M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d’abonder de 2,4 millions d’euros les crédits consacrés aux Uaped. La commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Nous sommes de nouveau contraints d’admettre nos limites : les Uaped relèvent de la mission « Justice ». Nous connaissons donc mal ces structures et leurs missions. Vous pourrez redéposer cet amendement lors de l’examen de la mission « Justice », prévu lundi prochain.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire dÉtat. Auparavant, le financement des Uaped figurait dans le programme 304. Compte tenu de l’engagement et de l’implication des agences régionales de santé (ARS) et des hôpitaux, nous l’avons transféré dans le PLFSS.

Cet amendement a donc été satisfait par l’adoption du PLFSS : nous aurons largement le budget pour atteindre notre objectif d’une Uaped par juridiction.

C’est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait.

M. le président. Madame Le Houerou, l’amendement n° II-971 est-il maintenu ?

Mme Annie Le Houerou. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-971.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° II-915 est présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin, Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° II-1033 rectifié quinquies est présenté par Mmes Antoine, Vérien et Guidez, M. Dhersin, Mme O. Richard, M. Levi, Mme Saint-Pé, M. Delahaye, Mmes Vermeillet, Romagny et Sollogoub, MM. Hingray, Cambier, Delcros et Capo-Canellas, Mme Poncet Monge, MM. G. Blanc, Salmon et Dossus, Mmes Guhl et Souyris, M. Benarroche, Mme Ollivier, MM. Mellouli, Dantec, Gontard et Jadot, Mme Senée, MM. Parigi et Fernique, Mmes de Marco, Petrus et Muller-Bronn, M. Bouchet, Mmes Gosselin et P. Martin, M. Saury, Mmes L. Darcos, Phinera-Horth et Lermytte et MM. Chasseing et Wattebled.

L’amendement n° II-1050 est présenté par Mme Aeschlimann.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

dont titre 2

2 000 000

 

2 000 000

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Égalité entre les femmes et les hommes

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

dont titre 2

 

2 000 000

 

2 000 000

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° II-915.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à abonder de 2 millions d’euros les crédits consacrés au fonctionnement de la Ciivise, dont le mandat touche à sa fin. Le travail réalisé par cette commission démontre la nécessité de lui donner les moyens de prolonger sa mission.

Après avoir recueilli en trois ans 30 000 témoignages de victimes et produit un rapport comportant 82 recommandations, cette structure a montré qu’elle était aussi essentielle qu’utile.

J’ai rencontré Arnaud Gallet récemment, à Nancy, pour échanger sur la question des violences sexuelles sur mineurs. Surtout, j’ai pu mesurer avec les professionnels présents l’importance de l’action de la Ciivise.

C’est pourquoi cet amendement vise à pérenniser cette commission qui est essentielle.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, pour présenter l’amendement n° II-1033 rectifié quinquies.

Mme Jocelyne Antoine. Cet amendement vise à entériner l’annonce récente faite par le Gouvernement sur la poursuite du travail de la Ciivise avec « des modalités et une feuille de route renouvelées et centrées sur de nouvelles missions ».

Je salue le travail titanesque, salvateur, réalisé par la Ciivise depuis près de trois ans, qui a permis de commencer à lever le tabou sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Cela n’aurait pas été possible sans une figure de confiance pour les victimes, le juge Édouard Durand.

Comme le Gouvernement a annoncé la poursuite du travail de la Ciivise, je profite de cet amendement pour appeler de mes vœux le maintien dans ses fonctions du juge Durand, ce qui est le souhait manifeste de l’ensemble des associations.

Et je vous propose d’abonder de 2 millions d’euros l’action n° 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables », afin de rendre effectif le maintien de la Ciivise.

M. le président. L’amendement n° II-1050 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.

Nous avons été alertés par plusieurs associations, que nous avons entendues lors de la préparation de notre rapport, sur le fait que le financement de la Ciivise et même son existence étaient remis en cause. Cette commission, qui a remis son rapport final à la fin du mois de novembre, est censée mettre fin à ses travaux le 31 décembre prochain.

Nous considérons, comme les nombreux signataires de la tribune parue en septembre dans le journal Le Monde, que la Ciivise est éminemment utile et que son mandat devrait être prolongé. Le Gouvernement peut-il garantir à la représentation nationale la pérennité de l’existence de cette commission ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire dÉtat. Merci, mesdames, messieurs les sénateurs, de me donner l’occasion de rappeler l’excellent travail accompli par la Ciivise, très utile dans la lutte contre les violences faites aux enfants.

Ce travail s’est traduit par un rapport remis il y a quelques jours et qui nous aidera à comprendre comment cette commission peut continuer ses travaux. Elle les continuera en tout état de cause, comme je l’ai annoncé.

Nous travaillons actuellement avec le garde des sceaux à sa nouvelle feuille de route. Nous souhaitons lui confier des missions nouvelles. Elle a beaucoup travaillé sur l’inceste, il faut désormais travailler sur d’autres formes de violences sexuelles – et croyez-moi, il y en a énormément – comme la pédocriminalité en ligne ou la prostitution des mineurs.

Les personnes qui ont travaillé à la Ciivise étaient mises à disposition par d’autres missions ; un seul poste relevait du programme 304 et il peut facilement être reconduit dans le cadre de mesures de gestion.

La plateforme d’écoute peut voir ses fonds transférés à France Victimes, structure bien plus adaptée pour orienter et accompagner juridiquement, médicalement et socialement les victimes.

Nous n’avons donc pas besoin des crédits prévus dans ces amendements. C’est pourquoi j’en demande le retrait, contre la garantie, que je vous renouvelle, que la Ciivise continuera ses travaux, avec une feuille de route renouvelée.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Il s’agit d’amendements d’appel : le juge Durand nous a dit lui-même qu’il n’avait pas forcément besoin de ces fonds, puisqu’il n’avait pas entièrement dépensé ceux dont il disposait.

Je comprends que le Gouvernement entend prolonger la Ciivise, mais avec des missions différentes. Il faut qu’elle continue ses travaux, y compris en matière d’inceste, madame la secrétaire d’État : il serait dommage d’avoir ouvert cette boîte de Pandore et recueilli autant de signalements, si c’est pour orienter ensuite la Ciivise vers autre chose. Elle doit terminer les auditions qu’elle a commencées. Elle est attendue impatiemment dans certains endroits où elle n’est pas encore allée.

Pour l’instant, il semble que le Gouvernement veuille conserver le nom de la Ciivise, mais pas forcément les personnes qui l’ont faite – je pense évidemment au juge Durand. Ce dernier, dont on peut imaginer qu’il avait déjà une vraie connaissance du sujet, dit qu’il a beaucoup appris de cette mission, ce qui a d’ailleurs permis d’établir une doctrine de traitement de l’inceste. Se priver de ses capacités, comme semble vouloir le faire le Gouvernement, serait triste, à mon avis, pour toutes les victimes.

J’invite donc le Gouvernement à associer les personnes qui ont fait la Ciivise à la nouvelle feuille de route et à la future commission.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. J’ai prévu très peu d’interventions, mais je tiens à m’exprimer sur ces amendements.

Je remercie d’abord Dominique Vérien pour son travail à la tête de notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui compte surtout des sénatrices !

Je voterai ces amendements relatifs à la Ciivise. L’audition du juge Durand nous a profondément marqués, et nous ne devons pas négliger, au milieu de l’austère travail budgétaire, le volet humain. Les chiffres, d’ailleurs, sont impressionnants : 160 000 enfants victimes !

Ce travail est évidemment interministériel : il concerne aussi bien la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » que la mission « Justice » ou la mission « Sécurités ». Il implique aussi de nombreuses associations, les collectivités locales et maints autres partenaires.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Je maintiens mon amendement, et me joins aux commentaires faits par mes collègues. Il est aujourd’hui question de budgets, de lignes financières, mais la question posée par l’existence de la Ciivise est d’abord celle d’une démarche : libérer la parole des jeunes et des enfants victimes de violences sexuelles.

Cette démarche doit être valorisée et ne peut pas être absorbée, noyée, effacée dans des questions budgétaires. Ce que ces militants ont réussi à faire est assez exceptionnel et difficilement transférable vers d’autres plateformes. Je regrette que cet aspect ne soit pas suffisamment pris en compte.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. À titre personnel, je voterai ces amendements. Au-delà du sort des membres de la Ciivise – ce ne sont d’ailleurs pas les seules personnes compétentes sur le sujet –, les travaux de cette commission ne sont pas finis, alors qu’ils sont essentiels pour soutenir les victimes, identifiées ou non.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Nous soutiendrons également ces amendements, parce que le travail de la Ciivise a été remarquable et qu’il mérite d’être poursuivi. On ne peut pas s’arrêter en si bon chemin.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-915 et II-1033 rectifié quinquies.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° II-774 rectifié ter, présenté par M. Levi, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Soutien aux familles d’enfants devenus orphelins à la suite d’un féminicide

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

dont titre 2

 

 

 

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Égalité entre les femmes et les hommes

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

dont titre 2

 

2 000 000

 

2 000 000

Soutien aux familles d’enfants devenus orphelins à la suite d’un féminicide

2 000 000

 

2 000 000

 

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.

M. Pierre-Antoine Levi. Cet amendement concerne un sujet d’une urgence sociale et humaine profonde : le soutien aux familles des enfants devenus orphelins à la suite d’un féminicide.

Depuis 2011, plus de 1 200 enfants sont devenus orphelins après la perte tragique de leur mère, victime d’homicide conjugal – ce sont majoritairement des féminicides. Ces familles déjà frappées par un traumatisme inimaginable sont doublement affectées, lorsqu’elles doivent assumer, en plus, la charge financière de ces enfants endeuillés.

L’amendement que je propose vise à créer un programme spécifique de soutien à ces familles au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », avec une dotation initiale de 2 millions d’euros. Cette initiative, qui est un geste de solidarité et de responsabilité envers les plus vulnérables de notre société, serait financée par un redéploiement des crédits de l’action n° 11 du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ».

L’objectif de cet amendement est de souligner la nécessité de cette mesure pour rendre effective l’aide indispensable à ces familles et nous encourageons le Gouvernement à lever le gage. Il s’agit de montrer notre engagement commun à protéger et soutenir les enfants victimes collatérales des féminicides.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Il est bien évident que la situation des enfants privés de leurs parents du fait du meurtre de leur mère par leur père est épouvantable. La situation des familles devant prendre en charge ces orphelins est également difficile – personne ne le nie.

Toutefois, la commission peine à déterminer comment le présent amendement peut apporter une réponse satisfaisante à ces difficultés. Rapporté aux 1 200 enfants concernés chaque année, le montant proposé de 2 millions d’euros représenterait 1 666 euros par enfant.

Si ce soutien vise à dédommager les familles et l’enfant, il relève d’une autre mission et le montant annuel proposé semble dérisoire, en particulier au vu des souffrances engendrées. S’il vise à leur apporter un soutien sur le long terme, le montant n’est pas davantage à la hauteur, et l’amendement ne prévoit pas de quelle manière ses auteurs entendent atteindre ce but.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable. Nous devons poursuivre la réflexion sur ce sujet, dont l’importance n’échappe à personne.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire dÉtat. Cet amendement nous permet de rappeler que Bérangère Couillard et moi-même sommes particulièrement attentives à l’accompagnement des enfants témoins et victimes d’un féminicide.

Le groupe de travail interdisciplinaire que j’évoquais tout à l’heure, constitué pour mieux évaluer le préjudice et mieux accompagner les enfants victimes directes de violences ou victimes des violences subies par leurs parents, doit se réunir début 2024. Nous serons extrêmement attentifs à ses conclusions et il est prématuré de prévoir un montant. Nous voulons en outre articuler cette mesure avec d’autres types d’aides, y compris les indemnisations décidées par la justice.

Dès que nous aurons reçu les conclusions de ce groupe de travail, nous reviendrons vers vous avec des propositions très concrètes pour accompagner ces enfants qui ont besoin d’une aide rapide dans un premier temps, puis d’une indemnisation à la hauteur de leur préjudice – si tant est qu’on puisse indemniser de pareils drames.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.

M. le président. Monsieur Levi, l’amendement n° II-774 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Pierre-Antoine Levi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-774 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-963, présenté par Mmes Rossignol, Le Houerou et Monier, MM. Jomier et Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

dont titre 2

 

 

 

 

Handicap et dépendance

 

 

Égalité entre les femmes et les hommes

1 000 000

 

1 000 000

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

dont titre 2

 

1 000 000

 

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Cet amendement a pour objet d’ajouter au budget consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes 1 million d’euros dans le but de créer un observatoire des féminicides et des infanticides et de permettre à cette structure de fonctionner immédiatement.

Rappelons les chiffres : en 2022, 118 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints, contre 114 en 2021. On compte aussi un nombre très important, et en hausse, de tentatives de meurtre au sein des couples : 366 tentatives, dont 267 contre des femmes.

Parmi les 118 victimes de féminicide en 2022, 37 avaient déjà subi précédemment des violences par leurs conjoints ou ex-conjoints, 24 les avaient signalées aux forces de l’ordre, 16 avaient déposé des plaintes. Elles ont pourtant rejoint le cortège des disparues sous les coups de ceux qui préféraient les voir mortes plutôt que libres. Réduites au silence, elles avaient pourtant parlé pour dénoncer les violences dont elles étaient les victimes.

Les enfants, eux aussi, sont des victimes directes. À ce titre, la commission de violences intrafamiliales doit être prise en compte pour déterminer les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Je rappelle que dans ma ville, Clermont-Ferrand, une chambre pénale est exclusivement dédiée, depuis 2019, aux violences intrafamiliales. Nous appelons pour notre part à la généralisation de cette expérience.

La Fondation des femmes a évalué à 2,6 milliards d’euros le budget nécessaire pour éradiquer les violences patriarcales.

Nous devons, à la mémoire des trop nombreuses victimes, l’engagement ferme et entier de toute la société dans un seul but : éradiquer les violences faites aux femmes.

La proposition visant à créer un observatoire s’insère pleinement dans cette ambition. Elle répond également à l’injonction de Gisèle Halimi, qui nous appelait à ne jamais nous résigner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. La commission partage évidemment le souci de faire cesser les violences faites aux femmes et aux enfants. Toutefois, la création d’un nouvel observatoire ne lui paraît pas être la meilleure manière d’y parvenir.

En effet, si l’objectif est de recueillir des données sur les violences afin de les mettre à disposition du public et de mener des réflexions, il existe déjà des structures similaires à l’observatoire qu’il est proposé de créer.

Citons par exemple l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, dont nous avons auditionné les représentants à plusieurs reprises, ou encore le Comité national de l’ordonnance de protection (Cnop).

Ma chère collègue, ces deux structures fonctionnent peu ou prou comme l’observatoire que vous appelez de vos vœux. Leurs statistiques sont d’ailleurs mises quotidiennement ou presque, malheureusement, à la disposition du public.

Si, en revanche, l’objectif est de faire cesser les manquements en matière de signalement aux forces de l’ordre par exemple, une action directement en ce sens nous paraîtrait plus pertinente.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée. M. le rapporteur spécial l’a dit : de nombreux outils d’observation ont été mis en place, notamment après les féminicides de Mérignac et d’Hayange de mai 2021.

Peu après la commission de féminicides, les ministères de la justice et de l’intérieur organisent des retours d’expérience, dans le respect des règles de confidentialité qui s’imposent. Ils en communiquent ensuite à la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) un bilan semestriel sur le parcours des victimes, des auteurs et des acteurs impliqués.

En outre, la Miprof anime et coordonne un réseau d’observatoires territoriaux.

Enfin, le service statistique du ministère de l’intérieur pilote et publie chaque année l’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, qui est très riche de données et d’enseignements.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame Canalès, l’amendement n° II-963 est-il maintenu ?

Mme Marion Canalès. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-963.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-969, présenté par Mmes Rossignol, Le Houerou et Monier, MM. Jomier et Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

dont titre 2

1 000 000 

 

1 000 000

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Égalité entre les femmes et les hommes

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

dont titre 2

 

1 000 000

 

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à augmenter le budget du 119, la ligne d’écoute destinée aux enfants en danger.

Selon l’inspection générale des affaires sociales (Igas), un enfant mourrait en France tous les cinq jours en 2019, tué par l’un de ses parents.

Au sein du décompte glaçant du collectif « Féminicides par compagnons ou ex », les enfants covictimes de meurtres conjugaux sont régulièrement cités parmi les disparus.

Les écoutants du 119 témoignent de conditions de travail dégradées en raison d’un flux d’appels trop nombreux, que les effectifs actuels ne permettent pas d’absorber.

Pour certains, le 119 sauve des vies ; pour d’autres, la ligne ouvre une porte vers la fin des violences et des maltraitances.

En 2022, d’après l’étude statistique du service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger, près de la moitié des appelants ont été invités à rappeler. Ce constat est très alarmant.

C’est pourquoi il convient d’abonder les crédits de l’action n° 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables » du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Cet amendement tend à affecter un million d’euros supplémentaires à la ligne d’écoute 119.

Ce qui est vrai pour le 119 l’est aussi pour de nombreuses autres lignes d’écoute. Nous avons pu nous en rendre compte lors des auditions que nous avons organisées : toutes les associations gestionnaires de lignes d’écoute nous ont fait savoir que l’évolution de leurs moyens ne suit pas l’augmentation de la fréquentation de leurs lignes.

De même, les documents budgétaires relèvent une faible progression des indicateurs des lignes d’écoute, notamment du 119, qui n’est évidemment pas imputable à un quelconque laxisme de la part des écoutants.

La commission sollicite l’avis du Gouvernement sur cet amendement. Peut-il nous éclairer sur les mesures qu’il compte prendre pour permettre aux écoutants d’assurer au mieux leur mission ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire dÉtat. Nous sommes particulièrement vigilants sur le fonctionnement du 119. Dans le cadre de la campagne gouvernementale de lutte contre les violences, j’ai été fortement préoccupée par cette question.

De fait, en dépit des moyens consacrés au groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance protégée et malgré l’investissement de sa présidente Florence Dabin, nous sommes aujourd’hui dans une situation de sous-consommation budgétaire.

Qu’il s’agisse du Samu social ou du 119, nous avons en réalité un problème de recrutement sur l’ensemble des lignes d’écoute : nous avons les moyens de recruter, mais nous peinons à le faire. Le métier est en effet difficile, lourd émotionnellement, et il exige du personnel de mieux en mieux formé.

À l’occasion du Ségur de la santé, le Gouvernement a cherché à redonner de l’attractivité à ces métiers en revalorisant les salaires.

Le tout nouveau GIP a mis en place, voilà moins d’un an, un véritable « plan RH » assorti de campagnes de recrutement beaucoup plus dynamiques. C’est pourquoi nous avons bon espoir de pourvoir les postes vacants.

Par ailleurs, je tiens à vous rassurer : il existe en cas de surchauffe un mécanisme de délestage vers le numéro de L’Enfant bleu et les appels des enfants ne font pas l’objet de renvois. Il peut être demandé de rappeler, mais seulement à des témoins qui ne sont pas dans l’entourage direct de la victime.

Faisons attention aux chiffres globaux. Les enfants sont systématiquement traités en priorité et ne sont jamais amenés à rappeler. Nous avons souhaité mettre en place une stratégie de première écoute.

Je ne me satisfais bien sûr pas du fait que les postes ne soient pas tous pourvus. Ce n’est pas faute de dynamisme de la part du GIP et nous sommes très vigilants sur la question.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Nous devons avant tout consommer les crédits déjà alloués au GIP.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Toutes les politiques de protection de l’enfance ont pour mot d’ordre de créer les conditions de confiance nécessaires à la libération de la parole de l’enfant. Le 119 fait partie des outils qui sont à la disposition des parents comme des enfants pour y parvenir.

Force est de constater néanmoins que nous peinons à attirer des agents pour exercer ces métiers. La question se pose d’ailleurs, au-delà de la protection de l’enfance, de l’attractivité de l’ensemble des métiers de l’accompagnement, de l’écoute et du soin.

À titre personnel, je m’abstiendrai sur cet amendement. Si je comprends et partage les intentions de ses auteurs, j’entends également les arguments de Mme la secrétaire d’État.

Travaillons sur l’attractivité des métiers de l’écoute. Les politiques de libération de la parole des enfants sont nécessaires, mais une fois que la parole est libérée, il faut pouvoir l’écouter.