compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Catherine Conconne.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Déclaration du gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, « lorsque le Sénat est faible, la République est faible ; lorsque le Sénat est fort, la République est forte, … (Exclamations amusées sur de nombreuses travées. – Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Arrêtez-vous là ! (Rires.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … et lorsqu’il n’y a pas de Sénat, il n’y a plus de République. » (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Ces mots ne sont pas les miens, mais je les fais miens. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce sont ceux du recteur Prélot, homme de droit et de convictions, sénateur dans les premières années de notre Ve République.

Ces mots, j’y insiste, je les fais miens. Le Sénat est la chambre de la réflexion et du long terme. C’est la chambre du débat d’idées et de la construction de compromis. C’est la chambre du respect de nos institutions comme des convictions. C’est la voix des territoires, des élus, des préoccupations du quotidien. Je n’imagine pas la République sans le bicamérisme.

Dans une période de crise, où les événements dramatiques se multiplient et les défis s’additionnent, nous avons plus encore besoin du Sénat et de sa capacité à incarner à la fois la hauteur de vue et la proximité avec les Français.

M’adresser à vous, c’est m’adresser à tous nos territoires, de l’Hexagone et des outre-mer, dans leur unité et leur singularité.

M’adresser à vous, c’est aussi affirmer la volonté du Gouvernement de travailler et de construire en commun.

Au sein de mon équipe, pourtant la plus resserrée de la Ve République…

M. Jean-François Husson. Ça ne va pas durer !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … je compte un ancien sénateur, avec Christophe Béchu (M. Emmanuel Capus applaudit.), et un sénateur actuel, même s’il est aujourd’hui au Gouvernement, avec Sébastien Lecornu. Je compte aussi des maires – Catherine Vautrin ou Rachida Dati, pour le VIIe arrondissement de Paris (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) –, qui savent l’engagement, la passion, mais aussi les contraintes qu’exige ce mandat. Je compte également de simples élus locaux – j’en suis moi-même un depuis dix ans – qui aiment leur territoire comme ils aiment notre pays et veulent s’engager pour lui.

À la tête de cette équipe, je viens devant vous, prêt à m’engager.

Je m’engage à travailler avec le Sénat, sur tous les textes et dans toutes les circonstances. J’y ai tenu comme ministre des comptes publics, comme ministre de l’éducation nationale. J’y tiens aujourd’hui comme Premier ministre, et nous le ferons, avec l’ensemble de mon gouvernement.

Je m’engage à avancer, à l’écoute de nos élus et de nos territoires. Le cap a été fixé par le Président de la République, mais c’est aussi à leur contact que j’ai construit les constats et les solutions de ma déclaration de politique générale. C’est avec eux que je veux gouverner, décider. Je serai un Premier ministre de terrain, à la tête d’un gouvernement de terrain.

Je m’engage, enfin, à agir toujours pour la simplification, pour le bon sens, pour le quotidien des Français. Que nous disent les élus ? Que nous disent nos concitoyens ? Que nous disent les agriculteurs, ces derniers jours ? Qu’ils croulent sous les règles et sous les normes qui les brident, les briment et empêchent notre pays d’avancer.

Alors, ma méthode sera simple : dialoguer, écouter et décider. Décider de mesures claires et compréhensibles ; décider pour que les choses changent vraiment, toujours pour les Français.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, le cri de colère lancé par nos agriculteurs ces derniers jours est le reflet des doutes, des exaspérations, des colères, mais aussi des espoirs et des opportunités de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Espoirs déçus !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. La France est une grande patrie agricole. L’agriculture fait partie de l’âme de notre pays. Elle fait partie de nos racines et de notre héritage.

Chaque territoire a son emblème, qui fait écho aux cultures et aux élevages. Et si les mots « pays » et « paysan » se ressemblent tant, c’est parce que l’un ne va pas sans l’autre.

Je n’imagine pas la France sans son agriculture, et la France ne serait pas la France sans ses agriculteurs.

Pourtant, nos agriculteurs souffrent. Ils incarnent tous les défis d’une France qui doute. Ils sont le visage du travail et du dévouement. Ils ne connaissent ni vacances ni véritable repos. Et pourtant, leur rémunération n’est pas toujours à la hauteur de leur engagement, à la hauteur de ce qu’ils apportent à notre pays.

Alors oui, tous les Français des classes moyennes se reconnaissent en eux, tous ces Français qui ne peuvent compter que sur leur travail, mais doivent compter chaque euro à la fin du mois.

Nos agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique. Ils subissent le gel, la sécheresse, les inondations.

Alors oui, toute notre société se retrouve dans leurs inquiétudes.

Nos agriculteurs croulent sous les normes. Chacune de leurs initiatives devient un parcours du combattant. Chacune de leurs actions est réglementée et surréglementée.

Alors oui, chacun de nos concitoyens partage leur volonté de respirer, de se débarrasser des procédures inutiles, de voir leurs initiatives libérées de la bureaucratie.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nos agriculteurs s’interrogent sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ils savent ce que la politique agricole commune (PAC) leur apporte, mais ils n’acceptent pas – pas plus que nous – certaines de ses lourdeurs.

Alors oui, nos compatriotes s’identifient à cette interrogation, eux qui savent très bien que nous sommes plus forts grâce à l’Europe, mais exigent que l’Union européenne soit plus proche, plus efficace, plus protectrice.

Je le dis sans détour, nous devons aussi prendre notre part. J’en prends l’engagement, nous ne surtransposerons pas les normes européennes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous devons être aux côtés de nos agriculteurs et nous ne pouvons pas nous-mêmes leur mettre des boulets aux pieds dans une compétition européenne et mondiale.

Nos agriculteurs aspirent à la souveraineté. Ils s’indignent de la concurrence déloyale de ceux qui ne respectent pas les mêmes standards de qualité que nous. Ils aspirent à construire notre indépendance agricole et alimentaire. Ils ont raison.

Alors, cet appel, avec le Président de la République, avec mon gouvernement, nous l’entendons. Nous y répondons, car je sais qu’il rejoint celui de 68 millions de Français qui veulent une France plus forte, plus indépendante, plus souveraine.

Enfin, ce cri de colère de nos agriculteurs est aussi un appel à la reconnaissance, face à ceux qui n’ont eu de cesse, ces dernières années, de les traiter comme des pollueurs, comme des bandits, comme des bourreaux, face à ceux qui en font des boucs émissaires faciles et leur prêtent tous les maux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Où ? Qui ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Là encore, nos compatriotes se retrouvent dans cette volonté de reconnaissance. Ils refusent de se résigner au déclin que promettent les fatalistes et les oiseaux de mauvais augure. Ils veulent agir, défendre notre identité et défendre la France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sous l’autorité du Président de la République, avec mon gouvernement, avec vous, je veux restaurer cette fierté française !

Je veux répondre aux inquiétudes de nos compatriotes, une à une, sans exception.

Je veux que le travail paie plus et paie mieux, notamment pour nos concitoyens des classes moyennes.

Je veux débureaucratiser notre pays, simplifier la vie, déverrouiller les initiatives, améliorer le quotidien.

Je veux porter une souveraineté nationale et européenne, construire une France plus juste et plus libre dans une Europe plus forte.

Je veux que chaque Française et chaque Français puisse être fier de son pays, que chacun sache qu’il a pleinement le contrôle de sa vie et que la France a pleinement son destin en main.

Cette ambition, c’est celle qu’ont portée, depuis 2017, le Président de la République et les gouvernements d’Édouard Philippe, de Jean Castex et d’Élisabeth Borne. C’est celle que portera mon gouvernement, avec pour seul cap de donner des résultats pour les Français.

Comme le veut la coutume républicaine, vous avez entendu hier la lecture de la déclaration de politique générale que je faisais à l’Assemblée nationale. Je remercie Bruno Le Maire de l’avoir lue dans ses moindres détails… (Sourires. – Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. Jean-François Husson. Il était excellent !

M. Rémi Féraud. C’est ce qu’il fait de mieux !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Je ne reviendrai pas sur tous ses éléments, mais je souhaite, devant vous, évoquer les grands combats qui mobiliseront mon gouvernement. Ce qui m’importe est que nous puissions avoir un échange, que je puisse vous entendre et vous répondre.

À l’écoute des Français, des forces politiques, des partenaires sociaux, des élus locaux et de nos concitoyens, j’ai pensé et bâti de premières réponses.

Parler aux Français, c’est d’abord entendre une exaspération, celle de nos concitoyens des classes moyennes, trop aisés pour bénéficier des aides, mais pas assez pour être à l’aise, et qui ne peuvent compter que sur leur travail, ces Français qui demandent que le travail paie plus et toujours mieux que l’inactivité.

Parler aux Français, c’est entendre un doute sur nos services publics, sur le respect de l’autorité dans notre société. (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

J’ai perçu la crainte du recul et de l’éloignement, pour la santé, l’éducation ou la sécurité, pour toutes les procédures du quotidien ; la crainte du déclin, la crainte de services publics qui ne seraient plus à la hauteur, alors même que l’on travaille dur et que l’on paie ses impôts pour les financer ; la crainte d’une France à deux vitesses, où les classes moyennes et la France modeste n’auraient plus accès à des services de qualité, une France où trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas en avoir pour leurs impôts.

Parler aux Français, enfin, c’est parler de transition écologique. Qu’il s’agisse des jeunes qui s’engagent pour défendre la planète, des habitants du Pas-de-Calais, victimes d’inondations pour la deuxième fois en quelques mois, …

Mme Cécile Cukierman. Sans parler de la sécheresse !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … ou des agriculteurs que j’ai rencontrés dans le Rhône, en Indre-et-Loire ou en Haute-Garonne, tous ont voulu m’interpeller sur le dérèglement climatique et tous veulent agir.

Nous partons d’un bilan solide.

Depuis 2017, sous l’autorité du Président de la République, nous avons mené des réformes fortes, qui avaient trop attendu, pour libérer le marché du travail.

M. Pascal Savoldelli. Le marché, c’est ça…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous en avons mené plusieurs, ensemble, encore ces derniers mois. Je pense notamment à la réforme de l’assurance chômage ou à la réforme des retraites.

Aujourd’hui, de premiers résultats arrivent : le chômage est à son niveau le plus bas depuis vingt-cinq ans et 2 millions d’emplois ont été créés. On crée désormais plus d’emplois industriels qu’on en supprime dans notre pays. On ouvre plus d’usines qu’on en ferme !

Évidemment, ce n’est qu’un début, cela n’efface pas encore des années de désindustrialisation,…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … mais les premiers signaux sont là : nous avons inversé la tendance.

Nous amplifions notre action sur l’apprentissage. Il y avait, avant l’élection du Président de la République, un peu moins de 300 000 jeunes en apprentissage chaque année. Nous en sommes cette année à 850 000, et nous approchons du million d’apprentis.

M. Jean-François Husson. Qui finance ? Il y a des économies à faire…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Depuis 2017, nous avons entamé le redressement de nos services publics.

Nous avons investi des montants historiques pour notre hôpital.

Nous avons engagé des réformes fortes pour notre éducation et revalorisé les professeurs.

Nous avons renforcé notre État régalien, avec des investissements sans précédent pour notre sécurité, notre justice et nos armées.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous avons agi, aussi, pour les services publics de proximité, pour veiller à ce que chacun y ait accès, en maillant le territoire d’espaces France Services. Ils sont la porte ouverte aux démarches de nos concitoyens, pour tous, où que ce soit.

M. Michel Savin. Tout va bien alors !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Enfin, nos émissions de gaz à effet de serre ont diminué l’année dernière comme elles n’avaient jamais diminué dans notre pays. En moyenne, elles baissaient de 1 % par an avant 2017. Durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, elles ont baissé de 2 % par an en moyenne. Mieux, sur les neuf premiers mois de 2023, elles ont été réduites de près de 5 %.

J’y vois la preuve que, lorsqu’on investit massivement, plutôt que de punir et de brutaliser nos concitoyens, lorsqu’on accompagne des secteurs économiques, des entreprises et des industries particulièrement polluantes, qu’on les aide à se décarboner (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.), cela produit des résultats et nous permet d’aller plus vite, plus loin,…

M. Jacques Grosperrin. Ce ne sont pas les jeux Olympiques !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … sans chercher à punir, à taxer et à brutaliser.

Cette planification se construira avec les territoires – j’y reviendrai. Elle s’adaptera aux défis et aux besoins de chacun d’eux.

Cela étant dit, je reste parfaitement lucide : nous n’avons pas réglé tous les problèmes, il reste évidemment des difficultés dans notre pays. Il y a des Français qui souffrent. Il y a des Français qui doutent. Il y a des Français qui attendent. Il y a même des Français qui n’attendent plus rien, parce qu’ils n’y croient plus ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Je suis conscient du chemin qu’il reste à parcourir pour restaurer la confiance, pour arriver à ce dernier kilomètre où nos annonces se traduisent très concrètement dans le quotidien des Français.

À cet égard, le premier de mes combats restera celui du travail.

Agir pour le travail, c’est d’abord veiller à ce que ceux qui travaillent gagnent toujours plus que ceux qui ne travaillent pas.

Agir pour le travail, c’est veiller à ce que l’on gagne mieux sa vie et offrir des perspectives d’évolution à chacun. C’est aussi mettre fin à ce paradoxe : avec un chômage autour de 7 %, il reste des centaines de milliers d’emplois non pourvus sur le territoire.

Aussi, nous agirons autour de trois piliers : désmiscardiser, déverrouiller, débureaucratiser.

Un travail d’ampleur a été entamé pour qu’il n’y ait plus de branche professionnelle qui rémunère en dessous du Smic. Nous allons le poursuivre et prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il puisse aboutir.

Ensuite, nous devons nous préoccuper de tous ces Français qui sont au Smic ou légèrement au-dessus. Ces dernières décennies, les exonérations de cotisations et les dispositifs de soutien, notamment via la prime d’activité, ont été concentrés autour du Smic.

Le résultat, c’est qu’aujourd’hui personne n’a intérêt à augmenter le salaire des salariés proches du Smic : l’employeur doit payer beaucoup plus de cotisations sociales et le salarié perd de sa prime d’activité, voit sa CSG augmenter et, bien souvent, entre dans l’impôt sur le revenu.

Il faut sortir de ce que certains appellent, techniquement, un coin fiscalo-social, où se retrouvent trop de Français. Nous avons certes un Smic supérieur à celui de nos voisins – c’est une chance ! –, mais nous avons beaucoup plus de salariés qui sont proches du salaire minimum que dans ces pays, à cause de cette forme de trappe dont nous devons sortir.

M. Jean-François Husson. Ça fait longtemps qu’on le dit !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Des propositions ont été faites par des parlementaires et des experts, par les partenaires sociaux aussi. Des travaux ont été engagés. Je souhaite que, dans les prochains textes financiers, nous amorcions cette évolution.

Je veux également que nous avancions sur la rémunération des fonctionnaires et que nous rendions leurs carrières plus attractives en favorisant l’engagement et le mérite plutôt que la seule ancienneté. Un projet de loi vous sera présenté en ce sens dès le second semestre de cette année.

Je veux œuvrer en faveur de nos indépendants en poursuivant la réforme de l’assiette sociale, qui doit permettre à des millions d’artisans, de commerçants, d’agriculteurs et de membres des professions libérales d’acquérir davantage de droits sociaux, notamment pour leur retraite, sans payer plus de cotisations.

Notre deuxième objectif, c’est de déverrouiller le travail, en incitant à l’activité et en accompagnant vers le marché du travail ceux qui en sont exclus.

C’est le sens de l’expérimentation du revenu de solidarité active (RSA) accompagné de quinze heures d’activité pour l’insertion. Dix-huit départements sont déjà concernés ; ils seront quarante-sept le mois prochain. Nous généraliserons ce dispositif à l’ensemble du territoire dès le 1er janvier 2025. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

C’est notre volonté d’aller plus loin dans la réforme de l’assurance chômage. Nous devons faire preuve de responsabilité, d’audace et d’ambition, nous devons inciter toujours plus à la reprise du travail.

C’est notre volonté de supprimer toutes les trappes à inactivité, ce que j’assume totalement. Je pense notamment à l’allocation de solidarité spécifique (ASS), qui prolonge les aides après la fin de l’assurance chômage et qui permet de valider des trimestres de retraite, alors que nous considérons que la retraite doit toujours être le fruit d’années et de trimestres de travail, et non pas d’allocations sociales. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Nous la supprimerons progressivement.

M. Rachid Temal. « Salauds de pauvres ! »

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Déverrouiller le travail, c’est aussi faire en sorte que chacun touche tout ce à quoi il a droit.

Mme Cécile Cukierman. Il faut augmenter les salaires !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. C’est tout le sens de la solidarité à la source. Nous allons poursuivre ce chantier.

Déverrouiller le travail, c’est l’adapter aux évolutions des attentes et des aspirations de nos concitoyens.

L’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, la question des horaires, celle des méthodes de management et celle du télétravail sont autant de défis auxquels nous devons répondre. Je souhaite que l’État soit exemplaire et puisse proposer, comme je l’ai fait à Bercy, de nouvelles organisations pour nos agents publics, en ayant recours à l’expérimentation.

Déverrouiller le travail, c’est libérer notre économie.

Au printemps, nous examinerons un projet de loi en ce sens. Je souhaite notamment qu’il permette de déverrouiller un certain nombre de professions, comme l’avait fait la fameuse loi Macron.

Enfin, déverrouiller le travail, c’est permettre à chacun d’accéder à un logement, car sans logement abordable, il est impossible d’accéder à un emploi.

Plus largement, le logement est une des matrices de notre société. C’est la voie ouverte à une vie digne. C’est la confiance retrouvée pour beaucoup de Français des classes moyennes, qui voient dans l’accès à la propriété la condition d’une retraite sereine à l’avenir.

Nous voulons aboutir à un choc d’offre grâce à la simplification des normes, notamment en revoyant les diagnostics de performance énergétique (DPE), en simplifiant la densification ou en levant certaines contraintes de zonage. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Nous le ferons grâce à la désignation, d’ici quelques semaines, de vingt territoires engagés pour le logement, où les procédures seront accélérées. Nous y créerons 30 000 nouveaux logements d’ici trois ans.

M. Hervé Gillé. On parie ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Nous créerons ce choc d’offre en assumant de réquisitionner des bâtiments vides, notamment de bureaux. Nous le créerons en soutenant le logement social, grâce à un nouveau prêt de long terme pour acheter du foncier : 2 milliards d’euros seront ainsi distribués par la Banque des territoires.

Évidemment, ce que je propose ici n’est qu’un début. Pour continuer à bâtir et à construire, pour continuer à permettre à tous ceux qui le souhaitent de devenir propriétaires, nous irons plus loin : plus loin pour soutenir la construction ; plus loin pour soutenir les Français qui veulent devenir ou rester propriétaires ; plus loin pour loger un certain nombre d’agents publics qui assurent notamment notre sécurité, notre santé et l’éducation de nos enfants, et qui doivent bénéficier d’une forme de priorité dans l’accès au logement social (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.) ; plus loin pour faire du logement des Français un facteur de bien-être pour tous et pour chacun.

Alors, nous allons proposer de faire évoluer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, répondant ainsi à des attentes anciennes et récurrentes des élus locaux.

Mme Audrey Linkenheld. Il n’y a aucune attente !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. D’une part, les maires auront enfin la main pour la première attribution des logements sociaux dans leur commune. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

D’autre part, nous proposerons que les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, soient désormais inclus dans le calcul de la part de logement social que prévoit la loi SRU. (Mêmes mouvements.)

Je veux le dire clairement à ceux qui s’inquiètent : dans les communes soumises à loi, nous maintiendrons évidemment une exigence quant au nombre minimal de logements très sociaux.

Enfin, à la veille des 70 ans de l’appel de l’abbé Pierre (Exclamations indignées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.), …

M. Guillaume Gontard. C’est honteux !

M. Mickaël Vallet. Quand ce n’est pas le général de Gaulle, c’est l’abbé Pierre…

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … je veux rappeler ici l’engagement de mon gouvernement à lutter contre le mal-logement. Un logement digne, c’est le fondement d’une vie digne. Nous y travaillerons.

Une proposition de loi pour lutter contre les copropriétés dégradées a été adoptée à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale. Je suis sûr que nous pourrons travailler ensemble au Sénat pour faire avancer ce combat.

Nous y travaillerons aussi en continuant à soutenir le logement d’urgence. Je rappelle à ceux qui nous interpellent que, lorsque le Président de la République a été élu en 2017,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous étiez de gauche à l’époque !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. … il y avait à peine une centaine de milliers de places d’hébergement d’urgence. Nous avons doublé ce nombre, pour atteindre aujourd’hui 200 000 places. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Nous n’avons aucune leçon à recevoir à ce sujet !

Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, notre troisième priorité, … (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Hier à l’Assemblée nationale, certains députés y sont allés très fort, mais j’ai quand même réussi à dérouler mon discours. Soyez sûrs que je ferai de même ici, en dépit des interpellations ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. Nous vous écoutons, monsieur le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Notre troisième priorité, c’est de débureaucratiser la société.

Les agriculteurs, les élus locaux, les entrepreneurs, les indépendants et les artisans, tous ceux qui créent de l’emploi sur notre sol, tous ceux qui agissent, nous le disent : il y a trop de règles, trop de normes, trop de procédures qui les briment et, parfois, brisent leurs initiatives.

Alors, face à la bureaucratisation, il y a une réponse simple : la simplification.

À l’automne, nous engagerons une nouvelle étape de la réforme du droit du travail, pour simplifier la vie de nos entrepreneurs et le quotidien de nos TPE et PME.

Nous allons également simplifier nos procédures pour amplifier encore la réindustrialisation. Nous avons beaucoup avancé avec la loi Industrie verte, mais il faut aller plus loin, car il n’est pas normal, par exemple, que l’implantation d’un projet industriel prenne deux fois plus de temps en France qu’en Allemagne. Cela limite les possibilités d’investissements étrangers sur notre territoire.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Une fois ce constat posé, monsieur Husson, on prend un certain nombre de mesures pour continuer à réduire les délais. Nous présenterons ainsi une seconde loi Industrie verte pour aller encore plus loin. J’ai donné une première piste hier à l’Assemblée nationale, qui est de recentrer le travail de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur les très grands projets d’envergure nationale pour libérer d’autres initiatives de moindre ampleur, ce qui fera gagner six mois à certaines procédures.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Thomas Dossus. Ce n’est pas très démocratique !

M. Gabriel Attal, Premier ministre. La débureaucratisation doit toucher tous les secteurs. Aujourd’hui, chaque Français, dans ses démarches, dans son activité, peut mesurer combien notre pays est bridé, à quel point nous pourrions faire mieux et plus vite. Tous les sujets sont sur la table pour simplifier, pour accélérer, pour faciliter la vie des Français.

Je m’y engage devant vous, nous ferons ce travail de débureaucratisation en premier lieu avec les maires. Ceux-ci sont très concernés par ce problème dans leur action quotidienne ; ils sont les témoins de toutes ces complexités. En effet, bien souvent, les entrepreneurs, les agriculteurs, les simples citoyens qui font face à ces difficultés avec les normes et les procédures viennent en parler d’abord à leur maire. Ces élus sont les plus lucides sur la question ; ils ont la vision la plus exhaustive de toutes ces contraintes et de tous ces freins dans la vie de nos concitoyens. (M. Guillaume Gontard sexclame.)