Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail mené dans les deux chambres, où des discussions nourries, marquées par un esprit de dialogue et d’ouverture, ont permis l’adoption de ce texte. Cette proposition de loi est bienvenue et, à l’image du groupe du RDSE, elle a su s’affranchir des clivages idéologiques et partisans au bénéfice de l’intérêt général, de la transition écologique et de l’équilibre entre nos territoires.

Quatre ans auront été nécessaires depuis l’adoption de la LOM, qui dessinait les priorités en la matière, et l’élaboration de ce cadre légal permettant d’accélérer le développement des mobilités du quotidien tout en désenclavant nos territoires et en proposant à nos concitoyens de nouvelles offres de mobilité, adaptées et décarbonées. Au vu de l’urgence climatique et de la fracture économique, sociale et territoriale qui s’accroît entre deux France, l’une rurale, l’autre urbaine, espérons que le déploiement des services express régionaux métropolitains sera maintenant rapide et efficace.

Si l’on a veillé à faire figurer dans le texte de nombreuses mesures d’accélération, la question fondamentale du financement, tant des dépenses d’investissement que des coûts de fonctionnement qui en résulteront, reste en suspens.

Néanmoins, mon groupe se réjouit que la conférence nationale de financement, issue d’un amendement sénatorial, devant se tenir avant la fin du mois de juin 2024, soit maintenue dans le texte. Le déploiement rapide, dans les territoires, des Serm – vecteur de désenclavement des territoires périurbains et ruraux, via un choc d’offre multimodale de services de transport collectif public autour des métropoles et de grandes agglomérations – doit répondre à l’urgence du couperet des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Ma collègue Nathalie Delattre a souhaité que la prise en compte des enjeux des ZFE-m soit centrale dans les Serm, afin d’assurer l’acceptabilité sociale de ces services.

Grâce à ce texte, l’écologie, trop souvent considérée comme un marqueur de classe bourgeois, voire comme une punition, doit catalyser le développement de solutions décarbonées opérantes et accessibles à tous. Je le rappelle, la transition écologique des transports doit être un facteur d’inclusion sociale et économique, et non un ferment de fractures territoriales. À propos d’inclusion, le groupe du RDSE se félicite de ce que l’accessibilité des Serm soit renforcée. En effet, grâce à un amendement de Nathalie Delattre, les gares et pôles d’échanges créés ou adaptés dans leur cadre comprendront des aménagements permettant l’accès, le déplacement et l’information des personnes en situation de handicap. En effet, au-delà des inégalités territoriales que cette proposition de loi vise à gommer, il est nécessaire de réduire parallèlement les inégalités entre individus, que les personnes en situation de handicap subissent quotidiennement.

En ce qui concerne la place des collectivités territoriales dans la définition des projets, notre groupe, relais éclairé des besoins des collectivités locales et des élus, ne peut que se féliciter du renforcement du rôle des collectivités dans la mise en œuvre des Serm. Cette proposition de loi fait en sorte que ces services soient un outil pensé par et pour les territoires. C’est pourquoi nous nous félicitons que la place accordée aux maires dans le processus de concertation préalable à la création d’un Serm ait été maintenue par la commission mixte paritaire, comme notre groupe l’a promu en première lecture au Sénat.

Un projet d’une telle dimension ne saurait en effet se faire sans l’avis des maires et les décisions prises ne sauraient aller à l’encontre des intérêts locaux. Il est important que le maillage territorial des futurs Serm soit réalisé selon des critères objectifs et précis. C’est pourquoi les acteurs locaux doivent avoir toute notre confiance quant à l’élaboration du périmètre le mieux adapté à leur situation.

L’enjeu de ce texte excède la seule mobilité : il s’agit de construire ensemble l’aménagement durable des territoires où liberté d’action, flexibilité et souplesse opérationnelles devront être les nouveaux dogmes. Le groupe du RDSE, qui fait sien le souci de l’équilibre entre les territoires, souscrit naturellement aux objectifs et aux ambitions de cette proposition de loi équilibrée, tout en restant attentif à l’évolution de sa traduction budgétaire. Il votera donc pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE. – Mme Nadège Havet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à saluer le travail du député Jean-Marc Zulesi, auteur et rapporteur de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, et celui de notre rapporteur, Philippe Tabarot.

L’objectif de ce texte nous rassemble sur toutes les travées : il s’agit d’améliorer les mobilités publiques du quotidien, de façon écologique et en désenclavant nos territoires, via le déploiement d’au moins dix services express régionaux métropolitains au cours des dix prochaines années.

Ce texte, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale en juin dernier et au Sénat en octobre, a été examiné par une commission mixte paritaire beaucoup moins médiatique que celle de cet après-midi…

La commission mixte paritaire dont nous examinons les conclusions a conservé plusieurs apports majeurs du Sénat. Ainsi cette proposition de loi conserve-t-elle, dans sa rédaction quasi finale, le renforcement, défendu ici, du rôle des collectivités territoriales dans le processus de déploiement des Serm, l’intégration systématique des cars express et des réseaux cyclables aux projets, en plus du covoiturage et de l’autopartage, dans une logique d’équité territoriale et d’intermodalité, la mise en place d’une tarification spécifique des péages ferroviaires et la prise en compte des enjeux liés à la montée en puissance des zones à faibles émissions.

Il s’agit de la concrétisation d’une promesse du Président de la République, avec un budget de près de 800 millions d’euros acté dans le budget 2024. Cette première enveloppe doit permettre d’amorcer les projets. À celle-ci s’ajoutent les investissements très importants réalisés dans les contrats de plan État-région. Pour ce qui concerne la question du financement de ces services, une conférence nationale, dont l’organisation est inscrite dans la proposition de loi, se tiendra avant le 30 juin 2024.

Finalement, ce texte, qui arrive en fin de navette, organise juridiquement le déploiement des Serm dans plusieurs grandes villes en France, en accroissant la part du transport ferroviaire dans les déplacements du quotidien, avec l’impératif d’une déclinaison spécifique à chaque profil territorial. L’objectif est que chaque collectivité concernée puisse s’approprier le dispositif et l’adapter à ses caractéristiques. Il existera donc autant de Serm que de territoires retenus.

Il est aussi question de répondre à l’urgence environnementale, en accélérant la planification écologique, au travers d’offres de mobilité, adaptées et décarbonées.

La Première ministre le rappelait en février dernier, lors de la présentation du plan d’avenir pour les transports, ce sera « lorsque nos concitoyens pourront trouver un transport en commun régulier, facilement accessible et fiable qu’ils pourront réduire leur usage de la voiture. » Ce dispositif y contribuera largement.

La Société du Grand Paris, chargée de la construction du Grand Paris Express et renommée Société des grands projets, verra ses missions élargies et jouera un rôle essentiel dans le déploiement des Serm. Son expertise, reconnue internationalement, sera mise au service d’autres métropoles, régions et territoires, en leur faisant profiter de son importante capacité d’emprunt et son fonctionnement souple.

Monsieur le ministre, en conclusion, je souhaite de nouveau rendre hommage à votre volontarisme en matière de déploiement du ferroviaire en France. Vous l’avez encore prouvé dernièrement, avec les trains de nuit, qui font peu à peu leur retour dans notre pays. La ligne de train de nuit Paris-Aurillac, supprimée voilà vingt ans, est de nouveau active depuis une semaine. De même, deux ans après le Paris-Vienne, le Paris-Berlin est également relancé. À quand le Paris-Brest ? (Sourires.)

C’est une grosse accélération, vous l’avez dit, alors que la France vise dix lignes de nuit d’ici à 2030. Mes chers collègues, je le constate, nous sommes sur de bons rails ! (Nouveaux sourires.)

Le groupe RDPI votera pour ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Olivier Jacquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le dernier intervenant de cette petite, mais très belle aventure législative, même si le fait de passer par une proposition de loi nous aura retiré la possibilité de bénéficier d’une étude d’impact.

Je souhaite, comme chacun de mes prédécesseurs à cette tribune, adresser moi aussi des félicitations au rapporteur, pour l’ensemble de son œuvre ferroviaire, ainsi qu’au président Zulesi et au ministre, qui ont tous trois fait preuve d’écoute et d’attention pour les propositions émanant de toutes les travées des deux chambres. La preuve en est que, dans le texte issu de la commission mixte paritaire qui nous est soumis, sur les quatorze amendements du groupe SER adoptés par le Sénat, sept ont été intégralement maintenus dans le texte de la commission mixte paritaire et deux l’ont été partiellement.

Il n’est pas dit que l’ambiance et le résultat soient tout à fait les mêmes lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire qui aura lieu dans quelques minutes… (Sourires.)

Je veux également adresser mes remerciements et félicitations à l’immense Jacques Fernique, qui, grâce à son colloque du 16 octobre dernier, a grandement contribué à renforcer les liens entre députés et sénateurs, entre majorités et oppositions.

Mes chers collègues, voilà un peu plus d’un an, alors que nous étions en pleine préparation budgétaire, le Président de la République annonçait par surprise le déploiement de dix RER métropolitains, nouvel épisode de l’incohérence de la politique de transport menée depuis 2017, qui va des mobilités du quotidien un jour à la relance de la grande vitesse le lendemain, en passant par la signature d’un contrat de performance de SNCF Réseau de nature à bloquer, voire à dégrader le ferroviaire… Et nous voici revenus maintenant à la case départ sans que les étapes précédentes soient remises en question…

Toutefois, je ne perds pas espoir de voir un futur contrat de performance de SNCF Réseau mettre fin au carcan de cette grande entreprise nationale et j’espère que vous gagnerez vos arbitrages, monsieur le ministre, pour que nous puissions bâtir ensemble une nouvelle loi de programmation des infrastructures. Pareil texte serait nécessaire, puisque nous sommes toujours à la recherche des 100 milliards d’euros annoncés le 24 février dernier par la Première ministre. D’où l’importance de l’article 3 quater du texte, sur la conférence de financement des Serm, qui se tiendra dans les six mois !

Alors que l’ensemble des acteurs, à commencer par les collectivités, crient au manque de moyens, nous attendons toujours de savoir de quel côté tombera la pièce du 49.3, stress annuel insoutenable, alors que nous savons tous ici que le temps des mobilités est un temps long, qui souffre des à-coups et des tête-à-queue. D’où la nécessité de disposer d’une vision claire, de compétences claires et de plans de financements clairs.

Sur ce dernier point, je ne peux que regretter la suppression de deux précisions insérées dans le texte par l’adoption d’amendements de mon groupe : d’une part, la répartition entre l’État et les collectivités ; d’autre part, la révision du contrat de performance de SNCF Réseau par la conférence de financement, alors même que nous dénonçons tous son « insuffisance », pour rester diplomate… Nous regrettons également ce que je qualifierai de « brin de démagogie » de l’article 5 ter A, portant sur le ZAN.

Cela étant, globalement, nous accueillons positivement cette nouvelle brique dans la boîte à outils des mobilités dont disposeront nos territoires à l’heure de l’impérieuse transition écologique et du déploiement des ZFE.

Je mets cependant de nouveau en garde le Sénat, comme je l’ai fait le 23 octobre dernier : le danger est grand que s’accentuent les fractures sociales et territoriales avec le développement des Serm dans les seules métropoles, si l’on ne prend pas correctement en compte leurs périphéries et même leurs aires d’attractivité.

C’est la raison pour laquelle nous vous incitions, mes chers collègues, à aller au bout du raisonnement en quittant la seule logique métropolitaine pour adopter celle des mobilités pour tous. Cela aurait permis d’étendre la belle idée des Serm à des agglomérations de plus petite taille, afin de développer dans le plus grand nombre d’endroits possible une offre complète de services s’appuyant sur les logiques de rabattement depuis le vélo et la voiture individuelle « socialisée » – covoiturage, autopartage – vers les transports plus lourds – bus à haut niveau de service et trains –, plutôt que de la concentrer autour des étoiles ferroviaires.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu souligner l’importance du « S » de l’acronyme Serm. J’insisterai pour ma part sur l’importance du « m », qui pourrait désigner les mobilités plutôt que les métropoles.

Nous continuerons de promouvoir cette logique, de proposer d’aller plus loin, afin de garantir un droit effectif à la mobilité pour tous, de mettre fin aux mobilités à deux vitesses. Cela étant, chaque chose venant en son temps, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour cette proposition de loi telle qu’elle est issue des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme la présidente. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à remercier mon homologue de l’Assemblée nationale, le président Jean-Marc Zulesi, ainsi que le rapporteur Philippe Tabarot et le ministre.

Je remercie également les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de leur travail. Cela a été souligné, de nombreux amendements de la commission ont été conservés par la commission mixte paritaire, parce qu’ils enrichissaient ce texte.

Maintenant que cette proposition de loi est adoptée définitivement, il faut veiller à ce que tous les financements prévus soient assurés, pour réussir ces Serm. Nous souhaitons vivement que ceux-ci aboutissent. Il y va de notre mobilité et de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je tiens également à remercier très sincèrement l’ensemble des parlementaires, tant de l’Assemblée nationale que du Sénat – je pense notamment à vous-même, monsieur le rapporteur –, qui se sont impliqués dans l’élaboration de ce texte. Vous l’avez fait dans un esprit positif et constructif dans votre collaboration avec le rapporteur Zulesi de l’Assemblée nationale.

Chacun peut le mesurer, y compris le Gouvernement, le Parlement a non seulement été à l’origine de ce texte, mais a contribué à l’améliorer tout au long de la procédure parlementaire. Nous avons parfois eu quelques désaccords, mais, in fine, ce texte, y compris pour ce qui a trait à la fameuse conférence de financement, est utile, complet et positif.

J’ai entendu l’appel à rester vigilant sur un certain nombre de points. Comme le déclarait Churchill, dans des circonstances moins joyeuses : « Ceci n’est pas la fin ni même le commencement de la fin, mais c’est peut-être la fin du commencement. » De fait, nous devons encore franchir des étapes essentielles, financières comme opérationnelles. En effet, les projets de transport – cela a été souligné – sont des projets de long terme. Avec cette proposition de loi, nous avons un cadre juridique formant une base solide sur laquelle construire.

D’autres textes, dans les heures qui viennent, seront peut-être moins consensuels. Je trouve fortement appréciable que de tels projets d’importance, structurants à long terme, réunissent toutes les sensibilités autour de l’avenir de notre pays. Je vous remercie de cet état d’esprit et de ce travail, tout en exprimant ma reconnaissance aux équipes qui se sont mobilisées derrière nous. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains
 

3

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP
Examen des conclusions de la CMP

Ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP (texte de la commission n° 185, rapport n° 184).

La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Franck Dhersin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un itinéraire à travers l’ordre du jour embouteillé de l’automne, la desserte des deux assemblées et un arrêt réussi en commission mixte paritaire, nous voici arrivés au terminus de l’examen parlementaire de ce texte ! Si vous approuvez cet après-midi la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, la proposition de loi sera définitivement adoptée et pourra être prochainement promulguée.

Nous pouvons collectivement nous féliciter d’avoir œuvré à sa réussite. Son auteur, notre collègue Vincent Capo-Canellas, a su tirer les conclusions législatives de la mission de préfiguration sociale confiée par Île-de-France Mobilités (IDFM) à MM. Bailly et Grosset, dont l’objectif était d’aplanir les difficultés rencontrées au cours du processus d’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP. Il s’agit de fluidifier les modalités du transfert de 19 000 salariés, de 308 lignes et de plus de 4 500 bus, et d’élargir le socle des bénéficiaires du « sac à dos social » par rapport au droit existant, issu de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM).

Grâce aux auditions et à l’examen en commission, nos deux assemblées ont fait évoluer le texte pour conforter la sécurité juridique des dispositions sans toutefois en modifier l’architecture.

Je sais la réticence, voire l’opposition d’une partie de l’hémicycle à se prononcer en faveur de cette proposition de loi. Mais je rappelle que la question posée n’est pas celle de l’approbation ou du rejet de l’ouverture à la concurrence. Ce débat est tranché depuis près de quinze ans ! Le processus est enclenché et les acteurs s’y préparent, qu’il s’agisse de la RATP, des entreprises de transport ou des salariés. Si le législateur s’abstenait d’agir, le transfert intégral des agents et du matériel aurait lieu la nuit du 31 décembre 2024. En outre, un nombre plus restreint de salariés bénéficierait des garanties sociales de haut niveau et la représentation syndicale pendant la période sensible des transferts d’employés serait intermittente, voire interrompue.

Ce texte s’inscrit donc dans la continuité de l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, conformément au choix du législateur. Il module le calendrier, contient des mesures de réalisme social et opérationnel, et maintient le cap qui a été fixé en tenant compte des difficultés rencontrées chemin faisant, dans un esprit de pragmatisme et de responsabilité.

Au cours de la commission mixte paritaire (CMP), un seul point d’achoppement a marqué nos échanges avec les députés. Il portait sur l’instance chargée de trancher les litiges entre la RATP et IDFM.

Lors de l’examen parlementaire de la LOM, le législateur a confié cette mission à l’Autorité de régulation des transports (ART). Les députés, partant du constat que les moyens humains et budgétaires du régulateur ne progressaient pas au rythme de l’élargissement de ses missions, ont supprimé dans cette proposition de loi la compétence de l’ART en la matière. En procédant ainsi, le règlement des différends serait revenu de facto au juge civil ordinaire, ce qui aurait contribué au doublement, voire au triplement du délai moyen de jugement. Ce n’était tout simplement pas concevable étant donné le caractère extrêmement sensible et épineux de ces litiges.

Nous avons obtenu gain de cause au terme de la CMP, mais cette victoire nous engage. Elle nous oblige à faire preuve de vigilance sur les moyens de l’ART et sur sa capacité à mener à bien l’ensemble de ses missions avec la rigueur et l’excellence que nous sommes en droit d’attendre de toute autorité administrative indépendante.

Les craintes du rapporteur de l’Assemblée nationale, Bruno Millienne, sont fondées. Il nous appartiendra donc de veiller à l’adéquation des moyens de l’ART avec ses missions en vérifiant que certaines ne s’exercent pas aux dépens d’autres. Notre commission sera particulièrement attentive à ce que le nouveau président, Thierry Guimbaud, tout juste nommé dans ses fonctions, contribue à renforcer la capacité de l’Autorité à mener de front l’ensemble de ses missions.

J’en appelle également à la responsabilité du Gouvernement afin que les décrets d’application prévus dans le texte soient rapidement publiés. Puisque le législateur a examiné et adopté ce texte en à peine un trimestre, nous attendons la même célérité de l’autorité réglementaire pour rendre l’ensemble des dispositions de la loi applicables dans les meilleurs délais.

Avant de conclure, je remercie tous les sénateurs qui se sont investis sur ce dossier, du président de la commission, M. Longeot, à notre collègue Philippe Tabarot, sans oublier Vincent Capo-Canellas et les sénateurs sur toutes les travées ayant contribué à forger le texte qui sera soumis tout à l’heure à vos suffrages. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions. – Mme Nadège Havet et M. Ahmed Laouedj applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de m’exprimer devant vous sur cette proposition de loi, même s’il sera moins évident de prétendre à l’unanimité ! (Sourires.)

Il faut rappeler ce que ce texte n’est pas. Il n’est pas une proposition de loi sur l’ouverture à la concurrence des bus publics relevant, en tant qu’opératrice exclusive dans la région Île-de-France, de la RATP. Quoi que nous en pensions, cette question a déjà été longuement, largement et régulièrement débattue.

Il faut également distinguer le débat sur l’ouverture à la concurrence de celui sur la privatisation, qui n’est aucunement la question ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.) La plupart des métropoles de France organisent leurs services de transport, notamment les bus, par délégations de service public, lesquelles sont, ni plus ni moins, le modèle ici proposé.

Il s’agit aujourd’hui non pas de revenir sur des étapes considérées à juste titre par M. Karoutchi comme essentielles, mais d’apporter des garanties supplémentaires tout le long de ce processus, qui devrait s’ouvrir à partir de la fin de l’année 2024, selon les termes de la législation actuelle.

J’ai eu l’occasion, voilà plus d’un an, d’exprimer mes doutes et même mes craintes au sujet du calendrier. Je suis donc heureux que la présidente de la région francilienne et d’Île-de-France Mobilités ait accepté d’ouvrir la discussion en confiant une mission à MM. Grosset et Bailly, deux personnalités reconnues en matière de dialogue social par toutes les parties prenantes, y compris par les organisations syndicales. Les intéressés ont remis un rapport détaillé, contenant des propositions de garanties sociales supplémentaires à destination de la région Île-de-France et de l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) francilienne.

Je me réjouis également, monsieur le sénateur Vincent Capo-Canellas, qu’une initiative parlementaire ait traduit dans un texte une large partie de ces propositions, qui nécessitaient une adaptation législative.

La rédaction actuelle contient deux principales avancées qui me conduisent à exprimer un avis extrêmement favorable.

Premièrement, le texte contient une série de garanties sociales supplémentaires, notamment celle qui fonde sur le volontariat la mobilité des chauffeurs et des machinistes en cas de changement de centre-bus ; cette question a été longuement débattue dans l’hémicycle. D’autres apports essentiels font suite à des recommandations de la mission Bailly-Grosset. Le rejet du texte ne permettrait pas d’offrir ces assurances, car elles nécessitent une adaptation législative.

Deuxièmement, ce texte contient un autre élément clé : le calendrier du processus. L’ouverture à la concurrence mise en œuvre par une autorité organisatrice de la mobilité n’a de bienfaits qu’à condition de se faire selon des échéances réalistes et maîtrisées. Le texte est profondément lié à un tel enjeu.

Pour aller dans le sens de cette proposition de loi, il est clair qu’une bascule généralisée vers la mise en concurrence par un transfert de personnel vers d’autres opérateurs au 1er janvier 2025 n’est protectrice ni pour les agents ni pour les usagers du service public. Il était donc nécessaire d’introduire de la souplesse par un décalage du calendrier ; ce texte y pourvoit. Accorder deux ans supplémentaires permettra d’agir par étapes et sous l’égide de l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités pour que le processus soit maîtrisé et protecteur.

La somme de ce double apport – modification du calendrier et garanties sociales supplémentaires – est de nature à améliorer la mise en place de l’ouverture à la concurrence pour en assurer la réussite. Je le pense profondément.

Un certain nombre de débats ont eu lieu, jusqu’à la commission mixte paritaire, sur plusieurs paramètres contenus dans le texte initial ; c’est normal ! Je pense à la répartition des prérogatives ayant conduit l’Autorité de régulation des transports à disposer de la compétence en matière de règlement des différends. Je me réjouis qu’un accord ait été trouvé entre les deux chambres. Comme vous nous y invitez, monsieur le rapporteur, nous veillerons – ce point relève du pouvoir exécutif – à ce que l’ART dispose effectivement de la capacité d’exercer pleinement cette compétence.

Vous l’aurez compris, le Gouvernement soutient, comme il l’a fait tout au long de la navette parlementaire, cette proposition de loi. J’y insiste : ce texte apporte des garanties sociales supplémentaires et fournit un calendrier pragmatique et réaliste. Au contraire, l’absence de vote ne permettrait pas de maîtriser le processus, par le biais d’échéances raisonnables, et d’apporter les protections longtemps ignorées. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)