Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique de la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 340

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-sept, est reprise à midi.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires
 

3

Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plusvite les mesures du comité interministériel des outre-mer ?

Débat organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, sur le thème : « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ? »

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour d’un droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre délégué, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle.

Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 17 mai 2022, les présidents des collectivités de la Martinique, de la Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion, de Saint-Martin et de Mayotte se sont réunis pour appeler à un changement profond de la politique outre-mer de l’État. Face au mal-développement et aux inégalités criantes qui minent notre pacte social, ils ont souligné l’urgence d’ouvrir un nouveau chapitre de notre histoire.

L’appel de Fort-de-France a pour objet la demande d’une prise de conscience politique au plus haut niveau de l’État. C’est le refus d’un statu quo intenable.

Les élus de ces territoires réclament que l’on agisse « autour de trois axes forts : refonder la relation entre [leurs] territoires et la République par la définition d’un nouveau cadre permettant la mise en œuvre de politiques publiques conformes aux réalités de [leurs] régions ; conjuguer la pleine égalité des droits avec la reconnaissance de [leurs] spécificités, notamment par une réelle domiciliation des leviers de décisions ; instaurer une nouvelle politique économique fondée sur [leurs] atouts, notamment géostratégiques et écologiques ».

Le Président de la République n’est pas resté sourd à cet appel. Le 7 septembre 2022, soit quatre mois après cette déclaration, il a souhaité engager « un renouveau de l’outre-mer » ; l’objectif étant d’apporter des réponses qui tiennent compte des spécificités de chaque territoire.

Nous avons salué cette approche et cette volonté de coconstruction. Nous avons également pris acte de la volonté du Gouvernement d’écarter la question de l’évolution statutaire.

Le comité interministériel des outre-mer (Ciom), qui s’est tenu le 18 juillet 2023 à la demande la Première ministre, est la traduction de cet engagement présidentiel.

À cette occasion, soixante-douze mesures ont été arrêtées, organisées autour de cinq thèmes et d’une promesse : transformer les économies ultramarines pour créer de l’emploi et lutter contre la vie chère ; améliorer la vie quotidienne dans les outre-mer ; mieux accompagner les enfants, les jeunes et les étudiants ; garantir un environnement normatif adapté à nos spécificités ; construire l’avenir avec des équipements et des infrastructures adaptés ; assurer un suivi interministériel régulier.

C’est la promesse d’un suivi interministériel qui a donné lieu, les 23 et 24 novembre dernier, à un premier bilan d’étape, par territoire, à votre invitation, monsieur le ministre. C’est cette promesse qui nous a conduits, à notre tour, à demander l’organisation de ce débat au Sénat, chambre des collectivités. C’est l’occasion pour nous, parlementaires, d’interroger le Gouvernement sur ses intentions et de lui demander de préciser un certain nombre de points.

Un point en particulier me tient à cœur et suscite des inquiétudes légitimes : il s’agit de la réforme de l’octroi de mer, comme vous le savez, monsieur le ministre.

En 2020, j’ai remis avec Vivette Lopez et notre ancien collègue Gilbert Roger un rapport d’information, sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020. Nous y avons souligné l’efficacité de ce dispositif de soutien à la production locale et rappelé l’importance d’une taxe dont le produit représente jusqu’à 45 % du budget de fonctionnement des communes. Toucher à l’octroi de mer, c’est toucher au peu d’autonomie fiscale dont ces dernières bénéficient.

J’aimerais donc que cette réforme, que souhaitent également les élus des territoires, soit menée en coconstruction avec l’ensemble des partenaires concernés, y compris le monde économique. En la matière, la prudence est de mise, monsieur le ministre.

Je formulerai à présent une suggestion : les bilans d’étape, aussi nécessaires soient-ils, ne sauraient suffire. Il nous faut mettre sur pied une méthode d’évaluation des politiques publiques décidées dans le cadre du Ciom. C’est une étape indispensable au succès de cette concertation.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Dominique Théophile. Enfin, je me ferai le porte-voix de mes collègues Teva Rohfritsch et Mikaele Kulimoetoke, qui appellent de leurs vœux la tenue d’un Ciom pour les territoires du Pacifique. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous dire quelques mots à ce propos ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tout d’abord d’avoir organisé ce matin au Sénat un débat sur le comité interministériel des outre-mer, dont vous avez souligné l’intérêt, à la suite de l’appel de Fort-de-France.

Ce comité traduit la volonté très forte du Gouvernement d’établir un nouveau lien avec les territoires ultramarins en ouvrant un nouvel espace de dialogue afin de leur donner une véritable visibilité sur l’ensemble des champs que vous avez évoqués, monsieur le sénateur. Vous connaissez mon implication en faveur de cette coconstruction et vous savez que, au-delà des engagements interministériels pris par la Première ministre au mois de juillet dernier, je suis résolu à avancer sur ces questions, comme cela a été le cas lors de nos deux jours de travail les 23 et 24 novembre dernier.

Nous avons franchi une première étape ensemble. Une nouvelle étape est prévue au mois de février prochain – vous en serez informé dans les prochains jours, monsieur le sénateur –, afin que nous puissions constater ensemble l’état d’avancement des soixante-douze mesures – soixante et onze mesures, plus l’engagement de tenir ces belles promesses dans le temps.

Je reviens sur l’octroi de mer et l’évaluation.

Comme je m’y étais engagé lors de nos deux journées de travail, cette réforme se fera dans le cadre d’une coconstruction. À cet effet, j’ai adressé aux préfets, aux présidents de collectivité, aux parlementaires, aux élus locaux et aux présidents des associations des maires – la coconstruction ne peut pas se faire uniquement avec les parlementaires –, dans tous les territoires concernés, une maquette financière de ce qu’il se passe à l’heure actuelle, ainsi qu’un rappel des engagements très fermes que nous avons pris ensemble. Ce courrier est en cours d’acheminement.

Il s’agit d’abord d’organiser un débat dans les territoires entre le préfet et tous les acteurs et de donner à ces derniers le temps de formuler des propositions.

Il est important de bien comprendre comment fonctionne l’octroi de mer dans chacun des territoires d’outre-mer, car il n’est pas appliqué de la même manière partout. Il convient donc de prévoir une démarche d’appropriation.

Viendra ensuite un temps de réflexion entre vous, auquel il faudra associer les consommateurs et le monde économique, que j’ai reçu il y a quelques jours.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Vous le voyez, la coconstruction est prévue. Vous serez destinataire des documents nécessaires et c’est ensemble que nous avancerons.

Enfin, madame la présidente, je conclus en précisant que les ressources des collectivités territoriales seront garanties. Au Sénat, cela a du sens de le dire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi pour commencer de remercier le président François Patriat, ainsi que l’ensemble de mes collègues du groupe RDPI, de nous accorder ce temps de discussion sur le Ciom.

Nous accorder ce temps, c’est reconnaître les territoires ultramarins, majoritairement représentés au sein de notre groupe, et l’intérêt de ce Ciom pour nos outre-mer. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement constant sur ces dossiers. Nous espérons qu’il continuera d’en être ainsi.

En Guadeloupe, 72 des 153 propositions émanant du congrès des élus de la Guadeloupe ont été retenues par le Gouvernement : certaines sont engagées, d’autres en cours de finalisation, voire achevées.

Nos premiers rendez-vous ont eu lieu les 23 et 24 novembre dernier. Il s’est alors agi de faire un état des lieux de la mise en œuvre du Ciom, et ce en toute transparence, le seul objectif étant d’améliorer le quotidien des Ultramarins.

Je fais le choix ce matin de vous interpeller sur deux sujets précis, monsieur le ministre : la problématique des sargasses et le renforcement du contrôle de la concurrence afin de lutter contre les pratiques abusives.

En premier lieu, parmi les mesures retenues par le comité interministériel des outre-mer du mois de juillet 2023 figurent la lutte contre les sargasses et les moyens afférents. La mesure 56 prévoit ainsi le lancement d’une initiative internationale. Ce fut chose faite le 2 décembre dernier à Dubaï lors de la COP28. On ne peut que saluer le volontarisme du Gouvernement à cet égard.

Vous connaissez mon engagement constant, monsieur le ministre, et celui de Frédéric Buval, mon collègue de la Martinique, que j’associe à mon propos, sur la question des sargasses. Pourriez-vous nous préciser quelles suites très concrètes sont prévues dans nos territoires respectifs et quels moyens sont fléchés vers les groupements d’intérêt public anti-Sargasses, dans le prolongement de cette initiative internationale ?

En second lieu, la réforme de l’octroi de mer que vous souhaitez inscrire très prochainement à l’ordre du jour de nos travaux, en 2024, ne peut être discutée en toute clarté sans que soit évoqué le contrôle de la concurrence afin de lutter contre les pratiques abusives. La cherté de la vie dans les outre-mer y trouve sa source, nous devons le dire haut et fort. Je serai particulièrement attentive à cette question.

En conclusion, j’insiste sur le fait que, à cadre constitutionnel constant – les articles 73 et 74 de la Constitution –, nous disposons de marges de manœuvre, puisque des politiques ascendantes adaptées à nos territoires sont possibles.

Nous devons penser l’adaptation des politiques publiques et nous placer sous le triptyque « proximité, pragmatisme, confiance ». Monsieur le ministre, je vous invite donc à penser l’adaptation des politiques publiques en envisageant leur territorialisation, mais également à réduire le fossé existant entre l’action publique et les usagers.

Dans son étude annuelle, qui a porté en 2023 sur l’usager, du premier au dernier kilomètre, le Conseil d’État a préconisé de penser l’atterrissage de l’action publique dans les outre-mer dès le départ.

Enfin, il est nécessaire d’évaluer tout dispositif que vous, que dis-je, que nous allons déployer dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Je n’ai pas eu le temps d’indiquer à Dominique Théophile qu’un rendez-vous sera prévu pour les territoires ultramarins hors départements et régions d’outre-mer (Drom), à savoir la Polynésie, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.

Madame la sénatrice Nadille, je vous répondrai précisément sur deux sujets.

Vous avez d’abord évoqué la lutte contre les sargasses et rappelé que je m’étais rendu à Dubaï, où une initiative internationale a été lancée par la France, avec le Costa Rica et la République dominicaine. Nous avons à présent le soutien du Mexique et de l’Union européenne. La région de la Guadeloupe est très impliquée dans cette initiative, la vice-présidente de la région était d’ailleurs présente à mes côtés.

Nous consacrerons plus de moyens à la lutte contre les sargasses, afin de mieux protéger les collectivités et les usagers, ainsi que les équipements de tourisme qui sont menacés. Il s’agit également de trouver des voies de valorisation.

Mon engagement à cet égard est total, ainsi que celui du sénateur Buval. D’ailleurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’un de ces amendements.

Madame la sénatrice, vous avez ensuite évoqué la concurrence. C’est un problème majeur dans la lutte contre la vie chère. J’ai parlé précédemment de la réforme de l’octroi de mer, dont le Ciom prévoit la mise en œuvre en 2027. Prenons ensemble le temps de la construction. Pour l’heure, nous renforçons les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui comptera dix salariés en plus.

Les normes relatives aux régions ultrapériphériques (RUP), qui entreront en application dès le mois de mars prochain, permettront de rendre les matériaux plus abordables. Le bouclier qualité prix (BQP), qui s’applique à 153 produits à La Réunion, sera étendu, car il a démontré toute sa pertinence.

Nous luttons également contre les monopoles. Nous avons ainsi saisi la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale afin de comprendre la fixation des prix et d’apporter une véritable réponse à la question de la vie chère.

Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Ciom contient nombre de mesures de tous ordres. La plus importante et la plus emblématique d’entre elles est certainement la réforme de l’octroi de mer.

Monsieur le ministre, je ne vous cache pas mon scepticisme quant à l’opportunité d’une telle réforme, qui aura un effet négatif certain sur les budgets des collectivités locales, sans pour autant apporter du mieux à nos économies ni même résoudre le problème de la vie chère, principal motif de mécontentement de nos compatriotes d’outre-mer.

Néanmoins, il est trop tôt pour se prononcer. Attendons les concertations et les groupes de travail. Pour ma part, j’ai demandé que la commission des finances du Sénat produise également une étude sur le sujet.

Nous avons voté avant-hier le projet de loi de finances pour 2024, dans lequel plusieurs mesures prévues dans le cadre du Ciom ont été insérées par le Gouvernement, signe que les choses avancent.

De ce Ciom, j’espère un accroissement du dynamisme des économies ultramarines afin qu’elles puissent enfin relever les principaux défis auxquels elles doivent faire face, qu’il s’agisse de la création d’emplois, de la construction de logements ou de l’augmentation du niveau de vie.

Aussi, je concentrerai mon propos sur les mesures économiques, bien que toutes les problématiques des outre-mer soient imbriquées les unes aux autres.

Allégements de charges, allégements d’impôts, crédits d’impôt ou encore défiscalisations : tous ces dispositifs méritent d’être évalués précisément. À cet égard, le rapport de juillet 2023 de l’inspection générale des finances (IGF) sur le régime d’aide fiscale à l’investissement productif (Rafip) est une première étape. De nombreux problèmes y sont pointés, de l’insuffisance des contrôles au ciblage aléatoire des dépenses fiscales. L’IGF s’étonne ainsi que « l’État ne dispose ni d’une répartition sectorielle ou géographique de [ces dépenses] ni même de données précises quant à la nature des actifs financés ». Je rappelle que le Rafip a représenté 827 millions d’euros en 2022.

Monsieur le ministre, vous avez introduit dans le projet de loi de finances pour 2024 plusieurs mesures issues des recommandations de ce rapport, qui ont connu des destins divers. Selon le document d’étape, « une réforme plus structurelle de la défiscalisation outre-mer » sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2025. Dans quelle mesure comptez-vous associer les parlementaires et les acteurs économiques à la préparation de cette réforme ? Surtout, quels en seront les objectifs ?

Par ailleurs, lors de son déplacement en Polynésie au mois d’août dernier, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a annoncé le lancement d’une mission sur les situations de monopole. Où en est-elle aujourd’hui ? Quelles en sont les conclusions ? Les autres territoires bénéficieront-ils de cette même mission ? Les monopoles et les abus de position dominante ont bien sûr un effet sur les prix, mais ils agissent également de manière négative sur la possibilité de développement économique en bloquant l’émergence de nouveaux acteurs.

Enfin, j’évoquerai un sujet spécifique à la Guyane, à savoir l’exploitation de ses ressources naturelles. Nous le savons – vous le savez –, la Guyane regorge de ressources naturelles : or, pétrole, bois, terres rares, ressources halieutiques. À l’heure où l’activité spatiale vacille, la Guyane a besoin d’un nouveau moteur. Le Guyana, grâce au pétrole, connaît la plus forte croissance mondiale : 57,8 % en 2022. Pourtant, le Ciom n’a prévu aucune mesure destinée à favoriser un développement endogène de la Guyane, fondé sur ses ressources naturelles.

M. Philippe Folliot. C’est vrai !

M. Georges Patient. Est-ce toujours une volonté du Gouvernement et du Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Philippe Folliot applaudit également.)

M. Philippe Folliot. Très juste ! Bonne question !

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je remercie le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants d’avoir inscrit l’organisation de ce débat à l’ordre du jour de nos travaux. Il nous permet d’interroger le Gouvernement sur la manière dont il compte appliquer « au plus vite » les mesures du comité interministériel des outre-mer. Le Ciom du 18 juillet 2023 a défini plus de soixante-douze mesures sur lesquelles il nous faut nous interroger aujourd’hui.

Je tiens également à vous remercier, monsieur le ministre. Si nous sommes en désaccord sur nombre de décisions politiques – ce n’est pas une surprise au regard de nos sensibilités différentes –, je salue votre réponse favorable à la participation des associations de consommateurs à la réforme de l’octroi de mer, réforme devenue indispensable pour permettre une pleine compréhension et acceptation de cet outil, dont il est fait un usage dévoyé, éloigné de ses missions premières. Cet outil est devenu complexe pour les entreprises et incompréhensible pour tous. Vous le savez, la transparence est donc nécessaire à la réussite de ces travaux.

La première réunion du comité de pilotage de la prise en charge des cancers dans nos territoires, qui s’est tenue conjointement avec votre collègue Agnès Firmin Le Bodo, mérite également, sans préjuger les résultats des travaux à venir, d’être saluée. Un tel comité gagnerait à être dupliqué pour nombre des mesures définies cet été.

Monsieur le ministre, j’en viens maintenant à la mesure 49 du Ciom, qui vise à « généraliser le “réflexe outre-mer” dans la fabrication de la norme ».

Ce réflexe outre-mer implique la juste considération de nos territoires et de nos populations, de leur singularité – l’éloignement, l’insularité, le surcoût de la vie, le caractère insuffisamment concurrentiel de leur économie et j’en passe –, mais aussi de la diversité qui règne au sein des cinq départements et régions d’outre-mer et des cinq collectivités d’outre-mer, sans oublier bien sûr la Nouvelle-Calédonie.

Ce réflexe est une promesse maintes fois évoquée depuis 2017, mais dont nous attendons toujours la concrétisation.

La plupart des ordonnances ont généralement pour objectif, d’une part, l’évitement démocratique du Parlement au profit de l’exécutif, d’autre part, une limitation des effets dévastateurs et non anticipés de textes souvent préparés sous un prisme hexagonal, ignorant totalement la réalité de nos territoires et de leurs habitants.

Ce qui pourrait passer pour une caricature n’est malheureusement pas vécu ainsi par nombre de parlementaires ultramarins et de corps intermédiaires.

À cet égard, la réforme des aides économiques intervenues au cours du précédent quinquennat dans le cadre de la loi de finances pour 2019 est un exemple symptomatique. Autant dire que beaucoup, qu’il s’agisse des élus ou des dirigeants de TPE ou de PME, craignent que la réforme de la défiscalisation ne soit qu’une pâle copie de la réforme économique de 2019.

Autre exemple, lors des trois réunions dites à tort « de concertation » sur les ordonnances prises au titre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les dizaines d’amendements proposés par les parlementaires des outre-mer ont eu peu de poids face à un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas).

L’oubli du réflexe outre-mer se poursuit, hélas ! dans le présent quinquennat.

À titre d’exemple, j’évoquerai le cas du diagnostic de performance énergétique (DPE). Alors que le Ciom a acté le report en 2028 de l’entrée en vigueur des DPE dans tous nos territoires, afin qu’ils puissent être logiquement adaptés à nos différents climats, l’article 50 du projet de loi de finances pour 2024, relatif notamment à MaPrimeRénov’, tel qu’il est actuellement rédigé, exclut nos territoires, sans pour autant anticiper la mise en place de DPE antillais ou de solutions de remplacement dans les autres territoires.

Monsieur le ministre, même si nos propositions ont reçu un avis défavorable du Gouvernement lors de l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » du projet de loi de finances pour 2024, nous vous saurions gré de modifier cet article avant son adoption finale, ou considérée comme telle, afin que nos territoires puissent également mettre en place ce dispositif dans les prochains mois.

Il s’agit en effet d’un levier important pour compenser la baisse productive, ou plutôt constructive, de la ligne budgétaire unique (LBU). Monsieur le ministre, si la hausse de la LBU est bienvenue, elle ne permettra malheureusement pas d’accroître la construction de logements sociaux, dont certains territoires ont tant besoin – c’est notamment le cas à La Réunion, où plus de 40 000 dossiers sont en attente. Et nous ne sommes pas le territoire où la dynamique démographique est la plus importante !

Le réflexe outre-mer, c’est aussi ne pas annoncer des mesures ou des dispositifs comme étant spécifiques aux outre-mer quand ils ne sont que la simple déclinaison de plans nationaux.

Il en est ainsi des contrats de convergence et de transformation (CCT) pour 2024-2027, qui sont en phase de finalisation pour un montant de 2,3 milliards d’euros engagés par l’État. Un bilan sera rapidement nécessaire.

Les précédents CCT, qui devaient initialement représenter un effort de 2,1 milliards d’euros de la part de l’État entre 2019 et 2022, ressemblaient beaucoup aux contrats de plan État-région qui les ont précédés. Ils intégraient en grande partie, en tout cas pour La Réunion, de nombreux investissements dans la formation, notamment les plans d’investissement dans les compétences. Plus d’un tiers des investissements contractualisés dans le CCT réunionnais étaient en fait la déclinaison locale d’un plan national de formation pour les années 2018-2022 déjà acté. Le contenu du CCT était donc éloigné de l’esprit initial de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

Le réflexe outre-mer ne consiste pas non plus à inclure dans le Ciom des plans nationaux ayant, par nature, vocation à être adaptés à chacun de nos territoires. Il y va de la réussite même de ces plans.

À titre d’exemple, la mesure 31 prévoit, entre autres, que « le soutien aux parents via le plan des 1000 premiers jours de l’enfant sera adapté aux contextes et enjeux des territoires ultramarins ». Encore heureux !

Faut-il craindre pour les autres politiques publiques ? Ne sont-elles pas adaptées dès lors qu’elles ne figurent pas dans les mesures du Ciom ? Soyons sérieux ! Il est urgent d’évaluer ces CCT. J’en ferai d’ailleurs la demande à la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Monsieur le ministre, j’évoquerai à présent le régime spécifique d’approvisionnement et l’abondement de 8 millions d’euros de ce dispositif, qui tarde à venir.

Ce dispositif a été mis en place au titre de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui reconnaît la situation structurelle, économique et sociale des régions ultrapériphériques, et vise à compenser les surcoûts. Il n’est en aucun cas destiné à être abondé par les collectivités locales. Un tel choix serait un non-sens et reviendrait, une fois de plus, à réduire la solidarité nationale.

Nos territoires devront-ils également financer les prochaines réévaluations de leurs coefficients géographiques ?

Nos éleveurs et nos agriculteurs ne peuvent plus attendre. Le Gouvernement ne peut plus imposer aux collectivités territoriales des responsabilités qui ne relèvent pas d’elles. Il faut débloquer ces 8 millions d’euros, il y va de l’avenir de nos exploitants. À défaut, si les engagements pris n’étaient pas tenus, ces derniers n’auront d’autres choix que de répercuter les surcoûts sur les consommateurs.

C’est une question d’emplois, de compétitivité face aux produits issus d’une importation très carbonée et, bien sûr, de pouvoir d’achat pour nos familles. Les 4 millions d’euros déjà actés par l’État doivent être complétés par 4 millions d’euros supplémentaires, conformément à l’engagement pris par le Président de La République lors de sa visite à La Réunion au mois d’octobre 2019. L’État a déjà réalisé des économies en n’abondant pas le régime spécifique d’approvisionnement les années précédentes.

Sans ce soutien, la mesure 14 du Ciom prévoyant l’accompagnement des plans de souveraineté alimentaire des territoires ne pourra être considérée comme étant mise en œuvre, contrairement à ce qui est indiqué dans le document qui nous a été transmis.

Monsieur le ministre, vous comprenez pourquoi je vous ai interpellé sur le réflexe outre-mer et pourquoi je vous demande d’y inviter inlassablement vos collègues. Nous craignons qu’une simple circulaire soit insuffisante, face à une histoire collective hexagonale qui nous ignore encore beaucoup, y compris dans les ministères.

Ce réflexe outre-mer est une exigence pour nos populations et nos territoires, qui n’aspirent, comme chaque Français, qu’à l’épanouissement.