M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat. Une offre de formation linguistique est d’ores et déjà proposée sur l’ensemble du territoire aux étrangers non signataires du CIR : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-681 et II-871.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Écologie, développement et mobilités durables - Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens - Compte d'affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des amendements portant sur les objectifs et indicateurs de performance de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état G.

État G

923

Immigration, asile et intégration

924

Améliorer lefficacité de la lutte contre limmigration irrégulière (303)

925

Nombre de retours forcés exécutés (303)

926

Améliorer les conditions daccueil et dintégration des étrangers (104)

927

Efficience de la formation linguistique dans le cadre du CIR (contrat d’intégration républicaine) (104)

928

Réduire les délais de traitement de la demande dasile (303)

929

Délai de l’examen d’une demande d’asile par l’OFPRA (303)

930

104 - Intégration et accès à la nationalité française

931

Améliorer lefficacité du traitement des dossiers de naturalisation

932

Efficacité de la procédure d’instruction d’un dossier de naturalisation

933

Améliorer les conditions daccueil et dintégration des étrangers [Stratégique]

934

Efficience de la formation linguistique dans le cadre du CIR (contrat d’intégration républicaine) [Stratégique]

935

Part des personnes ayant bénéficié d’une orientation vers le service public de l’emploi qui s’y sont inscrites pendant la durée du CIR

936

Programme AGIR : taux de sortie positive en logement pérenne et en emploi ou en formation des bénéficiaires de la protection internationale

937

Taux de sortie positive en emploi ou en formation des bénéficiaires de la protection internationale

938

303 - Immigration et asile

939

Améliorer lefficacité de la lutte contre limmigration irrégulière [Stratégique]

940

Nombre d’éloignements et de départs aidés exécutés

941

Nombre de retours forcés exécutés [Stratégique]

942

Optimiser la prise en charge des demandeurs dasile

943

Part des demandeurs d’asile hébergés

944

Part des places occupées par des demandeurs d’asile et autres personnes autorisées

945

Réduire les délais de traitement de la demande dasile [Stratégique]

946

Délai de l’examen d’une demande d’asile par l’OFPRA [Stratégique]

947

Taux de transfert des demandeurs d’asile placés sous procédure Dublin

M. le président. L’amendement n° II-726, présenté par Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 937

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

Accès et financement de la formation linguistique dans le cadre du CIR (Contrat d’intégration républicaine)

Délai d’attente pour accéder à une formation linguistique

Nombre d’étrangers primo-arrivants bénéficiaires d’une formation linguistique

Coût moyen d’une formation linguistique par bénéficiaire

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, si vous en êtes d’accord, je présenterai en même temps que celui-ci les amendements nos II-727 et II-725.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° II-727, présenté par Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 941

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Nombre de personnes particulièrement vulnérables placées en centre de rétention administrative

J’appelle également en discussion l’amendement n° II-725, présenté par Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 947

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Réduire les délais de délivrance de documents d’état civil des personnes bénéficiaires d’une protection internationale

Délai de délivrance des documents d’état civil des personnes bénéficiaires d’une protection internationale

Veuillez poursuivre, madame Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Il s’agit de mettre en place des indicateurs destinés à améliorer l’évaluation, pour les années à venir, de cette mission budgétaire.

L’amendement n° II-726 concerne l’accès aux formations linguistiques, qui, on le sait, est très difficile pour beaucoup d’étrangers. Les centres de formation et d’examen sont en effet saturés, quand ils ne sont pas très éloignés de leur domicile, ce qui rend le suivi des cours peu compatible avec les exigences de la vie professionnelle.

Aussi proposons-nous d’instaurer des indicateurs relatifs aux délais d’attente, au nombre d’étrangers primo-arrivants bénéficiaires d’une formation linguistique et au coût moyen d’une formation linguistique par bénéficiaire.

L’amendement n° II-727 fait écho à l’amendement de crédits n° II-728 relatif aux personnes en situation de handicap mental ou souffrant de troubles mentaux.

Il s’agit de construire un indicateur relatif au nombre de personnes particulièrement vulnérables – personnes en situation de handicap, atteintes de maladies graves, souffrant de troubles psychiatriques, placées sous tutelle – enfermées en CRA.

L’amendement n° II-725 a trait aux délais de délivrance des actes d’état civil. Dans un récent rapport budgétaire, les députés Stella Dupont et Mathieu Lefèvre indiquent que « ces retards se traduisent par des délais importants d’établissement des titres de séjour, par des difficultés accrues d’accès au logement social, par un délai supplémentaire pour la délivrance de la carte Vitale ou par l’impossibilité de fournir les actes de naissance des enfants lors de l’inscription à l’école ».

Nous demandons, pour cette raison, l’élaboration d’un nouvel indicateur à ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale. Considérant qu’en ces matières des indicateurs sont d’ores et déjà disponibles, la commission demande le retrait de ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat. Avis défavorable sur l’amendement n° II-726, car l’efficience de la formation linguistique est déjà mesurée au sein des projets annuels de performances.

Avis défavorable également sur l’amendement n° II-727 : il existe d’ores et déjà des mesures permettant aux personnes particulièrement vulnérables de ne pas être placées en centre de rétention administrative, telle l’assignation à résidence.

Avis défavorable, enfin, sur l’amendement n° II-725 : la préoccupation de ses auteurs nous semble satisfaite par le renforcement des effectifs de l’Ofpra ; 16 ETP supplémentaires pourvoiront aux besoins en matière de délivrance de leurs documents d’état civil aux bénéficiaires d’une protection internationale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-726.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-727.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-725.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Écologie, développement et mobilités durables

Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens

Compte d’affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

État G
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Écologie, développement et mobilité durables

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et articles 50 à 52 sexies), du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

La parole est à Mme le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le ministre, je ne sais si j’aurai assez de sept minutes pour vous parler préservation de la biodiversité, soutien aux consommateurs confrontés à la hausse des prix de l’énergie, rénovation thermique des bâtiments, transition du parc automobile, vulnérabilité face aux événements climatiques exceptionnels, soutien au développement des énergies et de la chaleur renouvelables.

Les nombreux amendements qui ont été déposés me permettront heureusement d’aborder ces différents sujets au fil de notre séance du jour.

Je commencerai par évoquer la stratégie nationale biodiversité 2030, qui a été présentée la semaine dernière.

La presse s’est largement fait l’écho du milliard d’euros mis sur la table par le Gouvernement, à propos duquel j’ai dû me renseigner, ce montant ne m’ayant pas frappée à la lecture de la documentation budgétaire.

C’est en réalité après avoir consulté le dossier de presse que j’ai pu, heureusement, comprendre de quoi il retournait.

Ce milliard se compose tout d’abord de 264 millions d’euros de hausse des crédits du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ».

Je suis au regret de vous dire qu’il y va d’un simple transfert des crédits initialement imputés au programme 380 « Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires » vers le programme 113.

Peut-être était-il indispensable, l’année dernière, de gonfler l’enveloppe budgétaire du programme 380, mieux connu sous le nom de « fonds vert ».

Cette année, avec beaucoup de justesse, on inscrit l’ensemble des crédits liés à la préservation de la biodiversité sur le seul programme 113, ce dont je ne puis que me réjouir.

Il s’agit ensuite de 400 millions d’euros de crédits, imputés sur le programme 380, relatifs à la renaturation et au recyclage des friches. Là encore, c’est dans un dossier de presse que j’ai trouvé cette information, absente de la documentation budgétaire !

Eh oui, le fonds vert se résume à une litanie d’actions qui ne s’assortissent jamais d’aucun moyen financier dédié !

Monsieur le ministre, vous allez me rétorquer – je le sais – que telle est la philosophie du fonds vert, qu’il s’agit d’un outil flexible, à la main des préfets, destiné à répondre aux demandes des collectivités locales.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. C’est exactement ça.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Mais j’ai mené un certain nombre d’auditions : un tel argument ne résiste pas à l’épreuve du réel !

C’est pourquoi le Sénat a voté l’affectation d’une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux régions afin de leur permettre de financer la mise en œuvre de leur plan climat-air-énergie territorial (PCAET).

M. Olivier Paccaud. Très bien !

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. Il faut enfin, pour boucler ce milliard, ajouter aux crédits que je viens de mentionner une enveloppe de 475 millions d’euros allouée à la préservation du milieu aquatique par les agences de l’eau. Derechef, j’ai dû chercher : il ne s’agit de rien d’autre, en réalité, que des crédits du plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau, dit plan Eau, présenté le 30 mars dernier ! Ces 475 millions d’euros seront financés par le relèvement en deux temps du plafond d’affectation des taxes et redevances aux agences de l’eau.

Ce plan Eau est constitué de cinquante-trois mesures principalement orientées vers la sobriété, la préservation de la ressource et l’amélioration de la gouvernance. Malheureusement, elles ne concernent guère la biodiversité, hormis dix d’entre elles, qui relèvent de l’objectif « Préserver la qualité de l’eau et restaurer des écosystèmes sains et fonctionnels » ; trois autres de ces mesures ont trait au grand cycle de l’eau, dont l’une est financée par le fonds vert : dans cette mission – c’est fantastique ! –, tout est circulaire…

Dit autrement, les crédits « verts » n’augmentent, hélas ! pas beaucoup. Le recyclage auquel s’adonne avec ses propres crédits le ministère chargé de l’économie circulaire et de la sobriété devrait servir d’exemple à l’ensemble des autres ministères, surtout quand le déficit de l’État dépasse les 150 milliards d’euros !

Il arrive que les crédits soient gonflés artificiellement. Un seul exemple, tiré du fonds vert : on crée une nouvelle sous-action dotée de 100 millions d’euros, intitulée « Territoires d’industrie ». Mais cette sous-action a vocation à financer l’industrialisation des territoires ; pourquoi n’est-elle pas portée par la mission « Économie » ?

Il arrive aussi que certains crédits subissent une diminution au gré de la navette. Ainsi 400 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) ont-ils été supprimés du programme 174 et basculés vers le programme 175 pour financer un fonds de rénovation à destination des bailleurs sociaux.

C’est plutôt une bonne nouvelle pour l’efficacité de l’argent public, car le pilier « performance » du dispositif MaPrimeRénov’, désormais porté par le programme 135, finance des rénovations globales et performantes, qui ont un véritable effet sur la baisse de la consommation. Quant aux crédits rattachés à la mission « Écologie » via le programme 174, ils financent essentiellement, au travers du pilier « efficacité » du dispositif MaPrimeRénov’, la décarbonation du chauffage, c’est-à-dire un « monogeste » dont la plus-value environnementale est beaucoup plus faible. (Mme la ministre de la transition énergétique le conteste.)

Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous donnerai tout de même quelques points de satisfaction, car le Sénat a su se faire entendre. J’en donne un exemple : les critères d’attribution du bonus écologique qui seront mis en œuvre en 2024 permettent qu’il soit enfin tenu compte du bilan carbone calculé sur l’ensemble du cycle de vie du véhicule. Il est dès lors vraiment dommage que les crédits inscrits pour 2024 au titre du financement du bonus écologique et de la prime à la conversion soient inférieurs à l’exécution de l’exercice 2023 !

Un autre exemple : la nouvelle sous-action « Soutien aux autorités organisatrices de la mobilité en milieu rural » est directement issue de la recommandation n° 5 du rapport d’information sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité de mes collègues Stéphane Sautarel et Hervé Maurey.

Malheureusement, là où vous n’avez pas su entendre le Sénat, il se trouve qu’il avait raison. Je pense à la décision du Conseil d’État du 23 janvier 2023 annulant l’arrêté pris pour mettre en œuvre la révision des contrats de soutien à la production d’électricité d’origine photovoltaïque signés entre 2006 et 2011. Le Sénat, dans sa sagesse, avait supprimé cette disposition lorsqu’elle lui avait été soumise ; le Gouvernement s’est obstiné. Conclusion : au lieu des 3 milliards d’euros d’économies prévus, on n’a eu que des coûts échoués !

C’est pourquoi j’invite le Gouvernement à suivre le Sénat lorsqu’il proposera, au cours de la journée, de supprimer les alinéas de l’article 52 révisant le mécanisme du complément de prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh).

Le Sénat sait aussi vous entendre. En 2022, monsieur le ministre Béchu, au cours de l’examen des crédits de cette mission, vous nous invitiez à réformer la fiscalité pour tenir compte du fait qu’un véhicule plus lourd pollue davantage, en raison de l’abrasion des freins. C’est ce que nous avons fait : à l’article 14 de ce projet de loi de finances, nous avons assujetti au malus au poids les véhicules électriques les plus lourds.

Madame la ministre Pannier-Runacher, vous avez indiqué hier que le bouclier tarifaire disparaîtrait « courant 2024 ». Là aussi, le Sénat a anticipé vos propos, puisqu’à l’article 11 nous avons supprimé ledit bouclier en relevant les tarifs de l’accise sur l’électricité à leur niveau d’avant-crise.

C’est nous faire un faux procès que de nous accuser d’augmenter, par notre vote, les prix de l’électricité de plus de 20 % !

Nous avons fait les calculs : nous n’arrivons pas au même chiffre que vous. Les hypothèses que l’on nous a présentées seraient-elles fausses ?

Ce dispositif est le « en même temps » de la majorité sénatoriale : il s’agit d’une mesure de responsabilité – nous considérons qu’il n’est pas nécessaire d’aider tous les ménages – et d’équité – grâce à l’amendement de crédits qui sera soumis au Sénat dans la journée, nous allons soutenir les ménages les moins favorisés davantage que les plus aisés.

Je veux conclure en évoquant le fonds vert, le « fonds climat territorial », dont le Sénat va très certainement adopter les crédits cet après-midi. Ce fonds va vous permettre, monsieur le ministre, de mettre en œuvre les mesures détaillées dans la fiche de presse qui a été diffusée lors du congrès des maires. Vous y indiquiez que « les élus locaux connaissent parfaitement les défis environnementaux auxquels ils sont confrontés ». Avec ce fonds, nous entendons leur donner les moyens d’agir selon leur calendrier et selon leurs priorités. Nous partageons tous ici, en effet, l’idée selon laquelle il convient de bâtir une écologie ancrée dans le quotidien des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, en préambule, je vous prie d’excuser l’absence de mon corapporteur Hervé Maurey.

Mes premiers mots s’adresseront aux ministres. Nous attendrons d’eux, au cours de ce débat, un engagement ferme sur une date précise concernant la révision par le Parlement de la loi d’orientation des mobilités, qui aurait dû intervenir en juin dernier. Nous le savons tous : il faut décarboner et développer les transports collectifs ; or cela coûte très cher et nous évoluons sous très forte contrainte financière. Il est donc impératif que le Parlement débatte rapidement d’un volume d’investissement et d’une programmation pour les années qui viennent.

L’engagement de la Première ministre à reprendre le scénario central du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), soit 26 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2027, est certes louable, mais il ne saurait se substituer à une délibération du Parlement.

Nous observons avec satisfaction que, pour 2024, le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) intègre ces enjeux de décarbonation. Ses ressources devraient augmenter de 800 millions d’euros et ses dépenses pourraient atteindre 4,6 milliards d’euros.

Permettez-moi cependant de mettre l’accent sur plusieurs points qui nous posent question.

Qui paiera les besoins de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire ? Nous avons bien entendu la Première ministre reprendre à son compte, à la suite du COI, les propositions formulées dès mars 2022 par Hervé Maurey et Stéphane Sautarel dans leur rapport d’information sur la situation financière de la SNCF.

Mme Borne a en effet annoncé que, d’ici à 2027, les dépenses de régénération et de modernisation du réseau augmenteraient de 1,5 milliard d’euros par an.

Pour autant, les zones d’ombre restent nombreuses.

Premièrement, pour 2024, la hausse significative des crédits du programme 203 s’explique principalement par l’augmentation de la contribution de SNCF Voyageurs. Nous redoutons – vous le démentirez sans doute, madame, messieurs les ministres – de voir l’État demander à la SNCF de financer seule les si lourds investissements qui doivent être engagés pour les années à venir. Un tel choix présenterait plusieurs risques, à supposer, d’ailleurs, que la SNCF elle-même puisse en supporter le coût.

Cela pèserait sur les investissements que doit lancer SNCF Voyageurs pour développer l’offre, ce que nous ne souhaitons pas ; cela alimenterait l’inflation des prix des billets, ce que nous ne souhaitons pas plus ; cela serait antinomique de l’ouverture à la concurrence, car SNCF Voyageurs se trouverait lestée d’un lourd handicap face à ses concurrents.

Le deuxième point de vigilance de la commission concerne la spirale de dégradation dans laquelle est engagé le réseau routier national non concédé. Un audit de 2018 chiffrait à au moins 1 milliard d’euros d’investissements annuels, soit l’équivalent de 1,2 milliard d’euros actuels, les crédits nécessaires pour enrayer cette dégradation.

Or, pour 2024, la somme qui y est consacrée devrait atteindre tout juste 1 milliard d’euros, ce qui est trop juste.

Troisième point de préoccupation : en juillet dernier, notre mission d’information sur les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) a dressé un constat très précis du besoin de financement des mobilités du quotidien. Vous en avez tenu compte en ce qui concerne Île-de-France Mobilités (IDFM), qui se trouve dans une situation très particulière grâce au protocole de financement conclu avec la région, lequel trouve sa traduction aux articles 27 bis et 27 ter du PLF, que nous avons adoptés.

Toutefois, vous continuez d’ignorer les AOM locales, métropolitaines et régionales.

C’est pourquoi nous avons adopté un amendement visant à leur affecter une nouvelle ressource, pérenne dès 2024 : une fraction des 250 millions d’euros du produit de la mise aux enchères des quotas carbone.

En comparaison avec une augmentation du versement mobilité (VM), cette mesure présente l’avantage de ne pas favoriser les seules AOM bien dotées en base fiscale et d’apporter enfin une solution au problème de la mobilité en zone rurale, grande oubliée du financement des transports du quotidien.

Notre quatrième point de vigilance a trait au fret. La Commission européenne a lancé une enquête sur les aides publiques octroyées à la société Fret SNCF. Pour éviter le scénario catastrophe d’un remboursement contraint de 5 milliards d’euros assorti du paiement d’une amende, le Gouvernement a proposé un plan de discontinuité qui se révèle assez douloureux.

Nous souhaitons, madame, messieurs les ministres, partager avec vous notre vive préoccupation devant l’approche qu’a faite sienne la Commission européenne : elle nous paraît caricaturale et contradictoire avec l’objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire.

Ce secteur est en effet structurellement déficitaire, non seulement en France, mais aussi et plus généralement en Europe ; en outre, les seuls concurrents réels de Fret SNCF sont des sociétés elles-mêmes issues d’autres opérateurs historiques européens. C’est paradoxal !

Enfin, il semble que le plan de discontinuité conduise Fret SNCF à abandonner les segments les plus rentables, ou les moins déficitaires, du marché ; mais le Gouvernement nous éclairera sur ce point.

Mes chers collègues, madame, messieurs les ministres, je vous renvoie pour conclure à notre rapport en ce qui concerne l’analyse des crédits du programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». Je me contente d’observer ici – nous en parlerons en détail lors de l’examen des amendements – que, si l’on met de côté les phénomènes de report de crédits ainsi que quelques ajustements et évolutions ponctuels, lesdits crédits seront relativement stables en 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par rendre compte des crédits du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », qui regroupe les subventions pour charges de service public du Centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.

Après une décennie de baisses substantielles de ses moyens, Météo-France connaît un répit bienvenu depuis l’année dernière – nous en avions parlé lors de l’examen du budget pour 2023, M. le ministre s’en souvient.

Ce répit est bienvenu, disais-je, car, comme je l’avais exposé il y a deux ans dans un rapport d’information, cet opérateur est de plus en plus sollicité en raison de la multiplication des phénomènes extrêmes. En 2024, ses effectifs doivent progresser de 25 ETPT – c’est notable. À l’horizon 2026, Météo-France devra par ailleurs investir dans de nouveaux supercalculateurs, pour 350 millions d’euros. Tout n’est donc pas réglé, mais c’est un pas de franchi !

L’année dernière, dans un autre rapport d’information, je vous avais présenté une analyse de la transformation en cours au sein de l’IGN. Au-delà de la stratégie robuste proposée par la direction générale, qui mérite d’être conservée, je vous avais signalé un risque de trou d’air, le modèle économique de l’Institut étant très dépendant de grands programmes financés par des commanditaires publics, qui sont principalement des ministères. Ceux-ci se font parfois tirer l’oreille, en effet, pour apporter leur obole après passation des commandes ou pour réactualiser le montant des crédits alloués à l’opérateur.

Le trou d’air que je pressentais est survenu plus tôt que je ne l’imaginais et l’IGN risquait de se trouver à court de trésorerie dès l’année prochaine. Je me réjouis que nous ayons pu traiter cette question, en concertation avec l’Assemblée nationale et avec le Gouvernement et grâce à l’aide active du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023. L’amendement que j’avais déposé visant à accorder à l’IGN une subvention exceptionnelle de 4 millions d’euros a en effet été adopté par le Sénat.

Ce versement permettra à l’opérateur de présenter un budget à l’équilibre lors de la réunion de son conseil d’administration vendredi prochain – cette réunion avait précisément été décalée en attendant d’obtenir des garanties fermes de la part des ministères concernés. Je souhaite que la stratégie qui a été excellemment définie soit pérennisée : il convient de la mettre en œuvre en s’en donnant tous les moyens.

J’en viens au Cerema.

Après un passage à vide, il a retrouvé une réelle dynamique grâce à un travail de remobilisation engagé sur plusieurs années, qu’il faut saluer. Son nouveau modèle de « quasi-régie conjointe » entre l’État et les collectivités, en faveur duquel nous avions voté lors de l’examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, s’est mis en place cette année et les premiers résultats paraissent encourageants.

En raison de cette vitalité retrouvée et pour la première fois de son histoire, les effectifs du Cerema devraient augmenter de 10 ETPT en 2024. Toutes les discussions ne sont pas closes pour autant, mais le signal ainsi envoyé va dans le bon sens ; je veux le saluer.

Je dis quelques mots, à présent, du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea). Après des années marquées par la pire crise de son histoire, la croissance du trafic subissant une encoche très brutale de plusieurs années, le transport aérien retrouve des couleurs.

Le trafic a presque renoué avec son niveau d’avant-crise, nonobstant des variations localisées – je pense au trafic domestique ou à certaines destinations comme l’Asie – et les difficultés nées ici ou là des désordres et des guerres. En 2024, les redevances de navigation aérienne dépasseront leur niveau d’avant 2020, car elles incluent un dispositif de rattrapage des conséquences de la crise. Il s’agit d’un élément majeur, dans la mesure où ce budget annexe est assis sur ce type de ressources.

Le transport aérien se porte mieux, on peut s’en réjouir ; cependant, mes chers collègues, je ne saurais vous cacher ma préoccupation pour ce qui concerne les répercussions sur le secteur de la nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance. Les aéroports sont dans cette affaire une victime collatérale de la volonté de l’État de mettre à contribution les sociétés d’autoroutes : ils servent d’alibi. La taxe présente ainsi plusieurs effets de bord financiers regrettables, que j’ai détaillés au moment de la discussion de l’article 15 de ce PLF : elle fragilisera certains aéroports et offrira un avantage concurrentiel aux compagnies low cost, qui pour partie sont absentes des grands aéroports. Se pose donc la question de la modération tarifaire comme mode de régulation du secteur.

La direction générale de l’aviation civile (DGAC) est en pleine négociation de son nouveau protocole social, pratique quelque peu atypique censée se traduire par une forme de donnant-donnant : efforts de productivité des contrôleurs en échange de mesures indemnitaires. De mon point de vue, jusqu’à présent, cette pratique n’a pas fait ses preuves – et c’est là un euphémisme. Les objectifs de performances inscrits dans ce nouveau protocole semblent ambitieux, mais je reste dubitatif.

Le PLF 2024 marque une impulsion budgétaire supplémentaire en faveur des investissements de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA). J’avais plaidé en ce sens dans un rapport d’information publié en juin dernier. Nous allons donc dans la bonne direction : une nouvelle impulsion est donnée par la transition vers un nouvel outil d’assistance du contrôle aérien – 4-Flight –, ce système étant susceptible d’être mutualisé avec les partenaires européens de la DSNA ; quant au problème de l’obsolescence des infrastructures, il a cessé d’être négligé.

Un mot sur la lourde dette du Bacea : après avoir culminé à 2,7 milliards d’euros en 2022, elle a amorcé un repli cette année, mais la décrue sera lente.

Monsieur le ministre, j’ai brièvement relevé une difficulté, il y a quelques instants, quant à la régulation du secteur aéroportuaire par la modération tarifaire : en vertu de ce principe, certains aéroports ne pourront tout simplement pas compenser les effets de la nouvelle taxe.

J’ajoute que j’ai eu le plaisir, en première partie, de soumettre au Sénat, qui l’a voté, un amendement visant à inciter les compagnies aériennes à accélérer l’incorporation dans leur mix des carburants durables.

Au-delà des mesures en faveur de la production de carburants durables d’aviation qu’a excellemment annoncées le Président de la République avant le salon du Bourget, il faut réfléchir à une régulation incitative sur les prix, car ils sont en France deux fois supérieurs à ceux qui se pratiquent aux États-Unis, par exemple.