Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

1. Procès-verbal

2. Hommage à l’amiral Philippe de Gaulle

3. Questions d’actualité au Gouvernement

projet de loi sur la fin de vie

M. Bernard Fialaire ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités.

situation des finances publiques (i)

M. Patrick Kanner ; M. Gabriel Attal, Premier ministre ; M. Patrick Kanner.

austérité annoncée en matière de formation professionnelle

Mme Silvana Silvani ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; Mme Silvana Silvani.

défense de la laïcité à l’école

M. Laurent Lafon ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Laurent Lafon.

rapport de la cour des comptes

M. Thomas Dossus ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Thomas Dossus.

statut de la corse

M. Francis Szpiner ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Francis Szpiner.

cyberattaques contre les services de l’état (i)

M. Ludovic Haye ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

cyberattaques contre les services de l’état (ii)

Mme Vanina Paoli-Gagin ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; Mme Vanina Paoli-Gagin.

situation des finances publiques (ii)

M. Jean-François Husson ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Jean-François Husson.

pénurie de médicaments

Mme Émilienne Poumirol ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Émilienne Poumirol.

simplification de la vie des entreprises

M. Olivier Rietmann ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Olivier Rietmann.

circulation des mégacamions en france

M. Olivier Henno ; M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; M. Olivier Henno.

négociations sur l’approvisionnement en électricité

Mme Martine Berthet ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; Mme Martine Berthet.

directive européenne sur les travailleurs ubérisés

M. Olivier Jacquin ; Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités ; M. Olivier Jacquin.

relance des investissements en matière hydroélectrique

M. Jean-Claude Anglars ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Jean-Claude Anglars.

couverture téléphonique des territoires

M. Bernard Pillefer ; Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation ; M. Bernard Pillefer.

Suspension et reprise de la séance

4. Dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes suivi d’un débat

M. le président

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

M. Michel Canévet

M. Thomas Dossus

M. Éric Bocquet

Mme Maryse Carrère

M. Didier Rambaud

Mme Isabelle Briquet

Mme Christine Lavarde

M. Aymeric Durox

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Stéphane Sautarel

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

Suspension et reprise de la séance

5. Accord de sécurité franco-ukrainien et situation en Ukraine. – Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. Gabriel Attal, Premier ministre

M. Bruno Retailleau

M. Rachid Temal

M. Philippe Folliot

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Claude Malhuret

Mme Cécile Cukierman

M. Guillaume Gontard

M. André Guiol

M. Christopher Szczurek

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées

M. Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Vote sur la déclaration du Gouvernement

Approbation, par scrutin public n° 155, de la déclaration du Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

6. Mises au point au sujet de votes

7. Engagement bénévole et vie associative. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

M. Yan Chantrel, rapporteur de la commission de la culture

Mme Mathilde Ollivier

M. Gérard Lahellec

Mme Annick Girardin

M. Martin Lévrier

Mme Colombe Brossel

Mme Anne Ventalon

Mme Laure Darcos

Mme Annick Billon

Mme Béatrice Gosselin

M. Claude Kern

M. Olivier Paccaud

Clôture de la discussion générale.

Article 1er – Adoption.

Après l’article 1er

Amendement n° 19 rectifié bis de M. Bernard Fialaire. – Rejet.

Amendement n° 18 rectifié bis de M. Bernard Fialaire. – Rejet.

Amendement n° 50 rectifié de M. François Bonneau. – Rejet.

Amendement n° 49 rectifié de M. François Bonneau. – Rejet.

Article 1er bis

Amendement n° 35 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er bis

Amendement n° 31 rectifié bis de M. Ahmed Laouedj. – Retrait.

Amendement n° 32 rectifié bis de M. Ahmed Laouedj. – Rejet.

Article 1er ter (supprimé)

Article 1er quater

Amendement n° 11 rectifié de Mme Anne Ventalon. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Amendement n° 12 rectifié de Mme Anne Ventalon. – Devenu sans objet.

Amendement n° 54 rectifié de M. Loïc Hervé. – Devenu sans objet.

Article 2 – Adoption.

Après l’article 2

Amendement n° 21 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.

Amendement n° 65 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 2 bis (nouveau)

Amendement n° 64 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 52 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Amendement n° 10 rectifié de M. Alain Duffourg. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3 bis

Amendement n° 56 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.

Amendement n° 13 rectifié de Mme Anne Ventalon. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4

Amendements identiques nos 5 rectifié ter de Mme Annick Jacquemet, 14 rectifié de Mme Anne Ventalon, 36 rectifié ter de Mme Annick Billon et 37 rectifié bis de Mme Martine Berthet. – Adoption des amendements nos 5 rectifié ter, 14 rectifié et 36 rectifié ter, l’amendement n° 37 rectifié bis n’étant pas soutenu.

Amendement n° 57 de Mme Mathilde Ollivier. – Devenu sans objet.

Après l’article 4

Amendement n° 7 rectifié bis de M. Patrick Kanner. – Rejet.

Amendement n° 9 rectifié quater de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Amendement n° 38 de M. Joshua Hochart. – Rejet.

Amendement n° 42 de M. Joshua Hochart. – Rejet.

Article 4 bis (supprimé)

Après l’article 4 bis

Amendement n° 33 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.

Amendement n° 53 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Article 5 (suppression maintenue)

Après l’article 5

Amendement n° 45 rectifié de M. François Bonneau. – Rejet.

Amendement n° 6 de Mme Colombe Brossel. – Rejet.

Article 6

Amendement n° 60 de Mme Mathilde Ollivier. – Adoption.

Amendement n° 59 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 6 bis – Adoption.

Après l’article 6 bis

Amendements nos 29 rectifié et 26 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Non soutenus.

Article 6 ter (nouveau) – Adoption.

Après l’article 6 ter

Amendement n° 48 rectifié de M. François Bonneau. – Rejet.

Amendement n° 30 rectifié bis de M. Ahmed Laouedj. – Rejet.

Article 7 – Adoption.

Après l’article 7

Amendement n° 63 de M. Aymeric Durox. – Rejet.

Article 7 bis

Amendement n° 51 de Mme Anne Ventalon. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Amendement n° 20 rectifié bis de Mme Annick Girardin. – Devenu sans objet.

Après l’article 7 bis

Amendement n° 2 rectifié de Mme Béatrice Gosselin. – Rejet.

Amendements identiques nos 1 rectifié de Mme Béatrice Gosselin et 27 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 3 rectifié bis de M. Christian Klinger. – Rejet.

Amendements nos 25 rectifié bis et 24 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Non soutenus.

Amendement n° 62 rectifié de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.

Article 7 ter

Amendement n° 15 rectifié de Mme Anne Ventalon. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Après l’article 7 ter

Amendement n° 22 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Non soutenu.

Article 7 quater

Amendement n° 16 rectifié de Mme Anne Ventalon. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Après l’article 7 quater

Amendement n° 28 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Non soutenu.

Article 8 (suppression maintenue)

Après l’article 8

Amendement n° 43 rectifié de Mme Céline Brulin. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l’ensemble

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin,

M. Philippe Tabarot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à l’amiral Philippe de Gaulle

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de l’amiral Philippe de Gaulle. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mme et MM. les ministres, se lèvent.)

Rendre hommage à l’amiral Philippe de Gaulle, c’est célébrer cette part d’histoire de France qu’il incarnait, cette part d’histoire durant laquelle il a été non seulement le fils, mais aussi le plus fidèle soutien de l’un des plus grands hommes d’État qu’ait connus notre pays.

Il fut un acteur de notre histoire au sein des Forces navales françaises libres et de la deuxième division blindée lors de la Libération, participant activement à la campagne de Lorraine, aux batailles des Vosges et d’Alsace, jusqu’à Berchtesgaden. C’est lui qui porta l’ordre de reddition aux Allemands retranchés à l’Assemblée nationale.

Son père lui dira après la guerre : « Tu es mon premier compagnon, mais je ne peux pas te décerner une décoration de l’ordre que j’ai créé. »

L’engagement de Philippe de Gaulle perdurera dans la marine nationale, où il poursuivra une brillante carrière jusqu’au grade d’amiral.

Le général de Gaulle écrit en 1954 : « Je suis content et fier de la réussite reconnue de mon cher fils, de mon vieux garçon, en qui j’ai mis toutes mes espérances. »

Le Sénat le compta parmi ses membres les plus éminents au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Sénateur de Paris de 1986 à 2004, il a siégé au sein du groupe du Rassemblement pour la République. J’eus l’honneur de le côtoyer sur les travées de cette assemblée, où chacune de ses interventions était toujours écoutée à la fois avec respect et une forme de tendresse.

Il m’écrivait très régulièrement, chaque année. En janvier 2022, à propos de l’ouvrage Le Sénat dans la République, que je lui avais fait porter, il m’écrivit : « Ce témoignage d’une grande et nécessaire institution de notre République me rend fier d’en avoir fait partie. »

Il fut enfin un auteur d’exception. De Gaulle, mon père fut un immense succès de librairie qui nous permit d’entrer dans l’intimité du plus illustre des Français.

Philippe de Gaulle disait : « J’aurais préféré prêter un peu de ma longévité à mon père. » Après 102 ans d’une vie d’une richesse infinie, l’amiral Philippe de Gaulle rejoint Charles et Yvonne de Gaulle, ses sœurs Anne et Élisabeth, ainsi que son épouse, qu’il a tant aimés.

Il marquera à jamais notre assemblée et notre histoire.

À ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, notamment ses collègues de l’Amicale gaulliste du Sénat, dont il était président d’honneur, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur tristesse et à leur chagrin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur la chaîne Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer l’une de nos valeurs essentielles : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

projet de loi sur la fin de vie

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le Premier ministre, dans votre discours de politique générale, le 30 janvier, vous annonciez l’examen, avant l’été, d’un projet de loi sur l’aide active à mourir, ainsi qu’un renforcement des unités de soins palliatifs.

Ce week-end, la presse a rapporté les propos du Président de la République sur la possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions.

Le groupe RDSE, au nom duquel je m’exprime, a toujours été à l’avant-garde de ce combat : de la proposition de loi relative au droit de vivre sa mort du sénateur Caillavet à la proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir de Jacques Mézard, les radicaux sont engagés pour le droit à mourir dans la liberté, consubstantiel aux valeurs de la République sur lesquelles nous veillons.

Nous défendons ainsi la liberté de choisir avec discernement plein et entier de mettre fin à des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires, de même que la liberté de conscience des soignants.

Nous défendons l’égalité d’accès à une aide à mourir, qui ne peut être réservée à ceux qui ont les moyens d’y recourir à l’étranger.

Nous défendons enfin la fraternité qu’apportent les soins d’accompagnement pour soulager les souffrances tout au long de la vie, de la naissance au trépas, ainsi qu’une diffusion de la culture palliative à tous les soignants, au-delà des seules unités de soins palliatifs.

Nous réclamons le droit à mourir depuis longtemps. Emmanuel Macron avait pris des engagements à cet égard pendant sa campagne. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis favorable. La Convention citoyenne sur la fin de vie s’est positionnée aux trois quarts pour une aide active à mourir. L’Académie de médecine s’est prononcée pour une assistance sous conditions.

Il avait été annoncé deux textes séparés. Monsieur le Premier ministre, y en aura-t-il un ou deux, et quand ? Tous les radicaux n’étant pas des lecteurs assidus de La Croix (Sourires.), pouvez-vous nous dire aujourd’hui quand nous pourrons nous prononcer sur ce texte, dans le respect de la liberté de conscience de chacun ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRC-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur Bernard Fialaire, vous venez de rappeler le contexte dans lequel le Président de la République a mis en œuvre l’engagement qu’il avait pris au cours de la campagne électorale de 2022.

Vous avez par ailleurs rappelé la réflexion importante menée par le Comité consultatif national d’éthique ; la réunion durant quatre mois de la Convention citoyenne sur la fin de vie, au cours de laquelle 185 personnes engagées ont travaillé ; le rapport Chauvin et ses quinze mesures pour garantir à tous des soins d’accompagnement de qualité dans notre pays ; enfin, l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, c’est-à-dire l’ensemble du contexte qui nous conduit vers un nouveau texte.

Pour répondre très concrètement à votre question, monsieur le sénateur, ce texte repose en effet sur deux piliers : le renforcement des soins palliatifs et l’aide à mourir.

L’aide à mourir sera accordée à cinq conditions. Les deux premières sont de nature administrative : être majeur et être français ou résider durablement en France. Les trois autres sont liées à l’état pathologique du patient : premièrement, il doit pouvoir faire preuve de discernement ; deuxièmement, être atteint d’une maladie grave et incurable ; troisièmement, endurer des souffrances réfractaires, physiques, psychologiques ou psychiatriques.

À l’heure où je vous parle, le texte est en phase d’ultime relecture avant d’être soumis au Conseil d’État. L’objectif est qu’il puisse ensuite être transmis en première lecture à l’Assemblée nationale à la fin du mois de mai.

M. Rachid Temal. Et au Sénat ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Le calendrier est à présent connu. Nous pourrons travailler sur ce texte extrêmement important et dialoguer, dans le respect bien évidemment des uns et des autres. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et au Sénat ?

situation des finances publiques (i)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, rien ne va plus, mais vous continuez à jouer l’avenir budgétaire de la France à la roulette.

Le bilan de votre majorité, après sept ans au pouvoir, c’est une explosion de la dette, une dégradation probable de la notation de la France, une privation de recettes délétère aux effets récessifs et un accroissement des inégalités.

En même temps, Emmanuel Macron entrera sans conteste dans nos livres d’histoire comme le président des très riches et du CAC 40, alors que les entreprises vont distribuer cette année 68 milliards d’euros de dividendes. Un record !

En même temps, des millions de Français ont vu le montant de leur facture énergétique augmenter et leur pouvoir d’achat rogné par l’inflation.

En même temps, les associations caritatives sont aujourd’hui débordées par le nombre de demandes.

Vous demandez aux gens de traverser la rue, mais vous ne créez que des impasses et votre politique de fracture sociale entraînera un jour ou l’autre une nouvelle crise majeure.

Or vous n’avez plus de majorité. Pour conduire cette politique contraire aux intérêts du pays, il vous aura fallu actionner vingt et une fois en moins de deux ans le 49.3 pour faire adopter les textes budgétaires.

L’année 2024 ne commence guère mieux, vos choix budgétaires étant déjà caducs. Malgré cela, aucun projet de loi de finances rectificative n’est annoncé dans les mois à venir. Et que dire du coup de rabot brutal de 10 milliards d’euros que vous décrétez ?

Nous, parlementaires, n’avons aucun élément d’information. Hier, nous avons appris dans le rapport de la Cour des comptes que cette dernière n’en avait pas plus !

Monsieur le Premier ministre, cette opacité est inacceptable. Votre trajectoire budgétaire n’a plus aucune crédibilité. Aussi, face à cette urgence, et conformément à l’article 34 de la Constitution, soumettrez-vous au Parlement, dans les meilleurs délais, un projet de loi de finances rectificative, ainsi qu’une nouvelle loi de programmation des finances publiques ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, des Français traversent des difficultés, c’est vrai, notamment au regard de leur pouvoir d’achat, vous l’avez dit.

S’il est un motif de fierté pour la majorité à laquelle j’ai la chance d’appartenir, pour le Président de la République et le Gouvernement, c’est bien d’être parvenus à inverser la courbe du chômage, ce que beaucoup avant nous s’étaient engagés à faire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Michel Savin sexclame.)

Deux millions d’emplois ont été créés depuis 2017. L’emploi industriel, qui a diminué pendant des décennies, revient enfin en France. Nous créons plus d’usines que nous n’en fermons. Cela n’était pas arrivé depuis des décennies.

Quant au taux de chômage, il est le plus faible depuis vingt-cinq ans,…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … celui des jeunes est au plus bas depuis quarante ans, et le taux d’emploi est au plus haut depuis qu’on le mesure. Et cela, nous le devons à une stratégie, à une ligne, à la politique économique portée depuis 2017, qui nous a permis de créer les conditions favorables à l’activité économique et à l’emploi dans notre pays.

Ce sont autant de familles qui ont pu retrouver un emploi et sortir progressivement de la précarité. C’est évidemment un motif de satisfaction.

Pour autant, tous les problèmes sont-ils réglés ? La réponse est, évidemment, non. Nous devons continuer d’agir pour atteindre le plein emploi, pour inciter toujours davantage à travailler. J’ai eu l’occasion, dans mon discours de politique générale, ici même, d’assumer la ligne qui est la mienne : continuer à réformer notre modèle social, pour qu’il soit plus efficace, moins coûteux et qu’il incite toujours davantage à l’emploi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Améliorer notre taux d’emploi et continuer à lutter contre le chômage, c’est bon pour les Français qui retrouvent un travail, mais aussi pour nos finances publiques – tel est l’objet de votre question, monsieur le président Kanner –, car si nous avions le taux d’emploi de nos voisins allemands, nous aurions beaucoup moins de difficultés à équilibrer notre budget chaque année.

Mme Audrey Linkenheld. Et leurs excédents commerciaux ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Mon gouvernement et moi-même allons poursuivre sur cette ligne afin de favoriser l’emploi dans notre pays.

L’Europe traverse des difficultés économiques et connaît un ralentissement de l’activité. La France est concernée, mais moins – et il faut nous en réjouir – que nos voisins italiens et allemands, mais elle l’est tout de même.

M. Olivier Paccaud. Nous sommes toujours les meilleurs…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous avons donc actualisé la prévision de croissance pour l’année 2024.

Dans un tel contexte, monsieur le président Kanner, quand les recettes diminuent, le bon sens veut que l’on prenne des décisions pour adapter les dépenses. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

C’est ce qu’a fait le Gouvernement, c’est ce qu’annoncé Bruno Le Maire, et l’ensemble des ministres l’assument. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-François Husson. On va en parler !

M. Yannick Jadot. Rétablissez l’impôt sur la fortune !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Ce qui est certain, c’est que la solution que vous proposez, dont nous avons eu l’occasion de débattre lors de l’examen des projets de loi de finances, et qui consiste à créer des taxes et des impôts supplémentaires ou à augmenter les impôts existants, n’est pas celle qu’a retenue le Gouvernement. Ce n’est pas notre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Vives protestations sur les travées du groupe SER.)

De telles mesures contribueraient à détruire de l’emploi dans notre pays et à aggraver les difficultés de nos finances publiques. Nous ne dévierons donc pas d’une stratégie qui consiste à tout faire – tout faire ! – pour faciliter le retour à l’emploi dans notre pays et à assumer des décisions rigoureuses, sérieuses, pour nos finances publiques. Les Français aujourd’hui ne veulent pas voir leurs impôts augmenter. Quant aux jeunes générations, elles ne veulent pas avoir à assumer le fardeau que nous leur laisserions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je l’ai bien compris : point de projet de loi de finances rectificative ! Votre politique budgétaire, qui est injuste, manque toujours de transparence.

Si vous voulez des recettes, on est capables d’en trouver : je pense à l’impôt de solidarité sur la fortune et à d’autres. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mais, et je vous le dis avec beaucoup de force, il ne nous est pas possible d’attendre le mois de juillet, comme cela a été annoncé lors d’une audition à l’Assemblée nationale, pour parler des finances de notre pays, du budget de la France et de l’intérêt des Français. Aussi, permettez-moi, monsieur le Premier ministre, de vous remettre officiellement une lettre dans laquelle nous vous demandons de programmer un débat, conformément à l’article 50-1 de la Constitution, pour parler des finances publiques de la France. (M. Patrick Kanner remet un pli à un huissier, que celui-ci remet à son tour à M. le Premier ministre.)

Les Français ont besoin de savoir comment vous voyez leur avenir, notre avenir, et les parlementaires dans ce pays ont le droit de le savoir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

austérité annoncée en matière de formation professionnelle

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Silvana Silvani. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

La semaine dernière, mon groupe a interrogé le Gouvernement sur les conséquences délétères des 10 milliards d’euros d’annulation de crédits sur le logement.

Aujourd’hui, je vous interpelle sur les conséquences des mesures d’austérité imposées à l’emploi et à la formation professionnelle.

Le taux de chômage remonte et devrait atteindre 8 % cette année. Près de 200 000 personnes supplémentaires seront privées d’emploi. Au lieu d’augmenter les moyens de France Travail pour accompagner les privés d’emploi, le Gouvernement annonce réduire les crédits de la mission « Travail et emploi » de 1,1 milliard d’euros, réduire la durée d’indemnisation des chômeurs et imposer une franchise de 100 euros sur chaque achat de formation professionnelle.

Je rappelle que les principaux bénéficiaires du compte personnel de formation sont les ouvriers et les employés. Ces 100 euros à la charge des salariés constituent non seulement une atteinte supplémentaire au droit à la formation, mais également un frein au départ en formation.

Ma question est donc la suivante : comment allez-vous accompagner plus de chômeurs avec moins de moyens et améliorer l’emploi avec une main-d’œuvre moins qualifiée ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Silvani, permettez-moi de revenir sur deux éléments que vous venez d’évoquer.

Vous avez évoqué la réduction des moyens de France Travail ; or ce n’est pas tout à fait ce que je vis. Lorsque M. le Premier ministre m’a demandé de rejoindre le Gouvernement il y a deux mois, l’un des premiers sujets sur lesquels j’ai travaillé a précisément été France Travail. Le Premier ministre et moi-même nous sommes rendus dans les Vosges il y a deux semaines pour étendre l’expérimentation en cours mené par France Travail plus rapidement que prévu. Alors que seuls dix-huit départements étaient concernés au départ, ils sont à présent quarante-sept.

En 2024, 320 équivalents temps plein supplémentaires seront mis à la disposition de France Travail pour apporter des réponses concrètes à nos concitoyens et ramener vers l’emploi ceux qui en sont les plus éloignés.

Vous le voyez, nous nous donnons les moyens d’accompagner celles et ceux qui en ont besoin.

Ensuite, permettez-moi de vous rappeler que la durée d’indemnisation des chômeurs fait actuellement l’objet de discussions, conformément à l’article L. 1 du code du travail. Pour l’instant, nous laissons les partenaires sociaux travailler. Ils doivent nous faire part des résultats de leurs discussions le 27 mars.

En fonction de ces résultats, mesdames, messieurs les sénateurs, soit nous transposerons ce qu’ils auront décidé, soit nous serons conduits à travailler sur le sujet s’ils ne sont pas parvenus à un accord.

Enfin, vous m’avez interrogée sur le compte personnel de formation, lequel, je le rappelle, a été mis en place par cette majorité. Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice : 80 % des utilisateurs sont des non-cadres, 30 % des demandeurs d’emploi. Mais il y a un chiffre que vous n’avez pas cité et que je me dois de vous communiquer, mesdames, messieurs les sénateurs : 11 % des personnes qui entament une formation l’abandonnent. C’est du temps et de l’argent perdu. La question se pose de savoir si une participation ne permettrait pas de les responsabiliser. Tel est le sens du ticket modérateur qui a été instauré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Rachid Temal. « Salauds de pauvres » !

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour la réplique.

Mme Silvana Silvani. Nous le savons, les politiques d’austérité frappent le plus fortement les plus faibles et les plus démunis. Vous imposez une franchise de 100 euros sur les formations, mais vous ne réduisez pas les plus de 80 milliards d’exonérations de cotisations patronales, qui, nous le savons bien aujourd’hui, n’ont pas l’effet escompté ni sur les salaires ni sur l’emploi. De même, vous ne taxez toujours pas les dividendes versés par les entreprises du CAC 40, lesquels se sont élevés à 100 milliards d’euros en 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

défense de la laïcité à l’école

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Lafon. Monsieur le Premier ministre, madame la ministre de l’éducation nationale, François-Noël Buffet, président de la commission des lois, et moi-même avons remis la semaine dernière notre rapport sur les menaces et les agressions dont sont victimes les enseignants, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty.

Le constat est alarmant. La remise en cause de la laïcité touche désormais les écoles élémentaires comme les collèges et les lycées. Elle concerne l’ensemble des territoires, urbains comme ruraux, et affecte un nombre grandissant de disciplines.

La laïcité, socle de notre école républicaine, est contestée dans ses fondements mêmes. À la laïcité émancipatrice de Jules Ferry, qui protège la liberté de conscience, est préférée une laïcité venue d’outre-Manche et d’outre-Atlantique, qui serait pour certains plus tolérante et permissive.

Face à cela, les enseignants sont souvent seuls à porter la flamme républicaine. Insuffisamment soutenus et formés, ils préfèrent se protéger et se réfugier dans l’autocensure et le « pas de vagues ». Cette situation est non pas le fruit du hasard, mais le résultat de décisions prises au fil du temps, dont on mesure les conséquences aujourd’hui.

Cette situation appelle de notre part un sursaut républicain. Tel est le sens des trente-huit recommandations que nous avons formulées et qui constituent un plan d’action complet.

Monsieur le Premier ministre, à Arras lundi, lors de la cérémonie d’hommage à Dominique Bernard, vous avez déclaré que la victoire de l’école sonnerait le glas de tous les obscurantismes, de l’obscurantisme islamique qui veut mettre à bas notre école.

Ma question est donc simple : quelles actions comptez-vous engager pour aider l’école à lutter contre l’obscurantisme ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.  M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jacques Grosperrin. Alors là, ce n’est pas gagné ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme la ministre de léducation nationale et de la jeunesse se tourne vers M. Jacques Grosperrin et le fixe du regard quelques instants, interloquée.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Lafon, la question que vous posez et qui fait suite, vous l’avez indiqué, au rapport que vous avez rédigé avec M. le président Buffet, est essentielle.

La laïcité fait partie de nos principes constitutionnels. Elle est inscrite dans la Constitution. Au-delà, la laïcité à l’école conduit à recréer l’unité de notre peuple. Il est pour nous tout à fait indispensable d’affranchir la sphère de l’école de toute emprise liée à une religion ou à une idéologie. C’est un point sur lequel nous serons intransigeants, toujours et en tout temps, je tiens à le redire ici. C’est une conviction que M. le Premier ministre a réaffirmée clairement à Arras il y a quarante-huit heures, mais c’est aussi une pratique dans l’ensemble de notre système scolaire.

Vous me demandez, monsieur le sénateur, quelles actions nous conduisons.

Nous avons rappelé à l’occasion du vingtième anniversaire de la loi du 15 mars 2004 que notre intransigeance s’agissant du port de signes religieux ostensibles est totale. J’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises ici, je le réaffirmerai lors d’un colloque vendredi à l’occasion du vingtième anniversaire de cette loi, la circulaire interdisant le port des abayas a contribué à faire baisser le nombre de faits liés au port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse.

Nous menons également des actions très importantes de formation de nos personnels. Plus de 500 000 personnels de l’éducation nationale, sur un million, ont été formés et nous allons continuer en ce sens. Aujourd’hui, les épreuves des concours nous permettent d’évaluer la manière dont les futurs conseillers principaux d’éducation ou les futurs enseignants sont en mesure de faire face à ce type de difficulté.

Enfin, je dois dire que nous constatons, et c’est inquiétant – j’en conviens avec vous –, une montée de la contestation des contenus mêmes des enseignements. Je veux dire ici que je serai toujours – toujours ! – aux côtés de nos enseignants qui transmettent des contenus scientifiques et liés aux valeurs de la République. C’est un point qui est non négociable et j’aurai l’occasion de le réaffirmer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP. – Mme Isabelle Florennes et M. François-Noël Buffet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.

M. Laurent Lafon. Madame la ministre, merci de votre réponse.

Personne ne conteste votre volonté d’accompagner les enseignants ou n’en doute. Vous nous avez parlé des actions que vous avez entreprises ces dernières années. Nous ne les contestons pas non plus. En revanche, nous constatons sur le terrain qu’elles ne sont pas suffisantes pour faire face au fléau.

M. Laurent Lafon. Nous souhaitons que vous poursuiviez ces actions et que vous les prolongiez par d’autres. Tel est le sens des trente-huit recommandations que nous avons formulées dans notre rapport, dont le spectre s’étend de la formation initiale jusqu’à la protection fonctionnelle. Ce sont des outils indispensables que les enseignants attendent. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse acquiesce.)

rapport de la cour des comptes

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, sommes-nous prêts à affronter l’avenir ? Sommes-nous prêts à vivre dans une France à +4 degrés ? Dans le rapport qu’elle a publié hier, la Cour des comptes dresse un double constat très sombre sur notre impréparation.

D’abord, nos finances publiques sont exsangues : il faut dire que vous les avez ratissées en consentant des cadeaux fiscaux aux grands groupes, aux plus riches, sans contreparties ni conditions.

Votre niveau d’impréparation est tel que, deux mois à peine après avoir fait voter le budget, vous mettez en œuvre par décret un premier choc austéritaire de 10 milliards d’euros. Les principales sources d’économies ? La recherche et l’écologie !

Pouviez-vous prendre des mesures plus déconnectées des besoins pour notre avenir ?

La Cour des comptes souligne pourtant longuement notre impréparation face aux chocs qui viennent. Et ils seront brutaux ! À +4 degrés, des zones entières de notre territoire risquent d’être difficilement habitables à certaines périodes de l’année. Nos réseaux électriques, de transport ou d’alimentation en eau seront extrêmement fragilisés.

Pour préparer demain, nous devons investir massivement aujourd’hui. Pourtant, c’est dans les crédits de la recherche que vous sabrez. Pourtant, vous décidez ainsi de fragiliser la rénovation des logements, de priver nos collectivités d’une partie du fonds vert. Les chantiers sont immenses, mais vous choisissez le déni.

Ma question est simple : comment, avec de telles coupes budgétaires, en menant cette politique brouillonne faite d’avancées et de reculs permanents, comptez-vous préparer l’avenir de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Émilienne Poumirol et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (Exclamations ironiques.)

M. Olivier Paccaud. M. Déficit !

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, en 2024, nous mettons 40 milliards d’euros sur la transition écologique. Vous avouerez que cela fait cher, pour de l’austérité !

Nous continuons à augmenter les crédits de MaPrimeRénov’, puisqu’à 3,5 milliards d’euros, ils sont en hausse de 800 millions d’euros. Vous avouerez que cela fait cher, pour de l’austérité !

Nous maintenons les bonus sur les véhicules électriques, quand notre voisin allemand a supprimé tous les bonus sur tous les véhicules électriques. Vous avouerez que cela fait cher, pour de l’austérité ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. Il y a eu l’inflation…

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons mis en place un leasing social pour l’achat des véhicules électriques. Nous continuons à financer la transition écologique. Nous continuons à financer le déploiement des énergies renouvelables. Vous pouvez appeler cela par tous les noms que vous voulez, ce n’est certainement pas de l’austérité.

Ma conviction est la suivante : l’enjeu français, ce n’est pas de dépenser plus, c’est de dépenser mieux. (Vives exclamations.)

M. Olivier Paccaud. Cela fait sept ans !

M. Bruno Le Maire, ministre. Voilà pourquoi nous avons pris la décision d’examiner chacune des dépenses qui vont être faites en matière environnementale et en matière de transition climatique. Je veux que les Français en aient pour leur argent. (Exclamations.)

M. Mickaël Vallet. Un festival de lieux communs !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux savoir exactement, à l’euro près, ce que rapporte chaque politique en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et notamment de CO2 – et nous ferons le bilan à l’été prochain. Il est désormais indispensable d’évaluer nos politiques avec beaucoup plus de précision, à l’heure où il nous faut rétablir nos finances publiques, accélérer notre désendettement et réduire le déficit. Nous devons garantir l’efficacité de la dépense publique : toutes les politiques climatiques doivent conduire effectivement à la réduction massive des émissions de CO2.

J’espère, monsieur le sénateur, que vous accepterez de travailler avec nous sur ce sujet, pour garantir aux Français que leur argent est bien employé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-François Husson. Quelle galéjade !

M. Yannick Jadot. C’est vous qui avez supprimé l’ISF !

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour la réplique.

M. Thomas Dossus. Monsieur le ministre, nous remarquons que, dès que vous avez besoin de marges de manœuvre, c’est sur l’écologie que vous reculez. Les 10 milliards d’euros d’économies que vous faites aujourd’hui, c’est un coup d’accélérateur vers le mur climatique. Et, en la matière, les économies faites aujourd’hui, c’est la faillite de demain. Réagissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

statut de la corse

M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Szpiner. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous venez de signer avec les séparatistes un texte qui vise à inscrire dans la Constitution la reconnaissance en Corse d’une communauté historique, linguistique, culturelle et ayant un lien singulier à sa terre. La République est une et indivisible ; c’est le principe fondateur de notre nation. Allez-vous donner une suite à ce texte, qui viole à l’évidence les principes républicains ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Szpiner, le 22 septembre 2021, on lisait dans le journal Corse Matin la phrase suivante : « Ce qu’avait porté le président Sarkozy pour la Corse, c’est le bon chemin. » C’est le président Éric Ciotti qui parle ainsi : écoutez donc avec attention ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il poursuivait ainsi : « Il est celui qui a témoigné le plus de soutien, de considération et d’amour pour l’île. Il faut poursuivre dans cette voie, en reconnaissant la spécificité de l’identité corse dans la République, en favorisant les décisions qui vont dans le sens d’une forme de choix des habitants pour l’avenir de leur île. »

Mme Pécresse, en mars 2022, se prononçait dans un tweet pour une autonomie des régions, notamment de la Corse.

M. Guillaume Larrivé, le 5 février 2018, à la tribune de l’Assemblée nationale, déclarait : « Je propose qu’ici, à l’Assemblée nationale, nous définissions un chemin vers une autonomie constitutionnelle de la Corse. »

En 2017, monsieur le sénateur, le Président de la République s’est engagé devant les Français à inscrire la Corse dans la Constitution. Nous y avons travaillé, pas uniquement avec les autonomistes – qui, je vous le rappelle, ont gagné trois fois les élections territoriales en Corse, et dernièrement à la majorité absolue. Nous avons associé à nos réflexions le président Marcangeli, ainsi que Mme Bozzi, qui fait partie de votre groupe politique et qui a acquiescé à l’accord – si je puis dire – que nous avons trouvé sur cette évolution constitutionnelle.

La rédaction retenue ne mentionne pas le peuple corse, ne prévoit pas la co-officialité de la langue, n’évoque pas le statut de résident.

M. Mickaël Vallet. C’est impossible !

M. Gérald Darmanin, ministre. Elle sera soumise à l’Assemblée territoriale, et il appartiendra aux deux assemblées du Parlement de se prononcer et, si elles le souhaitent, de l’amender.

Ce texte prévoit notamment qu’une loi organique encadre chacune des dispositions qui permettent de décentraliser et autorisent, parfois, la collectivité de Corse à définir les normes. C’est donc le Sénat qui aura le dernier mot.

Il n’y a pas d’opprobre à jeter sur ce sujet. Je rappelle que ce n’est pas le Gouvernement de la République qui a demandé l’autonomie, mais que ce sont les Corses qui, par trois fois, ont élu des autonomistes. Au sein de la chambre des territoires, vous pourriez l’entendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, pour la réplique.

M. Francis Szpiner. Je ne peux que vous inviter, monsieur le ministre, à consulter le site de l’Élysée. On y lit, au sujet des principes républicains : « Aucun individu, aucune partie de la population française, ne peut s’arroger un exercice de la souveraineté qui appartient aux citoyens français dans leur ensemble. »

J’ajoute que le principe d’unité et d’indivisibilité garantit l’homogénéité de notre nation, et vaut donc pour l’ensemble des territoires.

Enfin, la République ne reconnaît qu’une seule langue, la langue officielle, le français.

Dans votre texte – dont M. Simeoni a parfaitement compris le sens, puisqu’il sait le traduire –, la communauté, c’est en réalité le peuple corse dissimulé, pour ne pas dire cagoulé. (Mouvements divers.)

La linguistique, c’est la co-officialité de la langue corse. (M. Bruno Retailleau le confirme.)

Et l’attachement singulier à sa terre – mais quel Français n’est pas attaché à notre terre ? –, c’est le statut de résident. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous prévoyez même l’adaptation des lois et règlements sans le contrôle du Parlement. En vérité, vous venez de déconstruire la République et d’ouvrir la boîte de Pandore. D’ailleurs, le président de la région Bretagne l’a tout de suite compris, puisqu’il vient de demander, à son tour, un statut particulier. Et, en Alsace et au Pays basque, on regarde avec impatience ce que vous êtes en train de faire.

Lorsque vous dites que vous ne prévoyez ni la reconnaissance du peuple corse, ni la co-officialité, ni le statut de résident, M. Simeoni a parfaitement compris, lui, que vous êtes en train de capituler devant les séparatistes. (Protestations sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Il faut conclure.

M. Francis Szpiner. La République est une et indivisible, et nous la défendrons ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.  MM. Joshua Hochart, Christopher Szczurek et Mickaël Vallet applaudissent également.)

cyberattaques contre les services de l’état (i)

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Ludovic Haye. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, plusieurs services de l’État ont fait l’objet, ces derniers jours, d’attaques informatiques d’une intensité inédite.

Inédite, d’abord, par son ampleur, avec près de 17 000 adresses IP touchées et 300 domaines concernés.

Inédite, ensuite, par le nombre de groupes d’« hacktivistes » – près d’une dizaine – revendiquant ces attaques.

Inédite, enfin, par l’utilisation de la messagerie Telegram, pourtant chiffrée, à des fins de recrutement, pour coordonner ces attaques et les revendiquer.

Nos institutions deviennent malheureusement familières de ces tentatives de sabotages et de cyberattaques. En février, notre ministre des armées évoquait ici même des menaces de sabotage qui visaient spécifiquement son ministère. L’année dernière, c’était notre Parlement qui était visé par des attaques similaires contre les sites internet de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Ces attaques ne se bornent donc plus à nos entreprises, à nos hôpitaux et à nos collectivités territoriales : elles prennent dorénavant pour cible notre République, en visant directement ses institutions.

Le modus operandi de l’attaque par déni de service est à la fois simple et redoutable : il consiste à submerger un service de requêtes, allant jusqu’à le rendre inopérant. L’objectif peut être de se faire connaître, de subtiliser des données, mais aussi, dans les cas que j’évoque, de perturber l’organisation des institutions, de semer le doute et de créer des tensions internes dans un pays.

Dans un contexte géopolitique très marqué, avec des événements à forts enjeux, comme les élections européennes ou les jeux Olympiques et Paralympiques, ce type d’attaque est malheureusement voué à se multiplier dans les temps à venir.

Mes chers collègues, dans le monde de la cyber, comme dans celui de la sécurité en général, une once de prévention vaut une livre de guérison.

Madame la ministre déléguée, qui dit cyberattaques dit cyberdéfense, avec en filigrane le développement d’une politique de cybersécurité forte et d’une cyber-résilience efficace et coordonnée. Au regard de l’ampleur des attaques et du sort commun des pays de l’Union européenne en la matière, quelle coordination et quelles actions envisagez-vous à l’échelle nationale, mais aussi, et surtout, européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, entre dimanche soir et mardi, plusieurs services de l’État ont fait l’objet d’attaques informatiques, selon des modalités techniques classiques, mais avec une intensité inédite.

Vous avez raison, c’est précisément parce que notre pays est une grande et belle démocratie qu’il est la proie de ces attaques. Je le dis ici, devant vous, avec vous : nous ne nous laisserons pas faire, nous ne nous laisserons pas déstabiliser.

Dès dimanche, une cellule de crise a immédiatement été activée pour déployer des contre-mesures et garantir la continuité des services informatiques.

Je veux tout d’abord souligner la mobilisation des services, qui ont fait preuve d’une réactivité exemplaire et permis d’éviter toute rupture de service pour nos compatriotes. La défense efficace contre cette nouvelle attaque témoigne de notre capacité à faire face, ensemble, à toute menace.

À ce stade, il a été mis fin à ces tentatives, mais rien n’exclut qu’elles puissent reprendre. Les équipes de la direction interministérielle du numérique et de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) sont donc bien évidemment mobilisées, en veille continue.

Nous mettons tout en œuvre pour renforcer notre cyber-résilience, comme vous l’avez rappelé, à l’approche des élections européennes, mais également des jeux Olympiques et Paralympiques. À quelques mois de ces grandes échéances, la France contribue pleinement à renforcer la cyber-résilience de l’Union européenne et de l’ensemble des États membres. Elle joue un rôle moteur dans tous les travaux menés en la matière, concrétisé par l’adoption, sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, de la directive spécifique, et par l’adoption prochaine du règlement dit règlement Cyber-solidarité. Ces instruments visent notamment à favoriser l’échange d’informations entre les États membres et à organiser une assistance mutuelle entre les États en cas de cyberattaques significatives. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

cyberattaques contre les services de l’état (ii)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.  M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe s’est également inquiété des cyberattaques de très grande ampleur menées dimanche dernier contre les services de plusieurs de nos ministères. Le nombre de ces actions ne cesse de croître. L’importance des entités visées par les groupes prorusses nous interpelle de plus en plus.

Dès les élections de 2017, des opérations de déstabilisation ont été lancées contre notre pays par les services de Poutine. Dès 2017, nous les avons vus, ces soi-disant patriotes, serrer la main et accepter l’argent de celui qui nous attaquait déjà. Ces opérations ont perduré, toujours sous le seuil de conflictualité, mais avec une intensité qui ne laisse aucun doute sur les objectifs visés.

Les services russes étaient à l’œuvre dans l’opération de désinformation relative aux punaises de lit ; ils étaient aussi à la manœuvre dans l’affaire des étoiles de David, destinée à saper notre cohésion nationale. Certains craignent que le conflit en Ukraine ne nous entraîne dans une guerre contre la Russie. Mais il est temps de voir que Vladimir Poutine a déjà déclaré une guerre d’influence et de déstabilisation de nos forces morales.

La France, tout comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou les trois États baltes, fait face à des attaques d’ampleur, bien qu’elles ne soient pas cinétiques. Faut-il rappeler que les attaques sur nos services de santé, outre leurs conséquences financières, coûtent la vie à certains de nos compatriotes ?

L’approche des jeux Olympiques et Paralympiques et notre soutien énergique à la résistance ukrainienne font évidemment de nous des cibles de choix.

Monsieur le ministre, que savons-nous des groupes qui ont mené les attaques dimanche dernier ? Quelles mesures prenons-nous pour nous protéger et, surtout, pour riposter à la hauteur de ces provocations cyber ? Ces enjeux sont-ils évoqués lors des travaux du comité européen de préparation à la défense ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.  M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, votre question me donne l’occasion de compléter la réponse que j’ai apportée précédemment.

Sur les attaques qui ont eu lieu ce week-end, les investigations sont en cours et les conclusions seront rendues dès qu’elles seront finalisées.

Deux plans ont été mis en place. Avec France Relance, le Gouvernement a alloué 1,7 milliard d’euros à la transformation numérique de l’État et des territoires. Dans ce cadre, un volet spécifique sur la cybersécurité est doté de 176 millions d’euros, ce qui a notamment permis de financer des parcours de cybersécurité auprès de mille organismes publics, collectivités territoriales comme hôpitaux.

Avec France 2030, la filière cybersécurité a été identifiée comme un marché à soutenir en priorité. Elle bénéficie donc d’une stratégie de financement et d’accélération, à hauteur de plus de 1 milliard d’euros.

Enfin, le groupement d’intérêt public Action contre la cybermalveillance (Acyma) a été créé afin de fournir des conseils aux citoyens et aux collectivités territoriales pour s’armer contre ces cyberattaques.

Vous le voyez, notre mobilisation est totale, et je vous remercie pour les alertes que vous continuez à nous rappeler. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Il y a aussi un enjeu culturel : nos écoliers, collégiens et tous nos concitoyens doivent devenir aussi des cybercitoyens. La démocratie est un bon moyen de protection contre ce type d’attaques. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

situation des finances publiques (ii)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre de l’économie, depuis l’adoption du budget, les annonces de dépenses publiques nouvelles continuent à pleuvoir. Ukraine, agriculture, hôpital, agents publics, jeux Olympiques et Paralympiques : il y en a au moins pour 5 milliards d’euros, en quelques semaines !

Pourtant, vous avez utilisé votre joker constitutionnel en décidant, par décret, des économies de l’ordre de 10 milliards d’euros dans les dépenses de l’État, selon la politique aveugle du rabot.

Monsieur le ministre, pour que nous puissions bien préparer nos travaux, pouvez-vous nous dire quand vous déposerez le projet de loi de finances rectificative ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur général du budget, je salue votre sagesse, liée à votre fonction, quand vous exigez que nous revenions à l’équilibre des comptes publics et que nous fassions passer le déficit sous les 3 % d’ici à 2027. J’ai proposé que nous nous fixions comme objectif d’avoir des comptes publics équilibrés en 2032 : cela n’est pas arrivé depuis 1974 ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE-K et GEST.)

Je salue aussi le sens des responsabilités du groupe Les Républicains du Sénat. Je constate simplement que toutes les économies que vous proposez sont inversement proportionnelles aux dépenses que propose le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale. Essayez donc d’inspirer un peu vos collègues députés, ce sera utile ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez voté la réforme des retraites, qui est indispensable à l’équilibre des comptes publics ; le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale ne l’a pas votée. Vous avez proposé une augmentation de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) ; le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale s’y est opposé. Vous avez proposé, monsieur le rapporteur général du budget, 37 milliards d’euros d’économies, et je salue cet effort.

M. Olivier Paccaud. Mais vous n’en avez pas voulu !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale a déposé 1 523 amendements, représentant 100 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.

M. Xavier Iacovelli. Rien que ça !

M. Bruno Le Maire, ministre. J’appelle à une prise de conscience collective. Ne nous renvoyons pas la balle, essayons de trouver un chemin et un calendrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Notre calendrier est clair : 10 milliards d’euros d’économies immédiates, pour nous permettre d’activer un frein d’urgence face à la dégradation de la situation géopolitique et de la croissance.

Deuxième proposition : si les conditions continuent à être difficiles, un projet de loi de finances rectificative à l’été est possible. Nous l’avons déjà dit.

Troisième chose : pour le projet de loi de finances pour 2025, nous savons qu’il faudra trouver des économies supplémentaires, et dans tous les champs de la dépense publique, aussi bien le social que les collectivités locales – et que l’État. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je vous lance deux invitations, monsieur le rapporteur général du budget. D’abord, le 9 avril, je réunirai le Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL) pour regarder avec tous les acteurs des collectivités locales quelles économies nous pouvons trouver.

Puis, toujours courant avril, l’ensemble des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat seront invités à participer, au ministère de l’économie et des finances, à cette prise de conscience collective. Toutes les propositions d’économie, dans tous les champs de la dépense publique, seront les bienvenues – mais pas les propositions de dépense ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas vous exonérer de votre responsabilité. Vous êtes aux affaires depuis sept ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Et, depuis sept ans, le bilan est calamiteux : près de 900 milliards de dépenses publiques supplémentaires. Nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé en Europe, et le niveau de dépenses publiques le plus haut parmi les pays développés.

Est-ce à Bruno Le Maire, ministre des finances, que je parle ? Ou considérez-vous que vous êtes complètement exempt de toute responsabilité ? Votre attitude est, de mon point de vue, irresponsable. Il y a dix-huit mois, c’était un budget à l’euro près – alors qu’il était en déficit. L’an dernier, vous nous avez proposé de discuter, mais vous n’avez jamais été autour de la table.

Eh bien ! nous avons besoin, aujourd’hui, que vous assumiez votre responsabilité, qui est éminente. Vous vous êtes trompé : vous aviez promis de la croissance pour réduire le chômage et rétablir les finances publiques, mais c’est tombé complètement à côté de la plaque.

Je vous pose donc la question, monsieur le ministre : au regard de cette situation, ne pensez-vous pas qu’il est temps que vous rendiez votre tablier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

pénurie de médicaments

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

Les années se suivent et les pénuries de médicaments perdurent. L’an dernier, déjà, j’alertais sur cette situation. François Braun disait alors être en bonne voie pour regagner notre souveraineté sur le médicament. Il affirmait que le gouvernement d’alors faisait le maximum pour que tous les Français aient accès aux traitements qui leur sont nécessaires.

Pourtant, la situation ne s’est pas améliorée ; elle a même empiré. En 2023, près de 5 000 signalements de rupture de stock ont été recensés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en hausse de 31 % par rapport à 2022 et de 123 % par rapport à 2021. Quelque 37 % des patients ont été confrontés à au moins une pénurie de médicament.

En juillet 2023, le Sénat a adopté le rapport de nos collègues Laurence Cohen et Sonia de La Provôté, qui faisait 37 préconisations pour lutter contre ces pénuries. S’inspirant de certaines de ces propositions, votre gouvernement n’a présenté sa feuille de route qu’en février 2024, mais celle-ci ressemble davantage à une déclaration d’intention qu’à des mesures effectives et concrètes.

Monsieur le ministre, après des années d’alertes et de souffrances pour nos concitoyens, nous voulons des réponses précises. Comment allez-vous assurer que plus aucun enfant ne soit privé d’amoxicilline ? Comment comptez-vous garantir à chaque Français qu’il aura rapidement accès aux médicaments indispensables à sa santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Poumirol, vous avez raison de poser cette question. Je sais que ce dossier vous tient à cœur. Vous avez rappelé votre engagement, ainsi que les différentes étapes des travaux menés au Sénat.

Les tensions sur le marché des médicaments ne sont pas nouvelles. Elles se sont accrues, vous le savez, depuis la crise de la covid-19 et elles sont mondiales.

M. Bruno Belin. Deux ans qu’on en parle !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Nous suivons la situation de très près. D’ailleurs, nous observons depuis quelques semaines une détente sur les antibiotiques, le paracétamol ou les corticoïdes oraux. Il y a aussi des points de vigilance, notamment sur l’amoxicilline, que vous avez mentionnée.

Nous agissons dans deux directions. D’abord, il s’agit d’assurer la sécurisation et la fluidification de l’approvisionnement en médicaments. C’est la feuille de route que nous avons annoncée, avec Catherine Vautrin et Roland Lescure. Une liste de 450 médicaments essentiels, suivis de très près, a été établie l’été dernier. Et nous visons une transparence plus grande sur les chaînes d’approvisionnement, pour éviter les stocks indus chez les industriels, les répartiteurs ou les officines.

Nous donnons également la possibilité aux pharmacies hospitalières de produire de l’amoxicilline directement : nous verrons les effets de cette mesure très rapidement. (M. Bruno Belin sexclame.)

Telle est l’action que nous menons avec les industriels, avec les fabricants, pour fluidifier la chaîne du médicament.

Nous avons aussi une politique de souveraineté industrielle et de retour de l’industrie du médicament dans notre territoire, illustrée par les annonces du Président de la République l’été dernier : la production de vingt-cinq médicaments essentiels sera relocalisée sur le sol français.

Il y a quelques semaines, nous avons annoncé la création de la première unité de production de paracétamol en Europe, près de Toulouse. Et les investissements de Sanofi à Lisieux, par exemple, annoncés aussi il y a quelques semaines, permettront d’étendre les capacités de production sur notre territoire. (M. Bruno Belin sexclame de nouveau.)

Ces actions à différents niveaux nous permettront progressivement de tourner la page de la période de tensions que nous connaissons. Je répète toutefois que nous ne sommes pas seuls à connaître ces tensions, qui concernent l’ensemble du marché mondial du médicament.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, les quelques mesures que vous venez d’annoncer figurent dans votre plan et nous les connaissons. Mais dans cette feuille de route, pas une seule mesure de contrainte envers les Big Pharma mondialisées ! Ce sont pourtant leurs choix stratégiques qui sont la cause essentielle des pénuries : délocalisations pour produire à bas coût, abandon des produits matures, peu rentables, ou choix de thérapies innovantes aux coûts exorbitants.

En fait, vous laissez le marché gouverner notre accès aux médicaments, et même l’ensemble de notre politique de santé. Face à un délitement généralisé de la santé en France – difficulté d’accès aux médicaments, aux médecins traitants, déserts médicaux, problèmes des hôpitaux publics –, aucun investissement d’envergure n’est engagé par votre gouvernement.

Monsieur le ministre, à quand une politique de santé publique garantissant l’accès à la santé pour tous ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.  Mme Sylviane Noël et M. Bruno Belin applaudissent également.)

simplification de la vie des entreprises

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. Monsieur le Premier ministre, marronnier de tous les gouvernements de la Ve République, la simplification pour les entreprises figure en bonne place sur votre feuille de route. Ces mots ont retenti une quinzaine de fois dans votre discours de politique générale.

Cet objectif, vieux serpent de mer, est connu, ancien, et pourtant hors de portée. Souvenons-nous du président Giscard d’Estaing, qui souhaitait « refouler la marée blanche de la paperasse », ou encore du « mal français », si bien documenté par Alain Peyrefitte.

Depuis 1990, pas moins de quatre structures pour la simplification se sont succédé. Nous maîtrisons le diagnostic, mais force est de constater que le remède nous échappe complètement. Comment sortir enfin de cette cage d’acier ?

En changeant de méthode, monsieur le Premier ministre ! C’est l’objet de la proposition de loi sénatoriale rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises ». Nous examinerons ce texte transpartisan mardi prochain. Ses signataires, tous membres de la délégation sénatoriale aux entreprises, proposent, avec notre rapporteure Elsa Schalck, de fermer enfin le robinet des normes excessives.

Là où les comités Théodule se cantonnent à la réduction des stocks, nous nous attaquons au flux. Nous le faisons en proposant un dispositif interministériel, inspiré des méthodes qui fonctionnent chez nos voisins européens, et en associant les premières concernées : les entreprises.

Monsieur le Premier ministre, j’ai déjà recueilli le soutien de plusieurs ministres à cette révolution dans la fabrique de la loi. Reste le vôtre : le Gouvernement soutiendra-t-il officiellement l’initiative du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Rietmann, nous soutenons pleinement le principe d’un test PME, qui figurera dans le projet de loi de simplification que, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, et avec d’autres collègues, je vous soumettrai d’ici quelques semaines.

Pour le reste, je vous rejoins totalement, et j’ai lu attentivement votre rapport sur la simplification. C’est vrai que c’est un marronnier, et qu’on observe un scepticisme complet de la part des entreprises, des PME, qui se disent qu’on en parle depuis tant d’années.

Je suis totalement déterminé à aller au bout de la simplification.

Je suis totalement déterminé à supprimer les Cerfa, au nombre de 1 800, dont la plupart ne servent à rien, qui constituent de la charge administrative et de la charge mentale pour les chefs d’entreprise.

Je suis totalement déterminé à engager, avec le garde des sceaux, la simplification du code de commerce, auquel on a ajouté des milliers d’articles et qui désormais pèse son kilo d’inutilité ou de complexité pour les entreprises.

Je suis totalement déterminé à ce que nous mettions en place le principe « dites-le-nous une fois », pour que les entreprises, une fois qu’elles auront indiqué quelle est leur raison sociale, quel est leur fonctionnement, n’aient pas à redonner à plusieurs reprises les informations à l’administration.

Je suis totalement déterminé à inverser la charge de la preuve, pour que ce soit à l’administration d’apporter la preuve des reproches qu’elle peut faire à une entreprise, et pas le contraire.

Je suis totalement déterminé à dépénaliser un certain nombre de règles qui pèsent sur les chefs d’entreprise et qui les empêchent de faire correctement leur travail.

Nous allons nous inspirer de votre rapport, nous nous inspirerons de toutes les propositions en la matière. La simplification ne se réglera pas en un texte de loi, mais celui-ci doit être le début d’une véritable révolution mentale nous conduisant à simplifier systématiquement, alléger, couper dans tout ce qui empêche les entreprises de se développer librement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.  M. Daniel Chasseing et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.

M. Olivier Rietmann. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, la simplification, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la font ! Le Sénat la fait. Il vous donne la possibilité dès mardi prochain de mettre des actes sur vos paroles. Mardi prochain, le Sénat compte sur vous ; les chefs de petites, moyennes et grandes entreprises comptent sur vous également. Merci d’être au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

circulation des mégacamions en france

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Henno. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

Hier, le Parlement européen a voté en faveur de la circulation des mégacamions, qui sont des camions de 60 tonnes et de 25 mètres ; les camions d’aujourd’hui font 18 mètres et 40 tonnes.

L’un de mes maîtres en biologie, Jean-Marie Pelt, disait qu’il fallait se méfier du gigantisme et de ses effets secondaires ; en l’occurrence, je pense qu’il y en a beaucoup.

D’abord, il y a la question des nuisances pour les riverains. Elle se pose particulièrement, tout comme celle de la sécurité routière, dans le département des Hauts-de-France dont nous venons tous deux, monsieur le ministre, et qui est un département de logistique.

Ensuite, il y a la problématique de l’adaptation et de l’entretien des infrastructures, ainsi que de leur coût pour les collectivités territoriales.

Enfin, il y a évidemment le sujet du non-sens écologique. La logique du Green Deal n’est pas d’augmenter la taille des camions, souvent diesel, c’est plutôt de développer le ferroutage et de faire en sorte que les marchandises circulent plus souvent sur les voies d’eau ; nous aurons bientôt le canal Seine-Nord Europe dans notre région.

Monsieur le ministre, quelle est la doctrine du Gouvernement en la matière ? Et quelle est sa stratégie en matière de ferroutage et de transport des marchandises ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Henno, le Parlement européen a effectivement adopté hier un projet de révision de la directive Poids et dimensions qui ouvre la voie, sans jeu de mots, à ces mégacamions, que vous avez évoqués.

Les partisans d’un tel projet de révision avancent trois types d’arguments ; j’ai d’ailleurs pu avoir un échange téléphonique sur le sujet avec mon homologue allemand hier.

Premièrement, il s’agirait simplement de donner aux États membres la possibilité d’autoriser et non d’imposer.

Deuxièmement, il s’agirait d’accompagner une croissance de la demande de transport que les autres modes ne pourraient pas absorber.

Troisièmement, et c’est le plus amusant, il s’agirait d’un « progrès environnemental », puisqu’on pourrait transporter plus de marchandises avec moins de véhicules dans un contexte – vous le savez – de pénurie de conducteurs.

Je vous le dis très sincèrement, monsieur le sénateur, aucun de ces arguments ne me convainc ni ne convainc le Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Qui l’a voté au Parlement européen, alors ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Dire oui à ces mégacamions, ce serait ruiner tous les efforts que nous réalisons en faveur du fret ferroviaire, alors même nous avons fixé l’objectif de doubler sa part modale et que nous engageons des moyens substantiels, dont – Bruno Le Maire aurait également pu le souligner – 300 millions d’euros d’aides à l’exploitation chaque année sur le fret ferroviaire et un plan d’investissement de 4 milliards d’euros spécifiquement dédié à des infrastructures de fret ferroviaire. J’aurai l’occasion d’y revenir dans les semaines qui viennent, comme vous le demandiez.

Dire oui à ces mégacamions, cela signifierait aussi renoncer à nos objectifs de la stratégie nationale fluviale.

En d’autres termes, cela ne répond en rien à nos attentes, qu’il s’agisse de sécurité routière, de transition écologique ou de cadre de vie.

Nous allons donc continuer le travail de conviction auprès de tous nos interlocuteurs et revenir pour trouver un compromis acceptable à la hauteur de nos ambitions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme Sophie Primas. Mais vous l’avez voté !

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse.

J’ajoute qu’il y va aussi de l’équité par rapport au Green Deal. On ne peut pas demander des efforts à la seule France laborieuse ; on ne peut pas demander de renoncer au diesel, au profit des véhicules électriques, aux seuls « pendulaires ». Si les efforts exigés diffèrent « selon que vous serez puissant ou misérable », pour reprendre la formule de Jean de La Fontaine, c’est totalement injuste ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

négociations sur l’approvisionnement en électricité

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Martine Berthet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Les industriels en phase de négociation de leur contrat d’électricité avec EDF pour le post-Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) n’en peuvent plus d’attendre la réforme du marché de l’électricité et des tarifs qui leur permettraient d’être durablement compétitifs. Ils ont en effet en face d’eux des concurrents de Chine, d’Amérique du Nord et d’ailleurs qui disposent d’une électricité de 30 à 40 dollars par mégawattheure, alors que nous sommes au moins au double en France.

Cela est encore plus vrai pour les électro-intensifs, les hyper-électro-intensifs et les électrosensibles, pour lesquels l’électricité représente une matière première de base ; cela est vrai pour toutes nos industries primaires, de façon générale.

Certes, un accord a été conclu entre EDF et l’État le 14 novembre 2023. Il définit, au-delà d’un volet général, des mécanismes, comme les contrats long terme et la deuxième phase du dispositif Exseltium. Mais il n’y a aucune visibilité sur le futur texte de programmation pluriannuelle, publié au début du mois de janvier, puis retiré.

Si nos industriels conviennent qu’il est nécessaire d’assurer à EDF une trajectoire financière saine, cela ne doit pas se faire au prix de leur compétitivité mondiale. Or les contrats de long terme proposés, comme les contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN), s’ils protègent EDF, exigent des industriels une « avance en tête » exorbitante, pouvant représenter jusqu’au tiers de leur chiffre d’affaires, à financer avant le 30 juin 2024 pour des contrats effectifs au 1er janvier 2026. C’est inaccessible, ce n’est pas du tout à la hauteur des enjeux et cela empêche les décisions d’investissement nécessaires à la transition de nos industries.

Monsieur le ministre, nos industriels peuvent-ils compter sur vous pour obtenir des contrats d’électricité compétitifs à l’échelle mondiale avant l’été ? Car, au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, il sera trop tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. La réponse est oui, madame la sénatrice.

Vous avez parfaitement posé le sujet. Nous devons garantir à nos industriels les prix les plus compétitifs en matière d’accès à l’électricité et, dans le même temps, nous devons garantir à EDF une capacité à investir dans les énergies renouvelables comme dans les énergies nucléaires.

Je pense qu’il faut regarder, comme vous l’avez fait, type d’entreprise par type d’entreprise.

Pour les très petites entreprises, grâce à la proposition de loi des députés Brun et Jumel, le problème est réglé. Je le rappelle, jusqu’à présent, seules les entreprises disposant d’un compteur électrique de moins de 36 kilovoltampères étaient éligibles au tarif régulé. Désormais, avec cette proposition de loi, toutes les petites entreprises de moins de onze salariés y auront droit. Elles seront donc protégées, elles auront les tarifs les plus compétitifs.

Le sujet est aussi réglé pour les hyper-électro-intensifs. Je rappelle par exemple qu’un des contrats signés avec EDF est celui d’ArcelorMittal. Or l’implantation d’ArcelorMittal à Dunkerque représente une part très importante de la consommation d’électricité en France. J’ai bon espoir que, pour les autres hyper-électro-intensifs, la question soit réglée dans les semaines à venir.

Ensuite, il reste effectivement les énergo-intensifs, ceux qui consomment beaucoup d’énergie, sans en consommer autant qu’ArcelorMittal. Je vous rejoins à cet égard. Nous avons trouvé un accord avec EDF sur la signature d’accords de long terme, de cinq, dix ou quinze ans, qui peuvent parfois supposer des avances en tête. Celles-ci doivent pouvoir être regroupées, afin que la charge financière ne soit pas trop lourde pour ces entreprises.

Maintenant, c’est à EDF de conclure ces contrats et nous lui avons demandé que l’ensemble des contrats pour les entreprises industrielles énergo-intensives soient signés dans les mois qui viennent, afin d’apporter la preuve du bon fonctionnement du dispositif. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.

Mme Martine Berthet. Non, monsieur le ministre ! Contactez les hyper-électro-intensifs et vous verrez que le sujet est loin d’être réglé ! Il devient très urgent qu’il le soit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

directive européenne sur les travailleurs ubérisés

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Olivier Jacquin. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Après plus de deux ans de bataille, un compromis a enfin été validé au Conseil de l’Union européenne sur la directive du socialiste Nicolas Schmit.

M. Rachid Temal. Très bien !

M. Olivier Jacquin. Cela permettra aux travailleurs des plateformes de bénéficier de droits sociaux.

C’est une victoire historique pour eux, une défaite cinglante pour Uber et un camouflet retentissant pour Emmanuel Macron, qui a totalement isolé la France. Oui, lundi dernier, l’Allemagne, pour des raisons internes à sa coalition, et la France étaient les deux derniers pays à ne pas voter pour ce début d’harmonisation sociale, alors même que vous avez grandement contribué à dénaturer ce texte ! Un vote définitif du Conseil interviendra bientôt.

J’ai donc deux questions, madame la ministre. Premièrement, la France va-t-elle continuer de s’opposer et de s’isoler ou va-t-elle repartir de l’avant ? Deuxièmement, puisque la directive sera adoptée avec ou sans la France, allez-vous la transposer rapidement et sans la dénaturer davantage ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur Jacquin, j’ai déjà eu l’occasion de le dire hier, depuis le premier jour de la discussion sur cette directive relative aux plateformes, notre pays a joué le jeu de la négociation. Nous avons d’ailleurs travaillé à différentes versions du texte.

La France a été guidée par un principe : prendre en compte la réalité de la relation de travail entre la plateforme et le travailleur, car les vrais travailleurs indépendants doivent pouvoir rester indépendants – certains d’entre eux veulent garder leur statut – et les faux indépendants doivent en effet pouvoir demander leur requalification. Tel est l’enjeu : permettre aux vrais travailleurs indépendants de rester des travailleurs indépendants et permettre aux autres d’être requalifiés.

Cette distinction est d’autant plus importante que notre pays a construit avec succès un modèle social qui a permis aux travailleurs indépendants du secteur de la mobilité et de la livraison, pour certains d’entre eux, de créer leur entreprise et d’avancer.

D’ailleurs, neuf accords collectifs ont été signés depuis 2022. Les travailleurs en bénéficient, qu’il s’agisse de leurs revenus ou de leurs relations avec les plateformes.

C’est pour cela que nous avons cherché à définir des critères plus clairs, plus solides juridiquement, afin de pouvoir déclencher une présomption de salariat prévue par la directive. Et la France n’était d’ailleurs pas seule ! Vous n’avez pas évoqué l’Estonie, la Grèce ou l’Allemagne, qui ont travaillé sur le sujet.

M. Bernard Jomier. Ils ont changé d’avis !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Nous avons constaté que, dans le texte examiné au cours des dernières semaines, le régime instauré était devenu flou et ne mettait en place – c’est un point très important – aucune harmonisation à l’échelle européenne. Là réside aujourd’hui le risque d’insécurité juridique.

Contrairement à ce que certains affirment pour des raisons politiciennes, la France n’a pas voté contre le texte. J’échangeais hier encore avec Nicolas Schmit et je lui ai indiqué que nous étions prêts, si nous arrivions à obtenir des clarifications, à modifier notre position et à soutenir ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.

M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, je vous prie de m’excuser, mais la voix de la France n’est pas sérieuse.

Je travaille sur le dossier depuis 2019 et la situation s’est gravement dégradée : 90 % de livreurs à vélo à Paris sont sans-papiers ; il n’y a que 4 % de participation aux élections professionnelles ! Les neuf accords entraînent des baisses de rémunérations : moins de 5 euros de l’heure !

Mais comment pouvez-vous parler du succès de notre modèle social, protecteur selon vous, et continuer de donner une crédibilité à votre pseudo-autorité de régulation ? Vous feriez mieux de la dissoudre !

Les livreurs à vélo ne sont pas des entrepreneurs ; ce sont des indépendants fictifs ! Vous continuez de protéger les plateformes plutôt que les travailleurs, en livrant ces derniers en pâture au capitalisme le plus sordide !

Vous vous glorifiez sur les estrades d’être les seuls détenteurs du flambeau européen, mais, depuis deux ans, vous portez atteinte à l’Europe sociale ! La présomption de salariat n’est pas un gros mot ; elle n’est que justice ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

relance des investissements en matière hydroélectrique

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, qui, nous promet-on, doit régler la situation juridique des concessions hydroélectriques, serait-il devenu l’Arlésienne de la politique gouvernementale ? Depuis 2020, on répond aux questions que j’adresse aux différents ministres en promettant chaque fois une résolution à venir et, si le Gouvernement continue d’explorer plusieurs scénarios, il n’en trouve visiblement aucun.

Au mois de février dernier, vous avez déclaré repousser le projet de loi jusqu’à la fin de l’année, en attendant un débat préalable sur l’équilibre global du système énergétique français.

Or ce projet de loi presse, monsieur le ministre. Les exploitants actuels ont des projets pour développer la production hydroélectrique au service de notre indépendance énergétique et de sa décarbonation.

En Aveyron, sur la Truyère et le site de la station de transfert d’énergie par pompage (Step) de Montézic, le projet d’une centrale de 430 mégawattheures attenante à l’existence est prêt à démarrer, avec 500 millions d’euros d’investissements et un chantier de 300 ouvriers sur plusieurs années d’ici à 2030. C’est un projet qui permettra d’alimenter 300 000 personnes en électricité.

Or, dans son rapport public annuel de 2024, paru hier, la Cour des comptes note que la concrétisation des projets de développement hydroélectrique dépend de « l’évolution du cadre juridique » et de « la résolution du contentieux européen sur le renouvellement des concessions ». Elle recommande aussi d’essayer un modèle de rémunération propre aux Step.

Vous le voyez, monsieur le ministre, il y a urgence.

Quand allez-vous régler les conditions d’exploitation de nos barrages ? Quand le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique sera-t-il déposé au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je vous entends parfaitement, monsieur le sénateur.

Je le rappelle, cela fait plus de quinze ans que le problème juridique n’est pas réglé et qu’il y a un contentieux avec l’Union européenne. Si la solution était aussi simple, d’autres que nous l’auraient donc déjà trouvée.

Je vous propose néanmoins de nous fixer un calendrier pour trouver d’ici à la fin de l’année 2024 une solution juridique au contentieux qui nous oppose à la Commission européenne sur la question des barrages hydroélectriques.

Je partage totalement votre ambition. L’hydroélectrique aujourd’hui, c’est 26 gigawatts de puissance installée. C’est considérable. Ce sont des projets d’augmentation de 2 gigawatts qui peuvent être obtenus rapidement, notamment par le déploiement des Step.

Cela suppose donc que nous trouvions ensemble la solution juridique appropriée. Aujourd’hui, la seule solution juridique sur laquelle la Commission européenne pourrait nous donner un feu vert pour lever le contentieux serait la mise en concurrence des 447 barrages qui existent actuellement en France (M. Yannick Jadot proteste.), c’est-à-dire le fait de laisser des concurrents étrangers venir exploiter les barrages français : ce n’est une option ni pour vous ni pour moi !

Nous devons donc explorer d’autres voies pour pouvoir réinvestir dans les barrages. En effet, ce contentieux juridique aboutit à ce qu’il n’y ait pas d’investissement dans les barrages : tant qu’il n’y a pas de solidité juridique pour les années qui viennent, personne ne veut mettre un euro dans une énergie qui est pourtant performante, décarbonée et sur laquelle la France a un avantage comparatif.

Je vous invite donc à venir participer à nos travaux, monsieur le sénateur, pour que nous puissions trouver d’ici à la fin de l’année 2024 une solution juridique à un problème qui dure depuis quinze ans. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. Stéphane Piednoir. Et le projet de loi ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.

M. Jean-Claude Anglars. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’ai bien entendu votre proposition et je participerai à ces travaux, parce que je crois au développement de cette énergie sur la vallée de la Truyère. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

couverture téléphonique des territoires

M. le président. La parole est à M. Bernard Pillefer, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Bernard Pillefer. Ma question s’adressait à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.

En janvier 2018, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) annonçait conjointement avec le Gouvernement les engagements pris par les opérateurs de téléphonie mobile permettant de couvrir l’ensemble du territoire national pour éliminer les zones blanches.

Cet accord, intitulé New Deal mobile, et son dispositif de couverture ciblée prendront fin en 2025. Je salue l’efficacité de ce programme, qui a déjà permis une grande amélioration de la couverture mobile, notamment en milieu rural, comme dans le Loir-et-Cher.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous pouvez dire merci à Julien Denormandie !

M. Bernard Pillefer. Si le New Deal mobile a quasiment résolu la problématique des zones blanches, les zones dites grises restent néanmoins trop nombreuses.

La fin du New Deal mobile est proche et les sites qu’il prévoit de traiter à l’horizon de 2025 ne suffiront malheureusement pas à assurer une couverture optimale de l’ensemble des opérateurs, donc à résoudre le problème de ces zones grises.

Dans le Loir-et-Cher, plusieurs milliers de personnes sont concernées par cette problématique, étant donné qu’un seul opérateur couvre leur zone d’habitation. Pourtant, un réel besoin existe pour nos habitants, nos entreprises, nos élus, nos médecins ou encore nos services de santé et d’aide à la personne.

Ce déficit de couverture doit être résolu. Nous ne pouvons plus tolérer une telle fracture numérique dans nos territoires. Il s’agit pour le Loir-et-Cher, comme pour les autres départements ruraux, d’un enjeu d’équité territoriale, d’attractivité et de compétitivité.

Qu’entend donc faire le Gouvernement pour éliminer les zones grises et assurer une couverture mobile optimale pour tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Monsieur le sénateur Pillefer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Marina Ferrari, secrétaire d’État chargée du numérique, qui est retenue en audition à l’Assemblée nationale. J’ai donc l’honneur de vous répondre.

En 2018, Julien Denormandie, dont le nom a été mentionné, mais également Jacqueline Gourault et Cédric O ont tous œuvré à la mise en place du fameux dispositif New Deal, que vous avez parfaitement décrit, monsieur le sénateur : un bel exemple de coopération et de bon fonctionnement avec les collectivités locales, les opérateurs de télécommunications et l’État pour répondre aux besoins de la vie quotidienne des Français ; c’est suffisamment rare pour être souligné et encouragé.

Beaucoup a été fait depuis plusieurs années maintenant, puisque le nombre de sites équipés en 4G en France a plus que doublé et la part du territoire située en zone blanche 4G est passée de 11 % à 1,9 %. À ce stade, le dispositif tient à peu près toutes ses promesses. Nous sommes aujourd’hui à 99 % de couverture de la population en 4G au bénéfice des zones rurales, où 67 % des sites mobile ont été déployés.

Ainsi, 92 % du territoire de votre propre circonscription, monsieur le sénateur, sont couverts par les quatre opérateurs, selon les données de l’Arcep, et, dans le cadre du dispositif de couverture ciblée, ce département a bénéficié d’une dotation de trente et un sites, dont dix-neuf pylônes, qui ont été mis en service.

Vous le savez, le Gouvernement a fait le choix de confier l’identification des zones à couvrir prioritairement à des équipes projet locales. Elles sont composées notamment de représentants des préfectures de région, des présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), mais aussi d’associations de collectivités territoriales locales. Le dispositif du New Deal mobile comporte d’autres engagements, dont la couverture des axes ferroviaires et routiers courant jusqu’en 2030 ou encore la couverture mobile à l’intérieur des bâtiments.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Cette politique publique revêt une importance primordiale pour le développement de l’attractivité. Nous avons bel et bien vocation à le poursuivre et à l’amplifier. C’est toujours, monsieur le sénateur, une priorité du Gouvernement ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Pillefer, pour la réplique.

M. Bernard Pillefer. Il faudra aussi s’interroger sur le très haut débit pour tous, habitat isolé compris. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 20 mars, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes suivi d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes.

(M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes sont introduits dans lhémicycle selon le cérémonial dusage.)

M. le président. Monsieur le Premier président, monsieur le rapporteur général de la Cour des comptes, c’est avec plaisir que nous vous accueillons pour notre débat désormais traditionnel sur le rapport public annuel de la Cour des comptes, qui a été rendu public hier. Je vous remercie de votre présence.

Comme lors des années précédentes, un représentant de chaque groupe politique pourra s’exprimer sur les observations et recommandations formulées dans ce rapport.

Ce débat traduit notre attachement à la mission d’assistance du Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement que notre Constitution confie à la Cour des comptes. Vos éclairages et votre expertise apportent un concours précieux à notre mission de contrôle, à laquelle nous attachons une importance particulière.

Dans le cadre de votre analyse de la situation d’ensemble des finances publiques, marquée depuis 2022 par le retour de l’inflation, vous regrettez, monsieur le Premier président, que le Gouvernement ait construit les textes financiers de l’automne dernier sur des perspectives de croissance par trop optimistes. C’est également le constat que dressait à l’époque la commission des finances du Sénat.

Face à la réalité du contexte économique, la loi de finances promulguée voilà moins de trois mois est de ce fait déjà partiellement obsolète et le Gouvernement s’est vu contraint de publier un décret pour réduire ses dépenses de 10 milliards d’euros.

Nous sommes donc impatients, monsieur le Premier président, d’entendre votre analyse sur la trajectoire pluriannuelle fixée par le Gouvernement et les conditions de son respect.

Par ailleurs, la question de l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique est, cette année, au cœur de votre rapport. Vous soulignez la nécessité d’une action transparente, cohérente et efficiente en la matière. Tous les domaines de l’action publique, mais également de nombreux acteurs sont concernés : l’État, les ménages, les entreprises, les institutions financières, mais également les collectivités territoriales.

Le Sénat s’est déjà saisi de cette question, notamment au travers des travaux de la délégation sénatoriale à la prospective, qui plaidait pour l’adaptation de nos politiques publiques au dérèglement climatique, ou encore, plus récemment, de ceux de notre commission des affaires économiques, dans le cadre de l’examen de la loi du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

Aussi votre rapport devrait-il susciter au Sénat, représentant des collectivités territoriales et des territoires, qui sont en première ligne sur ce sujet, un débat plein de richesse.

Monsieur le Premier président, je vous invite maintenant à rejoindre la tribune : vous avez la parole. (Applaudissements. – M. le Premier président remet à M. le président du Sénat un exemplaire du rapport public annuel de la Cour des comptes.)

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’accueil que vous réservez à la Cour des comptes ; cet accueil, toujours bon, traduit la qualité des liens qui unissent nos deux institutions. Vous savez combien j’y suis attaché et j’ai grand plaisir à retrouver la Haute Assemblée aujourd’hui.

Le rapport public annuel de 2024, que je m’apprête à vous présenter, est avant tout le fruit d’un travail collectif, accompli par les chambres de la Cour des comptes et par les chambres régionales et territoriales des comptes ; chacune de ces dernières a participé à la rédaction d’au moins un chapitre de ce rapport. C’est une première et c’est pour moi un motif de grande fierté.

La parution du rapport public annuel constitue pour la Cour un rendez-vous traditionnel et essentiel. Avant d’entrer dans le détail de son contenu, je signale que ce rapport prend la forme non plus d’un assemblage de productions de la Cour, mais d’une publication thématique.

L’édition 2024 est ainsi consacrée à l’adaptation au changement climatique. Par cette expression, nous désignons l’ensemble de mesures qu’il faut ou qu’il faudra prendre, aujourd’hui et dans les décennies à venir, pour continuer à vivre de façon supportable dans un climat qui aura profondément et rapidement changé. L’adaptation se distingue donc de l’atténuation, qui consiste à limiter le changement climatique lui-même. S’il faut agir sur les deux volets, nous avons choisi de nous pencher sur l’adaptation au changement climatique, parce que cette thématique est au cœur des préoccupations de nos concitoyens et parce qu’elle affecte directement leur quotidien.

Cet enjeu est très territorialisé : chaque région, chaque commune, jusqu’à la plus petite échelle, devra s’adapter à l’évolution de son propre environnement.

Par ailleurs, je souligne que le thème de notre rapport est d’actualité, puisqu’on attend pour l’été prochain le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, fondé sur une trajectoire de réchauffement rehaussée à 4 degrés d’ici à 2100.

De nombreux défis s’imposent aux politiques publiques d’adaptation, au premier rang desquels figure l’absence de chiffrage exhaustif et cohérent de leur coût. Il existe bien quelques évaluations, qui vont de 2,3 milliards d’euros par an selon l’Institut de l’économie pour le climat à 3 milliards d’euros par an selon le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, mais, d’une part, ce coût est amené à augmenter et, d’autre part, nous ne disposons pas des données permettant d’établir un chiffrage objectif et définitif.

C’est pourquoi nous avons décidé de réfléchir secteur par secteur, dans seize chapitres, qui sont autant de coups de projecteur thématiques. Jusqu’à la parution de ce rapport, il n’existait pas – je le souligne – de panorama objectif et transversal de l’adaptation au changement climatique en France. Nous avons estimé que la Cour et les juridictions financières, en tant que tiers de confiance présents sur l’ensemble du territoire, devaient fournir cet état des lieux. Les quelque 700 pages du rapport sont ainsi le fruit d’un travail colossal.

Notre rapport public annuel comporte également toujours un premier chapitre, consacré à la situation des finances publiques. Si vous me le permettez, j’y reviendrai à la fin de mon propos.

Les seize chapitres thématiques qui font suite à cette partie abordent chacun la question de l’adaptation au changement climatique au travers d’un prisme distinct de l’action publique. Ils se répartissent en trois catégories.

Dans la première partie du rapport, nous nous sommes intéressés à l’adaptation des secteurs transversaux, au travers de trois chapitres : la recherche publique, les institutions financières et bancaires, et l’action de l’Agence française de développement.

Dans la deuxième partie, nous abordons l’adaptation au changement climatique des grandes infrastructures – équipements, villes et plus généralement de tout ce qui a été construit par l’homme –, au travers de sept chapitres : l’adaptation des logements, des villes, de la politique immobilière de l’État, des centrales nucléaires et ouvrages hydroélectriques, des réseaux de transport et de distribution d’électricité, ou encore des voies ferrées ; nous y traitons également du cas spécifique du ministère des armées.

Enfin, dans la troisième partie du rapport, nous nous sommes penchés sur l’adaptation aux effets du changement climatique de l’environnement naturel, dans lequel vivent nos concitoyens. Cette partie est composée de six enquêtes : la forêt, la prévention des catastrophes naturelles dans les territoires ultramarins, la gestion du trait de côte, l’adaptation des cultures céréalières, les stations de montagne face au climat – cette enquête a déjà fait l’objet d’une publication – et la protection de la santé des personnes vulnérables face aux vagues de chaleur ; en effet – faut-il le rappeler ? –, quelque 5 000 de nos concitoyens sont morts l’été dernier du fait de la chaleur.

Je souhaite à présent vous livrer quatre grands enseignements et principes d’action pour les politiques d’adaptation que nous avons tirés de ces enquêtes thématiques.

Premier enseignement, nous devons mieux connaître les effets du changement climatique, les risques auxquels nous devons nous adapter et leur ampleur.

La prise de conscience de la nécessité de l’adaptation est désormais bien réelle, mais elle est hétérogène selon les secteurs. Dans certains domaines, pour certains acteurs, comme les gestionnaires de réseaux, cette prise de conscience date des tempêtes de 1999. Dans d’autres domaines comme le logement, elle est plus récente. Et, dans d’autres domaines encore, comme l’immobilier de l’État, elle reste à faire.

Nous devons en outre absolument améliorer les prévisions et les données, souvent lacunaires, dont nous disposons. Par exemple, deux tiers seulement des 200 000 bâtiments de l’État sont recensés et font l’objet d’un diagnostic. Autre exemple, les projections climatiques en outre-mer sont de moins bonne qualité qu’en métropole, alors que les risques y sont autrement importants.

Il faut enfin actualiser les données existantes afin de mettre à jour les normes internes, par exemple au sein de SNCF Réseau.

Deuxième enseignement, il faut informer les citoyens et les décideurs publics sur l’adaptation et ses enjeux.

Il faut le faire, d’abord, pour éviter de « se faire avoir », si j’ose dire. Dans certains domaines, la confusion demeure – elle est parfois entretenue – entre atténuation et adaptation. Je pense notamment aux sociétés financières et bancaires, publiques comme privées, qui communiquent massivement sur leurs produits financiers « verts », sans que l’on sache précisément mesurer l’impact de ces financements et leur destination ni comparer les volumes engagés. Cela nous expose à un risque d’écoblanchiment : on nous vend comme vert quelque chose qui, en réalité, ne l’est pas particulièrement.

Communiquer sur les actions d’adaptation, c’est aussi faire de tous, citoyens et décideurs publics, des acteurs de ces politiques publiques. Le chapitre sur l’adaptation des soins pour les personnes vulnérables montre combien la communication est déterminante pour prévenir les conséquences des périodes de forte chaleur ou de canicule. Elle doit reposer sur la diffusion de messages adaptés, sur l’ensemble des supports disponibles, avant, mais aussi pendant les épisodes de vigilance.

Informer les citoyens permet aussi d’obtenir leur adhésion et de les faire participer aux efforts d’adaptation. Le dispositif MaPrimeRénov’, par exemple, permet à la fois d’améliorer le confort des résidents et de créer de l’emploi.

Troisième enseignement général de nos travaux, après connaître et informer : planifier. L’action publique doit développer une stratégie cohérente et articulée en matière d’adaptation.

La Cour relève ainsi que les objectifs de l’adaptation doivent être conciliés avec ceux d’autres politiques publiques, et que cette articulation est souvent difficile. C’est le cas dans les territoires touristiques comme les zones de montagne ou les littoraux, qui doivent concilier les politiques d’adaptation avec le souhait des élus et des populations de préserver, le plus longtemps possible, la pérennité de leurs modèles économiques.

J’ai pris connaissance, bien sûr, des réactions et de la colère qu’a pu susciter notre rapport sur les stations intitulé Les Stations de montagne face au changement climatique. Je les comprends, mais ce rapport n’est pas à charge ; il affirme simplement qu’il existe une réalité incontournable, que nous devons affronter et que, à différer la prise de conscience, nous nous exposons à bien des déconvenues. (M. Jean-Michel Arnaud proteste.)

Il faut aussi développer une véritable culture de la planification et de la gestion du risque. Les enquêtes que nous avons menées montrent, hélas ! que la planification, quand elle existe, est défaillante et dispersée. Parfois, des planifications locales existent, mais elles sont incomplètes ou appliquées de manière très inégale.

La mise en œuvre d’une planification rigoureuse et adaptée est une condition nécessaire, mais non suffisante ; il faut un pilote dans l’avion, qui coordonne les nombreux acteurs concernés et qui arbitre. Le rapport dessine en la matière un paysage très contrasté, ce pilotage étant, par exemple, pour ce qui concerne les gestionnaires de grands réseaux, plus abouti au sein d’EDF que de la SNCF.

Au-delà, les politiques d’adaptation doivent absolument être mieux coordonnées entre les acteurs et à l’échelle appropriée. La Cour préconise notamment de mieux coordonner les politiques d’adaptation entre les entités du bloc communal. Cela vaut pour divers secteurs, comme la rénovation thermique des bâtiments publics ou la végétalisation des espaces urbains.

Enfin, dans certains secteurs relevant de sa compétence, l’État lui-même ne joue pas correctement son rôle de stratège, qui consisterait à fixer des objectifs clairs et à définir une trajectoire pour les atteindre. Par exemple, pour sortir d’une logique de réponse au cas par cas, les gestionnaires d’infrastructures ferroviaires doivent pouvoir se référer à un niveau cible de résilience, partagé par toutes les parties prenantes, y compris les usagers. Or la définition de ce niveau, qui relève de la responsabilité de l’État, n’est pas totalement satisfaisante.

J’en viens au quatrième et dernier grand enseignement de notre rapport, assez naturel pour la Cour, qui concerne la manière de garantir la qualité de la dépense publique dans les politiques d’adaptation et de financer la mise en œuvre de ces politiques publiques. Nous avons donc analysé les moyens de mettre en œuvre des politiques efficientes, c’est-à-dire à la fois efficaces et soutenables.

Sur la question du financement, la plupart des chapitres du rapport montrent que l’évaluation des coûts de l’adaptation est lacunaire, voire inexistante. La « vérité des prix » est pourtant un élément essentiel d’arbitrage pour définir et mettre en œuvre des solutions financièrement soutenables.

Pour garantir des politiques efficientes, nous rappelons aussi que l’adaptation ne doit pas nécessairement passer par de nouvelles dépenses publiques. D’autres leviers peuvent être activés, qui consistent plutôt à inciter les acteurs à agir et à se responsabiliser. Par exemple, dans le secteur financier, le premier critère d’allocation des flux est celui de la rentabilité financière ; il faudrait y intégrer un critère d’impact environnemental, afin que les capitaux soient réorientés vers le financement de la transition.

La Cour préconise aussi la création de mécanismes de solidarité financière, comme un fonds d’aide à la recomposition du littoral face au recul inéluctable du trait de côte.

Par ailleurs, nous soulignons plusieurs points importants sur la conception et la mise en œuvre des politiques publiques.

D’abord, nous mettons en garde contre les risques de « mal-adaptation », qui sont souvent le résultat de logiques de court terme. Le déploiement systématique de la production de neige dans certaines stations de montagne, parfois même à température positive – une absurdité –, illustre bien ce constat. (M. Jean-Michel Arnaud proteste.)

M. Yannick Jadot. Très bien !

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Il en est de même du rechargement des plages en sable ou de la climatisation, qui ne sont pas de bonnes solutions, ni pour le logement ni pour le recul du trait de côte.

Ensuite, la Cour souligne le rôle essentiel de la recherche pour trouver des solutions adaptées, alors que les acteurs publics sont parfois démunis pour choisir les solutions les plus efficaces. En la matière, les performances sont très hétérogènes. Si l’agriculture céréalière a développé un système de recherche et d’innovation complet faisant intervenir secteur public et secteur privé, c’est moins le cas dans le domaine forestier ou dans celui du logement.

Enfin, pour mettre en œuvre de façon efficace des politiques d’adaptation, les décideurs doivent s’approprier les données, outils et solutions disponibles.

Voilà, mesdames, messieurs, les constats tirés de nos analyses sur l’adaptation et quelques-unes de nos préconisations en la matière. Dans la plupart des domaines, nous n’en sommes pas, heureusement, à l’année zéro – notre rapport le montre bien –, mais, pour autant, l’ampleur du défi qui nous attend est immense.

J’en viens à présent à la situation d’ensemble de nos finances publiques. Cette dernière est – je l’ai répété à maintes reprises au cours des derniers mois – préoccupante, mais elle l’est encore davantage à l’aune des analyses et informations dont nous disposons désormais sur les besoins d’adaptation.

La Cour a analysé la situation des finances publiques telle qu’elle se présente après l’exercice 2023, les principaux risques qui affectent l’exercice 2024 et la trajectoire prévue jusqu’à 2027. De cette analyse, nous tirons trois constats tout à fait sérieux.

Premier constat, l’année 2023 a été, au mieux, une année blanche pour la réduction du déficit public, lequel devrait même se creuser légèrement par rapport à 2022. Sur une trajectoire 2023-2027 exigeante – elle partait d’un point bas –, ce n’est pas un bon départ ; c’est peut-être même un faux départ !

L’année 2023 n’a pas été synonyme de sortie du « quoi qu’il en coûte » : 18 milliards d’euros de dépenses restent liés aux mesures tarifaires liées à l’énergie. Les recettes fiscales se sont révélées peu dynamiques ; le sursaut en la matière était attendu depuis deux ans, mais les élasticités mirobolantes mesurées jusqu’alors ont semble-t-il vécu. Les données sur l’exécution en recettes de l’État – les mauvaises surprises sont de l’ordre de 8 milliards d’euros – creusent encore un déficit qui, à 4,9 % du PIB, est déjà supérieur de 0,1 point à celui de l’année précédente. La marche à franchir pour réduire le déficit de 2024 à un niveau acceptable n’en est donc que plus haute.

Deuxième constat préoccupant pour les finances publiques : le respect de l’objectif de déficit pour 2024 n’est pas acquis, malgré les récentes décisions du Gouvernement.

En effet, la prévision de croissance de 1,4 % du PIB sur laquelle reposent la loi du 29 décembre 2023 de finances initiale pour 2024 et la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (LPFP) est trop optimiste. Cela n’est pas une découverte : en tant que président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), j’avais alerté la commission des finances sur ce point et nous pensions déjà, alors, que tous les postes de demande étaient surestimés.

Le Gouvernement a finalement décidé, en février dernier, d’abaisser sa prévision de croissance du PIB à 1 %, ce qui reste d’ailleurs encore supérieur au consensus des économistes. Il l’a fait sans modifier ni son objectif de déficit pour 2024 ni la trajectoire pluriannuelle de la LPFP, qu’il faut s’efforcer de préserver. Pour 2024, la loi de finances prévoit donc toujours une réduction de 0,5 point du déficit public, qui passerait de 4,9 % à 4,4 % du PIB. En réalité, la marche sera plus haute si le taux de 4,9 % venait à être dépassé significativement en 2023.

J’ajoute qu’aucun nouvel effort d’économie structurelle n’a été programmé dans la loi de finances pour 2024. Pour compenser la révision de croissance, le Gouvernement a donc été forcé d’annoncer 10 milliards d’euros d’annulation de crédits. C’est une décision cohérente avec la LPFP, mais il faut maintenant identifier et mettre en œuvre les réformes qui permettront ces économies, une annulation de crédits n’étant pas, je le rappelle, une économie structurelle.

Malgré ces annonces, je le dis sans détour, l’objectif de déficit pour 2024 est loin d’être acquis. D’une part, je le répète, la prévision de croissance du Gouvernement reste élevée et demeure au-dessus de la quasi-totalité des prévisions disponibles. D’autre part, les recettes de 2023 étant décevantes, la base des recettes pour 2024 sera plus faible que prévu. Si la dynamique n’est pas excellente en 2024, nous aurons un problème supplémentaire.

Il n’est donc pas certain – c’est un euphémisme – que l’objectif d’économies de 10 milliards d’euros soit suffisant pour maintenir la trajectoire de déficit. C’est sûrement la raison pour laquelle le ministre de l’économie a annoncé la semaine dernière que cette annulation de crédits n’était qu’une « première étape » avant un probable projet de loi de finances rectificative à l’été prochain, sur laquelle le HCFP aura également l’occasion de se prononcer.

Je serai très clair sur un point : même si nous parvenions, tant bien que mal, à tenir l’objectif de déficit de 4,4 % du PIB en 2024, nos finances publiques demeureraient parmi les plus dégradées de la zone euro. Un tel niveau de déficit, associé à un niveau de dette publique proche de 110 % du PIB, représente un véritable décrochage non seulement par rapport aux pays les plus performants ou les plus vertueux – l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas – mais également par rapport à des pays comme le Portugal, l’Espagne ou la Belgique. Nous devons regarder cette réalité en face : comme le disait avec moi ce matin le gouverneur de la Banque de France, nous avons, à cause de nos déficits, un problème de crédibilité en Europe.

Or – c’est notre troisième constat – la trajectoire fixée par la LPFP à l’horizon de 2027 est la fois peu ambitieuse et très fragile. Elle est peu ambitieuse, car nous visons en réalité un retour du déficit sous les 3 % du PIB en 2027, soit plus tard que la totalité de nos partenaires de la zone euro, certains ayant même déjà atteint cet objectif. Nous sommes donc non seulement loin de l’objectif de moyen terme, fixé à 0,4 % du PIB – nous pouvons carrément l’oublier –, mais nous sommes même loin des critères du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Non seulement cette trajectoire est peu ambitieuse, mais elle est – disons-le – pour le moment fragile et peu crédible. Elle ne présente en effet aucune marge de sécurité, tant les hypothèses sous-jacentes sont optimistes. Surtout, la trajectoire prévue repose sur des efforts d’économies qui sont absolument sans précédent dans l’histoire récente. Nous parlons ici de 50 milliards d’euros. La LPFP prévoit un effort pérenne de réduction des dépenses de 12 milliards d’euros en 2025, réparti entre l’État et la sphère sociale. Le ministre des comptes publics a annoncé la semaine dernière que cette réduction serait probablement de 20 milliards d’euros. C’est donc assez cohérent avec les chiffres dont nous disposons.

À ce stade, ces économies ne sont ni documentées ni étayées. Je plaide depuis longtemps pour des revues de dépenses intelligentes et structurelles. La Cour des comptes y participera. Le Premier ministre nous a demandé trois revues de dépenses, sur le financement des collectivités locales, sur la régulation de l’assurance maladie et sur les dépenses de crise. Nous les présenterons d’ici au mois de juin prochain.

La priorité, au cours des prochains mois, sera de concilier ajustement budgétaire et amélioration du potentiel de croissance. Chaque mauvaise nouvelle sur le front de la croissance devra être compensée pour préserver notre trajectoire, mais ces compensations ne doivent pas, en retour, nuire à la croissance. C’est un défi considérable et pourtant incontournable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons trop tardé – tel est le message de la Cour – à nous attaquer à la réduction de nos déficits et de notre dette, ainsi qu’à la maîtrise de la dépense publique. L’effort à faire est considérable. Au regard des fonctions que j’ai jadis exercées, je ne sous-estime pas les difficultés de l’exercice à la fois économique, financier, politique et même démocratique, mais nous ne pouvons pas nous y dérober : il n’est plus possible d’accepter un état aussi dégradé de nos finances publiques. Le faire nous exposerait à de lourdes déconvenues.

Il nous faudra à la fois une volonté politique claire, du courage – les mesures à prendre ne sont pas populaires –, de l’intelligence – pour éviter de faire des économies qui nuisent à la croissance et à la cohésion sociale –, mais encore de la pédagogie, afin que nos citoyens comprennent pourquoi le désendettement est nécessaire, non par goût de l’austérité, mais pour retrouver des marges de manœuvre permettant d’investir dans l’avenir, notamment dans la lutte contre le changement climatique.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, notre rapport illustre la diversité des sujets traités par les juridictions financières, qui sont en prise avec l’actualité et les réalités du terrain.

Surtout, ce rapport montre que notre capacité à faire face aux effets du changement climatique est étroitement liée à la situation de nos finances publiques. L’adaptation et plus largement la transition écologique composent les briques du mur d’investissements qui se dresse devant nous. Pour surmonter ce mur, nous devons d’abord araser la montagne d’endettement, qui est déjà élevée.

Je me tiens maintenant prêt à répondre à vos questions et observations, que j’attends impatiemment. (Applaudissements sur toutes les travées, à lexception de celles des groupes CRCE-K et GEST.)

M. le président. Monsieur le Premier président, je vous remercie et vous donne acte du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Nous allons procéder au débat, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

La parole est à M. le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour la remise au Parlement du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Cet exercice traditionnel est loin de résumer la densité de nos relations avec cette institution. À titre d’exemple, la commission des finances a entendu hier la Cour sur le sujet de la délivrance des titres sécurisés, sujet sensible pour nos concitoyens comme pour les collectivités territoriales.

Nous aurons également le plaisir, monsieur le Premier président, de vous retrouver dès la semaine prochaine pour la présentation de l’enquête que nous vous avons commandée sur les crédits exceptionnels de soutien à la culture et aux industries culturelles.

De façon plus générale, les rapporteurs spéciaux de la commission suivent toujours avec intérêt les travaux de la Cour de comptes dans leurs champs de compétences. Il en sera de même, à n’en pas douter, du contenu de cette édition du rapport public annuel.

Avant d’entrer dans le détail de ce rapport, je m’attarderai un instant sur l’état de nos finances publiques, ainsi que sur quelques éléments que nous connaissons bien pour les avoir suivis au cours de nos travaux budgétaires.

La Cour rappelle que la croissance s’est élevée à 0,9 % en 2023 et relève que le Gouvernement, après avoir envisagé une croissance de 1,4 % pour 2024, a révisé à la mi-février ses hypothèses macroéconomiques, en prévoyant une croissance de 1 % cette année. La prudence et le réalisme auraient pourtant dû conduire à retenir, dès la fin de 2023, des hypothèses moins optimistes. Nous l’avons indiqué à plusieurs reprises dans cet hémicycle lors des débats sur la loi de finances.

Par conséquent, le déficit public devant dépasser significativement, si l’on en croit les propos récents du ministre des finances, le ratio initialement prévu de 4,9 % du PIB en 2023, la marche pour atteindre comme prévu 4,4 % en 2024 n’en sera que plus haute. Vous l’avez clairement indiqué, monsieur le Premier président : le plan de 10 milliards d’euros d’économies mis en place par décret n’y suffira pas. Comme le souligne la Cour des comptes, la révision de la prévision de croissance pour 2024 demeure encore au-dessus du consensus des économistes, qui s’établit à 0,7 %.

Faute d’avoir retenu dès l’examen du projet de loi de finances des prévisions réalistes, le Gouvernement risque de s’écarter, dès 2024, de la trajectoire pluriannuelle 2023-2027 inscrite dans la loi de programmation des finances publiques promulguée en décembre dernier et que vous appeliez de vos vœux, monsieur le Premier président. Et comment ne pas s’étonner qu’un projet de loi de finances, maîtrisé plus encore que d’habitude de A à Z par l’exécutif, du fait de l’usage du 49.3, débouche sur la plus forte annulation de crédits budgétaires jamais réalisée, et ce quasiment dès sa promulgation ?

Je pourrais évidemment passer des heures à critiquer la politique budgétaire du Gouvernement, à regretter, comme tous les ans, sa propension à financer des baisses d’impôts par de la dette et à maintenir sa politique fiscale – je pense à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et à l’impôt sur le revenu – au prix de coups de rabot totalement inefficaces sur la dépense publique. Mais le Parlement a malheureusement en commun avec vous, monsieur le Premier président, d’avoir la désagréable impression de prêcher dans le désert…

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Pour notre part, nous ne pouvons accepter plus longtemps que la préparation du budget procède de déclarations d’intention donnant lieu à de brutales corrections en cours d’exercice.

Mes chers collègues, dès cette année, nous devons remettre à plat l’ensemble du budget, tant en recettes qu’en dépenses, en veillant avant tout à ce que chacun contribue aux corrections à apporter de façon juste et proportionnée et non en faisant in fine porter l’essentiel de l’effort sur les plus fragiles d’entre nous, directement ou indirectement. Notre pays a besoin d’une vision d’ensemble, de priorités claires, de choix aussi concertés que possible.

J’en viens à la partie thématique du rapport public annuel. Celle-ci développe, sous de nombreux aspects, les enjeux découlant de la nécessité d’intégrer dans nos politiques publiques les conséquences du changement climatique, sujet aussi vaste que complexe, il faut bien l’avouer.

Nombre des sujets abordés par la Cour font écho à différents travaux du Sénat, réalisés récemment ou en cours. Ainsi, en ce qui concerne MaPrimeRénov’, la Cour souligne « l’impact mesuré en termes d’efficacité énergétique » du dispositif, ce qui rejoint les conclusions, publiées en juillet dernier, de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique et celles de notre rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». MaPrimeRénov’ a principalement visé la réduction des émissions de gaz à effet de serre via le financement de travaux par étapes, au détriment des rénovations globales. La Cour des comptes indique ainsi que ces dernières ne représentent que 3 % des surfaces rénovées. Curieusement, alors que le Gouvernement avait décidé de recentrer le dispositif sur les projets d’ampleur, il a fait machine arrière et annoncé vouloir revenir au financement des opérations « monogeste », même si celles-ci sont beaucoup moins efficaces.

La Cour des comptes met également l’accent sur le risque que fait peser sur les logements le phénomène de retrait-gonflement des argiles, auquel plus de la moitié des logements sont exposés. Là encore, ces conclusions vont dans le sens de nos travaux, qui mettaient en avant la véritable menace que représente ce phénomène pour l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Nous soulignions ainsi, tout comme le fait la Cour, les limites des dispositifs actuels, ainsi que la nécessité d’orienter les efforts vers le bâti existant, qui demeure l’angle mort de la politique de prévention.

La Cour consacre aussi un chapitre à l’adaptation des villes au changement climatique. Je rappelle à cet égard que la commission des finances et la commission du développement durable ont lancé une mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024.

Le changement climatique affecte aussi très directement les infrastructures de transport et de distribution d’électricité. La commission d’enquête sur la consommation, la production et les prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, qui conduit actuellement ses travaux, s’intéressera probablement à cette question.

Par ailleurs, je n’oublie pas que, à la demande de la commission des finances, la Cour des comptes s’est penchée en mars 2023 sur les enjeux de l’adaptation des parcs nucléaire et hydroélectrique au changement climatique. Ses développements sur le sujet alimentent le présent rapport public annuel. À l’heure où la France entend, d’une part, prolonger le plus longtemps possible son parc nucléaire historique et, d’autre part, lancer un ambitieux programme de construction de nouveaux réacteurs, la prise en considération des incidences du changement climatique sur les centrales est une exigence incontournable.

Enfin, en ce qui concerne la prévention des catastrophes naturelles liées au climat en outre-mer, la Cour relève que les politiques actuelles de prévention sont guidées par l’urgence et portent davantage sur la réparation des dégâts que sur la prévention des catastrophes. C’est un constat qui avait déjà été fait par notre commission. Il conviendra d’y revenir dans un avenir proche, si l’on veut se préparer à la suite.

Plus généralement, il est indispensable, sur ces sujets, de prévoir une association et un accompagnement des différents acteurs, en premier lieu les collectivités territoriales. Celles-ci doivent certes, comme l’indique la Cour, « intégrer l’enjeu de l’adaptation [au changement climatique] de façon concrète », mais l’introduction, dans leurs politiques et actions, d’objectifs nouveaux en lien avec ce sujet nécessite des arbitrages entre des politiques anciennes, comme le logement ou le renouvellement urbain, et des politiques plus récentes, telles que le développement d’espaces verts et la lutte contre l’artificialisation des sols. Ces politiques peuvent en effet paraître parfois contradictoires.

Il suffit pour s’en convaincre d’écouter nos collègues qui se penchent actuellement sur les conséquences du « zéro artificialisation nette » (ZAN) et sur ses modalités de financement. Quoi qu’il en soit, les mécanismes de solidarité financière, verticaux comme horizontaux, sont plus que jamais nécessaires.

Je termine ainsi les quelques développements que je souhaitais faire à l’occasion de la présentation de ce rapport. Il était bien entendu impossible de faire le tour des sujets abordés dans le temps qui m’était imparti. Je ne doute pas que les travaux de la Cour des comptes nourriront ceux du Parlement au cours des prochains mois, comme cela a toujours été le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, comme chaque année, nous avons pris connaissance avec grand intérêt du rapport annuel publié hier, mardi 12 mars, par la Cour des comptes.

Comme il est de coutume, ce rapport fait tout d’abord un point sur la situation d’ensemble des finances publiques.

Celui-ci reste alarmant, monsieur le Premier président. La Cour souligne le caractère dégradé de nos finances publiques, tant dans l’absolu, par rapport à la situation d’avant crise, que par rapport à nos voisins européens. Vous pointez également le risque que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, datant de décembre dernier, ne soit d’ores et déjà caduque si des efforts vigoureux en matière de réduction des dépenses publiques ne sont rapidement entrepris.

Ce constat soulève le problème de sincérité des comptes. Les textes financiers de l’automne dernier, qu’il s’agisse de la loi de finances ou de la loi du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale, ont été adoptés sur le fondement d’une prévision de croissance du PIB de 1,4 %, alors que, comme l’avait alors souligné le Haut Conseil des finances publiques, le consensus des économistes était sensiblement plus bas, à 0,8 %.

Aujourd’hui, alors que l’encre de ces lois financières est à peine sèche, le Gouvernement révise sa prévision à 1 %, un niveau que la Cour continue de considérer comme optimiste, et se sent autorisé, sur ce fondement, à diminuer par décret les dépenses de l’État de quelque 10 milliards d’euros. Quoi que l’on puisse penser de la pertinence des coupes ainsi décidées par le Gouvernement, comment ne pas y voir un dévoiement de la procédure ?

Comme vous, nous savons bien, monsieur le Premier président, que l’examen des textes financiers est l’un des temps forts de notre vie démocratique. L’adoption du budget est même l’une des principales raisons qui ont conduit à créer des assemblées parlementaires. Or non seulement ces textes ne sont plus examinés par l’Assemblée nationale, en raison de l’emploi systématique et de plus en plus précoce par le Gouvernement des dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, mais cet exercice est de surcroît vidé de son sens puisque le Gouvernement se fonde sur des prévisions irréalistes qu’il révise par la suite seul, comme bon lui semble.

Comment accepter de telles pratiques, aussi contraires à l’esprit de nos institutions ? J’espère vraiment qu’il ne s’agit que d’un mouvement passager, lié à l’approche d’une échéance électorale, et que, si besoin, le Parlement sera rapidement saisi de projets de loi de finances rectificative et de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Le Sénat sera, comme toujours, prêt à en débattre de manière constructive.

Je pense également qu’à la lumière de ces événements le Conseil constitutionnel se réinterrogera sur la façon dont il fait appliquer le principe de sincérité budgétaire quand il examine les textes financiers. Un principe régulièrement affirmé, mais jamais appliqué n’est, in fine, plus respecté…

M. Hugues Saury. C’est vrai !

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. En ce qui concerne plus précisément les finances de la sécurité sociale, je relève que la Cour des comptes s’inquiète de la trajectoire de déficit envisagée par le Gouvernement : 17,2 milliards d’euros en 2027, en l’absence de tout creux économique. Le Sénat et sa commission des affaires sociales avaient déjà exprimé les mêmes inquiétudes à l’automne dernier, rejetant l’article actant cette trajectoire financière.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Nous ne pouvons donc que vous suivre dans cette analyse, monsieur le Premier président.

En termes plus concrets, je rappelle que le Sénat a pris toute sa part et toutes ses responsabilités – c’est le moins que l’on puisse dire – sur la réforme des retraites adoptée l’année dernière, comme il l’avait fait, d’ailleurs, en matière d’assurance chômage.

À titre plus personnel, je veux exprimer ma réelle préoccupation face à l’absence de perspective de réforme structurelle dans le domaine de la santé ou de la prise en charge de la dépendance. Hier comme aujourd’hui, la seule vision du Gouvernement consiste, semble-t-il, à déverser toujours plus d’argent dans un système à bout de souffle, sans qu’aucun acteur en tire satisfaction. Ni les patients, ni les professionnels de santé, ni les directeurs d’établissement ne se considèrent comme bien traités, alors même que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) a augmenté de plus de 49 milliards d’euros en cinq ans. On voit bien que notre système ne fonctionne pas et que nous ne nous en sortirons pas sans toucher au cadre général par une réforme de fond.

En dehors de ce chapitre traditionnel, le rapport annuel traite de l’adaptation de l’action publique au changement climatique.

Je me suis tout particulièrement intéressé au volet relatif à la protection de la santé des personnes vulnérables face aux vagues de chaleur. Nous nous souvenons tous des conséquences dramatiques de la canicule de l’année 2003, en particulier dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et plus généralement pour les personnes âgées. L’enquête de la Cour montre bien que des mesures ont été adoptées depuis cette canicule historique. Le rapport cite notamment l’institution des plans Canicule, le déclenchement d’alertes météo spécifiques, l’obligation pour les communes de tenir des listes des personnes âgées et isolées ou encore l’installation de salles rafraîchies dans les Ehpad.

Néanmoins, vos travaux font apparaître que l’impact des vagues de chaleur sur les populations fragiles reste mal documenté et que des mesures sont encore à prendre. La Cour recommande notamment de renforcer notre connaissance des conséquences des vagues de chaleur sur les personnes vulnérables, d’élaborer une liste de médicaments d’intérêt en cas de vague de chaleur et de la diffuser aux professionnels de santé, d’élargir les critères d’inscription des personnes les plus vulnérables sur le registre municipal, et de réaliser l’inventaire du parc immobilier des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux afin d’évaluer son adaptation aux vagues de chaleur.

Si j’approuve le sens de vos conclusions, je relève, là encore, que les charges supplémentaires qui devraient en résulter, notamment pour adapter les lieux de vie des personnes dépendantes, pèseraient sur des acteurs aujourd’hui à bout de souffle. Comme la santé, la cinquième branche de la sécurité sociale souffre d’un manque de vision, que matérialiserait un projet de loi Grand Âge si souvent annoncé et jamais déposé devant le Parlement. C’est tellement vrai que nous avons dû inclure, dans la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie, un article afin d’engager le Gouvernement à déposer enfin un projet de loi de programmation sur le grand âge.

Quelque méritoires qu’elles soient, des propositions de loi successives ne sauraient fixer le cap dont les acteurs de la dépendance ont tant besoin. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités pour réformer.

Je conclus en vous remerciant, monsieur le Premier président, pour la qualité de vos travaux et des éclairages qu’ils nous apportent. La commission des affaires sociales apprécie tout particulièrement sa coopération avec la Cour des comptes, qui ne se limite évidemment pas à nos échanges sur le rapport public annuel. Je pense bien sûr au rapport sur la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale et au rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mais je pense aussi aux enquêtes que nous demandons à la Cour en application du code des juridictions financières, comme récemment sur l’Agence de la biomédecine, ou prochainement sur la santé respiratoire. Ces travaux nous apportent toujours un éclairage utile, propre à alimenter notre action et, bien entendu, notre engagement politique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le groupe Union Centriste tient à remercier la Cour des comptes et ses membres d’avoir réalisé cet important travail d’investigation sur les politiques publiques. Nous tenons également à remercier M. le président du Sénat d’avoir aussi rapidement inscrit à l’ordre du jour cet important débat.

Nous avions eu l’occasion, en 2022, par la voix de Vincent Capo-Canellas, de rappeler la situation financière de l’État et l’état dégradé des comptes publics. Vincent Delahaye, au cours de la même année, avait quant à lui évoqué la situation alarmante de notre balance commerciale, qui était alors en déficit de 160 milliards d’euros, contre un peu moins de 100 milliards d’euros en 2023. C’est peu dire que nous sommes en difficulté à cet égard.

L’année dernière, notre collègue Jean-Marie Mizzon a eu l’occasion d’évoquer les collectivités locales, sur lesquelles vous aviez fait un focus. Puisque le Gouvernement vous a sollicité de nouveau à ce sujet, je tiens à rappeler le message qu’il avait voulu faire passer : l’autonomie financière des collectivités territoriales est cruciale. J’espère que vous conserverez ce message à l’esprit lorsque vous serez amené à formuler des propositions sur ce sujet.

Cette année, le rapport porte bien sûr sur la situation des comptes publics – j’y reviendrai tout à l’heure –, mais vous avez aussi souhaité mettre l’accent sur le développement durable au travers de seize enquêtes assez approfondies sur différents sujets. Le groupe UC tient là aussi à vous remercier de ce travail important, qui nous sera utile pour la définition des politiques publiques à mener.

Évoquant la question du changement climatique de manière générale, vous souhaitez que l’effort de recherche soit accru pour mieux connaître ce phénomène. Nous soutenons bien entendu cette proposition, comme celle qui concerne l’aide publique au développement, sujet que je suis particulièrement. Vous souhaitez par ailleurs qu’un travail de vulgarisation des bonnes pratiques soit fait, ce que nous ne pouvons qu’approuver.

Toujours sur cette thématique, vous abordez la question des outre-mer. À cet égard, ma collègue Lana Tetuanui m’a chargé de souligner l’intérêt de votre proposition de création d’un fonds de lutte contre les risques naturels en Polynésie française.

Vous évoquez en outre les questions de réseau, ferroviaire et électrique : le premier doit être adapté au changement climatique et le second doit être dimensionné pour le transport futur d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables et d’énergie nucléaire, qui va aller en augmentant.

Je tiens également à évoquer la question des stations de montagne. Mon collègue Jean-Michel Arnaud, élu des Hautes-Alpes, m’a rappelé que la situation était assez contrastée selon les stations et qu’il ne fallait pas toutes les traiter de la même façon. Il y a des zones géographiques où les stations sont effectivement menacées, mais il y en a d’autres dont le modèle économique fonctionne bien. Soyons attentifs à ces différences.

M. Michel Canévet. Telles sont les remarques que je souhaitais faire sur les questions de développement durable.

J’en viens à la situation des finances publiques. Monsieur le Premier président, je partage totalement le constat alarmiste que vous avez fait à la tribune. La situation des comptes publics de 2023 nous oblige à une remise en cause, à travers un effort important de recherche d’économies et de recettes nouvelles.

Pour ce qui est des recettes, le groupe UC a eu l’occasion, au cours des deux dernières années, de formuler différentes propositions lors de l’examen des budgets. Je pense en particulier à un travail approfondi à mener sur les niches fiscales, qu’il convient de remettre en cause. Je pense aussi à la proposition de transformation de l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive, dans un souci d’efficacité. C’est une proposition qui a été formulée par Sylvie Vermeillet et je souhaite qu’elle soit approfondie.

Par ailleurs, notre collègue Nathalie Goulet mène tout un travail sur la lutte contre la fraude, tant fiscale que sociale. C’est un secteur sur lequel il faut prolonger nos efforts, le gisement de ressources étant absolument considérable. L’aide de la Cour des comptes nous sera particulièrement utile à cet égard, monsieur le Premier président.

Le rapport pointe une situation des finances publiques beaucoup plus préoccupante pour l’exercice 2023 que ce qui avait été prévu : 5,3 % du PIB au lieu de 4,9 %. Peut-être que, en conclusion de notre débat, le commissaire européen que vous fûtes pourra nous indiquer quelles pourraient être les conséquences de cette situation au regard du pacte de stabilité et de croissance.

La Cour estime indispensable de réaliser des économies de l’ordre de 50 milliards d’euros entre 2025 et 2027, quand le Gouvernement se satisferait de 12 milliards d’euros par an. Le groupe UC partage plutôt votre analyse : l’effort devra se situer à un niveau d’au moins 50 milliards d’euros si nous voulons atteindre rapidement l’équilibre des comptes publics, un objectif incontournable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, hier, mardi, à dix heures, tel est l’horaire auquel nous avons reçu le rapport de la Cour des comptes, qui est l’objet du débat que nous avons aujourd’hui, soit trente heures pour parcourir 725 pages. Si l’on ajoute à cela la réduction du temps de débat, notre propre institution ne s’honore pas aujourd’hui. On fustige souvent le Gouvernement pour son manque de respect du Parlement, mais, mes chers collègues, commençons déjà par nous respecter nous-mêmes.

Bref, nous sommes ici aujourd’hui pour échanger – rapidement – autour du rapport de la Cour des comptes, dont les analyses et conclusions mettent en lumière les défis majeurs auxquels notre pays est confronté en matière d’adaptation au changement climatique. Il est heureux que la Cour se penche enfin sur la préparation de notre pays aux chocs qui viennent.

En préambule, il est important de contextualiser la situation économique actuelle. Le rapport souligne que les années 2022 et 2023 ont été marquées par des tensions inflationnistes et des prix de l’énergie élevés, ce qui a laissé des marques profondes sur nos finances publiques. Ce sont ces tensions économiques qui justifient aujourd’hui, aux yeux du Gouvernement, les saignées qu’il s’apprête à réaliser dans les dépenses publiques : –10 milliards d’euros par décret cette année, –20 milliards d’euros en 2025, puis –30 milliards d’euros supplémentaires jusqu’en 2027, avec des priorités dangereuses, puisqu’il s’agit de sabrer dans les dépenses d’avenir comme la recherche, l’écologie ou l’éducation.

Le contexte étant posé, le rapport, dans ses 700 pages restantes, s’attarde à examiner l’adaptation au changement climatique et met en lumière plusieurs lacunes et défis majeurs.

Tout d’abord, il y a un manque de chiffrage clair des efforts budgétaires nécessaires pour faire face à ce défi. Les retards dans l’élaboration d’une stratégie nationale mettent en péril de nombreux territoires et secteurs d’activité. Les collectivités ne sont pas épargnées, puisque la Cour des comptes souligne que les villes françaises ont adopté tardivement des stratégies d’adaptation au changement climatique et qu’elles ne répondent que partiellement aux enjeux. Elle préconise donc une rationalisation et une articulation accrues, avec une stratégie nationale d’adaptation plus clairement définie.

Par ailleurs, le rapport aborde les défis spécifiques auxquels sont confrontées nos infrastructures, comme les réseaux ferroviaire et électrique, notamment les événements climatiques extrêmes. Les outils actuels ne permettent pas de modéliser pleinement les effets du changement climatique, ce qui les expose, ce qui nous expose, à des risques accrus. Des investissements supplémentaires et une meilleure coordination entre les opérateurs sont nécessaires pour renforcer la résilience de ces réseaux.

Nous pourrions aussi noter que, en la matière, se fixer comme seul indicateur de transition la décarbonation peut s’avérer dangereux. Pour les investissements massifs prévus dans le nucléaire, par exemple, la décarbonation se heurtera à des enjeux de concurrence d’usage de la ressource en eau, raréfiée par la crise climatique.

Enfin, le rapport soulève la question de l’efficacité de la dépense publique et celle de la nécessaire transformation de notre fiscalité environnementale, notamment en anticipant les rendements plus faibles que celle-ci pourrait connaître si elle atteint ses objectifs.

Vous l’aurez constaté, mes chers collègues, le contraste est absolument saisissant entre le chapitre consacré aux finances publiques et le reste du rapport. Ces deux parties sont presque antinomiques ! On ne comprend pas comment on pourrait relever tous ces défis en s’inscrivant dans une logique de rigueur et d’orthodoxie budgétaires : c’est factuellement impossible. La dette climatique entre en concurrence avec notre dette financière.

Les écologistes plaident depuis longtemps en faveur d’une refonte globale de la fiscalité, car la transition écologique pèsera sur les recettes actuelles liées à l’énergie. Aussi, nous militons en faveur d’une politique budgétaire contracyclique afin de financer la transition écologique et soutenir les plus précaires.

Pour conclure, je dirai que ce rapport est un document important pour nos politiques environnementales. Il expose longuement les défis interconnectés auxquels nous sommes confrontés en matière d’adaptation au changement climatique. Ces défis exigent de l’État, des collectivités, de la sphère privée, une action urgente et coordonnée. Cette action est absolument nécessaire, mais elle est strictement incompatible avec la trajectoire budgétaire qu’envisage le Gouvernement. Ce rapport constitue un énième signal d’alarme de la part d’une institution qui n’est pas réputée pour sa radicalité : il faut le prendre très au sérieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le monde change ! Oui, le monde change : s’il fut un temps, pas si lointain, où la presse narrait les événements de la veille, sachez, mes chers collègues, que désormais, la presse annonce ce qui va se passer le lendemain. Nous venons d’en avoir une illustration éclatante avec la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes. Celui-ci était sous embargo jusqu’à hier matin, dix heures, pour les parlementaires, mais fort heureusement, nous en avions les meilleures pages en accès libre dans le quotidien Les Échos, avec l’interview en exclusivité du Premier président, ici présent, M. Moscovici.

L’exécutif nous avait habitués depuis quelque temps à cette forme de communication, mais je voulais souligner en préambule ce dysfonctionnement à nos yeux très dommageable pour le Parlement, consommant ainsi quelques secondes des quatre maigres minutes qui nous sont allouées dans ce débat.

C’est donc mission impossible d’analyser et de commenter les 725 pages des deux volumes du rapport annuel, mais le ton était donné en une dudit journal : « Des efforts d’économie sans précédent dans l’histoire récente sont nécessaires ». Malgré l’importance des sujets abordés dans ce rapport, mon propos se bornera à traiter de nos finances publiques.

Le Gouvernement avait déjà l’ambition de réduire la dépense publique de 16 milliards d’euros avec le PLF 2024, et des décrets d’urgence viennent de tomber, avec un coup de rabot de 10 milliards d’euros. M. Le Maire nous dit que le plus dur est devant nous et la Cour des comptes évalue à 50 milliards d’euros les économies à réaliser sur la période 2025-2027. N’en jetez plus, la cour est pleine !

Comme toujours, le regard ne se porte que sur les dépenses. Un petit rayon de soleil toutefois, une note d’espoir, un point positif : selon M. le Premier président, « la question fiscale n’est pas taboue » ; « le “circulez, il n’y a rien à voir” sur la fiscalité [lui] paraît trop rapide ». Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K…

M. Éric Bocquet. En ce qui concerne les nombreuses pistes à examiner côté recettes, la Cour a publié un excellent rapport en juillet 2023 sur le pilotage et l’évaluation des dépenses fiscales. Elle y indiquait que pas moins de 465 dispositifs, communément appelés « niches fiscales », étaient appliqués dans notre pays aujourd’hui, représentant pour le budget de la République une dépense globale de 94,2 milliards d’euros en 2022. Dans son commentaire, la Cour indiquait : « Aucune évaluation sur les onze prévues dans le programme de travail pour 2022 n’a été réalisée. Certains dispositifs […] n’ont en outre pas fait l’objet d’évaluation depuis dix ans. » Le Gouvernement a-t-il pris connaissance de ce rapport ? Je le souhaite…

Nous pourrions bien sûr évoquer à ce stade l’indispensable renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale, qui nous coûte plusieurs dizaines de milliards chaque année. Nous pourrions aussi évoquer les 153 milliards d’euros de profits records réalisés l’an dernier par les entreprises du CAC 40 et les 67,8 milliards d’euros de dividendes distribués.

Alors oui, nous vous suivons sur le nécessaire débat sur la fiscalité, monsieur le Premier président.

On dit que les voyages forment la jeunesse. M. Bruno Le Maire participait voilà quelques jours à une rencontre des ministres des finances du G20 à São Paulo, au Brésil. Si notre ministre est arc-bouté sur son dogme « Pas d’impôt nouveau » ici en France, là-bas, au Brésil, il a fait cette déclaration : « Nous voulons que l’Europe porte cette idée de taxation minimale des individus le plus rapidement possible et la France sera en pointe sur ces sujets ». Bruno Le Maire serait-il devenu le Dr. Jekyll et Mr. Hyde de la fiscalité ?

Entre avril 2022 et avril 2023, le nombre de milliardaires a augmenté de 7 %. Ils sont aujourd’hui au nombre de 2 544 dans le monde, selon la banque suisse UBS. Leur fortune cumulée atteint le chiffre astronomique de 13 000 milliards de dollars. Nous savons un peu mieux où faire porter les « efforts sans précédent ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, j’interviens dans ce débat en lieu et place de mon collègue Raphaël Daubet, qui ne peut être présent en raison d’un empêchement de dernière minute.

Le rapport public annuel de la Cour des comptes est passionnant et ô combien nécessaire, mais sa publication intervient toujours dans un délai trop restreint avant la tenue de ce débat, a fortiori au vu de son volume : plus de 700 pages !

Cette année surtout, sa publication la veille même du débat a empêché les parlementaires de préparer des interventions approfondies, alors même que des articles avaient été publiés dans la presse dès lundi dernier. S’ajoutent à cela les contraintes liées à la tenue, juste après celui-ci, d’un débat encore plus fondamental, sur l’accord de sécurité franco-ukrainien.

Malgré ces différentes réserves, plusieurs commentaires peuvent être faits sur ce rapport public annuel.

Tout d’abord, sans surprise, celui-ci présente une analyse de la situation dégradée de nos finances publiques. Les constats qu’il dresse avaient déjà été faits avant l’examen du projet de loi de finances pour 2024 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Ils ont de nouveau été évoqués après l’annulation de 10 milliards de crédits accomplie par décret le 21 février dernier.

Le rapport annuel a le mérite d’effectuer une comparaison avec nos principaux voisins et partenaires, à l’exception notable du Royaume-Uni : si la hausse du déficit structurel depuis la crise sanitaire s’est révélée relativement limitée, car ce déficit était déjà important en France, c’est surtout notre endettement public qui a beaucoup augmenté relativement aux autres pays européens, dont certains se sont même désendettés au cours des quatre dernières années.

L’essentiel du rapport est concentré sur l’adaptation de l’action publique au changement climatique, ce qui m’inspire plusieurs remarques.

Tout d’abord, nombre de préconisations visent, assez prosaïquement, à améliorer le suivi des différents indicateurs relatifs aux politiques publiques menées face au changement climatique. Encore aujourd’hui, il semble que la puissance publique ne dispose pas de mesures et de données suffisamment précises ; le monitoring reste donc une priorité.

Pourtant, les effets du changement climatique sont déjà bien réels et l’heure est non plus seulement à l’accumulation de connaissances, même si la recherche française semble y exceller, notamment en sciences du climat, ce qui est heureux, mais à de véritables actions d’atténuation à ce changement et d’adaptation ; on n’ose plus dire « d’inversion »…

De bonnes tendances sont à noter. Ainsi des moyens alloués chaque année à la rénovation énergétique des bâtiments : seuls 3 milliards d’euros y étaient encore consacrés en 2015, contre environ 7 milliards aujourd’hui. Il faut accélérer cette trajectoire !

Un autre exemple apparemment positif est la réduction significative de la consommation d’énergie des armées : cette baisse atteint 20 % en dix ans. Toutefois, cette tendance va-t-elle se poursuivre avec le changement de contexte géopolitique ?

Enfin, il faut rappeler la nécessité d’associer les acteurs locaux et les collectivités à la mise en œuvre de ces politiques d’atténuation et d’adaptation. La gestion du recul du trait de côte en est une illustration concrète, ainsi que la difficile articulation de ces politiques avec la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations).

Voilà, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais faire à l’occasion de la publication de ce rapport annuel, dans le temps limité qui nous est imparti. Bien d’autres sujets abordés dans ce rapport auraient pourtant mérité d’être évoqués ; ainsi des analyses de la Cour sur les stations de ski, qui ont fait du bruit dans nos montagnes, ou encore sur l’agriculture, dans un contexte de crise politique importante dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, qu’il soit question de la situation générale des finances publiques ou de l’adaptation de nos politiques publiques aux conséquences du dérèglement climatique, notre groupe de la majorité présidentielle partage la principale conclusion de ce rapport : les efforts à fournir sont considérables et nous devons dégager des marges de manœuvre afin de financer l’avenir.

Oui, il faut bien reconnaître que la situation macroéconomique actuelle est moins positive que celle que l’on espérait. Est-il pour autant pertinent, de la part des oppositions, d’intenter au Gouvernement un procès en insincérité budgétaire ? Je ne le crois pas. Au regard de la chute rapide de nos recettes à la fin de l’année dernière et de la dégradation du contexte économique international, mais aussi des choix similaires de nos voisins européens, gardons-nous de tout jugement hâtif et injuste !

La conjoncture s’est bien assombrie depuis la présentation du projet de loi de finances pour 2024, comme vous le soulignez dans votre rapport, monsieur le Premier président. C’est pourquoi nous partageons votre constat : il faut agir rapidement afin d’assainir la trajectoire des dépenses publiques.

Le Gouvernement a commencé à le faire, en lançant par exemple des projets structurels visant à faire des économies dans nos dépenses. Ces efforts commencent à se matérialiser cette année : je pense notamment à la réforme de l’assurance chômage. Cette volonté de redressement de la trajectoire s’est également traduite, cette année, par l’effort important, en cours de gestion, que constitue le décret d’annulation de 10 milliards d’euros de crédits de l’État.

La consolidation budgétaire progressive prévue par le Gouvernement devra évidemment se poursuivre afin de permettre le redressement de la trajectoire. Pour espérer ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB en 2027, nous devrons impérativement faire des choix difficiles en matière de dépense publique, afin de dépenser moins, mais surtout de dépenser mieux ! Oui, il faut mettre fin à cette addiction des Français aux largesses de l’État, qui engendre chaque jour de nouvelles revendications !

Au-delà d’un éventuel projet de loi de finances rectificative que le Parlement pourrait examiner cet été, je suis, comme vous, mes chers collègues, impatient de travailler sur la revue des dépenses publiques que le Gouvernement présentera bientôt. Cette nouvelle vague de revue des dépenses, engagée dès la fin de l’année 2023, permettra de renforcer la crédibilité de l’action publique et son efficacité. N’oublions pas qu’il est très difficile, en France, de revenir sur une dépense.

M. Jean-François Husson. Demandez-le à Bruno Le Maire !

M. Didier Rambaud. Dès que l’on commence à le faire, toutes les oppositions se lèvent pour arguer, au contraire, que l’on n’en fait jamais assez !

L’association de la Cour des comptes à ce projet, comme l’année dernière, sera précieuse pour atteindre l’objectif d’une maîtrise plus volontariste de la dépense. Des économies structurelles sont nécessaires ; nous devons continuer d’y travailler, car, quel que soit le secteur concerné, les choix seront difficiles, d’autant que nous sommes en réalité confrontés à une équation complexe : il faut à la fois aplanir notre montagne de dettes et franchir le mur d’investissements dressé devant nous.

La principale brique de ce mur sera l’adaptation au changement climatique, thème central du rapport public annuel qui nous est présenté par la Cour des comptes. Comme la Cour le rappelle, le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz est très clair : nous devrons investir 66 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2030 pour adapter notre pays au dérèglement climatique.

La lecture du rapport public annuel nous rappelle qu’il y a encore fort à faire. C’est notamment le cas pour ce qui est du modèle économique des stations de montagne. Élu isérois, je sais que ce sont des lieux où les conséquences de la hausse des températures sont particulièrement visibles : cette année, 67 % des stations ont été fermées avant même la fin des vacances de février.

Si la vulnérabilité des stations varie selon les massifs, force est de constater une diminution générale du taux d’enneigement. Auparavant construit autour de l’activité du ski, le modèle économique des stations de montagne doit désormais s’adapter, en s’orientant vers un tourisme « quatre saisons ». Mais à quel prix ? Selon le rapport de la Cour, le coût des premières mesures d’adaptation au changement climatique dans les stations est estimé à plus de 91 millions d’euros par an.

Le rapport pointe également la nécessité de repenser la gouvernance et le financement des stations de ski. Il y est notamment proposé de mettre en place un fonds d’adaptation au changement climatique qui serait alimenté par le produit de la taxe sur les remontées mécaniques.

Si gouvernance et financement des stations peuvent être améliorés, il me semble néanmoins important d’accompagner davantage les acteurs – sociétés gestionnaires des remontées mécaniques et des domaines skiables ou collectivités – qui souhaitent s’adapter et survivre. Faut-il pour cela créer un énième fonds dont les modalités de redistribution feront débat ? Je n’en suis pas certain.

Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est que les acteurs concernés demandent plus d’accompagnement et de confiance pour réussir les transitions qui s’imposent. Sur ce sujet comme sur les autres, à nous, parlementaires, de travailler ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, l’examen du rapport public annuel de la Cour des comptes est toujours un moment important pour les parlementaires.

Cette année, le thème central du rapport est l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique. En tant que membre du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je ne peux que me réjouir d’un tel choix.

Avant d’aborder ce thème, je note que le rapport conserve une tradition : celle de consacrer son premier chapitre à l’état de nos finances publiques. Aujourd’hui, nous sommes forcés de constater que la situation est particulièrement délicate : une croissance morose, un déficit public supérieur à 5 % et une dette publique qui dépasse 110 % du PIB et dont la charge ne fait que croître.

Cette année encore, le rapport insiste essentiellement sur le niveau de la dépense publique dans notre pays. Certes, je suis pleinement consciente de la nécessité de travailler sur cette question afin de gagner en efficacité et ainsi de limiter cette charge. Toutefois, dans ce contexte dégradé, si la maîtrise des dépenses publiques est indispensable, la hausse des prélèvements obligatoires ne doit plus être un tabou.

Monsieur le Premier président, comme vous, je crois aux paroles de Pierre Mendès France : « Un pays qui n’est pas capable d’équilibrer ses finances publiques est un pays qui s’abandonne. » Notre déséquilibre économique n’est pas uniquement lié à notre niveau de dépense ; il est aussi le résultat du désarmement fiscal méthodiquement organisé par le Gouvernement. En effet, depuis 2017, la perte fiscale pour l’État est, en moyenne, supérieure à 60 milliards d’euros par an.

La petite musique néolibérale, selon laquelle la France prélèverait trop, est une ritournelle dont le disque commence à être rayé. Oui, les recettes fiscales représentent 46 % du PIB, ce qui fait de nous le pays de l’OCDE où ce ratio est le plus élevé. Néanmoins, si l’on ramène l’ensemble de ces recettes au nombre d’habitants, la France se classe plutôt autour de la dixième place. Dès lors, je m’étonne que la possibilité d’augmenter, de façon socialement juste, les prélèvements obligatoires ne soit pas évoquée dans ce rapport.

En conséquence, le Gouvernement trouve une succession de prétextes pour continuer la forte contraction budgétaire de notre économie. Jusqu’où et à quel rythme devons-nous réduire notre déficit public pour maîtriser notre dette ? Fortement et très vite, selon l’exécutif. Ce gouvernement fait le choix d’un néolibéralisme dépassé, dont les classes populaires et moyennes paieront, une nouvelle fois, la note.

En effet, les coups de rabot de plusieurs milliards dégradent nos services publics, si utiles aux plus modestes, et pénalisent souvent la croissance. Une telle politique économique, qui s’accroche à l’austérité pour des raisons doctrinales, nourrit le risque de dérives populistes. En Italie, la brutalité de la contraction budgétaire de la décennie 2010 a porté l’extrême droite au pouvoir.

Je crois que la situation de nos finances publiques nécessite une action prudente des États, à la fois de réduction de la dépense et de hausse des recettes, afin de sauver le peu de croissance dont la France dispose.

Nous pouvons retrouver des marges de manœuvre pour financer la transition écologique, ne serait-ce qu’en limitant les dépenses fiscales défavorables au climat. Leur montant est tout de même estimé entre 8 milliards et 19 milliards d’euros, pour les seules dépenses de l’État ! La Cour des comptes, le Gouvernement et les parlementaires doivent faire des propositions ambitieuses pour réduire ces dépenses fiscales. Nous devons créer les conditions d’une acceptation de la fiscalité écologique par les différents acteurs de la vie économique, d’autant que les besoins en investissement public sont colossaux : le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz les évalue à 34 milliards d’euros d’ici à 2030.

Malheureusement, le décret annulant 10 milliards d’euros de crédits au sein du budget pour 2024 affecte grandement l’écologie, en diminuant notamment d’un milliard d’euros les montants alloués au dispositif MaPrimeRénov’, pourtant particulièrement utile : en 2022, selon la Cour, il aurait généré, « en moyenne et par logement, une baisse supplémentaire des émissions de gaz à effet de serre de 53 % et des économies d’énergie supplémentaires de 60 % ».

Avec ce décret, l’État va contraindre le rythme de la rénovation énergétique, et ce au détriment des ménages les plus pauvres, qui auraient le plus à gagner des économies d’énergie. L’immense chantier de la rénovation des passoires thermiques et, progressivement, du reste du parc immobilier est pourtant un enjeu écologique et social majeur.

L’État met aussi en péril la capacité d’investissement local, alors que celui-ci est l’un des leviers les plus efficaces pour la transition écologique. Les collectivités locales sont touchées de plein fouet par la réduction du fonds vert. Nous devons pourtant leur garantir des recettes pérennes pour porter des projets structurants. Retirer, en février, aux élus locaux des ressources pourtant annoncées trois mois plus tôt est un mauvais signal au regard des investissements nécessaires pour le climat.

Nous le voyons donc bien, la réduction de la dépense publique, à elle seule, n’est pas tenable et ne nous permettra pas de faire face collectivement aux enjeux de demain. Il est urgent que le Parlement soit associé aux décisions qui concernent la Nation. En l’absence d’un projet de loi de finances rectificative, le groupe socialiste a donc sollicité du Gouvernement l’organisation au Parlement d’un débat sur le budget, au titre de l’article 50-1 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Éric Bocquet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, on peut lire le chapitre du rapport public annuel de la Cour consacré à la « situation d’ensemble des finances publiques » comme un vibrant hommage à Turgot, qui contemple nos débats. (Loratrice désigne la statue de Turgot qui surplombe lhémicycle.)

En 1774, tout juste nommé contrôleur général des finances, celui-ci posait en effet, dans une lettre adressée au roi Louis XVI, un constat dont l’acuité demeure intacte deux cent cinquante ans plus tard et que je ne peux manquer de citer à cette tribune : « Pour remplir ces trois points, » – à savoir « point de banqueroute, point d’augmentation d’impôts, point d’emprunts » – « il n’y a qu’un moyen. C’est de réduire la dépense au-dessous de la recette […]. On demande sur quoi retrancher, et chaque ordonnateur, dans sa partie, soutiendra que presque toutes les dépenses particulières sont indispensables. Ils peuvent dire de fort bonnes raisons ; mais comme il n’y en a pas pour faire ce qui est impossible, il faut que toutes ces raisons cèdent à la nécessité absolue de l’économie. » Il me semble que ces mots résument bien ce premier chapitre de votre rapport, monsieur le Premier président ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Quelques mots reviennent régulièrement dans ce rapport : « optimiste » – quinze occurrences –, « risque » – quatorze occurrences – ou encore « effort » – vingt-deux occurrences. Mais la rareté d’autres mots m’a également marquée : « réalisme » n’est employé qu’à deux reprises, « confiance » et « courage » une seule.

Pourtant, après l’optimisme des dernières années, il est urgent d’opter pour le réalisme, c’est-à-dire d’avoir du courage politique. La réalité, celle sur laquelle le groupe Les Républicains alerte le Gouvernement depuis longtemps, c’est que la France dépense trop, que les prévisions de croissance sont trop élevées et que le recours au levier fiscal est impossible, compte tenu du fait que le niveau d’imposition est déjà très élevé.

Il est urgent d’avoir le courage de s’attaquer aux réformes indispensables contribuant à la baisse de la dépense publique, tout en gardant à l’esprit l’impérieuse nécessité d’adapter notre économie au changement climatique. Cette baisse de la dépense doit porter sur des crédits structurels et non conjoncturels.

Ce rapport est un appel au courage politique, au courage de dire non. Sans ce courage, notre pays courra, année après année, de lois de finances optimistes en prévisions de croissance irréalistes, à sa perte. Le pacte de stabilité et de croissance, une fois révisé, sera peut-être notre meilleur allié pour ne pas dévier du chemin. En effet, nous ne pouvons pas continuer d’avoir une stratégie divergente de celle de nos voisins, au risque de mettre en péril la cohésion de la zone euro.

Les 10 milliards d’euros d’économies annoncés à la fin du mois de février se font au détriment de la transition écologique. Comme ce point a déjà été évoqué dans le débat, sans m’attarder sur les sommes retirées à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », je me contenterai de faire remarquer que les autres ministères concernés, quand ils doivent restreindre leurs dépenses, font porter en premier lieu l’effort sur leur politique immobilière, c’est-à-dire sur les crédits qui devraient permettre à leur parc immobilier de s’adapter aux risques climatiques et de présenter un meilleur bilan carbone. La partie du rapport annuel consacrée à la politique immobilière de l’État porte d’ailleurs sur elle un regard sévère, mais juste.

Il est facile de supprimer des crédits dont les effets sont de moyen ou de long terme, plutôt que de faire porter l’effort sur ceux qui financent le présent. Mais la facilité n’est pas bonne conseillère. Les revues de dépenses, par lesquelles on doit identifier les 20 milliards d’euros d’économie à trouver pour 2025, ne doivent pas faire oublier que ne pas s’adapter, ou mal s’adapter, pourrait se révéler à terme bien plus coûteux. En décembre dernier, M. Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, évaluait, en ne considérant que les effets directs, le coût annuel de l’absence d’action à 10 % du PIB à la fin du siècle, soit à 260 milliards d’euros par an.

Pour une action efficace et efficiente à court terme, la Cour développe le triptyque : connaître, informer, planifier.

Si j’en crois M. Béchu, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, bientôt soumis à la consultation des citoyens, sera l’alpha et l’oméga, « la grammaire du temps long, de la stratégie, de la planification ».

Une chose est certaine : plus la phase de transition sera longue, plus elle sera coûteuse. À ce jour, ni l’Union européenne ni la France ne se sont encore dotées d’une doctrine d’emploi des fonds publics à l’appui de la transition. C’est pourtant un point de très grande importance. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, dette financière et dette climatique ont une dimension intergénérationnelle : les générations futures risquent d’hériter à la fois de finances publiques catastrophiques et d’un climat invivable.

Cette stratégie devra prendre en compte, avec la même importance, l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation. On ne peut pas continuer à raisonner en silos ! Comment peut-on, aujourd’hui encore, envisager de financer plus de 100 000 euros de réparations de dommages liés au retrait-gonflement des argiles dans une maison qui est une passoire énergétique ? C’est pourtant le principe réaffirmé dans une ordonnance du 8 février 2023 !

Je ne dis pas que ce sera facile ; j’en sais quelque chose pour travailler, depuis un certain temps, sur les catastrophes naturelles. En effet, les politiques d’adaptation sont par nature multiformes, puisqu’elles concernent des phénomènes très divers – les tempêtes, la hausse des températures, la sécheresse, mais aussi les inondations – et sont soumises à la spécificité des territoires, ainsi qu’à la capacité de prévoir.

Monsieur le Premier président, ce rapport annuel pose avec acuité un terrible constat : ni nos finances publiques ni notre stratégie ne sont prêtes à affronter le défi de la transition écologique. Ce constat suscite également des questions sensibles : la solidarité nationale devra-t-elle jouer lorsqu’il faudra faire déménager les habitants rendus vulnérables par le recul du trait de côte ?

M. le président. Il faut conclure !

Mme Christine Lavarde. En avril 2022, le candidat Emmanuel Macron avait déclaré : « La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas. » J’ai le sentiment qu’elle n’est pas ! (M. Yannick Jadot applaudit.) L’échec final rappelle ce mot désabusé du général de Gaulle : « En France, on ne fait pas de réformes. On ne fait que des révolutions. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST. – Mme Évelyne Perrot et M. Sebastien Pla applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, je comptais m’adresser, dans ce discours, à M. le ministre de l’économie, mais il ne semble pas être invité à ce débat… Je ne doute pas, en revanche, que mes propos lui parviendront !

Une fois encore, le rapport annuel de la Cour des comptes porte un regard sévère sur l’action de M. Le Maire ; force est de constater qu’après sept années passées au pouvoir, dans les fonctions de ministre de l’économie, son bilan est devenu son boulet.

Après les atermoiements du mois de février – je dirai même : après l’insincérité budgétaire dont le Gouvernement a fait preuve en supprimant 10 milliards d’euros de crédits moins de cinquante jours après le vote de la loi de finances par les représentants de la Nation –, nous voici rassemblés aujourd’hui pour constater la situation catastrophique de nos comptes publics, alors que notre pays fait face à la double menace des taux d’intérêt croissants et des agences de notation.

Ces menaces sont réelles, à lire avec attention le rapport de la Cour des comptes.

Le Gouvernement promettait une trajectoire qui ramènerait le déficit public sous les 3 % d’ici à 2027 ; la Cour la juge à la fois fragile et peu ambitieuse.

Le Gouvernement a fait adopter la réforme des retraites, à coups de 49.3, pour sauver le budget de la sécurité sociale, disait-il ; la Cour constate qu’en 2027 le fameux « trou de la sécu » sera de 17,2 milliards d’euros, contre 8,7 milliards cette année.

Le Gouvernement annonce 10 milliards d’euros d’économies ; la Cour dit qu’il en faudrait 50 milliards pour passer sous les 3 % de déficit en 2027.

Et que dire des économies ordonnées par le Gouvernement ? Alors qu’il annonçait, l’automne dernier, une hausse de la dépense publique pour la justice, la recherche, l’intérieur et l’environnement, voilà ces budgets rabotés en février !

Le plus savoureux est le budget de l’école, qui se voit réduit de 700 millions d’euros. M. le Premier ministre avait annoncé qu’il emmènerait l’école avec lui, mais il semble que, de Grenelle à Matignon, elle soit « passée au scalp » de Bercy !

En matière d’environnement, la Cour regrette, par ailleurs, « l’absence de chiffrages exhaustifs et cohérents pour l’ensemble des acteurs publics » des dépenses qui seront nécessaires pour adapter la France au changement climatique. L’évaluation des coûts actuels et futurs de l’adaptation est dite « lacunaire », voire « inexistante », faute de données suffisantes et d’objectifs clairs. Une fois encore, les lacunes de M. Le Maire empêchent l’État de jouer correctement son rôle de stratège.

En ce qui concerne la crise du logement, toujours plus alarmante, il convient de prendre conscience que le parc de logements est très majoritairement inadapté aux risques climatiques. Les politiques de rénovation énergétique et thermique se sont surtout concentrées sur des aides ciblées, comme le changement du mode de chauffage, alors que les rénovations globales visant l’adaptation restent rares.

Enfin, comment ne pas conclure cette intervention sans évoquer la défaillance du Gouvernement en ce qui concerne notre politique énergétique ? Après avoir décidé de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim et ainsi abandonné cette filière d’excellence, il a lancé un grand programme de construction de nouvelles centrales. C’est malheureusement bien tard ; la Cour atteste que notre pays doit désormais en payer l’addition. Il manquerait en effet des dizaines de milliards d’euros d’investissements supplémentaires pour adapter les nouvelles centrales nucléaires, les barrages et le réseau français de distribution d’électricité au réchauffement climatique.

Monsieur le ministre, si vous m’entendez, vous reconnaîtrez que votre « septennat » n’aura mené notre pays qu’à la menace de la faillite, avec une impréparation financière et un « en même temps » budgétaire qui pèse et pèsera pour longtemps sur la capacité de la France à préparer sereinement son avenir ! (MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une citation : « Nos gains de performance ont un coût caché. La dette accumulée, longtemps restée invisible, se manifeste désormais au grand jour dans les écosystèmes. Notre performance alimente une guerre contre la nature. Nous avons optimisé notre environnement pour le mettre au service de nos demandes, et non de nos besoins. En retour, nous contractons une dette. »

Je fais miens ces mots d’Olivier Hamant, biologiste, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Ils expliquent, de façon limpide, comment notre modèle de production a généré, en même temps, une dette économique et une dette financière.

Il est illusoire de croire que nous pourrons réduire l’une de ces dettes en continuant de creuser l’autre. Opposer écologie et économie, c’est forcer les Français à choisir entre sobriété et prospérité, entre la fin du monde et la fin du mois.

L’urgence de la situation, que ce soit du point de vue économique ou écologique, nous oblige à changer de modèle, à explorer une autre voie, en cherchant à renforcer la robustesse de notre écosystème plutôt que sa performance. Cette option stratégique procède non pas de l’imagination, mais de l’observation de la nature.

Ces considérations peuvent sembler quelque peu ésotériques. Je les crois, au contraire, d’une grande actualité et même, si je puis dire, d’une grande rationalité. Alors que le Gouvernement a dû réviser sa prévision de croissance, de 1,4 % à 1 %, il est contraint, dans la foulée, d’annoncer des réductions budgétaires, deux mois à peine après l’adoption de la loi de finances initiale pour 2024. Notre modèle économique, qui se fonde sur un objectif de performance, vacille dès que cet objectif n’est pas atteint, alors que l’atteinte de cet objectif ne dépend pas de nous. C’est l’antithèse d’un modèle robuste !

Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes dresse un double constat alarmant : d’une part, la situation préoccupante de nos finances publiques ; de l’autre, les défis de l’adaptation de notre modèle économique au changement climatique.

Je remercie le Premier président de la Cour des comptes d’avoir choisi ce sujet ; je regrette simplement qu’il n’ait pas transmis ce rapport plus tôt à notre commission des finances. Au reste, la grande diversité des sujets abordés ne nous permet pas de les explorer tous de manière approfondie. Je tiens toutefois à revenir sur trois points d’alerte.

Le premier point concerne le coût d’adaptation du parc résidentiel. La Cour estime qu’il est aujourd’hui impossible d’évaluer le montant des dépenses et des investissements à réaliser. C’est à la fois très inquiétant, puisque c’est un chantier incontournable pour les années à venir, et assez rassurant, au sens où le champ des possibles est ouvert et où le delta de progression est important.

Or nous disposons en la matière de marges de progression immenses. Le développement des nouvelles technologies – je pense notamment à l’internet des objets – constitue un levier majeur pour améliorer l’efficacité énergétique du patrimoine bâti. La création, dans le département dont je suis élue, l’Aube, du Cluster Patrimoine bâti 4.0 et l’implantation, par Europrod, d’une ligne industrielle de production de capteurs en apportent une démonstration opérationnelle.

Mon deuxième point d’alerte porte sur la modernisation des infrastructures de transport. Je partage le constat dressé par la Cour : la vétusté de certaines voies ferrées augmente leur vulnérabilité. Pour développer le transport ferroviaire, levier majeur de décarbonation, il faudra investir, afin de moderniser le réseau. Toutefois, il ne s’agit pas du seul levier. Je tiens, à ce sujet, à partager avec vous l’expérience d’une grosse coopérative céréalière de mon territoire, qui livre d’ordinaire sa production par voie ferrée. Outre l’état du réseau, les grèves à répétition et les absences inopinées la contraignent souvent à se rabattre sur du fret routier, report modal au bilan écologique et économique déplorable. La fiabilité du transport ferroviaire dépend bien sûr des infrastructures, mais aussi du personnel.

Le troisième point d’alerte que je souhaitais évoquer me tient particulièrement à cœur : c’est la forêt. Je partage totalement, sur ce sujet, le constat dressé par la Cour. Nous devons mobiliser davantage de financements, privés et publics, pour l’adaptation de nos forêts et en particulier des forêts communales. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, en complément des propos de Christine Lavarde, je me concentrerai dans ce débat sur la situation de nos finances publiques, dont le rétablissement est le préalable pour conduire nos politiques publiques au niveau national et influer aux échelons européen et international.

Cette situation ne présente guère de surprise et elle s’inscrit, en s’aggravant, dans la lignée de celle que décrivaient les précédents rapports. Cela nous amène à nous interroger, comme nous le faisons parfois en tant que législateurs, sur la capacité de la Cour des comptes comme du Sénat à être entendus.

La Cour critique avec force les prévisions de croissance du Gouvernement et juge que la trajectoire budgétaire pour cette année reste précaire.

La situation de nos finances publiques est en effet plus que préoccupante. L’année 2023 devrait se terminer avec un niveau de déficit public supérieur à 5 % du PIB, soit une dégradation par rapport à 2022. Nous le disions déjà, vous en faites le constat : cette année n’aura pas été celle de la sortie du « quoi qu’il en coûte ». De plus, les recettes fiscales devraient être en 2023 en retrait de près de 8 milliards d’euros. Ainsi, la trajectoire des finances publiques établie pour 2023-2027 n’est pas tenue dès sa première année.

Depuis sept ans, nous nous heurtons à un ministre des finances tout-puissant, qui est dans l’autosatisfaction permanente et dans une impunité totale. Acculé, il a été contraint de mettre en œuvre le rabot à hauteur de 10 milliards d’euros, deux mois à peine après le vote du budget pour 2024.

La trajectoire fixée par le Gouvernement était déjà peu ambitieuse et très fragile ; c’était la plus tardive d’Europe et elle ne présentait, de plus, aucune marge de sécurité tant les hypothèses, notamment de croissance, qui la fondaient étaient optimistes.

Le nœud de l’inquiétude se trouve dans les trois D : la dette et la dépense, qui creusent le déficit.

Notre dette publique, qui atteindra 3 200 milliards d’euros à la fin de 2024, est déjà supérieure de 800 milliards d’euros à son niveau de 2019. La charge de la dette enregistre une augmentation spectaculaire de 10 milliards d’euros en 2024, avec la perspective d’un point culminant à près de 85 milliards d’euros en 2027. Notre situation est la plus dégradée, ou presque, de toute l’Europe.

Pour ce qui concerne la dépense, après le rabot et après, peut-être, un projet de loi de finances rectificative en 2024, les efforts annoncés pour 2025, à hauteur de 12 milliards d’euros d’économies, ont été portés à 20 milliards d’euros depuis la semaine dernière.

Vous indiquez, et je ne peux que partager votre estimation, que le besoin atteint plutôt 50 milliards d’euros sur la période 2025-2027. Le satisfaire sera d’autant plus complexe que la charge de la dette augmente, que les lois de programmation nous obligent et que les besoins d’investissement, notamment dans la transition écologique, sont importants.

Les effets du changement climatique montrent, vous le soulignez, la complexité de l’adaptation, la nécessaire cohérence et l’exigence d’efficience. Nous en sommes loin et nous arrivons bien démunis pour relever ces défis.

La dépense sociale, qui représente la moitié de la dépense publique, par-delà son volume – dont nous aurons à débattre – doit être équilibrée. Elle ne peut plus, elle ne doit plus, engager les générations futures.

Le budget de l’État doit être tourné vers l’investissement et sérieusement revu à la baisse, y compris en ce qui concerne la dépense fiscale. L’enjeu est de faire des économies massives en préservant la croissance. Plus nous attendons, plus cela sera difficile.

Le budget des collectivités, quant à lui – je marque ici une différence avec ce que vous laissez entendre, monsieur le Premier président –, doit cesser d’être la variable d’ajustement d’un État omnipotent et impuissant. Il faut d’abord rétablir la confiance pour bâtir une politique contractuelle responsable et équilibrée et enfin s’engager dans une véritable décentralisation.

Nous devons rétablir nos comptes en agissant sur la dépense, avec force et urgence, non pour Bruxelles ou pour les agences de notation, mais pour les Français. Ayons ce courage, pour le cinquantenaire de l’anniversaire de la mort de Georges Pompidou, qui marque aussi notre dernier budget voté à l’équilibre. Nous n’avons pas d’autre issue, le niveau de nos prélèvements obligatoires étant déjà très élevé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes, pour répondre aux intervenants.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de l’organisation de ce débat, qui constitue pour nous un privilège dont nous ne jouissons pas, par exemple, à l’Assemblée nationale, où je me contente d’une présentation, suivie de quelques réactions.

Certes, le temps imparti a été un peu plus court que l’année dernière, mais je me félicite de la prise en compte de nos observations, de nos analyses et de la qualité du travail mené avec votre assemblée. J’ai entendu les remarques sur les délais de transmission, mais il ne s’agit pas tant de cela : nous avons simplement avancé plus rapidement dans la perspective de ce débat. J’ai remis ce rapport lundi matin au Président de la République, il a été rendu public hier matin et je me trouve aujourd’hui devant vous. C’est un peu bref, mais cela me paraît préférable à un débat qui serait trop décalé par rapport à la publication du rapport.

J’évoquais la qualité du travail réalisé avec le Sénat : je me réjouis de notre collaboration avec la commission des finances et la commission des affaires sociales, qui est toujours passionnante pour nos rapporteurs, ainsi que de la prise en compte de nos observations et de la grande convergence de nos travaux.

Sachez à quel point je suis attaché à notre mission constitutionnelle, prévue par l’article 47-2 de notre loi fondamentale : contribuer à l’information du Parlement et au contrôle du Gouvernement, notamment, mais pas seulement, dans le domaine des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Pour la Cour des comptes, c’est essentiel.

J’avoue avoir été quelque peu étonné que l’on se soit attendu à la présence du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ici. Comme le rappelait l’un de mes illustres prédécesseurs, Philippe Séguin, la Cour des comptes se tient rigoureusement à équidistance entre Parlement et Gouvernement. C’est donc en tant que président indépendant d’une institution indépendante que je m’exprime devant vous. J’ai, certes, été ministre des finances, mais c’était il y a dix ans et je n’aurais pas la prétention de répondre aujourd’hui à la place du ministre en fonction.

Permettez-moi d’articuler quelques réflexions autour de trois thèmes.

Le premier concerne les finances publiques elles-mêmes. Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le temps de l’effort est venu, non par plaisir, non pour obéir à je ne sais quelle règle extérieure, non pour complaire à Bruxelles, non par goût de l’austérité, mais simplement dans notre propre intérêt et parce que nous avons trop tardé.

Oui, Pierre Mendès France le disait, une oratrice l’a rappelé : « Les comptes publics en désordre sont le signe des nations qui s’abandonnent. » Nous devons absolument mettre notre maison en ordre et nous désendetter pour retrouver des marges de manœuvre afin de faire face aux défis du futur.

J’ai appris, au cours d’une vie publique déjà un peu longue, qu’il n’y a pas de bonne politique publique sans finances publiques saines. Si nous ne retrouvons pas de marge de manœuvre, nous n’avons ni indépendance ni souveraineté. Ce ne seront que de vains mots si nous ne sommes pas capables d’atteindre cet objectif.

Ensuite, il y a une gradation dans les qualificatifs que l’on peut employer pour juger les prévisions macroéconomiques. Certains d’entre vous ont parlé d’insincérité, d’autres d’optimisme, d’autres encore d’irréalisme. Je n’aime pas – je l’avoue – le terme d’insincérité lorsqu’il s’agit de juger la politique d’un gouvernement, car cela suppose une volonté de tromper ; c’est la définition même de l’insincérité, tant dans le dictionnaire qu’en droit. Or j’espère bien que, dans notre pays, les gouvernements successifs n’ont pas cette volonté.

En revanche, des prévisions peuvent être trop optimistes, comme l’avait souligné le Haut Conseil des finances publiques dans ses observations sur le projet de loi de finances pour 2024 et sur la loi de programmation des finances publiques, et, en réalité, nous étions même très proches de l’irréalisme : il n’était pas réaliste d’envisager une croissance de 1,4 % quand le consensus était à 0,8 %.

Soyez donc certains que, dans tous les travaux ultérieurs, compte tenu de cette situation préoccupante des finances publiques, tant le Haut Conseil des finances publiques que la Cour des comptes feront preuve d’une très grande exigence, non seulement dans leur vocabulaire, mais aussi dans les appréciations qu’ils seront amenés à formuler sur la situation financière du pays.

Cela passe pour nous par des revues de dépenses, que plusieurs d’entre vous ont évoquées ici. Je crois à ce procédé depuis longtemps : dans d’autres vies, j’ai été ministre des finances et commissaire européen chargé des finances, je sais donc à quel point cette pratique est répandue dans plusieurs pays.

Le rabot est toujours une technique frustrante, décevante et parfois inintelligente ; ce n’est pas ainsi que l’on peut assainir durablement les finances publiques. Il faut des économies pérennes, structurelles et intelligentes ; pour cela, il faut soulever le capot des politiques publiques, voir ce qui fonctionne et qui doit être maintenu, identifier les manques qui nécessitent des investissements, et repérer ce qui ne fonctionne pas et qui doit être remplacé ou limité. C’est en cela que cet exercice est indispensable.

La Cour des comptes a rappelé, l’été dernier, dans son rapport sur la situation des finances publiques, que, pour mener des revues de dépenses sérieuses, il fallait le faire dans la durée et non de manière ponctuelle, sur un périmètre large et non par des coups de sonde ici ou là et de façon démocratique, en engageant un débat avec les forces sociales, les milieux intellectuels et les parlementaires.

C’est cela que fera la Cour des comptes, pour sa part, pour les trois revues de dépenses qu’elle va maintenant engager, dont l’importance est considérable : la première concernera la régulation des dépenses d’assurance maladie, sous la présidence de mon collègue Raoul Briet ; la deuxième s’attachera au financement des collectivités locales, ce qui nous amènera à discuter avec les acteurs concernés, sans décider ex cathedra, même si nous ne sommes pas les plus mal placés pour étudier cette question ; la troisième concernera la sortie des dispositifs de crise. C’est la condition de l’intelligence.

Je souhaite également aborder devant vous – c’est mon deuxième thème – l’autre partie du rapport, qui traite de l’action publique face aux défis climatiques et en matière d’adaptation au changement climatique. Je me félicite que ce rapport marque une première en la matière et j’en suis fier : c’est la première fois que la Cour des comptes a choisi un tel sujet, marquant un engagement écologique durable de l’institution que je préside. Nous avons vocation à traiter ces sujets, non pas une seule fois, mais dans la durée, tant ils sont fondamentaux.

J’ai bien noté les réflexions des différents orateurs qui se sont succédé ici, sur le logement, sur les personnes âgées vulnérables, sur l’agriculture, bref, sur tous les thèmes que nous avons abordés. Cela permet de souligner à quel point l’action pour l’adaptation est multiforme, hétérogène, territorialisée, et concerne tous les niveaux de la société et de notre organisation publique. J’en tire une leçon principale : nous devons absolument combattre la « mal-adaptation ».

J’en donnerai deux exemples. Tout d’abord, les stations de ski. Le sujet est sensible, il heurte des réalités économiques, comme l’ont montré les réactions à ce rapport. Pour autant, nous ne saurions ignorer une réalité lourde de conséquences à laquelle nous ne pouvons nous dérober. Il en va de même avec le trait de côte. Il faut agir maintenant pour éviter des dépenses massives plus tard : trois kilomètres de côtes à déménager, cela coûte 835 millions d’euros, alors qu’avec 40 millions à 150 millions d’euros par an, nous pouvons largement prévenir les conséquences de ce processus.

Enfin, ma troisième réflexion porte sur la conciliation entre les deux dimensions du rapport : l’adaptation au changement climatique et les finances publiques. Un orateur a exprimé un point de vue que je ne partage pas : je ne vois pas, quant à moi, de contradiction entre ces deux dimensions, car la dette climatique et la dette financière sont intimement liées. Si nous voulons réduire la première, si nous voulons combattre efficacement le changement climatique, alors nous devons faire baisser la seconde pour retrouver des marges de manœuvre.

M. Thomas Dossus. Mais comment ? Par magie ?

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Certes, dans la plupart des cas, nous allons devoir engager des dépenses publiques supplémentaires, mais comment les financer si nous sommes terriblement endettés ? Nous ne le pourrons tout simplement pas.

Enfin, j’en viens à la fiscalité. Oui, j’ai indiqué, à titre personnel, que pour moi le sujet n’était pas tabou et je le maintiens. Vous êtes des élus de la République et, par définition, la fiscalité est depuis toujours le débat politique noble. On peut vouloir taxer plus ou moins, taxer les uns ou les autres, la consommation ou la production, taxer les plus riches ou au contraire étaler largement l’imposition. C’est cela qui nous caractérise en démocratie et ce n’est évidemment pas tabou, notamment quand il s’agit d’écologie, de la transformation du pays, de la transition écologique.

Ce débat doit avoir lieu, mais avec une réserve, me semble-t-il : nous devons prendre en compte le fait que notre taux de prélèvements obligatoires atteint 45 % et que la marge de manœuvre pour accroître leur niveau global est très limitée.

Madame Lavarde, vous avez commencé en évoquant Turgot, qui est évidemment une référence pour nous tous et à laquelle personne ici ne saurait se comparer. Vous avez utilisé des mots qui font écho à ceux que j’ai inscrits dans ma conclusion et que je souhaite reprendre.

Nous sommes dans une situation tellement sérieuse, au regard à la fois de la dette climatique et de la dette financière, que nous avons besoin de volonté politique. Sans cela, nous n’avancerons pas.

Nous avons besoin de courage, car des décisions qui auraient dû être prises ont été trop longtemps différées. Maintenant, au risque d’être impopulaire, il faut les prendre, c’est impératif.

Nous avons besoin d’intelligence, car faire des économies ne peut se résumer à adopter une approche stupide ou mécaniste, qui serait destructrice.

Nous avons besoin de pédagogie, car les Français sont un grand peuple avec lequel on peut faire beaucoup de choses, à condition de les convaincre. C’est indispensable.

Tout cela – la volonté, le courage, l’intelligence et la pédagogie – est la condition de quelque chose que nous devons tous rechercher, vous l’avez évoqué, madame la sénatrice : la confiance. (Applaudissements sur toutes les travées, à lexception de celles du groupe CRCE-K.)

M. le président. Nous en avons terminé avec la présentation du rapport public annuel de la Cour des comptes, et nous donnons acte du débat qui s’est ensuivi.

Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes.

(M. le Premier président et M. le rapporteur général de la Cour des comptes sont reconduits selon le cérémonial dusage.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

5

Accord de sécurité franco-ukrainien et situation en Ukraine

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, relative à l’accord de sécurité franco-ukrainien et à la situation en Ukraine, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un peu plus de deux ans, dans une offensive cynique, brutale et destructrice, la Russie a attaqué l’Ukraine.

Seule responsable du conflit, la Russie a attaqué froidement une nation libre et démocratique, qui ne la menaçait pas, qui ne l’attaquait pas, en violation de toutes les règles du droit international et de la Charte des Nations unies.

Ce constat, ces faits – il s’agit bien de faits objectifs –, l’écrasante majorité d’entre nous les partage.

Ce constat, ces faits, comme toutes les évolutions qui sont intervenues, nous les avons partagés avec le Parlement et avec les forces politiques, régulièrement, dans la plus grande transparence possible depuis le déclenchement du conflit.

Deux comités de liaison se sont réunis depuis le début du second quinquennat du Président de la République ; la semaine dernière encore, celui-ci a une nouvelle fois reçu les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental (Cese), ainsi que les chefs des partis politiques, pour échanger sur la situation et sur nos positions.

Par deux fois déjà, des débats sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution se sont tenus. À l’issue d’un tel débat, l’Assemblée nationale a voté hier en faveur de l’accord bilatéral de sécurité entre la France et l’Ukraine.

Aujourd’hui, conformément à l’engagement du Président de la République, ce débat au Sénat illustre notre volonté de transparence et d’association de la représentation nationale.

Nous vous devons cette transparence, car c’est un impératif démocratique. Elle passe par l’affirmation claire des positions de l’exécutif et par le vote. Nous le devons à tous nos concitoyens, qui doivent connaître, sans ambiguïté possible, la position de chacun sur le soutien à l’Ukraine et sur la condamnation de la Russie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ma conviction est que l’on ne peut comprendre l’offensive massive et coordonnée menée par la Russie sur l’Ukraine le 24 février 2022 sans revenir sur les origines du conflit. D’une telle compréhension découle tout ce que nous décidons de faire pour aider l’Ukraine.

Certains, en Russie, nostalgiques de l’Empire ou de l’hégémonie soviétique sur l’Europe de l’Est, n’ont jamais accepté l’éclatement de l’URSS et l’indépendance de l’Ukraine. Menés par Vladimir Poutine, ces impérialistes ne supportent pas que d’anciennes républiques soviétiques, l’Ukraine en particulier, prennent leur destin en main, choisissent souverainement leurs alliances et fassent le choix de la démocratie.

Il y a dix ans, en février 2014, un vent de liberté part de la place Maïdan et souffle sur l’Ukraine, qui tourne son regard vers l’Europe. Il ne s’agissait pas alors pour l’Ukraine de se rapprocher de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), mais de signer un accord d’association avec l’Union européenne.

La Russie ne l’accepte pas et, dès le 28 février 2014, des troupes russes entrent en Crimée, occupent ce territoire et l’annexent, en violation de toutes les règles internationales.

Huit ans plus tard, le 24 février 2022, malgré les efforts sans précédent déployés par le Président de la République pour éviter la guerre, le Kremlin lance sa prétendue « opération spéciale » contre l’Ukraine. Moscou misait sur une guerre éclair et pensait faire tomber Kiev en quelques jours ; il n’en a rien été.

La résistance du peuple ukrainien a été et reste exceptionnelle. La détermination des armées ukrainiennes impressionne. Les Ukrainiens n’ont pas cédé. Ils se sont battus et se battent pour chaque village, pour chaque maison, pour chaque mètre de leur territoire. Ils ont refusé de se soumettre à la loi du plus fort, refusé de plier face à la brutalité et au cynisme.

Avec vous tous, je veux rendre hommage à leur courage. (Applaudissements nourris sur toutes les travées, à lexception de celles du groupe CRCE-K.)

Face à la résistance ukrainienne, la Russie n’a reculé devant rien, devant aucune exaction, aucune violence, aucun crime. Depuis deux ans, les civils ukrainiens sont ciblés par des frappes russes. Ces dernières semaines encore, à Kiev ou à Kharkiv, des drones et des bombardements russes ciblent délibérément des quartiers résidentiels, tuent des familles et des enfants, sans états d’âme et sans distinction.

La liste des exemples est longue et glaçante. Il y a dix jours encore, un drone russe a frappé un immeuble à Odessa, faisant douze morts, dont cinq enfants. Depuis le début du conflit, on estime que 10 000 civils sont morts sous les frappes de la Russie.

Depuis deux ans, la Russie pratique une politique de la terre brûlée, qu’elle avait mise en œuvre précédemment en Syrie et en Tchétchénie. Des quartiers et des villes entières sont détruits : Marioupol et Marïnka, entièrement rasées en mars 2023, et aujourd’hui Bakhmout ou Avdiïvka.

Depuis deux ans, les découvertes macabres se sont multipliées. À Boutcha, à Izioum, des massacres innommables se sont déroulés. La Russie a commis des crimes de guerre barbares et a laissé derrière elle des charniers monstrueux. Elle devra en répondre : nous en prenons l’engagement.

Depuis deux ans, les exactions insoutenables se multiplient ; elles visent les plus jeunes. On sait ainsi que plusieurs milliers d’enfants ukrainiens ont été enlevés et conduits dans des camps militaires pour être « rééduqués ».

Je vous l’ai dit : en Ukraine, la Russie a franchi toutes les limites. Pas une horreur ne l’arrête. Pas un massacre ne la rebute.

Mesdames, messieurs les sénateurs, Vladimir Poutine a attaqué l’Ukraine, mais, bien plus largement, c’est à toutes nos valeurs qu’il a déclaré la guerre. Croire qu’il s’agit uniquement d’un conflit territorial, d’un différend entre voisins qui ne nous concernerait pas, serait se fourvoyer.

Par cette attaque, Vladimir Poutine a voulu changer l’ordre du monde pour imposer sa loi, la loi du plus fort, qui autoriserait n’importe quelle puissance en quête d’affirmation à soumettre une nation libre, soit par le chantage, soit par les armes.

Par cette attaque, le Kremlin a voulu ébranler nos valeurs et montrer la faiblesse des démocraties. Ne nous y trompons pas : ce sont bien la liberté et le pluralisme qu’il remet en cause, nos modes de vie et nos valeurs qu’il agresse et veut faire tomber.

Tourner le dos à l’Ukraine serait tourner le dos à nos valeurs, trahir la confiance de nos alliés et faire acte de faiblesse. Ce ne serait certainement pas avancer vers la paix ; ce serait ouvrir la porte à de nouveaux conflits, à de nouvelles blessures et à de nouvelles guerres.

Aussi, depuis la première seconde, avec le Président de la République, nous nous tenons fermement aux côtés de l’Ukraine ; nous l’aiderons autant qu’il le faudra.

En lançant son offensive, Vladimir Poutine pensait diviser l’Europe. Il avait tort. Dès les premières heures du conflit, notamment sous l’impulsion du Président de la République, elle a réagi. Elle a fait front et pris des sanctions fortes en un temps record.

Depuis lors, malgré nos différences, malgré le chantage russe à l’énergie et à la sécurité alimentaire, malgré la désinformation et les menaces, le Kremlin n’est pas parvenu à faire plier l’Union européenne.

Il n’est pas parvenu à diviser l’Europe. C’est même le contraire qui s’est produit : à l’épreuve de cette guerre, l’Europe s’est transformée et renforcée. À l’épreuve de cette guerre, chacun en Europe a compris que ce que nous avions bâti était fragile, que la paix en Europe n’était pas acquise et ne le serait probablement jamais, que notre destin collectif pouvait vaciller d’un instant à l’autre, que nous devions compter sur nous-mêmes et que nous ne pouvions nous en remettre au bon vouloir d’autres puissances.

En deux ans, sur la base des engagements pris lors du sommet de Versailles de mars 2022, la souveraineté de l’Europe a fait des pas de géant : souveraineté industrielle, avec un engagement sans précédent de l’Union européenne à sortir de toutes ses vulnérabilités stratégiques – je pense aux semi-conducteurs ou aux matières premières critiques ; souveraineté énergétique, avec la fin de la dépendance de certains pays d’Europe au gaz russe ; souveraineté stratégique, enfin, avec l’adoption de la boussole commune que constitue le premier Livre blanc de la défense européenne.

Le résultat est clair : nous sommes plus unis, plus forts et plus indépendants qu’avant, même si nous avons encore du chemin à parcourir. L’Europe puissance se construit et avance ; elle protège la France et les Français. Vladimir Poutine n’y croyait pas ; nous lui apportons la démonstration qu’il se trompait.

En lançant sa guerre, Vladimir Poutine pensait aussi diviser l’Otan. Une fois de plus, il avait tort. L’Alliance atlantique s’est renforcée, et des pays dont l’adhésion était impensable il y a encore deux ans, la Suède et la Finlande, l’ont depuis lors rejointe.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sous l’impulsion du Président de la République, nous avons apporté un soutien massif, constant et déterminé à l’Ukraine.

Un soutien politique, tout d’abord. La France est depuis les premiers jours aux avant-postes de la communauté internationale pour organiser et mobiliser le soutien à l’Ukraine. Elle se tient à l’écoute des demandes de son allié et tente d’y répondre au mieux. C’est d’ailleurs à Paris, sur l’initiative du Président de la République, que s’est tenue ces dernières semaines une conférence de soutien à l’Ukraine réunissant vingt-sept chefs d’État ou de gouvernement ou leurs représentants.

Notre soutien est humanitaire, ensuite. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères aura l’occasion d’y revenir plus en détail. Nous avons fourni plus de 210 tonnes de matériels et de médicaments et mené plus de cinquante opérations d’urgence répondant aux priorités fixées par Kiev : envois médicaux et évacuations sanitaires, appui à la sécurité civile ukrainienne, envois de semences agricoles et de produits alimentaires.

Sous la coordination de la cellule interministérielle de crise, nous avons pu accueillir 100 000 réfugiés ukrainiens et scolariser en France près de 18 000 enfants.

Nous n’aurions pu réussir cet accueil sans la mobilisation et la solidarité des Français, dont la réaction a été à la hauteur. Nous n’aurions pu y parvenir non plus sans l’engagement exceptionnel des collectivités locales, qui ont pris de nombreuses initiatives, collecté des dons et rendu possible l’accueil des réfugiés ukrainiens.

Notre soutien, bien sûr, est également militaire. Nous avons répondu présent. Les faits et les chiffres sont là qui le prouvent. Nous avons livré des équipements à l’Ukraine en respectant toujours les trois mêmes critères : livrer ce dont l’Ukraine a besoin, sans fragiliser nos propres armées et en faisant tout pour éviter l’escalade.

Depuis le début du conflit, nous avons livré pour plus de 2,6 milliards d’euros d’équipements militaires à l’Ukraine, toujours dans la même perspective : répondre avant tout aux besoins opérationnels des Ukrainiens sur le terrain en leur proposant des équipements complets, en leur permettant de se former à leur emploi et en veillant à leur maintien en condition opérationnelle.

J’ajoute que la France n’a qu’une parole : ce que nous nous sommes engagés à livrer aux Ukrainiens, nous l’avons effectivement livré.

De plus, nous avons participé de manière particulièrement active aux mécanismes européens mis en place pour fournir des équipements à l’Ukraine. Nous sommes ainsi le deuxième contributeur à la Facilité européenne pour la paix, avec plus de 1,2 milliard d’euros engagés entre le début de la guerre et la fin de l’année 2023. Au total, en 2022 et 2023, de manière bilatérale et par l’intermédiaire de l’Europe, la France a donc apporté une aide militaire à l’Ukraine à hauteur de 3,8 milliards d’euros.

Concrètement, dès les premières heures de l’offensive, nous avons livré des matériels déterminants pour permettre à l’Ukraine de se défendre et de résister : des missiles antichars, des missiles antiaériens, des équipements de protection et de l’armement individuel.

Nous avons ensuite livré des équipements décisifs, plus lourds et plus complexes, pour renforcer la défense aérienne ukrainienne, avec les systèmes de missiles sol-air Crotale.

Nous avons aussi contribué à renforcer son artillerie, avec des canons Caesar (camions équipés d’un système d’artillerie) et des lance-roquettes unitaires.

Nous avons en outre fourni à l’Ukraine des armements pour qu’elle reprenne les territoires perdus, notamment des blindés légers et des missiles Scalp (système de croisière conventionnel autonome à longue portée), déterminants pour des frappes dans la profondeur.

Nous allons poursuivre ces livraisons, qui sont indispensables à l’Ukraine. Le Président de la République a demandé aux industriels d’accélérer leur passage dans une économie de guerre et d’augmenter leur capacité à produire.

Dans les prochains mois, nous livrerons à l’Ukraine 150 drones, 100 munitions téléopérées et six canons Caesar – sachant que 12 autres seront financés par la France. Nous produirons jusqu’à 3 000 obus par mois au profit de l’Ukraine. Nous allons livrer près de 600 bombes A2SM (armement air-sol modulable), à raison d’une cinquantaine par mois, ainsi qu’une quarantaine de missiles Scalp.

Enfin, comme l’a confirmé le Président de la République lors de sa visite en République tchèque, la France participera au financement de l’achat d’obus en masse proposé par notre allié tchèque.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai évoqué notre soutien politique, humanitaire et militaire, mais notre soutien s’est également déployé à l’échelon européen. Je le disais, la réaction de l’Europe a été immédiate et puissante. Nous avons tout d’abord agi pour sanctionner la Russie. Nous en sommes à treize paquets de sanctions, tous adoptés à l’unanimité des États, qui frappent l’économie russe au cœur et l’affaiblissent de manière profonde et structurelle, n’en déplaise au Kremlin, qui orchestre une campagne de désinformation afin de faire croire l’inverse.

Dans le même temps, nous avons décidé d’actions fortes pour soutenir l’Ukraine. Cette aide concerne tous les domaines : protection temporaire octroyée aux réfugiés ukrainiens, aide économique, aide humanitaire, aide militaire. Au total, les Vingt-Sept ont apporté jusqu’à présent plus de 85 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine.

Ce soutien, je veux le dire, se poursuit résolument. Le mois dernier, le Conseil européen a décidé d’une nouvelle aide pour l’Ukraine, à hauteur de 50 milliards d’euros. Ce soutien, essentiel, permettra au pays de tenir dans son fonctionnement quotidien, mais aussi de réaliser les investissements et les réformes nécessaires à son redressement.

Nous voulons également aller plus loin dans le soutien militaire de l’Union à l’Ukraine. En acceptant de livrer des armes, l’Europe a procédé à une véritable révolution copernicienne. Jamais nous n’aurions pu l’envisager il y a quelques années. Les ennemis de l’Europe comptaient là-dessus ; ils y voyaient une preuve de son impuissance. Les choses ont changé. Grâce à la Facilité européenne pour la paix, 7,1 milliards d’euros d’armement ont d’ores et déjà été engagés pour l’Ukraine.

Nous voulons maintenant franchir une nouvelle étape et réformer cet instrument pour en faire un véritable outil européen de production militaire. Tel est l’objet des négociations en cours, qui doivent aboutir à l’occasion du Conseil européen des 21 et 22 mars prochains.

Enfin, soutenir l’Ukraine, c’est reconnaître qu’elle se bat tous les jours pour nos valeurs et qu’elle fait partie de la famille européenne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous avons tenu à ce que ce débat et ce vote se tiennent aujourd’hui, c’est parce que nous sommes à un moment de bascule dans ce conflit. Nous le savons, cette guerre s’inscrit dans la durée : une guerre de positions se joue dorénavant.

Pour la Russie, le temps est désormais un allié. Elle compte sur la lassitude des amis de l’Ukraine et des opinions publiques désinformées par des organes orchestrés par des prorusses. Elle compte sur des échéances électorales prochaines, aux États-Unis comme en Europe. Elle compte sur l’efficacité à long terme de son travail de sape et de désinformation.

Dans le même temps, la Russie durcit sa position. Elle le fait tout d’abord sur son territoire national, en renforçant plus encore la chape de plomb qui pèse sur la société russe. À quelques jours de l’élection présidentielle en Russie – si l’on peut parler d’élection ! –, je souhaite rendre hommage à Alexeï Navalny. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC, Les Républicains, GEST et SER. – Mme Michelle Gréaume et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Avec la mort tragique en prison de cet opposant, mort qui porte la marque de la responsabilité du Kremlin, avec l’interdiction faite à tout candidat des oppositions de participer à la prochaine élection présidentielle, le message est clair et s’impose à tous, me semble-t-il : le régime autoritaire russe est déterminé à combattre nos valeurs et nos intérêts.

Sur le terrain, en Ukraine, la Russie durcit également sa position, multipliant les attaques et les exactions. Parce que les forces russes ont repris la ville d’Avdiïvka, à un coût exorbitant pour elles, elles veulent faire croire qu’elles ont repris l’initiative.

La Russie durcit également sa position en devenant un acteur méthodique de la déstabilisation du monde, en Syrie, dans le Caucase, en Asie centrale ou en Afrique, notamment grâce à ses faux nez et à ses mercenaires – nous ne l’avons que trop vu au Sahel.

Elle durcit aussi ses attaques dans le champ de l’information, n’hésitant pas à propager de fausses nouvelles pour tenter de diviser les peuples. La France n’y fait pas exception : elle est une cible de choix pour la Russie, qui n’hésite pas à intervenir dans notre pays pour tenter de semer la discorde.

La Russie durcit sa position dans le cyberespace, en lançant des cyberattaques de plus en plus nombreuses. Elle durcit sa position en se lançant dans une militarisation de l’espace qui peut mettre en danger nos satellites, en dépit de toutes les règles et de toutes les conventions internationales.

Nous sommes donc dans un moment décisif. La Russie est une menace, non seulement pour l’Ukraine, mais aussi, directement, pour nous : pour l’Europe, pour la France et pour le peuple français. Si nous faiblissons face à cette puissance impérialiste et révisionniste, les conséquences seront dures. Il n’y a que la détermination politique et la posture stratégique qui comptent, pour la tenir en respect. Et la première ligne de défense, c’est en Ukraine qu’elle se situe.

Je le répète, la Russie ne peut ni ne doit gagner. Que voudrait dire concrètement, pour les Français, une victoire de la Russie ? Je ne parle pas seulement d’arguments moraux, de l’abandon d’une démocratie, de la trahison de nos valeurs. Je parle de conséquences concrètes, qui pèseraient sur la vie des Français.

Une victoire de la Russie, c’est la fin d’un ordre international fondé sur le droit et un blanc-seing donné à toutes les puissances animées d’instincts révisionnistes.

Une victoire de la Russie, c’est le signal qu’attendent les régimes autoritaires pour sonner la fin de l’histoire des démocraties libérales.

Une victoire de la Russie, c’est le danger constant des appétits insatiables, une sécurité européenne affaiblie et un nombre de cyberattaques qui augmente encore, jusqu’à empêcher nos services publics de fonctionner.

Une victoire de la Russie, c’est le risque de nouveaux conflits, plus proches et plus menaçants encore, ainsi que de la prolifération à quelques centaines de kilomètres de nos frontières.

Une victoire de la Russie, c’est la plus grande vague migratoire de l’histoire sur le continent européen : des millions de réfugiés ukrainiens et des pays voisins, craignant pour leur propre sécurité, se déplaceraient sur le continent européen.

Une victoire de la Russie, c’est un danger direct pour notre sécurité alimentaire. La Russie et l’Ukraine sont en effet les deux plus grands producteurs de céréales au monde. Si la Russie prenait le contrôle des céréales ukrainiennes, elle serait libre de fixer les prix comme bon lui semble, en réponse à nos sanctions, menaçant directement nos agriculteurs et le pouvoir d’achat des Français.

Une victoire de la Russie, c’est aussi le risque de la panne énergétique généralisée. Nous avons réussi à tenir face au chantage gazier de la Russie, mais si cette dernière se trouvait en position de force après l’avoir emporté sur l’Ukraine, elle serait en mesure de déstabiliser davantage encore le marché, avec, à la clé, des factures d’énergie et des prix à la pompe qui exploseraient plus encore pour les Français.

Je le dis clairement, la guerre a évidemment déjà des conséquences dans la vie quotidienne de nos compatriotes, mais une victoire de la Russie, ce serait un cataclysme pour le pouvoir d’achat des Français.

La liste est encore longue. Je pourrais continuer longtemps à énumérer, un à un, les risques concrets, tangibles et directs d’une victoire de la Russie pour la vie quotidienne des Français.

Je le répète, dans un monde où la Russie gagnerait, les Français vivraient moins bien, avec des aliments plus chers, de l’énergie plus coûteuse et une insécurité croissante. Cette guerre a évidemment un coût dans notre vie quotidienne, mais celui-ci serait décuplé, sans commune mesure, si la Russie l’emportait sur l’Ukraine. Le succès de l’Ukraine, c’est aussi l’intérêt des Français.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons réagir. C’est pourquoi le Président de la République a appelé ces dernières semaines à un sursaut collectif pour aider l’Ukraine et pour éviter le scénario du pire. La Russie ne peut ni ne doit gagner la guerre.

Dans un esprit de lucidité, en veillant à refuser toute escalade, nous prenons donc nos responsabilités. C’est le sens de l’accord de sécurité conclu entre le Président de la République et le président Zelensky à Paris, le 16 février dernier.

Cet accord bilatéral, sur lequel nous vous demandons de vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs, porte sur des engagements mutuels entre la France et l’Ukraine.

Il s’agit tout d’abord d’un engagement politique très fort de la France à renforcer structurellement et à long terme les capacités de l’Ukraine sur tous les plans : militaire, économique, mais aussi pour la reconstruction du pays. L’objectif est d’accroître la capacité de l’Ukraine à résister, de renforcer sa résilience et de décourager tout acte d’agression à l’avenir.

Dans le prolongement des engagements pris par les pays du G7 dans une déclaration adoptée le 12 juillet 2023 en marge du sommet de l’Otan à Vilnius, cet accord s’inscrit dans une logique collective. En plus des pays du G7, vingt-cinq pays ont adhéré à cette démarche. En comptant la France, sept pays ont déjà conclu des accords similaires : l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, l’Italie, les Pays-Bas et le Danemark.

C’est donc bien sur un élan de solidarité internationale que nous vous demandons de vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs.

Quel est l’engagement des pays signataires d’un accord de ce type ? Il s’agit, en cas de nouvelle agression russe contre l’Ukraine, de lui fournir une assistance rapide, notamment en matière de sécurité, d’équipements militaires et d’assistance économique.

En matière d’aide militaire, cet accord prévoit, pour l’année 2024, jusqu’à 3 milliards d’euros de soutien militaire additionnel ; c’est pratiquement une fois et demie ce que nous avons fourni en 2023 et près de deux fois ce que nous avons fourni en 2022.

Par votre vote, nous vous demandons d’affirmer que la France est un partenaire militaire fiable de l’Ukraine, un partenaire capable de prendre l’initiative – je pense notamment à la livraison de chars légers –, un partenaire capable de livrer des capacités qui font la différence sur le terrain – je pense notamment à nos canons Caesar et aux missiles à longue portée Scalp.

En contrepartie de ces engagements financiers importants, l’Ukraine s’engage pour sa part à poursuivre sa trajectoire ambitieuse de réformes. Cela implique la poursuite des efforts importants engagés par les autorités ukrainiennes en matière de lutte anticorruption, de réforme judiciaire, de consolidation de l’État de droit, de décentralisation, de modernisation de son secteur de la défense, ou encore de transformation de son agriculture vers les standards européens.

Cet accord est un acte fort. Il réaffirme le soutien de la France à l’Ukraine dans la durée. Et s’il n’est juridiquement pas soumis à la ratification du Parlement, le Président de la République a souhaité qu’il vous soit présenté, que vous puissiez en débattre et que vous puissiez voter, mesdames, messieurs les sénateurs.

En effet, derrière cet accord, c’est non pas seulement l’avenir de l’Ukraine qui est en jeu, mais aussi la défense de nos intérêts et de notre sécurité. Cet accord les protège. J’en appelle à l’esprit de responsabilité de chacun au moment de voter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de cet accord, qui fera l’objet de votre vote, la France prend ses responsabilités en mobilisant la communauté internationale. Lors de la réunion qui s’est tenue à Paris le 26 février dernier, avec les chefs d’État et de gouvernement des vingt-sept États et de leurs représentants, de nouveaux engagements ont été pris.

Collectivement, nous avons décidé de continuer à renforcer notre soutien à l’Ukraine.

Collectivement, nous avons choisi de renforcer nos efforts pour fournir à l’armée ukrainienne les munitions dont elle a besoin.

Collectivement, nous avons décidé de renforcer la défense antiaérienne et les capacités de frappe dans la profondeur des forces ukrainiennes. Une neuvième coalition internationale sera créée en ce sens.

Enfin, de nouveaux axes d’efforts ont été identifiés et proposés, sur lesquels chacun pourra s’engager comme il le souhaite et autant qu’il le souhaite : il s’agit de renforcer la défense cyber et les capacités de déminage ukrainiennes, de coproduire des armes en Ukraine, d’assurer la défense des pays directement menacés par l’offensive russe, comme la Moldavie, et de soutenir l’Ukraine pour qu’elle puisse continuer de sécuriser sa frontière avec la Biélorussie.

Ces engagements ont porté leurs fruits. Loin des caricatures des partisans de la défaite permanente et du déclin, la France a donné un élan nouveau au soutien à l’Ukraine.

Lors de la conférence ministérielle de suivi organisée la semaine dernière sous l’égide du ministre de l’Europe et des affaires étrangères et du ministre des armées, des dizaines d’États partenaires ont accepté de se saisir de nos réflexions, de s’engager et même de prendre la tête des travaux sur certains chantiers.

Grâce à la volonté du Président de la République et à l’engagement du Gouvernement, la France est à l’initiative, elle est un moteur.

Nous avons posé toutes les options sur la table, sans logique d’escalade et sans faux-semblants. Cela a permis un électrochoc salutaire, qui a donné un coup d’accélérateur à la réaction internationale.

Nous avons assumé notre rôle. Les travaux sont lancés. Nous proposons et nos partenaires sont libres de participer, d’avancer et de contribuer.

Je veux le dire clairement : dans un moment aussi grave, dans une situation aussi complexe, il n’y a pas de place pour l’instrumentalisation. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et Les Républicains.)

Mme Céline Brulin. Elle est bien bonne, celle-là !

M. Roger Karoutchi. Cette phrase est de trop…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Le message du Président de la République a été très clair : nous n’abandonnerons pas l’Ukraine et nous n’excluons par principe aucune option.

Nous nous inscrivons dans un cadre réfléchi pour réaffirmer notre soutien à l’Ukraine, mais sans faire la guerre à la Russie et en refusant toute logique d’escalade. Nous ne nous fixons pas de limites face à une Russie qui, elle, n’en fixe aucune.

Nous continuerons, comme nous le faisons depuis le début du conflit, à faire évoluer notre soutien pour l’adapter aux besoins des Ukrainiens. (M. François Patriat applaudit.)

En deux ans, de nombreuses évolutions que l’on croyait impensables ont eu lieu. La Suède et la Finlande qui rejoignent l’Otan ? Impensable ! Pourtant, c’est fait. L’Europe capable de prendre des sanctions fortes en quelques heures ? Impensable ! Pourtant, c’est fait. L’Europe qui se mobilise, qui fournit des armes ? Impensable ! Pourtant, c’est fait.

Il y a une différence entre le soutien militaire et la cobelligérance. Nous pratiquons cette différence tous les jours, avec nos partenaires et nos alliés. Une dynamique est en train de se lancer depuis les chantiers ouverts à Paris, afin de faire plus, mieux et, si besoin, différemment pour soutenir l’Ukraine dans la durée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces propos sont fermes, je le sais. Mais je veux rappeler qu’aucun pays n’a œuvré plus que la France au dialogue avec la Russie pour ramener ses dirigeants à la raison.

Que ce soit dans les négociations avec l’Allemagne au format dit Normandie, commencées dès 2014 sous l’égide du président François Hollande, puis reprises par le président Macron ; que ce soit par les initiatives françaises de ces dernières années, lors des rencontres entre le Président de la République et le président Poutine à Versailles, à Saint-Pétersbourg, à Osaka et à Brégançon ; que ce soit par l’organisation, sur l’initiative du Président de la République, de ce qui s’est révélé la seule rencontre entre les présidents Zelensky et Poutine, qui a eu lieu en décembre 2019, en France, à l’Élysée ; que ce soit dans les mois, les semaines, les jours et les heures qui ont précédé l’éclatement du conflit, durant lesquels le Président de la République a tout tenté, jusqu’à se rendre à Moscou pour éviter la guerre.

Mme Sophie Primas. Quel héros ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre. À toutes les étapes, notre engagement a été constant en faveur de la souveraineté et du respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, sans volonté d’ostraciser la Russie.

C’est la raison pour laquelle la position de la France en faveur de la paix est inchangée. Notre objectif reste celui d’une solution négociée qui respecte les droits de l’Ukraine et nos intérêts de sécurité. C’est la seule solution qui permette d’obtenir des garanties crédibles de la part de la Russie, pour s’assurer que celle-ci ne retournera à l’assaut ni de l’Ukraine ni d’un autre pays européen.

Certaines voix s’élèvent dans le débat public et parmi les politiques, notamment parmi les députés qui se sont exprimés hier à l’Assemblée nationale. Elles disent que, si elles ne soutiennent pas le présent accord, qui prévoit de renforcer notre soutien à tout point de vue à l’Ukraine, elles plaident pour une solution négociée.

Toutefois, comment peut-on imaginer une solution négociée qui permette aux Ukrainiens de vivre libres si la situation reste inchangée et que la Russie conserve un avantage absolu dans le rapport de force avec l’Ukraine ? Comment peut-on imaginer une solution négociée acceptable qui se traduise par une paix réelle si celle-ci est conclue alors que les Ukrainiens ont un pistolet sur la tempe ? (M. Cédric Perrin approuve. – Mme Cécile Cukierman proteste.)

Soutenir l’Ukraine, c’est lui permettre de résister et de bénéficier d’un rapport de force favorable à la conclusion d’une solution négociée dans l’intérêt des Ukrainiens. L’inverse n’est, hélas ! pas envisageable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans quelques instants, vous voterez. Vous vous prononcerez sur notre accord de sécurité bilatéral avec l’Ukraine, sur notre soutien à l’Ukraine et sur notre capacité à défendre nos intérêts et nos valeurs.

Au moment de ce vote, les Français nous regardent ; des Français qui s’inquiètent de la situation, des Français que la Russie menace, des Français qui tiennent à nos valeurs, à notre liberté, à notre démocratie et qui, je le crois, ont parfaitement compris quels dangers les guettaient si la Russie l’emportait. Il est aussi de notre responsabilité de le leur redire.

Lorsque nous annonçons que nous soutenons l’Ukraine à hauteur de 3 milliards d’euros, des Français réagissent, s’interrogent et nous posent des questions.

Il nous revient de leur rappeler que, si ce soutien a un coût, nos valeurs, la liberté des peuples et la sécurité de l’Europe n’ont pas de prix, et que si la Russie venait à l’emporter sur l’Ukraine, il nous faudrait engager bien d’autres moyens budgétaires pour soutenir les Français face aux conséquences que j’ai évoquées tout à l’heure, en particulier face à l’inflation, aussi bien alimentaire qu’énergétique, qui serait plus forte encore que celle que nous connaissons aujourd’hui.

Évidemment, l’Ukraine nous regarde aussi. Je salue d’ailleurs son ambassadeur, présent en tribune. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement M. lambassadeur.)

L’Ukraine attend la confirmation et le signal de notre unité derrière elle.

Nos partenaires nous regardent. Ils ont répondu à notre appel, sont prêts à s’engager davantage pour l’Ukraine et attendent de nous que nous montrions l’exemple.

La Russie nous regarde également, elle qui veut imposer la loi du plus fort, elle qui veut nous diviser, elle qui veut mettre à bas nos principes et nos valeurs.

Ce vote est important. Dans le respect des convictions et des histoires de chacun, je sais pouvoir compter sur notre responsabilité collective.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette nuit, l’amiral Philippe de Gaulle est mort. Je tiens à lui rendre hommage, comme Gérard Larcher l’a fait précédemment. (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.)

M. Pascal Savoldelli. Ça, c’est de l’instrumentalisation !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Non, monsieur le sénateur, j’estime que c’est mon rôle de lui rendre hommage.

Engagé dans la Résistance avant même qu’elle n’en porte vraiment le nom, il a combattu avec la 2e DB. Il a passé sa vie au service de la France, que ce soit sous l’uniforme ou sur les travées de cet hémicycle. Pendant plus d’un siècle, Philippe de Gaulle a fait souffler l’esprit de résistance.

Il relève de la liberté de chacun de rejoindre ou non cette conviction, mais, j’y insiste, c’est bien de l’esprit de résistance, si français, qu’il est question aujourd’hui : résistance face à l’oppression, résistance face à l’invasion, résistance pour nos valeurs et pour les intérêts du peuple français.

La Russie ne peut et ne doit pas gagner. Car si l’Ukraine perd, nous perdons nous aussi.

Mme Silvana Silvani. C’est indécent !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous ne laisserons pas la Russie gagner. La France ne peut se dérober à ses responsabilités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, hier, à une large majorité, l’Assemblée nationale a voté en faveur de cet accord bilatéral de sécurité. Aujourd’hui, je sollicite votre approbation, celle du Sénat. Ensemble, soyons fidèles à notre histoire, soyons fidèles à l’héritage de notre nation : demeurons du côté de la justice et de la résistance. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, il revient naturellement au Parlement de débattre de la guerre en Ukraine. Un tel débat est incontournable, d’autant que la donne est très différente de ce qu’elle était il y a deux ans. Mais débattre de quoi ?

Nous ne pouvons pas nous cacher que, depuis quelques jours ou quelques semaines, l’inquiétude quant à l’issue du conflit s’est doublée d’une autre inquiétude, celle d’une confusion française.

Les déclarations intempestives successives du Président de la République ont déconcerté nos alliés et peut-être donné le sentiment d’un mélange déplacé entre politique étrangère et politique intérieure, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) Je m’efforcerai toutefois de situer mon propos au-delà de ce genre de polémiques.

La première inquiétude concerne l’issue du conflit. La nation ukrainienne s’est révélée. Elle a déployé une résistance héroïque qui se heurte à plusieurs obstacles : l’aide américaine bloquée par le Congrès, le soutien européen, qui, bien que manifeste, peine à se concrétiser, et, surtout, la détermination, froide et métallique, de l’autocrate russe, pour qui rien ne compte, ni le temps, ni les vies humaines, ni même la prospérité de sa population soumise à une militarisation sans précédent.

On constate un énorme paradoxe, mes chers collègues : la Russie et la Biélorussie représentent environ 3,3 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Occident. Comment ces 3,3 % du PIB peuvent-ils produire un tel effort de guerre ?

Il est loin le temps où un ministre de l’économie français indiquait que nous allions « provoquer l’effondrement de l’économie russe » avec des sanctions… (Marques dironie sur les travées du groupe SER.)

M. Mickaël Vallet. De l’économie française, oui !

M. Bruno Retailleau. Ces sanctions, nous les avons acceptées, ici même, il y a deux ans. J’avais alors indiqué qu’elles auraient sans doute une portée limitée, mais que, moralement, nous devions les prendre. Force est de constater qu’elles n’ont pas affaibli la Russie, mais simplement renforcé son autonomie vis-à-vis des marchés occidentaux. Car – c’est la révélation de cette guerre –, à côté de l’Occident, il y a un autre monde.

Aujourd’hui, c’est notre propre effort de guerre qui peine à adopter le rythme nécessaire, car nous menons en quelque sorte une bataille de l’arrière pour aider ceux qui combattent à l’avant. Bien malin qui pourrait prédire l’issue de ce conflit. Il faudrait lire dans le marc de café ou bien être la reine de Saba, qui, si l’on en croit Flaubert, disposait d’un bouclier sur l’un des côtés duquel était gravé l’avenir des guerres… Mais tel n’est pas notre cas.

Une autre inquiétude concerne les déclarations du Président de la République, lorsqu’il menace ou du moins n’exclut pas l’envoi de troupes sur le front. Je sais que rien n’a été décidé, bien évidemment. Mais, vingt mois auparavant, il disait qu’il fallait veiller à ne pas humilier la Russie, ce que l’on pouvait d’ailleurs comprendre, à l’époque… Ces déclarations changeantes et ces volte-face ont eu pour résultat d’isoler la France, de diviser et de déconcerter nos alliés.

Je crois profondément que l’ambiguïté stratégique a pour objectif militaire de créer une incertitude. Mais quand l’on force ses alliés à déclarer l’un après l’autre qu’ils n’enverront pas de troupes sur le front, alors cette certitude l’emporte sur toute incertitude, et il reste la cacophonie.

Sur la scène internationale, pour qu’un État tienne son rang, il faut que le chef d’État tienne une ligne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Bonnecarrère et Olivier Henno applaudissent également.)

Précisément, quelle doit être la ligne de la France ? Pour notre groupe, elle doit rester ce qu’elle a été depuis le début de l’agression russe : tout faire pour que la Russie ne remporte pas ce conflit, ne rien faire qui nous entraîne dans une guerre que nous ne voulons pas. C’est une ligne de crête, je le sais, qui est difficile à tenir, mais c’est la seule position qui soit compatible avec l’intérêt de la France et avec nos convictions.

Car si nous soutenons du mieux que nous pouvons l’Ukraine, c’est au nom d’un double combat, à la fois gaullien – vous avez cité l’amiral de Gaulle, monsieur le Premier ministre – et certainement français : le combat pour la souveraineté des nations et pour la liberté des hommes.

Le premier est un combat continuel, et même originel, puisqu’il a fondé la France. C’était la Nation contre l’Empire, la frontière contre le glacis et contre les marches, le droit contre la force brute ou la violence. Voilà un combat que nous comprenons. Vladimir Poutine tente de récapituler l’histoire des deux périodes tsariste et soviétique à l’aune de la notion d’empire.

Paradoxalement, face à cet expansionnisme ou à cet impérialisme, puisque vous avez utilisé ce terme, monsieur le Premier ministre, la nation ukrainienne s’est unifiée et s’est révélée : elle a finalement découvert le sort sans doute tragique de toutes ces nations d’Europe centrale, qui savent que leur existence ne va pas de soi, comme l’a mis en lumière Milan Kundera dans l’un de ses plus grands livres, Un Occident kidnappé.

L’autre combat, c’est celui de la liberté des hommes. Pour reprendre cette belle phrase du général de Gaulle qui appartient à notre patrimoine, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, « il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ». C’est au nom de ce pacte que nous ne pouvons pas tolérer ni accepter le retour de l’homme rouge à l’est de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

En effet, c’est bien de cela qu’il s’agit : du retour des vieilles pratiques soviétiques, du mensonge institutionnalisé, de la délation – mes chers collègues, lisez la récente publication du dissident Victor Erofeev sur le sujet –, et de l’État KGBiste, comme le montre encore l’assassinat politique d’Alexeï Navalny.

La statue de Félix Dzerjinski a été déboulonnée à Kiev, mais reconstruite à Moscou. Le crime est récompensé et la mémoire verrouillée. L’association Mémorial, qui travaillait sur les crimes du soviétisme, a été dissoute, et l’écho résonne de la prophétie tragique du grand Soljenitsyne dans LArchipel du Goulag : « L’archipel a été, l’archipel demeure, l’archipel sera. » Tout simplement, mes chers collègues, parce qu’il n’y a pas eu de Nuremberg du soviétisme,… (Murmures sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Mickaël Vallet. Pas plus que du franquisme…

M. Bruno Retailleau. … et qu’aucun des tortionnaires n’a eu à répondre de ses crimes devant la justice.

Telles sont les raisons profondes pour lesquelles nous soutenons l’Ukraine, au-delà même de celles qui peuvent et doivent nous mobiliser, comme l’agression contre nos intérêts en Afrique et les guerres hybrides que la Russie mène contre nous.

Les choses étant ce qu’elles sont, comme disait le général de Gaulle, que devons-nous faire ? Il faut nécessairement accorder deux impératifs : la solidarité et la réalité.

En d’autres termes, monsieur le Premier ministre, à l’heure où je vous parle, un cessez-le-feu ou un armistice sont hors de portée. Aucun des deux belligérants ne le souhaite, compte tenu des crimes de guerre russes et de la volonté de Vladimir Poutine d’enregistrer une victoire de fait ou, du moins, d’établir une frontière depuis laquelle il pourrait menacer en permanence l’Ukraine. Ces objectifs ne sont donc pas atteignables à court terme.

En revanche, notre stratégie et notre but, puisque Vladimir Poutine ne connaît que le rapport de force, doivent être de rendre l’option de la poursuite de la guerre plus coûteuse que celle du refus des négociations. C’est ainsi que nous concevons notre soutien à l’Ukraine. Mais cela implique d’agir en conséquence, sans se payer de mots ni chercher à compenser par des déclarations tonitruantes des actes qui seraient trop faibles. Ce qui compte, c’est le soutien militaire immédiat, non les promesses de demain.

Dans cet accord, deux sujets préoccupent notre groupe.

Premièrement, il s’agit de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Celle-ci n’est pas à l’ordre du jour. Des obstacles demeureront tant qu’il n’y aura pas de réforme des institutions européennes, ce qui requiert l’unanimité et risque d’être compliqué. De plus, nos agriculteurs ne doivent pas payer le prix de cette guerre ; ce n’est pas à eux d’en assumer le coût. Par ailleurs, l’article 42.7 du traité sur l’Union européenne prévoit une obligation d’assistance mutuelle entre États membres.

Deuxièmement, il s’agit de l’Otan. Je ne vois pas non plus l’Ukraine y adhérer à court ou moyen terme : elle n’y entrera pas tant que la guerre se poursuivra. Et nous savons pertinemment que, lorsque viendra le moment des négociations – car il viendra nécessairement – tout sera sur la table. Aussi, plutôt que des promesses lointaines et incertaines ou des déclarations guerrières, il faut donner dès aujourd’hui à l’Ukraine les moyens de se défendre. Tel est le principe qui doit nous guider.

N’entrons pas dans la polémique et ne traitons pas de « lâche » tel ou tel de nos alliés… Regardons-nous plutôt en face. Vous êtes optimiste, monsieur le Premier ministre, et je veux croire en cet optimisme s’il est de volonté.

Toutefois, puisqu’il s’agit d’une guerre de stocks et que nous assumons la bataille de l’arrière, et certainement pas celle de l’avant, ce qui compte, ce sont les munitions. Or un excellent rapport de la commission des affaires étrangères, dont je salue le président, indique que, en deux ans, nous avons livré environ 30 000 obus de 155 millimètres, soit à peu près ce que consomme l’artillerie russe en une grosse journée… En outre, il y a quelques jours, l’unique usine de Tarbes qui nous permet de produire les corps d’obus était en panne.

Revenons donc à la réalité et aidons véritablement l’Ukraine, sans nous payer de déclarations qui peuvent épouvanter notre opinion et, je le répète, déconcerter nos partenaires et alliés.

L’Union européenne doit bien évidemment être au premier rang en cette année 2024, qui sera décisive. Elle a proclamé son réveil stratégique au lendemain de l’invasion, mais a-t-elle ouvert grand les yeux ? Permettez-moi d’être moins optimiste que vous, monsieur le Premier ministre.

Les trois quarts des armes livrées par les États membres ont été achetés, dont les deux tiers aux États-Unis, et cela alors que nous disposons d’une industrie de défense.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Cela va changer !

M. Bruno Retailleau. Il est important de le souligner pour donner au terme de « puissance » un peu de réalité concrète : il n’y aura pas de puissance européenne sans une puissance industrielle de production, notamment de munitions.

En conclusion, nous prenons acte de cet accord et le considérons comme ce qu’il est. Ce n’est pas un traité ; sinon vous auriez eu recours à l’article 53 de la Constitution, non à l’article 50-1. Nous le prenons d’abord comme un signal de solidarité, bien entendu. Et notre vote sera un vote de soutien à l’Ukraine, en aucun cas aux déclarations du Président de la République ou au Gouvernement – les choses sont claires et je les dis très solennellement.

Monsieur le Premier ministre, après les déclarations que nous avons tous entendues, pensez-vous que la France n’est pas déjà suffisamment archipélisée qu’il ne faille pas en rajouter ? Croyez-vous que, pour des raisons électorales, il faille ajouter à cette archipélisation une fragmentation nouvelle ? L’unité n’est-elle pas une force face à l’adversité ? Les enjeux sont tellement importants qu’il nous faut nous rassembler, car les temps tragiques sont de retour, où le destin frappe à la porte de l’Europe. Ces temps exigent que nous nous hissions à la hauteur de la situation.

Le soutien à l’Ukraine, c’est aussi notre intérêt et notre assurance. (Marques dimpatience sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Bruno Retailleau. Isaac Newton a dit un jour : « Je sais calculer le mouvement des corps pesants, mais pas la folie des foules. » Tenons-le-nous pour dit ! (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le choix du Gouvernement d’organiser – enfin ! – un débat suivi d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Au nom de mon groupe, je souhaite que nous puissions avoir plus régulièrement de tels débats.

Pour commencer, je veux rendre un triple hommage.

Tout d’abord, aux femmes et aux hommes ukrainiens qui se battent chaque jour depuis maintenant deux ans, au péril de leur vie, subissant les bombes, les viols et les déportations d’enfants en Russie. Nous pouvons collectivement les saluer et les remercier.

Ensuite, je tiens à rendre hommage aux Français et aux Françaises qui, à titre individuel, dans des associations ou au niveau des collectivités, ont su accueillir des réfugiés ukrainiens et continuent de les accompagner. Il n’y a en effet rien de pire que de quitter son pays et sa famille en laissant derrière soi ses proches disparus.

Enfin, je souhaite rendre hommage aux opposants russes et biélorusses, qui risquent leur vie simplement pour dire non, pour exprimer leur opinion et pour appeler à la liberté dans leur pays.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre, nous devons être à la hauteur des enjeux de ce débat, à un moment critique de notre histoire et de la guerre en Ukraine.

Permettez-moi de replacer les choses dans leur contexte. Ce nouveau monde dans lequel nous plongeons marque la fin d’une parenthèse presque heureuse depuis 1945, certains pensant que nous étions parvenus à la fin de l’histoire. Désormais, la question de la guerre totale redevient en Europe une réalité que nous devons prendre en compte, y compris dans notre programmation militaire et dans la nécessaire réindustrialisation de notre pays, notamment pour sécuriser nos approvisionnements en matières premières et en terres rares essentielles à notre défense.

Nous sommes aujourd’hui face à un dictateur qui, depuis son accession au pouvoir en 1999, d’abord comme Premier ministre, puis comme président du pays, n’a fait que mener des guerres entre deux pauses diplomatiques : la Tchétchénie, la Géorgie, l’Ukraine une première fois, la Syrie, puis aujourd’hui l’Afrique, avant de revenir sur le continent européen pour mener cette guerre en Ukraine.

Cela doit nous interroger sur ceux qui prétendent qu’il aurait été provoqué et que l’Europe ou l’Otan serait responsable… Non, la réalité est simple : Vladimir Poutine veut reconstituer un empire russe, et j’insiste sur cet adjectif, même si j’ai bien entendu le président Retailleau. Il faut garder en tête cet élément.

Il a d’ailleurs bafoué tous les traités : celui de 1991 entre la Russie et l’Ukraine sur les frontières, puis l’accord de Minsk et le protocole de Minsk de 2014. Je tiens d’ailleurs à saluer le courage du président François Hollande qui, en 2014, a refusé la livraison des missiles Mistral à la Russie, ce qui lui avait valu à l’époque d’être vilipendé, notamment par l’extrême droite, ainsi que par certains qui siégeaient sur les bancs de la droite républicaine (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.), mais qui ont depuis lors changé d’avis, je le sais, et c’est heureux.

Je le rappelle, car, dans le débat qui nous occupe, certains nous disent qu’il faudrait faire la paix et que nous serions trop durs avec Vladimir Poutine.

Je me souviens d’un candidat à l’élection présidentielle – chacun le reconnaîtra – qui proposait une conférence sur les frontières, ouvrant ainsi la porte aux revendications de Vladimir Poutine. Je me souviens également que l’extrême droite a toujours soutenu les pseudo-référendums dans le Donbass et en Crimée et ne fait finalement que payer sa dette envers son banquier.

Désormais, c’est bien la question du maintien du front qui nous préoccupe. Il y a quelques mois, les Ukrainiens lançaient une grande offensive. Aujourd’hui, ils sont en grande difficulté sur le plan défensif. Y aura-t-il encore un front dans quelques mois, alors que les États-Unis bloquent leur financement et que nous avons nous-mêmes du mal à produire suffisamment, malgré les efforts entrepris depuis deux ans ? Il nous faut aller plus loin.

Nous savons que, après l’Ukraine, le bruit des bottes pourrait se faire entendre vers la Moldavie. Nous savons aussi que les pays baltes, dont les frontières terrestres ne jouxtent que la Russie et la Biélorussie, alliée ou vassale de Vladimir Poutine, sont inquiets. Face à cette situation, que faire ?

J’ai bien entendu, monsieur le Premier ministre, tout ce que la France a déjà fait. Certains évoquent notre classement en quatorzième position dans un fameux barème, d’autres un rapport de l’Assemblée nationale qui nous placerait bien plus haut. Mais la réalité, c’est que les Ukrainiens ne peuvent plus tenir et que l’Europe et les États-Unis ne produisent pas suffisamment. L’enjeu n’est pas d’être deuxième, quatrième ou vingt-cinquième ; il est que le système ne fonctionne pas.

Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous ne ferons le procès de personne, mais nous souhaitons avancer quelques propositions. Tout d’abord, monsieur le Premier ministre, il faut entendre les inquiétudes et les craintes des Français. J’invite le Président de la République, qui s’exprimera demain soir, à rassembler et à fédérer les Français derrière ce combat légitime pour nos amis ukrainiens.

Il faut aussi produire plus rapidement. Lors d’un débat organisé il y a quelques semaines dans cet hémicycle, nous avions proposé la création d’un livret d’épargne « défense et souveraineté », pour permettre aux Français de protéger leur épargne tout en contribuant à la défense du pays. Je crois qu’il faudrait le mettre en place sans attendre, même si cela n’offrira pas de solution immédiate, notamment pour la question des pièces détachées.

Il faut également nous assurer, monsieur le Premier ministre, que nous pourrons rapidement aider les Ukrainiens à tenir, y compris sur le plan budgétaire et financier, alors que 53 % de leurs dépenses sont consacrées à la défense.

Il faut aussi aller plus loin sur le gel des avoirs russes, qui représentent 200 milliards d’euros dans les banques européennes. L’avancée récente de l’Union européenne sur ce dossier est encore trop timide. Je propose que le Parlement puisse voter très rapidement une proposition de loi permettant de récupérer la partie française de ces avoirs, pour financer l’achat d’armes et, le moment venu, la reconstruction de l’Ukraine.

On pourrait aussi imaginer, monsieur le Premier ministre, un nouveau train de sanctions. Une autre proposition serait de faire en sorte que la Banque européenne d’investissement puisse, enfin, financer notre industrie de défense, ce qui n’est pas possible aujourd’hui.

Je pourrais également citer le travail que nous menons dans le cadre de la commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères, car il ne faut pas oublier que, si nous ne faisons pas la guerre à la Russie, cette dernière la fait, à l’Ukraine avec des bombes et des drones, mais à nous aussi, via des cyberattaques.

Pour conclure, monsieur le Premier ministre, je crois qu’il faut revoir la loi de programmation militaire. Le texte prévoit une clause de revoyure, et je pense que l’on ne peut pas attendre.

La guerre totale en Europe, dont nous constatons les dégâts, nous oblige à reprendre les travaux, à reformer notre défense et à prendre des mesures exceptionnelles pour produire. Nous savons très bien que l’attractivité des métiers dans l’armée pose problème. Tout cela doit être mis sur la table. Nous avons voté une bonne loi de programmation militaire, mais elle est désormais fracturée et mise à mal par ce qui se passe en Europe.

À présent, monsieur le Premier ministre, il reste à savoir sur quoi nous allons voter. Il est vrai que cet accord est surtout une déclaration d’intention et de principe. Cela ne nous pose pas de problème au sein du groupe socialiste, puisque, depuis le premier jour, nous soutenons les Ukrainiens.

Toutefois, il faut dire aux Français qu’il ne s’agit pas d’un accord contraignant. Ce que l’on nous propose de ratifier n’est pas un blanc-seing pour le Gouvernement. Ce n’est pas non plus une déclaration de guerre contre la Russie, une entrée de la France dans le conflit ou la belligérance pour notre pays : il n’est pas prévu à ce jour d’envoyer des troupes combattantes en Ukraine.

Ce n’est pas non plus de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne qu’il s’agit, car il faudra pour cela non seulement prévoir une réforme des institutions communautaires, mais aussi garantir la protection de certains secteurs, notamment l’agriculture. Ce n’est pas non plus l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, puisque celle-ci devrait être soumise à un vote, comme pour la Suède et la Finlande.

Cet accord reste donc une déclaration d’intention, d’autant plus importante et forte que, comme vous l’avez dit, elle a été présentée devant M. l’ambassadeur d’Ukraine en France. C’est un message adressé aux Français et au peuple ukrainien, mais aussi, je le crois, au peuple russe qui subit le joug et la dictature.

Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront cet accord. Ils le feront d’autant plus facilement qu’il existe une longue tradition de Présidents de la République et de Premiers ministres socialistes qui ont su prendre leurs responsabilités pour aider tel ou tel pays en difficulté.

Je terminerai en citant LArmée nouvelle, un essai que Jean Jaurès publia en 1910. Il y indiquait qu’il était certes partisan de la paix, mais que, pour défendre celle-ci, il fallait avoir une armée capable de le faire. Tel est, je crois, l’enjeu qui doit nous préoccuper.

Nous voterons ce projet d’accord de sécurité franco-ukrainien. Vive l’Ukraine et vive la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Philippe Tabarot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, à la suite de l’agression russe de l’Ukraine, pour la première fois depuis quatre-vingts ans, deux nations du continent européen sont en guerre ouverte.

Ne nous y trompons pas, cette situation est aussi la résultante de la cécité collective, voire des lâchetés qui ont été les nôtres, après les agressions menées par Poutine contre la Géorgie en 2008 et dans le Donbass et la Crimée en 2014.

La situation sur le terrain est d’une grande complexité pour les deux belligérants. En effet, tous deux sont en voie d’épuisement après plus de deux ans d’un affrontement total, plus de deux ans de sang versé, plus de deux ans au cours desquels un nombre trop important de jeunes soldats ont quitté le front blessés et définitivement marqués, alors que d’innocents civils ukrainiens, femmes et enfants, tombaient sous les bombardements russes.

La répression se radicalise aussi au sein même de la Russie, où toute revendication contraire au narratif erroné de Vladimir Poutine est durement réprimée. À cet égard, nous avons une pensée émue pour Alexeï Navalny.

Cette guerre est duale. Elle mêle les technologies du XXIe siècle et les schémas tactiques d’une guerre de position qui rappelle les affres de la Première Guerre mondiale.

Je vous dresse ce tableau, monsieur le Premier ministre, à partir de ce que j’ai pu constater de mes propres yeux en février 2023. Au cœur de l’hiver, je me suis rendu sur la ligne de front et j’ai eu l’occasion de passer une nuit à quatre kilomètres de Bakhmout. Quelle leçon de vie que de pouvoir retrouver ces valeureux combattants ukrainiens, russophones pour la plupart, qui revenaient du front, épuisés, mais motivés !

Ils m’ont expliqué qu’ils se battaient tout d’abord pour les femmes et les enfants à l’arrière, et ensuite pour leur pays, son indépendance, sa souveraineté et son intégrité. Mais j’ajouterai qu’ils se battent aussi pour nous et pour notre modèle de démocratie fondée sur la liberté et sur le respect du droit, notamment international.

En cet instant, j’adresse une pensée particulière à deux Ukrainiens.

Yehor Cherniev combattait dans l’armée en 2014, avant de devenir député, puis vice-président de la commission de la défense de la Rada, qu’il représente à l’Assemblée parlementaire de l’Otan. C’est un infatigable défenseur de la cause ukrainienne, qu’il porte partout dans le monde.

Quant à Magnit, c’est un homme comme vous et moi. Il était artiste sculpteur avant le conflit, puis il s’est retrouvé à combattre en première ligne. J’ai pu lire dans les yeux de ses camarades tout le respect qu’ils avaient pour lui. Il s’est battu avec force, courage et détermination, mais il a été blessé et il est désormais en convalescence dans un hôpital près de Kiev. Je crois que vous vous joindrez à moi, mes chers collègues, pour lui souhaiter un prompt rétablissement.

Lors de ce déplacement, j’ai pu assister à des tirs opérationnels du canon Caesar, que nous avons livré ; ce fut très instructif. Nous avons beaucoup parlé, au Sénat, en commission notamment, du problème des munitions.

Les soldats ukrainiens m’ont fait part de la difficulté que pose la compatibilité de leurs armes avec les munitions dont ils disposent. Ils font l’éloge de notre canon, de sa précision, de son allonge, de sa mobilité et de sa rapidité de mise en œuvre. Mais, au moment où j’ai échangé avec eux, ils ne réalisaient qu’un tiers de leurs tirs avec les obus de 155 millimètres que nous leur fournissions. Et ils m’ont affirmé avoir testé sept types différents de munitions avant de trouver celles – elles sont américaines – qui leur permettent d’agir en toute sécurité et en toute efficacité.

L’achat de munitions n’est pas un achat ordinaire. Une munition n’est pas un produit interchangeable comme peuvent l’être nos capsules de café : on ne saurait passer aussi aisément d’un fabricant à un autre. Ne nous y trompons pas, si nous avons décidé d’augmenter nos capacités de production, afin de réussir à livrer jusqu’à 3 000 obus par mois, les Russes, eux, en tirent près de 25 000 par jour, quand les Ukrainiens sont limités à près de 5 000 ripostes quotidiennes : nous sommes loin, bien loin, du compte.

Monsieur le Premier ministre, nous nous félicitons que la France ait pris la tête de la coalition artillerie et nous devons poursuivre nos efforts en la matière.

Vous nous avez aussi parlé d’une neuvième coalition internationale pour les frappes en profondeur. Nous souhaitons que notre pays la rejoigne, ainsi que la coalition aviation, et complète son action pour ce qui concerne les indispensables frappes en profondeur, en livrant enfin les Mirage 2000 équipés de missiles Scalp. Ces derniers seraient bien plus utiles sur le front que sous coque, ici, dans nos hangars. Il n’est plus possible de laisser les Ukrainiens se battre dans ces conditions et ne pas posséder l’indispensable maîtrise de la troisième dimension.

La victoire de l’Ukraine est vitale pour nos valeurs, pour la paix et pour la sécurité en Europe. Mais, pour en arriver à cette victoire, il est impérieusement nécessaire que nous, alliés du peuple ukrainien, sortions de notre logique du « trop peu, trop lentement, trop tard ».

Le groupe Union Centriste soutient l’accord bilatéral de sécurité signé le 16 février dernier entre les présidents Macron et Zelensky. Avec ce texte, la France s’engage à fournir durant dix ans une assistance plus globale à l’Ukraine en vue de sa protection, du rétablissement de son intégrité territoriale, de sa reconstruction après la guerre et de son entrée dans la famille européenne, une entrée dont elle paie actuellement le prix – par le sang et les larmes.

Depuis 2022, la France a fourni près de 3,8 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine et, en 2024, ce sont près de 3 milliards d’euros supplémentaires qui seront débloqués pour continuer à soutenir ce pays.

L’aide apportée par la France à l’Ukraine ne doit être ni sous-estimée ni surestimée ; il y va de notre crédibilité. Ne cédons pas à la tentation de l’autoflagellation et encore moins à celle de l’autosatisfaction : mettons plutôt des actes sur nos mots.

Nous avons par exemple envoyé à l’Ukraine d’antiques véhicules de l’avant blindés (VAB), qui sont deux à trois fois plus âgés que les soldats ukrainiens qui les utilisent, et de tout aussi anciens chars AMX-10 RC, dont j’ai pu constater sur le terrain, au mois de juillet dernier, dans la région de Zaporijia, qu’ils étaient somme toute d’une utilité relative…

Toutefois, reconnaissons que cette livraison a pu faire sauter un verrou psychologique, chez certains alliés, pour ce qui est de l’envoi de chars lourds. À nous, donc, d’être plus cohérents avec nos paroles et d’améliorer la qualité et la quantité des produits que nous fournissons.

Notre doctrine en la matière doit être d’écouter les Ukrainiens et avant tout, dans la mesure de nos possibilités, de satisfaire leurs demandes. Soyons à l’écoute, soyons au soutien, mais, n’en déplaise au Président de la République, ne contribuons pas, via un engagement au sol non sollicité, à une possible escalade du conflit.

Je souhaite également avoir quelques mots sur la Russie. Soyons lucides ! Nous sommes dans un conflit global avec cette dernière. La Russie profite du conflit ukrainien pour multiplier les fronts et les affronts.

Nous ne pouvons que le constater, à côté des fronts physiques de guerre, elle ouvre des fronts technologiques en dirigeant contre notre pays et ses institutions de fréquentes cyberattaques, tout cela s’inscrivant dans la recherche continuelle d’une expansion de son impérialisme.

L’élection présidentielle américaine exacerbe aussi ce conflit : je vous renvoie aux propos irresponsables de l’un des candidats. L’Otan étant fragilisée par de tels propos, il revient à l’Union européenne, par le biais de l’article 42.7 du traité qui la fonde, d’assumer ses responsabilités plus encore qu’à l’heure actuelle.

Nous ne voulons pas d’une Europe dépendante des États-Unis, menacée par la Russie ou encore vassalisée par la Chine. Nous la voulons fière, volontaire, indépendante, capable d’assurer sa défense et de prendre en main son destin.

Pour la première fois depuis 1958, le Sénat est invité à se prononcer par un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la ratification d’un traité bilatéral de sécurité. Nous nous félicitons d’avoir ainsi à nous prononcer par un vote : il s’agit d’un intéressant précédent.

Monsieur le Premier ministre, le groupe Union Centriste a toujours soutenu l’Ukraine ; je souhaite d’ailleurs saluer l’engagement de notre collègue Nadia Sollogoub, présidente du groupe d’amitié France-Ukraine du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)

Si l’enjeu est aujourd’hui de valider cet accord, notre groupe y est favorable à l’unanimité.

En revanche, monsieur le Premier ministre, si nous avions à nous prononcer sur la teneur globale de l’intervention qui fut à l’instant la vôtre devant le Sénat, le vote serait bien plus partagé ! Vous avez déclaré que vous ne vous fixiez pas de limites, tout en refusant de faire la guerre à la Russie. Vos propos auraient mérité davantage de précisions, étant donné la très grande ambiguïté de ce positionnement. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et CRCE-K.)

En soutenant activement l’Ukraine, la France prend rendez-vous avec l’histoire. En ce triste jour où l’amiral de Gaulle nous a quittés, soyons pleinement à ce rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, chacun d’entre nous se souvient des journées des 22, 23 et 24 février 2022, au cours desquelles la Russie a lancé sa nouvelle agression – une de plus ! –, contre l’État voisin qu’est l’Ukraine.

Depuis lors, c’est une leçon de courage, de résilience et de résistance que le peuple ukrainien donne au monde entier : résistance physique face aux bombardements et aux morts, résistance morale face aux exactions et à la désinformation.

À l’époque, la Russie imaginait probablement ne faire de la résistance ukrainienne qu’une bouchée ; elle pensait arriver à Kiev en quelques jours. Il n’en a rien été, il n’en est toujours rien, et il n’en sera rien. Car le président Zelensky, au premier chef, a tenu bon, tenu debout. Car le peuple ukrainien tout entier, lui aussi, tient bon, tient debout.

Si l’Afghanistan a été le tombeau de l’Union soviétique, l’Ukraine pourrait bien être, à plus ou moins long terme, celui du régime de Vladimir Poutine.

Le maître du Kremlin pourra bien brandir, dans les prochains jours, des chiffres censés attester de sa soi-disant « réélection », avec beaucoup de guillemets, ce scrutin n’a d’une élection que le nom. Il y aura certes bien des urnes. Il y aura certes bien des bulletins de vote. Mais ceux-ci ont été sélectionnés, tant et si bien que celui qui faisait le plus peur, Alexeï Navalny, a été tout simplement emprisonné et éliminé. Ce ne sont donc pas des élections : c’est une falsification, un village Potemkine électoral.

Néanmoins, ce moment est loin d’être neutre dans le conflit qui nous occupe. Fort de son futur score soviétique, auquel il pourrait peut-être aller jusqu’à croire lui-même, car c’est le propre des régimes autoritaires de s’auto-intoxiquer et de perdre pied avec le réel, Vladimir Poutine pourrait s’enhardir et redoubler ses attaques, tant contre l’Ukraine que contre de nombreux autres acteurs de la communauté internationale.

Il est incontestable en effet que la Russie est devenue une puissance de déstabilisation. C’est vrai dans son environnement immédiat, dans le Caucase, en Géorgie, depuis quinze ans déjà. On pourrait dire bien des choses aussi sur son jeu trouble, ou plutôt si transparent, envers l’Arménie, que la Russie a lâchée en rase campagne.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Très juste !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est vrai, plus loin, en Afrique, au cœur du Sahel ou de l’Afrique centrale.

C’est vrai, plus proche de nous, en Transnistrie, cette partie occupée de la Moldavie, ou bien dans les Balkans, où la Russie use de son influence pour semer à nouveau des vents de colère entre les peuples. Et c’est vrai, hélas ! chez nous aussi, via l’entreprise de désinformation conduite sur les réseaux sociaux et les attaques cyber, qui redoublent.

C’est la raison pour laquelle ce débat et ce vote revêtent une importance toute particulière. Ainsi chacun pourra-t-il dire, d’où il est, si soutenir l’Ukraine est important ou ne l’est pas et si ce soutien est indéfectible ou non. Forts de ces prises de position, nous pourrons en tirer des conséquences concrètes, pratiques, immédiates, opérationnelles et dans la durée.

Il est tout à l’honneur de la France que d’avoir suscité un sursaut, un électrochoc, nous évitant de nous réveiller demain, collectivement, avec la gueule de bois.

Ce n’est pas la première fois, du reste, que la France dit les choses directement : nous avons été les premiers à affirmer que l’envoi de chars ne devait plus être un tabou ou à évoquer la nécessité pour l’Ukraine d’être en mesure de frapper en profondeur.

Mes chers collègues, si la cause de l’Ukraine est légitime et fondée, en droit international comme en morale, alors pourquoi ergoter, pourquoi mégoter à propos d’un soutien qui va non seulement au peuple ukrainien, mais aussi, finalement, aux peuples européens eux-mêmes, pour l’avenir ?

N’oublions pas que Vladimir Poutine, comme une partie des anciens cadres soviétiques, n’a tout simplement jamais digéré la chute du rideau de fer, en 1989, ni celle de l’ensemble soviétique, en 1990 et 1991 – ledit ensemble fut façonné, hélas ! par nombre de déplacements ou déportations de peuples par leur soi-disant « petit père », triturant les cartes des territoires en un geste dont on voit l’héritage aujourd’hui dans la volonté affirmée du régime russe de remettre en cause certaines frontières.

Face à ce nouvel impérialisme, il n’y a pas de position intermédiaire pour l’Europe : soit elle est un sujet sur la scène internationale soit elle sera reléguée au rang de simple objet. Soit les nations européennes s’affirment comme un ensemble fort et uni, comme une puissance géopolitique, soit elles seront condamnées à être des proies. Il suffit pour s’en convaincre d’en parler avec nos frères des pays baltes ou de Pologne.

Bien sûr, l’Europe se vit comme un espace de paix. Bien sûr, la construction européenne a permis les décennies de paix qui ont suivi le second conflit mondial. Bien sûr, la construction européenne s’est poursuivie avec la réunification des peuples européens trop longtemps séparés, alors que, il y a encore quelques décennies des Allemands, à l’Est – des VoPos armés –, toisaient, porte de Brandebourg, d’autres Allemands, à l’Ouest.

N’oublions donc pas que nous sommes à la fois les héritiers des pères fondateurs de l’Europe et ceux des combattants pour la liberté des années 1980, des ouvriers polonais de Solidarnosc emmenés par Lech Walesa à l’ouvrier de la liberté lituanienne que fut Vytautas Landsbergis.

C’est pourquoi nous ne saurions confondre paix et abdication, qui plus est dans le monde que nous connaissons, caractérisé par la brutalisation des relations internationales.

Aussi nous faut-il affirmer et surtout garantir notre souveraineté et notre autonomie stratégique, donc nous renforcer et nous réarmer. C’est ce que la France fait avec sa loi de programmation militaire et avec ses troupes projetées sur le flanc est de l’Europe – nous pouvons les saluer.

Aussi nous faut-il, en tant que nations d’Europe, affirmer notre soutien à l’Ukraine, sentinelle du monde libre ; cela, la France l’a fait dès le premier jour, en 2022 : fourniture d’équipements militaires, formation de 10 000 soldats ukrainiens, protection temporaire accordée à 100 000 Ukrainiens. Et je n’oublie pas l’énorme élan de générosité humanitaire qui fut celui des Français, comme des collectivités locales, au travers des outils du centre de crise et de soutien (CDCS) du Quai d’Orsay.

Reste que, après deux ans de guerre, il est indispensable de rétablir un meilleur rapport de force. Croire que la Russie va venir facilement à la table des négociations est en effet une fable. La grammaire de l’ordre international est ainsi faite qu’il faut avoir la force d’âme de ne pas afficher de limites, afin que la partie qui ne s’en fixe pas comprenne bien qu’elle ne pourra pas l’emporter en tablant sur nos prétendues faiblesses.

C’est là tout l’enjeu de l’accord qui est soumis à notre vote : il permettra de muscler le jeu des Européens et de rendre crédible notre engagement.

Avec cet accord, nous soutiendrons plus et mieux l’Ukraine ; surtout, nous le ferons dans la durée, l’horizon retenu étant celui des dix prochaines années. C’est pourquoi le groupe RDPI votera pour.

Au-delà de l’accord signé le 16 février dernier, les propos qu’a tenus le Président de la République le 26 février, appelant à un sursaut stratégique à l’occasion de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine réunie à Paris, ont enfin rencontré un écho fort. On peut s’en réjouir. Je parle non pas du clapotis des commentaires, mais des intentions exprimées par de nombreux pays européens, des pays baltes à la Pologne en passant par les Pays-Bas.

Je note d’ailleurs le succès de l’initiative tchèque pour les munitions et celui de la coalition artillerie menée par la France : nous n’entendons pas nous laisser immobiliser.

Cet accord répond par ailleurs aux recommandations de notre commission des affaires étrangères : dans son rapport d’information intitulé Pourquoi lavenir de lEurope se joue en Ukraine, celle-ci disait l’urgence qu’il y a désormais à « avancer sur la production d’armements en Ukraine conjointement avec des entreprises françaises ». Nous y sommes !

Avec cet accord, nous commençons à nous projeter dans la reconstruction, dans l’indemnisation et dans les réformes indispensables aux ambitions européennes de l’Ukraine.

Avec cet accord, la France prend ses responsabilités de puissance sur la scène internationale, que cherchent à dominer les nouveaux empires, celui de l’Est comme celui dit du Milieu.

Avec cet accord, la France assume son statut, celui d’une grande nation, d’un pays fondateur de l’Union européenne et d’un pays membre du Conseil de sécurité de l’ONU – tout cela nous oblige.

Oui, nous devons collectivement être à la hauteur. Cet accord est pour aujourd’hui et il est pour demain. Il est pour notre sécurité ; il est pour la paix. Il est pour l’Ukraine ; il est pour la France. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, notre débat intervient à un moment crucial de la guerre en Ukraine, et cela pour au moins quatre raisons.

La première est que l’assassinat d’Alexeï Navalny a fait comprendre aux derniers aveugles que le régime de Poutine n’est pas une démocratie illibérale, une « démocrature », un pouvoir autoritaire ou tout autre euphémisme mensonger, mais une mafia d’État, une gangrène totalitaire implacable au-dedans comme au-dehors, avec laquelle toute discussion, toute négociation, est d’abord une lourde erreur, ensuite une lâcheté, enfin le doigt dans l’engrenage de la capitulation.

La deuxième raison est que les menaces graves qui pèsent sur la Moldavie et les pays baltes viennent prouver aux plus obtus des idiots utiles, qui nous répétaient hier que Poutine n’envahirait pas l’Ukraine et qui nous assènent aujourd’hui qu’il n’envahira que l’Ukraine, que l’impérialisme russe ne s’arrêtera pas à Kiev, mais que, comme l’a dit un jour le boucher de Moscou, « les frontières de la Russie ne se terminent nulle part ».

La troisième raison est que la reprise de l’initiative par les Russes démontre qu’une coalition des États les plus riches du monde n’est pas capable de fournir un stock de munitions égal à celui qui est procuré à l’agresseur par la Corée du Nord et l’Iran. Voilà une réalité dont nous devrions avoir honte et qui commence à être enfin comprise par les dirigeants européens.

La quatrième raison est la proximité de l’élection présidentielle aux États-Unis et l’hypothèse plausible de l’arrêt de l’aide américaine. Cette échéance n’inquiétait pas tant qu’elle restait lointaine. Elle force désormais les Européens à envisager d’assumer la maîtrise de leur propre destin pour la première fois depuis 1945.

Ces quatre constats me rendent-ils pessimiste ? En aucun cas !

Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que les accords bilatéraux, tels que celui qui vient d’être signé par la France, se multiplient. Ils s’accompagnent de réunions, de déclarations et de conférences de presse qui témoignent, enfin, d’une prise de conscience par les Européens de l’Ouest de l’urgence d’une riposte résolue, laquelle n’était comprise, jusqu’à présent, que par les pays d’Europe de l’Est, qui sont en première ligne et depuis longtemps déniaisés.

Les pacifistes, les défaitistes, les collabos, bref, les troupes de Poutine en France, comme vous avez eu raison de les qualifier, monsieur le Premier ministre, la cinquième colonne de l’extrême droite et de l’extrême gauche, les poutino-pétainistes et les poutino-wokistes, ceux qui hier, à l’Assemblée nationale, ont voté contre ou se sont abstenus, ceux-là sont évidemment vent debout contre ces accords, comme ils sont déchaînés depuis dix ans pour applaudir à l’annexion de la Crimée, pour refuser l’entrée dans l’Otan de la Suède et de la Finlande, pour refuser la livraison d’armes à l’Ukraine, pour continuer de salir la mémoire de Navalny après sa mort.

Ils taxent le Président de la République d’être un « va-t-en-guerre », eux qui n’ont jamais employé cette expression à propos de celui qui massacre les Ukrainiens avec 500 000 soldats en première ligne, eux qui sont les « va-t-en-capitulation ».

Mme Cécile Cukierman. C’est faux !

M. Claude Malhuret. Collabos des Allemands avec Pétain, collabos de l’URSS avec le soutien au pacte germano-soviétique, collabos de Poutine aujourd’hui, ils sont les partisans de la paix des lâches, qui n’est autre que l’annonce de la servitude. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Vous mentez, monsieur Malhuret !

M. Claude Malhuret. Ils affirment que le Président de la République « rompt brusquement avec sa politique étrangère en raison de l’approche des élections européennes », petite invective politicienne. Or le chef de l’État a seulement compris que la ligne jusqu’au-boutiste de Poutine n’a jamais changé, qu’elle ne changera pas et qu’elle se durcit chaque jour.

Pour ma part, je préfère mille fois le Président de la République qui parle pour la première fois de la défaite nécessaire de la Russie à celui qui expliquait qu’il ne fallait pas humilier Poutine. Je préfère mille fois le Président de la République qui a compris que l’Occident a eu tort d’abandonner à Poutine la maîtrise de l’escalade, car cela revient à lui concéder l’initiative à chaque étape du conflit.

J’entends « Jordan Selfie », dents blanches, haleine fraîche, le Ponce Pilate de la guerre en Ukraine (Sourires sur les travées des groupes INDEP, RDPI et UC.),…

M. Joshua Hochart. Quel niveau !

M. Claude Malhuret. … nous expliquer qu’il faut fixer des « lignes rouges », par lesquelles nous désignerions à l’avance les limites de notre soutien, alors que la Russie, elle, n’en reconnaît aucune.

Ce Gamelin du Dniepr (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) prétend être un jour Premier ministre de la France. Je lui suggère une économie considérable pour notre pays endetté : supprimer le budget des armées et le remplacer par un répondeur téléphonique, qui dirait, au nom du ministère de la défense : « Message à l’armée russe : ne tirez pas, nous nous rendons. »

Les professionnels de l’agit-prop mentent aux Français en leur disant que leurs enfants vont être envoyés sur le front, alors que l’armée française est une armée de métier et que le ministre de la défense a expliqué que d’éventuelles missions seraient de soutien et de maintenance.

Il paraît aussi que nous sommes isolés ; et l’on reproche à Emmanuel Macron de ne pas s’être assuré au préalable de l’aval de nos alliés quant à ses déclarations.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour ce qui est de l’avis des premiers intéressés, les Ukrainiens, ils se félicitent de la position française. Les Polonais, les Baltes, les Moldaves, les Néerlandais, le président tchèque et d’autres encore abondent dans le même sens.

Quant aux États-Unis et au Royaume-Uni, leur humour tout britannique a sans doute échappé aux va-t-en-défaite. Biden, vieux routier de la guerre froide, annonce sans sourciller qu’il n’enverra pas d’Américains en Ukraine au moment même où le New York Times révèle qu’il y a quatorze bases de la CIA dans le pays… Le Premier ministre du Royaume-Uni annonce quant à lui qu’il ne prévoit pas d’envoyer de nouvelles troupes « pour le moment et au-delà de celles qui y sont déjà » – cette phrase se passe d’explications.

Il faut ajouter, à l’intention des semeurs d’affolement qui n’ont à la bouche que le spectre de l’apocalypse nucléaire, que Poutine le sait parfaitement et que, comme ses précédentes lignes rouges qu’il abandonne chaque fois qu’elles sont franchies, la présence de soldats alliés ne l’a pas incité à appuyer sur le bouton malgré sa vingt-sixième menace de le faire depuis deux ans.

Reste Scholz, qui, n’écoutant que son courage, ne jure que par la garantie américaine ; il est la cible de tous les partis allemands, même ceux de sa coalition, pour son immobilisme. Je lui donne rendez-vous en novembre prochain en cas d’élection de Trump pour une comparaison entre les choix de la France, qui appelle depuis des années à une défense européenne, et les siens, lui qui a mis tous ses œufs dans un panier qui aura disparu.

Le nombre de ceux qui comprennent que la défaite de l’Ukraine serait dans la seconde même notre défaite ne cesse de croître. La lassitude de nos concitoyens, attisée chaque jour par les appels à la lâcheté des « paniquocrates », ne les empêche pas d’être toujours largement favorables à la poursuite de l’aide, alors que les traîtres espéraient un lâchage dès l’hiver 2022.

Il reste un point essentiel : passer de la parole aux actes. Et c’est là que le bât peut blesser. L’économie de guerre évoquée depuis six mois par le Président de la République suppose deux conditions : multiplier les commandes d’armement et préparer d’autres sites de production.

Ces conditions ne sont pas encore réunies. La part que la France a prise jusqu’à présent dans l’effort de guerre est importante, mais, en comparaison d’autres pays et au regard du PIB de chacun, elle n’est pas suffisante ; j’espère que cet accord lui permettra de l’être rapidement.

Le discours poutinien, il ne faut pas s’y tromper, évolue exactement comme le discours hitlérien des années 1930, quoique certains tentent de nier la comparaison.

On prétend, tout d’abord, que le pays a été humilié dans le règlement de la guerre froide – c’est la réplique du mythe allemand du « coup de poignard dans le dos » : nous avons été non pas vaincus, mais trahis par nos propres politiciens.

On prétend ensuite que la Russie doit montrer les poings afin de retrouver son rang dans le monde.

On considère enfin, comme Hitler avec les Allemands des Sudètes et de la Pologne, que partout où il y a des minorités russophones la Russie est chez elle.

Cette propagande a été relayée chez nous, à chacune de ses inflexions, par des complices conscients ou inconscients.

Au fameux éditorial de Déat paru en mai 1939, « Mourir pour Dantzig ? », répond aujourd’hui, comme en écho, le « nous ne voulons pas mourir pour le Donbass ». En réponse à cet étalage indécent de lâcheté, je voudrais citer Raymond Aron, qui disait, en 1939 également : « Je crois à la victoire des démocraties, mais à une condition, c’est qu’elles le veuillent. » Cette phrase n’a jamais été autant d’actualité. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, beaucoup de sous-entendus, voire d’inexactitudes, ont été proférés depuis le début de ce débat. Je fais donc ce rappel utile : je ne suis nostalgique ni de l’Union soviétique ni de la Grande Russie de Catherine II, qui n’était en rien un État éclairé.

Puisqu’il faut le redire, car des propos mensongers viennent d’être tenus, je le redis : nous avons condamné dès les premières heures du conflit l’injustifiable agression militaire déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine. Cette attaque constitue un crime contre la paix et contre le droit international, et des crimes de guerre ont été commis.

Dès lors, nous adressons notre profonde solidarité au peuple ukrainien, qui résiste et se défend pour préserver la souveraineté de son pays.

Des dizaines de milliers de soldats, ukrainiens et russes, ont eu le corps mutilé et l’esprit traumatisé à vie, d’immenses territoires ont été défigurés, des villes entières marquées des stigmates de la guerre, parfois rasées, et aucune perspective de paix ne se profile.

Malgré 200 milliards d’euros versés à l’Ukraine, dont la moitié en aide militaire, malgré, en face, un État russe qui affiche un taux de croissance insolent de 2,6 % cette année et qui a multiplié son budget militaire par trois, la ligne de front est globalement figée depuis des mois.

Pour autant, la guerre ne s’apaise pas. Tandis que l’Ukraine peine à recruter, Poutine n’hésite pas à envoyer sa jeunesse à la boucherie et enrôle de force, y compris dans les prisons. Et je veux à mon tour saluer la mémoire d’Alexeï Navalny, assassiné le mois dernier en détention : il dénonçait les bellicistes qu’il faudra, disait-il, juger un jour.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement nous invite à souscrire à l’intensive propagande belliciste. Si le Président de la République estimait, il y a de cela moins de treize mois, qu’un accord entre Ukrainiens et Russes était possible selon, je le cite, « 10 000 formules différentes », il envisage aujourd’hui la seule option de l’escalade guerrière,…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Il dit l’inverse !

Mme Cécile Cukierman. … qui hypothèque toute perspective de paix, et il n’« exclut rien » face à la seconde puissance nucléaire mondiale.

Cette fuite en avant vous a conduit à signer un traité de défense avec l’Ukraine qui est marqué par l’absence préoccupante de limites claires sur le volet Coopération militaire et de défense, la liste des domaines visés étant qualifiée de « non exhaustive ». Oui ou non, des militaires seront-ils envoyés en Ukraine ? Devrons-nous attendre la parole d’Emmanuel Macron, demain soir, pour en être informés ?

De même, l’accord prévoit le soutien à l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan, ce qui relève pour la Russie, nous le savons, d’un casus belli.

Emmanuel Macron assumerait l’« ambiguïté stratégique » en évoquant la possibilité de l’envoi de troupes occidentales en Ukraine. Les réactions des chancelleries européennes sont tombées avec fracas : les États-Unis, l’Allemagne et la majorité des États membres de l’Otan ont tous catégoriquement rejeté cette approche.

Nous alertons quant à l’affirmation selon laquelle « une « partie de nos intérêts vitaux a une dimension européenne » : une telle déclaration bouscule de fait notre doctrine de dissuasion nucléaire au profit d’un nouveau parapluie nucléaire français placé au-dessus de l’Union européenne.

Quelle irresponsabilité que de croire que l’arme nucléaire peut exister pour autre chose que pour un État-nation ! Quelle ineptie de penser que nous partagerions les intérêts vitaux de la Pologne ou de Chypre !

L’« ambiguïté stratégique » de l’Otan est ainsi définitivement annihilée, tandis que la France, quant à elle, sort un peu plus affaiblie, raillée, ridiculisée de cette énième position changeante du Président de la République sur cette guerre.

Monsieur le Premier ministre, mesurez-vous l’effroi de ces millions de nos concitoyens qui assistent impuissants à la mise en mouvement de l’engrenage guerrier ? Comprenez-vous ces jeunes et ces familles qui ne peuvent accepter d’être un jour impliqués en esprit et en chair dans un conflit que personne ne cherche à régler par la négociation ?

À Prague, le Président de la République a persisté et signé. Face aux aveux du chancelier allemand sur son refus de livrer des missiles de longue portée à l’Ukraine, refus motivé par des problématiques de ciblage, Emmanuel Macron rétorque qu’il ne faut « pas être lâches ». Que signifie ce terme ? À qui s’adresse-t-il ?

Cette dérive de l’exécutif, qui place la France à la limite de la cobelligérance, s’inscrit dans une stratégie globale et mortifère de surarmement.

Les budgets de défense des États membres de l’Union européenne atteindraient près de 236 milliards d’euros en 2022, soit 11 % de plus qu’en 2021, et 284 milliards d’euros en 2025.

Selon une récente étude de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), depuis l’invasion de l’Ukraine, 63 % des commandes d’armement émanant des pays membres de l’Union européenne ont été passées aux États-Unis.

Cette guerre est aussi une chance pour les financiers de Bruxelles. En effet, les deux tiers des 50 milliards d’euros d’aide à destination de l’Ukraine qui ont été récemment débloqués seront versés sous forme de prêts, à rembourser intégralement – et avec intérêts !

Non, mes chers collègues, la guerre ne libère jamais ! Elle asservit les peuples.

À en croire la communication publique des états-majors allemand, suédois et désormais français, l’éventualité d’un conflit contre la Russie n’est plus à exclure. Si un tel conflit advenait, mon groupe est convaincu d’une chose : contrairement à vous, monsieur le Premier ministre, nous pensons que certaines stratégies, en particulier l’escalade, sont à exclure, qui plus est face à une puissance nucléaire.

Dans un conflit nucléaire, il n’y a ni gagnant ni perdant. Seul existe le risque, bien réel, de la destruction du continent européen. Dès lors, il convient de défendre dès maintenant, de manière inlassable, l’élaboration d’une solution globale de sécurité en Europe.

En effet, je vous rejoins, monsieur le Premier ministre, il ne s’agit pas que d’un conflit entre États voisins. Trump, dans ses déclarations, évoque une conditionnalité de l’assistance américaine pour défendre des pays membres de l’Otan et encourage la Russie à faire ce que bon lui semble. De telles déclarations doivent conduire à un sursaut de l’Union européenne.

L’alignement atlantiste n’est plus possible et la négociation d’un cadre de sécurité commune et de paix pour l’ensemble des pays de la grande Europe constitue l’unique stratégie pour éviter à nos peuples de nouveaux sacrifices insupportables.

Une fois que les premiers principes de sécurité commune auront été établis par la communauté internationale, les belligérants devront trouver un accord, un compromis mutuellement acceptable. Ce dernier devra s’articuler autour de deux principes : le droit à la souveraineté de l’Ukraine et des garanties de sécurité pour la Russie.

Parce que la priorité est d’armer le projet de paix de garanties solides et parce que, conformément à la Constitution, nous votons ce soir non pas pour ou contre l’Ukraine, mais pour ou contre votre déclaration et votre politique au service de la résolution de ce conflit, nous voterons contre.

Je le dis solennellement, les communistes n’ont pas de leçons à recevoir sur l’engagement patriotique. La recherche de la paix est possible, et tout le monde sait que les négociations s’ouvriront tôt ou tard. Nous ferons tout pour que cessent la boucherie et l’inhumanité profonde que porte la guerre, car, comme le disait Jacques Prévert, « Quelle connerie la guerre ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, en préambule, nous vous demandons de porter plus fort la voix de la France au Proche-Orient. Nous appelons à la tenue sans délai d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la situation dramatique à Gaza. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Pour consolider le soutien à l’Ukraine au sein de notre population, il est indispensable de ne pas laisser prospérer le sentiment d’un « deux poids, deux mesures » quant à la mobilisation de la France face aux massacres civils qui déchirent actuellement l’humanité.

Monsieur le Premier ministre, même pour nous, Français, qui y sommes pourtant habitués, il est difficile de suivre le Président de la République, qui est passé en moins de deux ans de la crainte d’« humilier la Russie » à la harangue aux Européens sommés de ne pas « être lâches » face à une Russie devenue selon lui inarrêtable… Je n’ose imaginer la perplexité des chancelleries occidentales face à cette nouvelle volte-face !

Si nous déplorons la frilosité du chancelier allemand, qui refuse toujours de fournir les missiles Taurus demandés par Kiev, nous ne sommes pas non plus convaincus que la disruption soit une stratégie diplomatique très efficace. Si la volonté présidentielle était de faire réagir à Berlin, il eût été opportun de s’assurer en amont du soutien des gouvernements de la Pologne, des pays baltes et de la République tchèque, qui fut timide et tardif.

Il conviendrait également de ne pas oublier que, contrairement à nous, l’Allemagne est une démocratie parlementaire digne de ce nom, où il n’existe pas de domaine réservé, soumis aux humeurs du prince-président.

Depuis sept ans, toute notre politique étrangère se révèle parfaitement erratique, il faut le dire, même si nous sommes convaincus de la nécessité d’une unité la plus large possible de notre classe politique. Cette unité est indispensable pour affirmer un soutien massif à l’Ukraine.

Monsieur le Premier ministre, dans ce contexte géopolitique qui menace l’existence même de l’Union européenne, j’espère que vous entendrez le message des écologistes, nous qui avons constamment soutenu le peuple ukrainien et l’action du Gouvernement en ce sens.

Vous êtes à la tête d’une puissante administration, qui compte en son sein un trésor, le Quai d’Orsay, dont l’expertise inestimable constitue l’épine dorsale d’une diplomatie qui a longtemps été l’une des plus influentes au monde. Concentrer la diplomatie à l’Élysée relève d’une absurde et dangereuse dégénérescence de la Ve République. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Si nous sommes si graves, c’est que, à un tournant de la guerre, nous jugeons que les propos présidentiels sont de nature à effrayer nos concitoyens, à fragiliser le soutien à l’Ukraine et à agacer nos partenaires européens. Une telle cacophonie nationale, européenne et transatlantique est-elle nécessaire pour faire bouger quelques lignes ? Est-il raisonnable d’afficher aux yeux de l’agresseur russe nos divisions, plutôt que l’effort historique entrepris de concert depuis deux ans ?

Nous ne le pensons pas, et nous regrettons la médiocrité du débat public, qui est inutilement polarisé entre un président démesurément martial et certaines oppositions qui se fourvoient dans une illusoire perspective de négociation avec un agresseur qui ne reculera qu’à la suite d’une défaite militaire.

C’est d’autant plus dommage que la stratégie présidentielle est audible : il faut en effet cesser d’afficher, face à un adversaire qui ne comprend que le rapport de force, des lignes rouges que nous ne respectons pas. Aussi saluons-nous la volonté présidentielle d’opérer un sursaut stratégique pour rétablir l’ambiguïté.

De même, nous saluons en bloc et dans le détail le présent accord de coopération, qui nous engage, au-delà du conflit, à aider l’Ukraine à se reconstruire et à soutenir son souhait d’adhésion à l’Union européenne. Nous saluons également l’effort financier supplémentaire qui nous permettra de combler une partie de notre retard.

Nous espérons que s’ouvre une nouvelle phase de notre soutien à l’Ukraine, durant laquelle nous cesserons d’être en permanence à la remorque des demandes de Kiev. Comme l’a rappelé Dmytro Kuleba, ministre des affaires étrangères ukrainien, dans une tribune du journal Le Monde, « jamais l’Ukraine n’a demandé l’envoi de troupes étrangères », ajoutant : « Nous avons toujours eu confiance en nos combattants. Ils sont notre fierté. »

Ce que demande l’Ukraine, ce sont des munitions, de l’artillerie, des obus, des systèmes de défense antiaériens, des bases de réparation et des formations en Ukraine. Aussi saluons-nous la décision d’envoyer des missiles Scalp et des systèmes air-sol et sol-air. Toutefois, il nous semble que la France peut et doit faire plus.

Il y a un an, à cette tribune, nous vous demandions de fournir des chasseurs à l’Ukraine. À l’aune de cette nouvelle donne stratégique, je vous repose donc la question : la France livrera-t-elle à l’Ukraine des avions Mirage 2000D, comme l’ont de nouveau demandé, ces dernières semaines, de hauts gradés ukrainiens ?

Monsieur le Premier ministre, vous avez demandé à la Nation un effort considérable pour moderniser nos armées et reconstituer nos stocks. Cet effort n’a de sens que pour aider l’Ukraine à défendre le continent. Si la France était motrice du soutien à l’Ukraine, cela donnerait plus de force aux injonctions présidentielles à faire preuve de courage.

Nous n’en sommes pas là. Pour pallier l’urgence, ce sont les Tchèques qui ont pris l’initiative de collecter de quoi acheter à l’Afrique du Sud 800 000 obus qui permettront à l’Ukraine de tenir quelques mois, le temps pour les industriels européens de produire ce que nous avons collectivement promis.

Si nous comprenons la logique du président de favoriser la base industrielle européenne, soyons pragmatiques : achetons européen quand c’est possible et achetons à d’autres démocraties quand c’est nécessaire. J’insiste sur ce point, car c’est une source de divergences majeures avec Berlin. Les tensions affichées par le couple franco-allemand nous inquiètent, mais elles nous semblent pouvoir être dépassées.

Si nous partageons de longue date la volonté du président français de renforcer l’autonomie stratégique européenne et de bâtir une Europe de la défense, nous constatons bien que cette dernière ne peut pas, à l’heure actuelle, exister en dehors du cadre otanien. En témoignent les récentes adhésions à l’alliance de la Suède et de la Finlande, après des décennies de neutralité.

A contrario, il ne fait pas de doute pour nous que le chancelier allemand se rendra vite compte que le partenaire américain est fragile. La présidence Biden est chancelante, et la victoire de Donald Trump à la prochaine présidentielle est aujourd’hui le scénario le plus plausible. Au reste, l’identité du futur président ne changera pas grand-chose : la société américaine est profondément fracturée, ce qui paralyse le Congrès. Si l’aide à l’Ukraine finit par être débloquée, elle va de toute façon s’amenuiser.

Quoi qu’il en soit, il nous faut renforcer le pilier européen de l’Otan pour construire l’Europe de la défense de demain. Nous appelons les gouvernements français et allemand à s’entendre sur cet objectif partagé et à recommencer à parler, autant que faire se peut, d’une seule voix. La période l’exige !

Monsieur le Premier ministre, mon intervention serait incomplète si je ne formulais pas un nouvel appel à cesser de financer l’économie de guerre russe et à confisquer les avoirs des oligarques pour les réaffecter au soutien à l’Ukraine. Si nos sanctions ont quelques effets, elles demeurent insuffisantes. Le gaz et l’uranium ne font toujours pas partie du douzième paquet de sanctions voté par Bruxelles en décembre 2023.

Nous avons acheté à l’ennemi pour près de 30 milliards d’euros de ressources énergétiques, soit bien plus que ce que nous avons donné à l’Ukraine. Il y a un an, 90 % de nos entreprises poursuivaient leurs activités en Russie, au premier rang desquelles TotalEnergies.

En économie de guerre, on ne laisse pas son principal énergéticien faire fructifier ses affaires chez l’ennemi. C’est aussi cela, monsieur le Premier ministre, l’esprit de résistance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Dans un entretien donné au Monde et à BFM-TV lundi 11 mars, Volodymyr Zelensky envoyait un message fort : « Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine. […] Mais nos enfants, eux, meurent, simplement parce que nous avons une frontière commune avec la Fédération de Russie. C’est nous qui payons le plus lourd tribut. »

Ce tribut, le peuple ukrainien le paie pour la défense de la démocratie, de l’État de droit, de la liberté et de l’Union européenne. Si nous laissons tomber Kiev, l’Union tout entière sera menacée par l’impérialisme russe, et l’épée de Damoclès d’une Troisième Guerre mondiale planera réellement au-dessus de nos têtes. Pour rétablir la paix, nous n’avons pas le choix : Vladimir Poutine doit perdre cette guerre.

Sans hésitation, les écologistes voteront pour cette déclaration et pour cet accord de soutien à l’Ukraine. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. André Guiol. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, depuis deux ans, l’Ukraine est sous le feu de son terrible agresseur russe. Alors que la guerre conserve une forte intensité meurtrière, le front semble se stabiliser, après que les Ukrainiens ont connu quelques sérieux revers.

Grâce aux précieuses livraisons d’armes et de munitions en provenance des pays occidentaux, Kiev résiste. Ce n’est donc pas le moment pour les démocraties de s’interroger quant à leur soutien. Le doute ne doit pas s’emparer de nous, alors que Vladimir Poutine n’a aucun état d’âme à poursuivre son projet impérialiste.

Il est aujourd’hui question d’un accord dit de sécurité, signé entre le président Macron et le président Zelensky. Oui, cet accord a un sens : il s’inscrit dans la stratégie de soutien exprimée par la France depuis le début du conflit, ainsi que par l’Union européenne. De plus, il répond aux engagements pris à Vilnius par les pays du G7 en juillet 2023.

Concrètement, l’accord ne fait qu’entériner une réalité, celle de l’assistance civile et militaire que Paris distille régulièrement, tout comme ses partenaires occidentaux, depuis le 24 février 2022.

Bien entendu, au-delà de cet accord et de tous ceux qui ont récemment été signés, notamment avec l’Arménie et la Moldavie, la question est de savoir quelles sont les limites de la mobilisation française.

Ces limites sont-elles dictées par les seuls intérêts ukrainiens ? Certainement pas, car nous voyons combien la Russie, par son terrible appétit, déstabilise profondément l’ordre international.

Faut-il rappeler que la Russie n’est pas seulement l’ennemi de Kiev ? Moscou est devenu, malgré nous, l’ennemi de Paris, de Londres, de Berlin et de nombreuses autres capitales qui représentent le monde libre.

Aussi, gardons le cap d’un soutien sans faille et, s’il le faut, d’une fermeté assumée. J’appelle ceux qui trouvent encore des circonstances atténuantes au dirigeant russe à regarder sans masque le chaos qu’il a suscité : cyberattaques, espionnage, ingérence, propagation de fausses informations, menace de guerre nucléaire, empoisonnements, assassinats de ses opposants, enlèvements, bombardements de civils… Nous sommes non pas dans un roman de Ian Fleming, mais bien dans une réalité difficile.

Cette réalité est avant tout difficile pour les Ukrainiens, qui souffrent et meurent pour la liberté – et pour la nôtre… Nous leur rendons hommage.

Cette réalité est également complexe pour la voie diplomatique : Vladimir Poutine n’a jamais cessé de se comporter comme un belligérant, avec comme boussole le mensonge et une soif insatiable de pouvoir.

Clairement, la Russie assume complètement sa stratégie de guerre totale. Nous avons, pendant un certain temps, péché par naïveté. Aujourd’hui, qui peut penser que Vladimir Poutine compte s’arrêter aux frontières de l’Ukraine ?

Le Kremlin ne s’en cache même plus et active ses menaces à l’encontre de la Pologne et des États baltes. Le cas de la Transnistrie doit nous inquiéter. Nous devons, hélas !, nous préparer au pire.

Dans ses conditions, le RDSE comprend la nécessité pour la France de poursuivre et intensifier son soutien à l’Ukraine. C’est une question de cohérence avec l’état du théâtre des opérations. Nous devons aussi apporter aux Ukrainiens des réponses satisfaisantes dans les domaines de l’ingénierie civile et militaire.

Dans cette tragédie qui se joue aux portes de l’Europe, certains seraient bien avisés de mettre de côté les postures politiciennes et de ne pas prendre en otage les élections européennes. Est-il sérieux de prétendre incarner une alternance crédible quand on s’est affiché avec Poutine sur des tracts de campagne et quand on a refusé de condamner la persécution jusqu’à la mort d’Alexeï Navalny ? En tout cas, c’est inquiétant.

Il est plus responsable de prôner l’unité face au piège de plus en plus grossier que Moscou nous tend, en profitant du contexte politique fragile aux États-Unis.

Certes, nous pouvons débattre des lignes rouges, en particulier celle de la question des troupes occidentales au sol. Personne, je crois, ne souhaite une telle escalade, mais nous devons reconnaître que l’espace entre faiblesse et fermeté est mince, face à un dirigeant russe devenu incontrôlable. Hier, l’attentisme face à l’invasion de la Crimée était critiqué ; aujourd’hui, il faudrait tempérer la riposte, y compris verbale.

Rappelons les prémices de l’agression russe : elle a commencé sur quatre fronts en Ukraine, avec pour grotesque objectif sa « dénazification ». Poutine ne supporte tout simplement pas un contre-modèle à son régime autoritaire. Je le répète, les pourparlers n’intéressent pas le président russe : une pause ne serait pour lui qu’une occasion de reconstituer ses forces militaires.

Nous devons un soutien sans faille à tous les Ukrainiens et à tous les Russes en exil. Nous leur devons de faire preuve de fermeté. Nous le devons également aux pays baltes, qui ont envoyé à Paris des signes clairs, parce qu’ils sont en première ligne.

Nous devons lutter contre la volonté du Kremlin d’inscrire ce conflit dans un rapport de force avec l’Occident, en comptant sur le soutien de ses alliés chinois, nord-coréen, iranien et biélorusse. Face à l’alliance, si naturelle, mais préoccupante, des forces les plus autocratiques, conservatrices et théocratiques, c’est bien notre modèle démocratique européen qu’il faut défendre et imposer par l’unité politique.

À cet effet, notre groupe préférera la responsabilité à l’indifférence et se rangera derrière la déclaration du Gouvernement sur cet accord de sécurité franco-ukrainien.

Nous ne souhaitons pas la guerre, et c’est pour cette raison qu’il nous faut la préparer par la crédibilité de nos forces et de nos positions. Je reprends les mots de Robert Schumann : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. »

Le groupe RDSE votera cet accord. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC. – M. Rachid Temal applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur l’ambassadeur, mes chers collègues, évoquer un sujet aussi complexe en trois minutes relève fatalement de la gageure. Aussi me contenterai-je ce soir de rappeler des évidences.

Oui, mes chers collègues, la guerre menée par Vladimir Poutine est une guerre d’agression. Elle est une atteinte à la souveraineté politique et territoriale de l’Ukraine et une menace pour la paix dans le reste de l’Europe et dans le monde.

Oui, notre soutien collectif va et doit continuer d’aller à l’Ukraine. La France n’a rien à regretter de ce qu’elle a entrepris en ce sens depuis deux ans ; personne ici ne le remettra en cause.

Oui, le peuple français doit se tenir aux côtés d’un peuple ukrainien à la fois martyr et héroïque, qui résiste avec une dignité et une ténacité qu’admire le monde entier. Depuis deux ans, ce peuple ukrainien pleure des dizaines de milliers de morts et mérite qu’on lui obtienne paix, liberté et sécurité.

Oui, je suis fier, à titre personnel, d’avoir contribué, en tant que premier adjoint au maire d’Hénin-Beaumont Steeve Briois, comme de nombreux élus locaux à travers la France, à apporter une aide concrète et directe aux Ukrainiens en accueillant des délégations d’élus et de familles ukrainiennes.

M. Mickaël Vallet. Vous êtes de bons chrétiens ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Christopher Szczurek. Ce faisant, nous leur avons permis de s’exprimer et de faire connaître leur vécu aux Français, mais nous leur avons aussi offert un peu de répit, alors que de multiples drames les touchent individuellement et collectivement.

Oui, l’action de la France doit continuer d’être morale, financière, politique et matérielle, mais elle ne peut ni ne doit affaiblir notre pays, notamment d’un point de vue militaire. La France ne doit pas être placée en situation de cobelligérance, au risque d’un embrasement européen, voire mondial.

Oui, comme une majorité de Français et de gouvernants étrangers, nous nous interrogeons sur la posture martiale soudainement adoptée par le président Macron, réprouvée dans le monde entier et manifestement non concertée avec l’Ukraine elle-même, si l’on en croit les déclarations du président Zelensky. À vouloir absolument être « Monsieur Plus », Emmanuel Macron est devenu « Monsieur Trop ».

Pour autant, si son attitude nous interpelle et nous inquiète, elle ne justifie en rien les attaques et les insultes du vice-président du Conseil de sécurité de Russie Dmitri Medvedev à son égard, si ignobles et vulgaires qu’elles ne peuvent susciter la moindre réserve dans leur condamnation. En effet, au-delà de la personne d’Emmanuel Macron, c’est la fonction suprême et la nation française tout entière qui sont dégradées.

Cet accord de défense ne nous paraît pas indispensable pour continuer de soutenir l’Ukraine. Surtout, il comporte plusieurs éléments contraires aux intérêts économiques, agricoles et sociaux de la France, voire inquiétants pour la stabilité du monde.

Nous sommes toujours dans l’attente des réponses sur l’expression « dissuasion active » utilisée dans cet accord : lorsqu’on est une puissance nucléaire, on ne peut employer ce mot avec autant de légèreté.

Monsieur le Premier ministre, notre position sur ce conflit nous apparaît et, je crois, apparaît à des millions de Français comme s’inscrivant dans la grande tradition géopolitique française. Faire croire, pour des raisons bassement électoralistes qui ne trompent personne, qu’elle serait au contraire celle du « parti de l’étranger » est abject en plus d’être mensonger.

M. Mickaël Vallet. Parole d’expert !

M. Christopher Szczurek. Ainsi, parce qu’il ne sert ni l’Ukraine ni la France, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer et pour que la France ne se retrouve pas plus isolée encore sur la scène internationale, les trois sénateurs issus du Rassemblement national s’abstiendront sur cet accord bilatéral de sécurité entre nos deux pays. (Marques dironie sur les travées des groupes SER, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat de qualité, qui montre bien les points de préoccupations des différentes sensibilités politiques, auxquels le ministre des affaires étrangères et moi-même allons répondre.

Je commencerai par formuler une série de remarques sur des éléments qui n’ont pas été soulevés, ou qui ne l’ont été que partiellement au cours des interventions.

Tout d’abord, la question de la formation a été quelque peu négligée. Vous avez beaucoup insisté sur les équipements militaires – j’y reviendrai, car il s’agit en effet du cœur du problème –, mesdames, messieurs les sénateurs, mais une offensive ou une contre-offensive requiert également des troupes bien entraînées.

Or la forte attrition que nous constatons sur le théâtre de guerre, y compris du côté des armées russes, s’explique aussi par un sous-entraînement et une sous-qualification importants des troupes – qui sont, je le rappelle, conscrites, eu égard au débat que vous connaissez sur la conscription en Ukraine et la capacité à lever cette armée.

En matière de formation, la France dispense un tiers de l’objectif total que les Européens se sont fixé : des formations généralistes, souvent de l’infanterie ; des formations spécialisées sur les équipements militaires que nous fournissons – c’est la moindre des choses ; des formations spécialisées sur des savoir-faire militaires – défense sol-air, artillerie, prise en main de l’aviation de chasse…

Nous continuerons de le faire, que ce soit en Pologne, un pays avec lequel nous partagerons un partenariat bilatéral, ou sur le territoire national, dans nos régiments et nos bases aériennes. La question de la formation est absolument clé dans la suite des opérations. C’est pourquoi je tenais à y revenir.

Ensuite, Jean-Baptiste Lemoyne l’a relevé, des initiatives nouvelles ont été mises sur la table à la suite de la conférence de Paris. Si nous ne devions en citer que quelques-unes, je retiendrais celle des frappes dites dans la profondeur, c’est-à-dire derrière la ligne de front – je le précise, puisqu’un narratif russe tente de créer de la confusion à ce sujet –, l’envoi de missiles Scalp ou Storm Shadow, mais aussi l’envoi d’A2SM, c’est-à-dire de bombes air-sol guidées.

Ces armes sont un véritable game changer sur la ligne de front. En effet, elles ont été adaptées sur des avions de chasse de classe soviétique, ce qui permet actuellement de freiner en grande partie les initiatives russes sur la ligne de front.

Par ailleurs, il a été peu question de l’élément clé de la cyberdéfense au cours de vos interventions – ce n’est pas un reproche, je sais que les temps de parole sont limités. Sur ce sujet critique, nous devons aller plus loin. Si, à l’heure actuelle, chaque nation occidentale et alliée agit dans ce domaine pour aider l’Ukraine, force est de constater que nous partageons peu l’effort. Il s’agit d’un axe d’amélioration important.

Nous pourrions aller jusqu’à nous suppléer aux armées ukrainiennes pour les soulager dans la prise en charge, par exemple, de la sécurisation d’une infrastructure d’information ou de sécurité. Voilà un sujet très concret.

De plus, il est nécessaire de produire davantage en Ukraine – vous l’avez peu dit, mais je veux croire qu’il s’agit désormais d’un point consensuel. C’est particulièrement vrai pour le maintien en condition opérationnelle. La cession d’armes à l’Ukraine s’accompagne nécessairement d’une question d’entretien de ces dernières, comme nous l’avons vu avec les canons Caesar.

À vrai dire, plus les équipements militaires sont complexes, plus leur maintien en condition opérationnelle est un défi – les commissaires à la défense du Sénat en savent quelque chose. En effet, le maintien en condition opérationnelle pour nos propres armées représente des sommes importantes et un grand savoir-faire.

Aussi, la production de pièces détachées sur le territoire ukrainien est un élément qui est tout à fait en mesure de faire la différence dans cette guerre au cours des prochains mois. J’aurai l’occasion d’y revenir, monsieur le président Perrin, devant votre commission, car nous devrons bâtir une stratégie de coopération. Celle-ci concernera Arquus, Delair et Nexter, qui sont les trois premières entreprises à s’être portées candidates.

Monsieur l’ambassadeur, il est important pour l’influence française en Ukraine que nos entreprises collaborent, dans le respect, bien sûr, de la propriété intellectuelle de nos équipements. Nous sommes la première nation à prendre ce risque. L’entreprise allemande Rheinmetall a également fait des annonces il y a quelques semaines à cet égard. C’est une bonne nouvelle : nous pourrons répondre dans un format franco-allemand aux interrogations qui ont été soulevées.

Monsieur le président Retailleau a parlé de « la bataille de l’arrière », qui est aussi une bataille industrielle et sur laquelle il me semble utile de revenir. La plupart d’entre vous le savent, mais j’aimerais expliquer pourquoi nous avons du mal à produire plus vite. L’interrogation de Claude Malhuret est valable : pourquoi, au fond, ne parvenons pas, au bout de deux ans, à accélérer notre production ?

Cette question vaut pour la base industrielle et technologique de défense (BITD) française, mais aussi pour l’ensemble des bases européennes, ainsi que pour la base américaine. En effet, si des armes ont été achetées en Corée du Sud et ailleurs, c’est précisément parce que les principaux fournisseurs n’ont pas été en mesure de produire suffisamment vite.

Ce qui vaut pour l’aide à l’Ukraine vaut aussi pour l’approvisionnement de nos propres forces armées et pour le succès de nos exportations. La plupart de nos clients à l’export s’attachent désormais tout particulièrement au critère du délai de production.

Ces difficultés s’expliquent par la baisse de la commande publique militaire entre la fin de la guerre froide, au début des années 1990, jusqu’à récemment – 2017, pour être précis –, qui a entraîné une perte de muscle importante en matière de production. On ne peut pas reprocher à la base industrielle et technologique de défense d’avoir préféré investir dans l’innovation et les sauts technologiques, plutôt que dans la capacité de production.

Cela s’explique également très bien – il faut le dire à nos concitoyens, pour que notre BITD ne soit pas injustement montrée du doigt – parce que les contrats opérationnels auxquels était liée l’armée française depuis près de vingt ans nécessitaient des besoins précis.

Pendant dix ans, les opérations Serval et Barkhane ont eu pour objet de lutter contre le terrorisme islamiste militarisé au Sahel. Il s’agissait principalement d’un combat de forces spéciales, notamment pour la maîtrise du ciel par des hélicoptères de combat, et non pas d’un combat d’artillerie.

Ainsi, les fonctions militaires qui sont indispensables à l’Ukraine pour réussir sa contre-offensive sont des fonctions militaires dont nous-mêmes avons eu peu besoin pendant vingt ans. Voilà pourquoi il faut du temps pour recouvrer notre capacité productive et reprendre du muscle, ce qui est absolument indispensable, bien que la situation soit contrastée en fonction des segments de la production militaire.

Des efforts ont néanmoins été réalisés. À cet égard, je tiens à rendre hommage aux ouvriers, aux techniciens, aux ingénieurs et aux dirigeants des entreprises qui les ont accomplis, d’autant que cela a impliqué de faire les trois-huit et de prendre des risques en matière de trésorerie et d’organisation de la production.

Ainsi, le délai de production des missiles Mistral, qui assurent la défense sol-air de courte portée, a été divisé par deux. Quant à la capacité de production des canons Caesar, qui font véritablement la différence sur le champ de bataille, elle a été multipliée par trois. De même, Thales a doublé sa production de radars GM200, qui permettent de détecter les menaces venant du ciel.

Bref, vous constaterez que, sur toute une gamme de produits, les choses avancent.

Toutefois, la même lucidité m’impose de dire devant la représentation nationale que les choses sont plus complexes pour certains segments. Ainsi, le stock de missiles Aster du système sol-air de moyenne portée/terrestre (Samp/T) Mamba, lancés depuis nos frégates en mer Rouge dans le cadre de missions de sécurisation des espaces maritimes, est tombé très bas.

Je tiens à lever les doutes : en janvier 2023, nous avons commandé plus de 200 missiles, qui coûtent tout de même 3 millions d’euros pièce. Pour ces missiles, MBDA affiche un calendrier de livraison qui s’étale jusqu’à la fin de l’année 2025.

Désormais, les efforts se concentrent sur l’organisation de la production ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre des travaux de la commission de la défense. MBDA nous a assuré que les premiers missiles Aster seront livrés non pas à la fin de l’année 2025, mais au cours de l’année 2024. Cela montre bien que la nouvelle organisation de la production produit ses effets. Reste que nous devons expliquer à nos concitoyens pourquoi elle prend du temps.

Je dirai quelques mots sur les munitions. Dans la famille des obus de 155 millimètres, tout ne se vaut pas. Les obus produits par Nexter sont sans doute plus coûteux et mettent plus de temps à être livrés, mais, contrairement aux obus qui sont vendus moitié moins cher, leur portée est deux fois plus longue.

La fiabilité des équipements n’est pas complètement égale. C’est à nous, Français, grâce à notre industrie de défense, de trouver un point d’équilibre entre délai de production et qualité du matériel. Ce n’est pas aisé, car les normes françaises et européennes de protection pyrotechnique, entre autres, ne sont pas les mêmes qu’en Ukraine. Voilà pourquoi nous réfléchissons à comprimer les temps de production sur le territoire ukrainien.

Monsieur le président Retailleau, en 2023, la France a produit 30 000 obus de 155 millimètres. Notre objectif est d’en produire deux fois plus, avec un point de passage à 48 000 obus. La vraie difficulté demeure l’accès à la poudre ; à cet égard, vous avez à juste titre évoqué l’usine de Tarbes.

Aujourd’hui, il n’existe pas de criticité concernant les corps de bombe. Pour une raison qui m’échappe, la poudre n’est plus produite sur le territoire national depuis la fin des années 1990. Nous l’achetons donc auprès des pays du nord de l’Europe ou de l’Allemagne.

Comme je vous l’avais indiqué lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous avons décidé de relocaliser la production de la poudre à Bergerac, sur le site d’Eurenco. Les choses prennent du temps, mais la première pierre de cette relocalisation sera bientôt posée.

L’accès à la poudre est, selon nous, un enjeu majeur. En témoignent les initiatives qui ont été prises pour tenter de récupérer de la poudre dans les pays tiers en vue d’augmenter nos cadences de production. Ce sujet est clairement identifié, et la direction générale de l’armement y travaille scrupuleusement ; voilà qui devrait répondre à vos attentes.

MM. Folliot et Temal ont appelé à écouter les Ukrainiens. Or ils ont brocardé amicalement le vénérable VAB, celui-là même qui continue de rendre bien des services à notre armée de terre et qui est fortement demandé par les Ukrainiens. Quant à l’AMX-10 RC, il remplit des fonctions plus latérales sur le champ de bataille, là où une contre-offensive et la tenue d’une ligne de front sont impossibles sans protection des troupes.

Je le dis à l’intention des commissaires à la défense : c’est grâce à la loi de programmation militaire, à la « scorpionisation » de l’armée de terre, aux achats de véhicules blindés multirôle (VBMR) Griffon et à l’envoi de VAB que nous parvenons à aider l’Ukraine, selon un schéma gagnant-gagnant qui favorise aussi bien nos stocks que le soutien aux forces ukrainiennes.

Dans le cadre de l’A2SM, un certain nombre d’équipements seront « durcis » prochainement. Nous avons bénéficié d’un bon retour d’expérience des Ukrainiens sur le canon Caesar. L’intelligence artificielle permettra aux artilleurs ukrainiens de faire l’acquisition de cibles beaucoup plus fines ; ils pourront ainsi mieux se protéger et économiser les obus.

L’entreprise Delair, véritable pépite française qui grandit de plus en plus, sera à même de doter les armées française et ukrainienne de drones kamikazes à munitions téléopérées.

Malheureusement, nous avons affaire à un conflit qui dure, ce qui, de fait, nous autorise désormais à réfléchir à des programmes d’armement dont nous bénéficierons autant que l’armée ukrainienne.

En conclusion, j’évoquerai quelques questions plus globales. Le Président de la République a demandé au Gouvernement d’élaborer un nouveau paquet d’aides militaires pour un montant qui s’élève jusqu’à 3 milliards d’euros et qui n’est autre que la traduction concrète de l’accord soumis à vos votes aujourd’hui.

Nous devrons continuer à répondre présent en matière d’artillerie, de défense sol-air et de frappes dans la profondeur, c’est-à-dire, je le répète, après la ligne de front.

Quelles conclusions devons-nous tirer pour notre propre défense des événements qui se sont produits ces derniers mois ? Il convient d’ailleurs de « dézoomer » et d’appréhender la question d’une manière plus globale, en tenant aussi compte de ce qui s’est passé au Proche et au Moyen-Orient.

La loi de programmation militaire, appliquée depuis trois mois seulement, a sanctuarisé de nombreux éléments qu’il convient aujourd’hui de confirmer. Je pense aux munitions, au domaine cyber, qui est d’une particulière actualité, au renseignement et à la dissuasion nucléaire, celle-là même qui avait fait l’objet de débats substantiels à l’époque.

Il faudra sans doute se poser de bonnes questions dans les mois à venir et accélérer des commandes déjà prévues, dont celles des Samp/T de nouvelle génération, qui répondent à un besoin très clair de protection des plus hautes couches de la défense sol-air.

De même, nous devrons porter notre attention sur la militarisation de l’espace, qui a fait l’objet d’une actualité beaucoup plus dure. Les dispositions de la loi de programmation militaire sur le sujet sont nombreuses, mais elles ne sont sans doute pas suffisantes. D’où la nécessité d’une revoyure.

Sachez que je reste à la disposition de l’ensemble des groupes politiques pour échanger sur cette question, dans le format approprié. Les menaces se propagent vite : il faut donc pouvoir être mobile sans pour autant abîmer notre programmation.

Je dirai un mot sur la dissuasion nucléaire. Je tiens à vous rassurer, madame Cukierman : la doctrine française n’a pas changé.

La formule selon laquelle nos intérêts vitaux ont une dimension européenne, employée par le Président de la République, est issue de la doctrine de l’École de guerre. Elle fait aussi écho aux propos qu’avaient tenus en leur temps les présidents Hollande, Sarkozy et Chirac – celui-ci avait été le tout premier à faire référence à cette doctrine en 1996. Je le répète, notre doctrine n’a pas évolué.

Enfin, l’Ukraine nous invite à considérer de manière plus globale ce que nous pourrions faire en matière de réassurance, tant pour la Moldavie, avec laquelle Stéphane Séjourné et moi-même venons de signer plusieurs accords, notamment de défense, que pour l’Arménie, où je me suis rendu aux côtés des présidents Marseille et Retailleau, en particulier. Sachez que nous poursuivons nos actions de formation et l’envoi d’équipements en Arménie.

Une chose est sûre : nous ne pouvons pas débattre de l’Ukraine sans tenir compte de ce qui se passe dans l’ensemble de l’Europe centrale et de l’Europe caucasienne. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Cambon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Stéphane Séjourné, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre à vos interrogations, je souhaitais vous décrire ce que cet accord bilatéral représente à nos yeux.

Il vise tout d’abord à réaffirmer l’unité des Européens. Les attentes de nos partenaires sont fortes, autant à Berlin qu’à Helsinki, à Varsovie ou à Prague. Les pays européens se sont tous engagés à soutenir l’Ukraine malgré les divisions politiques et les différences partisanes qui existent dans les parlements nationaux comme au sein du Parlement européen. Cette unité se trouve précisément reflétée dans l’accord que nous vous soumettons aujourd’hui.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, vous pouvez faire partie de l’opposition au Gouvernement et approuver cet accord. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Vraiment ? Merci !

M. Stéphane Séjourné, ministre. Il me semblait bon de le réaffirmer.

Ensuite, il s’agit d’un accord pour la paix. En soutenant l’Ukraine, nous sauvegardons notre ADN européen, qui se caractérise par des principes et des valeurs. Nous avons en effet décidé qu’un pays ne pouvait pas en agresser un autre, qu’il ne pouvait violer ni le droit international ni la souveraineté territoriale d’un autre État.

Rappelons une évidence : cette guerre, c’est bien la Russie qui la veut, pas nous ! Et la paix, c’est bien l’Ukraine qui la demande, avec nous. Ne nous y trompons pas.

Enfin, c’est un accord pour l’histoire. Nous sommes à la croisée des chemins : l’agressivité inédite dont a fait preuve la Russie, notamment ces dernières semaines, le prouve. De la poursuite de notre engagement dépendront l’avenir des Européens et la capacité pour nos concitoyens de conserver la maîtrise de leur destin.

Les groupes politiques de cette assemblée ont soulevé plusieurs questions concernant les menaces pour la paix, le risque d’escalade, l’agriculture, l’élargissement des sanctions aux fonds financiers russes et les nouvelles ressources pour aider l’Ukraine.

Je veux tout d’abord répondre à ceux qui nous accusent de menacer la paix en aidant l’Ukraine. Il ne suffit pas, mesdames, messieurs les sénateurs, de lever un drapeau blanc pour arrêter la Russie. (Murmures sur les travées du groupe CRCE-K.)

Écoutez ce que nous dit Moscou : son but stratégique est la soumission complète de l’Ukraine. Hier, dans un entretien, Vladimir Poutine a déclaré : « Pourquoi négocier avec l’Ukraine, alors qu’elle est à court de munitions ? » Tout est dit ! Son objectif est bien de soumettre l’Ukraine, et toute faiblesse de notre part ne fera que le renforcer.

Nous devons tirer les conséquences d’un tel constat : seul un soutien massif et durable à l’Ukraine peut amener la Russie à revoir ses objectifs. Cela suppose non seulement de fournir un soutien militaire à la hauteur et de garantir la production de munitions et d’équipements sur le territoire européen, mais aussi de mettre l’Ukraine en position de force sur le terrain, pour qu’elle puisse négocier une paix juste et durable, selon les conditions qu’elle aura elle-même définies. Ce souhait des Ukrainiens, qui n’ont jamais demandé à être envahis, est aussi le nôtre.

On l’a vu ces dernières semaines : les Européens sont unis autour des accords qui favorisent le soutien à l’Ukraine ; tel est le cas de celui dont vous avez débattu aujourd’hui.

Certains, ici, ont dénoncé un risque d’escalade. J’entends leurs interrogations, mais n’inversons pas les choses. La Russie est le seul agresseur.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Personne n’a dit le contraire !

M. Stéphane Séjourné, ministre. La Russie, seule, agite les peurs en brandissant la menace nucléaire et en menant des campagnes de désinformation et de déstabilisation de nos sociétés.

Cet accord bilatéral permettra de reprendre la main. D’ailleurs, l’accord de sécurité signé par le Président de la République et le président ukrainien, le 16 février dernier, est la suite logique des efforts qui ont été accomplis pour soutenir l’Ukraine dans la durée. Il n’y a donc ni escalade ni fantaisie : la réponse à cette agression est seulement forte et claire.

Depuis le premier jour du conflit, notre soutien à l’Ukraine a été continu, tout d’abord en matière humanitaire – j’y insiste d’autant plus que la Russie vise délibérément des populations et des infrastructures civiles et énergétiques.

Ainsi, la France a mobilisé près de 300 millions d’euros via les ONG, ses partenaires, les organisations internationales qui interviennent sur place et les opérateurs de la solidarité menés par le Centre de crise et de soutien économique du Quai d’Orsay, dans la perspective d’une reconstruction de l’Ukraine.

Évoquons aussi le soutien politique de la communauté internationale, qui, dans sa grande majorité, continue à se ranger derrière l’Ukraine. La France joue un rôle majeur pour que les crimes perpétrés par la Russie ne restent pas impunis. Elle appuie notamment les enquêtes ukrainiennes, comme à Boutcha, et celles de la Cour pénale internationale (CPI), et elle contribue à la formation de magistrats ukrainiens.

Vous avez évoqué un certain nombre de pistes pour renforcer le soutien financier à l’Ukraine, en s’attaquant aux avoirs russes. Nous sommes favorables à cette option, pourvu qu’elle respecte le droit international. En effet, la séquestration des avoirs russes pourrait nous conduire à violer nous-mêmes les normes internationales, ce qui nuirait à la crédibilité de notre argumentaire contre la Russie.

Concernant ces avoirs, la Commission européenne préconise la taxation des intérêts d’emprunt, une solution aussi évoquée par Kaja Kallas, la Première ministre estonienne. Cela permettrait de constituer des ressources propres de l’ordre de 100 milliards d’euros et garantirait aux Ukrainiens davantage de liquidités, et cela le plus rapidement possible.

J’en viens aux sanctions. Ne vous fiez pas aux statistiques publiées par la Russie : plusieurs pans de l’économie ne sont pas couverts par les statistiques, afin d’afficher des taux de croissance importants. En réalité, l’économie russe est devenue une boîte noire assez incohérente, et je doute de l’optimisme affiché par le Kremlin.

Pour notre part, nous constatons que les sanctions prononcées sont utiles, puisqu’elles renchérissent d’ores et déjà le coût de la guerre pour la Russie.

Au-delà de leur effet à court terme, ces sanctions auront des conséquences tout à fait significatives et durables sur la capacité de la Russie à financer son économie de guerre. Les ruptures d’approvisionnement, notamment, sont légion dès lors que le secteur des hautes technologies est affecté. Nous observons également, depuis le début du conflit, un important phénomène d’émigration de travailleurs russes très qualifiés, qui ne peut que nuire à l’économie du pays.

Plusieurs d’entre vous ont exprimé leurs inquiétudes sur un potentiel élargissement de l’Otan à l’Ukraine via l’accord bilatéral de sécurité que nous avons signé. (M. André Reichardt sexclame.) Or celui-ci n’est en aucune manière un accord d’adhésion caché, contrairement à ce que j’ai pu entendre à l’Assemblée nationale – d’ailleurs, je salue les sénateurs pour la qualité de leurs interventions. (Marques de lassitude sur de nombreuses travées.)

Il ne s’agit pas d’intégrer l’Ukraine à l’Union européenne ou à l’Otan, ces projets d’adhésion ayant leur calendrier, leurs conditions et leurs exigences propres. Le Parlement aura d’ailleurs à s’exprimer sur le sujet. Prétendre le contraire, c’est faire croire à nos concitoyens qu’un simple accord bilatéral pourrait se substituer au débat public et aux chambres.

En conclusion (Ah ! sur plusieurs travées.), les mêmes débats ont lieu et les mêmes questions se posent chez tous nos partenaires qui ont signé ce genre d’accord bilatéral, comme le Royaume-Uni et l’Allemagne. Partout, il reste encore à convaincre l’opinion publique. Toutefois, sachez que les États européens manifestent la même constance dans leur engagement envers l’Ukraine, notamment les États baltes et la Pologne, qui craignent eux aussi une attaque de la Russie.

Ne soyons pas dupes de la menace au prétexte que nous serions éloignés de la frontière russe de quelques centaines de kilomètres de plus que d’autres pays européens. Cette guerre touche l’Europe tout entière, d’autant que celle-ci a une certaine idée de la paix. La guerre réveille chez chacun d’entre nous, dans chacune de nos familles, des souvenirs et des traumatismes qui ne sont pas si lointains.

J’en termine : mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous vous demandons par ce vote, c’est tout simplement de continuer à rendre possible le soutien à l’Ukraine. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)

Vote sur la déclaration du Gouvernement

M. le président. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration relative au débat sur l’accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine.

Conformément à l’article 39, alinéa 6, du règlement, il va être procédé au scrutin public ordinaire dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 155 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l’adoption 293
Contre 22

Le Sénat a approuvé la déclaration du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC, Les Républicains, SER et GEST.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures vingt-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Lors du scrutin n° 154 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, ma collègue Nathalie Goulet a été enregistrée comme votant pour, alors qu’elle souhaitait voter contre. Ma collègue Christine Herzog a aussi été enregistrée comme votant pour, alors qu’elle souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Discussion générale (suite)

Engagement bénévole et vie associative

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative (proposition n° 309, texte de la commission n° 387, rapport n° 386).

Discussion générale

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Après l’article 1er

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui représentez les collectivités territoriales de la République, vous savez combien les associations de notre pays – on en dénombre 1,5 million –, qu’elles soient établies dans l’Hexagone ou en outre-mer, contribuent à la vitalité, à la cohésion et à l’unité de notre société. Vous connaissez aussi l’importance de l’engagement des 15 millions de Français qui, chacun à leur manière et à leur échelle, s’impliquent dans une association.

La vie associative est bien davantage que la somme des engagements individuels qui la composent. Elle est l’une des formes de réalisation les plus concrètes du pacte républicain : parce qu’elle forme une grande communauté nationale où chacune et chacun peut trouver sa place, son rôle et sa voix ; parce qu’elle offre un espace de liberté où les idées, les initiatives et les innovations peuvent germer, grandir et porter leurs fruits ; parce qu’elle fait vivre les valeurs collectives de solidarité, d’entraide et de souci des autres, notamment des plus vulnérables, qui sont au fondement même de notre nation.

À l’heure où nous devons poursuivre nos efforts pour empêcher que la solitude et l’isolement ne gagnent du terrain, et tout faire pour éviter que l’individualisme et le repli sur soi ne menacent notre cohésion nationale, la vie associative apparaît comme un véritable rempart républicain.

Oui, les associations nous rappellent, de la manière la plus tangible et incontestable qui soit, la force du refus de l’indifférence, de l’injustice et de la résignation.

Le Président de la République et le Premier ministre m’ont fait l’honneur, il y a quelques jours, d’étendre mes attributions à la vie associative, afin que je puisse poursuivre l’engagement qui était le mien dans mes fonctions précédentes. Mais c’est aussi en tant que ministre déléguée chargée du renouveau démocratique que je m’exprime devant vous aujourd’hui.

La vitalité de nos associations constitue bel et bien un pilier démocratique de notre pays. L’engagement des bénévoles est l’une des plus belles formes d’engagement citoyen. L’action de nos associations, partout sur le territoire, traduit chaque jour en actes la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité. À tous ces égards, le soutien apporté par l’État à la vie associative de notre pays est le juste reflet du rôle essentiel que joue cette dernière.

Depuis 2017, la majorité et le Gouvernement ont ainsi eu à cœur de soutenir et d’accompagner les acteurs associatifs sur tous les plans.

L’État les accompagne ainsi sur le plan financier. Le budget alloué au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) dans le projet de loi de finances pour 2024 a été augmenté de 30 %. Il est ainsi passé de 50 millions d’euros à 70 millions d’euros. Ce Fonds bénéficie donc de 20 millions d’euros supplémentaires pour soutenir les associations dans la formation de leurs bénévoles, dans leur fonctionnement et dans leurs projets innovants.

L’an passé, le FDVA a profité à pas moins de 16 000 structures. Parmi celles-ci, on dénombre une grande majorité de petites associations, actives dans l’ensemble de nos territoires et pour lesquelles ce concours financier de l’État est déterminant, pour ne pas dire vital.

La contribution de l’État au financement du monde associatif, chacun en conviendra, est tout sauf négligeable. Elle témoigne de notre volonté d’apporter un soutien massif et ciblé à nos associations et à celles et à ceux qui les font vivre au quotidien.

S’il est souvent indispensable pour leur permettre de fonctionner et de se développer, l’engagement de l’État aux côtés des associations ne se limite pas pour autant au volet financier. Il se traduit également par des mesures concrètes permettant de faciliter, de renforcer et de pérenniser la vie associative.

Ainsi, depuis 2017, avec le soutien du Parlement, nous avons consolidé la protection juridique des dirigeants d’associations. Nous avons élaboré, aux côtés des acteurs du monde associatif, des outils permettant de simplifier leur quotidien. Je pense au guichet unique Le Compte Asso ou au Guid’Asso, dont les crédits ont été augmentés dans le dernier projet de loi de finances.

Nous avons amélioré la prise en compte de l’acquisition de compétences par les bénévoles et instauré une certification professionnelle attestant de la maîtrise d’un bloc de compétences, ainsi qu’une plateforme de validation des acquis.

L’ensemble de ces avancées majeures pour le monde associatif, nous les devons avant tout à un travail que nous avons tenu à mener en constant dialogue avec les acteurs concernés. Pour aboutir à des mesures concrètes, efficaces et répondant de manière pertinente à leurs besoins, nous avons écouté les acteurs associatifs eux-mêmes.

C’est avec eux, dans un souci d’être à l’écoute des réalités du terrain, que le Gouvernement a lancé au début de l’année dernière une grande consultation nationale relative à la simplification de la vie associative.

Cette consultation a permis de mettre en lumière les besoins auxquels la proposition de loi dont nous allons discuter aujourd’hui apporte une partie des réponses concrètes.

Je tiens tout d’abord à saluer le caractère transpartisan de ce texte. J’y vois la preuve que les sujets qui touchent à la vie de nos associations dépassent les clivages et les oppositions et que la représentation nationale est capable d’unité lorsqu’il s’agit d’acter de nouvelles avancées pour les Françaises et les Français qui s’engagent au quotidien. Je suis certaine que ce texte parviendra à susciter la même cohésion dans cet hémicycle ce soir.

Permettez-moi également de saluer chaleureusement le travail remarquable accompli par le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) et Quentin Bataillon, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale.

Ce texte vise notamment à permettre l’ouverture des conditions pour bénéficier d’un abondement au compte personnel de formation (CPF), via le compte d’engagement citoyen (CEC) ; l’assouplissement des conditions de recours au congé d’engagement associatif ; l’ouverture du mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés et l’extension de son expérimentation dans la fonction publique. Il permet également la facilitation des prêts entre associations et l’inscription dans la loi de Guid’Asso.

Cette proposition de loi, si elle est adoptée, actera donc plusieurs grandes avancées pour nos associations. Elle permettra plus particulièrement de renforcer l’engagement, notamment en faisant en sorte que celui-ci soit davantage et mieux reconnu. Ce sont les bénévoles qui font vivre nos associations : avec ce texte, nous leur faciliterons grandement la vie, nous renforcerons l’accompagnement de leur travail et nous favoriserons, de façon assez simple, leur engagement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est très favorable à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel, rapporteur de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, associations de locataires, comités de jumelage, ensembles vocaux, cercles de cinéphiles, sociétés d’histoire locale, ateliers d’art, tiers-lieux, banques alimentaires, réseaux de solidarité, unions locales de retraités, clubs de tennis ou de karaté : les associations sont le cœur battant de nos villes et de nos territoires, en métropole et outre-mer.

C’est aussi le cas – je peux en témoigner – chez les Français de l’étranger, où des associations telles que Français du Monde, la Fédération internationale des accueils français et francophones d’expatriés (Fiafe), ou les écoles du dispositif Flam (Français langue maternelle) – forment un tissu vital de solidarité et de soutien pour les communautés françaises établies hors de France.

On comptait près de 1,5 million d’associations actives en 2023. Elles permettent quotidiennement aux Françaises et aux Français de s’adonner à des loisirs, à leurs passions ou à des œuvres sociales qui contribuent à donner du sens à notre existence et qui sont le sel de la vie. Chaque année, près de 70 000 nouvelles associations sont créées, témoignant de la grande vitalité de notre société civile.

Ce sont en effet plus de 13 millions de bénévoles qui donnent de leur temps et de leur énergie, sans rien attendre en retour et sans être toujours reconnus à leur juste valeur. Ces femmes et ces hommes qui s’engagent au quotidien incarnent la vertu sur laquelle repose notre modèle de citoyenneté et tissent ce lien social dont notre pays a tant besoin.

Pour autant, nos associations sont aujourd’hui triplement sous tension.

Elles sont d’abord fragilisées par le contexte inflationniste, qui entrave leur fonctionnement et affaiblit leur trésorerie. En tant que rapporteur pour avis du programme 163, je dois dire que l’annonce de coupes budgétaires de 180 millions d’euros – soit 10 % – des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » n’est pas de nature à nous rassurer !

Je pense aussi aux acteurs de la solidarité, qui sont doublement frappés parce que leurs bénévoles vivent eux-mêmes souvent dans la précarité et que leur engagement est mis à mal par la hausse du coût de la vie et des transports.

Nos associations souffrent également de la complexité croissante des démarches administratives et de la multiplication des appels à projets, notamment les plus petites d’entre elles.

Enfin, elles font face à une recomposition profonde des pratiques bénévoles : on constate un engagement croissant, mais plus ponctuel, des moins de 35 ans et une diminution du nombre des bénévoles de plus de 65 ans, piliers traditionnels du bénévolat.

Les Assises de la simplification associative, organisées de décembre 2022 à janvier 2023, leur ont permis de faire remonter leurs difficultés au travers de 15 000 contributions. Je vous encourage, d’ailleurs, madame la ministre, à rendre accessibles ces 15 000 doléances. Elles seront une ressource essentielle pour les élus et les chercheurs.

La proposition de loi que nous examinons se veut une réponse, très partielle, mais utile, à un certain nombre des préoccupations et à plusieurs demandes exprimées par le monde associatif pour soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative. La commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport l’a adoptée, sans manquer toutefois de l’enrichir.

Le texte facilite la formation des bénévoles et vise à mieux faire connaître les outils à leur disposition. Il assouplit les conditions d’éligibilité d’accès au compte d’engagement citoyen pour permettre aux bénévoles de se former plus facilement, car l’acquisition de compétences et la prise de responsabilités participent de l’attractivité du bénévolat, notamment pour les plus jeunes, qui hésitent parfois à occuper des fonctions de dirigeant ou d’encadrant.

Lors de nos travaux, nous avons aussi eu à cœur de rester fidèles à l’esprit de cette proposition de loi et de ne pas alourdir les contraintes qui pèsent sur les associations.

Par ailleurs, dans un souci de promotion de l’engagement associatif des salariés et des agents publics, la proposition de loi facilite le mécénat de compétences en l’ouvrant aux entreprises de moins de 5 000 salariés pour le prêt de main-d’œuvre aux associations.

Elle abaisse également le seuil d’existence des associations pour que leurs bénévoles dirigeants ou encadrants soient éligibles au congé d’engagement associatif et au congé de citoyenneté. Il s’agit d’une demande des acteurs du monde associatif : les associations nouvellement créées ont besoin, dès les premières années, d’une disponibilité renforcée de leurs bénévoles pour se développer.

Avec le soutien de la commission, j’ai aussi proposé d’ouvrir la possibilité pour un salarié de donner, sous forme monétisée, ses jours de congé et de repos non pris, au-delà, bien sûr, des vingt-quatre jours ouvrables, qui sont un acquis social. L’organisme bénéficiaire du don est choisi d’un commun accord entre le salarié et l’entreprise.

Le texte prévoit enfin la possibilité d’une mise à disposition de fonctionnaires hospitaliers et de contractuels de la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière auprès d’associations. La commission s’est interrogée sur l’opportunité d’élargir le dispositif aux contractuels : le fait d’embaucher un contractuel pour le mettre ensuite à disposition lui paraissait aller à l’encontre du statut de la fonction publique. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de nos échanges.

Pour aider les associations à faire face aux difficultés financières auxquelles elles sont confrontées, notamment l’inflation et les effets toujours perceptibles des vagues épidémiques successives, le texte actualise tout d’abord, pour les tombolas, lotos et loteries – outils particulièrement efficaces et populaires de levée de fonds – les causes de bienfaisance pour lesquelles les associations peuvent y recourir.

Le texte prévoit également plusieurs dispositifs pour renforcer et sécuriser la trésorerie des associations, qu’il s’agisse de la simplification des conditions de prêts entre associations, ou de la possibilité, pour les associations membres d’un même groupe associatif, de procéder à des opérations de trésorerie entre elles. Là encore, il s’agit d’une demande forte des associations, comme l’a souligné le Haut Conseil à la vie associative.

Consciente du contexte économique préjudiciable pour notre tissu associatif, la commission a également adopté un article additionnel visant à rendre des organismes à but non lucratif éligibles au régime du groupe TVA, dès lors qu’ils sont en mesure d’établir par des liens financiers qu’ils sont bien constitués comme groupe. Ce dispositif s’inscrit dans la droite ligne de l’ambition simplificatrice des auteurs de ce texte.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte n’est pas révolutionnaire, mais il permet d’encourager l’engagement bénévole et de simplifier la vie associative par des mesures concrètes et bienvenues dans le contexte actuel.

C’est dans un souci de soutenir nos petites associations, en métropole, outre-mer et hors de France, et d’accompagner leurs bénévoles que je vous propose d’adopter cette proposition de loi.

Je forme le vœu que son adoption permette aussi de mieux faire connaître les dispositifs de soutien déjà existants et d’encourager le Gouvernement à aller plus loin à l’avenir, notamment pour soutenir les bénévoles, souvent précaires, qui font vivre les associations de solidarité, principales victimes des crises qui se sont succédé ces dernières années. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Gérard Lahellec applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.

L’engagement et la solidarité bénévoles sont une richesse unique dans notre pays. En ville, dans une zone rurale ou à l’étranger pour les Français qui y sont établis, la vie associative peut contribuer à l’épanouissement personnel, au vivre ensemble et à ce besoin de lien que nos concitoyens ressentent tant de nos jours.

En quête de sens et désireux d’apporter leur contribution à la collectivité, 13 millions de Français se sont engagés en 2023 dans le monde associatif. Après plusieurs années de participation en recul, les Françaises et les Français se tournent de nouveau vers les associations, le taux de bénévolat étant en hausse, particulièrement chez les plus jeunes. Cette dynamique vient bouleverser les habitudes, puisque les jeunes, souvent en activité professionnelle, s’investissent différemment, en choisissant en priorité des missions plus courtes et moins lourdes en termes de temps.

Ce constat représente tout de même un espoir. Alors que le Gouvernement essaie de nous dépeindre une jeunesse qui ne s’engagerait pas et cherche à remédier à cet état de fait à coups de service national universel (SNU), la réalité est tout autre, puisque c’est justement l’engagement de la jeunesse qui est en hausse et qui doit aujourd’hui être soutenu et facilité. Nous faisons des propositions en ce sens : nous avons besoin aujourd’hui de soutenir le tissu associatif local et les services civiques.

Mais le Gouvernement, lui, a choisi de réduire de 129 millions d’euros le budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». (Mme la ministre déléguée sexclame.) Pourtant, le contexte est alarmant, comme l’a mis en lumière l’appel du président des Restos du Cœur en septembre dernier.

Tel est le contexte dans lequel nous examinons cette proposition de loi. Ce texte permet certes quelques avancées, mais il n’est pas à la hauteur des enjeux.

Je salue certains de ses points, notamment l’article 7 bis introduit par mon collègue député écologiste Jean-Claude Raux, qui permet l’inscription dans la loi du dispositif de coordination, de structuration et d’accompagnement des associations Guid’Asso.

Lors de la réunion de la commission ce matin, la proposition de suppression de cet article a été votée. Je souhaite y revenir, en espérant, mes chers collègues, vous faire changer d’avis d’ici au vote, alors que l’amendement tendant à inscrire ce dispositif dans le texte avait été voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

Il m’a été opposé en commission qu’il ne serait pas nécessaire d’inscrire Guid’Asso dans la loi, que les dispositions concernant ce réseau relèveraient du niveau réglementaire. Or Guid’Asso est déjà inscrit au niveau réglementaire ; notre objectif est bien qu’il soit désormais inscrit dans la loi et que sa mise en œuvre soit ainsi renforcée.

Chaque année, les crédits de ce réseau sont augmentés pour accélérer son déploiement. Il faut donc le soutenir alors que son nom n’apparaît ni dans les lois de finances ni dans aucune autre loi.

Je souhaitais faire un point sur ce sujet dans la discussion générale afin de vous laisser le temps, mes chers collègues, d’en rediscuter. (M. le président de la commission et M. le rapporteur sourient.)

D’autres dispositions du texte doivent absolument nous appeler à la vigilance.

Je pense notamment à l’article 3 bis, qui prévoit l’expérimentation de la mise à disposition de fonctionnaires hospitaliers dans des fondations ou associations reconnues d’utilité publique. Une telle possibilité risquerait fortement de provoquer un transfert de compétences du public vers le privé, compte tenu du manque chronique de financement des hôpitaux publics.

À titre personnel, je suis aussi très partagée sur l’encouragement du mécénat de compétences. En effet, ce dispositif donne lieu à plusieurs dérives et risque de nous conduire à l’instauration d’un système de solidarité à l’américaine. Dans un rapport, la Cour des comptes fait un constat sévère sur le mécénat, dont elle dit qu’il favorise le parrainage publicitaire masqué et la surévaluation de certaines prestations pour bénéficier d’avantages fiscaux, le tout – dois-je le rappeler ? – en grande partie sur fonds publics.

Alors, veillons à ne pas faire de cette proposition de loi l’arbre qui cache la forêt. Le principal obstacle à l’engagement bénévole n’est pas évoqué dans ce texte, pourtant il est bien mesuré : c’est le temps.

Ayons le courage, mes chers collègues, de penser l’aménagement du temps de travail. À cet égard, je vous invite à voter mon amendement, que j’ai retravaillé après son examen en commission, visant à autoriser cet aménagement pour les membres bénévoles de bureaux d’associations et de fondations.

Il nous faut nous poser la question du temps disponible pour s’engager en faveur du bien commun et de l’épanouissement de chacun.

Enfin, j’évoquerai un dernier point d’alerte. Cette proposition de loi émane d’un élu de la majorité présidentielle. Elle est soutenue par un gouvernement qui, par ailleurs, met aujourd’hui en danger les associations et les collectifs qui se mobilisent pour la défense du vivant, pour le bien commun, pour notre avenir à toutes et à tous.

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le rapporteur spécial de l’ONU, qui demande « des mesures immédiates » pour protéger les activistes, pour protéger les « écureuils » qui campent en haut des arbres pour empêcher le projet de l’A69. Il s’inquiète d’une « nette augmentation de la répression et de la criminalisation » des actions pacifiques de désobéissance civile partout en Europe.

Pour défendre les associations aujourd’hui, il faudrait les écouter et les protéger alors qu’elles alertent sur les plus grands défis du XXIe siècle, le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité et le dépassement global des limites planétaires, dont six sur neuf sont déjà dépassées. Ce n’est clairement pas ce que fait le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre.

Sous réserve de nos discussions ce soir, nous voterons ce texte visant à simplifier la vie des associations qui maillent les territoires et les font vivre, même s’il nous semble qu’il aurait pu être plus ambitieux. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’évocation des associations et des bénévoles, nos esprits doivent être en éveil, pour une raison simple : ils contribuent grandement à maintenir notre société debout.

Il n’y a pas un pan de notre société qui leur soit étranger. Dans ma circonscription, l’association Ubaka 22 lutte contre le harcèlement scolaire, Solidarité paysans accompagne les agriculteurs en difficulté, l’Adalea gère les appels d’urgence au 115 dans les Côtes-d’Armor. D’autres associations encore agissent en faveur de la démocratisation du sport, de la culture et de l’art.

Cette forme d’engagement, qui tient de l’altruisme et du don de soi, contribue à faire société, à faire du commun. L’enjeu est donc civilisationnel autant que matériel.

La société tout entière doit s’interroger sur les conditions qui permettraient de conforter cet engagement irremplaçable. Il nous faut donc être lucides sur ce dont le monde associatif a besoin, sur les contraintes administratives qui entravent son action, sur les moyens humains et financiers qui lui sont nécessaires pour fonctionner convenablement.

Or le contexte invite à une vigilance particulière.

Ainsi, il ne faudrait pas que le recul de l’âge de départ à la retraite ait un effet destructeur sur l’engagement solidaire des seniors.

De même, il nous faut être attentifs à ce que le dogme de la baisse de la dépense publique et ses conséquences sur les finances des collectivités territoriales ne compromettent pas l’activité associative, qui aurait beaucoup de mal à exister sans leur concours.

Enfin, je me permets de rappeler que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune a également privé les associations de financements pour le bien public.

Il nous faut donc être vigilants, car, bien que leur engagement soit tenace, généreusement ancré en eux, ce contexte nourrit une forme de ras-le-bol chez nos bénévoles, qui pourrait, au fil du temps, nuire à l’investissement individuel en faveur de la cause commune.

Comme d’autres ici, je souhaitais une loi ambitieuse, capable de redonner à l’engagement associatif sa juste et légitime valeur.

Cependant, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui a le mérite d’exister et nous devons la prendre pour ce qu’elle est. Elle n’a pas la prétention de résoudre l’ensemble des problèmes du monde associatif ; elle a, plus modestement, pour objectif de lui rendre la vie un peu plus simple.

Ainsi, ce texte vise à faciliter la formation des bénévoles, à encourager le recours au contrat d’engagement citoyen et au congé bénévole, à faire la promotion du mécénat de compétences, qui peut jouer un rôle important dans nos communes. Enfin, il vise à conforter le statut des associations à l’échelon réglementaire.

Nous voterons les amendements qui confortent ces aspects, ainsi que l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous légiférons ce soir sur un sujet important pour l’ensemble de notre société. Très souvent – trop souvent ! –, la vie associative et le bénévolat sont relégués au rang de divertissement, de passe-temps.

Bien entendu, ces considérations n’ont certainement pas pour but de dénigrer ni les associations ni les bénévoles. Cependant, elles ne rendent pas hommage à leur engagement, dont on ne prend pas la pleine mesure, pas plus qu’elles ne confèrent leurs lettres de noblesse à leurs actions, ô combien indispensables dans notre démocratie.

La vie associative occupe une place remarquable dans notre pays, que ce soit dans le domaine du sport, de la culture, des loisirs, dans la défense de causes, dans l’action sociale ou encore dans le développement local.

Au total, quelque 12,5 millions de nos concitoyens s’investissent chaque jour au profit de l’ensemble de la population française dans 1,5 million d’associations.

Mais il faut aussi dire que les associations, comme les bénévoles, compensent souvent le recul et les manques de nos institutions publiques. Cette présence inestimable sur le terrain nous impose de coconstruire nos politiques publiques avec elles.

Les associations inventent, expérimentent, mettent en œuvre et accompagnent des solutions pour répondre aux défis de nos différents territoires et de leurs populations. Leur force est d’avoir su mobiliser à leurs côtés des femmes et des hommes qui s’impliquent aux bénéfices des autres. Être bénévole, c’est la recherche d’un enrichissement personnel, l’envie d’être utile, mais c’est surtout le choix de donner de son temps.

Leurs actions quotidiennes créent du lien social, de la solidarité : les associations sont les artisans de la cohésion de nos territoires, hexagonaux et ultramarins, et nous ne devons jamais cesser de les accompagner.

Aujourd’hui, elles nous alertent, notamment les plus petites d’entre elles, sur leur incapacité à faire face aux contraintes administratives et financières que nous ne cessons de leur imposer.

Elles nous disent aussi que nous devons mieux valoriser et reconnaître cette richesse humaine qu’est le bénévolat en France. Les difficultés des bénévoles, sur lesquels repose une grande partie des associations, pourraient en effet provoquer une véritable crise si nous n’y prenions garde et avoir des conséquences sur notre société.

C’est justement pour remédier à ces difficultés que cette proposition de loi a été déposée : pour reconnaître que le monde associatif et les bénévoles n’échappent pas à la complexité administrative qui asphyxie et contraint leur action, leur investissement et leur développement, accentuant de fait leur découragement.

Mes chers collègues, cette réponse législative est attendue. Bien entendu, cela a été dit, elle ne permet pas de faire face à tous les problèmes, mais elle a le mérite d’être débattue aujourd’hui.

Ce texte vise à reconnaître l’engagement bénévole et à le valoriser en ouvrant des droits à la formation, en expliquant les avantages du bénévolat ou encore en sécurisant la mise à disposition gratuite des personnels des entreprises de moins de 5 000 salariés ou des fonctions publiques auprès d’associations d’intérêt général.

Ce texte a également pour objectif de réduire le travail et le stress des associations en simplifiant la vie associative, en permettant les prêts entre associations, mais surtout en pérennisant le Guid’Asso, pour mieux reconnaître et faire connaître ce dispositif, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer.

Mes chers collègues, vous le savez, le groupe RDSE et, plus généralement, les radicaux sont très attachés à nos valeurs républicaines, citoyennes et laïques, ainsi qu’à la notion d’engagement. Je ne diffère pas de mes camarades et j’irai même plus loin, le bénévolat et la vie associative ayant construit la personne et l’élue que je suis aujourd’hui.

J’ai effectué, comme beaucoup d’entre vous, mes premières armes dans le monde associatif avant d’intégrer la fonction publique et d’agir dans le champ si précieux de la jeunesse, du sport et de la culture pendant plus de quinze ans. À 5 000 kilomètres de Paris, comme dans beaucoup d’endroits dans l’Hexagone, dans la plus petite circonscription française, dans un contexte insulaire qui accentue souvent le sentiment d’isolement, la vie associative et le bénévolat sont des exutoires indispensables.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, on compte pas moins de 300 associations pour 6 000 habitants. Je vous laisse apprécier le ratio ! Comme la valorisation de l’engagement passe en premier lieu par un merci, je profite de cet instant pour les saluer et les féliciter du formidable travail qu’elles ont réalisé et qu’elles effectuent encore.

Mes chers collègues, face au repli sur soi, face au recul de l’engagement, face aux attentes toujours croissantes de nos concitoyens restées parfois sans réponse, nous avons raison de parier sur l’énergie, le dynamisme et les compétences de la vie associative aux côtés de l’État et des collectivités pour le vivre ensemble dans notre société.

À travers cette ode à l’engagement, au secteur associatif et au bénévolat, je vous confirme que le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre tissu associatif et bénévole se distingue par sa richesse et sa diversité. Vous le savez, il contribue de manière significative à la vie sociale, culturelle et économique de nos territoires. Le répertoire national des associations (RNA) témoigne de cette vitalité. Près de 1,5 million d’associations relevant de la loi du 1er juillet 1901 y sont répertoriées. Parmi celles-ci, 25 % sont consacrées au sport, 20 % à la culture et aux spectacles, 19 % aux loisirs.

Ce dynamisme se traduit également par l’engagement de près de 16 millions de Français, qu’ils soient membres actifs, bénévoles réguliers ou donateurs.

Une enquête nationale de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) sur l’engagement associatif et les dons en 2021, réalisée auprès de plus de 10 000 Français âgés de 16 ans et plus, offre un éclairage précieux sur les différentes formes de participation au sein des associations.

Les résultats révèlent que, en France, deux tiers des adultes ont été impliqués, sous différentes formes, dans une association au cours des douze derniers mois.

Le bénévolat, souvent associé spontanément au secteur associatif, reste la forme de participation la plus répandue, touchant un quart de la population. Toutefois, la participation associative revêt diverses facettes, quatre personnes sur dix ayant contribué en tant que bénévoles, militants, volontaires ou adhérents.

Les tendances de participation varient selon les tranches d’âge, les seniors – âgés de 65 ans et plus – étant plus souvent impliqués en tant que bénévoles, tandis que les plus jeunes – entre 16 et 24 ans – sont davantage membres d’associations, notamment sportives. L’influence de l’héritage familial dans ce domaine demeure par ailleurs significative.

C’est dans ce contexte, et pour encourager cette dynamique, que la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative, présentée par Quentin Bataillon et cosignée par les trois groupes de la majorité présidentielle, a été déposée à l’Assemblée nationale, adoptée en séance le 30 janvier, avant d’être transmise à notre chambre.

Ce texte s’inscrit dans la continuité des Assises de la simplification associative, tenues sous l’égide du secrétariat d’État chargé de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, qui ont donné lieu à une consultation pilotée par le directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, Thibaut de Saint Pol, et dont les résultats ont été publiés à l’occasion de la rentrée des associations le 26 septembre dernier.

S’il met en lumière le regain d’engagement des bénévoles au sein des associations, qui revient à des niveaux similaires à ceux de 2019, après une baisse durant la crise sanitaire, ce texte montre également que le secteur associatif fait face à de nouveaux défis, comme la mutation des profils de ses bénévoles, avec une augmentation des moins de 35 ans et un déclin des plus de 65 ans, traditionnellement engagés, ou l’évolution des formes d’engagement, puisque seuls 9 % des bénévoles s’engagent de manière hebdomadaire, ce qui demande une adaptation des associations à des engagements plus ponctuels.

Ce texte met par ailleurs en exergue les contraintes administratives qui pèsent sur les plus petites structures associatives, avec des procédures complexes et un manque d’information malgré l’existence du réseau Guid’Asso.

Enfin, il rappelle que le contexte inflationniste affecte profondément le quotidien des acteurs associatifs. Une étude réalisée il y a tout juste un an par le Mouvement associatif auprès de 2 789 responsables d’associations a révélé une désaffection accrue chez les bénévoles confrontés à des difficultés financières.

Il va sans dire que les petites associations pâtissent particulièrement des coûts croissants, notamment de l’énergie et des équipements, qui fragilisent surtout les associations employeuses. À cela viennent s’ajouter les obstacles liés aux impératifs de revalorisation salariale, souvent non compensés par des ressources adéquates.

Ces défis font craindre une restriction de l’activité des associations ou une augmentation des tarifs d’adhésion et des services, malgré une demande persistante de leurs publics.

Mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui compte huit articles, qui visent, d’une part, à encourager et mieux reconnaître l’engagement bénévole et le volontariat, à faciliter la formation des bénévoles et, d’autre part, à simplifier la vie associative.

Concernant la formation des bénévoles, le mieux est souvent l’ennemi du bien. C’est pourquoi je salue l’amendement déposé par notre collègue Annick Billon et visant à supprimer l’article 1er bis, ajouté en commission à l’Assemblée nationale et qui offrait la possibilité pour les associations d’abonder le CPF et ouvrait ce compte aux retraités pour des formations destinées à acquérir les compétences requises pour leurs activités bénévoles.

L’ouverture du CPF aux retraités remet en cause le principe même de ce dispositif, pensé pour offrir aux salariés et aux indépendants la possibilité de développer leurs compétences tout au long de leur vie professionnelle. Ce compte a été conçu pour permettre à chaque travailleur de disposer d’un crédit de formation, qu’il peut utiliser à sa guise pour se former, ce qui favorise l’accès à la formation continue. Les travailleurs peuvent choisir les formations qui correspondent le mieux à leurs besoins professionnels et personnels, ce qui renforce leur autonomie dans leur développement professionnel.

Les droits cumulés et non utilisés des salariés partant à la retraite retournent dans le fonds de roulement de France Compétences. Son ouverture aux retraités menacerait gravement la soutenabilité financière de cette institution nationale, avec un impact potentiel de plusieurs milliards d’euros. À cela, il faut ajouter les risques de fraude et d’abus, liés à l’absence de référentiel définissant les formations bénévoles.

La plateforme Mon Compte Formation permet déjà aux retraités engagés dans des activités de bénévolat qui le souhaitent d’accéder à des formations sans solliciter les fonds de France Compétences.

En conclusion, ce texte améliore l’information des bénévoles et simplifie les démarches administratives des associations. Il renforce et sécurise la trésorerie des associations. Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI le votera unanimement.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quel secteur regroupe près de 1,3 million de structures, dont 70 000 se créent chaque année, emploie près de 2 millions de personnes et représente un budget de 113 milliards d’euros ? Le secteur associatif, bien sûr, dont le tissu se déploie de façon multiple, partout sur nos territoires.

C’est un secteur auquel les Français reconnaissent une véritable plus-value dans nos territoires. Une étude de l’Ifop, réalisée pour le Mouvement associatif à l’occasion des dernières élections municipales, confirmait que le fait associatif constitue une réalité dans le quotidien des Françaises et des Français. D’après cette étude, près d’un Français sur trois place les associations et leurs bénévoles dans la liste des ressources sur lesquelles s’appuyer au quotidien.

Les associations permettent à nos enfants de pratiquer un sport, d’apprendre la musique, de bénéficier de soutien scolaire. Elles permettent à des personnes âgées de se retrouver pour des activités culturelles ou de loisir. Elles permettent de découvrir ensemble tel aspect de notre patrimoine. Elles apportent de l’aide à ceux qui en ont besoin : je pense bien sûr au rôle formidable des associations de maraude, d’aide alimentaire, de domiciliation et d’accompagnement des personnes le plus en difficulté. Elles animent la vie de nos quartiers, comme le font par exemple les centres sociaux. Elles contribuent au pouvoir d’agir des habitants en leur permettant de prendre toute leur place dans les actions collectives.

Je pourrais continuer cette liste pendant longtemps. Mais le plus important, c’est que les associations et celles et ceux qui les font vivre agissent comme des porte-voix, des agitateurs de politiques publiques, des laboratoires d’innovation sociale, des empêcheurs de tourner en rond, parfois, des remèdes à la fatalité, des accélérateurs d’engagement.

Et ils sont reconnus comme tels. Je veux d’ailleurs profiter de cette tribune pour saluer et remercier les acteurs associatifs, les responsables, les salariés, les bénévoles. Élue de Paris, je sais le rôle et l’importance des 700 000 bénévoles parisiens, qui contribuent tous les jours à faire du commun. À l’heure où notre société se fracture et s’oppose, ils contribuent à créer et à renforcer le lien social, qui nous permet de faire société.

Aussi la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative, arrivée de l’Assemblée nationale et dont nous examinons aujourd’hui le contenu, est-elle la bienvenue. Disons-le d’emblée, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain la votera, estimant que toute mesure d’appui aux associations va dans le bon sens.

Permettez-moi de remercier Yan Chantrel, notre rapporteur, pour la qualité de son rapport et son écoute dans la conduite de nos travaux.

Parmi les mesures que nous saluons, je commencerai par celles qui permettent d’être plus en phase avec le paysage actuel de l’engagement bénévole. Ainsi, le raccourcissement des délais pour l’acquisition, par les bénévoles, des droits à formation sur le compte d’engagement citoyen est une bonne chose, de même que le bénéfice du congé d’engagement associatif pour les salariés et du congé de citoyenneté pour les fonctionnaires. Des ponts se créent en faveur d’une plus grande conciliation entre vie professionnelle et engagement bénévole personnel.

Dans le même mouvement d’ouverture et d’encouragement, nous soutenons la facilitation du don monétisé de jours de repos non pris par un salarié. De génération en génération, la possibilité pour les retraités de mobiliser leur compte personnel de formation est une avancée. Sur ces deux points, nous nous opposerons aux amendements de suppression qui seront présentés. Et nous regrettons, comme le rapporteur, l’arrivée plus que tardive d’un amendement de suppression sur le don de jours de repos.

Nous soutenons aussi très clairement l’introduction de la possibilité d’inscrire dans la déclaration de performance extrafinancière des entreprises, en lien avec leur responsabilité sociale, les actions en faveur de la vie associative et de la promotion du bénévolat.

Il faut aussi permettre une meilleure information des bénévoles. À ce titre, l’élaboration par l’État d’un guide à destination des bénévoles doit être saluée, ainsi que la pérennisation du dispositif Guid’Asso, dont je rappelle qu’il s’agit d’un des axes du budget pour 2024 pour la vie associative. Cette nécessaire information relève de la responsabilité et de la compétence de l’État. Ce n’est pas rien de le rappeler en ce moment, alors que, avec son plan de rigueur déguisé en coup de rabot, le Gouvernement se désengage à hauteur de 130 millions d’euros du programme 163 « Jeunesse et vie associative ».

Finalement, s’il y a des mesures positives dans ce texte, celles-ci ne doivent pas nous faire oublier le contexte dans lequel s’inscrit cette proposition de loi. À ces coupes budgétaires radicales s’ajoute une cohorte de mesures décidées depuis 2017, qui fragilisent grandement les associations et leurs réseaux de bénévoles.

Ainsi, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a entraîné une baisse des dons aux associations. De même, la quasi-disparition des emplois aidés a fragilisé sur la durée l’emploi associatif. Et il faut évoquer, bien sûr, l’instauration du contrat d’engagement républicain (CER), depuis l’entrée en application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui constitue sans doute le signe le plus tangible de la défiance qui semble caractériser la vision qu’a le Gouvernement du secteur associatif. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a été et reste fermement et fortement opposé à ce dispositif. Son état d’esprit place les associations dans une position d’opérateurs de services et de politiques publics, et instaure un contexte de défiance vis-à-vis des projets associatifs. Au-delà de son impact sur le fonctionnement quotidien des associations, la logique de ce contrat suscite nos interrogations en raison des restrictions qu’elle impose à la liberté d’expression des associations dans l’espace démocratique.

Pour toutes ces raisons, notre groupe vous proposera, comme lors de l’examen en commission, de remplacer le contrat d’engagement républicain par la charte des engagements réciproques, qui existe depuis plus de vingt ans, dans certaines villes comme Paris. Cette charte prévoit des droits et obligations réciproques, tant pour les autorités publiques que pour les associations, dont le respect fait l’objet d’une évaluation. Il n’est bien sûr pas question de renoncer à tout contrôle, mais il faut replacer celui-ci dans une perspective équilibrée et respectueuse de chacun. Cette charte est une procédure respectueuse du droit des associations et fondations subventionnées.

Alors que l’ensemble du secteur associatif, dans sa diversité – nous en avons entendu les représentants en audition –, est opposé à ce contrat, serions-nous, nous parlementaires, les seuls à le soutenir ? D’ailleurs, les conclusions du rapport d’information sur l’application de la loi de 2021 confortant le respect des principes de la République, rendu public par nos collègues de la commission des lois la semaine dernière, expriment également des doutes quant à la pertinence du CER, décrit comme une « coquille (presque) vide ».

Après l’adoption de cette proposition de loi, nous ne pourrons nous exonérer d’un débat plus large, avec l’ensemble des acteurs. Les difficultés que traverse le secteur associatif, et notamment le moindre engagement des retraités, ont directement à voir avec des choix politiques opérés par ce gouvernement. Je pense bien sûr à la réforme des retraites, puisque l’allongement des carrières vient percuter l’engagement bénévole.

Au-delà des mesures dont nous discutons aujourd’hui, le bénévolat doit être pensé comme un droit réel. S’engager, choisir d’être bénévole, c’est une forme de don de soi, de son temps, de son énergie, qui n’appelle pas nécessairement de contre-don.

Si ce débat est passionnant, c’est bien parce qu’il revêt une dimension presque philosophique, mais surtout éminemment politique. Il pose la question du modèle de société que nous souhaitons. À l’aune de ce constat, cette proposition de loi ne peut être qu’une étape. Elle en appelle bien d’autres. Tel est en tout cas le souhait que je formule au nom de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Jean Bodin a écrit : « Il n’est de richesse que d’hommes. » C’est donc la vie associative et ses bataillons de bénévoles qui font la richesse de notre société. Nos 1,5 million d’associations actives sont le ciment social et culturel de nos communes. Dans certains territoires ruraux, quand l’école ou les commerces ont disparu, elles constituent le lien indispensable qui permet aux habitants de se rencontrer. Elles leur rendent cette part de destin commun qui fait de deux individus des concitoyens, d’un ensemble de gens désunis une communauté d’action.

Malheureusement, près des trois quarts des structures associatives interrogées en 2023 ont déploré des difficultés à recruter. Car le tissu associatif ne vit que par ceux qui s’impliquent en son sein. Il faut valoriser leur action, les encourager, et les aider à concilier cet engagement avec leur vie professionnelle et familiale.

Il est nécessaire, comme le prévoit la proposition de loi que nous examinons ce soir, de favoriser la formation de ceux qui apportent leurs compétences à la collectivité. Encore faut-il que les dispositifs créés bénéficient réellement au public auquel ils sont destinés.

C’est pourquoi je salue l’assouplissement des conditions d’éligibilité au compte d’engagement citoyen prévu à l’article 1er de ce texte. La loi de 1901 fonctionne toujours remarquablement. Et, puisque nous en avons gardé la lettre, nous devons aussi en conserver l’esprit.

Mais ne nous y trompons pas : les membres des associations s’engagent pour une cause, un projet, la pratique d’une activité, et non pour recevoir un bénéfice direct ou indirect – comme le précise bien la loi de 1901.

C’est pourquoi je souhaite mettre en garde contre les discours faussement généreux, réclamant toujours plus d’avantages financiers pour les membres actifs. Nous ne devons pas laisser prospérer l’idée que l’engagement associatif peut constituer un effet d’aubaine.

Le bénévolat est la belle histoire d’un don de temps et de compétences. Les appels à prévoir des avantages fiscaux ou sociaux pour les membres d’associations constituent autant de risques d’en dénaturer l’engagement. Jamais cette rémunération indirecte n’équivaudra à la richesse humaine que retirent de leur engagement les femmes et les hommes qui s’investissent. Ils entreprennent quelque chose dont le résultat dépasse la somme de leurs contributions. Rendre celles-ci intéressées par d’autres motivations que cet accomplissement serait très dommageable à l’esprit et à la vitalité de nos associations.

Les démarches administratives constituent en effet une contrainte qui peut finir par décourager les plus motivés. En cela, la montée en charge du dispositif Guid’Asso à l’échelle nationale est à saluer.

Certaines dispositions du texte, toutefois, dans la version qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale, vont précisément à l’encontre de son ambition simplificatrice. C’est le cas de l’article 1er quater, qui introduit une nouvelle obligation à l’égard des associations, et requiert leur concours pour participer à la diffusion du Guid’Asso. Avec Cédric Vial, j’ai donc déposé des amendements visant à supprimer les dispositions créant de nouvelles contraintes pesant sur les associations. Ne décourageons pas les énergies en cédant au penchant, bien français, de la surréglementation !

Nos responsables associatifs veulent plus de souplesse et de marges de manœuvre pour mener leurs projets au service de notre société. Et nos bénévoles ne cherchent d’autre récompense que l’accomplissement d’une action bénéfique, dans un projet qui dépasse leur seul intérêt. Aidons-les à rassembler les compétences, à réunir les moyens, et la motivation sera toujours au rendez-vous.

Si les réserves que j’ai évoquées sont levées au cours de l’examen des articles, les sénateurs du groupe Les Républicains auront plaisir à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – M. Claude Kern applaudit également.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, prendre soin des personnes malades ou handicapées et de leurs aidants, avec l’association Espace singulier, qui gère le tiers-lieu Chez Eva à Massy, en Essonne ; rendre visite à des malades dont le pronostic vital est engagé avec Présence écoute, à Morlaix dans le Finistère ; participer à des ateliers de cosmétiques naturels à Aix-en-Provence avec l’association Zéro Déchet Pays d’Aix ; ou encore organiser des concours de pêche pour enfants en partenariat avec la Maison du saumon et de la rivière à Brioude, en Haute-Loire : autant de manières différentes de s’engager auprès des autres et de faire vivre le lien social sur un territoire. La culture, également, est omniprésente dans le tissu associatif : près d’une association sur cinq déclare une activité culturelle.

En France, environ 13 millions de personnes consacrent leur temps et leur énergie à une activité désintéressée auprès d’une association. On ne devient pas bénévole par hasard. Il faut bien souvent posséder un vrai sens de l’altérité, notamment quand on décide de se dévouer aux personnes en difficulté ou en situation de grande pauvreté. Les bénévoles ne cherchent aucune reconnaissance et ne demandent rien pour eux-mêmes. Le don de soi est souvent une vocation. C’est la raison pour laquelle il nous semble important d’honorer et de rendre plus visibles ces 13 millions de personnes, dont le parcours d’engagement doit être mieux valorisé et accompagné.

Les associations et leurs membres participent activement à l’animation de la vie communale et tissent du lien entre les habitants. Nous en sommes tous convaincus dans cette assemblée : leur rôle est fondamental dans nos territoires. Toutefois, elles ont été durement éprouvées ces dernières années. La crise sanitaire et le contexte inflationniste les ont fragilisées, tout comme ils ont érodé la dynamique de l’engagement. S’ajoutent à cela les pesanteurs administratives, très souvent excessives pour les plus petites structures, qui fonctionnent avec peu de bénévoles et, en pratique, sans aucun salarié.

Le texte que nous examinons aujourd’hui vise, d’une part, à soutenir l’engagement bénévole et, d’autre part, à simplifier le fonctionnement de la vie associative. Il ne s’agit pas de compliquer inutilement la tâche des associations en imposant des contraintes nouvelles, bien au contraire. La commission de la culture, sur l’initiative de son rapporteur Yan Chantrel, dont je salue le travail, a donc décidé d’alléger la proposition de loi de plusieurs dispositifs entravant leur liberté d’action.

Le texte vise par ailleurs à conforter divers dispositifs existants, mais souvent méconnus.

Dans de nombreux domaines, il propose des mesures pragmatiques, que ce soit en termes d’information des bénévoles, d’accès à la formation, de promotion de l’engagement associatif, de simplification des démarches administratives des associations ou de sécurisation de leur trésorerie.

Cette proposition de loi n’est cependant qu’une première pierre pour un meilleur accompagnement de l’engagement bénévole et de la vie associative. Beaucoup reste encore à faire. Le groupe Les Indépendants est prêt à poursuivre la réflexion dans les prochains mois.

Je voudrais, à cet égard, signaler tout particulièrement le travail réalisé par mes collègues Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte, auteurs d’une proposition de loi visant à mieux valoriser l’engagement associatif et citoyen tout au long de la vie, déposée en février dernier au Sénat. Leur texte fait notamment des établissements d’enseignement supérieur des acteurs importants du renouveau associatif par la mobilisation des jeunes. C’est un point majeur. Le fait de renforcer et de renouveler le vivier des bénévoles est un enjeu crucial pour les années à venir. Rappelons que, en France, un responsable associatif sur deux est retraité. Régulièrement, des présidents d’association âgés me font part de leur crainte de ne pas trouver de nouveaux bénévoles pour assurer la survie de leur structure.

Ces expériences fortes permettent pourtant de diffuser des valeurs essentielles de citoyenneté, de don de soi, de partage, qui sont des principes majeurs dans le contexte actuel de fragilisation des liens sociaux.

De même, je signale l’amendement très judicieux de ma collègue Vanina Paoli-Gagin, rédigé en lien avec Lise Magnier, députée de la Marne. Il vise à mieux valoriser les actions de soutien à la vie associative et au bénévolat des entreprises dans les déclarations de performance extrafinancière.

Dès lors, mes chers collègues, je partage au nom de mon groupe les grandes lignes directrices de ce texte. Nous resterons attentifs aux éventuelles évolutions qui seront proposées en séance publique. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les 13 millions de bénévoles que nous comptons en France sont indispensables à la vitalité de nos territoires. À La Roche-sur-Yon, par exemple, depuis près de dix ans, l’engagement des 150 bénévoles autour de La Joséphine permet d’encadrer plusieurs milliers de participantes à une course contre le cancer du sein. Plus généralement, les bénévoles participent au rayonnement des collectivités territoriales, des communes, des départements et des régions – un rayonnement qui s’étend aussi au-delà de nos frontières.

En Vendée, le Puy du Fou comptait 290 bénévoles en 1978. Ils sont plus de 2 700 aujourd’hui. Le Puy du Fou a été plusieurs fois primé à l’étranger, notamment grâce aux bénévoles de la Cinéscénie – notre collègue Bruno Retailleau, que je salue, avait d’ailleurs contribué à la réalisation de ce projet. Le Vendée Globe, course au large sans escale et sans assistance, partira le 10 novembre prochain des Sables-d’Olonne. Quelque 2 millions de visiteurs sont accueillis tous les quatre ans pour cet événement mondial grâce aux centaines de bénévoles mobilisés.

Oui, nous avons besoin du bénévolat ! Oui, nous devons l’encourager ! C’est l’objet de cette proposition de loi, qui vise aussi à soutenir les associations. En effet, les lourdeurs administratives, la crise sanitaire et ses répercussions sur le secteur, la responsabilité juridique qui pèse sur le trio des fonctions du bureau et le désengagement des retraités, piliers historiques du monde associatif, démontrent la nécessité d’agir.

Cette proposition de loi constitue une première étape, qui répond partiellement aux attentes du secteur. Je remercie le rapporteur Yan Chantrel, tant pour la qualité de son travail que pour celle des auditions menées. Je pense notamment à l’audition de l’Association nationale des élus en charge du sport, qui a été force de proposition, sur le CER ou les congés association.

Pour terminer, je souhaite revenir sur les trois points qui ont guidé notre analyse.

Tout d’abord, le bénévole est défini comme « toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ». Un bénévole n’est pas un volontaire. Ce principe doit être conforté.

Ensuite, le soutien au monde associatif ne peut se faire au détriment de la simplification normative et administrative pour les entreprises. Il convient de trouver un juste équilibre permettant la simplification de la vie des associations sans que cela entraîne un alourdissement des normes pour les entreprises et les collectivités.

Enfin, à l’heure des économies et des coupes budgétaires, veillons aussi à ce que les mesures que nous inscrivons dans nos textes respectent une certaine rationalité financière. Je pense à l’article 1er bis, sur lequel j’ai déposé un amendement avec mon collègue Claude Kern.

En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce texte tout en appelant à la vigilance sur les points que je viens d’énoncer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les acteurs du monde associatif évoquent souvent un déclin du bénévolat. Ils mettent en cause l’individualisme et le recul de l’âge de la retraite, décalé à 64 ans. Les données statistiques mesurant les évolutions de la participation associative confirment en partie cette régression.

Le nombre de créations d’associations progresse jusqu’en 2015, année record, où l’on a enregistré près de 75 000 nouvelles structures. Après un net repli pendant la crise de la covid-19, ce nombre a retrouvé en 2022 et en 2023 son niveau d’avant la crise.

En France, près de 13 millions de bénévoles œuvrent dans 1,5 million d’associations. Je souhaite remercier ces acteurs associatifs et rendre un hommage appuyé à leur engagement sans faille.

Maillage essentiel de notre territoire au service de la cohésion sociale, les associations assument de nombreuses missions. Bien souvent, elles se substituent même aux services publics, grâce au lien de proximité qu’elles entretiennent avec la population. Pendant la crise sanitaire, elles ont été particulièrement actives et essentielles aussi bien dans l’aide apportée que dans le maintien du lien social.

Dans le département de la Manche, le répertoire national des associations dénombre entre 8 000 et 8 500 structures associatives. Quant au nombre de bénévoles, il se situe entre 74 000 et 78 000. De plus, encadrées et soutenues par les bénévoles, plus de 12 000 personnes sont salariées dans les associations manchoises. En France, l’emploi dans le tissu associatif représente 9 % du total de l’emploi privé, soit plus que celui de la construction ou des transports, et presque autant que celui du commerce de détail, qui représente 9,3 %.

Quelle que soit leur taille, ces associations animent nos territoires et rendent des services essentiels à la population. Leurs emplois sont précieux, et ils ne se délocalisent pas. Cependant, les structures associatives souffrent de la perte des contrats aidés, dont 15 000 devraient encore être supprimés en 2024. Sans les bénévoles et leur engagement, ces associations ne rempliraient pas les missions dont nous mesurons tous l’utilité.

L’engagement associatif ne se réduit pas à un simple loisir ou à un passe-temps. C’est un choix de vie, qui implique des contraintes et a des répercussions importantes sur le quotidien de chacun.

C’est pourquoi, afin de ne pas alourdir les démarches des dirigeants, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a supprimé l’article 1er ter, qui imposait aux associations d’informer leurs bénévoles sur les avantages du CER. L’État peut se charger de cette mission grâce au dispositif Guid’Asso. D’autres dispositifs, comme la simplification fiscale et administrative, sont des évolutions nécessaires.

Cependant, assurer des missions d’intérêt collectif sans avoir de but lucratif oblige les associations à trouver les moyens nécessaires. Les dons, les subventions, avec l’engagement altruiste des bénévoles, qui ne comptent ni leur temps ni leur argent, constituent leurs seuls moyens. Plusieurs bouleversements récents, tels que la période de pandémie suivie de la crise économique, ont fortement fragilisé les finances de ces structures, en particulier celles des associations de taille intermédiaire, car les dons ont baissé de manière significative. Des ressources sont toujours plus limitées alors que les besoins sont toujours plus importants.

C’est pourquoi j’ai déposé deux amendements à l’article 7, pour soutenir les actions des associations. Le premier vise à garantir, dans le cadre des actions en délivrance de legs, la sécurité juridique des légataires associatifs en aménageant le délai de prescription. En effet, les legs constituent une ressource en croissance constante pour les organismes sans but lucratif (OSBL) et simplifier le dispositif permet d’en multiplier le potentiel.

Mon second amendement vise à simplifier la renonciation anticipée à l’action en réduction, afin de sécuriser et de favoriser les donations en faveur des OSBL, tout en sécurisant le choix philanthropique du donateur.

Si nous ne pouvons que soutenir les dispositions qui encouragent l’engagement des bénévoles, notre position n’est pas un chèque en blanc. Les coupes budgétaires sans précédent annoncées par votre gouvernement ne vont clairement pas dans le bon sens, madame la ministre. Il est en effet important, en cette période si particulière pour notre nation, de soutenir les associations et leurs membres, qui accomplissent un travail précieux au service des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, le secteur associatif, comme nous avons l’habitude de le dénommer, est pluriel, hétérogène, multiple.

Entre les associations employeuses, celles qui sont soumises du fait de leur importance à des obligations comptables, celles qui peuvent potentiellement subir un contrôle, celles qui ont une activité commerciale et donc potentiellement localisable, mais également les toutes petites qui n’ont ni salariés ni structures administratives et dont le modèle économique repose à 100 % sur le bénévolat animant nos territoires, toutes sont porteuses de projets, en prise directe avec le terrain. Plus que jamais, elles servent de ciment partout et entre tous les citoyens.

Depuis de nombreuses années, nous ne cessons de nous mobiliser pour façonner de manière pragmatique le cadre juridique de ces associations tout en conservant les notions de liberté et de souplesse, chères à leur modèle, et en renforçant et sacralisant l’aspect non lucratif que doivent conserver toutes ces structures.

Mais les temps sont durs. Nous n’avons de cesse de le constater en tant qu’élus locaux. Ne l’oublions pas, la pérennité du secteur associatif est avant tout assurée par le dynamisme du bénévolat, qui a profondément évolué depuis la crise sanitaire. Il faut savoir l’accompagner et, surtout, le valoriser.

Oui, cette proposition de loi, qui fait suite aux Assises de la simplification associative, menées en 2023, et qui répond à plusieurs demandes émises de longue date en termes de transformations porteuses d’amélioration, va dans le bon sens.

Faciliter l’accès à la formation et au congé d’engagement, rendre possible le mécénat de compétences dans toutes les entreprises et dans la fonction publique sont évidemment des mesures bienvenues.

Mais la liste est longue, et il faut aller plus loin, enrichir encore, simplifier toujours. C’est le sens de plusieurs amendements auxquels j’apporte mon soutien, que ce soit pour aligner la réglementation sociale sur la réglementation fiscale, accéder à une égalité de traitement entre structures non lucratives œuvrant en faveur de l’intérêt général, notamment concernant le don de jours de congé, faciliter et élargir l’utilisation du compte d’engagement citoyen en termes de formation.

Il faut également faciliter davantage le quotidien des 5,2 millions de bénévoles et ne pas saper leur engagement – je pense notamment au modèle sportif français, dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques. Ils méritent toute notre attention et un soutien inconditionnel compte tenu de leur rôle irremplaçable de lien social et d’animation de territoire. La fin des contrats aidés et leur non-remplacement, la suppression de la réserve parlementaire et son non-remplacement, ainsi que la baisse radicale des dotations aux collectivités territoriales sont autant d’atteintes à la pérennisation du modèle. Le Sénat plaide de longue date pour un véritable statut les concernant. En prenez-vous la mesure ? Pouvez-vous vous engager, madame la ministre, sur le sujet ?

Je conclurai en mettant l’accent sur la nécessaire simplicité en faveur du secteur associatif, car c’est bien elle qui permet de répondre plus aisément au désir d’engagement des citoyens et à ses corollaires, le développement et le renforcement du bénévolat, mais aussi, malheureusement, aux défaillances du secteur public.

Partant, nous ne pouvons évidemment que souscrire à la présente proposition de loi et nous inscrire dans toute action visant à faciliter, à simplifier et à développer l’engagement associatif, ainsi que le bénévolat.

Dans cette optique, le groupe Union Centriste, au nom duquel je m’exprime aujourd’hui, votera ce texte, comme l’a déjà annoncé ma collègue Annick Billon.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour remercier l’ensemble des bénévoles, qui se donnent sans compter et avec passion. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. « L’homme est si peu de chose par lui-même qu’il ne peut faire beaucoup de bien qu’en s’associant. » C’est en ces termes que s’exprimait l’un de nos fameux devanciers, Jules Simon, alors rapporteur d’une des multiples tentatives d’instauration du droit d’association au cours du XIXe siècle finissant, bien avant la loi de 1901.

Le texte que nous allons examiner n’est, certes, pas le plus ambitieux de sa matière, mais légiférer sur le monde associatif n’est jamais une chose anodine.

Aussi voudrais-je dire que la liberté d’association est sans doute celle qui s’exerce le plus noblement : la noblesse d’un engagement associatif qui ne peut être que purement désintéressé si ce n’est la volonté de servir une passion, qu’elle soit sportive, culturelle ou caritative ; la noblesse d’un don de soi qui n’obéit qu’à la seule volonté de se rendre utile et dont le seul profit est le bienfait procuré à autrui. C’est un idéal de dévouement que renferme l’étymologie du mot « bénévole » : benevolus, celui qui veut du bien. Le bénévole est celui qui fait quelque chose sans y être tenu, et parce qu’il le veut bien.

Cet idéal aurait-il vécu ? À l’évidence, non ! Avec 1,5 million d’associations en activité sur les 3,8 millions que compte l’Union européenne, la France fait figure d’eldorado associatif, d’autant plus qu’il continue de s’en créer – cela a été rappelé – 70 000 nouvelles en moyenne par an.

Mais cet idéal est ébranlé par la fonte des glaces bénévoles. Depuis plusieurs décennies, la part de Français consacrant du temps à une association chute. Cet étiolement du bénévolat doit à tout prix être enrayé, car, dans un pays socialement lézardé, le monde associatif demeure un creuset où le brassage et la mixité sociale perpétuent des liens qui se rompent ailleurs.

Alors, pour modestes que soient les mesures de cette proposition de loi, le plus grand nombre d’entre elles semblent appréciables, voire souhaitables : permettre aux bénévoles de se former plus facilement et plus longtemps à l’action associative, faciliter la gestion de trésorerie des associations et simplifier leurs rapports avec les édiles sont autant de menus assouplissements qui doivent recueillir l’assentiment unanime de cet hémicycle comme de celui de l’Assemblée nationale.

En examinant cette proposition de loi, il nous faut cependant nous garder de tomber dans deux écueils.

Le premier consisterait à alourdir la barque des associations en leur prescrivant de nouvelles obligations qui seraient superflues et qui complexifieraient leur vie davantage qu’elles ne faciliteraient celle des bénévoles. À cet égard, nous serons nombreux à soutenir et voter les quelques amendements de suppression de nos collègues Anne Ventalon et Cédric Vial. Ceux-ci visent à purger le texte de certaines dispositions non essentielles et ne concourant pas à l’objectif de simplification qui est son leitmotiv.

Le second serait de travestir le rôle du bénévole. Son engagement est libre et gratuit, et il ne doit pas apparaître comme étant la contrepartie d’avantages matériels. À trop vouloir professionnaliser l’action associative, notamment en y conviant en trop grand nombre des personnes salariées ou rémunérées, nous prendrions le risque de nous écarter de l’idéal associatif, de diluer l’esprit du bénévolat. Ce texte doit échapper à un tel travers.

Chers collègues, ce texte ne sera certainement pas la panacée face aux difficultés rencontrées, mais nous pouvons, nous, législateurs, verser une petite obole pour provoquer une embellie en faveur du monde associatif en l’adoptant. Ne nous privons pas de le faire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative

Chapitre Ier

Encourager et mieux reconnaître l’engagement bénévole et le volontariat

Article 1er

(Non modifié)

Au a du 6° de l’article L. 5151-9 du code du travail, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an ».

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Article 1er bis (Texte non modifié par la commission)

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme Girardin, M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 611-9 du code de l’éducation, après les mots : « d’un volontariat dans les armées prévu à l’article L. 121-1 du même code », sont insérés les mots : « ou les étudiants bénévoles élus dans les conseils municipaux ».

La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Les travaux du RDSE, en particulier dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne, ont largement mis en lumière la nécessité d’entraîner les jeunes générations vers l’engagement.

Cet amendement, qui s’inscrit dans la même logique, vise à valoriser les engagements politiques bénévoles des étudiants à l’échelon local. Nous souhaitons que les étudiants s’engageant dans la vie politique locale de leur commune sans rémunération puissent être récompensés par les dispositions de l’article L. 611-9 du code de l’éducation, donc bénéficier d’une valorisation académique.

Par-delà l’engagement politique en tant que tel, c’est la compréhension de notre République, de notre démocratie et de nos institutions que l’engagement politique permet de développer.

Les chiffres édifiants d’une enquête de 2023 de l’Institut Montaigne montrent qu’un jeune sur cinq trouve les dégradations de l’espace public acceptables et compréhensibles. Plus grave encore, à peine la moitié des jeunes interrogés considèrent qu’il est important de vivre en démocratie.

Au regard de tels constats, nous considérons que notre amendement va dans le sens d’une récompense bienvenue pour les jeunes qui s’engagent dans notre République.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement, qui porte sur la valorisation du mandat d’élu municipal d’un étudiant, est assez éloigné de l’objet de la présente proposition de loi, qui concerne en premier lieu les associations.

Sur le fond, il vise seulement les étudiants titulaires d’un mandat municipal ; son adoption créerait donc une différence de traitement avec les titulaires d’un mandat départemental ou régional.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cet amendement.

Le Gouvernement partage, et je partage personnellement votre volonté de reconnaître et de favoriser l’engagement des jeunes au service de l’intérêt général, notamment au sein d’exécutifs locaux.

Je tiens par ailleurs à le rappeler, les établissements peuvent déjà reconnaître les compétences, les connaissances et les aptitudes acquises par un étudiant au travers de formes d’engagement qu’ils peuvent encourager, conformément au code de l’éducation. Cela peut viser, à titre d’exemple, les engagements des étudiants élus dans les collectivités locales, comme vous le mentionnez très justement.

Dès lors, et en cohérence avec la proposition de loi sur le statut de l’élu, qui a été examinée la semaine dernière dans ce même hémicycle, j’émettrai un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Fialaire, Mme Girardin, M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 611-11 du code de l’éducation, les mots : « et aux étudiants élus dans les conseils des établissements et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires » sont remplacés par les mots : « aux étudiants élus dans les conseils des établissements et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires et aux étudiants bénévoles élus dans les conseils municipaux ».

La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Les inégalités d’accès à des fonctions exécutives, aussi bien dans les associations que dans une instance politique, sont nombreuses.

Parmi elles, il y a l’isolement territorial, les inégalités socioéconomiques, mais aussi l’âge. Plusieurs enquêtes ont souligné ces dernières années le vieillissement accru des élus municipaux.

Par cet amendement, nous prenons le problème à bras-le-corps en prolongeant une idée que nous avions déjà fait germer dans la proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne, où nous souhaitions valoriser les engagements des étudiants.

Actuellement, la reconnaissance des activités bénévoles et des engagements effectués par les étudiants passe par des aménagements spécifiques du cadre académique. Ces derniers sont nécessaires, mais nous souhaitons étendre leur portée.

Cet amendement vise à étendre le dispositif de l’article 34 de la loi du 27 janvier 2017 aux étudiants engagés dans un conseil municipal. S’il est adopté, les étudiants qui s’engagent dans la vie politique de leur commune sans bénéficier d’une rémunération pourront prétendre aux aménagements d’études spécifiques dont bénéficient pour le moment uniquement les étudiants élus dans les conseils d’établissement et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous).

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Là encore, il s’agit de prendre en compte l’engagement d’un étudiant élu local, ce qui est éloigné de l’objectif de la proposition de loi.

Et, sur le fond, cela créerait également une différence de traitement entre les étudiants élus locaux selon le type de collectivité territoriale.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons que précédemment, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Bonneau et Longeot, Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Demas, M. Menonville, Mme N. Delattre et MM. Hingray, Courtial, Duffourg, A. Marc, Cigolotti, Sautarel et L. Hervé, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les activités recensées à l’article L. 5151-8 du code du travail peuvent être énumérées sous la forme d’un curriculum vitae, qui peut être substitué par le Passeport Bénévole de France Bénévolat, mobilisable pour le recensement de l’activité citoyenne par les élus et administrations publiques, transmis sur l’initiative du propriétaire du compte engagement citoyen. Ce recensement peut être organisé sous la forme d’un compte élu, qui peut être substitué par l’outil personnel de travail de l’élu. Ledit curriculum vitae pourra faire l’objet de valorisation en nature fixée par un décret en Conseil d’État.

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Les élus organisent régulièrement des concertations citoyennes pour coconstruire les réformes de politiques publiques. Les associations engagées peinent, selon elles, à être informées de ces initiatives.

L’une des raisons de ce défi démocratique est qu’il n’existe pas de base de données des associations engagées disponible pour les élus. L’objectif est d’utiliser un CV associatif, substituable au Passeport Bénévole, pour le transmettre aux élus, afin de créer des bases de données de citoyens actifs pour les consultations citoyennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement vise à la création d’un CV qui se substituerait au Passeport Bénévole. Mais comme ce dernier existe déjà, un tel CV risquerait de faire doublon et d’être source de complexité. Or le texte a plutôt pour objet de simplifier les choses. Là, nous aurions deux documents qui coexisteraient…

L’enjeu est plutôt d’améliorer la connaissance et l’utilisation du Passeport Bénévole et non de pourvoir à son remplacement.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Bonneau et Longeot, Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Demas, M. Menonville, Mme N. Delattre et MM. Hingray, Courtial, Duffourg, A. Marc, Cigolotti, Sautarel, L. Hervé et Guerriau, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une partie de l’exercice du mandat d’élu local mentionné dans l’article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales peut faire l’objet d’une convention signée avec les associations locales exerçant dans les domaines d’activités similaires à l’élu.

Cette convention est signée par l’élu et est soumise à l’approbation de l’association représentée par un vote en assemblée générale, si les travaux menés sont jugés comme ayant fait l’objet d’une concertation entre les deux parties.

Le renouvellement de la présente convention est décidé chaque année à l’occasion d’un vote en assemblée générale de ladite association et de l’accord de l’élu.

La présente convention porte le nom de convention associative.

Les conventions associatives ont vocation à être rendues publiques aux fins de valoriser le travail de concertation des élus, ainsi que le travail de consultation des associations.

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement concerne la signature de conventions entre les associations et un élu local.

Or ces conventions sont de nature à complexifier les relations entre les élus et les associations. Elles nécessiteraient l’approbation par chaque association locale concernée.

Par ailleurs, le texte ne prévoit pas une approbation ni même une consultation de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale.

Enfin, rien n’empêche aujourd’hui une collectivité territoriale d’indiquer dans un document public ses actions de concertation avec les associations.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. La présente proposition de loi a effectivement pour objet de contribuer à simplifier et à fluidifier la vie des associations.

Si je comprends bien évidemment l’esprit de l’amendement, je pense qu’un tel dispositif serait contre-productif au regard des objectifs rappelés lors de la discussion générale.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Après l’article 1er bis

Article 1er bis

(Non modifié)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 6323-3, les mots : « au titre du compte d’engagement citoyen en application de l’article L. 5151-9 » sont supprimés ;

2° Le II de l’article L. 6323-4 est complété par un 15° ainsi rédigé :

« 15° Les associations mentionnées au a du 6° de l’article L. 5151-9, par le compte d’engagement citoyen. »

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Kern, Lafon, Levi, Cambier et Henno, Mmes Guidez et Loisier, M. Courtial, Mmes Jacquemet et Vermeillet, MM. Canévet, Chauvet et Duffourg, Mme Morin-Desailly, MM. L. Hervé, Folliot, Pillefer, Capo-Canellas, Delahaye, Vanlerenberghe et Delcros et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. L’article 1er bis, ajouté en commission à l’Assemblée nationale, vise, d’une part, à permettre aux associations d’abonder le CPF et, d’autre part, à ouvrir ce dispositif aux retraités pour financer des formations destinées à l’acquisition de compétences dans le cadre de missions bénévoles.

Le principe du CPF a été fixé au niveau législatif. C’est un dispositif de formation qui vise l’insertion, le maintien ou l’évolution professionnelle. Cela explique qu’il cesse d’être alimenté et, surtout, mobilisé à compter de l’âge de 67 ans. L’ouvrir aux retraités reviendrait donc à modifier complètement ce principe.

Par ailleurs, l’impact financier me semble très important. Je ne reviens pas sur le chiffre, qui a été contesté en commission ce matin, mais il s’agit de plusieurs milliards d’euros, et je pense qu’il est de toute manière préférable de faire des économies. Au lendemain de la publication du rapport de la Cour des comptes, dans un contexte d’efforts budgétaires et à la suite du plan d’économies qui a été annoncé par le Gouvernement et qui – je le rappelle – porte sur tous les secteurs, même les plus sensibles, il n’est pas raisonnable de maintenir une telle mesure. Au demeurant, il n’existe ni référentiel définissant les formations destinées à l’acquisition de ces compétences ni registre des bénévoles. Il est donc impossible de cibler le public éligible.

Enfin, j’ai oublié ce matin de mentionner l’argument de la rétroactivité. Si le CPF non mobilisé pendant la période d’activité professionnelle est utilisable après, quid d’autres dispositifs ? Peut-être pourrons-nous également prendre des congés que nous n’aurons pas utilisés pendant notre période d’activité salariale… (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement concerne la suppression du maintien pour un retraité de ses droits acquis au titre du CPF.

Ma chère collègue, selon vos chiffres, qui sont d’ailleurs repris par le Gouvernement, le dispositif coûterait 8,8 milliards d’euros. Cela peut sembler en effet important.

Mais refaisons le calcul. En réalité, ce sont 2,6 milliards d’euros de droits qui sont gelés au titre du CPF pour les plus de 67 ans. C’est déjà un plafond. Et seulement 6 % des salariés se forment chaque année avec le CPF. Il y avait en 2022 1,8 million de formations, selon les chiffres de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), pour 27 millions de salariés. Sans compter que, parfois, un salarié peut suivre deux formations, ce qui réduit encore le montant. Le coût n’est donc pas de 8 milliards d’euros.

En outre, comme cela a été souligné préalablement, l’un des objets de la proposition de loi est de remédier à la baisse constatée de l’engagement bénévole chez les seniors. Il faut donc des mesures en ce sens.

Il s’agirait, dites-vous, d’un « détournement » du CPF. Mais le Gouvernement lui-même a indiqué croire à la formation tout au long de la vie. Or « tout au long de la vie », cela inclut la retraite ; sinon, c’est seulement un slogan.

À titre personnel, je crois utile de permettre aux retraités de conserver leurs droits acquis au titre du CPF. Il y a un enjeu important de formation en la matière.

Toutefois, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Avis que le rapporteur n’a pas vraiment défendu !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est évidemment favorable.

Il me semble important de ne pas dénaturer les outils existants. Le CPF reste un outil à disposition des salariés pour contribuer et participer à leur formation et à leur employabilité. Compte tenu d’un tel objectif, le maintien du dispositif pour les personnes qui sont à la retraite pose donc question…

Cela n’enlève rien à notre volonté de continuer à promouvoir l’engagement et à le reconnaître. C’est tout l’objet du texte. Il y a un certain nombre de dispositions dont nous allons débattre, et nous allons certainement trouver des accords sur un certain nombre d’entre elles. Mais l’idée n’est pas de rappeler des modalités de financement ; il s’agit avant tout de préserver des dispositifs extrêmement utiles en faveur des salariés de France. Nous savons à quel point il est important que ces derniers continuent à bénéficier des outils à leur disposition.

Pour le reste, nous allons continuer à travailler, notamment, pour les retraités qui s’engagent bénévolement au sein de nos associations.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Si ma mémoire est bonne, cet article a été ajouté en commission à l’Assemblée nationale.

Sans entrer dans la bataille des chiffres, il nous semblait intéressant que le travail parlementaire permette d’explorer l’ensemble des pistes utiles pour ne pas céder à la fatalité. Au regard de la baisse du nombre de bénévoles de plus de 65 ans faisant vivre le tissu associatif dans tous les territoires, un tel ajout, qui permet d’actionner certains leviers, nous est apparu pertinent.

C’est pourquoi, comme je l’ai indiqué ce matin en commission, nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je remercie Mme la ministre d’avoir parfaitement rapporté l’avis de la commission, à la réunion de laquelle elle n’a pas assisté, après la présentation par M. le rapporteur de son analyse personnelle sur le sujet… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour ce qui nous concerne, mes chers collègues, il est bien clair que nous voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Article 1er quater

Après l’article 1er bis

M. le président. L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Daubet, Mmes N. Delattre et Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au cinquième alinéa de l’article L. 312-15 du code de l’éducation, les mots : « à la vie associative » sont remplacés par les mots : « au bénévolat, à l’engagement associatif, au volontariat ».

La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Cet amendement rédactionnel concerne le volet du code de l’éducation relatif aux objectifs des cours d’enseignement moral et civique (EMC).

En l’état actuel, il est précisé que les cours d’EMC ont pour objet d’éveiller les collégiens et les lycéens à la vie associative uniquement.

Par cet amendement, nous proposons d’opter pour une formulation plus large en indiquant que les cours d’EMC visent à sensibiliser à la fois au bénévolat, à l’engagement associatif, au volontariat et au service civique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement concerne le contenu du programme d’éducation morale et civique.

La position constante de notre commission est de simplifier les dispositions relatives à cet enseignement. Ce n’est pas au législateur qu’il revient de définir le contenu des programmes ; c’est au Conseil supérieur des programmes.

Enfin, les projets de nouveau programme de l’EMC qui viennent d’être publiés accordent une place particulière à l’engagement sous toutes ses formes, notamment au rôle des associations.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Cet amendement est déjà satisfait, pour les raisons qui viennent d’être évoquées. J’en sollicite donc le retrait, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.

M. le président. Monsieur Laouedj, l’amendement n° 31 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Ahmed Laouedj. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 31 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 32 rectifié bis, présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes N. Delattre et Girardin, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le cinquième alinéa de l’article L. 312-15 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il présente aux élèves de collèges et de lycées le passeport bénévole. »

La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 1er ter

(Supprimé)

Après l’article 1er bis
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Après l’article 2

Article 1er quater

L’État établit un guide explicatif des avantages liés à l’engagement bénévole et au volontariat, destiné à informer les potentiels bénévoles et les associations sur les droits et les devoirs liés à cette forme d’engagement. En lien avec le réseau « Guid’Asso », il informe les bénévoles des conditions d’éligibilité au compte d’engagement citoyen ainsi que de validation des acquis de l’expérience dans le cadre de leurs engagements. Les associations participent à cette information.

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Chain-Larché et Belrhiti, M. Sido, Mmes Demas et Drexler, MM. Reynaud, Belin et J.B. Blanc, Mmes Micouleau, Borchio Fontimp et Muller-Bronn, MM. Klinger, Tabarot, Rapin et Naturel, Mme Pluchet, M. Michallet, Mmes Garnier, Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Rietmann, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge et Lefèvre et Mme P. Martin, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne Ventalon.

Mme Anne Ventalon. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er quater, qui introduit une nouvelle obligation à l’égard des associations et requiert leur concours pour participer à la diffusion du guide ainsi mis en place.

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, une telle contrainte va à l’encontre de l’objectif de simplification, qui est au cœur de la présente proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. L’article 1er quater a été rédigé en commission. Il avait pour objet de rassembler plusieurs articles relatifs aux associations qui étaient issus des travaux de l’Assemblée nationale, pour charger les associations de diffuser les informations légales concernant les conditions d’éligibilité pour leurs membres, leurs droits en matière de validation d’acquis de l’expérience, le compte d’engagement citoyen, etc. L’idée était que le travail soit effectué par l’État, les associations participant uniquement à la diffusion de l’information.

Toutefois, la commission estime souhaitable de supprimer cet article, qui risque, selon elle, de créer de nouvelles obligations pour les associations. C’est pourquoi elle a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je comprends parfaitement votre position.

L’esprit de la présente proposition de loi est de simplifier la vie de nos associations et d’encourager l’engagement des bénévoles.

Les associations ne participeront qu’à la transmission de l’information dès lors que nous les côtoyons au quotidien. Cela s’inscrit dans une démarche d’« aller vers » sans obligation et, tout simplement, de bon sens. La charge repose pleinement et entièrement sur l’État, notamment au travers du réseau Guid’Asso, pour lequel nous avons déployé des moyens financiers supplémentaires, avec des lignes de crédits. J’espère vous avoir rassurée.

Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er quater est supprimé, et les amendements nos 12 rectifié et 54 rectifié n’ont plus d’objet.

Article 2

(Non modifié)

Au 1° de l’article L. 3142-54-1 du code du travail et de l’article L. 641-3 du code général de la fonction publique, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an ». – (Adopté.)

Article 1er quater
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Article 2 bis (nouveau)

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 3 de l’article L. 3142-54-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° À tout salarié désigné pour siéger à titre bénévole au sein du conseil d’administration, du directoire ou du conseil de surveillance d’une fondation ou d’un fonds de dotation. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. L’engagement bénévole est présent au sein des associations, mais il est aussi au cœur des fondations.

Dans ces structures à but non lucratif et d’intérêt général, les administrateurs exercent leurs fonctions de gouvernance de manière bénévole, tout comme dans les associations.

Cependant, contrairement aux bénévoles des associations, ceux qui s’engagent au sein des conseils d’administration, des directoires ou des conseils de surveillance des fondations ou des fonds de dotation ne bénéficient pas de congés au titre de leur engagement.

Cet amendement a donc pour objectif d’harmoniser le traitement du bénévolat entre les différentes structures relevant du domaine non lucratif et de l’intérêt général, en offrant aux bénévoles des fondations et des fonds de dotation la possibilité de bénéficier de congés pour leur engagement.

Il vise à reconnaître et à valoriser leur contribution essentielle à ces organisations, tout en favorisant une égalité de traitement avec les bénévoles des associations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement vise à élargir le congé de citoyenneté aux fonds de dotation.

L’objet de ce texte est de favoriser les petites associations. Les fonds de dotation relèvent de la philanthropie et ne sont pas au cœur de ce texte. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance afin de poursuivre et – qui sait ? – d’achever l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 65, présenté par M. Chantrel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le quatrième alinéa de l’article L. 3142-54-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° À toute personne exerçant à titre bénévole les missions de délégué du Défenseur des droits. »

II. – L’article L. 641-3 du code de la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Il exerce à titre bénévole les missions de délégué du Défenseur des droits. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yan Chantrel, rapporteur. Les deux cents délégués bénévoles du Défenseur des droits qui, dans notre pays, articulent leur engagement avec une activité professionnelle, n’ont pas droit au congé de citoyenneté et ne sont pas éligibles au compte d’engagement citoyen.

Certains d’entre eux éprouvent de grandes difficultés à poser des congés afin de participer à des actions collectives de formation ou de sensibilisation, qui font pourtant pleinement partie de leurs missions.

Nous sommes toutes et tous attachés au rôle de ces délégués bénévoles du Défenseur des droits. Aussi cet amendement vise-t-il à étendre le congé de citoyenneté à ces personnes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

Après l’article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Article 3 (Texte non modifié par la commission)

Article 2 bis (nouveau)

I. – Après le chapitre II du titre IV du livre premier de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE II BIS

« Don de congés et de jours de repos

« Art. L. 3142-131. – Par dérogation à l’article L. 3121-59 et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche concernés, tout salarié peut, à sa demande et en accord avec son employeur, renoncer sans contrepartie, dans une limite fixée par décret, à des jours de repos non pris, qu’ils aient été affectés ou non sur un compte épargne temps, au bénéfice d’un organisme éligible à la réduction de l’impôt pour don au titre des a et b du 1 de l’article 200 du code général des impôts. Ces jours de repos sont convertis en unités monétaires selon des modalités déterminées par décret.

« Le congé annuel ne peut être cédé que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.

« L’organisme bénéficiaire auquel l’employeur verse ces jours de repos monétisés est défini en concertation entre le salarié et l’employeur. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L’amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. En l’état actuel du droit, il est déjà possible de monétiser des jours épargnés sur un compte épargne-temps (CET) et, une fois ces jours convertis sous forme de salaire, de faire un don à une association.

L’article 2 bis semble prévoir une possibilité supplémentaire de monétisation des jours de repos pour les personnes qui ne les affectent pas sur un CET et qui souhaiteraient néanmoins effectuer des dons monétaires.

Contrairement à la monétisation des jours placés sur un CET, il n’est pas établi que la monétisation des jours de repos dans les conditions prévues à l’article 2 bis, c’est-à-dire hors du compte épargne-temps, constitue pour le salarié un revenu disponible susceptible d’ouvrir des droits à la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons.

Enfin et surtout, dans un contexte où les partenaires sociaux sont appelés à négocier la mise en place d’un compte épargne-temps universel, il apparaît peu opportun de préjuger de l’issue de ces échanges et de modifier dès à présent le cadre existant. Il appartient aux partenaires sociaux eux-mêmes de se saisir de ce sujet, dans le cadre de leurs négociations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cette disposition répond à une demande très forte des associations. Elle avait été relayée par un grand nombre de sénateurs au travers de plusieurs amendements, avant de se traduire, finalement dans un amendement de la commission.

Il s’agit en effet de faciliter le don de congés monétisés. Certains salariés ne disposent pas d’un compte épargne-temps et n’ont donc pas la possibilité de faire un don à des associations par cet intermédiaire.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 52 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes Havet et Saint-Pé, MM. Henno, Bonnecarrère, Kern, Hingray, Fargeot, Courtial et Duffourg, Mme Romagny et MM. L. Hervé et Capo-Canellas, est ainsi libellé :

Alinéa 4

I. – Remplacer les mots :

et b

par les mots :

, b et g

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Cet amendement vise à permettre aux fonds de dotation de bénéficier également des dons de jours de repos ou de congés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Les fonds de dotation relèvent du financement philanthropique. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
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Article 3 bis

Article 3

(Non modifié)

I. – Le I de l’article L. 8241-3 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le prêt est à destination de personnes morales dont la liste est fixée aux mêmes a à g, la condition mentionnée à la première phrase du présent 2° ne s’applique pas. » ;

2° Au dernier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

II. – La perte de recettes pour l’État résultant du 2° du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Paoli-Gagin, L. Darcos et Bourcier et MM. Brault, Capus, Chasseing, Chevalier, Grand, V. Louault, A. Marc, Rochette, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le 1 est complété par les mots : « ainsi qu’aux communes de moins de 5 000 habitants » ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. À cause de l’inflation des normes et de la complexité administrative et réglementaire, les maires de nos petites communes voient leur capacité d’action entravée et peinent à concrétiser leurs initiatives. C’est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit de mener des projets complexes qui requièrent une ingénierie ad hoc.

Ces compétences sont en particulier répandues dans les entreprises. C’est pourquoi il semble opportun de permettre aux salariés des grands groupes de venir prêter main-forte à des élus locaux pour mener à bien leurs projets, singulièrement dans les petites communes où les employés municipaux sont déjà mobilisés par les affaires courantes.

Cet appui ponctuel peut utilement renforcer l’action des élus locaux, en les faisant bénéficier de compétences professionnelles adaptées à leurs besoins.

C’est pourquoi le présent amendement de ma collègue Vanina Paoli-Gagin vise à élargir la liste des personnes morales bénéficiaires du mécénat de compétences à toute commune de moins de 5 000 habitants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. La proposition de loi que nous examinons vise à renforcer l’engagement associatif. L’esprit de cet amendement, qui tend à venir en aide aux petites communes en les faisant bénéficier du mécénat de compétences, s’éloigne de l’esprit et de l’objectif même du texte. C’est pourquoi la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Je souscris parfaitement à l’intention des auteurs de cet amendement.

Le sujet relève néanmoins du droit de la fonction publique. Il n’a donc pas forcément sa place dans cette proposition de loi. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Duffourg, Bonneau et Henno, Mme Petrus, MM. Cambier et Tabarot, Mme Perrot, M. Mizzon, Mme Saint-Pé, MM. Menonville et Chasseing, Mme Bourcier, MM. Pellevat et Courtial, Mmes Romagny et P. Martin et MM. Vanlerenberghe et Maurey, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après l’article L. 8241-3 du code du travail, il est inséré un article L. 8241-… ainsi rédigé :

« Art. L. 8241-…– I. – Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 8241-1 et dans les conditions prévues au présent article, une entreprise de moins de cinquante salariés peut mettre ses salariés à la disposition d’une personne morale figurant sur la liste fixée aux a et b de l’article 238 bis du code général des impôts pendant une partie de la semaine.

« La durée de cette mise à disposition ne peut être inférieure à deux heures par semaine et ne peut excéder un mi-temps pour un salarié à temps plein.

« Cette mise à disposition ne peut concerner que les salariés qui ont donné leur accord et qui ont fait connaître leur intention de partir en retraite au plus tard six mois après le début de la mise à disposition.

« II. – Les opérations de prêt de main-d’œuvre réalisées sur le fondement du présent article n’ont pas de but lucratif au sens de l’article L. 8241-1 du présent code pour les entreprises utilisatrices, même lorsque le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de sa mise à disposition temporaire ou est égal à zéro.

« III. – L’entreprise prêteuse maintient la rémunération du salarié mis à disposition. Le maintien de la rémunération ouvre droit à un crédit d’impôt dont le montant est égal à celui de ladite rémunération.

« IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »

II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

La parole est à M. Alain Duffourg.

M. Alain Duffourg. Cet amendement tend à permettre aux salariés des entreprises de moins de 50 salariés d’entrer en bénévolat et de travailler à temps partiel pour une association, en vue d’y être intégrés. De son côté, l’entreprise obtiendrait un crédit d’impôt.

Dans les communes rurales, les associations caritatives et les associations en général éprouvent des difficultés croissantes à recruter des bénévoles. Par cet amendement, l’entreprise serait en quelque sorte associée à cette démarche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement vise à ouvrir le mécénat de compétences aux entreprises de moins de 50 salariés.

L’article 3 ouvre cette forme de mécénat aux entreprises de moins de 5 000 salariés et la mise à disposition peut se faire à temps partiel. Cet amendement est donc satisfait.

Par ailleurs, tel qu’il est rédigé, l’amendement viendrait restreindre la possibilité d’une mise à disposition à temps partiel aux seuls salariés à six mois de la retraite.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
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Article 4 (Texte non modifié par la commission)

Article 3 bis

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article 209 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale est ainsi modifié :

1° Les mots : « et L. 512-15 » sont remplacés par les mots : « , L. 512-15 à L. 512-17 et L. 516-1 » ;

2° Après la première occurrence du mot : « publique, », sont insérés les mots : « les agents contractuels et » ;

3° Après la seconde occurrence du mot : « État, », sont insérés les mots : « de la fonction publique hospitalière, ».

M. le président. L’amendement n° 56, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement vise à supprimer l’article 3 bis, qui prévoit l’expérimentation de la mise à disposition de fonctionnaires hospitaliers et de contractuels de la fonction publique d’État auprès d’associations et de fondations.

Cette disposition, introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale sur l’initiative de Quentin Bataillon et du Gouvernement, est inquiétante. Elle n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact et nous ne disposons d’aucune évaluation des conséquences potentielles d’une telle mesure sur le système hospitalier.

Cet amendement s’explique en réalité par les difficultés de recrutement auxquelles est confrontée la fonction publique hospitalière et par le manque de personnel dans de nombreuses structures hospitalières et médico-sociales.

Faute d’éléments suffisants, notamment de mesures permettant d’écarter le risque d’un transfert de compétences de l’hôpital public vers les fondations hospitalières, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. La suppression de l’article 3 bis, objet de cet amendement, empêcherait la mise à disposition de fonctionnaires hospitaliers.

Afin d’éviter des inégalités entre les trois fonctions publiques, il me paraît important de permettre aux fonctionnaires hospitaliers d’être mis à disposition.

Quant à la crainte d’un transfert de compétences de l’hôpital public vers les fondations hospitalières, je rappelle que la mise à disposition nécessite un accord hiérarchique.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Rietmann, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge, Lefèvre et Michallet, Mme Pluchet, MM. Naturel, Rapin et Tabarot, Mme Muller-Bronn, M. Klinger, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. J.B. Blanc et Belin, Mmes Drexler et Demas, M. Sido et Mmes Belrhiti, Chain-Larché et P. Martin, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa

1° Après la référence : « L. 512-15 » sont insérés les mots : « à l’article L. 512-17 » ;

II. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. L’article 3 bis étend aux contractuels le principe de la mise à disposition de fonctionnaires auprès d’associations.

Nous sommes là dans une forme de dérive par rapport à l’esprit initial, notamment du décret de 1985. La mise à disposition dans les associations doit concerner uniquement les fonctionnaires, pas les contractuels.

Nous venons de rejeter l’amendement de Mme Ollivier. Tout en partageant un certain nombre des réserves qu’elle a exprimées – certains enjeux dans la fonction publique hospitalière posent en effet question –, nous l’avons fait au nom de l’égalité entre toutes les fonctions publiques.

Embaucher des contractuels pour les mettre à disposition d’associations, voire le simple fait de les mettre à disposition, est une forme de dérive.

La mesure, je le répète, doit être réservée à la fonction publique. À défaut, nous remettrions en cause des équilibres à l’œuvre depuis environ quarante ans dans notre pays. Nous sommes donc défavorables à cette disposition et proposons de restreindre la mise à disposition aux seuls fonctionnaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. La commission s’est interrogée sur l’opportunité d’élargir le dispositif aux contractuels. J’avais moi-même initialement déposé un amendement tendant à ouvrir la mise à disposition aux contractuels en CDI.

Il a semblé à la commission que le fait d’embaucher un contractuel pour le mettre ensuite à la disposition d’une association allait à l’encontre du statut de la fonction publique. C’est pourquoi elle émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a permis une révision du code général de la fonction publique.

En 2022, le pouvoir réglementaire est venu aligner les droits des agents contractuels de droit public sur ceux de leurs collègues titulaires en matière de temps de travail et de congés.

Par ailleurs, je vous rappelle que les contractuels peuvent être recrutés pour un besoin permanent, par exemple lorsqu’il n’existe pas de cadre d’emploi de fonctionnaire correspondant aux fonctions à assurer, quand la nature des fonctions le justifie et qu’aucun fonctionnaire n’a été recruté pour ce poste.

Il ne me semble pas judicieux de revenir sur cet alignement des droits de l’ensemble des agents publics. Pour tous ces motifs, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Madame la ministre, vous avez indiqué, en rappelant les textes, que les contractuels sont recrutés lorsque l’emploi n’a pas pu être pourvu par un fonctionnaire.

Ce serait une curieuse méthode que de recruter un contractuel pour cette raison, puis de permettre à ce dernier de quitter son cadre d’emploi pour être mis en disponibilité dans une association. Quelque chose m’échappe.

Si nous avons exprimé avec force, au travers de l’amendement d’Anne Ventalon, notre refus de faire bénéficier les contractuels de cette possibilité, c’est justement parce que nous pensons que, dans la fonction publique, on recrute d’abord des fonctionnaires. Ce n’est que lorsque l’on manque de fonctionnaires que l’on recrute des contractuels ; il serait donc étrange de mettre ensuite ces contractuels à disposition d’associations.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.

(Larticle 3 bis est adopté.)

Article 3 bis
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Après l’article 4

Article 4

(Non modifié)

À la première phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, après le mot : « sportives », sont insérés les mots : « , aux actions visant à soutenir des structures d’intérêt général telles que des associations, des fondations ou des fonds de dotation et à promouvoir l’engagement bénévole ou le volontariat ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 5 rectifié ter est présenté par Mme Jacquemet, MM. Mizzon, Henno et Cambier, Mme Loisier, MM. Courtial, Canévet et Menonville et Mmes Romagny et Perrot.

L’amendement n° 14 rectifié est présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial, Rietmann et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge et Lefèvre, Mme Garnier, M. Michallet, Mme Pluchet, MM. Naturel, Rapin et Tabarot, Mme Muller-Bronn, M. Klinger, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. J.B. Blanc et Belin, Mmes Drexler et Demas, M. Sido et Mmes Belrhiti, Chain-Larché et P. Martin.

L’amendement n° 36 rectifié ter est présenté par Mme Billon, MM. Kern, Lafon et Levi, Mmes Guidez et Vermeillet, MM. Chauvet et Duffourg, Mme Morin-Desailly et MM. L. Hervé, Folliot, Pillefer, Capo-Canellas, Delahaye et Vanlerenberghe.

L’amendement n° 37 rectifié bis est présenté par Mmes Berthet, Bellurot et Dumont, MM. Gremillet et Khalifé, Mme Lassarade, M. Milon, Mme Noël et MM. Pellevat et Sol.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié ter.

Mme Annick Jacquemet. Cet article a pour objet de valoriser, dans la déclaration de performance extrafinancière (DPEF), les actions de soutien à la vie associative et de promotion du bénévolat mises en œuvre par les entreprises dans le cadre de leurs responsabilités sociétales.

Pour ce faire, il ajoute une nouvelle obligation aux entrepreneurs, alors même que les entreprises françaises ont déjà la possibilité d’inclure ces actions dans leur rapport de durabilité depuis l’entrée en vigueur de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, applicable depuis le 1er janvier 2024.

Notons que la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative a été déposée à l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023, soit bien avant cette date.

Dans un contexte où le Gouvernement promeut à juste titre la simplification des normes applicables aux entreprises, cet ajout ne semble vraiment pas nécessaire, d’autant que les entreprises des autres pays de l’Union européenne n’y seraient pas soumises.

C’est pourquoi il est proposé de supprimer cet article. Cette suppression n’empêcherait en rien la valorisation des actions de soutien à la vie associative et de promotion du bénévolat mises en œuvre par les entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié.

Mme Anne Ventalon. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié ter.

Mme Annick Billon. Cet amendement a été défendu, mais je souhaiterais obtenir une précision de la part de Mme la ministre sur l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023, qui abroge les dispositions relatives à la DPEF visées précisément par cet article du code de commerce.

Il m’a été indiqué que l’ordonnance était en vigueur, alors que pour ma part, j’avais noté la date du 1er janvier 2025. Qu’en est-il ?

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié bis n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. L’article 4, dont on demande ici la suppression, ajoute une mention valorisant l’action associative dans la déclaration de performance extrafinancière.

Dans la mesure où cette déclaration disparaîtra au 1er janvier 2025, la portée de cet article était très limitée dans le temps. La commission émet donc un avis favorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. J’irai dans le sens de M. le rapporteur. Avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié ter, 14 rectifié et 36 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 4 est supprimé, et l’amendement n° 57 n’a plus d’objet.

Article 4 (Texte non modifié par la commission)
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Après l’article 4 bis

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par M. Kanner, Mmes Brossel et Monier, M. Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4 du II de l’article L. 232-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Expose les dons et versements ouvrant droit à la réduction d’impôt prévue au 2 de l’article 238 bis du code général des impôts, en précisant notamment l’impact et la part des dons et versements consacrés au mécénat en faveur de l’avenir du territoire d’implantation et de sa jeunesse. »

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Actuellement, 9 % des entreprises font du mécénat, pour un montant de 3,6 milliards d’euros. Les domaines concernés prioritairement par ces actions concernent des secteurs très présents sur nos territoires.

À l’heure où nos collectivités sont appelées à se substituer à l’État, qui se désengage, ce soutien est essentiel. Le baromètre 2022 du mécénat d’entreprise en France met en évidence le rôle prépondérant en la matière des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). Ainsi, 66 % des entreprises mécènes sont des TPE et 30 % des PME.

Ces TPE-PME, qui ne publient pas de rapport de performance extrafinancière, ne peuvent pas valoriser leur engagement en tant que mécènes, quand bien même il est une réalité dans le quotidien de nos concitoyens.

Après avoir déposé et adopté une disposition du même ordre que celle que je défends – nous l’avions d’ailleurs votée –, la droite sénatoriale, certainement très inspirée par le Medef, a modifié sa position entre l’examen du texte en commission et son examen en séance publique.

Par ce revirement, elle a non seulement renoncé à cette disposition – après tout chacun est libre de changer d’avis ! –, mais elle a aussi détricoté le texte de la proposition de loi en supprimant l’article 4 qui prévoyait la valorisation du mécénat des grandes entreprises.

Ce texte apporte un équilibre entre la simplification de la vie associative, d’une part, et la valorisation de l’engagement bénévole, d’autre part. Veillons à ne pas le réduire uniquement à la simplification de la vie associative.

Les associations attendent beaucoup de la valorisation du mécénat réalisé en leur faveur par les entreprises. La publicité qui serait faite dans le rapport de gestion aurait également un effet incitatif en vue de développer le mécénat dans d’autres entreprises.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié quater, présenté par Mmes Paoli-Gagin, L. Darcos et Bourcier et MM. Brault, Capus, Chasseing, Chevalier, Grand, V. Louault, A. Marc, Rochette, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 7 du II de l’article L. 232-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Présente les dons et versements ouvrant droit à la réduction d’impôt prévue au 2 de l’article 238 bis du code général des impôts, en précisant notamment l’impact et la part des dons et versements consacrés au mécénat en faveur de l’avenir du territoire d’implantation. »

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. L’article 4 visait à valoriser, dans la déclaration de performance extrafinancière, les actions de soutien à la vie associative et de promotion du bénévolat mises en œuvre par les entreprises dans le cadre de leur responsabilité sociétale.

Cet amendement – toujours de ma collègue Vanina Paoli-Gagin – tend à renforcer son ambition, en intégrant les actions de mécénat dans le rapport de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), afin de mieux valoriser les actions qu’elles mènent pro bono.

Il convient en effet de rappeler que les actions de mécénat représentent toujours un coût supporté par les entreprises dans l’intérêt général et que ces dernières les effectuent en sus de leur contribution financière par l’impôt. Ces actions méritent d’être mieux valorisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Même si je partage à titre personnel, mes chères collègues, votre volonté d’élargir aux petites et moyennes entreprises ce type d’obligations, nous devons faire preuve de cohérence : nous venons en effet de supprimer l’article 4, qui imposait de nouvelles obligations aux grandes entreprises.

La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Je souscris totalement à l’intention des auteurs de ces amendements.

La démarche de simplification dans laquelle nous sommes nous invite cependant à ne pas alourdir les charges qui pèsent tant sur les entreprises donatrices que sur les associations.

Il s’agit de libérer le potentiel d’engagement de notre société dans sa globalité. La simplification n’est pas seulement voulue par le Gouvernement, elle répond également à une forte attente des Français.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Notre collègue Colombe Brossel ayant évoqué des changements de position, je me suis sentie quelque peu visée par sa remarque.

J’avais en effet moi-même déposé un amendement sur le sujet. Oui, nous avons le droit de progresser et de cheminer. (Sourires.)

Ces dernières semaines ont montré que le Sénat savait faire évoluer sa position – nous sommes passés, entre 2022 et 2024, de 130 sénateurs à 266 partageant le même point de vue – quand il s’agit de voter un texte important sur un sujet de société majeur.

J’ai donc en effet changé d’avis. J’ai changé d’avis parce qu’il s’agit de trouver un juste équilibre entre la volonté de faciliter le bénévolat et la vie des associations, d’une part, et la nécessité de ne pas alourdir la charge des entreprises, d’autre part.

Ne pas alourdir la charge des entreprises signifie éviter d’ajouter des contraintes aux contraintes. Dans un certain nombre d’entreprises, la norme que nous votons au Parlement nécessite souvent l’emploi d’un salarié supplémentaire pour gérer les aspects purement administratifs.

En tant que membre de la délégation aux entreprises, moi-même issue du monde de l’entreprise, je ne pouvais pas, dans un souci de simplification, contribuer à l’ajout de cette nouvelle contrainte.

J’assume donc totalement mon changement de position, même si vous avez eu l’élégance, ma chère collègue, de ne pas me nommer. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Soyez rassurée, madame Brossel, nous n’avons pas eu besoin d’interférences extérieures. Le seul regard du président de la délégation aux entreprises Olivier Rietmann nous a largement conduits, par réflexion, à ne pas nous écarter de la seule voie de la simplification.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 1407 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au 2° du I, les mots : « associations et » sont supprimés ;

2° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les locaux associatifs qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises. »

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Tout le monde ici reconnaît les difficultés de recrutement de bénévoles, mais également de financement, auxquelles sont confrontées les associations.

Cet amendement vise à exonérer ces dernières de la taxe d’habitation afin de leur offrir une respiration bienvenue dans le financement de leurs projets.

Il est également proposé – cette partie vous plaira moins, madame la ministre – que le Gouvernement mette la main à la poche pour compenser la perte financière qui en résulterait pour nos collectivités qui, elles aussi, sont en difficulté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement tend à créer une exonération automatique de la taxe d’habitation pour les associations.

Dans la loi de finances pour 2024 a été adoptée une disposition prévoyant une possibilité d’exonération. Laissons aux communes la liberté de décider ou non d’exonérer les associations de taxe d’habitation. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Cet amendement semble relever davantage d’une loi de finances.

Je prendrai toutefois l’exemple précis des maisons d’assistantes maternelles, qui ont une forme associative. Certaines d’entre elles sont soumises à la taxe d’habitation alors que, sur le même territoire, on peut trouver des crèches, dont la forme n’est pas associative, qui en sont exonérées. C’est le cas en particulier, dans certaines zones de revitalisation rurale.

Selon moi, toutes les associations ne devraient pas nécessairement bénéficier d’une exonération. La question s’étudie dans le cadre de la loi de finances. J’ai pour ma part préparé, en prévision de la prochaine, un amendement spécifique aux maisons d’assistantes maternelles.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas complètement l’avis de mon collègue Olivier Paccaud.

Les maires ont aujourd’hui la possibilité d’exonérer les associations de taxe d’habitation, mais il n’y a pas d’automaticité.

M. Olivier Paccaud. Et les crèches ?

M. Cédric Vial. Les maisons d’assistantes maternelles paient en effet la taxe d’habitation, mais les assistantes maternelles paient aussi cette taxe !

Une maison d’assistantes maternelles est un regroupement d’assistantes maternelles. Ce serait créer une distorsion de concurrence que d’exiger des personnes exerçant seules le paiement de la taxe et d’en exonérer les personnes exerçant la même activité en groupe.

Gardons de la souplesse. Nous connaissons tous des associations dont le patrimoine immobilier n’a rien à voir avec celui d’une association de quartier. Faut-il exonérer en totalité le patrimoine immobilier de certaines associations ? La question peut être posée.

Nous ne citerons pas de noms, mais certaines associations sont plus riches que certaines de nos collectivités. Conservons notre capacité de discernement.

Je comprends l’approche de nos collègues, mais on ne peut pas automatiser une perte de recettes pour nos collectivités, dès lors que le maire dispose aujourd’hui du pouvoir de décider du bien-fondé de ce type de mesure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur des mesures pouvant être apportées ou corrigées afin d’encourager et mieux reconnaître l’engagement bénévole et le volontariat.

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Si j’ai appris une chose ces derniers mois en tant que jeune sénateur, c’est la position du Sénat sur les demandes de rapport. Je considère donc que l’amendement est défendu… (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Conformément à la position traditionnelle du Sénat, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Je n’ai pas envie de contredire le Sénat : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 4 bis

(Supprimé)

Après l’article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Après l’article 5

Après l’article 4 bis

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section …

« Aménagement du temps de travail pour les salariés bénévoles ou volontaires exerçant une responsabilité au sein du bureau d’une association ou d’une fondation d’utilité publique

« Sous-section 1

« Ordre public

« Art. L. 3121-52-1. – I. – Tout salarié à temps complet ou à temps partiel exerçant des activités bénévoles ou de volontariat, au sein du bureau d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou inscrite au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ou au sein du bureau d’une fondation reconnue d’utilité publique, déclarée depuis un an au moins, bénéficie à sa demande d’un aménagement de son temps de travail.

« II. – L’aménagement du temps de travail des salariés mentionnés au I consiste :

« 1° Pour le salarié à temps complet, à accomplir la durée légale de travail effectif mentionnée à l’article L. 3121-27 sur un nombre de jours inférieur de 20 % au nombre de jours usuellement travaillés par semaine, lorsque celui-ci est égal à cinq ;

« 2° Pour le salarié à temps partiel, à accomplir la durée de travail mentionnée à l’article L. 3123-1, sur un nombre de jours inférieur de 20 % au nombre de jours travaillés par semaine figurant dans l’avenant au contrat de travail.

« III. – Les jours travaillés sont choisis par le salarié, en accord avec l’employeur.

« L’aménagement du temps de travail est mis en œuvre dans le mois qui suit la demande du salarié.

« Sous-section 2

« Champ de la négociation collective

« Art. L. 3121-52-2. – Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir :

« 1° Les modalités d’aménagement du temps de travail sur un nombre de jours inférieur à quatre par semaine ;

« 2° Un délai de mise en œuvre de l’aménagement du temps de travail inférieur à celui mentionné au III de l’article L. 3121-52-1.

« Sous-section 3

« Dispositions supplétives

« Art. L. 3121-52-3. – Sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord mentionné à l’article L. 3121-32, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Le présent amendement vise à instaurer la semaine de quatre jours pour le salarié bénévole ou volontaire qui exerce une responsabilité au sein du bureau d’une association ou d’une fondation publique.

La question du temps est centrale dans l’engagement bénévole et je regrette qu’elle soit absente du débat.

La vie professionnelle reste peu compatible avec un engagement dans la vie associative. Les heures de travail rendent difficile la participation des personnes actives dans le tissu associatif local.

L’engagement bénévole est un choix de vie qui a parfois des conséquences importantes sur le quotidien de la personne. Il est d’autant plus contraignant pour les bénévoles exerçant une responsabilité spécifique et essentielle au sein du bureau de direction d’une association ou d’une fondation publique. Nous devons nous interroger collectivement sur la question du temps, ce qui implique de repenser notre rapport au travail.

Ainsi, sans revenir sur les trente-cinq heures, j’y insiste, nous proposons un amendement tendant à ouvrir à tout salarié bénévole ou volontaire exerçant une responsabilité au sein du bureau d’une association ou d’une fondation d’utilité publique un droit opposable d’aménager son temps de travail, et ce afin de favoriser l’engagement bénévole ou le volontariat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. À titre personnel, madame la sénatrice, vous vous doutez bien que je suis favorable à la semaine des quatre jours. Nous pourrions débattre longuement de l’utilité de cette mesure en matière de productivité des salariés, mais tel n’est pas l’objet de ce texte…

Surtout, votre proposition porte non pas sur la semaine de quatre jours, mais sur la semaine de trente-cinq heures en quatre jours, qui serait source de pression et de cadences infernales pour le salarié : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. J’entends tout à fait votre souhait de concilier vie professionnelle et vie personnelle. C’est très important, notamment pour les femmes.

Cependant, vous proposez la création d’un droit opposable, ce qui risque de fortement déstabiliser le fonctionnement des entreprises et du collectif de travail dans sa globalité, et ainsi d’entraîner des répercussions négatives sur les collègues du bénéficiaire qui ne seraient pas concernés.

Faisons attention aux effets contre-productifs qu’une telle mesure est susceptible d’avoir. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le rapporteur, je précise que les dispositions de cet amendement visent le cas où un bénévole membre du bureau de l’association demande lui-même de faire sa semaine de cinq jours en quatre jours pour pouvoir consacrer une journée à son engagement associatif.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 53 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes Havet et Perrot, MM. Henno, Bonnecarrère, Kern, J.M. Arnaud, Hingray, Fargeot, Courtial et Duffourg, Mme Romagny et MM. L. Hervé et Capo-Canellas, est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 8241-3 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Pour les personnes morales dont la liste est fixée aux a à g du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts. » ;

2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception à la limite de deux ans précédemment énoncée, la durée de service d’intérêt général participant à l’accomplissement d’une mission de service public confiée à une personne morale citée au présent 3° est limitée à six ans. »

La parole est à M. Claude Kern.

M. Claude Kern. Cet amendement de notre collègue Michel Canévet vise à étendre la période du dispositif de mécénat de compétences de deux à six ans pour les services d’intérêt général impliqués dans des missions de service public confiées à des groupements agréés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement vise à étendre à six ans la durée du mécénat de compétences pour les missions de service public.

Or le texte prévoit déjà une première extension de deux à trois ans. Par ailleurs, cet amendement introduit une confusion entre intérêt général et mission de service public.

Pour ces raisons, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Monsieur Kern, l’amendement est-il maintenu ?

M. Claude Kern. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Chapitre II

Simplifier la vie associative

Article 5

(Suppression maintenue)

Après l’article 4 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Article 6 (Texte non modifié par la commission)

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Bonneau et Longeot, Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Demas, M. Menonville, Mme N. Delattre, MM. Hingray, Courtial, Duffourg, A. Marc, Cigolotti, Sautarel et L. Hervé, Mme Saint-Pé, M. Cambier, Mme Guidez et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 43 du code électoral, il est inséré un article L. 43-… ainsi rédigé :

« Art. L. 43-…. – Les représentants de l’État dans le département organisent annuellement des cérémonies de remise de la carte électorale aux citoyens volontaires l’année de leur majorité. Lors de cette cérémonie, les récipiendaires de la carte électorale sont invités à être assesseurs au scrutin suivant la cérémonie. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Cet amendement de notre collègue François Bonneau tend à permettre aux préfectures et sous-préfectures d’organiser les cérémonies de remise de la carte électorale, que les mairies, déjà très sollicitées, peinent parfois à organiser.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement, s’il est adopté, posera des problèmes de logistique aux jeunes qui peuvent habiter loin de la préfecture.

Par ailleurs, comme il s’agit d’une cérémonie annuelle, certains jeunes recevraient leur carte avant d’être majeurs et d’avoir le droit de voter.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, de telles cérémonies sont déjà possibles. J’entends votre souhait d’élargir la possibilité de les organiser. Je ne pense pas qu’il faille passer par la loi pour ce faire.

Je vous propose que nous nous rencontrions en dehors de l’hémicycle pour réfléchir à la manière d’inciter, de faciliter, de fluidifier l’organisation de ce type de cérémonies, au besoin en prévoyant des expérimentations.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, même si je partage vos intentions.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Brossel et Monier, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi rédigé :

« Art. 10-1. – Toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial signe, avec la personne auprès de laquelle elle requiert la subvention, la Charte des engagements réciproques qui engage les deux parties à respecter les principes de liberté, de fraternité, de laïcité et de respect de la dignité de la personne humaine et les symboles fondamentaux de la République.

« L’association ou la fondation qui s’engage à respecter les principes contenus dans la Charte des engagements réciproques informe par tous moyens ses membres du contenu de cette charte.

« Lorsque l’objet que poursuit l’association ou la fondation sollicitant l’octroi d’une subvention, son activité ou les modalités selon lesquelles cette activité est conduite sont illicites ou incompatibles avec les principes contenus dans la Charte des engagements réciproques, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la subvention demandée.

« Lorsque l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention constate que l’association ou la fondation bénéficiaire poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec la Charte des engagements réciproques, elle informe celle-ci du manquement constaté et la met en demeure d’y remédier dans un délai de 15 jours. L’association ou la fondation peut présenter ses observations dans les conditions prévues. À l’issue de ce délai, si le manquement persiste, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention notifie à l’association ou à la fondation, par une décision motivée, sa décision de procéder au retrait de la part de subvention versée à partir de la date du manquement constaté, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration.

« L’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial qui a procédé au retrait de la subvention, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, peut demander au juge administratif de prononcer la restitution de tout ou partie des subventions attribuées.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article et fixe le montant minimal annuel de subvention en deçà duquel une association ou une fondation n’est pas tenue de signer la Charte des engagements réciproques. »

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, notre groupe propose de substituer la charte des engagements réciproques au contrat d’engagement républicain, auquel les sénateurs socialistes se sont toujours opposés depuis sa mise en œuvre en 2021.

Je ne vais pas reprendre en détail mon argumentation, mais force est de constater que ce CER fait manifestement l’unanimité contre lui. Nous n’avons pas rencontré un seul acteur associatif qui ait validé ce type de dispositif. Nous les avons tous entendus, et encore en commission, nous dire à quel point ils récusaient ce système.

Nous avons lu avec beaucoup d’attention le rapport de nos collègues de la commission des lois qui pointent la faiblesse du CER. Nous proposons ainsi de donner une base légale à la charte des engagements réciproques, signée entre l’État, les associations d’élus et le mouvement associatif en 2001, avant d’être rénovée en février 2014.

Celle-ci constitue un outil simple, non stigmatisant et très utilisé, notamment à Paris. Elle porte engagement à promouvoir et faire respecter toutes les valeurs de la République, ainsi qu’à ouvrir à toutes et tous les actions financées, sans distinction d’origine, de religion ou de sexe.

Tous les manquements constatés par l’autorité publique à ces principes peuvent conduire à la dénonciation de la subvention octroyée et à son reversement au Trésor public.

En tout état de cause, le point de départ est une relation de confiance, qui permet aux associations d’exprimer ce qu’elles souhaitent dans leur projet associatif. Cela nous semble beaucoup plus intéressant pour favoriser réellement l’engagement bénévole et associatif en simplifiant la vie des acteurs. Bref, il s’agit de leur faire confiance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. À titre personnel, bien évidemment,…

M. Olivier Rietmann. C’est pénible !

M. Yan Chantrel, rapporteur. … je suis enclin à être favorable à votre amendement.

Pour avoir auditionné les représentants d’associations, j’ai pu constater que le rejet du CER faisait l’unanimité. Celui-ci pourrait utilement être remplacé par la charte des engagements réciproques, comme le demande le monde associatif.

Cependant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, en cohérence avec la position du Sénat lors de précédents débats.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je veux vous rassurer : le CER ne stigmatise pas. Au contraire, il protège, en ce qu’il assure aux citoyens que les deniers publics, autrement dit leur argent, sont utilisés dans des cadres conformes aux valeurs et principes de notre République. Il s’agit non pas de « fliquer », d’empêcher, mais bien de protéger le tissu associatif de toute dérive : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Après l’article 6 ter

Article 6

(Non modifié)

Le 1° bis de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« 1° bis Aux organismes sans but lucratif qui consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à d’autres organismes sans but lucratif avec lesquels ils entretiennent des relations étroites, telles que l’adhésion, ou avec lesquels ils participent à un groupement prévu par la loi ou constitué sur une base volontaire.

« Afin d’assurer une transparence et une responsabilité accrues, les prêts ainsi accordés font l’objet d’un contrat de prêt, approuvé par l’organe de direction de l’organisme. La liste, les conditions et le montant des prêts consentis sont mentionnés dans le rapport de gestion ou d’activité et l’annexe aux comptes annuels.

« Un décret en Conseil d’État fixe la liste des organismes concernés ainsi que les conditions et les limites dans lesquelles ces organismes peuvent octroyer ces prêts. »

M. le président. L’amendement n° 60, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes consentant au prêt rendent publics jusqu’à leur expiration la liste, les conditions et le montant de chaque prêt.

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement vise à renforcer la transparence autour des prêts consentis entre organismes sans but lucratif, a fortiori s’ils concernent des mouvements d’argent entre fonds de dotation, fondations et associations.

Je souhaite saluer cette possibilité offerte à l’article 6 de simplifier les conditions de prêt. En revanche, il importe de garantir la transparence autour de ces mouvements d’argent. Nous demandons aux organismes en position d’accorder des prêts, pour lesquels l’accessibilité et la lecture de documents financiers sera moins complexe et coûteuse, de rendre ces mouvements publics.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement tend à imposer aux organismes consentant un prêt de rendre publiques certaines informations. Il s’agit d’une démarche de transparence que la commission a trouvé intéressante, notamment pour les associations qui reçoivent des dons du public. C’est pourquoi nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Cet article 6 prévoit effectivement que les associations puissent se consentir des prêts de trésorerie entre elles quand elles appartiennent à un groupement, renvoyant la mise en œuvre concrète de ces dispositions à un décret en Conseil d’État.

Malgré l’avis de sagesse exprimé par la commission, je tiens à dire à Mme Ollivier que son amendement tend à écrire par avance une partie du décret. Il me semble plus logique que ces dispositions relèvent du pouvoir réglementaire.

Vous avez raison sur l’exigence de transparence, qui doit être inscrite dans la loi, mais les mesures plus précises sur les modalités de décision, le plafonnement du montant des prêts, l’information de l’association hôte ou de l’association prêteuse, doivent à l’évidence relever du décret. En cohérence avec le texte, laissons au pouvoir réglementaire ce qui relève du pouvoir réglementaire.

Pour ces raisons, nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. J’entends bien les arguments de chacun. Je pense aussi que nous avons besoin de transparence. Comme il y aura forcément une suite à ces débats, je pense qu’il serait intéressant à ce stade de voter l’amendement et de nous laisser le temps de la navette pour trouver la rédaction la plus efficace. Mon collègue Claude Kern et moi-même voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte lamendement.)

M. le président. L’amendement n° 59, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, ces prêts ne peuvent donner lieu à aucun intérêt.

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Le présent amendement vise également à encadrer la possibilité d’octroi de prêts entre organismes sans but lucratif.

Il s’agit de rapprocher ce dispositif des valeurs du monde associatif. Nous souhaitons donc inscrire dans la loi que les prêts consentis entre ces organismes le sont à titre gratuit. Nous refusons que les grandes institutions philanthropiques disposant de capacités de financement puissent bénéficier d’intérêts aux dépens de petites associations en besoin de financement. Les organisations les plus solides ne doivent pas pouvoir faire de profit sur le dos des structures les plus faibles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’imposer un taux nul aux prêts entre organismes sans but lucratif. Il s’agit d’une restriction importante au développement de cette pratique. Comme l’a souligné le Haut Conseil à la vie associative, rien ne justifie que ces prêts soient à taux zéro : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6 bis

I. – (Non modifié) Après le I bis de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier, il est inséré un I ter ainsi rédigé :

« I ter. – Les interdictions définies à l’article L. 511-5 ne font pas obstacle à ce que les organismes sans but lucratif constituant un groupement prévu par la loi ou entretenant des relations croisées, fréquentes et régulières sur le plan financier ou économique procèdent à des opérations de trésorerie entre eux.

« Les conditions d’application du présent I ter, notamment les organismes concernés, sont fixées par décret. »

II. – (Supprimé) – (Adopté.)

Après l’article 6 bis

M. le président. Les amendements nos 29 rectifié et 26 rectifié bis ne sont pas soutenus.

Article 6 ter (nouveau)

I. – Le 1 du II de l’article 256 C du code général des impôts est complété par des f et g ainsi rédigés :

« f) Les personnes qui établissent volontairement des comptes combinés conformément au règlement n° 2020-01 du 9 octobre 2020 de l’Autorité des normes comptables relatif aux comptes consolidés ;

« g) Les personnes qui établissent l’existence :

« – d’une majorité de double adhésion des membres d’une mutuelle des livres II et III du code de la mutualité ;

« – de conventions de gestion entre l’association et ses membres ;

« – de statuts types obligatoires pour tous les membres du réseau de l’association ;

« – d’une affiliation à un même organisme. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. – (Adopté.)

Article 6 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Après l’article 7

Après l’article 6 ter

M. le président. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Bonneau et Longeot, Mme Vermeillet, M. Henno, Mme Demas, M. Menonville, Mme N. Delattre, MM. Hingray, Courtial, Duffourg, A. Marc, Cigolotti, Sautarel, L. Hervé et Cambier, Mmes Guidez et Gacquerre et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Après l’article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, après le mot : « professionnelle, », sont insérés les mots : « de valorisation de l’engagement associatif, ».

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. La loi ouvre formellement la possibilité pour les établissements d’enseignement supérieur de créer des unités d’enseignement sur l’engagement bénévole.

Ces unités permettent à de nombreux étudiants de découvrir le bénévolat et à beaucoup d’associations de renflouer leurs effectifs en suscitant l’engagement des jeunes. Cependant, localement, les établissements qui organisent de telles unités d’enseignement demeurent minoritaires. Par cet amendement, mon collègue François Bonneau propose de les y encourager.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Il est proposé d’inclure l’engagement bénévole comme objectif des établissements d’enseignement supérieur. Ceux-ci peuvent déjà valoriser l’engagement bénévole ; ils sont d’ailleurs nombreux à le faire. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes N. Delattre et Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini, est ainsi libellé :

Après l’article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 199 quindecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les contribuables accueillis dans un établissement ou un service mentionné au 6° du L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles bénéficiant d’une réduction d’impôts selon les modalités prévues au 1° peuvent bénéficier d’une bonification de cette réduction d’impôts lorsque ces personnes s’investissent dans des associations à but non lucratif. Cette bonification correspond à un supplément de 20 % du montant total de la réduction d’impôts accordée, dans la limite annuelle d’un plafond de 10 000 euros. Pour bénéficier de cette bonification, les contribuables doivent justifier de leur participation à des activités bénévoles au sein des associations, selon des modalités fixées par décret. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Les auditions menées par notre commission ont montré que le bénévolat chez les personnes âgées n’avait pas vraiment la cote. Seulement trois personnes sur dix ayant plus de 65 ans sont ainsi engagées dans une association.

L’engagement des seniors, encouragé par de nombreux professionnels, est un véritable enjeu de santé publique, tant les bienfaits sur le corps et l’esprit sont avérés. Dès lors, pourquoi ne pas proposer l’engagement associatif directement auprès des personnes isolées chez elles, dans les maisons senioriales ou les maisons de retraite ?

Tel le sens de cet amendement, qui a pour objet de bonifier la réduction d’impôt déjà existante pour ceux qui s’engagent bénévolement, dès lors que leur condition physique le permet.

Ladite bonification encouragerait les résidents à s’engager dans des activités bénévoles au sein de leur établissement, favorisant ainsi le lien intergénérationnel et la transmission des savoirs. Cela pourrait concerner l’accompagnement tutoré, des exercices ludiques ou éducatifs, dans des conditions définies par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. En accordant une réduction d’impôt supplémentaire aux personnes âgées qui s’engagent dans des actions de bénévolat, vous installez l’idée d’une contrepartie à ces activités.

Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Pour compléter ce qui vient d’être dit, j’ajoute que, comme toute mesure fiscale, cette disposition devrait être débattue dans le cadre du projet de loi de finances.

J’émets également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 7

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 322-3 est ainsi modifié :

a) Les mots : « actes de bienfaisance, à l’encouragement des arts ou au financement d’activités sportives à but non lucratif » sont remplacés par les mots : « causes scientifiques, sociales, familiales, humanitaires, philanthropiques, éducatives, sportives ou culturelles ou en vue de la protection animale ou de la défense de l’environnement » ;

b) Sont ajoutés les mots : « ou pour les associations et fondations reconnues d’utilité publique lorsqu’elles les ont déclarés au préalable à la mairie de la commune où est situé le siège social de l’organisme bénéficiaire et à Paris, à la préfecture de police » ;

2° À la première phrase de l’article L. 322-4, les mots : « dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d’animation sociale » sont remplacés par les mots : « pour des causes scientifiques, sociales, familiales, humanitaires, philanthropiques, éducatives, sportives ou culturelles ou en vue de la protection animale ou de la défense de l’environnement ». – (Adopté.)

Après l’article 6 ter
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Article 7 bis (Texte non modifié par la commission)

Après l’article 7

M. le président. L’amendement n° 63, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le V de l’article 231 ter du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«…° Tous les organes déconcentrés des fédérations et associations délégataires d’une mission de service public et possédant leur agrément. »

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Cet amendement vise à clarifier une situation – qui nous semblait pourtant très claire auparavant – en permettant d’exonérer de la taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement l’ensemble des organes déconcentrés des fédérations et associations délégataires d’une mission de service public et possédant un agrément.

En gravant cela dans le marbre de la loi, nous éviterons et de laisser de telles situations à l’appréciation du juge et de créer des disparités selon les départements. En effet, un jugement récent du tribunal de Melun du 1er février 2004 a rendu la Fédération française de football redevable de cette taxe annuelle, dont elle était auparavant exonérée.

Cet amendement, s’il était adopté, ne créerait pas de charge supplémentaire pour l’État puisqu’il tend juste à confirmer une pratique existante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. L’adoption de cet amendement entraînerait une diminution automatique des ressources des communes : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, pour explication de vote.

M. Joshua Hochart. À mon sens, cette disposition ne créera pas de charges, puisque cette situation prévaut déjà dans l’ensemble des départements, que ce soit le Nord ou la Seine-et-Marne, département de mon collègue Durox, où le jugement récent que j’évoquais vient de changer la règle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 63.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 7
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Après l’article 7 bis

Article 7 bis

(Non modifié)

En complément de l’action des réseaux et des regroupements associatifs et en coordination avec les dispositifs locaux d’accompagnement mentionnés à l’article 61 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, l’État organise une structuration de l’appui à la vie associative locale dénommée « Guid’Asso ».

Les organismes composant cette structuration doivent au préalable obtenir une autorisation de l’État. Les conditions et les modalités d’octroi, de résiliation et de contrôle de cette autorisation sont précisées par voie réglementaire.

La mission d’intérêt économique général fait l’objet d’un soutien de l’État et d’autres autorités administratives, au sens de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mme Ventalon et M. C. Vial, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Nous n’avons rien contre le dispositif visé par cet article, mais nous considérons qu’il ne revient pas à la loi de créer de telles obligations : cette question relève de la responsabilité du Gouvernement et donc du domaine réglementaire. Ne rendons pas la loi trop bavarde et supprimons cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. À titre personnel (M. Olivier Rietmann manifeste son agacement.), la reconnaissance dans la loi du Guid’Asso me semble importante, puisque ce réseau permet de mieux faire connaître les dispositifs existants.

J’en profite, madame la ministre, pour vous interpeller sur l’accompagnement des associations françaises situées à l’étranger, qui n’a pas été encore évoqué. Ces dernières ont aussi besoin d’être aidées. L’idée d’un Guid’Asso dans les consulats peut être creusée.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement de suppression de l’article 7 bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Les propos du rapporteur nous montrent à quel point le dispositif Guid’Asso est important, fondamental. Il convient de le graver dans le marbre de la loi pour qu’il ne bouge pas. Je suis donc défavorable à la suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Vous pouvez rédiger tous les guides associatifs que vous voulez – il en existe d’ailleurs depuis bien longtemps –, mais avons-nous besoin de la loi pour ce faire ? Vous rendez-vous compte de ce que nous en sommes en train de faire de la loi ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Ce n’est pas un livret !

M. Max Brisson. Le Gouvernement dispose du pouvoir réglementaire pour ce genre de choses. C’est absurde ! C’est faire dire à la loi quelque chose qui n’est pas de son niveau. Faites votre travail, mais ne nous obligez pas à l’écrire pour les générations futures. La loi est faite pour durer.

Nous maintenons notre souhait de supprimer l’article.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Mon cher collègue, Guid’Asso est non pas un simple guide, mais une plateforme. Mme la ministre pourra l’expliquer mieux que moi.

M. Max Brisson. Qu’est-ce que ça change ? C’est un outil, rien de plus !

Mme Mathilde Ollivier. Celle-ci sert à informer les citoyens et à les conseiller sur la vie associative partout sur le territoire. En sont membres des mairies, des associations, des institutions… Toutes soulignent l’importance de ce dispositif pour pallier le morcellement des informations sur le monde associatif.

Cette plateforme a le mérite d’apporter une visibilité globale, nationale aussi bien que locale, à la vie associative et permet aux citoyens désireux de s’engager de s’informer sur ce qui se passe près de chez eux.

Je rebondis sur ce qu’a dit M. le rapporteur sur les Français de l’étranger. J’avais déposé un amendement en ce sens qui a été censuré sur le fondement de l’article 40 de la Constitution. Madame la ministre, nous devons ensemble réfléchir à la possibilité que Guis’Asso inclue les associations françaises de l’étranger. Les consulats tiennent déjà des listes d’associations françaises dans leur ressort, il serait donc assez facile de les intégrer dans le dispositif.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. L’intitulé prête à confusion, mais Guid’Asso n’est absolument pas un livret ; ce n’est pas non plus une plateforme. C’est un réseau physique qui maille le territoire jusque dans les zones rurales, où le besoin de liens est prégnant.

M. Max Brisson. Pourquoi la loi ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Laissez-moi terminer, monsieur le sénateur.

C’est un dispositif important auquel nous consacrons beaucoup de fonds publics, une demande extrêmement forte du tissu associatif, notamment dans les collectivités où il y a de moins en moins de communication. Nous avons besoin d’un réseau physique très utile pour se parler et apprécier sa propre capacité à assurer un engagement bénévole concret.

M. Max Brisson. C’est réglementaire ! Laissez la loi tranquille !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Je suis surprise qu’un sénateur me demande de laisser la loi tranquille…

M. Max Brisson. Je vous le demande, oui !

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Le groupe UC va voter l’amendement de nos collègues Vial et Ventalon.

Vous avez raison, madame la ministre, il s’agit non pas d’un guide ou d’une plateforme, mais d’un réseau, qui a été mis en place très facilement, sans l’intervention de la loi, dans sept régions en 2023. Il doit être développé dans toutes les régions à l’horizon de 2025. À ce jour, rien n’empêche que Guid’Asso soit déployé plus largement. Nulle obligation de l’inscrire dans la loi : c’est une question de volonté politique.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Nous l’avons, mais qu’en sera-t-il demain ?

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Honnêtement, je n’avais pas prévu d’intervenir dans ce débat. Tout le mérite revient à nos collègues de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication… (Et du sport ! sur plusieurs travées.) Vous avez raison, il ne faut pas oublier le sport. On essaie d’être perfectionniste, mais on n’y arrive pas toujours ! (Sourires.)

Je me rallierai bien sûr à cet amendement. Toutefois, de ma position extérieure, je suis persuadé qu’il est nécessaire de mieux communiquer sur le monde associatif. C’est très important de soutenir les associations et les bénévoles.

Un guide, pourquoi pas ?

Pour ne prendre qu’un exemple, les modes de financement des associations sont méconnus. Ainsi, beaucoup ne connaissent pas le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) (M. Olivier Paccaud acquiesce.), qui dépend de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et qui est placé sous la responsabilité des inspecteurs et inspectrices d’académie dans chaque département.

Les collectivités territoriales distribuent des subventions qui sont mieux connues que les aides d’État du FDVA. Il importe donc de mieux communiquer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 7 bis est supprimé, et l’amendement n° 20 rectifié bis n’a plus d’objet.

Article 7 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Article 7 ter (Texte non modifié par la commission)

Après l’article 7 bis

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Gosselin, Ventalon et Belrhiti, MM. Grosperrin, Piednoir et Bas, Mme Drexler, MM. C. Vial, Lefèvre et Burgoa, Mme Di Folco, MM. Mouiller, Paccaud, Panunzi, H. Leroy, Pellevat, Cadec, Genet, Tabarot et Khalifé, Mmes Canayer et Micouleau et M. Belin, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article 930 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, la renonciation faite en faveur d’un organisme sans but lucratif ayant la capacité civile de recevoir des libéralités est établie par acte authentique reçu par un seul notaire. Elle mentionne précisément les conséquences juridiques futures pour chaque renonçant. »

La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Je voudrais une nouvelle fois, après mes propos dans la discussion générale, souligner l’importance des legs pour les organismes sans but lucratif : les donations constituent quelque 10 % des ressources qu’ils collectent.

Afin de multiplier le potentiel de cette ressource, cet amendement tend à simplifier les donations en faveur des OSBL en assouplissant le cadre de la renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR).

En présence d’héritiers réservataires, la réserve héréditaire peut constituer un frein au choix philanthropique du donateur. La RAAR permet, dans un tel cas, de sécuriser la transmission en faveur de l’OSBL en neutralisant le risque d’une action en réduction que pourraient exercer les réservataires.

La RAAR est strictement encadrée : il s’agit d’un acte solennel, qui doit être reçu en présence de deux notaires, dont l’un est nommé par le président de la chambre des notaires compétente.

Cependant, ce formalisme n’est pas justifié en cas de donation à un OSBL. En effet, il s’agit seulement, en l’occurrence, de sécuriser le choix philanthropique du donateur.

Aussi, dans la lignée de la simplification engagée des actes notariés, je propose, lorsque la renonciation est faite en faveur d’un OSBL, que le formalisme se limite à un acte authentique exigeant la présence d’un seul notaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Aujourd’hui, si l’on veut renoncer à la réserve héréditaire en faveur d’un organisme sans but lucratif, l’acte de renonciation doit bien être reçu en présence de deux notaires, dont l’un est nommé par le président de la chambre des notaires compétente.

Cet amendement vise à simplifier l’acte, en exigeant la présence d’un seul notaire. Toutefois, afin de protéger l’héritier et de lui permettre d’être pleinement informé des conséquences de sa renonciation, il nous semble important de ne pas modifier la procédure actuelle.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 1 rectifié est présenté par Mmes Gosselin, Ventalon et Belrhiti, MM. Grosperrin, Piednoir et Bas, Mme Drexler, MM. C. Vial, Lefèvre et Burgoa, Mme Di Folco, MM. Mouiller, Paccaud, Panunzi, H. Leroy, Pellevat, Cadec, Genet, Tabarot et Khalifé, Mmes Canayer et Micouleau et M. Belin.

L’amendement n° 27 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Guérini.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1° Après l’article 1002-1, il est inséré un article 1002-2 ainsi rédigé :

« Art. 1002-2 – L’action en délivrance de legs se prescrit par cinq ans à compter de l’ouverture de la succession.

« La prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d’ignorer la naissance de son droit, notamment l’ouverture de la succession.

« La prescription est suspendue à compter du jour où le successible demande la délivrance de son legs.

« La demande de délivrance de legs peut être amiable ou judiciaire. La demande de délivrance de legs amiable n’est soumise à aucune condition de forme et peut-être, le cas échéant, prouvée par tout moyen. » ;

2° L’article 1004 est complété par les mots : « dans les conditions fixées par l’article 1002-2 » ;

3° À l’article 1011, après le mot : « loi » sont insérés les mots : « dans les conditions fixées par l’article 1002-2 ».

La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.

Mme Béatrice Gosselin. Cet amendement connaîtra sans doute le même sort que le précédent, mais je vais tenter ma chance…

Il s’agit de faciliter la délivrance de legs en faveur des associations, en aménageant le délai de prescription de l’action en délivrance de legs.

Les legs constituent en effet une ressource importante et croissante pour les organismes sans but lucratif, ressource dont le potentiel peut se multiplier, à condition que l’on en simplifie les dispositifs.

Cet amendement vise ainsi à garantir, dans le cadre des actions en délivrance de legs, la sécurité juridique des légataires, dont peuvent faire partie les OSBL.

Il tend simplement à faire courir le délai de prescription de cinq ans à partir du moment où la donation est effective, c’est-à-dire lorsque l’OSBL en est prévenu.

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié bis.

M. Ahmed Laouedj. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. L’adoption de ces amendements identiques aurait pour effet de bouleverser les équilibres entre légataires et successibles. Par ailleurs, la suspension n’est actuellement prévue que dans des cas très limités : l’impossibilité d’agir, la minorité, la détention de la qualité d’époux ou de partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs) ou encore le caractère de certains héritiers ou l’existence de certains contextes judiciaires.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 27 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. Klinger, Mmes Drexler et Aeschlimann, MM. Bonhomme, Belin, Burgoa et Chasseing, Mmes N. Delattre, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. Genet, Mme Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Henno et Hingray, Mme Joseph, MM. Kern et Khalifé, Mme Lassarade, MM. H. Leroy et P. Martin, Mme P. Martin, M. Masset, Mme Micouleau, M. Mizzon, Mmes Noël et Petrus, MM. Rapin, Reichardt et Reynaud, Mme Richer, MM. Rietmann et Rojouan, Mmes Romagny et Schalck, MM. Sol et Tabarot, Mme Valente Le Hir et M. Vanlerenberghe, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 4° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les rémunérations et indemnités perçues par les employés des associations et fondations sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée au sens du d du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts, à l’occasion d’au plus six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l’année à leur profit exclusif, mentionnées au c du 1° du 7 de l’article 261 du même code ; ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Christian Klinger.

M. Christian Klinger. Le présent amendement a pour objet de simplifier les procédures de déclaration d’emplois ponctuels pour les associations qui y auraient recours dans le cadre de manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées à leur profit exclusif.

En effet, lors de manifestations de ce type, il est souvent fait appel pour des tâches logistiques, au cas où les bénévoles manqueraient, à des emplois ponctuels, le plus souvent pour quelques heures seulement ; ces personnes sont chargées, par exemple, de sécuriser un parking ou de tenir des toilettes ou un guichet d’entrée.

Aujourd’hui, les Urssaf imposent aux représentants des associations de réaliser des déclarations pour chacun de ces emplois, même si ce poste n’est ouvert que pour quelques heures, et ce sous peine de sanctions.

Inspiré d’un souci de simplification, cet amendement tend donc à exclure les emplois ponctuels de la liste de l’assiette des contributions sociales sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement, uniquement au bénéfice des associations et fondations, et dans la limite de six manifestations par an. Il s’agirait en fait d’harmoniser les règles applicables aux cotisations sociales avec ce qui se pratique aujourd’hui en matière fiscale.

Cet amendement a le soutien de la Ronde des fêtes, association alsacienne qui organise de nombreuses manifestations d’animation de nos villages, mais aussi de la FNCOF, la fédération nationale des comités et organisateurs de festivités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement tend à exonérer de cotisations sociales le recours à des salariés pour des manifestations organisées par des associations et fondations, dans la limite de six événements par an.

Certes, l’intention est de simplifier les démarches pour les associations et de limiter les contraintes déclaratives imposées par les Urssaf. Néanmoins, il me paraît important que l’ensemble de ces emplois fassent l’objet d’une déclaration, ne serait-ce que pour lutter contre le travail non déclaré et, surtout, pour protéger le salarié en cas d’accident.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. J’ajouterai aux arguments de M. le rapporteur que la disposition proposée relève du domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

Je vous invite donc à retirer cet amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je ne voterai pas cet amendement.

En effet, outre les arguments exposés par notre rapporteur, je pense au cas des associations qui, plutôt que d’embaucher directement des personnes, ont recours aux services d’entreprises privées pour la tenue de tels événements. La mesure proposée créerait une distorsion au détriment de ces associations : on pourrait avoir, sur une même manifestation, d’une part, des associations employant directement des salariés et exemptées de toutes les contraintes déclaratives auprès de l’Urssaf et, de l’autre, des prestataires privés qui seraient pénalisés, parce qu’ils seraient soumis à ces obligations.

Il me semble que les auteurs de cet amendement ne mesurent pas tout à fait les conséquences que son adoption pourrait avoir ; je pense tant à ces distorsions de traitement qu’aux risques qu’encourraient les salariés qui seraient embauchés dans ces conditions.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 25 rectifié bis et 24 rectifié bis ne sont pas soutenus.

L’amendement n° 62 rectifié, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « décidées par », sont insérés les mots : « les ministères, » ;

2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Au-delà d’un seuil fixé par décret toute subvention fait l’objet d’un appel à projets préalable, deux mois avant son octroi, régulièrement publié, comportant la définition précise du projet et des critères de réalisation attendus, ainsi que les modalités de contrôle de sa mise en œuvre. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Les dispositions de cet amendement s’inspirent des conclusions de la commission d’enquête sénatoriale consacrée au fonds Marianne.

Le travail de nos collègues a permis de mettre en lumière les défauts d’encadrement des appels à projets permettant l’octroi de subventions à des associations. Les règles applicables en la matière ont été définies par la circulaire n° 5811-SG du 29 septembre 2015 relative aux nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations.

Il est important de relever que le défaut de transparence démontré par la commission d’enquête nuit grandement à la qualité de la vie associative et à la confiance envers ses acteurs, dès lors qu’elle fait peser des soupçons de favoritisme sur ceux d’entre eux qui sont proches des administrations en mesure d’accorder des subventions.

Tout en nous inscrivant dans la démarche de simplification de la vie associative, nous proposons donc, par cet amendement, de renforcer, au-delà d’un seuil fixé par décret – j’insiste sur ce point – le cadre des octrois de subventions, en précisant dans la loi que les appels à projets doivent être lancés deux mois en amont de l’octroi de la subvention, qu’ils doivent être publics, et que doivent y figurer des critères objectifs, destinés à renforcer le contrôle du résultat des subventions octroyées.

Rappelons que la commission d’enquête que j’ai citée, qui était présidée par Claude Raynal et dont Jean-François Husson était le rapporteur, recommandait de « conditionner l’octroi de subventions de plus de 23 000 euros, qui est le seuil réglementaire à partir duquel une convention attributive est obligatoire, à la présentation d’un premier bilan annuel d’activité ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement tend à imposer le recours systématique à des appels à projets pour l’octroi de subventions ministérielles au-delà d’un montant qui serait fixé par décret. Je comprends l’objectif de notre collègue Mathilde Ollivier. Néanmoins, cette disposition risquerait de complexifier les procédures et de réserver les subventions aux associations les plus habituées à répondre à des appels à projets.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Toutefois, madame la ministre, au vu des éléments d’interrogation soulevés par notre collègue, pouvez-vous nous donner des garanties de transparence quant à l’attribution des subventions ministérielles, pour que les dérives du fonds Marianne, mises en lumière par la commission d’enquête du Sénat, ne se reproduisent pas ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Concernant les appels à projets, je voudrais faire remarquer que, pendant les six années où j’ai présidé notre délégation aux droits des femmes, j’ai toujours entendu réclamer de la simplification. Il y a bien des associations qui ne sont pas en mesure de répondre à tous les appels à projets, qui ne disposent pas des ressources humaines nécessaires.

Or les associations les plus efficaces sur le terrain sont celles qui en sont le plus proches : je pense, dans mon département, à SOS Femmes Vendée, mais aussi à certains centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), ou encore au réseau d’associations France Victimes. Toutes ces structures ne disposent pas des moyens humains pour répondre à des appels à projets.

Il faudrait donc à mon sens, plutôt que d’imaginer des contraintes supplémentaires, élaborer un processus de décision qui permette aux collectivités situées au plus près de ces associations de flécher les subventions au profit de celles qui font un vrai travail sur le territoire, souvent oubliées des subventions allouées par les ministères.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Je suis absolument d’accord avec le constat fait par Mme Billon. C’est pourquoi nous proposons que soit défini par décret le montant à partir duquel l’appel à projets serait requis pour l’octroi de subventions. Nous estimons que ce montant pourrait être fixé à 23 000 euros, mais l’on pourrait aussi le placer beaucoup plus haut ; ainsi, seules les associations qui ont les reins assez solides pour répondre aux appels à projets pourraient demander des subventions importantes.

Mme Annick Billon. Ce n’est pas la question !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 62 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 7 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Article 7 quater (Texte non modifié par la commission)

Article 7 ter

(Non modifié)

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport analysant l’impact de la baisse des subventions aux associations sur l’emploi associatif et la situation de l’emploi dans le secteur associatif et évaluant la performance des différents dispositifs mis en œuvre afin d’encourager et de reconnaître l’engagement bénévole, notamment le compte d’engagement citoyen, le congé pour engagement associatif et le mécénat de compétences, de faciliter l’action des associations, notamment le réseau Guid’Asso et les systèmes d’information de la vie associative, et de permettre aux bénévoles de mieux concilier leur vie professionnelle et leur engagement associatif. Ledit rapport évalue les différents types de congés dont peuvent bénéficier les actifs bénévoles et présente des pistes d’amélioration des dispositifs existants. Il analyse la possibilité de généraliser le maintien de la rémunération lors du congé prévu à l’article L. 3142-54-1 du code du travail pour l’ensemble des salariés ainsi que la possibilité d’instaurer une semaine de quatre jours pour les salariés bénévoles. Ce rapport présente également des pistes pour ouvrir les formations proposées aux agents des collectivités territoriales aux dirigeants d’association bénévoles, pour ouvrir la possibilité pour les bénévoles qui sont également salariés de demander à leur employeur un aménagement horaire afin de mener à bien leurs missions associatives, pour prendre en compte l’engagement bénévole des dirigeants d’association dans la détermination des droits à la retraite, pour introduire une expérience bénévole dans le parcours des jeunes lycéens et pour créer un label « jeune bénévole » valorisant l’engagement des jeunes.

M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Rietmann, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge et Lefèvre, Mme Garnier, M. Michallet, Mme Pluchet, MM. Naturel et Rapin, Mme P. Martin, M. Tabarot, Mme Muller-Bronn, M. Klinger, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. J.B. Blanc et Belin, Mmes Drexler et Demas, M. Sido et Mmes Belrhiti et Chain-Larché, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne Ventalon.

Mme Anne Ventalon. Si la situation du secteur associatif et la question de se donner les moyens d’encourager l’engagement bénévole méritent toute l’attention du législateur et du Gouvernement, nous souhaitons rappeler la position habituelle du Sénat, opposé aux demandes de rapport. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Il est favorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 7 ter est supprimé.

Après l’article 7 ter

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié bis n’est pas soutenu.

Article 7 ter (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Après l’article 8

Article 7 quater

(Non modifié)

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le rôle des têtes de réseaux dans le déploiement des dispositifs de soutien aux associations, comme le compte d’engagement citoyen ou le congé pour engagement associatif. Ce rapport s’attache à formuler des recommandations afin de consolider leur rôle et à identifier les besoins de financement des têtes de réseaux.

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. C. Vial et Darnaud, Mmes Lavarde et Di Folco, M. Grosperrin, Mmes Joseph, Puissat et Gruny, M. Piednoir, Mme Josende, MM. J.P. Vogel, Perrin, Rietmann, Panunzi, H. Leroy, Sautarel, Cadec et Burgoa, Mme Gosselin, M. Savin, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Bouchet et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mmes Schalck et Imbert, MM. de Legge et Lefèvre, Mme Garnier, M. Michallet, Mme Pluchet, MM. Naturel et Rapin, Mme P. Martin, M. Tabarot, Mme Muller-Bronn, M. Klinger, Mmes Borchio Fontimp et Micouleau, MM. J.B. Blanc et Belin, Mmes Drexler et Demas, M. Sido et Mmes Belrhiti et Chain-Larché, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne Ventalon.

Mme Anne Ventalon. Cet amendement vise à supprimer une autre demande de rapport, pour les raisons que je viens d’exposer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 7 quater est supprimé.

Après l’article 7 quater

M. le président. L’amendement n° 28 rectifié bis n’est pas soutenu.

Article 8

(Suppression maintenue)

Article 7 quater (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Après l’article 8

M. le président. L’amendement n° 43, présenté par Mme Brulin, MM. Lahellec, Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 2125-1-1 de la deuxième partie du Livre Ier du code général de la propriété des personnes publiques, il est inséré un article L. 2125-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 2125-1-…. – Par dérogation aux articles L. 2125-1 et L. 2125-1-1, l’organe délibérant de la commune peut décider par délibération de délivrer à titre gratuit les autorisations d’occupation temporaire du domaine public communal, lorsqu’elles sont sollicitées par une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou inscrite au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. »

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à résoudre un problème que rencontrent actuellement nombre d’associations et de communes, notamment dans mon département.

Le contrôle de légalité pratiqué par les services de l’État impose aux communes de faire payer aux associations l’usage des salles municipales et, en général, de leur domaine public pour l’organisation de manifestations diverses et variées : vous voyez bien les lotos et autres vide-greniers auxquels je fais allusion. Ce paiement est exigé au motif que le code général de la propriété des personnes publiques dispose que « toute occupation ou utilisation du domaine public […] donne lieu au paiement d’une redevance ».

Je n’entrerai pas dans les débats juridiques sur la possibilité de contourner cette obligation si l’on fait la démonstration que l’association concourt à la satisfaction d’un intérêt général – être une association loi 1901 ne suffit pas à le déterminer –, ou encore sur la distinction entre manifestations à but lucratif et non lucratif – la présence ou non d’une buvette, ou le choix de faire payer le mètre linéaire du vide-grenier, semble ici cruciale. Simplement, tout cela a aujourd’hui pour effet que des associations arrêtent des manifestations qu’elles organisaient traditionnellement.

S’y ajoute une très grande inquiétude pour les élus locaux, auxquels les services de la préfecture font savoir qu’en vertu de ces dispositions législatives ils encourent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende qui peut aller jusqu’à 500 000 euros s’ils ne vont pas chercher cette taxe.

Cet amendement vise donc à accorder aux communes la possibilité de délivrer à titre gratuit aux associations les autorisations d’occupation du domaine public. Cela se justifie non seulement en application du principe de libre administration des collectivités, mais aussi parce que faire payer ces sommes aux associations leur complique évidemment la vie et peut même mettre en danger certaines d’entre elles, ce qui est contraire à l’objectif du présent texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yan Chantrel, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux collectivités territoriales, et notamment aux communes qui le souhaitent, d’autoriser à titre gratuit une occupation temporaire du domaine public par des associations. Certaines mairies ont vu les arrêtés de mise à disposition gratuite, qu’elles ont pris en faveur de manifestations organisées par des associations, être attaqués par la préfecture, du fait de la présence de stands de restauration.

Cet amendement, sur lequel la commission a émis un avis favorable, s’inscrit dans la lignée de la possibilité octroyée aux communes, dans la loi de finances pour 2024, d’exonérer les associations de taxe d’habitation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. L’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que « toute occupation ou utilisation du domaine public […] donne lieu au versement d’une redevance », sauf exceptions limitativement énumérées. Parmi celles-ci, je relève après vous, madame la sénatrice, que « l’autorisation d’occupation ou d’utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général ».

Les associations ne tirent de cette exception aucun droit à occuper le domaine public à titre gratuit. La gratuité de l’occupation temporaire du domaine public communal demeure une faculté pour l’autorité gestionnaire du domaine public, faculté soumise au respect du principe d’égalité.

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.

M. Olivier Paccaud. Les bras m’en tombent !

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, vous nous avez lu l’article du code que j’ai moi-même évoqué.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. C’était bien de le rappeler !

Mme Céline Brulin. Notre amendement vise justement à corriger cette disposition.

Madame la ministre, mettez-vous à la place de ces associations dont nous voulons tous, ce soir, simplifier la vie, associations animées par des bénévoles.

Nous travaillons aussi à simplifier la vie des communes, dont l’article que vous citez exige qu’elles fassent la démonstration de l’intérêt général de chaque association… Imaginez donc un village de 500 habitants devoir justifier que le but du vide-grenier n’était pas lucratif, puisque ces recettes serviront simplement à son autofinancement. C’est une usine à gaz terrible !

Nous sommes là pour simplifier les choses ; alors, faisons-le jusqu’au bout ! Ajoutons que, si les communes doivent recouvrer ces sommes, elles devront mobiliser du personnel communal : il faudra trouver quelqu’un pour aller, à cinq heures du matin, percevoir la redevance due par chacun des exposants. Voilà qui coûtera plus cher que la recette qu’en tirerait la commune !

M. Max Brisson. Absolument !

Mme Céline Brulin. Ensuite, l’association viendra dire au maire : « Écoutez, vous nous faites payer le domaine public, on a du mal à joindre les deux bouts, alors pouvez-vous, s’il vous plaît, augmenter notre subvention ? » À quoi tout cela peut-il bien servir ?

Nous proposons donc un amendement tout simple, qui semble faire consensus, si j’en crois les réactions qu’il suscite sur nombre de travées…

M. Loïc Hervé. Oui ! On va le voter !

Mme Céline Brulin. Alors, madame la ministre, allons-y !

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

M. Claude Kern. Depuis le début de ce débat, nous parlons de simplification, nous essayons de faire en sorte d’avoir plus de bénévoles ; or, si nous rejetions cet amendement, cela signifierait que nous ne soutenons pas le bénévolat. J’invite donc notre assemblée à voter pour ce que j’appellerai un amendement barbecue ! (Sourires. – M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Je suis très surpris de la position du Gouvernement. Ce sont des décennies de pratique associative et municipale qui sont bafouées par votre position mesquine !

Pardonnez-moi l’adjectif, madame la ministre, mais il s’impose quand on vient exiger d’une petite association qu’elle paie l’occupation, pendant quelques heures, d’une salle des fêtes ou d’un espace extérieur… Je n’ai jamais vu cela dans mon département ! Je suis sidéré ! Je voterai bien évidemment des deux mains l’amendement de Céline Brulin.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Parce que je suis pour le bénévolat et que l’on a le droit de faire évoluer son avis, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur toutes les travées.)

M. le président. Madame la ministre déléguée, acceptez-vous de lever le gage ?

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 43 rectifié.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que l’amendement est adopté à l’unanimité des présents.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.

Vote sur l’ensemble

Après l’article 8
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Je veux, en conclusion de ce débat, remercier notre rapporteur. Nous connaissons son engagement pour la cause associative ; il nous a de surcroît démontré, sur ce texte, qu’il pouvait à la fois exprimer son soutien personnel à des amendements de l’opposition et demander, au nom de la majorité de la commission, que l’on vote contre : c’est un exercice d’équilibriste que nous, centristes, avons beaucoup apprécié ! (Sourires.)

Plus sérieusement, madame la ministre, vous aurez compris que le Sénat n’avait pas d’opposition de principe à ce texte, même si celui-ci ne suscite pas non plus un enthousiasme délirant. En tout cas, nous comprenons l’utilité d’adopter un certain nombre de dispositifs qui y figurent.

En revanche, nous trouvons que nos collègues députés se sont montrés trop bavards dans un certain nombre d’articles. Il n’est pas forcément nécessaire de faire figurer dans la loi ce qui peut être écrit par vos services et figurer dans un décret. En somme, les sénateurs semblent avoir une plus grande confiance en vos services que les députés.

Je vous demande donc, madame la ministre, de porter le message suivant auprès des députés : qu’ils essaient de simplifier cette proposition de loi, pour qu’elle soit encore plus lisible et compréhensible ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
 

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 mars 2024 :

À dix heures trente :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux (texte de la commission n° 362, 2023-2024) ;

Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française (procédure accélérée ; texte de la commission n° 391, 2023-2024).

L’après-midi :

Une convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol (texte de la commission n° 395, 2023-2024) ;

Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (procédure accélérée ; texte de la commission n° 382, 2023-2024) ;

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales (texte de la commission n° 385, 2023-2024) ;

Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé (procédure accélérée ; texte de la commission n° 397, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 14 mars 2024, à une heure vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER