Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteure en 2023 d’une mission d’information sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique, j’ai pu formuler plusieurs recommandations à l’issue des travaux.

L’une d’entre elles est l’objet d’une proposition de loi qui sera discutée le 14 décembre prochain. Ce texte sera consacré à la possibilité d’un soutien accru pour les communes les moins bien dotées.

Le projet de loi de finances, dont nous commençons l’examen ce jeudi, porte, notamment via le fonds vert et une enveloppe spécifique de 500 millions d’euros, une ambition forte en la matière.

C’est un sujet essentiel pour plus de 10 millions d’élèves, près de 1 million de personnels et pour nos élus.

Un récent rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales consacré aux investissements scolaires rappelle que les deux tiers des établissements scolaires ont plus de cinquante ans et que leur rénovation s’impose, à des niveaux divers.

Cela passe par un financement accru et par l’accompagnement des élus, notamment ceux des communes les moins peuplées, de moins de 3 500 habitants, en matière d’ingénierie ; il est vrai qu’un projet de rénovation s’apparente parfois à un parcours du combattant !

La planification ne se fera pas sans eux.

Dans une circulaire parue le 19 septembre dernier, le Gouvernement a précisé les modalités techniques du programme Villages d’avenir, avec pour objectif un renfort en ingénierie. Concrètement, 100 chefs de projet seront recrutés dans différentes préfectures et sous-préfectures, avec la mission d’accompagner les maires à concrétiser leurs idées.

À partir de quand les premiers lauréats seront-ils annoncés ? Les élus qui n’auront pas été sélectionnés cette fois pourront-ils encore postuler un peu plus tard ? Concrètement, quel sera le rôle de la personne dédiée à l’ANCT ? (M. Bernard Buis applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Nadège Havet, tout d’abord, je vous confirme ces 100 créations de postes, dans un contexte que j’aimerais rappeler.

Au cours des vingt dernières années, quelles qu’aient été les majorités en place, le ministère chargé de la transition écologique ou de l’environnement – il a changé de nom au fil du temps – est celui qui, en pourcentage, a vu ses effectifs baisser le plus.

À cet égard, je suis heureux que la création, au titre de cette année 2024, de 760 postes au global – auprès des opérateurs comme des services centraux – permette d’accompagner et de crédibiliser cette accélération de la transition écologique.

Parmi ces postes, 100 sont effectivement directement fléchés pour être chefs de projet du dispositif Villages d’avenir, sur le modèle des chefs de projet qui interviennent déjà dans Action cœur de ville ou dans Petites Villes de demain ; je le dis pour ceux qui connaissent ces dispositifs. Ces derniers devront être l’interlocuteur du maire, favoriser le lien avec la préfecture, faire en sorte de diminuer la paperasse ou les éventuelles difficultés, permettre un accès à l’information dans de bonnes conditions, assurer une veille, vérifier auprès de l’ANCT ou du ministère la disponibilité des financements et l’effectivité de leur mise en œuvre.

Quand arrivent-ils ? Nous avons bon espoir que le projet de loi de finances qui vous est soumis obtiendra une validation globale du Parlement avant le 31 décembre de cette année, ce qui nous permettra de lancer l’ensemble des recrutements de façon très officielle.

N’y aura-t-il qu’une seule session ? Non ! Une première session permettra à ceux qui sont prêts à s’inscrire dans le dispositif, exactement comme cela a été le cas pour Action cœur de ville ou Petites Villes de demain. Cependant, nous savons que certains ne seront sans doute pas prêts à le faire dès le début de l’année prochaine, même si, dans ce domaine, beaucoup a été fait par l’Association des maires ruraux de France pour coaliser une première liste de candidats.

Je vous donne donc rendez-vous au premier trimestre de l’année prochaine pour que nous puissions préciser à la fois les modalités et la mise en œuvre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Bélim. Monsieur le ministre, je vous sais attaché à la lutte contre l’artificialisation des sols. Ce combat me tient également à cœur.

À La Réunion, nous savons que les sols ne sont pas une ressource illimitée. Et voilà longtemps que nous protégeons ce patrimoine végétal !

Sur notre île, l’emprise urbaine augmente régulièrement : un peu plus de 130 hectares par an, pour un territoire de 2 512 kilomètres carrés. La surface agricole utilisée a diminué de 10 % en dix ans, selon les chiffres de la préfecture.

Vous le voyez, il nous faut agir, et chaque année compte pour protéger nos espaces naturels, forestiers et agricoles.

Le schéma d’aménagement régional (SAR) de La Réunion doit être finalisé en 2026, et il faudra par la suite le décliner dans les Scot, définis au niveau des intercommunalités, ce qui nécessitera sans aucun doute un travail long et important.

Ce sont de précieuses années que nous perdons, alors qu’il est urgent de protéger nos terres de l’artificialisation des sols, pour préserver tant l’environnement, notamment la biodiversité, que notre sécurité alimentaire. Je rappelle que les terres agricoles sont essentielles pour réduire notre dépendance aux importations de biens alimentaires depuis l’étranger !

Se posent également la question du logement, avec 42 000 demandes de logement social en attente, mais également celle de la pression démographique : La Réunion comptera 1 million d’habitants d’ici à vingt ans. L’exemple réunionnais vaut, très probablement, pour d’autres territoires.

Monsieur le ministre, ne faut-il pas avancer le calendrier pour la définition du SAR ? Avons-nous le temps d’attendre 2026, voire 2027 ou 2028 pour la déclinaison de ces mesures dans les Scot ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question et, plus largement, de votre engagement.

Si la lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols est si importante, c’est parce que nous sommes au croisement de trois enjeux.

Le premier est la biodiversité, qui est d’ailleurs l’une des dimensions importantes de la planification. En effet, la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) sera la première déclinaison nationale de la COP15, de l’accord de Kunming-Montréal et du règlement relatif à la restauration de la nature, arraché de haute lutte, à douze voix, lors de l’été dernier.

Le deuxième est l’adaptation. Quand j’artificialise un sol, je ne me contente pas de tuer la biodiversité : je crée aussi une zone de chaleur, dans un contexte d’augmentation des températures.

Le troisième est le fait qu’un sol artificialisé cesse de stocker du carbone. Le texte issu d’une initiative sénatoriale, adopté ici, puis à l’Assemblée nationale, à la quasi-unanimité des deux chambres, a abouti à faire en sorte que des délais supplémentaires soient confiés aux collectivités régionales, en allongeant de neuf mois les temps qui étaient prévus. Je l’assume pleinement.

Je comprends votre impatience. Je dis juste que j’assume de perdre un peu de temps pour en gagner ensuite en évitant les levées de boucliers de ceux qui ne comprennent pas le dispositif, alors que s’opère un changement d’échelle. Nous ne réussirons pas si nous n’embarquons pas l’ensemble des territoires et des élus qui auront à mettre en œuvre le dispositif. Si ce temps peut servir à faire de la pédagogie, je le crois utile ! Il ne faut rien lâcher sur l’ambition et sur l’objectif, mais nous devons être capables d’avancer sur les modalités.

Je connais les particularités de la situation à La Réunion, qu’il s’agisse des demandes, formulées dans le cadre de la liste des grands projets d’envergure nationale, de la pression toute particulière, liée à la richesse de la biodiversité, ou de la complexité administrative, certaines communes pouvant à la fois relever de la loi Littoral et de la loi Montagne, avec la nécessité de trouver des compromis qui n’existent pas nécessairement en métropole.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour la réplique.

Mme Audrey Bélim. Merci pour votre réponse, monsieur le ministre, mais notre inquiétude reste vive. La départementalisation, dans les départements ultramarins, a surtout conduit à une urbanisation très violente !

Il me semble essentiel d’accélérer le calendrier. Nous pourrions par exemple définir le SAR dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique, afin de gagner de précieuses années.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cadec.

M. Alain Cadec. Monsieur le ministre, face à l’urgence climatique, le Gouvernement a décidé de mettre en place une planification écologique territoriale, en intégrant des enjeux tels que les transports, l’habitat, l’environnement et l’énergie.

L’objectif est de réduire les émissions de CO2 de près de 140 millions de tonnes d’ici à 2030.

Le Gouvernement a ainsi prévu de mobiliser 10 milliards d’euros supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2024.

La stratégie nationale bas-carbone mise sur des investissements massifs et rapides des collectivités locales dans de nombreux secteurs, comme les transports collectifs, les infrastructures cyclables ou encore la rénovation des bâtiments publics.

Toutefois, les collectivités ne savent pas si elles auront les moyens de faire ce que l’État attend d’elles, sachant que, depuis 2010, les réformes de la fiscalité ont conduit à la réduction, voire à la suppression progressive d’une large partie des recettes. La transformation de la taxe professionnelle, puis la suppression de la taxe d’habitation et la diminution de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ont réduit la fiscalité directe de 40 milliards d’euros. Seules les taxes foncières permettent aujourd’hui de conserver un pouvoir de taux, concentré au niveau du bloc communal.

Quant aux départements, comme vous le savez, leurs recettes fiscales dépendent de manière très importante des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Or, dans l’ensemble des territoires, ceux-ci sont en baisse, ce qui compromet la capacité des départements à investir et les conduit à se recentrer sur leurs compétences de solidarité.

Enfin, pour les régions, le recul de la consommation aura un impact direct sur les recettes perçues au titre de la TVA.

Le système de financement des collectivités est déjà à bout de souffle, monsieur le ministre.

Dès lors, comment l’État entend-il verser ces 10 milliards d’euros ? Seront-ils attribués directement aux régions, aux départements et aux communes ?

Enfin, les financements accordés seront-ils conditionnés à des résultats de performance énergétique et climatique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Cadec, je vous remercie de votre question. Vous avez bien posé les enjeux.

Je sais que, dans une vie antérieure, plus précisément lorsque vous étiez à la tête d’une collectivité départementale, vous vous êtes efforcé de construire les consensus permettant d’avancer sur le plus de sujets possible. Parmi ces derniers, certains, dans les Côtes-d’Armor, n’étaient pas les plus simples d’un point de vue environnemental, en termes de conciliation des enjeux économiques et des enjeux écologiques.

Très concrètement, je veux d’abord vous livrer une de mes convictions profondes au titre de la cohésion des territoires, avant de vous répondre sur le financement.

Je pense que nous ne ferons pas l’économie d’assises des finances locales. En effet, nous pourrions également connaître, sur les dotations, le mouvement d’évolution des taxes que vous décrivez. Quand on constate que le nombre de kilomètres de voirie figure parmi les critères sur lesquels repose la dotation globale de fonctionnement (DGF) aujourd’hui, alors que, dans un certain nombre d’endroits, ces kilomètres ont été transférés aux intercommunalités et que les valeurs locatives n’ont pas été révisées depuis 1971, quand on fait l’archéologie du dispositif actuel, on s’aperçoit qu’il s’appuie sur des paramètres plus ou moins datés, ne répondant pas nécessairement aux enjeux de demain.

C’est vrai pour les finances, mais cela l’est également pour le type de mécanismes.

Je considère que nous devrions demain faire en sorte qu’un terrain rendu constructible fasse l’objet d’une taxe au moment où il est artificialisé, de manière à pouvoir baisser d’autres éléments de fiscalité. De fait, pour éviter une écologie punitive et impopulaire, il ne faut pas in fine que l’écologie soit le prétexte à la hausse des impôts. Elle doit dans certains cas permettre leur baisse. On ne fera pas l’économie, par exemple, d’une réflexion sur la baisse du foncier non bâti, pour soulager les agriculteurs d’une partie de la pression des rendements.

Monsieur le sénateur, les 10 milliards d’euros que vous évoquez sont inscrits au budget. Ils comprennent un milliard d’euros supplémentaires à destination des collectivités territoriales, qui s’ajoutent aux 2 milliards d’euros du fonds vert, quand 500 millions d’euros sont fléchés au profit des agences de l’eau ; ils permettront, en particulier, de soutenir les programmes de renouvellement des canalisations et de conversion à l’agroécologie sur les points de captage. Ce sont autant d’effets de levier, car nous misons sur le principe que 1 euro investi par l’État génère 4 euros investis par les collectivités ; 2,5 fois 4 égalent 10. Il nous reste encore un bout à aller chercher.

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, il nous faudra produire plus d’énergie renouvelable et décarbonée, avec un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies – pas seulement à l’électricité – et plusieurs technologies, tout en nous appuyant sur davantage de sobriété énergétique.

Un tel travail implique nécessairement une planification territoriale ancrée dans les réalités du terrain. C’est pourquoi l’ensemble des acteurs publics locaux contribuent aujourd’hui, aux côtés de l’État, à la transition énergétique des territoires.

Il est impératif de bien coordonner les actions de chacun, afin d’éviter les risques d’incohérence et de perte d’efficacité des interventions.

Cependant, de nombreuses collectivités pâtissent d’un déficit d’ingénierie, d’une insuffisance de moyens et d’expertise dans le domaine de l’énergie.

Dans ce cadre, il me semble que les autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE) constituent l’outil territorial pertinent pour accompagner les collectivités, tant dans le cadre de la planification énergétique locale – PCAET, zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables (ENR) – que dans la mise en œuvre de leurs projets. En effet, elles sont compétentes sur toute la chaîne de valeurs énergétiques et disposent de moyens et d’expertise en matière énergétique.

Aussi, monsieur le ministre, à l’heure où s’engagent les concertations dans le cadre des COP territoriales et où se dessine le futur cadre réglementaire de la planification énergétique, comment mieux reconnaître le rôle des AODE ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question et de la tonalité avec laquelle vous la posez.

Vous avez raison sur un point : le défi énergétique qui est devant nous est tellement important qu’il nécessitera de s’appuyer sur toutes les sources d’énergie et de ne pas être trop dogmatique, en étant attentif à nos gisements.

Je crois à la nécessité de développer les énergies renouvelables. C’est incontournable.

Je crois à la nécessité de relance de notre programme nucléaire, parce qu’il n’y a pas de dispositif énergétique qui fonctionne sans énergies pilotables et non intermittentes.

Derrière, nous ne devons pas nous priver des gisements de géothermie existants, pour lesquels notre pays est encore aujourd’hui globalement très timide par comparaison avec certains pays du Nord.

Nous ne devons pas écarter ce que le bioGNV est capable d’apporter. Cela fait d’ailleurs partie des raisons pour lesquelles, à l’occasion d’un Conseil récent, j’ai fait part, au nom de la France, de mon opposition à une date trop précoce pour une évolution des flottes de bus, ce qui les obligerait à passer à l’électrique, là où des collectivités ont investi dans du bioGNV ou dans d’autres types d’énergie.

Au milieu de tout cela, j’ai besoin d’autorités organisatrices qui, localement, regardent à la fois les énergies sur lesquelles nous pouvons accélérer le mouvement et les stratégies par lesquelles nous pouvons accompagner les collectivités territoriales. Je veux parler des AODE, dont vous venez à l’instant de faire la promotion.

Je partage votre conviction : il n’y aura pas de planification sans collectivités, et il n’y aura pas de planification sans énergies.

Nous avons là un point de rencontre avec ces autorités organisatrices. Ces dernières bénéficient du financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (Facé), doté de 370 millions d’euros pour les accompagner et faire en sorte de déployer des stratégies. Elles sont associées à l’ensemble des schémas consistant à penser les énergies renouvelables sur le territoire.

Je pense que nous ne sommes qu’au début de l’histoire. En effet, on voit bien que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui sera l’occasion de préciser le mix énergétique vers lequel nous allons, devra aussi être l’occasion de préciser le rôle et la place des AODE dans la stratégie, mais également dans la mise en œuvre de ce mix énergétique.

S’il est vrai que c’est sur les territoires que s’organiseront les baisses d’émissions, il est tout aussi vrai que c’est sur les territoires qu’auront lieu les productions d’énergie.

Vous aurez très bientôt rendez-vous avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui vous détaillera la place des AODE dans le cadre de cette PPE.

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour la réplique.

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le ministre, je vous remercie. Ne vous privez pas de l’expertise des AODE. Elles sont un maillon indispensable !

Mme la présidente. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Ros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation d’urgence climatique et de crise énergétique que nous vivons nous oblige.

Les collectivités territoriales, départements, intercommunalités, communes, sont aux premières loges, mais elles n’ont – hélas ! – trop souvent plus les ressources pour faire face aux enjeux.

Si nous souhaitons jouer collectif sur ce sujet crucial, il faudrait faire preuve d’innovation pour « sauver le terrain », comme vous le dites vous-même, monsieur le ministre.

L’innovation doit évidemment être technologique, mais elle doit aussi être financière.

Nous attendons donc que les investissements importants que doivent réaliser les collectivités, avec un mode de validation à définir, puissent être déconnectés des ratios classiques budgétaires – épargne brute, épargne nette, désendettement –, qui bloquent la possibilité d’accéder aux emprunts nécessaires. Cela pourrait être garanti par les intercommunalités, les départements, la Caisse des dépôts et consignations, voire un fonds dédié par l’État.

Si cela est vrai pour le patrimoine existant, c’est encore plus pertinent pour les projets d’aménagement en cours ou à venir voulus par l’État ; je pense en particulier aux opérations d’intérêt national.

Je veux à cet égard prendre l’exemple de l’opération qui concerne le plateau de Saclay. Les enjeux liés au développement des connaissances et des savoirs scientifiques de demain, couplés à ceux du développement durable, devraient faire du projet Paris-Saclay un dossier expérimental et exemplaire. Logements, voirie, transports en commun, équipements publics, bâtiments de recherche et d’enseignement supérieur et de développement économique sont autant de constructions qui, au-delà des normes environnementales qu’elles doivent respecter, doivent aussi servir d’expérimentations et d’exemples.

Or la réalité comptable, trop souvent orchestrée par les musiciens de Bercy, érige les bilans des zones d’aménagement concerté (ZAC) comme des murs qui freinent l’action au quotidien de l’ensemble des acteurs, dont les serviteurs de l’État.

Monsieur le ministre, quelles modalités financières d’accompagnement prévoyez-vous de mettre en place pour que cette action de développement soit réellement durable ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Ros, d’abord, très concrètement, le PLF pour 2024 comporte pour la première fois des budgets verts. Ces derniers ne permettent pas encore de détourer une dette, mais ils permettent déjà de détourer des investissements, et deviennent un outil de dialogue entre les collectivités locales et l’État sur ce qui va dans le sens de la transition écologique.

La formulation proposée dans le PLF pour l’investissement dans les communes de plus de 3 500 habitants correspond à la position exprimée de manière majoritaire par le bureau de l’AMF.

L’étape d’après, c’est la dette verte. J’en suis absolument convaincu : s’il y a bien un domaine qui peut justifier que nous empruntions pour financer des choses sur la durée, dès lors que nous sommes confrontés à une urgence et que les finances publiques ne sont pas extensibles en termes de prélèvements obligatoires, ce sont les investissements qui nous permettent, aujourd’hui, d’éviter, demain ou après-demain, des dépenses de fonctionnement et l’explosion d’une partie des coûts.

Un travail est aujourd’hui lancé à Bercy sur ce sujet des typologies de dépenses qui permettent d’éviter d’autres dépenses, avec une limite : celle des ratios, puisqu’il est nécessaire de reconsolider.

Néanmoins, l’exemple récent de la décision de la cour de Karlsruhe sur les 60 milliards d’euros que le gouvernement allemand a mis de côté, considérant qu’ils pouvaient bénéficier à un dispositif de financement spécifique de la transition au moyen d’un compte à part, doit nous conduire à faire attention au point jusqu’auquel nous allons.

Un dispositif sur le tiers-financement a été voté à l’unanimité dans cette enceinte, qui repose sur l’idée que l’on puisse ne rien avancer et que l’on puisse rembourser sur la durée, avec des remboursements constants correspondant aux dépenses de fonctionnement. Ce dispositif est en train de se déployer, et je crois profondément que c’est l’un des moyens de parvenir à lever ces deux types de freins.

Enfin, pour vous répondre de manière plus géolocalisée (Sourires.), il se trouve que mon directeur de cabinet a été le directeur de l’établissement public d’aménagement de Paris-Saclay. Si vous souhaitez que nous poursuivions la discussion sur ce dossier, je vous propose que nous le fassions dans un cadre plus restreint, afin de tâcher d’avancer ensemble de manière plus efficace.

Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.

M. David Ros. Pour paraphraser Saint-Exupéry, il en va de la planification écologique comme de l’avenir : il ne s’agit pas uniquement de la prévoir ; il faut la permettre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, progresser dans la transition écologique est une démarche indispensable pour notre pays. Je pense que nous en sommes tous convaincus dans cet hémicycle.

Si la France ne se donne pas les moyens d’accompagner le changement, elle devient tributaire de ses conséquences, sur le plan non seulement environnemental, mais également économique.

Nos territoires et les habitants sont en première ligne face au changement climatique. Pourtant, lorsqu’il s’agit de la déclinaison territoriale de la planification écologique, nos collectivités locales se retrouvent souvent reléguées au second plan.

Deux exemples l’illustrent à mes yeux.

Le premier est la multiplication des implantations d’éoliennes dans la ruralité. Je ne compte plus les maires de Moselle qui se plaignent des impacts catastrophiques de celles-ci : nuisances sonores, pollution visuelle, artificialisation des sols, souvent pour un rendement plus que négligeable. Or, par une situation cynique, les élus locaux se retrouvent bien souvent contraints d’accepter leur implantation, les retombées économiques directes pour la commune dépassant largement leur dotation globale de fonctionnement.

Le second exemple est bien évidemment l’objectif ZAN. Sans l’intervention du Sénat dans ce débat houleux, des conditions d’application catastrophiques auraient été mises en place pour les communes, surtout pour les plus petites et les moins bien dotées d’entre elles.

Comment le texte originel a-t-il pu ne pas prendre en compte les plaintes émanant des territoires, alors même que nos élus locaux sont les premiers à s’engager au quotidien et concrètement dans la planification écologique, par des projets innovants et souvent adaptés aux conditions locales ?

Monsieur le ministre, ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il associer davantage nos collectivités et, plus globalement, nos territoires dans toutes les étapes de la planification écologique ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Non, madame la sénatrice, votre question n’est pas simple.

Comment mieux associer les collectivités territoriales ? Pour être honnête, on entend cette question sous tous les gouvernements.

Pour ma part, je veux changer d’échelle : je ne connais pas une commune qui ne soit pas obsédée par la manière de mieux associer les citoyens aux décisions potentielles qui les concernent.

M. Laurent Burgoa. La réponse est dans l’élection !

M. Christophe Béchu, ministre. Très concrètement, les COP constituent précisément l’un des moyens d’écouter ce qui relève du terrain plutôt que ce que propose l’État.

Vous avez cité le ZAN, en vous étonnant que l’on n’ait pas mieux associé les différentes collectivités. Cette préoccupation a été au cœur des débats ! Elle a conduit à ce que l’on ajuste les dispositifs et à ce qu’un texte issu du Sénat devienne quasiment, à quelques exceptions près, la loi qui s’applique désormais. Ses décrets d’application seront présentés dans quelques jours.

Je vous le dis très clairement, je veux éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets.

C’est parce que j’ai écouté les collectivités que j’ai pris la décision de ne pas généraliser la consigne sur les bouteilles en plastique, en mesurant qu’il y avait partout, sur le territoire, des élus locaux qui avaient engagé des démarches d’extension des consignes de tri, de mise en place de centres et d’investissement dans ces derniers, de généralisation de la collecte en porte à porte.

Je me suis ainsi rendu compte qu’appliquer une décision nationale sur la base de ratios nationaux, en retenant un taux de recyclage moyen à 60 %, sans s’apercevoir que le taux de recyclage peut varier de 90 % à 40 % suivant les collectivités, donc en ne voyant finalement que les mauvais élèves dans le dispositif, n’était ni juste, ni efficace, ni même souhaitable d’un point de vue écologique. De fait, le véritable objectif n’est pas d’augmenter notre taux de recyclage ; il est de diminuer la production de plastique nouveau, compte tenu d’une partie de ses impacts.

Je plaide pour que l’on n’attende pas d’avoir voté un texte pour se demander ce que l’on fait : c’est avant le vote de ce texte que l’on doit regarder ce que l’on peut faire.

C’est le sens de la disparition des appels à projets et des appels à manifestation d’intérêt ; le fonds vert doit garder de la souplesse.

C’est le sens de la décision qui a été prise sur la consigne.

C’est le sens des décrets auxquels les parlementaires ont été associés et dont nous avons attendu la validation par l’AMF pour les transmettre au Conseil d’État et pouvoir les publier dans quelques jours.