compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à un adolescent tué à Crépol

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une vive émotion que nous avons appris la mort, dans la nuit de samedi à dimanche dernier, à Crépol, dans la Drôme, d’un adolescent âgé de 16 ans, Thomas, décédé à la suite d’un coup de couteau reçu alors qu’il participait à un bal.

Nous nous associons, par la pensée, à la marche organisée cette après-midi à Romans-sur-Isère pour lui rendre hommage.

Au nom du Sénat, j’assure de notre profonde sympathie sa famille, ses proches, les élus municipaux de Crépol, que je sais particulièrement atteints, et l’ensemble des victimes blessées cette nuit-là dans des circonstances qu’il appartiendra à la justice de déterminer.

3

Souhaits de bienvenue à de jeunes citoyens en tribune

M. le président. Mes chers collègues, nous sommes très heureux d’accueillir dans notre tribune d’honneur, dans le cadre de la semaine européenne de l’emploi pour les personnes handicapées, des personnes en situation de handicap – Andrea, Bérénice, Élodie, Kévin, Maxime et Samuel –, qui vont découvrir le fonctionnement de notre institution.

Le Sénat participe chaque année à cette initiative et, au cours de la journée de demain, nombre de nos collègues formeront des duos avec des personnes en situation de handicap, afin de les associer à leurs activités.

Le Sénat est pleinement mobilisé – nous en avons discuté lors de la dernière réunion du Bureau du Sénat, et M. Pierre Ouzoulias y sera sensible – pour l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail, notamment au travers de ces journées d’échanges qui constituent un moment privilégié pour changer de regard et, ensemble, dépasser nos préjugés.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à ces jeunes la plus cordiale bienvenue dans notre hémicycle. (Vifs applaudissements.)

4

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi qu’au respect du temps de parole.

drame de crépol (i)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Ma question, à laquelle j’associe mes collègues drômois, Marie-Pierre Monier et Gilbert Bouchet, s’adresse à Mme la Première ministre.

Alors que notre assemblée vient de lui rendre hommage, une marche blanche se déroule actuellement dans la Drôme, à Romans-sur-Isère, en souvenir de Thomas, âgé de 16 ans, mortellement poignardé à Crépol, dans la nuit de samedi à dimanche. Nos pensées vont à sa famille, à ses amis, à son lycée, à ses camarades de club de rugby et à toutes les personnes blessées, ainsi qu’à l’ensemble des habitants de ce village meurtri par cette tragédie.

Samedi soir, alors que le traditionnel bal d’hiver était organisé par le comité des fêtes de cette commune de 500 habitants, la convivialité a été stoppée par l’atrocité.

Selon le procureur de la République, au cours de ces événements, plus d’une quinzaine de personnes ont été blessées.

Madame la Première ministre, face à une telle violence gratuite et débridée, nous partageons la sidération et la peine des habitants de notre département. Pour nous, dans le département de la Drôme, c’est tout sauf un fait divers. L’émotion nous tenaille.

À cette douleur s’ajoutent d’inévitables questions. Pourquoi ? Pourquoi eux ? Pourquoi à Crépol ? Pourquoi Thomas ? Une enquête est en cours, qui devrait, je l’espère, apporter des réponses.

Je salue la réactivité des forces de l’ordre, qui ont procédé hier à l’interpellation de neuf individus. Gardons-nous de tirer des conclusions hâtives, laissons la justice travailler !

Cela dit, au regard de la nature de tels actes criminels, qui semblent prémédités et réalisés en bande organisée, nous devons nous interroger collectivement, afin de tout faire pour éviter que de tels drames ne se reproduisent dans notre République.

Madame la Première ministre, alors que le congrès des maires et présidents d’intercommunalité de France se déroule cette semaine et que de nombreux élus nous écoutent, comment pouvons-nous davantage accompagner et rassurer nos communes, particulièrement en territoire rural, pour que les événements indispensables à la vie de nos villages, à l’image du bal de Crépol, puissent perdurer dans la sérénité ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Bernard Buis, vous l’avez rappelé, dans la nuit de samedi à dimanche, à Crépol, dans votre département de la Drôme, Thomas, un jeune âgé de 16 ans, a été tué à la sortie d’une fête, au cœur même de son village.

Avant toute chose, j’exprime à mon tour toute ma solidarité à sa famille et à ses proches, ainsi qu’à tous les habitants de Crépol.

J’adresse mes pensées aux personnes blessées, dont certaines sont encore dans un état grave.

C’est un drame qui touche tout un village. Nous sommes aux côtés de la maire de Crépol, Mme Martine Lagut.

Monsieur le sénateur, ces violences sont graves. Elles sont inacceptables. Une enquête judiciaire a immédiatement été ouverte : 70 auditions ont été menées, les enquêteurs travaillent d’arrache-pied pour faire toute la lumière sur ce drame et neuf personnes ont d’ores et déjà été interpellées. L’enquête déterminera les responsabilités de chacun. J’ai confiance dans nos forces de l’ordre et dans notre justice. Toute la vérité sera faite sur ce crime. Les auteurs et leurs complices devront répondre de leurs actes.

Aujourd’hui, l’heure est à l’enquête et au recueillement. Ce moment appelle à la retenue et à la décence, j’en suis convaincue comme vous, monsieur le sénateur. Utiliser ce drame pour jouer avec les peurs, c’est manquer de dignité et de respect envers les victimes.

Monsieur le sénateur, vous le soulignez, ce drame pose des questions plus larges. Mon gouvernement a pleinement conscience des évolutions de la délinquance, en particulier dans nos territoires ruraux.

C’est la raison pour laquelle, conformément aux engagements du Président de la République et en application de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur défendue par le ministre Gérald Darmanin, nous créons 239 nouvelles brigades de gendarmerie, dont deux sont situées dans votre département de la Drôme.

M. Olivier Paccaud. Il faudrait déjà maintenir celles qui existent !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ce sont plus de 2 000 gendarmes supplémentaires présents dans nos territoires ruraux.

Monsieur le sénateur, je veux réellement vous l’assurer, la présence des forces de l’ordre sur l’ensemble du territoire, notamment dans la ruralité, est une priorité pour mon gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

inondations dans le nord de la france

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Chacun sait la gravité de la situation dans le Nord, mais surtout dans le Pas-de-Calais. Je tiens tout d’abord à exprimer ma profonde solidarité envers les habitants, les professionnels, les agriculteurs, mais aussi envers les élus, les bénévoles et l’ensemble des services mobilisés des communes durement touchées par les inondations.

Certaines de ces communes sont d’ores et déjà reconnues en état de catastrophe naturelle. Inévitablement, nombre d’autres suivront.

Après le temps de la sidération viendra celui des bilans et des projections. Que penser du fonctionnement et des moyens alloués à l’institution des wateringues, des sections, de l’état des matériels de pompage, de la consommation électrique, des vannes à réparer, d’un éventuel curage de l’Aa, ainsi que des canaux non navigués et complètement envasés ?

Quelle a été l’efficacité des bassins de rétention de crues ? Les pratiques culturales permettent-elles toujours la percolation des terrains ?

Les acteurs de terrain, nombreux, doivent se réunir, afin d’évaluer les pistes de solutions pour une meilleure régulation des crues. C’est un impératif !

Une chose est sûre : l’État devra fournir un effort financier important, car les collectivités ne peuvent plus tout supporter !

À la suite des inondations de décembre 2021, mon prédécesseur, Jean-Pierre Decool, avait formulé des propositions : faciliter et développer le dragage, ainsi que le curage des canaux, avec une logique de réemploi des sédiments, et utiliser les canaux non navigués comme des bassins de rétention et de régulation. Je souscris à ces propositions.

Monsieur le ministre, entendez-vous engager rapidement ces réflexions, associant tous les acteurs de terrain, afin que nos territoires puissent s’organiser et anticiper les prochaines crues, dont tout un chacun redoute le retour ? Des moyens importants seront-ils mobilisés ?

J’espère que votre réponse, comme la météo d’aujourd’hui, offrira une belle éclaircie pour les territoires sinistrés. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Lermytte, tout comme vous, je tiens à exprimer mon soutien aux forces de l’ordre, aux bénévoles et aux équipes municipales au sens large. Pour eux, malheureusement, aujourd’hui encore, ces inondations n’appartiennent pas au passé, puisqu’ils continuent de lutter contre une partie de leurs stigmates, y compris après les épisodes de pluie de ce début de semaine.

Madame la sénatrice, vous vous tournez tout de suite vers « l’après », vers ce que nous aurons besoin de bâtir collectivement, à partir des retours d’expérience.

Cet « après » a commencé – doucement – par une première visite que j’ai effectuée avec Gérald Darmanin et une première rencontre avec les élus. Le 14 novembre dernier, le Président de la République s’est rendu sur place, accompagné de la ministre Olivia Grégoire et du ministre Marc Fesneau. Le dispositif des calamités agricoles a été activé, puis, voilà quelques jours, la Première ministre s’est rendue aux côtés des sinistrés.

Pour ma part, j’aurai l’occasion, dans les prochaines semaines, de revenir au contact des élus. Toutefois, sans attendre, j’ai transmis au Conseil d’État un projet de décret – ce texte a pu être présenté en quelques jours, car nous y travaillions depuis plusieurs semaines –, afin de faciliter le curage des canaux, et pas uniquement ceux du département du Pas-de-Calais.

Nous mesurons parfaitement que préservation de l’environnement et principe de précaution vont de pair. Aussi, curer les canaux est une nécessité pour lutter contre les inondations.

De nombreuses leçons sont à tirer de ce drame. Si les inondations de 2002 ont permis d’améliorer les dispositifs de prévention et d’alerte, celles de cette année doivent nous conduire à nous interroger sur les règles générales de fonctionnement des wateringues, y compris sur ce territoire, sur le fonctionnement des pompes et sur la taille des organisations et des syndicats.

Nous devrons également étudier ce qui se passe à l’étranger. Le Président de la République, en effet, a souhaité comparer les systèmes de lutte contre les inondations qui existent en Belgique ou aux Pays-Bas avec ceux qui sont en place en France. Il a ainsi confié au maire de Saint-Omer une mission, afin de comparer ce type de politiques.

Nous avons été au rendez-vous en matière d’alerte. Nous avons été au rendez-vous pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Nous serons au rendez-vous des retours d’expérience. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

prévention des inondations

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Voilà dix ans, le Parlement adoptait la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam.

Parmi les dispositions de cette loi, figure la création d’une compétence nouvelle : la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Pour assurer le financement de cette attribution, la loi Maptam prévoyait la possibilité de lever une taxe optionnelle, dans la limite de 40 euros par habitant, afin de protéger les territoires les plus vulnérables.

En dix ans, mes chers collègues, que s’est-il passé ? Disposons-nous des moyens nécessaires pour nous protéger contre les inondations ? La réponse est non !

En dix ans, mes chers collègues, le dérèglement climatique est allé plus vite que nos décisions politiques.

En dix ans, les intercommunalités exposées au risque n’ont pas eu les moyens d’engager les investissements nécessaires.

Dans mon département, comme dans tant d’autres, la donnée est simple : peu d’habitants et de nombreux cours d’eau à protéger. Faute de moyens, les communautés de communes concernées n’arrivent pas même à financer les études préliminaires.

Les conséquences, nous les connaissons : une épée de Damoclès qui pèse au-dessus de nos têtes et, finalement, un coût financier et humain qui alourdira nos charges d’assurances, obérera nos capacités budgétaires, affaiblira les plus fragiles et détruira nos paysages.

Monsieur le ministre, depuis quelques années, les collectivités alertent, mais cela ne déclenche pas de réflexion opérationnelle.

Davantage encore, l’article 59 de la loi Maptam prévoit en 2024 – soit dans deux mois – la rétrocession aux collectivités, par l’État, de la charge d’un grand nombre d’ouvrages de protection.

Aujourd’hui, après moult alertes venues de toutes parts, au travers des amendements déposés et d’une mission d’information du Sénat conduite par Rémy Pointereau et Hervé Gillé, nous arrivons tous à la même conclusion : il faut une solidarité territoriale renforcée pour assurer la prévention des inondations.

Dernièrement, devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le ministre, vous avez également indiqué que cette solution avait votre faveur.

Aussi, monsieur le ministre, mes questions sont simples : allez-vous surseoir à cette disposition de transfert de charges en 2024 ? Surtout, le principe de solidarité étant posé, quand allons-nous le transformer en actes ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Roux, tout d’abord, vous l’avez rappelé, la loi Maptam a près de dix ans.

Comme souvent dans de tels cas, se pose la question de ce qui a été accompli depuis lors. En effet, de véritables disparités territoriales existent.

Dans la nuit du 14 au 15 novembre, en Savoie et en Haute-Savoie, des crues très fortes ont provoqué des dégâts importants, d’un niveau supérieur à ceux qu’a connus le Pas-de-Calais. Ces dégâts sont passés en quelque sorte sous les radars, car ils n’ont pas donné lieu à autant de sinistrés.

Les investissements en matière de Gemapi, notamment le programme d’actions de prévention des inondations (Papi) réalisé en 2020, avec 44 millions d’euros de soutien de l’État sur les 66 millions d’euros engagés, ont permis de ne pas avoir autant de dégâts qu’escomptés, alors que la crue a battu le record de celle de 2015 et atteint le plus haut niveau depuis 1904.

Quelles mesures de court terme ai-je annoncées, voilà quelques jours, devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ?

Dès le 1er janvier prochain, il sera possible d’utiliser le fonds vert, y compris dans les territoires qui n’auraient pas levé de taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, dite taxe Gemapi, pour accélérer la mise en œuvre de systèmes d’endiguement.

Toutefois, le rendez-vous de l’après-inondation va un peu au-delà. En effet, monsieur le sénateur, vous pointez une taxe qui pèse sur chaque personne, alors que le risque dépend des surfaces, des linéaires de fleuves et des difficultés qu’ils comportent.

Je vous prends au mot, monsieur le sénateur, puisque vous avez vous-même indiqué que les dispositifs allaient moins vite que le dérèglement climatique.

Ainsi, l’enjeu est non pas d’observer, un jour, les inondations, le lendemain, les éboulements, le troisième jour, les sécheresses : il faut adapter globalement notre système. (M. Laurent Duplomb sexclame.)

Au début de l’année prochaine, je présenterai, sous l’autorité de la Première ministre, le programme national d’adaptation au changement climatique. Il met fin à un déni : au regard du rythme adopté par les États dans le monde, nous devons nous préparer à un réchauffement climatique de 4 degrés. Ce volet doit s’accompagner d’une refonte du régime des catastrophes naturelles et d’une évolution des dispositifs de solidarité, compte tenu de l’augmentation de la fréquence de telles catastrophes.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Christophe Béchu, ministre. C’est ce rendez-vous de solidarité et de vérité que nous aurons bientôt. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Mme Audrey Linkenheld. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Voilà quelques jours, l’association Secours catholique-Caritas titrait son État de la pauvreté en France de 2023 : Pauvreté : Les femmes en première ligne.

En février dernier, la Fondation Abbé Pierre soulignait, dans son rapport annuel, l’existence du mal-logement au féminin.

Or les violences sociales rendent les femmes particulièrement vulnérables en cas de violences conjugales.

Chaque année, 210 000 femmes subissent les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint dans notre pays et, depuis janvier dernier, 121 d’entre elles sont mortes, parce que notre société n’a pas su les protéger.

Je le rappelle, chaque femme victime de violences effectue en moyenne six départs infructueux avant de partir définitivement.

Partir quand le conjoint ne peut être évincé est difficile pour de multiples raisons. Par exemple, il faut assumer seule toutes les dépenses avec un salaire inférieur en moyenne de 25 % à celui des hommes.

Il faut aussi savoir où aller. Une femme sur six a besoin d’un hébergement. Or, quand l’offre de logements abordables et adaptés est insuffisante, ce sont les femmes victimes de violences qui en font les frais.

Les collectivités le savent bien, et les maires font face à de multiples demandes sociales qui se télescopent et les obligent à gérer d’abord la pénurie.

Tant que nos services publics essentiels – le logement, la santé et l’insertion – continueront d’être dégradés et délaissés par l’État, les femmes resteront captives de ces déserts médicaux, immobiliers et sociaux.

Aussi, madame la ministre, quand allez-vous prendre conscience que les victimes, mais aussi les nombreux élus locaux et toutes les femmes – et les hommes – qui marcheront le 25 novembre prochain, lors de la vingt-quatrième journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, attendent que la grande cause que vous défendez se traduise, en réalité, par une réorientation profonde de la politique du logement et de la solidarité ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice Linkenheld, votre préoccupation est également la nôtre.

Voilà désormais six ans que nous agissons avec une réelle vigueur en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

Vous avez raison, les femmes, en particulier celles de notre pays, gagnent moins que les hommes et se retrouvent, in fine, dans des situations parfois plus précaires.

Une femme victime de violences conjugales peut accomplir en moyenne sept départs infructueux de son domicile – vous avez évoqué six départs, madame la sénatrice, mais, quoi qu’il en soit du chiffre exact, c’est déjà beaucoup trop.

Nous souhaitons accélérer les départs des femmes de leur domicile et les mettre à l’abri avec leurs enfants. Pour cela, vous le savez, nous avons d’ores et déjà développé de nombreux dispositifs.

De nombreuses lois ont été votées ici – cinq lors du premier quinquennat du Président de la République – et de nombreux dispositifs ont été mis en place, ayant trait aussi bien au recueil de la parole des femmes et à une meilleure protection de ces dernières qu’à une meilleure sanction et au traitement des auteurs des violences.

Pour favoriser le départ des femmes de leur domicile, nous avons doublé, depuis 2017, les capacités de l’hébergement d’urgence, pour atteindre plus de 10 000 places.

Nous accompagnons les femmes également grâce au pack nouveau départ, qui sera disponible dans cinq départements pilotes. Ainsi, un agent de la caisse d’allocations familiales (CAF), coordinateur, facilitera leur départ avec l’aide des associations locales.

Les féminicides adviennent malheureusement souvent lors de la séparation. Aussi est-il indispensable d’éviter aux femmes d’accomplir, en moyenne, non pas sept départs infructueux de leur domicile, mais bien moins, pour sauver des vies.

Enfin, nous allons mettre en place l’aide universelle d’urgence dans l’ensemble des départements français, car, vous l’avez souligné, madame la sénatrice, les contraintes financières empêchent souvent les femmes de quitter leur domicile.

Or l’objectif de l’ensemble des dispositifs que nous déployons est bien de les aider à partir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour la réplique.

Mme Audrey Linkenheld. Madame la ministre, en réalité, vos positions budgétaires contredisent vos déclarations de principe.

C’est pourquoi notre groupe déposera un amendement qui visera à créer les milliers de places d’hébergement, attendues par les associations, pour les deux mille enfants à la rue, pour les femmes et pour les familles mal-logées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Rachid Temal. Bravo !

prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Michelle Gréaume. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Nos communes sont à l’os, elles n’ont plus aucune marge : baisse constante de la dotation globale de fonctionnement (DGF) au fil des années, non-indexation de cette dotation sur l’inflation, augmentation du point d’indice non compensée, reprise d’acompte du filet de sécurité, et j’en passe.

Les voilà maintenant face au casse-tête de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ! Obligatoire dans les deux autres versants de la fonction publique, sa mise en œuvre dans les communes dépend, certes, du bon vouloir du maire, mais surtout des moyens financiers dont il dispose, car, bien souvent, l’État décide, mais ne paie pas.

Tout d’abord, sur le principe, davantage que d’une prime facultative, les gens ont besoin d’une reconnaissance pérenne, donc d’augmentations de salaire en fonction de l’inflation.

Ensuite, que dire de l’inégalité de traitement entre les différentes catégories de fonctionnaires et les agents territoriaux eux-mêmes, selon qu’ils travaillent dans une commune ayant, ou non, les moyens de verser cette prime ?

Nombre de communes affichent déjà des difficultés de recrutement pour certains emplois et, malgré leurs efforts, nos maires se sentent considérés par le Gouvernement comme de mauvais élèves, auxquels on demande de faire toujours plus, avec toujours moins.

C’est là que résident les raisons du malaise des maires, de leur profonde fatigue et de leur colère. La moitié d’entre eux estiment ne pas recevoir de reconnaissance de l’État. Ils ne demandent rien d’autre que de la considération, du respect et du soutien, ce qui suppose, avant tout, de leur redonner les moyens et les pouvoirs d’agir, afin de répondre aux besoins et aux attentes de leurs agents communaux et de leurs administrés.

Quelles réponses leur apportez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Gréaume, tout d’abord, le hasard fait bien les choses : il est heureux que vous posiez une question sur le rôle et la place des maires précisément au moment où se déroule le congrès des maires et présidents d’intercommunalité de France. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. Rachid Temal. C’est le hasard !

M. Christophe Béchu, ministre. Dans cette enceinte, vous n’êtes sans doute pas la seule à considérer que la République doit se trouver aux côtés de ceux qui figurent en première ligne, quels que soient les sujets évoqués. Et votre groupe n’est sans doute pas non plus le seul à penser ainsi.

M. Fabien Gay. Trente secondes de gagnées…

M. Christophe Béchu, ministre. En la matière, les actes valent parfois nettement mieux que les paroles.

M. Fabien Gay. Et que votre réponse !

M. Christophe Béchu, ministre. Tout d’abord, lorsque j’entends, du côté gauche de l’hémicycle, que les communes voient leurs dépenses augmenter, tandis que les dotations ne cessent de baisser, je dois rappeler que le quinquennat du président François Hollande est terminé ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Protestations sur les travées du groupe SER.)