M. Patrick Kanner. Il n’y avait pas d’inflation à l’époque !

M. Christophe Béchu, ministre. J’ajoute que les 10 milliards d’euros de baisse des dotations, entre 2012 et 2017, constituent précisément le socle des difficultés actuelles des collectivités ! (Mêmes mouvements.)

Aussi, affirmer aujourd’hui – cela confine à une sorte de jeu de bonneteau – que jamais les collectivités n’ont disposé d’aussi peu de ressources, j’en suis désolé, cela ne marche pas ! (Vives exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Rachid Temal proteste vivement.)

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. le ministre s’exprimer !

M. Christophe Béchu, ministre. Après treize ans sans hausse, la dotation globale de fonctionnement augmente pour la deuxième année consécutive.

M. Ian Brossat. Vous êtes à côté de la plaque !

M. Christophe Béchu, ministre. Pour 2024, quelque 1,2 milliard d’euros de compléments de crédits ont été accordés aux collectivités. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme Sophie Primas et M. Mickaël Vallet lèvent les bras au ciel.)

M. Patrick Kanner. Cette année, il y a eu 6 % d’inflation !

M. Christophe Béchu, ministre. Il est possible de dire que ce n’est pas assez, mais on ne peut pas dire que cela n’existe pas : 200 millions d’euros de DGF, 100 millions d’euros de dotation pour les titres sécurisés, 5 millions d’euros pour les violences faites aux élus, 11 millions d’euros pour les communes nouvelles, 100 millions d’euros pour les aménités rurales,…

Mme Émilienne Poumirol. N’en jetez plus !

M. Christophe Béchu, ministre. … 250 millions d’euros de fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour l’aménagement, 500 millions d’euros pour le fonds vert…

M. Rachid Temal. Quel cinéma !

M. Christophe Béchu, ministre. Telle est la réalité ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Que certains soient fâchés avec les chiffres, c’est une chose. Mais qu’ils le soient avec la réalité, c’est plus gênant ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Huées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le ministre, nous sommes ici, précisément, pour aider les municipalités.

En aucun cas, le principe de libre administration des collectivités territoriales ne peut vous servir de justification. En effet, il suppose justement que les collectivités disposent librement de ressources suffisantes, ce qui n’est clairement pas le cas aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

compensation de la hausse de la cotisation de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste.

Mme Isabelle Florennes. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

En cette semaine où se tient le congrès annuel de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, il faut malheureusement constater que les sujets d’inquiétudes sur le bon fonctionnement de nos communes et sur leur situation financière sont bien réels.

C’est pourquoi je tiens à revenir sur l’un des engagements pris par votre gouvernement lors de la réforme des retraites. En effet, dans ce cadre, a été programmée, à partir de 2024, une hausse d’un point de la cotisation des employeurs publics à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Selon certaines estimations, cette augmentation représenterait autour de 640 millions d’euros par an pour les finances de nos communes. En contrepartie, vous vous étiez engagé à compenser intégralement cette hausse.

Cet engagement s’est traduit par l’approbation de l’article 9 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui introduit le principe de compensation intégrale de cette hausse dans des conditions à définir par une loi. Or, à ce jour, aucune mesure technique n’a été prise pour le rendre applicable.

Plus alarmant encore, rien n’est mentionné, dans le projet de loi de finances pour 2024, pour les employeurs publics, à la différence de ceux du secteur privé. Pour ces derniers, cette hausse est compensée par une baisse à due concurrence des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles.

Monsieur le ministre, cette précision apportée pour le secteur privé signifie-t-elle que les engagements pris envers les employeurs publics sont reportés ?

Si tel n’est pas le cas, je vous demande de nous indiquer si des modalités de mise en œuvre de cette promesse sont bien prévues pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la sénatrice Isabelle Florennes, vous m’interrogez sur les conditions de financement et la contribution des employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.

Pour vous répondre, il faut tout d’abord porter un regard lucide sur la situation financière de cette caisse de retraite. Celle-ci connaît d’ores et déjà un déficit, qui s’aggravera dans les années à venir, principalement pour des raisons de démographie.

Ainsi, pour les fonctions publiques hospitalière et territoriale, on comptait quatre fonctionnaires actifs pour un fonctionnaire retraité dans les années 1990, contre 1,55 aujourd’hui et à peine plus de 1 à l’horizon de 2030.

C’est précisément pourquoi l’on déplore aujourd’hui un déficit de 1,2 milliard d’euros, et pourquoi les perspectives financières laissent entrevoir un déficit de 8 milliards d’euros à l’horizon de 2030.

Tel est le contexte dans lequel le Gouvernement a annoncé la hausse d’un point du taux de cotisation des employeurs publics à cette caisse de retraite. Toutefois, nous avons tenu à assortir cette mesure d’un engagement, pris par Mme la Première ministre devant votre assemblée : la compensation intégrale de cette hausse de cotisations.

Je réitère cet engagement aujourd’hui devant vous. Il nous reste à en fixer les modalités techniques. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Nous en avons discuté avec les employeurs territoriaux. Entre autres solutions, un transfert de taux a été évoqué.

Le Gouvernement prend cette question très au sérieux : à preuve, il a demandé à trois inspections générales – l’inspection générale des finances (IGF), l’inspection générale de l’administration (IGA) et l’inspection générale des affaires sociales (Igas) – de se pencher sur le sujet. Elles doivent remettre leurs conclusions communes d’ici à la fin du mois de novembre, afin que nous puissions introduire la modalité de compensation de cette hausse de taux dans les textes financiers de cet automne et que les deux mesures soient concomitantes.

Enfin, cette mission d’inspection doit établir un diagnostic, à la demande des employeurs territoriaux et hospitaliers, et tracer des pistes d’équilibrage de cette caisse de retraite à moyen et long terme.

Madame la sénatrice, vous le voyez : nous avançons à la fois en responsabilité et en toute transparence, avec l’ensemble des élus locaux et des employeurs hospitaliers.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour la réplique.

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions.

Vous comprenez que, à l’heure où les collectivités territoriales préparent leur budget, cette information est primordiale : nous devons l’obtenir dans les plus brefs délais.

Aussi, nous attendons avec impatience la remise du rapport demandé par le Gouvernement. Les employeurs publics ont absolument besoin de ces précisions pour établir leurs prévisions budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

enfants à la rue

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme Mathilde Ollivier. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et des familles.

Madame la ministre, zéro enfant à la rue, c’est ce que votre gouvernement promettait il y a un an. Nous sommes à la mi-novembre, la trêve hivernale a commencé, le froid s’installe et pourtant, ce soir, ce sont bien 2 822 enfants qui dormiront dehors. Votre politique de mise à l’abri est donc un échec. Pis, votre bilan s’est alourdi, car, depuis un an, ce sont 20 % d’enfants en plus qui vivent dehors. Voilà la réalité.

L’hébergement d’urgence relève de la responsabilité première et principale de l’État. Mais, aujourd’hui, c’est la solidarité citoyenne qui compense vos failles : huit écoles à Lyon, sept à Rennes, sept à Paris, deux à Grenoble…

Au total, trente écoles sont occupées la nuit pour que des enfants puissent dormir au chaud. Des femmes restent plusieurs jours, voire plusieurs semaines à la maternité pour ne pas repartir à la rue avec leurs nouveau-nés…

Nos maires, nos présidents de département et nos députés sont en première ligne. Ils se mobilisent, bien sûr, mais ils vous font part de leur impuissance face à cette situation.

Depuis plusieurs semaines, nous attendons une réaction du Gouvernement, en vain : vous vous réfugiez dans le déni. À l’Assemblée nationale, nous vous avons demandé de créer en urgence 10 000 places supplémentaires : vous les avez refusées.

Surtout, ne vous abritez pas derrière des excuses financières. Dans un pays comme la France, que représentent ces 10 000 nouveaux hébergements d’urgence, quand des familles entières dorment dans des écoles ? Quand des enfants, le matin, doivent s’empresser de ranger leur sac de couchage avant l’arrivée de leurs copains ? Que représentent ces budgets, s’il s’agit de sauver des vies ?

Madame la ministre, de plus en plus d’enfants sont aujourd’hui à la rue : que dit cette banalisation de notre société ? Quand comptez-vous annoncer l’augmentation du nombre de lieux d’hébergement d’urgence ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enfance.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire dÉtat auprès de la Première ministre, chargée de lenfance. Madame la sénatrice Mathilde Ollivier, un enfant dans la rue est évidemment un enfant de trop. On ne peut que le souligner, qui plus est en cette semaine des droits de l’enfant. Le droit à des conditions de vie dignes est un droit fondamental reconnu par la convention internationale des droits de l’enfant.

Comme vous, le Gouvernement est extrêmement préoccupé par le sort de ces enfants et de ces familles ; et, contrairement à ce que vous avancez, il prend ses responsabilités face à ces situations dramatiques.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire dÉtat. Nous nous sommes une nouvelle fois penchés sur ce problème lors du dernier comité interministériel de l’enfance.

Les efforts déployés pour mettre à l’abri les enfants vivant à la rue n’ont jamais été aussi grands. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) En témoigne le maintien du parc d’hébergement d’urgence à un très haut niveau.

Depuis 2017, nous n’avons cessé de créer des places de mise à l’abri. Nous avons maintenu à plus de 200 000 le nombre de ces hébergements, qui permettent d’accueillir 70 000 enfants chaque année.

M. Ian Brossat. Il y en a encore dans la rue !

Mme Charlotte Caubel, secrétaire dÉtat. Vous citez des chiffres qui, par définition, évoluent constamment, puisque, si nous obtenons des logements pérennes pour un certain nombre de familles, d’autres arrivent sans cesse…

M. Ian Brossat. Et alors ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire dÉtat. C’est tout l’enjeu de la gestion des flux ; mais, pour votre part, vous ne raisonnez qu’à partir des stocks.

Par ailleurs, diverses mesures du pacte des solidarités permettent de poursuivre l’amélioration des conditions de vie de ces enfants. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) L’année dernière, plus de 3 000 d’entre eux ont ainsi été scolarisés par le ministère de l’éducation nationale.

Dans ces hébergements à l’hôtel, nous veillons non seulement à la scolarisation des enfants, mais aussi à leur accès aux soins. Nous créons des points de restauration et des lieux de loisirs pour améliorer leurs conditions de vie.

Si nous nous efforçons de mettre ces enfants à l’abri, nous ne devons pas perdre de vue un objectif majeur : l’accès à un logement pérenne.

Face à cet enjeu, le Gouvernement est, de même, résolument engagé. Plus de 240 000 personnes, dont 100 000 enfants, ont ainsi accédé au logement social l’année dernière. La logique est bel et bien la sortie du logement d’urgence.

Enfin – je tiens à le souligner –, nous souhaitons conduire cette politique volontariste avec le secteur associatif et les collectivités territoriales. C’est notre engagement !

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.

Mme Mathilde Ollivier. En 2017, le Président de la République disait qu’il ne voulait plus voir personne dans la rue. Or 2 800 enfants sont aujourd’hui sans domicile.

Vous êtes aux responsabilités depuis six ans et vous n’êtes pas à la hauteur ! C’est votre politique qui a conduit à cette catastrophe sociale.

Cessez enfin de vous défiler : réveillez-vous et ouvrez ces 10 000 places d’hébergement maintenant ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

drame de crépol (ii)

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Ventalon. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur.

Ce dimanche 19 novembre, les habitants du village de Crépol, dans la Drôme, se sont réveillés avec un sentiment d’incrédulité et d’effroi.

J’associe à ma question mon collègue élu de ce département, Gilbert Bouchet, qui, comme nous tous, fait sienne la douleur de la famille de Thomas, ainsi que celle des blessés. Comme lui, nous ne comprenons plus ce qui arrive à notre pays, brutalisé jusque dans ses territoires qui paraissaient les plus épargnés.

Les habitants de la ruralité, qui ne bénéficient pas des commodités de la vie citadine, en subissent à présent les dérives les plus tragiques.

Aux agressions contre les élus vient désormais s’ajouter l’attaque criminelle d’un bal de village.

Certes, nos forces de l’ordre agissent avec célérité pour interpeller ceux qui auront à répondre de leurs actes, mais les Français sont las : las des marches blanches ; las des sempiternelles annonces ministérielles qui succèdent aux drames.

La flambée des actes antisémites et des violences de toutes sortes laisse à penser que la prophétie de Gérard Collomb, craignant que demain « l’on ne vive face à face », s’est déjà accomplie.

Au-delà de l’émotion que nous ressentons aujourd’hui, ma question porte sur les quatre années restantes de ce quinquennat.

Qu’envisage le Gouvernement à moyen et long terme, pour que, dans ce pays, l’agression du médecin, de l’institutrice ou du maire redevienne inconcevable ? Comment allez-vous restaurer la valeur de l’autorité, qui rend naturel le respect des uniformes et des services publics, comme la crainte de subir les rigueurs de la loi ?

Albert Camus écrivait que « le but d’un écrivain est d’empêcher la civilisation de se détruire ». Dites-nous si cet objectif est aussi celui du Gouvernement et, dans l’affirmative, comment il compte l’atteindre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Anne Ventalon, en l’occurrence, nous devons être unis dans le recueillement.

Face à un tel drame, les mots peuvent bien sûr sembler dérisoires. Je tiens toutefois à faire miens ceux que M. le président Larcher a prononcés en ouvrant cette séance. Je salue son sens de la mesure et son esprit de compassion.

Je tiens à vous faire une confidence, toute honte bue. Hier, à propos de ce drame, j’ai été interpellé par l’un de vos collègues et, par inadvertance, j’ai donné à la jeune victime le prénom d’un de mes fils. Vous l’imaginez bien, ce n’est pas une marque de désinvolture. C’est simplement le signe que, comme chacun de nous sans doute, je me dis que cet enfant aurait pu être le mien.

Vous le savez : la famille s’est par avance opposée à toute exploitation politicienne de ce drame.

Pour ma part, comment puis-je répondre, en quelques dizaines de secondes, aux questions que vous posez ?

Je rappelle que nous avons considérablement augmenté le nombre de policiers, de gendarmes, de magistrats et de greffiers, grâce d’ailleurs aux votes que vous avez bien voulu accorder au Gouvernement.

Je tiens également à remercier les forces de sécurité intérieure et les pompiers de leur rapidité. Je remercie également Mme la déléguée interministérielle à l’aide aux victimes et l’association d’aide aux victimes, qui, dans la Drôme, représente la fédération France victimes.

Le ministère de la justice est le ministère des victimes. Les auteurs de ces faits seront châtiés, à la hauteur de leurs crimes, par une cour d’assises composée majoritairement de Français comme vous et moi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

zones de revitalisation rurale

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Ma question porte sur l’avenir des zones de revitalisation rurale (ZRR). (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Les ZRR existent depuis 1995 et, si tant d’élus locaux y sont viscéralement attachés, c’est parce qu’elles ont été créées pour venir en aide aux territoires ruraux !

Ce dispositif est fondamental, non seulement pour redynamiser le commerce et l’artisanat, mais aussi pour favoriser l’installation des professionnels de santé dans les territoires les plus fragiles.

Monsieur le ministre, certains membres de votre majorité ont souvent voulu la peau des ZRR : c’était sans compter sur le Sénat, qui a toujours œuvré pour les préserver et les proroger.

Aujourd’hui, ce dispositif doit être réformé – tout le monde en convient – et la commission de l’aménagement du territoire a beaucoup travaillé sur ce sujet depuis trois ans. Ses réflexions ont abouti au dépôt d’une proposition de loi qui permet un zonage plus juste, plus ciblé et plus efficace, pour 19 000 communes.

Pour sa part, le Gouvernement propose une réforme inscrite à l’article 7 du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Malheureusement, en l’état actuel, celle-ci s’éloigne de nos préconisations.

Vous conservez la maille intercommunale, alors que le Sénat, comme l’ensemble des associations d’élus, souhaite la maille communale ; les critères que vous avez retenus ne permettent pas d’apprécier la diversité des situations de la ruralité ; pis encore, vous vous apprêtez à inclure des aires urbaines dans un zonage rural, en y faisant entrer des villes de plus de 25 000 habitants, ce qui est contraire au bon sens.

Dès lors, en l’état actuel de votre réforme, seules 13 600 communes seront classées en ZRR, contre plus de 17 000 aujourd’hui.

Ma question est simple : envisagez-vous de corriger votre copie pour vous rapprocher de nos recommandations ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Michel Masset et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Pointereau, vous me demandez si le Gouvernement envisage de corriger l’article 7 du projet de loi de finances. La réponse est oui ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Christophe Béchu, ministre. Comment ?…

Mme Sophie Primas. Attention ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. Par le 49.3 ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Christophe Béchu, ministre. C’est Mme la Première ministre qui vous donnera le détail précis de ces dispositions… (Mme la Première ministre sourit. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Elle est là !

M. Michel Savin. Vous l’avez devant vous !

M. Christophe Béchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends que vous réclamiez Mme la Première ministre, mais vous connaissez encore mieux que moi le règlement du Sénat : quand un ministre s’est levé pour répondre à une question d’actualité au Gouvernement, il doit aller au terme de son propos. (Sourires. – Mme Françoise Gatel rit.)

Monsieur Pointereau, avant tout, je tiens à rendre hommage à deux de vos collègues, M. Delcros et Mme Espagnac (Applaudissements sur des travées des groupes UC et SER.), qui, dans un rapport d’information relatif au devenir des ZRR, ont démontré que ce dispositif ne pouvait en aucun cas disparaître au 31 décembre 2023. Ils ont même imaginé un système à double cliquet, déclinant des ZRR et des ZRR+.

Je rends aussi hommage à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de la Haute Assemblée : au-delà de nos échanges et de nos entretiens informels, elle a mené un travail considérable sur ce sujet.

Je salue également l’ancien maire de Lazenay et ancien président du département du Cher que vous êtes. Je sais que, bien loin des postures, vous êtes animé par des convictions profondes et que la défense de la ruralité représente, pour vous, un combat de près de quarante ans.

Premièrement, nous devons nous pencher sur le nombre de communes. Vous le soulignez avec raison : un dispositif restreint à 13 600 communes n’est pas satisfaisant. On ne saurait descendre sous le chiffre actuel, alors même que 88 % du territoire est couvert par des dispositifs de zonage. À l’évidence, nos critères ne sont pas les bons.

Deuxièmement, le classement en ZRR d’un département tout entier entraîne les effets de bord que vous relevez. Ce choix partait certes d’une bonne intention : il s’agissait de simplifier le dispositif en aidant mieux un certain nombre de territoires en déprise démographique. Mais on ne peut pas ranger dans la même catégorie une commune de 200 habitants et une ville qui en compte 20 000 : en procédant ainsi, l’on risque fort de privilégier la seconde au détriment de la première. Voilà pourquoi il faut inventer d’autres dispositifs.

Troisièmement, et enfin, nous devons traiter le sujet du maillage. Or, sur ce point, il n’est pas certain que nous nous retrouvions complètement. En effet, depuis 1995, les ZRR conservent au moins une constante : c’est la maille intercommunale.

Ce que nous souhaitons, c’est assurer le rattrapage communal (M. Michel Savin sexclame.), pour être certains d’éviter les effets de bord. Dans très peu de temps, Mme la Première ministre vous précisera ce qu’elle entend proposer, et vous pourrez l’applaudir comme il se doit ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je me réjouis que le Sénat ait réussi à vous faire reculer.

Disons-le, le projet initial du Gouvernement n’était ni fait ni à faire. Toutefois, j’observe qu’il traite une nouvelle fois la ruralité avec désinvolture : il s’apprête en effet à déposer un amendement de dernière minute… La revitalisation des territoires mérite bien mieux ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)

problématiques des collectivités ultramarines

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Bélim. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des outre-mer, ainsi qu’à M. le ministre de l’économie et des finances. Elle porte sur l’octroi de mer, outil précieux et même essentiel pour nos collectivités territoriales ultramarines.

Élus nationaux ou locaux, habitants ou entrepreneurs, nous sommes très largement favorables à la remise à plat de cette imposition, qui doit devenir plus lisible, plus efficiente et plus simple : plus lisible pour nos compatriotes, qui ne doivent pas voir taxer des produits pour lesquels il n’y a pas de concurrence « péi » ; plus efficiente pour nos collectivités territoriales ; plus simple pour nos très petites entreprises (TPE) et nos petites et moyennes entreprises (PME), qu’il s’agisse des règles administratives ou des dispositions financières.

L’octroi de mer a été pensé pour protéger les économies locales de la concurrence extérieure : éloignées de l’Hexagone et souvent insulaires, ces dernières sont par définition moins compétitives que d’autres. Mais, paradoxalement, alors qu’il devait se limiter aux produits de l’extérieur, il s’applique désormais aux productions locales.

Bien réformée, cette taxe peut pourtant devenir un véritable levier pour la structuration de nos filières économiques ; un outil de création d’emplois et de développement, face à la concurrence, dans chacun de nos bassins géographiques.

Depuis 2017, force est de constater que les réformes concernant les outre-mer se sont pour la plupart réalisées sans ces territoires. Comme trop souvent, l’intérêt comptable à très court terme est passé avant l’investissement et l’intérêt des comptes publics à long terme. En outre – j’y insiste –, ces mesures ont généralement été prises sans concertation.

Je pense à la réforme des aides économiques, ainsi qu’à un exemple plus récent encore : le dépôt, par M. le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, d’un amendement au projet de loi de finances pour 2024. Par définition, ces dispositions ne sont pas étayées par la moindre étude d’impact. On s’est contenté de les appuyer sur un rapport peu flatteur pour notre haute administration…

Messieurs les ministres, vous engagez-vous à associer les élus nationaux et locaux, les représentants des consommateurs et des entreprises, pour aboutir à une réforme de l’octroi de mer consentie par toutes et tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Barros applaudit également.)