PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024

Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l’article 11.

Article additionnel après l'article 10 octies - Amendement n° I-2202 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article additionnel après l'article 11 - Amendements n° I-560 rectifié, n° I-1503 rectifié quater et n° I-1515 rectifié

Article 11

I. – Par dérogation aux articles L. 312-37, L. 312-48, L. 312-64 et L. 312-65 du code des impositions sur les biens et services, les tarifs de l’accise sur l’électricité qui ne sont pas nuls au 31 janvier 2024 sont égaux, pour les quantités d’électricité fournies entre le 1er février 2024 et le 31 janvier 2025 :

1° À 1 € par mégawattheure pour les consommations relevant de la catégorie fiscale « ménages et assimilés » définie à l’article L. 312-24 du même code ;

2° À 0,5 € par mégawattheure pour les autres consommations.

Le présent I est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

II. – Le dernier alinéa de l’article L. 312-36 du code des impositions sur les biens et services est ainsi rédigé :

« Pour les gaz naturels, le tarif normal peut être majoré par arrêté du ministre chargé du budget, sans pouvoir excéder 16,37 € par mégawattheure. L’arrêté est pris au plus tard le 31 décembre 2023. »

M. le président. L’amendement n° I-209, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

relevant de la catégorie fiscale « ménages et assimilés » définie

par les mots :

des activités économiques relevant de la catégorie fiscale « ménages et assimilés » telles qu’elles sont définies

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je vous propose de débuter cet après-midi par un amendement important, qui vise à remettre en cause le soutien aveugle apporté par le Gouvernement aux consommateurs d’électricité. La reconduction proposée, évaluée à 10 milliards d’euros, nous paraît devoir être modifiée par l’introduction de mesures de ciblage.

Nous ne sommes pas les seuls à penser qu’il y a un travail à mener en la matière. Je pense notamment à l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (Acer), qui a évalué les différentes mesures. Il s’avère que nous sommes le deuxième pays, dans le bloc européen, en termes de mobilisation de moyens.

Le Conseil d’analyse économique (CAE) ne dit pas autre chose, et la Commission européenne a invité la France à sortir de ces dispositifs d’aide non ciblés.

C’est la raison pour laquelle l’amendement que je présente vise, d’une part, à annuler la reconduction sans distinction de la minoration de l’accise sur l’électricité pour les particuliers, d’autre part, à lui substituer une aide renforcée pour les ménages modestes et les classes moyennes. Cette aide prendra la forme d’un chèque énergie, qui sera introduit en deuxième partie du projet de loi de finances dans le cadre d’un amendement déposé par notre collègue Christine Lavarde.

Ce nouveau dispositif sera bien évidemment moins coûteux pour les finances publiques, puisque l’économie réalisée sera de l’ordre de 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien.

Monsieur le ministre, le Sénat a souvent demandé un ciblage des aides. Il a rarement été entendu, pour ne pas dire jamais. Nous vous donnons là l’occasion de suivre une piste d’économies.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement soulève un sujet important pour nous. Vous le savez, pour faire face à la crise énergétique et protéger les Français, nous avons de manière temporaire baissé considérablement la taxe qui s’applique sur l’électricité. Elle représente aujourd’hui 1 euro par mégawattheure.

Par cet amendement, il s’agit de porter la TICFE, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, de 1 euro à 32 euros par mégawattheure.

J’aurai l’occasion de présenter un amendement différent du vôtre, monsieur le rapporteur général. En effet, nous avons deux solutions : la piste que vous évoquez et celle que je m’apprête à défendre.

Nous partageons la nécessité de sortir progressivement des dispositifs de crise. Il y va de la bonne gestion de nos finances publiques et, tout simplement, de la normalisation de nos pratiques en matière tarifaire et de gestion publique.

Compte tenu de ce que nous savons de l’évolution des tarifs réglementés sur l’électricité, qui devrait conduire à une révision à la hausse de 2 % à compter de février 2024, et de la hausse de la taxe que vous prévoyez, monsieur le rapporteur général, le prix de l’électricité en février pourrait bondir de près de 20 %, et ce dès le mois de février prochain. En contrepartie, vous souhaitez créer un chèque exceptionnel pour limiter l’effet de cette hausse, qui sera, je le répète, très significative. Vous venez de le dire, ce chèque concernera également les classes moyennes.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Les classes modestes et les classes moyennes !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Vous le savez, le chèque exceptionnel versé en 2023 a représenté un coût de près de 2 milliards d’euros et concernait les quatre premiers déciles des contribuables – soit en dessous des classes moyennes. Par conséquent, le chèque que vous proposez coûtera extrêmement cher – je suis d’ailleurs preneur des détails de votre évaluation…

Avec ces dispositions, vous ferez bondir le prix de l’électricité de plus de 10 %, alors que le Gouvernement s’est engagé à ne pas dépasser cette limite. Ainsi, au lieu de porter la taxe de 1 euro à 32 euros, nous souhaitons la ramener à mi-chemin, dans le respect de l’engagement du plafond de 10 %.

Cela nous permettrait non seulement de faire des économies, mais aussi de protéger le reste des Français d’une augmentation trop importante du prix de l’électricité.

Vous prévoyez un bondissement des tarifs, assorti d’un chèque. Selon moi, il convient de sortir progressivement des chèques. Et je vous ai souvent entendu dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il fallait sortir d’une telle politique. (M. Fabien Gay marque son approbation.)

Il me semble plus raisonnable d’augmenter progressivement la fiscalité sur l’électricité, sans dépasser une hausse de 10 %, conformément à l’engagement que nous avons pris, en évitant de reconstituer une politique des chèques, qui s’avère très coûteuse.

Finalement, monsieur le rapporteur général, nous visons un même objectif d’économies, mais sans les chèques et sans augmenter le prix de l’électricité au-delà de 10 %. Telle est l’alternative.

Je demande donc le retrait de cet amendement au bénéfice de l’amendement déposé par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous proposez de garder des dispositifs non ciblés. C’est le fameux « quoi qu’il en coûte », le QQEC ! (M. le rapporteur général prononce « cake ».) À chaque fois, vous ajoutez une tranche supplémentaire. (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

De notre côté, nous proposons de cibler la mesure sur les six premiers déciles, alors que vous choisissez de supprimer globalement la taxe, quel que soit le niveau de revenu.

Dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances, nous souhaitons modifier le dispositif actuel, tandis que nous avons prévu, dans le cadre de la deuxième partie du texte, des chèques énergie.

Quels sont les atouts desdits chèques ? Pour les bas déciles, ils seront plus élevés que ce que qui existe aujourd’hui ; pour les quatrième, cinquième et sixième déciles, ils seront équivalents à ce qui existe actuellement et, pour les Français qui disposent des revenus les plus élevés, ils seront nuls.

Nous pensons qu’il faut progressivement sortir du dispositif. Chacun peut faire des arbitrages. Toutefois, les ménages les plus modestes, qu’ils soient propriétaires ou locataires, qui cumulent des situations difficiles – passoires thermiques, précarité économique et souvent sociale – doivent être particulièrement aidés. Quant aux ménages les plus aisés, ils ont la possibilité d’arbitrer leurs dépenses, en fonction de leurs conditions de vie et de leurs revenus.

Selon moi, nous devons envoyer un message de responsabilisation.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, il n’y a pas deux solutions, mais trois.

Il y a la vôtre, le bouclier tarifaire, qui a coûté 42 milliards d’euros. M. le rapporteur général a raison : cette aide, qui n’était pas ciblée, est allée directement dans la poche des énergéticiens, qui, de la main droite, ont augmenté les tarifs, de 15 % en 2022, de 25 % en 2023 et, probablement, de 10 % en 2024 ; de la main gauche, ils ont touché 42 milliards d’euros en provenance directe des impôts. Le consommateur a donc été spolié deux fois : la première, sur sa facture ; la seconde, en tant que contribuable.

La deuxième solution, proposée par M. le rapporteur général, n’est pas non plus satisfaisante. En effet, l’adoption de cet amendement aurait pour effet de mettre un coin dans le tarif réglementé de l’électricité, qui volerait ensuite en éclats. Tout cela est parfaitement explicité dans l’amendement. Si tel était le cas, tout relèverait du marché.

Le problème, c’est qu’à l’heure actuelle, le marché européen de l’énergie ne rapproche pas le prix du coût de la production. Les deux notions sont complètement décorrélées. L’inflation que nous connaissons ne repose sur rien, si ce n’est sur le trading.

Nous vous proposons donc une troisième solution, que nous présenterons dans le cadre de la deuxième partie de ce projet de loi de finances : il faut nationaliser l’ensemble du secteur énergétique et revenir à un monopole public. L’énergie est un bien commun essentiel pour la population, qui doit être sorti des griffes du marché, comme cela a été fait après-guerre.

À défaut, nous continuerons de débourser des milliards et des milliards d’euros d’argent public, qui seront absorbés par les grands groupes pour verser des dividendes.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Pour notre part, nous allons voter cet amendement, qui nous paraît intéressant en ce qu’il traite de façon distincte les ménages précaires, les classes moyennes et les plus riches. Nous aurions presque tendance à le considérer comme un amendement de gauche ! (Sourires.)

Par ailleurs, sans vouloir entrer dans le détail, le dispositif MaPrimeRénov’ est destiné à accompagner les ménages modestes. Or les ménages les plus aisés, qui ont plus de capacité à investir dans la rénovation, ne le font pas obligatoirement. Si le prix de l’énergie était plus élevé, ils seraient incités à investir. Par cet amendement, il s’agit donc aussi de conduire les classes aisées à rénover plus rapidement pour améliorer l’efficacité énergétique de leur habitation.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. J’aurais bien voulu que le ministre partage avec nous ses calculs. En effet, j’ai du mal à comprendre comment les tarifs, qui, en suivant simplement l’évolution des prix du marché, devraient augmenter d’environ 2 %, pourraient subir une hausse de 20 % si l’on augmentait l’accise.

J’ai regardé comment les prix se décomposent. En 2021, la part de la fiscalité était telle qu’elle ne permettrait pas d’obtenir 20 % de hausse au mois de février prochain.

Je suis donc quelque peu échaudée après les estimations qui ont été faites l’année dernière, au moment où l’on discutait des tarifs de l’énergie, ainsi que de différentes taxes et rentes. On nous a alors vendu n’importe quoi, nous demandant parfois de voter dans le cadre d’une seconde délibération.

Aujourd’hui, vous nous annoncez une hausse des prix très supérieure à ce qu’on peut obtenir en faisant rapidement des produits en croix, après décomposition du prix. Par ailleurs, vous annoncez, pour le chèque énergie exceptionnel, des montants très supérieurs à ce que nous avons chiffré, en nous appuyant sur la consommation moyenne des ménages français, tout en tenant compte de la composition des foyers.

Je l’avoue, il est très difficile de nous prononcer, dans la mesure où vous annoncez des chiffres dont nous ne connaissons pas le mode de calcul.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est votre amendement…

Mme Christine Lavarde. Pour ce qui concerne cet amendement et celui que nous présenterons en deuxième partie, nous en maîtrisons parfaitement les paramètres. Et notre estimation est très différente de la vôtre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous abordons là des points techniques, et c’est bien. Toutefois, si nous nous exprimons ce soir sur ce sujet, c’est parce que nous avons demandé que cet article figure dans la première partie du projet de loi de finances. Sinon, il passait ni vu ni connu, sans que nous puissions faire quoi que ce soit.

Nos collègues nous disent qu’il s’agit d’un amendement de gauche. Je n’ai pas souvent vu la gauche proposer des amendements permettant de réaliser des économies d’un peu plus de 1 milliard d’euros. (Protestations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Nous l’avons fait !

Mme Isabelle Briquet. Et la CVAE ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler les propos introductifs du ministre de l’économie – vous étiez placé à sa gauche, ce qui est bien naturel : « Je remercie le rapporteur général pour ses propositions qui me semblent bonnes, utiles, intéressantes et justifiées ». Or vous êtes en train de dire qu’elles sont mauvaises, inutiles, inintéressantes et injustifiées. C’est dommage !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre délégué. Je vous demande de bien vouloir faire preuve de concision !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le président, j’essaie d’être le plus rapide possible, mais nous sommes au cœur d’un moment très important de ce projet de loi de finances.

Monsieur le rapporteur général, madame Christine Lavarde, nous nous posons avec vous la question de la sortie progressive des dispositifs exceptionnels. Comment cela se traduit-il ?

Nous avons quasiment supprimé la fiscalité dite TICFE. Vous proposez de sortir de ces dispositifs exceptionnels, et c’est un point sur lequel nous vous rejoignons, avec Bruno Le Maire.

Toutefois, nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur la manière de procéder, ce qui n’est pas très grave puisque nos intentions sont partagées. Selon nous, il n’est pas possible de demander aux Français de supporter une hausse de 20 % du prix de l’électricité.

Madame Lavarde, d’après les estimations, le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) devrait augmenter, en février prochain, de 2 % à 3 % maximum. Si la TICPE passe à 32 euros le mégawattheure, le prix de l’électricité augmentera d’environ 20 %.

Nous considérons qu’une telle disposition est trop forte et trop rapide. Nous ne disons pas qu’il ne faut pas sortir, à terme, de ce dispositif exceptionnel. Simplement, la marche que vous proposez pour février prochain est trop importante. En effet, nous avons pris l’engagement – il peut y avoir un désaccord entre nous à ce sujet – de ne pas augmenter le prix de l’électricité de plus de 10 % en février prochain. Vous nous demandez de l’augmenter de 20 % ; or nous ne le voulons pas, car l’effort demandé aux Français serait trop important.

Nous souhaitons une hausse modérée des tarifs, tandis que vous proposez une hausse beaucoup plus importante, qui s’accompagnerait d’un chèque, ce qui soulève deux difficultés.

Premièrement, si l’on veut sortir collectivement du « quoi qu’il en coûte » et de la période de crise, il faut savoir renoncer aux dispositifs de chèque. Je préfère donc un ajustement plus progressif, sans chèque, à un ajustement plus brutal, avec chèque. Il y a là une vraie divergence entre nous.

J’en viens aux ménages modestes. Il n’a jamais été question de supprimer le chèque annuel et pérenne destiné à aider les foyers les plus modestes à faire face à leurs dépenses d’énergie. Il concerne environ 6 millions de personnes. Ce chèque existait avant la crise et reste en place.

Mme Christine Lavarde. Il n’est pas actualisé en fonction du prix !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. J’ai essayé d’estimer le montant du chèque qui sera proposé en deuxième partie du projet de loi de finances par M. le rapporteur général. Au bas mot, il représentera 3 ou 4 milliards d’euros.

Ensuite, il faudra sortir encore de ce chèque exceptionnel. Psychologiquement, c’est le discours que nous tenons avec Bruno Le Maire : nous devons refermer la période exceptionnelle que nous avons traversée, et la fin des chèques participe justement de la fin de ladite période.

Voilà quelles sont nos divergences. Nous avons pris l’engagement vis-à-vis des Français de ne pas augmenter de plus de 10 % les prix de l’électricité. Nous souhaitons le tenir. En termes de finances publiques, nos deux options sont à peu près équivalentes. Le chemin que vous proposez est différent du nôtre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Troisième prise de parole !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, notre assemblée a besoin d’être éclairée. (Sourires.)

Le solde, par rapport à votre dispositif, sera ici de 1 milliard d’euros d’économies pour les finances publiques. Vous prenez les données de manière brute : c’est blanc ou c’est noir. Pour nous, ce n’est ni blanc ni noir : on a une somme d’argent et on regarde quel levier utiliser.

Puisqu’il faut sortir du dispositif, il nous semble préférable d’opter pour une compensation à l’endroit des personnes dont les revenus sont très faibles ou des classes moyennes. Nous prenons le pari de proposer aux ménages plus aisés ou très aisés de ne plus bénéficier d’aides. Il s’agit d’une sortie progressive, mais dès le départ. Le chèque permettra une sortie différenciée là où vous souhaitez laisser aveuglément loger tout le monde à la même enseigne. (M. le ministre délégué le conteste.)

Mme Christine Lavarde. Il y a les élections…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, écoutez-nous, notre dispositif constitue un atout.

Vous nous dites qu’il faut sortir du chèque. Dieu sait que nous n’avons pas été des adeptes du chèque tous azimuts ! Pour autant, nous acceptons de regarder les choses en ciblant.

Souvenez-vous du chèque carburant, qui devait coûter 1,5 milliard ou 1,2 milliard d’euros. Finalement, il n’a coûté – de mémoire – qu’environ 500 millions. Cela démontre en creux qu’en adressant des chèques pour un peu plus de 1 milliard, la moitié des personnes visées considéreront que le montant n’est pas assez élevé et ne prendront pas la peine de les utiliser. Cela vaut donc le coup de privilégier notre proposition. C’est un début de sortie qui permet de responsabiliser tout le monde.

Nous prenons le pari qu’il est plus simple pour les ménages les plus aisés ou très aisés d’accepter de sortir en sifflet, ou progressivement. C’est un choix économique, écologique, social. En somme, c’est un choix plein d’humanité.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. La question des tarifs est éminemment structurelle. Si l’on veut être équitable à l’égard de l’ensemble des catégories de consommateurs, des plus modestes jusqu’aux industriels, il faut que les coûts, et donc les tarifs, résultent le plus possible du mix énergétique national.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est un autre sujet !

M. Franck Montaugé. Dans un système de marché, la formation des prix est bien trop décorrélée de la prise en compte des coûts du mix énergétique national. Il s’agit d’un enjeu de souveraineté nationale et d’équité entre consommateurs, en particulier pour les plus modestes.

La question de fond est donc structurelle. Tant que l’on n’en reviendra pas à ce type de principe, on ne s’en sortira pas : on continuera de faire des chèques sans forcément résoudre les problèmes de fond, notamment les difficultés auxquelles sont confrontés les plus modestes de nos concitoyens.

Le groupe SER s’abstiendra : ni l’amendement de la commission ni celui du Gouvernement ne règlent le fond de la question.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Sur ce sujet, qui est important, notre groupe, sur l’initiative de notre collègue Vincent Delahaye, va utiliser son droit de tirage pour créer une commission d’enquête sur le prix de l’électricité.

À un moment donné, il va falloir appeler un chat un chat et voir comment tout cela se décompose. Nous serons les uns et les autres beaucoup plus éclairés une fois que le président Delahaye aura rempli sa mission et que la commission d’enquête aura publié son rapport.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je souhaite répondre au rapporteur général et éclairer la représentation nationale.

Vous vous apprêtez à voter une augmentation de 20 % du prix de l’électricité en février prochain, soit en moyenne une hausse de 260 euros par an pour les ménages. Le chèque exceptionnel mis en place pour les troisième et quatrième déciles – c’est-à-dire pour ceux qui gagnent moins que le Smic – s’élève à 100 euros. Le reste à charge sera donc très important, de l’ordre de 160 euros.

Par ailleurs, si vous voulez couvrir ce reste à charge pour les classes moyennes, cela coûtera des milliards d’euros : pas 3 ou 4 milliards, mais probablement beaucoup plus.

Mme Christine Lavarde. Nous n’avons pas du tout les mêmes chiffres !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Vous ne ferez à la fin aucune économie et nous allons nous retrouver avec un dispositif de chèque dont il sera très difficile de sortir, alors même que nous devons – j’y insiste – mettre un terme au « quoi qu’il en coûte ».

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-209.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° I-2279 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par dix alinéas ainsi rédigés :

I. bis - A. - Pour les consommations qui relèvent de l’un des tarifs normaux mentionnés à l’article L. 312-37 du code des impositions sur les biens et services, les tarifs mentionnés aux 1° et 2° du I peuvent faire l’objet, à compter de la date de référence mentionnée au B, d’une majoration uniforme déterminée par arrêté du ministre chargé du budget dans la limite du plafond déterminé dans les conditions prévues au C.

L’arrêté mentionné au premier alinéa du présent A intervient au plus tard le 31 janvier 2024 et ne donne pas lieu à consultation du Conseil supérieur de l’énergie.

B. - La date de référence s’entend de la date de première détermination en 2024 du tarif de référence.

Le tarif de référence s’entend du tarif dit « bleu » prévu à l’article R. 337-18 du code de l’énergie, dans sa rédaction en vigueur le 1er août 2023.

C. - Le plafond prévu au A du présent article est déterminé de manière à ce que la différence entre les deux termes suivants, évalués en moyenne dans les conditions prévues au D, soit égale à 10 % du second de ces termes :

1° Le montant du tarif de référence à la date de référence, majoré des taxes applicables au 1er janvier 2024 et du plafond ;

2° Le montant du tarif de référence au 1er août 2023, majoré des taxes applicables à cette même date.

Si le plafond qui en résulte est négatif, aucune majoration n’est appliquée.

D. - Les termes mentionnés aux 1° et 2° du C sont évalués en moyenne des parts fixes et proportionnelles des options et versions tarifaires applicables aux usages résidentiels relevant du tarif de référence, pondérées par le nombre des sites et les consommations à température normale constatés en moyenne pour ces options et versions au cours de l’année 2022 sur le réseau métropolitain continental, pour les besoins de la première détermination en 2024 du tarif de référence de l’entreprise « Électricité de France » mentionnée à l’article L. 111-67 du code de l’énergie.

I ter. – Les I et I bis sont applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement a déjà été présenté indirectement. La position du Gouvernement est beaucoup plus équilibrée : il s’agit de majorer la TICFE de 15 euros au maximum, afin de respecter notre engagement de ne pas augmenter les tarifs de l’électricité de plus de 10 %.

Nous sortons d’une période où nous avons déjà augmenté les prix de l’électricité. Je vous invite vraiment à adopter une position équilibrée. Cet amendement vise à faire un pas de plus vers la sortie du « quoi qu’il en coûte » tout en prévoyant une augmentation raisonnable des prix de l’électricité au 1er février.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un dispositif orthogonal par rapport à celui que nous venons d’adopter à une large majorité : avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous nous dites que la TICFE augmentera de 15 euros par mois, mais il ne s’agit pas de l’augmentation du tarif réglementé !

Celle-ci est bien plus complexe à calculer. Les TRVE tiennent compte de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et du complément de fourniture, qui se calcule sur les deux derniers mois de l’année – novembre et décembre. Comment pouvez-vous vous engager, ici, devant le Parlement, à ce que les tarifs n’augmentent que de 2 % à 10 %, alors que vous ne connaissez pas le complément de fourniture du mois de décembre ? Quid de la capacité, des coûts commerciaux, de la marge et du tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (Turpe) ? (Mme Christine Lavarde renchérit.)

Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais vous prenez le problème à l’envers. Vous voulez nous faire adopter un amendement qui vise à augmenter l’une des taxes sur la facture électrique de 15 euros tout en nous promettant qu’il n’y aura pas d’autre augmentation. Mais vous n’en savez rien ! À combien s’élèvera le complément de fourniture pour le mois de décembre ? Même la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ne peut pas nous donner de chiffres. Elle annonce déjà une proposition d’augmentation entre 30 % et 70 %, à charge ensuite au Gouvernement de traduire cela politiquement.

Il vous est en effet possible de prendre l’engagement de ne pas augmenter le tarif réglementé au-delà de 10 %, sauf que vous nous avez déjà fait le coup l’an dernier ! Vous nous aviez dit : ça n’augmentera pas plus, mais l’augmentation s’est faite en deux temps : 10 % en janvier et 15 % ensuite !

Vous engagez-vous devant le Parlement à ce que le tarif réglementé n’augmente pas de plus de 10 % en 2024, en une ou plusieurs fois ? Voilà le bon débat, plutôt que d’essayer de nous enfumer avec un amendement qui n’a strictement rien à voir avec le TRVE !