au Gouvernement, dans les collectivités relevant de l’article 74 ou encore en Nouvelle-Calédonie, d’étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur dans l’Hexagone.

Cette extension du droit commun ne peut intervenir que dans les seules matières qui demeurent de la compétence de l’État, après consultation des assemblées des collectivités. Contrepartie de cette habilitation permanente donnée au Gouvernement, une ordonnance prise sur ce fondement doit nécessairement être ratifiée par le Parlement dans un délai de dix-huit mois.

Si la ratification d’une ordonnance apparaît un exercice particulièrement encadré, voire contraint, j’ai pu rappeler en commission la portée politique et, surtout, juridique de ce texte.

La première question posée par ce texte est celle du respect du partage des compétences.

Il faut d’abord admettre que l’intitulé de l’ordonnance du 19 avril 2023 est trompeur, car, si les « diverses dispositions relatives à la santé » de cette ordonnance figurent au sein du code de la santé publique, elles font en réalité intervenir des compétences qui ne relèvent pas de la santé.

Surtout, la compétence santé relève du pays en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, l’État ne demeurant compétent en la matière qu’à Wallis-et-Futuna.

Aussi l’examen de ce texte fait-il apparaître que les dispositions de bioéthique en matière de recherches impliquant la personne humaine ressortissent de la compétence recherche, assumée par l’État, et que celles qui sont relatives au délai de recours à l’IVG, considérant les avis du Conseil d’État et les décisions du Conseil constitutionnel, relèvent de la garantie des libertés publiques et, donc, de la compétence de l’État.

Aucun empiétement de l’État sur une compétence dévolue n’a été soulevé par les territoires.

La deuxième question que nous devons traiter est celle de la pertinence des dispositions au regard des réalités locales.

Les auditions de la commission ont été particulièrement instructives, alors que ni l’ordonnance ni son projet de loi de ratification ne font l’objet d’une étude d’impact fournie par le Gouvernement. Je regrette par ailleurs que seul l’avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie ait été reçu par le Gouvernement.

Je me dois également de relayer les regrets des territoires quant aux modalités de leur saisine sur des projets d’ordonnances parfois très techniques – vous l’avez dit, madame la ministre – ou sur des matières particulièrement sensibles.

En Polynésie française comme en Nouvelle-Calédonie, l’actualisation du droit en matière de recherche impliquant la personne humaine était une demande forte, et l’ordonnance vient parachever un travail mené avec les services des collectivités. Il s’agit de permettre l’intégration de patients de ces territoires à des recherches cliniques, alors que certaines pathologies peuvent se présenter de manière différente ou chez des profils de populations distincts de ceux de l’Hexagone.

Pour Wallis-et-Futuna, l’extension de ces mêmes dispositions a été faite à la demande de l’agence de santé, afin de permettre une intégration théorique de patients, la réalité de l’offre de soins ne permettant pas en vérité de l’envisager.

En revanche, l’allongement du délai de recours à l’IVG n’a, lui, été sollicité par aucun des trois territoires. L’ensemble des représentants des collectivités ont d’ailleurs souligné la sensibilité particulière du sujet, dans des territoires où la société est bien plus religieuse que dans l’Hexagone.

La difficulté d’accès, invoquée en 2022 pour allonger le délai de recours à l’IVG, me semble, pour ces raisons, encore plus discutable, au vu des spécificités et des particularités de ces territoires français du Pacifique.

Cette situation caractérise une adaptation très inaboutie du droit, qu’il me paraît indispensable de souligner.

En vérité, le Gouvernement a étendu le délai de recours à quatorze semaines au nom de la compétence de l’État en matière de garantie des libertés publiques, sans se soucier de son application effective, et ce alors que l’organisation des soins et les compétences des professionnels de santé relèvent du pays en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, comme la prise en charge par l’assurance maladie.

Des questions concrètes demeurent également sans réponse, qu’il s’agisse de la formation des sages-femmes à l’IVG instrumentale, de la disponibilité et de la responsabilité des professionnels de santé pour un acte qui n’est pas sans risque, ou encore de l’accès aux centres pratiquant les IVG dans ces territoires. Pour dire les choses clairement, le Gouvernement s’est donné bonne conscience, sans se préoccuper de l’accessibilité à ce droit.

La dernière question posée est naturellement celle de l’adoption ou non du présent projet de loi. Elle appelle une réponse plus délicate que je ne l’anticipais lorsque j’ai commencé à instruire ce texte.

Délicate sur la forme, car une ratification d’ordonnance n’offre que peu de marges de modifications. En effet, qu’il s’agisse des dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine ou de l’allongement du délai de recours à l’IVG, l’ordonnance du 19 avril 2023 qu’il nous est demandé de ratifier a déjà changé le droit au moment de sa publication.

Cette réponse est également délicate sur le fond. Comme je l’ai rappelé en commission, je n’étais pas sénatrice lors de l’examen de la dernière loi de bioéthique, et pas davantage lors de l’examen de mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement.

Je constate que les dispositions relatives aux recherches sur la personne humaine qui sont ici étendues ont parfois été adoptées dans les mêmes termes par le Sénat et l’Assemblée nationale, ou sans désaccord insurmontable au cours de la navette.

Je ne peux pas en dire autant de la loi du 2 mars 2022, que le Sénat a rejetée par trois fois. La majorité sénatoriale – permettez-moi de le rappeler – avait alors exprimé une position claire, systématiquement sanctionnée par l’adoption de motions tendant à opposer la question préalable.

Ces motions rappelaient le faible taux – moins de 5 % – d’IVG réalisées en 2017 dans les deux dernières semaines du délai légal, alors fixé à douze semaines. Elles soulignaient aussi que les professionnels de santé eux-mêmes considéraient cet acte comme d’autant moins anodin qu’il est pratiqué tardivement. Ces arguments conservent selon moi leur pleine pertinence et j’y adhère à titre personnel.

On ne peut pas traiter ce sujet avec légèreté quand on sait que la période des douze à quatorze semaines correspond au passage de l’embryon au stade de fœtus. Aussi, je considère, en l’absence de toute évaluation du besoin et de la capacité des collectivités à la mettre en œuvre, que cette extension par ordonnance n’était pas vraiment opportune.

C’est pourquoi, à défaut d’une validation politique, notre commission des affaires sociales a fait le choix d’une validation juridique. Sous les réserves concrètes que j’ai pu exposer, elle a décidé de prendre acte de l’évolution du droit, ouvrant ainsi la voie à la ratification de l’ordonnance.

Je formulerai enfin deux regrets, madame la ministre. Le premier concerne les modalités d’extension, qui ne satisfont pas pleinement aux principes de sécurité juridique et d’accessibilité du droit.

Le second tient aux lacunes de ce texte. L’ordonnance que le Gouvernement nous demande de ratifier a été publiée en avril 2023, soit voilà près d’un an.

Certaines demandes de modification, jugées tout à fait recevables par les services des ministères de la santé et des outre-mer, ont été transmises depuis plusieurs semaines par la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

Or, alors même que j’avais sollicité l’expertise de ces propositions par le ministère et appelé à leur intégration au stade de la discussion au Sénat, aucun amendement n’est prêt à être discuté en vue de compléter ou de corriger l’ordonnance.

Ces modifications interviendront sans doute lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, obligeant à une deuxième lecture au Sénat : que de temps perdu !

Je terminerai sur une note plus générale concernant les outre-mer.

Ces territoires sont confrontés à des enjeux très concrets d’accès aux soins, alors que la multi-insularité est un sujet de complexité majeur. Nos compatriotes du Pacifique font parfois face à des difficultés insoupçonnées lors de déplacements dans l’Hexagone.

Que la compétence concernée relève de l’État ou soit dévolue au « pays », les indicateurs de santé publique sont souvent préoccupants et les pathologies particulières méritent des travaux parlementaires plus poussés ! C’est là un enjeu de santé publique comme d’égalité des citoyens de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)

Mme Micheline Jacques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, par ce texte, vous nous proposez, madame la ministre, de ratifier l’ordonnance du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail de Mme la rapporteure Marie-Do Aeschlimann.

Parmi les dispositions qu’il nous est proposé d’adapter à ces trois territoires ultramarins, certaines permettront de rattraper un retard accumulé depuis plus de dix ans. Ce constat illustre l’urgence de replacer nos outre-mer au cœur des dispositifs de santé.

Les mesures relatives à la RIPH ont été largement demandées par la Polynésie ainsi que par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Elles permettront notamment aux populations ultramarines des trois territoires concernés – c’est déjà le cas pour le reste de nos compatriotes – d’avoir accès à des traitements innovants, notamment en participant à des essais thérapeutiques.

En l’état actuel du droit, la Polynésie ne peut pas contribuer à ces RIPH, tandis que les capacités de la Nouvelle-Calédonie sont limitées.

Qu’il s’agisse de traitements contre le cancer pour des patients en échec thérapeutique ou de recherches spécifiques sur des pathologies régionales telles que les arboviroses, la leptospirose ou le rhumatisme articulaire aigu, l’alignement sur le droit en vigueur est plus que bienvenu.

J’insiste néanmoins sur un point, qui a été relevé dans les travaux de la commission : l’élargissement de ces dispositions sera inopérant à Wallis-et-Futuna, du fait d’une offre de soins insuffisante dans ce territoire. Nous ne pouvons que le regretter.

Sur la question de l’interruption volontaire de grossesse, l’ordonnance étend les dispositions de la loi du 2 mars 2022, qui a notamment conduit à l’allongement du délai de douze à quatorze semaines de grossesse pour recourir à une IVG.

Si les dispositions relatives à la recherche étaient une demande clairement formulée par les trois territoires ultramarins dont il est question, je note que cela n’a pas été le cas sur ce point et qu’aucune remontée particulière des professionnels de santé n’y a été signalée. Je rappelle également que le Sénat s’était opposé à plusieurs reprises à cette mesure.

Néanmoins, au regard des avis favorables formulés par les assemblées locales et considérant l’hypothèse non souhaitable de l’existence d’un droit différent pour ces trois territoires, la majorité du groupe Les Républicains ne s’opposera pas à cette extension.

Cela ne doit pas en revanche nous détourner d’un objectif particulièrement difficile à atteindre : rendre l’accès à l’IVG effectif dans ces territoires.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 5 % seulement des interruptions volontaires de grossesse avaient lieu dans les deux dernières semaines en 2017, alors même que le délai n’était à l’époque que de douze semaines.

Le véritable enjeu pour les territoires ultramarins, dont les professionnels auditionnés ont souligné les difficultés propres, est donc de permettre l’accès à l’IVG à toutes les femmes dans les délais impartis, ce qui est loin d’être toujours le cas. Le fossé entre le droit et son application effective sur cette question sensible doit être une priorité.

Enfin, tout comme la commission, je regrette que la transmission des avis par les assemblées locales n’ait pu avoir lieu dans de bonnes conditions. Seul l’avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie a pu être reçu dans les délais impartis et les collectivités ont insisté sur ces contraintes de temps, incompatibles avec la remise d’un avis approfondi et étayé.

Associer convenablement nos territoires ultramarins aux décisions qui les concernent implique de leur en donner les moyens.

Cela impose également que la rédaction des ordonnances respecte minutieusement les principes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, auxquels certaines formulations dérogent, notamment au regard de l’application de la technique du « compteur Lifou » dans le cas de la Nouvelle-Calédonie.

Pour conclure, la majorité du groupe Les Républicains votera en faveur de ce projet de loi. Dans sa globalité, ce dernier permettra aux trois territoires ultramarins concernés de rattraper le retard en matière de recherche et de santé, ce que nous ne pouvons que saluer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’intervention de Mme la rapporteure Marie-Do Aeschlimann. Grâce à un véritable travail de pédagogie, elle a su rendre plus claire une procédure plutôt obscure au premier abord.

L’ordonnance qu’il nous est demandé de ratifier concerne des dispositions relatives à la santé, même si elle touche en réalité les compétences de la recherche et des libertés publiques.

D’apparence, l’article unique de ce projet de loi laisse penser à un texte mineur. Pourtant, c’est bien de sujets majeurs que traite l’ordonnance.

Plusieurs de ses dispositions concernent notamment la bioéthique ; elles précisent le cadre et les conditions permettant de mener des recherches impliquant la personne humaine.

Il est tout simplement juste et évident que tous les Français doivent avoir le droit d’accéder également comme patients à des essais thérapeutiques. Toutefois, je ne peux m’empêcher d’espérer que les possibilités de participer à de tels essais seront réelles pour les habitants de Wallis-et-Futuna, compte tenu de l’offre de soins locale.

L’ordonnance étend aussi les dispositions relatives à l’IVG issues de la loi du 2 mars 2022. Enfin, elle étend à Wallis-et-Futuna uniquement les compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles (IST).

Cette loi représente désormais le droit en vigueur pour les Français de l’Hexagone ; il serait inacceptable que tous les Français ne disposent pas des mêmes libertés en matière d’IVG.

Par ailleurs, par la ratification de cette ordonnance, notre rôle n’est autre que d’entériner des dispositions qui constituent techniquement déjà le droit en vigueur dans ces trois territoires depuis la publication de l’ordonnance en avril 2023.

Notre groupe Les Indépendants votera en faveur de ce projet de loi. Il insiste surtout sur la nécessité de renforcer l’accès effectif aux soins dans ces territoires, dont la situation sanitaire est parfois particulièrement préoccupante. (M. Marc Laménie applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui. (Mme Micheline Jacques applaudit.)

Mme Lana Tetuanui. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, avant tout, de saluer l’excellent travail de notre rapporteure, tout en émettant quelques réserves sur la forme.

Il est regrettable, madame la ministre, que les délais ne soient pas respectés et que l’on ne tienne pas compte des avis qui sont donnés. C’est d’autant plus regrettable sur des sujets aussi complexes, qui touchent parfois à la culture et aux us et coutumes de nos collectivités.

J’espère que nous cesserons, à l’avenir, de travailler dans de telles conditions et je le dis avec force : l’impression est celle d’un travail bâclé.

Je referme la parenthèse.

L’article unique du projet de loi que nous examinons a pour objet de ratifier l’ordonnance du 19 avril 2023 visant à rendre applicables aux îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, dans leur version applicable en métropole, les dispositions se rapportant aux recherches impliquant la personne humaine soumises au livre Ier du titre II du code de la santé publique.

Cette ordonnance permet d’étendre l’application des règlements européens portant sur les essais cliniques de médicaments, les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, dans le respect de leur statut européen de pays et territoires d’outre-mer.

Cette ordonnance a aussi vocation à apporter plus particulièrement des avancées à Wallis-et-Futuna, à commencer par les dispositions visant renforcer le droit à l’avortement.

Les femmes de Wallis-et-Futuna bénéficieront désormais d’un allongement des délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse à quatorze semaines. Elles ne devront plus respecter un délai minimum de réflexion.

Par ailleurs, les sages-femmes pourront réaliser des IVG par voie instrumentale en établissement de santé. Les sages-femmes de Wallis-et-Futuna se voient accorder enfin une extension de leurs compétences en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement la Polynésie française, cette ordonnance apporte, outre les mêmes avancées relatives à l’IVG, une meilleure protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures ou encore de nouvelles garanties en matière de données des patients.

À titre personnel, je me suis toujours opposée – j’assume mon vote – à l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution.

En ce qui concerne ma collectivité, il convient de rappeler que si la compétence du droit des personnes relève de l’État, la compétence en matière de santé appartient à la Polynésie.

J’approuve ces avancées pour la protection et la liberté des femmes, mais encore faut-il que les moyens suivent. Or on connaît parfaitement les difficultés que rencontrent nos structures médicales en Polynésie, comme en métropole d’ailleurs.

Décider c’est bien, mais prévoir les moyens adaptés, c’est capital si l’on veut parler sincèrement d’avancées. Visualisez sur une carte la géographie de ma collectivité et imaginez les délais qui s’imposent pour une intervention médicale lorsque l’atoll est dépourvu de structures et de médecin !

Enfin, cette ordonnance étend également à la Nouvelle-Calédonie les dispositions visant à renforcer le droit à l’avortement par l’allongement des délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse et la suppression du délai minimum de réflexion.

En conclusion, le fait de parachever le droit existant en ratifiant cette ordonnance est une bonne chose pour les collectivités d’outre-mer du Pacifique, mais les moyens devront suivre.

En dépit de la parenthèse que votre honorable sénatrice a ouverte au début de son intervention, le groupe Union Centriste votera ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les écologistes voteront ce projet de loi de ratification.

L’extension relative aux recherches humaines était fortement attendue et demandée, notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. En transposant la loi dans ces collectivités d’outre-mer, on garantit que leurs habitants bénéficient des mêmes droits que ceux de l’Hexagone, et que des recherches spécifiques sur des pathologies régionales puissent être effectuées.

L’extension dans les trois collectivités de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement est également une bonne nouvelle. En allongeant les délais pour recourir à l’IVG dans ces collectivités d’outre-mer, on facilite l’accès des femmes de ces territoires à des centres de santé dédiés pour réaliser des IVG dans les meilleures conditions sanitaires possible.

Les obstacles auxquels ces dernières peuvent être confrontées pour obtenir une IVG dans des délais stricts seront ainsi réduits, comme dans l’Hexagone.

C’est d’autant plus important si l’on tient compte de la dimension insulaire de ces collectivités et des difficultés d’accès à certains services de santé.

En résumé, l’avancée qu’apporte cette ordonnance contribue tout simplement à protéger la santé et à promouvoir les droits des femmes dans ces territoires.

Cependant, que dire de la forme ? Continuerons-nous à prendre des ordonnances tous les dix ans afin de transposer les lois votées au Parlement sur tel ou tel sujet, comme ici sur la santé ?

Est-il normal que ces collectivités d’outre-mer aient dû attendre pratiquement douze ans avant de bénéficier des mêmes avancées que dans l’Hexagone en matière de recherches impliquant la personne humaine ?

Jusqu’à récemment, en effet, ces territoires ne pouvaient pas intégrer de patients au sein d’essais thérapeutiques, et donc accéder à des traitements innovants. Peut-on évaluer la perte de chance pour les patients polynésiens ou néo-calédoniens atteints d’un cancer et en échec thérapeutique sur l’une de ces îles du Pacifique ? La question mérite d’être posée de manière solennelle.

Y a-t-il en République des citoyennes et des citoyens de seconde zone ? Si vous en doutiez, il s’agit bien d’une question rhétorique, car nous connaissons tous et toutes la réponse.

L’extension à l’outre-mer des textes votés au Parlement portant sur les compétences de l’État est bien trop lente. Sommes-nous dans une République indivisible ou dans une République à deux vitesses ? Les citoyens et les citoyennes doivent pouvoir disposer des mêmes droits sur l’ensemble du territoire, surtout lorsqu’il s’agit du mieux-disant, dans le respect de l’autonomie des collectivités.

Nous devons promouvoir l’égalité de la loi tout en garantissant le respect des spécificités et des aspirations des collectivités d’outre-mer. Il faut créer un juste équilibre entre l’universalité des nouveaux droits et la reconnaissance de la diversité des contextes locaux et des règles d’autonomie.

Les collectivités d’outre-mer ne doivent pas être les oubliées de chaque nouvelle législation. Elles doivent être associées dans une approche plus collaborative aux discussions, en amont de chaque loi votée au Parlement.

La consultation bâclée par le Gouvernement témoigne une fois encore du mépris de la République pour les territoires français ultramarins.

La consultation locale pour avis, d’abord, joue un rôle trop modeste. Ensuite, les représentants des collectivités concernées par cette ordonnance ont tous déploré les conditions de leur saisine. Ils n’ont pas pu formuler un avis approfondi ni effectuer une analyse juridique détaillée sur les différentes transpositions. Mais encore, un seul avis a été reçu par le Gouvernement, celui de la Nouvelle-Calédonie.

Bien que l’Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna ait formulé et transmis un avis, ce dernier n’a jamais été reçu par le Gouvernement. Est-ce normal ? Pouvons-nous tolérer ce manque de considération pour un territoire de la République ?

Afin de s’assurer que ces nouveaux droits deviennent effectifs dans les trois collectivités concernées par cette ordonnance, l’État doit, dans le respect de ses compétences, améliorer son soutien aux politiques de santé locales et investir dans des infrastructures de santé, en lien étroit avec les autorités locales. Il devra s’assurer que l’offre de soins y est suffisante et adaptée, notamment en matière de recours à l’IVG.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement propose la ratification d’une ordonnance publiée le 19 avril 2023, qui prévoyait d’étendre des dispositions relatives à la santé aux territoires dits ultramarins du Pacifique.

Je tiens d’abord, comme mes collègues, à critiquer l’usage des ordonnances. Elles constituent un détournement des prérogatives du Parlement et ne permettent pas d’associer les syndicats, les associations, les élus et les parlementaires aux décisions.

Alors que nous avons célébré la semaine dernière l’inscription de l’avortement dans la Constitution, ce projet de loi rappelle que les femmes kanakes, les Polynésiennes, les Wallisiennes et les Futuniennes ont dû attendre plusieurs années pour bénéficier des mêmes droits que les autres femmes françaises : huit ans pour la prescription d’une contraception d’urgence aux mineures avec la suppression de la notion de détresse ; trois ans pour l’extension du délai de recours à l’IVG ; trois ans pour la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG ; douze ans pour la recherche médicale et les essais cliniques.

Le fait que le Gouvernement ait mis autant de temps pour allonger les délais pour avorter – en les portant de quatorze à seize semaines d’aménorrhée – ou pour donner aux sages-femmes la possibilité de traiter les infections sexuellement transmissibles en dit long sur le mépris qu’il porte aux territoires de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et de la Polynésie française.

La République doit garantir les mêmes droits aux citoyennes sur l’ensemble de son territoire, y compris lorsqu’il s’agit de la suppression du délai minimum de réflexion pour avorter ou de l’application du secret de la prescription de la contraception aux mineures. Les territoires d’outre-mer ne sont pas des territoires de seconde zone.

Madame la rapporteure, selon vous les femmes auraient moins recours à l’IVG dans nos territoires en raison de la prévalence de la religion. La religion n’est malheureusement pas un contraceptif : les femmes doivent se cacher davantage pour y avorter.

Je voudrais par ailleurs relayer les critiques formulées par mon collègue kanak Robert Wienie Xowie sur le manque de lisibilité, d’intelligibilité et d’accessibilité de l’ordonnance du 19 avril 2023.

En effet, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a rendu un avis favorable sur le texte et en a critiqué les risques en matière de sécurité juridique.

Le non-respect des compteurs Lifou, qui permettent de transcrire les articles dans leur version applicable dans chaque territoire kanak, a conduit la commission permanente à émettre des réserves quant à cette technique d’extension. En effet, celle-ci ne permet pas d’identifier clairement les dispositions qui ont vocation à s’appliquer en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, le Congrès a également alerté l’État sur les risques en matière de sécurité juridique que font peser les renvois aux dispositions européennes applicables sur le territoire national. Or les règlements européens ne sont pas directement applicables dans les pays et territoires d’outre-mer.

Le Gouvernement ne peut donc pas imposer une modification des règles pour les essais cliniques de médicaments ou pour les dispositifs médicaux en invoquant l’application unilatérale des règlements européens.

En conclusion, nous formulons de nombreuses critiques sur la procédure retenue par le Gouvernement, mais les avancées que contient ce projet de loi pour la santé des femmes et pour la santé de tous conduisent notre groupe à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour l’excellent travail de Mme la rapporteure.

Si la République française est indivisible, elle doit toutefois s’adapter à certaines particularités.

L’article 74-1 de la Constitution permet ainsi au Gouvernement d’étendre par ordonnance aux territoires ultramarins les dispositions de nature législative en vigueur en métropole.

Ces ordonnances doivent cependant être ratifiées dans les dix-huit mois sous peine d’être frappées de caducité. C’est sur ce fondement qu’a été prise l’ordonnance du 19 avril 2023.

Sur la forme, nous déplorons que seul l’avis du Congrès de la Nouvelle-Calédonie ait été reçu par le Gouvernement dans le délai imparti.

Cela a été rappelé : les conditions de saisine des collectivités ne sont pas satisfaisantes et ne permettent pas toujours de rendre un avis étayé sur le fond ni d’assurer une analyse juridique fine.

Sur des questions techniquement complexes, telles que la recherche impliquant la personne humaine, c’est regrettable.

L’un des objectifs de l’ordonnance du 19 avril 2023 était en effet de rattraper un important retard dans la transposition des lois de bioéthique en matière de recherche.

Elle a ainsi permis de préciser les conditions dans lesquelles ces recherches peuvent être menées et garantissent la sécurité et la bonne information des participants.

Elle a par ailleurs permis d’étendre l’application des règlements européens portant sur les essais cliniques de médicaments, les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

Ces adaptations étaient fortement attendues par les trois collectivités françaises du Pacifique.

L’ordonnance qu’il nous est proposé de ratifier vise également à étendre à la Polynésie française des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, relatives à la protection par le secret de la prescription de la contraception aux personnes mineures. Nous soutenons évidemment cette avancée.

Au cours des dix dernières années, environ mille IVG ont été pratiquées en Polynésie chaque année pour environ 4 000 naissances. Quelque 10 % d’entre elles concernent des mineures âgées de 16 à 18 ans. Réduire le risque de grossesse non planifiée est essentiel.

J’évoquerai pour finir le droit à l’avortement. L’ordonnance vise à rendre applicables plusieurs dispositions de la loi du 2 mars 2022, telles que l’allongement du délai de recours à quatorze semaines de grossesse et la suppression du délai minimum de réflexion à l’issue de l’entretien psychosocial.

Quelques jours après avoir fait entrer l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, nous nous réjouissons bien évidemment de la transcription de ces dispositions.

Si la liberté des femmes de recourir à l’IVG est désormais « irréversible », pour reprendre les mots du Président de la République, l’accès à ce droit conquis de haute lutte est toujours fragile.

Le recours à l’avortement reste inégal selon le profil ou le niveau social des femmes et selon le territoire. En Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna, il se confronte aux spécificités locales. N’oublions pas qu’il aura fallu attendre vingt-six ans pour que la loi Veil soit appliquée en Polynésie française.

Comme l’a souligné Mme la rapporteure, l’absence de ratification de l’ordonnance du 19 avril 2023 entraînerait un retour au droit antérieur. C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE apportera bien évidemment son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (M. Vincent Louault applaudit.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure – je salue à mon tour la qualité de votre travail –, mes chers collègues, puisque les précédents orateurs ont souligné les aspects négatifs de ce texte, je vais me concentrer sur ses aspects positifs. (Sourires.)

« Ni tout à fait le même ni tout à fait un autre » ; le droit de la France d’outre-mer est, je veux le croire, un droit d’avenir, en ce qu’il permet, tout en assurant une unité juridique, de reconnaître des spécificités à certains territoires et de donner corps à la notion de République plurielle. La République accorde aux citoyens des collectivités du Pacifique les divers régimes auxquels ils aspirent dans la liberté, l’égalité et la fraternité qui les lient tous ensemble.

Le texte que nous examinons aujourd’hui procède à la nécessaire ratification de l’ordonnance du 19 avril 2023 qui étend en les adaptant, conformément à l’article 74-1 de la Constitution, des dispositions législatives relatives à la santé à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna.

Il s’agit tout d’abord de mesures relatives à la recherche impliquant la personne humaine, afin de rattraper le retard pris dans l’application des lois bioéthiques depuis 2012 dans ces territoires.

Cette ordonnance permet également l’application de la loi sur l’allongement du délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse, passé de douze à quatorze semaines.

Enfin sont également visées d’autres dispositions, relatives aux compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles ou encore à la contraception des personnes mineures, issues de la loi Rist 1.

Vous l’aurez compris, ces différentes mesures étaient nécessaires pour assurer l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire français et permettre aux habitants de ces collectivités d’accéder à de nouveaux droits déjà assurés en métropole, comme l’allongement du délai de recours à l’IVG.

Je tiens néanmoins à le rappeler, si déclarer un droit est une chose, il faut néanmoins donner les moyens aux services compétents d’en assurer l’effectivité, car l’offre de soins n’est pas toujours suffisante dans les outre-mer, tant s’en faut ; c’est la touche négative de mon propos… (Sourires.) Nous resterons donc vigilants sur ce point.

Afin d’assurer une véritable sécurité juridique à ces dispositions, la Constitution prévoit que la ratification de cette ordonnance doit se faire dans les dix-huit mois suivant sa promulgation, sans quoi ces mesures deviennent caduques et l’on retourne au droit antérieur.

Voter cette ratification, c’est donc donner de la lisibilité et de la sécurité aux acteurs qui mettent en œuvre ces dispositifs au sein de ces territoires. Voter cette ratification, c’est aussi assurer l’effectivité des droits des personnes à tous les citoyens français. Voter cette ratification, c’est enfin tenir compte des spécificités de chacun de nos territoires.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI soutient ce texte et votera en faveur de la ratification de cette ordonnance.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.

Cette ordonnance rend applicables aux trois collectivités du Pacifique les dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine. Il y a en effet dans ces trois territoires des vides juridiques, apparus à la suite d’évolutions législatives adoptées en métropole et de l’apparition de nouvelles réglementations européennes depuis 2021. Cette ordonnance modifie donc le code de la santé publique afin d’étendre l’application des nouvelles dispositions relatives à la bioéthique et des règlements européens portant sur les essais cliniques de médicaments, les dispositifs médicaux et les méthodes de diagnostic in vitro.

L’ordonnance rend ensuite applicables à ces territoires les évolutions législatives récentes relatives aux droits des personnes malades, à la santé sexuelle, à l’interruption volontaire de grossesse et à différents produits pharmaceutiques.

Les modifications majeures portent sur l’extension aux îles Wallis et Futuna, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie des dispositions relatives à l’avortement issues de la loi du 2 mars 2022 : allongement du délai de recours à l’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse, suppression du délai minimal de réflexion de deux jours pour confirmer sa volonté d’avorter, possibilité de recourir à la téléconsultation pour l’avortement, autorisation accordée aux sages-femmes de réaliser des IVG par voie instrumentale dans les établissements de santé ou encore élargissement des compétences des sages-femmes en matière de dépistage et de traitement des infections sexuellement transmissibles chez les partenaires des femmes dans le but d’améliorer le système de santé en favorisant la confiance et la simplification des procédures.

Je me réjouis de la transcription de ces dispositions quelques jours après la constitutionnalisation du droit à l’IVG, mais je souhaiterais obtenir un peu plus d’informations, madame la ministre : disposez-vous d’éléments d’information sur l’accès effectif des femmes à l’IVG dans les collectivités citées ? Avez-vous connaissance d’éventuelles difficultés ? Par ailleurs, disposez-vous de données nous permettant de mesurer la qualité de la prise en charge des patients, en particulier de ceux qui souffrent d’une affection de longue durée, dans ces mêmes collectivités ?

Autre disposition positive contenue dans cette ordonnance du 19 avril 2023 : l’application à la Polynésie française de la possibilité offerte à un plus grand nombre de professionnels de santé de déroger à l’obligation de recueillir le consentement de l’autorité parentale quand des situations ou des actions de prévention, de dépistage ou de traitement sont nécessaires pour protéger la santé sexuelle et reproductive des mineurs. L’ordonnance introduit également la confidentialité de la prescription de contraception aux mineurs.

À ce sujet, madame la ministre, disposez-vous de données concernant les moyens alloués au planning familial non seulement en Polynésie française, mais aussi à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie ?

Le groupe SER votera pour ce texte de ratification, l’ordonnance concernée contenant des extensions et adaptations positives pour les trois territoires, mais nous tenons à exprimer notre inquiétude générale sur l’état de leur système de santé, inquiétude qui peut d’ailleurs être transposée à la métropole.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. Je tiens à remercier Mmes et MM. les sénateurs de leurs interventions.

Je veux rappeler qu’il y a eu, en amont de cette ordonnance, un travail associant les assemblées des différentes collectivités qui a conduit à un accord de principe.

Les demandes d’ajout ou de modification qui nous ont été transmises sont arrivées trop tardivement, mais, je vous rassure, nous pouvons mettre à profit la navette pour compléter le texte si nécessaire. Je vous engage à faire remonter vos souhaits si vous en avez.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la polynésie française, à la nouvelle-calédonie et aux îles wallis et futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé

Article unique

L’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé est ratifiée.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.

Je vous rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 156 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 335
Contre 2

Le Sénat a adopté.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé
 

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 mars 2024 :

À neuf heures trente :

Questions orales.

À quatorze heures trente :

Proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles, présentée par M. Philippe Mouiller et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 423, 2023-2024) ;

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics (texte de la commission n° 419, 2023-2024) ;

Proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises », présentée par M. Olivier Rietmann (texte de la commission n° 421, 2023-2024).

Le soir :

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 21 et 22 mars 2024.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER