M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 59 milliards d’euros en 2010, puis 56,9 milliards en 2014, puis 47,1 milliards en 2017, puis 51,9 milliards d’euros 2020, et enfin 55,3 milliards d’euros en 2023. Il s’agit là non pas des gains proposés par la Française des jeux (Sourires.), mais bien de l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités locales.

M. François Bonhomme. C’est tout autant la loterie !

M. Didier Rambaud. Après une diminution significative entre 2010 et 2016, force est de constater que, depuis 2017, ces concours n’ont fait qu’augmenter ! Pourtant, les crédits de la mission reflètent une légère tendance à la baisse. Pourquoi ? Tout simplement en raison du contexte de ce projet de budget, autrement dit la fin du « quoi qu’il en coûte ».

En effet, ces légères baisses de crédits sont principalement dues à l’extinction progressive de la dotation de soutien à l’investissement local exceptionnelle ouverte pendant la crise sanitaire et à la fin des aides exceptionnelles liées à la tempête Alex.

Mais, en dehors de ces extinctions, je constate sans ambiguïté qu’en 2024 l’État soutiendra encore massivement les collectivités locales, à hauteur de 104,5 milliards d’euros : une progression d’environ 1,3 milliard d’euros par rapport à 2023.

Qu’il s’agisse de la DGF, de la DETR, de la DSIL ou encore de la DTS – ces acronymes à l’aspect indigeste –, l’ensemble de ces dotations se stabilisent, lorsqu’elles n’augmentent pas ! Je m’en réjouis, madame la ministre, car nos collectivités sont de véritables leviers de développement, créatrices de solutions face aux crises que nous connaissons.

Il était donc logique que le projet de loi de finances pour 2024 poursuive la trajectoire des budgets précédents : celle d’un effort financier massif pour permettre aux élus bâtisseurs et rénovateurs de nos territoires d’agir.

Comment se concrétise dans le détail cet effort financier ? Au fond, ce projet de budget prévoit d’accompagner les élus locaux autour de quatre axes : un accompagnement en fonctionnement ; un accompagnement en investissements ; un autre guidé par la boussole de la transition écologique ; enfin, un accompagnement de toutes les collectivités, dont celles de la ruralité.

Soutenir utilement les élus locaux, c’est d’abord les accompagner dans leurs dépenses du quotidien. À ce sujet, permettez-moi d’avoir un mot sur la DGF.

Cette dotation augmentera – c’est indéniable – pour la deuxième année consécutive, cette fois à hauteur de 320 millions d’euros supplémentaires. En 2024, mes chers collègues, 90 % de nos communes bénéficieront d’une DGF constante ou en augmentation.

J’entends déjà les critiques des associations d’élus locaux, mécontentes de ne pas voir leur exigence d’indexation de la DGF sur l’inflation reprise par le Gouvernement…

Mme Françoise Gatel. Eh oui, c’est normal !

M. Didier Rambaud. Pourquoi une telle indexation ne voit-elle pas le jour ?

Pendant treize ans, même lors des précédentes périodes d’inflation, la DGF était diminuée ou stabilisée. Par ailleurs, si l’inflation a des conséquences sur les dépenses des collectivités, elle en a également sur leurs recettes… Enfin, je rappelle que tout le monde subit l’inflation, à commencer par nos concitoyens, qui ont fait l’objet d’une attention particulière de l’État ; il en a été de même pour les collectivités et les entreprises.

La question cruciale ne se situe pas, à mes yeux, sur le terrain de l’augmentation de la DGF ou de son indexation sur l’inflation.

Les élections sénatoriales de septembre dernier ont été pour tous les candidats l’occasion de rencontrer de nombreux élus locaux. Parmi les enseignements de cette campagne, je retiendrai une attente forte : celle d’une réforme permettant de moderniser la DGF, devenue aujourd’hui illisible. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Il nous faut désormais la reconstruire et en faire un outil compréhensible, efficace et juste.

M. François Bonhomme. C’est l’Arlésienne !

M. Didier Rambaud. Je sais, madame la ministre, que vous comptez y travailler avec l’aide d’André Laignel. Je vous souhaite donc bon courage pour y parvenir dès que possible ! (Mme Françoise Gatel sesclaffe. – Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, accompagner les élus locaux dans leurs tâches du quotidien, c’est également augmenter la DTS, dont le montant total atteint 100 millions d’euros, afin de réduire les délais d’obtention d’une carte d’identité ou d’un passeport.

Je n’oublie pas non plus le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, présenté en juillet 2023 et décliné en douze mesures, pour un montant total de 5 millions d’euros financés dans le programme 122, non plus que le fonds d’accompagnement des collectivités pour la réparation des dégâts et dommages contre les biens des collectivités résultant des violences urbaines survenues depuis le 27 juin 2023 : autant de moyens financiers non négligeables pour accompagner les élus locaux au quotidien.

Ces derniers attendent également un soutien de l’État pour l’avenir. Et lorsqu’il est question d’avenir, c’est bien d’investissement qu’il faut parler.

Depuis dix ans, la DSIL et la DETR représentaient environ 2 milliards d’euros de dotations. Pour la première fois, en 2023, nous obtenons 2,5 milliards d’euros supplémentaires.

Au total, si l’on conjugue l’ensemble des dotations à l’investissement local, leur montant total représentera en 2024 plus de 12 milliards d’euros destinés à soutenir des projets de nos élus locaux.

Le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) est également un outil important pour les élus locaux. Le périmètre de cet outil désormais automatisé intégrera dès 2024 les dépenses liées aux aménagements de terrain. Cela représente au total 7 milliards d’euros, qui sont aujourd’hui automatiquement remboursés aux collectivités. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. C’est Noël !

M. Didier Rambaud. Si les élus locaux sont bel et bien accompagnés pour leurs dépenses de fonctionnement comme d’investissement, vous conviendrez, mes chers collègues, que cet accompagnement doit répondre à l’enjeu de notre siècle : la transition écologique.

Ce budget apporte sa pierre à l’édifice grâce à plusieurs dispositifs, à commencer par la pérennisation du fonds vert, à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Je pense également à la préservation du patrimoine naturel de nos campagnes, au travers de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales, qui passe de 40 à 100 millions d’euros en 2024.

Parce que la transition écologique est un défi qui concerne tous les territoires, il est primordial que l’État soutienne l’intégralité de nos collectivités, y compris notre ruralité. C’est le sens du plan France Ruralités, dont vous assurez la mise en œuvre, madame la ministre.

Je salue également le dispositif des 100 chefs de projet Villages d’avenir, qui seront déployés dans les territoires, ainsi que les 40 millions d’euros mobilisés pour l’ingénierie de projet dans les territoires. Ces financements sont certes fléchés dans la mission « Cohésion des territoires », mais il me semblait important d’avoir un mot pour ces actions bienvenues.

Depuis 2017, l’accompagnement financier des collectivités locales face aux crises est notre boussole. Cela a porté ses fruits, si l’on en croit les conclusions de la Cour des comptes, laquelle indique dans un rapport publié en 2022 que « la situation financière des collectivités territoriales est saine, même en sortie de crise ».

Si certains désirs en matière d’autonomie fiscale doivent être pris en compte pour l’avenir, force est de constater que 2024 marque une nouvelle étape décisive dans l’accompagnement financier des collectivités au service de nos élus locaux. C’est la raison pour laquelle le groupe RDPI votera les crédits de cette mission. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Harribey. Tout va bien !

M. Mathieu Darnaud. Ça, c’est une surprise !

M. Didier Marie. Le contraire eût été étonnant…

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne sais pas pourquoi je prends la parole après notre collègue Didier Rambaud : à l’en croire, les choses vont tellement bien… (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Mathieu Darnaud rit.)

Chaque fin d’année, le Gouvernement nous dépeint des collectivités assises sur un tas d’or, quand, avec les élus locaux, nous tentons d’expliquer qu’il n’en est rien et qu’asphyxier les collectivités ne fera qu’aggraver la crise sociale et la fracture territoriale.

Cependant, pour mieux les faire contribuer au déficit des comptes publics, qu’il aggrave lui-même par la suppression des impôts locaux, le Gouvernement préfère voir le verre à moitié plein : des collectivités qui ont su résister à la crise de la covid-19 et au choc inflationniste, bien qu’il y ait de fortes disparités entre strates. Il justifie ainsi la poursuite d’une politique qui fragilise le service public comme notre modèle social, en baissant les impôts et en refusant la contribution des plus aisés.

Il s’agit, une fois encore, de l’autonomie financière et de la libre administration des collectivités locales. Se pose aussi la question de la considération envers les collectivités locales de la part de l’État, lequel ferait mieux, au lieu de les contraindre ou de les considérer comme accessoires, de leur faire confiance et de leur permettre d’agir. C’est tout le sens de l’appel des élus girondins, samedi dernier à Bordeaux, face au désengagement financier de l’État. (Mme Laurence Harribey acquiesce.)

La restriction des moyens financiers n’est pas récente : depuis 2010, à force de diminution et de non-indexation, les collectivités locales ont perdu 62 milliards d’euros de DGF. Mais depuis 2017, cette restriction s’est accélérée. L’an dernier, le manque à gagner lié au défaut d’indexation de la DGF sur l’inflation a été plus important que lorsque cette dotation était gelée et l’inflation quasi nulle.

Depuis 2017, cette restriction des moyens financiers s’est doublée d’une forme d’« infantilisation » des collectivités et d’une recentralisation rampante. Au-delà des pactes de Cahors de première et seconde générations, elle s’opère notamment par une nationalisation d’impôts qui ne sont jamais compensés à l’euro près – taxe d’habitation, foncier d’entreprise et désormais CVAE –, laquelle abîme le lien entre les collectivités et leurs territoires.

La soutenabilité de la compensation par la TVA est tout aussi injuste que risquée en cas de ralentissement de l’activité économique. La Cour des comptes ne s’y trompe pas et « invite à ne pas réduire davantage le panier d’impôts locaux des collectivités ».

L’année 2024 n’échappe pas à la tendance qui se dessine depuis 2017. Alors que le contexte économique est marqué par l’incertitude et la persistance de l’inflation, le budget alloué aux collectivités locales est de nouveau marqué par une baisse de moyens et une recentralisation. Pourtant, les besoins de financement sont nombreux, qu’il s’agisse des dépenses de solidarité pour les départements, ou, plus structurellement, des dépenses nécessaires à la transition écologique.

La Cour des comptes alerte sur des perspectives en demi-teinte, soulignant un besoin de financement de 2,6 milliards d’euros en 2023, puis de 2,9 milliards d’euros en 2024. Avec l’inflation, la hausse des dépenses d’énergie et la hausse – nécessaire, mais non compensée – du point d’indice, les dépenses de fonctionnement pourraient augmenter de 5,8 %, soit le plus fort taux d’évolution depuis seize ans.

En face, le ralentissement économique freine le dynamisme de la TVA et celui des DMTO. Selon la direction des études de la Banque postale, « l’effet de ciseau », apparu en 2022, persiste, avec un différentiel de 2,6 points entre les dépenses et les recettes, et même de 5,4 points pour les départements. Cet effet entraîne, bien entendu, une diminution de l’autofinancement.

Force est de constater que le projet de loi de finances pour 2024 ne répond que très partiellement aux défis auxquels les collectivités françaises sont confrontées. Une fois de plus, nous observons une perte de leurs marges de manœuvre financières et fiscales. L’augmentation de la DGF concédée par le Gouvernement ne compense pas l’inflation, et vous avez de nouveau refusé l’indexation proposée par notre groupe, alors que celle-ci donnerait davantage de visibilité.

Après la suppression de la taxe d’habitation, vous parachevez celle de la CVAE, coupant encore davantage le lien entre les collectivités et les entreprises de leurs territoires. Contrairement à ce qui a été affirmé, cette suppression n’est pas compensée à l’euro près, et elle est recyclée dans le fonds vert tout en étant, par un tour de passe-passe, présentée comme une ressource nouvelle.

Quant au filet de sécurité électricité, il n’a pas répondu à la situation d’urgence. Il avait été annoncé que 22 000 collectivités seraient concernées ; finalement, 2 941 en ont bénéficié, et 2 531 communes devront rembourser l’avance reçue à la fin de 2022. Cherchez l’erreur…

Au final, toutes données confondues, les collectivités perdraient 2,2 milliards d’euros de ressources en 2024. Alors qu’elles ne sont responsables que de 8 % de la dette publique locale et qu’elles assument 70 % de l’investissement public, l’État les soumet à des injonctions contradictoires : économiser, au travers d’une baisse annuelle des dépenses de fonctionnement de 0,5 %, mais investir davantage.

Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), pour respecter la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), les collectivités devraient doubler leur investissement annuel d’ici à 2030. Les marges de manœuvre concédées par le Gouvernement classent cette hypothèse au rang de fiction.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » est donc à replacer dans ce contexte plus large, qui a été débattu en première partie de ce projet de budget. Ses crédits représentent 8 % des concours financiers de l’État aux collectivités et 4 % du total des transferts financiers. Cette mission n’intègre donc qu’une faible partie des crédits pour les collectivités locales.

Le budget de cette mission s’inscrit en baisse, principalement en raison de l’extinction de plusieurs dispositifs exceptionnels du programme 122. On soulignera néanmoins l’ouverture de 5 millions d’euros pour la mise en œuvre des mesures dans le cadre du plan national de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus.

Le programme 119 se caractérise par la stabilité de ses crédits, à relativiser toutefois au regard du contexte inflationniste.

Ce programme est marqué, à la fois, par une extinction des dispositifs de soutien exceptionnels aux collectivités, par exemple la DSIL exceptionnelle, partiellement compensée par une hausse des dotations de soutien aux projets des communes, à savoir : la dotation forfaitaire relative à la délivrance des titres sécurisés, en augmentation de 47,6 millions d’euros, ce dont on peut se féliciter au vu des attentes locales que nous connaissons tous ; et la dotation de soutien pour la protection de la biodiversité, en augmentation d’à peu près 60 millions d’euros.

Nous accueillons favorablement, par ailleurs, la reconduction du fonds vert, instrument destiné à soutenir la transition écologique. Toutefois, nous tenons à souligner le manque d’informations destinées aux élus locaux, qui affecte très fortement l’efficacité et l’utilisation de ce dispositif. Par ailleurs, il existe une hétérogénéité dans l’application dudit dispositif entre les territoires.

Nous notons à regret que les montants de la DETR et de la DSIL ne connaissent pas d’évolution positive.

Nous souhaitons que la DETR soit ciblée prioritairement sur les territoires ruraux, et que la DSIL soit décidée au niveau départemental, après avis de la commission départementale.

Enfin, s’agissant des articles rattachés à la mission, ils prévoient, d’une part, des mesures relatives à la répartition de la DGF, et, d’autre part, des mesures relatives aux modalités de calcul et de répartition de divers concours financiers.

Pour ce qui concerne la DGF, nous saluons la mise en place de la dotation en faveur des communes nouvelles, actée à l’article 25 ter. Il s’agit du fruit d’un rapport flash de Françoise Gatel et de votre serviteur portant sur les communes nouvelles. (M. Loïc Hervé acquiesce.) Plus structurellement, il reste à opérer une réforme globale de la DGF et de ses dimensions péréquatrices ; il s’agit d’un engagement du Gouvernement : nous verrons donc.

Pour ce qui concerne les autres concours, nous saluons la réforme de la part de la protection fonctionnelle de la DPEL, la dotation particulière « élu local », que nous défendions.

En conclusion, cette mission budgétaire est loin de retracer l’ensemble des relations financières entre l’État et les collectivités locales. Nous ne voterons donc pas défavorablement sur ces crédits.

M. Éric Kerrouche. Nous souhaitons néanmoins rappeler, une nouvelle fois, notre attachement à l’autonomie financière des collectivités et notre souci de garantir les moyens d’investissement de nos collectivités locales. C’est une question de réalisme budgétaire au regard des défis, notamment écologiques, à relever, mais aussi un impératif démocratique : un meilleur pilotage des finances locales est le garant de la libre administration des collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Loïc Hervé applaudissent également.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ». (Sourires. – M. Guy Benarroche applaudit.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Mathieu Darnaud. Cette phrase de Francis Blanche illustre, à mon avis, toute la philosophie que sous-tend cette mission budgétaire : le refus de voir la réalité que connaissent nos collectivités territoriales.

Cette réalité devrait vous inciter à vous orienter vers un horizon de réformes, notamment budgétaires, permettant de penser les problématiques rencontrées par nos collectivités. Au lieu de cela, vous vous contentez de mesures conjoncturelles, pour ne pas dire de « rustines ».

Nos deux rapporteurs spéciaux, notamment notre excellent collègue Stéphane Sautarel, ont rappelé qu’un mur d’investissement se dressait devant nos collectivités, et singulièrement devant nos communes, auquel s’ajoute une inflation rampante qui les frappe de plein fouet.

Face à ce mur d’investissement, vous répondez par des mesures que je qualifierai de transitoires et, à tout le moins, insatisfaisantes ; je pense notamment au filet de sécurité, dont on a pu juger de l’inefficience.

Vous avez également refusé de voir une autre réalité : la problématique financière. La fin de l’autonomie fiscale de nos collectivités est en effet programmée, notamment au travers de la suppression de la taxe d’habitation et de celle, qui est devant nous, de la CVAE.

Ce projet de budget illustre votre refus de voir cette réalité vécue comme anxiogène par l’ensemble des élus locaux – communaux, départementaux ou régionaux –, tant ils ont de mal à assumer leurs compétences.

Nous pourrions nous réjouir de quelques mesures clairsemées telles que la dotation relative à la délivrance des titres sécurisés ou la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales.

Bien sûr, nous accueillons ces décisions avec satisfaction. Mais gardons-nous de tout triomphalisme ! Il suffit pour s’en convaincre de voir comment les dotations qui devaient bénéficier, notamment, aux voiries communales, ont fini dans le dernier projet de loi de finances… Là encore, ce fut une véritable déception pour nombre de nos territoires.

Pour en revenir aux mesures structurelles, nous regrettons assez largement dans cet hémicycle que ce budget manque d’un souffle décentralisateur, d’une réponse à l’aspiration forte de déconcentration qui ne cesse d’être exprimée par nos élus locaux. Les différentes dotations, quand bien même elles seraient stables, souffrent assurément d’une absence d’agilité. Je pense notamment à l’accès à la DETR, à la DSIL ou au fonds vert, dont les élus réclament à l’envi qu’il soit simplifié.

Pour ce qui concerne la gestion en silos via les agences de l’État – sujet qui ne concerne pas directement la présente mission budgétaire –, il conviendrait d’agir puissamment en vue de mettre en œuvre la simplification qu’appellent de leurs vœux l’ensemble des élus, ceux-là mêmes qui ont tant donné durant les périodes de crise, et particulièrement lors de la récente crise sanitaire.

Madame la ministre, nous acceptons, bien sûr, de débattre, d’être force de proposition et d’améliorer finalement les choses lors de l’examen des crédits de cette mission. Mais il faut aller beaucoup plus loin.

Lorsque je dis que ce projet de budget manque de souffle, j’entends par là qu’il ne traite pas des sujets essentiels : la DGF, dont le Président de la République lui-même a dit qu’il fallait la réformer, mais aussi d’autres questions qui sont au cœur des préoccupations des collectivités.

Nous souhaitons que ce budget panse les plaies financières de nos communes, mais surtout qu’il permette d’amorcer un débat de fond afin que nous puissions répondre aux besoins et aux attentes de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à examiner les crédits alloués aux collectivités territoriales. Dans un contexte difficile mêlant inflation galopante et atonie économique, le texte du Gouvernement entérine une nouvelle baisse scandaleuse des marges de manœuvre financières des collectivités.

Nos collectivités souffrent ; vous le savez, comme nous le savons. Nos élus engagés pour le bien commun de leurs concitoyens sont souvent laissés démunis face à un manque criant de marges de manœuvre financières et à un droit des collectivités locales dont la complexité et la paperasserie sont telles qu’elles les empêchent bien souvent d’agir.

Faible mesure de votre budget, vous annoncez une revalorisation de 220 millions d’euros de la DGF. Certes, nous saluons tout ce qui peut soutenir les finances des collectivités et leur autonomie. Mais c’est oublier que ce gouvernement et le syndicat de faillite qui l’a précédé, largement représenté sur ces travées, ont profondément altéré les financements de nos collectivités territoriales : division par deux de la DGF sous François Hollande ; réforme continue de la fiscalité locale sous Nicolas Sarkozy et, surtout, sous Emmanuel Macron, avec la suppression de la taxe d’habitation, de la CVAE, et j’en passe.

Ainsi, en douze ans, ce sont 40 milliards d’euros de fiscalité locale qui ont disparu. Pour compenser ces pertes ont été prévus un transfert massif de TVA, impôt injuste pour les plus modestes et déterritorialisé pour nos collectivités, ou des dotations à la main de l’État qui mettent en cause l’autonomie financière des collectivités territoriales, un principe pourtant constitutionnellement reconnu.

Malgré votre bonne volonté affichée, madame la ministre, la sonnette d’alarme retentit partout. Nos départements sont en état de quasi-faillite, et la plupart des grandes villes sont surendettées, le plus souvent sous une majorité d’union de la gauche. Quant aux régions, il ne leur reste que des mesures cosmétiques à prendre, pour faire croire à nos concitoyens que leur rôle est encore décisif.

Ces crédits de pis-aller rappellent encore une fois que c’est d’un nouvel acte fondateur de décentralisation que nous avons besoin. Transition écologique, services publics du quotidien, attractivité des territoires : le Rassemblement national est persuadé que les collectivités pourraient répondre à ces défis si elles disposaient d’une autonomie réelle et d’une capacité d’action.

Face à ces épreuves et à la détresse de nos élus locaux, engagés bien souvent nuit et jour pour leurs territoires, ces crédits ne répondent pas à leurs besoins et aux demandes d’égalité territoriale qu’expriment nos compatriotes de la France rurale et périurbaine. Plus que jamais, notre assemblée, qui représente les collectivités, doit se lever pour défendre leur dignité et leurs moyens d’action.

Le Rassemblement national votera, dans un esprit de pragmatisme, toutes les dispositions permettant de soutenir nos collectivités et d’augmenter leurs moyens libres et autonomes.

Certes, nous savons que ces crédits passeront par le tamis antidémocratique de l’article 49.3. Néanmoins, nous appelons le Gouvernement à appuyer toutes les mesures issues du travail du Sénat visant à soutenir les finances des collectivités et leurs actions décisives pour le développement de nos territoires.

À cet égard, nous proposerons l’indexation de la DSIL et celle de la DETR sur l’inflation, des mesures hautement nécessaires pour soutenir l’investissement public local. À l’heure où la conjoncture économique est plus que jamais incertaine, cet investissement local constitue le moyen le plus sûr de soutenir nos entreprises, d’accélérer les transitions et de concourir à l’égalité des territoires.

En tout état de cause, nous n’excluons pas de voter la version sénatoriale, amendée, de cette mission. (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons, dans le cadre de cette mission, les financements accordés par l’État aux collectivités locales. Ces crédits sont notamment destinés à soutenir leurs investissements et à leur permettre d’assurer les nouvelles compétences transmises dans le cadre de la politique de décentralisation.

C’est leur capacité à assurer les services publics de proximité qui est en jeu. Ici, dans la chambre des territoires, nous attachons donc à cette mission une attention toute particulière.

De manière générale, nous constatons que les crédits baissent. Cela s’explique en partie par l’arrivée à péremption de certains dispositifs exceptionnels de soutien qui avaient été proposés l’année passée. Pour autant, certaines difficultés perdurent. Cela a été dit, l’inflation poursuit sa course et entraîne les collectivités locales dans d’importantes difficultés budgétaires.

Depuis 2017, le montant de la DGF s’est maintenu et a même augmenté ; cela n’est pas contestable. Néanmoins, cela ne rattrapera pas les cinq années de baisse du quinquennat de François Hollande. L’augmentation des dotations est une bonne nouvelle, même si nous regrettons l’absence d’indexation pérenne de la DGF sur l’inflation.

Dans ce contexte, nous appelons à poursuivre les dispositifs de soutien en faveur de l’échelon local, et plus particulièrement de l’échelon communal, qui est, selon nous, celui qui souffre le plus. Il est nécessaire de permettre aux élus d’avoir une vision claire de leur budget en début de mandat.

Rappelons que 70 % des investissements sont réalisés à l’échelle de la commune. Il n’est pas normal que ces réalisations soient soumises à des subventions de collectivités partenaires – départements, régions, communautés de communes – qui, parfois, politisent l’aide apportée. Dans certains cas, cela s’apparente à une privation de la liberté de parole des élus locaux, obligés de taire leur point de vue par crainte de perdre leurs subventions.

Rendre leur liberté et leur autonomie financière, via la DGF, aux maires et aux communes serait accomplir un grand progrès en faveur de nos collectivités. En effet, ces crédits investis localement permettent de faire vivre le territoire et l’ensemble des acteurs économiques.

La dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales bénéficie d’un budget conséquent pour 2024.

Comme notre collègue Mathieu Darnaud l’a indiqué, ces nouveaux crédits destinés aux communes rurales ou aux communes situées à la proximité directe d’une aire marine protégée sont les bienvenus.

Le plan « Marseille en grand », amorcé l’an dernier par le Président de la République, se poursuit. Les nouveaux crédits qui lui sont dédiés sont destinés à accompagner la modernisation des écoles, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir pour les Marseillais.

En effet, la rénovation énergétique des établissements scolaires constitue un enjeu majeur durant les années à venir. Malheureusement, et nous insistons sur ce point, les besoins ne se limitent pas à la cité phocéenne. C’est pourquoi nous appelons à un vaste plan national dédié à l’adaptation des établissements scolaires au réchauffement climatique, dans tous les territoires.

De leur côté, les crédits prévus pour le programme 122 « Concours spécifiques et administration » baissent d’environ 15 % entre 2023 et 2024. Comme l’a souligné le rapporteur spécial, plusieurs facteurs expliquent cette baisse, en particulier la fin de l’enveloppe allouée à la réparation des destructions causées par la tempête Alex.

Le dérèglement climatique a des conséquences dramatiques, notamment ces derniers mois. J’ai une pensée pour les communes gravement touchées par les différents phénomènes météorologiques qui ont affecté notre pays. Malheureusement - et il est très triste de prononcer ces mots -, il y a fort à parier que ces drames se produiront désormais avec une certaine récurrence.

Enfin, notre groupe se réjouit de l’ouverture d’une enveloppe de 5 millions d’euros destinée à concrétiser les différentes mesures présentées à l’aune du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus. La hausse des incivilités à l’encontre de ces derniers et le niveau de violence ambiant sont très préoccupants. Ces phénomènes constituent une preuve supplémentaire de la défiance grandissante dans notre société et du délitement de nos valeurs communes.

Nous devons collectivement protéger nos élus, et notamment les maires, qui font vivre nos territoires et se dévouent pour leurs administrés. Ils sont en première ligne pour relever les défis majeurs qui nous attendent. Notre devoir est de leur donner les moyens d’agir.

Pour ces différentes raisons, le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)