Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Je vous invite à répartir une partie des 109 millions d’euros restants – 180 millions moins 71 millions – de la façon suivante : 37 millions d’euros pour le plan Écophyto, 30 millions d’euros au fonds hydraulique – somme que vous risquez néanmoins de récupérer en raison de la suppression de l’article 16 –…

Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, mon cher collègue !

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. … et 7 millions d’euros pour financer le bulletin santé du végétal, ce qui libérerait une somme équivalente pour le plan Écophyto. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Fargeot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Franck Menonville, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon propos liminaire, je tiens à souligner l’augmentation significative des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », une hausse de 23 % en crédits de paiement.

Dans un premier temps, j’évoquerai, parmi les évolutions majeures introduites par ce projet de loi de finances, la réduction de l’avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR), accompagnée de compensations, pour un montant de 70 millions d’euros pendant sept ans.

Je ne peux que me réjouir de l’application des propositions que nous avions faites dans le cadre de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France : revalorisation du plafond de revenus pour l’application du microbénéfice agricole, hausse des seuils de l’exonération des plus-values agricoles et relèvement du plafond de la déduction pour épargne de précaution.

Néanmoins, je tiens à insister sur le fait que cette opération est neutre, alors que nous pensions réaliser des gains de compétitivité. À ce stade, il faut veiller à l’effectivité et à la bonne répartition des compensations, afin de ne laisser aucune filière agricole ou aucun modèle de côté. Il sera donc nécessaire d’en assurer le suivi.

En outre, je veux saluer l’annonce que vous avez faite devant note commission, monsieur le ministre, d’une possible incitation fiscale supplémentaire pour les biocarburants et de la mise en place d’un fonds de 20 millions d’euros pour fournir des équipements décarbonés à la filière sylvicole.

Dans un second temps, permettez-moi de m’attarder plus particulièrement sur le volet forestier de ce projet de loi de finances qui est, à maints égards, une véritable source de satisfaction.

Premièrement, la dynamique de renouvellement forestier engagée dans le cadre du plan de relance, et relayée par France 2030, est pérennisée dans ce budget à hauteur de 250 millions d’euros. C’est essentiel compte tenu des besoins que l’on estime à 1,6 million d’hectares de forêt d’ici 2030. La forêt nécessite une vraie politique de long terme, menée avec constance. Tel est le sens de ce budget.

Autre élément de satisfaction, 200 millions d’euros sont destinés à l’accompagnement de l’aval, afin de dynamiser la transformation du bois, ainsi que l’utilisation et la mobilisation du bois de construction.

Par ailleurs, je veux rappeler le maintien pour la deuxième année consécutive des effectifs de l’Office national des forêts (ONF) – il nous reviendra là encore de pérenniser cette mesure dans le temps, notamment au travers du contrat entre l’État et l’ONF post-2025.

Je veux également saluer le financement de 21 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour le Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui permettra la mise en œuvre de la loi, d’initiative sénatoriale, du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie.

Enfin, concernant l’inventaire forestier en outre-mer, le Gouvernement a pris la mesure de l’enjeu, en finançant sa préfiguration à hauteur de 6 millions d’euros. Voté en 2014 et précisé en 2021 par le Sénat, il est très attendu, car il permettra d’améliorer la valorisation de la forêt ultramarine.

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. Il faut maintenant accélérer les recrutements nécessaires à la réalisation de cet inventaire. Tel est le sens de l’amendement de la commission des affaires économiques à l’article 41.

Mme la présidente. Merci, mon cher collègue !

M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, en remplacement de M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis.

M. Christian Redon-Sarrazy, en remplacement de M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprime devant vous au nom de mon collègue Jean-Claude Tissot, qui est malheureusement absent pour des raisons de santé et que je salue chaleureusement.

Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » seront en hausse d’un milliard d’euros l’an prochain. Cette augmentation est essentiellement due à la création de nouveaux fonds dédiés à la planification écologique.

Néanmoins, un examen détaillé de la ventilation de ces crédits supplémentaires et la réalité de leur mise en œuvre financière nous contraignent à nuancer quelque peu cette apparente bonne nouvelle.

Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui du fonds Entrepreneurs du vivant, pour lequel Jean-Claude Tissot s’est beaucoup impliqué. En septembre 2022, le Président de la République annonçait la création de ce fonds dédié notamment à l’accès au foncier via un partenariat entre l’État et les régions. Celui-ci devait être doté a minima de 400 millions d’euros.

Or, après un examen attentif de notre commission, il semble qu’une fois encore les promesses n’ont pas été tenues : d’une part, les régions n’ont pas été associées à ce fonds ; d’autre part, pas plus de 60 millions d’euros, soit 15 % seulement des crédits prévus, devraient être disponibles pour combler le déficit d’opérations foncières, alors que les besoins sont considérables.

Monsieur le ministre, je réitère la question que vous avait posée Jean-Claude Tissot lors de votre audition le 14 novembre dernier, et à laquelle vous n’avez pas répondu : à quoi seront affectés les 340 millions d’euros restants ? Le plus grand flou règne sur l’utilisation de ce fonds, ce qui suscite l’incompréhension légitime du monde agricole.

En outre, ce fonds n’est pas rattaché à la mission, mais au plan France 2030, ce qui a pour effet collatéral bien dommageable de disjoindre les réflexions sur cet outil des autres débats sur la politique agricole.

Aussi, pour en parler ce soir et obtenir des précisions sur son utilisation, à désormais trois semaines de la date annoncée de son lancement, la commission des affaires économiques a déposé un amendement d’appel.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas dupes des effets d’annonce, pas plus que les agriculteurs. Le constat est sans appel : les paysans acceptent volontiers de s’engager dans la transition agroécologique, mais on leur enlève les financements qui leur seraient nécessaires. La mise en œuvre de la nouvelle PAC a confirmé que les enveloppes dédiées à cette transition agroécologique accusaient une baisse très importante. Comment répondrez-vous à ce hiatus ?

En réalité, la création de multiples fonds auxquels on attribue des crédits dont l’affectation demeure inconnue masque mal votre manque d’ambition environnementale et climatique. Cette inaction nous coûtera cher au regard des enjeux cruciaux qui attendent notre pays en matière agricole.

L’augmentation globale des crédits de la mission est significative, ce dont nous nous félicitons. Mais nous émettons des réserves sur votre stratégie à long terme. Nous ne manquerons pas de le rappeler et de formuler nos contre-propositions lors des débats sur le futur projet de loi d’orientation agricole, dont on sait déjà que la question du foncier sera malheureusement absente, ce qui nous paraît totalement aberrant.

Malgré tout, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est prêt à voter les crédits de la mission, mais nous serons attentifs au sort qui sera réservé aux amendements que nous allons défendre dans quelques instants.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » bénéficiera en 2024 d’une augmentation de crédits – c’est indéniable –, mais cela suffira-t-il pour répondre aux enjeux stratégiques propres à notre agriculture ?

Ce secteur fait face à un triple défi : s’adapter et gérer les conséquences du changement climatique, assurer sa transition écologique et organiser le renouvellement générationnel, tout en maintenant la sécurité alimentaire. Le tout dans un contexte de crise alimentaire et énergétique et de concurrence exacerbée par la multiplication des accords de libre-échange.

Nous considérons que ce budget sera insuffisant, faute de vision stratégique pour relever tous ces défis et préserver un modèle d’agriculture familial de plus en plus fragile.

Venons-en aux détails.

D’abord, le soutien accordé aux mesures agroenvironnementales et aux aides à la conversion bio est en baisse. Il manquera 250 millions d’euros, alors qu’il s’agit des instruments de mutation qui nous permettraient d’adapter nos systèmes au changement climatique.

L’État n’est pas en mesure d’honorer ses engagements envers les paysans ayant signé un contrat en 2023. Et, pour 2024, les crédits de paiement sont en baisse par rapport à cette année, ce qui n’est pas acceptable.

Parallèlement, l’agriculture biologique connaît de grandes difficultés, notamment à cause de la baisse de la consommation liée à l’inflation.

Certes, un plan d’urgence a été lancé, mais les critères pour y accéder sont tellement restrictifs que de nombreuses filières ont dû déclasser une partie de leurs productions bio pour les réorienter vers le marché conventionnel, ce qui a entraîné une très forte baisse des prix payés aux producteurs, mettant toutes les filières en tension.

Sans compter que la disparition définitive des aides au maintien de la PAC régionalisée aggravera encore l’effondrement des filières bio.

Dans le même ordre d’idées, en étendant à près de 90 % des exploitations le bénéfice des écorégimes, nous diluons le soutien autrefois apporté à ceux qui investissaient beaucoup pour faire évoluer leurs pratiques. Nous perdons donc un effet de levier qui encourageait vraiment la transition agricole.

Par ailleurs, les crédits alloués à la planification écologique sont en hausse. C’est une bonne chose, même si nous n’en connaissons pas l’affectation. Ces crédits seront-ils fléchés vers des investissements en machines ? Accentueront-ils le « techno-solutionnisme » ?

Nous en connaissons pourtant les limites, surtout pour ce qui est de répondre à l’impératif de changer de modèle pour tendre vers une agriculture respectueuse de la terre et du vivant. Encore une fois, nous faisons face à un manque de traçabilité des fonds publics.

En outre, on nous répète à l’envi qu’il faut aider à l’installation des agriculteurs, mais dans le même temps, le montant de l’aide complémentaire aux revenus pour les jeunes agriculteurs n’est toujours pas connu, alors que leur versement doit intervenir d’ici quinze jours. Pire, le montant de cette aide est en baisse par rapport à ce qui était initialement prévu dans le plan stratégique national.

Aussi, aucun budget n’est réellement prévu pour l’installation des agriculteurs. Comment rester à ce point dans l’inaction, lorsque l’on sait que le nombre d’exploitations est passé d’un million dans les années 1990 à moins de 400 000 aujourd’hui ?

On nous parle de la nécessité de renforcer l’attractivité de la profession agricole, mais aucune mesure de ce budget ne met sérieusement en cause les modalités de fixation des prix et de rémunération des paysans. En effet, rien n’est prévu pour garantir à ceux qui nous nourrissent un prix juste et rémunérateur, tout en offrant aux Français les moyens de se nourrir.

Pire, avec votre réforme du revenu de solidarité active (RSA), vous augmentez le risque financier qui pèse sur de nombreux agriculteurs. Avez-vous pensé à ceux d’entre eux qui, faute de revenus suffisants, sont bénéficiaires du RSA et qui seront contraints d’effectuer, eux aussi, les quinze heures d’activité hebdomadaire obligatoires, alors qu’ils sont actifs sur leur exploitation ?

Enfin, et nous aurons l’occasion de revenir sur ce point durant les débats, comment pouvez-vous parler de souveraineté alimentaire, alors que vous faites la promotion d’une concurrence déloyale dans le cadre des traités de libre-échange ? Ces accords continuent de fragiliser la souveraineté alimentaire que vous prétendez défendre.

De nombreuses organisations syndicales le déplorent : ces conventions internationales anéantissent tout espoir de relocalisation de notre agriculture, ce qui permettrait pourtant de faire vivre nos territoires et de rémunérer le travail paysan.

Toutes les faiblesses de ce budget ont une tonalité tout aussi inquiétante dans les outre-mer. Les affaires liées au glyphosate ou au chlordécone ne sont pas les seuls scandales. Quels moyens mettrez-vous en œuvre pour garantir une véritable autonomie alimentaire dans nos territoires ultramarins qui considèrent la vie chère, l’éloignement et l’insularité comme des abandons de la République ?

Mme la présidente. Il faut conclure.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. À quand de vraies mesures pour que les territoires ultramarins atteignent une réelle autonomie alimentaire ? À quand un budget ambitieux qui redonne fierté et dignité aux travailleurs et aux travailleuses de la terre ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quel monde agricole aurons-nous affaire demain ? Et quel monde agricole souhaitons-nous aujourd’hui ?

Non, ce n’est pas de la provocation. Je pose ces deux questions de façon sincère. C’est tout le sens des budgets et des lois que nous votons dans nos assemblées. Il y en a beaucoup ; elles se succèdent dans tous les domaines. Pour ne parler que d’agriculture, je citerai la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014, les deux lois Égalim, la loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite loi Sempastous, etc.

Ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent. À ces problématiques s’ajoutent des enjeux transversaux auxquels, un jour, il faudra bien réfléchir ensemble, et non plus en silo, comme on le fait trop souvent. Mais quelle évaluation faisons-nous de nos politiques publiques ? Et quel impact nos différentes lois ont-elles ?

Le premier enjeu est bien celui de la souveraineté alimentaire, nous l’évoquons dans tous nos débats. Aujourd’hui, il existe une réalité dont on ne peut s’affranchir et qui recouvre plusieurs aspects. Par exemple, notre dépendance à l’importation de viande est de 30 %, elle atteint même 50 % pour les poulets. Je citerai aussi ces chiffres forts : notre pays ne compte plus que 400 000 agriculteurs, dont 50 % partiront à la retraite d’ici à dix ans. Cela pose le problème de l’attractivité du métier, de la transmission des exploitations et du foncier.

Deuxième enjeu : l’environnement. Les changements climatiques nous ont obligés à revoir nos modèles de production. Les agriculteurs français ont su s’adapter : en témoignent la haute valeur environnementale (HVE), l’agriculture raisonnée et le bio.

Mais dans un contexte d’inflation qui réduit le pouvoir d’achat des Français, et en raison d’une situation géopolitique dramatique qui a eu des incidences sur certains matériaux, les produits bio sont vendus au prix des produits conventionnels. Résultat : moins de conversions, et même des déconversions !

Les crises, qu’elles soient sanitaires ou climatiques, se succèdent. Il y a deux jours, je me suis rendu à un colloque sur le mal-être en agriculture où il a été question de « permacrise ».

L’agroclimatologue Serge Zaka, que j’ai rencontré récemment, propose un postulat : exit la monoculture ! Nous devons pousser les agriculteurs à diversifier leur production pour limiter les risques ; il faut aussi revoir nos modèles et nous adapter sans cesse.

Enfin, il convient d’avancer sur les paiements pour services environnementaux (PSE) : cela fait des années qu’ils existent et qu’on en parle, mais la complexité des critères est telle qu’ils demeurent confidentiels. Pourtant, je reste persuadé qu’ils sont la solution pour nos agriculteurs, qui, au-delà de nous nourrir, maintiennent le cadre de vie et favorisent le tourisme vert. Ils permettent également de maintenir les espaces ouverts, luttant ainsi contre les incendies, comme c’est le cas dans mon département.

Troisième enjeu : l’économie. Le prix n’est plus rémunérateur depuis des années. Le juste prix n’existe pas et un travail avec le négoce, les transformateurs et la grande distribution doit se poursuivre – s’opposer ne fera jamais avancer !

La lourdeur administrative fait perdre du temps aux agriculteurs déjà épuisés. Pensons une simplification qui soit faite non pas seulement pour eux, mais par eux et avec eux. Est-il vraiment si compliqué de simplifier ? Méditez cet exemple récent : un jeune a dû rembourser une partie de sa dotation jeunes agriculteurs (DJA), car, covid et inflation obligent, il n’a pas pu assumer son plan d’investissement – la double peine ! Ne pourrait-on pas appliquer un délai en fonction des aléas vécus ?

Concernant les accords internationaux, des évolutions sont là encore nécessaires. Imposons des clauses miroirs : il est scandaleux que des produits rentrent en France sans être soumis aux mêmes obligations – appliquer les mêmes pour tous, c’est le minimum !

Comment, dans ce contexte, annoncer des objectifs de compétitivité ? Le « en même temps » ne fonctionne pas toujours. Nous nous sommes réunis récemment autour d’une proposition de loi à ce sujet, mais la compétitivité ne se décrète pas : elle se construit à travers des mesures qui visent l’équité et la loyauté, faute de quoi elle restera un vœu pieux.

Dernier enjeu : l’adaptation à l’évolution sociétale. Notre agriculture doit correspondre aux évolutions des consommateurs, donc du marché. En effet, n’oublions pas que nous sommes dans un marché libéral qui nous oblige sans cesse à nous adapter.

C’est pourquoi nous attendons avec impatience la loi d’orientation et d’avenir agricoles, monsieur le ministre ! Pour que celle-ci soit efficace et ne soit pas qu’une loi de plus, il faudra y aborder tous ces enjeux dans le cadre d’un travail commun. Pour l’instant, le texte annoncé ne les aborde pas tous.

Monsieur le ministre, votre budget est à la hauteur des enjeux grâce à une augmentation de plus de 1 milliard d’euros. Il faut bien le reconnaître, c’est la plus forte progression constatée depuis plusieurs années. Voilà pourquoi le groupe du RDSE votera pour les crédits de cette mission.

L’État doit être présent, montrer sa solidarité et lutter contre le mal-être. Le programme Agriculture respectueuse de l’environnement en Aquitaine (Area), par exemple, doit être simplifié et amplifié pour les agriculteurs en difficulté.

Sans langue de bois, je veux aussi vous dire que les organisations professionnelles doivent s’emparer de leur avenir. Les syndicats souffrent d’un manque de représentativité à cause d’un taux d’abstention de 60 % aux élections – il n’y a pas que le monde politique qui soit frappé par le phénomène de l’abstention ! Cela témoigne d’une défiance à tous les niveaux. La gravité de la situation oblige à la raison. Les difficultés sont exacerbées par des causes conjoncturelles, mais elles s’enlisent et montrent un déficit structurel. Il faut donc entamer un travail de fond qui brise le tabou des clivages.

À quel monde agricole aurons-nous affaire demain ? Et quel monde agricole souhaitons-nous aujourd’hui ? Unissons-nous pour apporter des réponses partagées : notre agriculture et nos agriculteurs le méritent ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume : c’est une joie de constater que, cette année, les commissions saisies des crédits de cette mission ont émis un avis favorable à leur adoption ! Sauf coup de théâtre, nous pouvons donc espérer que ces crédits soient enfin votés au Sénat, après plusieurs années de turbulences.

Et pour cause : cette année, de nombreuses raisons justifient que nous votions ce budget. D’abord, son augmentation est significative ; ensuite, il répond aux crises du présent ; enfin, il prépare notre agriculture aux enjeux de demain.

Pour commencer, permettez-moi de revenir un instant sur la croissance historique qui caractérise ce budget. Le montant total de la mission pour 2024 s’établit à 4,75 milliards d’euros en crédits de paiement. Cela représente une augmentation significative par rapport à 2023 de l’ordre de 22,8 % : une croissance singulière à deux chiffres qui pourrait donner à ce budget des airs de « quoi qu’il en coûte » agricole – je reprends là les paroles du rapporteur spécial de la commission des finances.

Cette hausse significative est bienvenue, mais encore faut-il s’interroger sur la pertinence de la répartition des crédits de la mission. En l’occurrence, la répartition prévue cette année s’avère pertinente pour deux raisons : d’une part, ce budget permet de répondre aux crises du présent ; d’autre part, il prépare notre agriculture aux défis de demain.

Les conséquences du dérèglement climatique se font d’ores et déjà ressentir. C’est pourquoi l’État doit soutenir nos filières pour qu’elles puissent s’adapter, tout en préservant leur compétitivité. Or les crédits de la mission attestent justement d’un soutien significatif de la part du ministère envers les acteurs concernés.

Pour la deuxième année consécutive, les effectifs de l’Office national des forêts sont préservés. Par ailleurs, le présent budget engage des moyens supplémentaires dans le cadre de la création de la nouvelle mission d’intérêt général relative à l’adaptation au changement climatique et à la défense de la forêt contre l’incendie.

Je tiens également à souligner deux avancées majeures pour les acteurs forestiers, obtenues par nos collègues députés : la réévaluation du budget consacré à la défense des forêts contre les incendies et l’augmentation des effectifs du Centre national de la propriété forestière, établissement public qui gère les forêts privées. La hausse initiale de 5 ETP est désormais portée à 16 ETP, ce qui permettra à cet établissement d’assumer les nouvelles missions qui lui ont été conférées par la loi du 10 juillet 2023. Cette demande forte des acteurs a été entendue, je pense que nous pouvons nous en réjouir.

Mes chers collègues, lorsque j’évoque le soutien aux filières, je pense également à l’agriculture biologique. Au-delà des fonds de crise et d’urgence déployés, la filière bio doit aujourd’hui faire face à des évolutions de marché qui menacent la dynamique d’augmentation de consommation observée ces dernières années. Or les producteurs décidant de s’engager dans la conversion doivent pouvoir trouver des débouchés.

Notez que 10 millions d’euros supplémentaires permettront de porter le montant total du fonds Avenir Bio à 18 millions d’euros, ce qui assurera le financement d’actions de communication pour inverser la tendance. N’oublions pas les 825 millions d’euros d’ouverture de crédits, votés dans la récente loi de finances de fin de gestion, qui permettront d’aider les filières en matière d’arrachage ou de vaccination contre l’influenza aviaire.

Voilà autant d’exemples qui viennent confirmer que ce budget apporte des réponses adaptées aux crises actuelles. Mais loin de se limiter au présent, ce budget s’intéresse également à l’avenir. Comme le disait le philosophe dijonnais Maurice Blondel, « l’avenir ne se prévoit pas, il se prépare ».

Tel est, je le pense, l’état d’esprit qui a présidé à l’élaboration du présent budget, qui adapte notre agriculture aux enjeux de demain et justifie l’effort significatif dont témoigne cette mission.

Comment ? D’abord, en accompagnant les acteurs dans la transition écologique. Les moyens dédiés à la planification écologique seront augmentés à hauteur de 1,3 milliard d’euros dès 2024.

Préparer notre agriculture pour l’avenir exige également que nous puissions assurer notre souveraineté alimentaire, qui va de pair avec la sécurité alimentaire. C’est la raison pour laquelle ce budget renforce la prévention des risques sanitaires, dans le domaine tant végétal qu’animal.

Au titre du programme 206, plus de 900 millions d’euros seront mobilisés pour prévenir et lutter contre les risques sanitaires dans les 145 000 exploitations d’élevage et les 59 000 exploitations viticoles de notre pays. Cela représente une hausse des crédits de 38 % par rapport à 2023, qui s’explique par la volonté de favoriser le changement des pratiques afin de préserver la santé publique et l’environnement.

À ce sujet, la France s’engage dans la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, notamment au travers du plan Écophyto 2030. Notre pays doit continuer à rechercher des solutions de substitution tout en accompagnant les agriculteurs.

Construire le modèle agricole de demain, c’est également miser sur les jeunes, l’enseignement et le renouvellement des générations. Notre groupe se réjouit donc que le ministère place l’enseignement technique agricole au cœur de son action.

Avec la nouvelle allocation dont bénéficieront les élèves stagiaires de la voie professionnelle et la mise en place du pacte enseignant, nous pourrons mieux rémunérer les professeurs et les conseillers principaux d’éducation, tout en rémunérant les personnels volontaires pour l’exécution de missions complémentaires.

De plus, l’enveloppe de 1,3 milliard d’euros consacrée à la planification écologique constitue un virage important. Elle permettra de financer des politiques publiques très concrètes, comme la replantation de 50 000 kilomètres linéaires de haies d’ici à 2030 dans le cadre du pacte en faveur des haies. Il s’agit d’un plan essentiel qui rappelle le rôle central de nos agriculteurs et l’intérêt que présentent les haies pour la préservation de la biodiversité, la rétention de l’eau et la lutte contre les inondations. À bien regarder les évolutions de la pluviométrie dans notre pays, un tel pacte s’avère indispensable.

Notre groupe salue également les 15 millions d’euros supplémentaires alloués au compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar), portant ainsi le montant total du compte à 141 millions d’euros.

Enfin, notre groupe souhaite que les amendements votés en première partie de ce PLF visant à relever le montant de taxe affectée aux chambres d’agriculture pour 2024 soient pérennisés dans le cadre de la navette parlementaire.

Pour conclure, vu l’augmentation historique des crédits de la mission et la pertinence de leur répartition, le groupe RDPI votera pour l’adoption de ce budget, symbole d’une agriculture résiliente et préparée pour affronter les défis de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)