M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, Christophe Béchu et moi-même nous sommes rendus dès le premier jour dans votre département, dans notre région. Puis sont venus le Président de la République, Christophe Béchu et le ministre de l’agriculture.

Face à des inondations extrêmement impressionnantes faisant suite à une tempête ayant touché l’ouest de la France, nous sommes évidemment aux côtés des habitants du Pas-de-Calais et du Nord, puisque le Nord, singulièrement du côté de la Flandre, a été aussi touché.

Les habitants du Pas-de-Calais ont connu à la fois la tempête, avec des submersions, et des inondations extrêmement importantes, qui ne sont pas terminées.

Je voudrais d’abord remercier les services de secours, quels qu’ils soient, policiers et gendarmes de la protection civile, sécurité civile, qui ont permis d’évacuer 6 000 personnes. Si les incidents matériels s’avèrent extrêmement graves, aucune perte humaine n’est à déplorer.

Plus de 1 000 sapeurs-pompiers sont intervenus. La moitié d’entre eux étaient des militaires du ministère de l’intérieur ou des sapeurs-pompiers des autres départements de France. Ils ont témoigné de la solidarité que vous avez évoquée, madame la sénatrice.

Hier, avec le ministre de la transition écologique, nous avons réuni la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles. Ainsi, dans votre département, 191 communes ont été reconnues, au Journal officiel, en état de catastrophe naturelle. Une vingtaine de communes l’ont été dans le Nord. Encore 30 communes doivent déposer leur dossier. Dans la mesure où la situation est particulièrement difficile, il y aura une session de rattrapage la semaine prochaine.

Le Président de la République a annoncé la création d’un poste de sous-préfet pour le Pas-de-Calais et pour le Nord afin d’organiser cette simplification. Je me rendrai samedi après-midi dans votre département pour installer ce sous-préfet et réunir et écouter les élus. Je demanderai notamment aux assureurs d’assumer leur rôle, comme le Gouvernement l’a fait en reconnaissant l’état de catastrophe naturelle.

Je laisserai le ministre de la transition écologique répondre aux autres questions, en particulier sur les curages et les dotations d’investissement qui peuvent concerner les communes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

inondations dans le pas-de-calais (ii)

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault, Mme Frédérique Puissat et M. Laurent Somon applaudissent également.)

Mme Amel Gacquerre. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Depuis une quinzaine de jours, le département du Pas-de-Calais subit des inondations exceptionnelles alors même qu’il avait été fragilisé par la tempête Ciaran quelques jours auparavant.

Près de 250 communes ont été affectées par des épisodes de pluies torrentielles, de crues et d’inondations sans précédent, en termes aussi bien de durée que d’intensité. Il est tombé en un mois ce qui tombe habituellement en six mois.

Les dernières annonces du Gouvernement vont dans le bon sens. L’état de catastrophe naturelle a été prononcé pour 244 communes du Nord et du Pas-de-Calais. D’autres départements sont touchés dans les Hauts-de-France, mais également dans plusieurs régions.

Un fonds de soutien de 50 millions d’euros à destination des collectivités a été créé. C’est une première enveloppe bienvenue, mais elle est insuffisante au regard des dégâts.

Monsieur le ministre, la visite du Président de la République hier, à Saint-Omer, a révélé les besoins criants des sinistrés et des communes pour faire face à cette catastrophe, aussi bien pour gérer l’urgence qu’en matière de prévention. Les attentes sont de tous ordres : financier, juridique opérationnel.

Financièrement, d’abord, il est impossible aujourd’hui d’avancer un chiffrage des dégâts et des désordres pour les habitants, mais également pour les commerçants, artisans, agriculteurs, entrepreneurs. Quoi qu’il en soit, il est à présent indispensable de simplifier et d’accélérer les procédures administratives pour permettre à chacun de reprendre une vie normale.

Juridiquement, ensuite, les élus – dont je salue l’investissement sans faille auprès leurs administrés – vous demandent de la souplesse dans l’exercice de leurs compétences. Il convient, par exemple, de faciliter l’entretien des cours d’eau et des fossés, qui est encadré par trop de normes et de contraintes, en raison essentiellement de conditions environnementales excessives.

Monsieur le ministre, avec le réchauffement climatique, ce type d’événements risque de se multiplier. Les séquelles sont matérielles, mais également psychologiques.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Amel Gacquerre. Comment allez-vous redonner confiance à nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Gacquerre, vous étiez présente, hier, lorsque le Président de la République, Olivia Grégoire, Marc Fesneau et moi-même sommes allés à la rencontre des sinistrés des communes concernées. Ce déplacement faisait suite à la visite effectuée par Gérald Darmanin, la semaine dernière.

Aujourd’hui même, une proposition de simplification sur les curages des rivières a été transmise au Conseil d’État. Ce sujet ne concerne pas que le Nord et les Hauts-de-France ; cette avancée est attendue dans divers territoires. Si nous avons pu agir aussi rapidement, c’est que nous y travaillions déjà depuis un certain temps. Nous étions arrivés à une copie permettant de concilier les impératifs écologiques et les besoins de prévention que vous évoquez.

Je veux rendre justice, madame la sénatrice, aux institutions et aux élus locaux de ce territoire. Grâce aux travaux qu’ils ont conduits, et malgré des niveaux de crue historiques, nous n’avons pas eu autant de sinistrés qu’il y a vingt ans. Les digues, les dispositifs de bassin, le suivi régulier dans divers territoires ont donc porté leurs fruits.

En revanche, il convient de trouver un meilleur équilibre entre le principe de précaution, qui montre ses résultats, et la nécessité de ne pas aller trop loin dans des exigences qui finissent par heurter le bon sens et par limiter notre capacité à intervenir.

Au-delà, il importe de faire aussi face à l’urgence. Un fonds de 50 millions d’euros a été annoncé afin – c’est un début – d’accompagner sans attendre les collectivités en matière d’infrastructures et d’ouvrages d’art. Un travail de consolidation des dégâts va s’engager. Le ministre de l’intérieur a reconnu hier l’état de catastrophe naturelle. Lorsque l’eau baissera véritablement – en début de semaine prochaine, nous l’espérons – nous tirerons toutes les conséquences de ces événements en termes de prévention et de suivi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

renouvellement de l’autorisation du glyphosate au niveau européen

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, demain, jeudi 16 novembre, les États membres de l’Union européenne sont appelés à voter sur la réautorisation pour dix ans du glyphosate.

Ce vote, dans lequel la France aura un rôle déterminant, a une importance cruciale, alors que les preuves s’accumulent sur les dangers de cette molécule pour la santé et l’environnement.

Vous le savez, le glyphosate est classé comme cancérogène probable depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) insistait, en 2021, sur son effet potentiel de perturbateur endocrinien et sur son lien avec des maladies neurodégénératives.

Ces jours derniers, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a reconnu des défaillances dans ses méthodologies d’évaluation du risque.

Si la France s’abstient de nouveau, demain, sur le glyphosate, elle portera une lourde responsabilité.

Pourtant, on s’en souvient, le Président de la République annonçait en 2017 une sortie de son usage en France sous trois ans, souhaitant entraîner l’Europe entière derrière lui.

Mme Sophie Primas. Principe de réalité !

M. Daniel Salmon. Aujourd’hui, on constate un abandon de tout leadership sur la question.

La France a quitté le wagon de tête pour être en queue de train, avec un discours à géométrie variable. Un jour, le prétexte national pour l’inaction est la distorsion de concurrence avec nos voisins. Aujourd’hui, vous ne montrez aucune ambition à l’échelle européenne, alors que d’autres États membres ont pris des positions bien plus courageuses.

Monsieur le ministre, la France votera-t-elle contre la réautorisation du glyphosate ? Êtes-vous prêt à jouer votre rôle pour son interdiction rapide au niveau européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol, MM. Fabien Gay et Ian Brossat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Salmon, le comité d’appel se prononcera sur la ré-homologation du glyphosate.

La position de la France sur ce sujet est la même depuis le début : nous n’étions pas d’accord et nous ne sommes pas d’accord avec la position de la Commission telle qu’elle est formulée. Celle-ci, en termes de durée comme en termes d’usage, ne correspond pas à la ligne que la France a choisie.

Permettez-moi de vous dire que la France a plutôt un rôle de leadership, puisque c’est le seul pays d’Europe et du monde à avoir d’ores et déjà pris des mesures de restriction. Les résultats sont au rendez-vous : nous avons réduit les usages de 27 % à 30 %.

Quoi qu’il en soit, nous sommes dans un cadre européen. Il faut reconnaître, monsieur Salmon, que le principe de réalité s’impose. Il existe, par exemple, des usages pour lesquels nous sommes aujourd’hui dans une impasse.

M. Yannick Jadot. C’est faux !

M. Marc Fesneau, ministre. Je pense à l’agriculture de conservation des sols. J’imagine que vous la défendez, puisqu’elle permet d’améliorer la qualité des sols et la productivité et de stocker plus de carbone. Au moment où je vous parle, il n’y a pas d’alternative crédible. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Bien sûr que si !

M. Marc Fesneau, ministre. La position de la France est simple : partout où l’on peut réduire les usages, conformément à la trajectoire que nous nous sommes donnée, nous le faisons ; et là où il y a des impasses, nous assumons aussi les positions qui sont les nôtres.

Nous continuerons donc à défendre au niveau européen la volonté de réduire l’usage du glyphosate ; dans le même temps, nous prenons acte des impasses dans lesquelles nous nous trouvons.

Enfin, monsieur le sénateur Salmon, les décisions et les propositions de la Commission européenne sont basées sur les préconisations de l’Efsa, dont les travaux ont été aussi alimentés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

La science ne saurait être à géométrie variable. (Protestations sur les travées du groupe GEST. – Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.) L’Efsa et l’Anses nous ont livré un certain nombre d’éléments sur le glyphosate, écoutez-les et n’agissez pas seulement selon vos convictions, ce sera mieux pour tout le monde ! (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, vous le savez parfaitement, la fabrique du doute fonctionne à plein régime aujourd’hui avec des pseudo-études scientifiques payées par les grands groupes. Hier, l’amiante, le fossile, le tabac ; aujourd’hui, les pesticides : personne n’est dupe ! (Mme Sophie Primas proteste.)

Prenez vos responsabilités ! Vous avez la chance de pouvoir demain remettre la France à sa place dans le leadership européen. Ne la gâchez pas, ne faites pas en sorte que nous ayons honte de la position de notre pays !

Le glyphosate, c’est chose avérée, est un poison : des méta-analyses le prouvent tous les jours et ce ne sont pas de petites études faites par les grands groupes ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

inondations dans le pas-de-calais (iii)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin. Le rouge et l’orange : ces deux couleurs sont désormais familières, mais si angoissantes pour les habitants du Pas-de-Calais.

Mes premiers mots iront donc vers les sinistrés des deux tempêtes et des inondations, qui se prolongent depuis trois semaines. Je pense aux habitants sinistrés, bien trop nombreux. Ils n’ont plus de maison, ils n’ont plus de vêtements ni de chaussures ; désespérés, leur regard est vide.

Les maires sont également désespérés. Malgré leur courage, ils sont épuisés et à bout de solutions.

Je pense aux sinistrés agricoles, qui n’ont plus de champ à semer, plus de bêtes à faire pâturer, plus de légumes à récolter.

Je pense aux sinistrés économiques, qui ne peuvent plus faire fonctionner leurs entreprises ni faire travailler leurs salariés.

Jamais nous n’avons connu de catastrophe d’une telle ampleur, avec une étendue géographique si importante. Jamais nous n’avons autant souhaité la solidarité locale et nationale pour venir effacer le désespoir d’un avenir sombre, encore à découvrir.

Au-delà de la solidarité des collectivités locales, déjà précisée et qui va s’accroître, au-delà de la solidarité nationale, pleinement assurée dans l’urgence par nos préfets et leurs services, la représentation nationale et les collectivités attendent des précisions pour le futur de ces sinistrés.

Nous avons aussi besoin d’une solidarité européenne. Comme je l’ai rappelé au Président de la République hier, je souhaite que l’on puisse d’ores et déjà activer les trois mécanismes de soutien européen : la protection civile de l’Union européenne ; le fonds de solidarité de l’Union européenne, activable pour les catastrophes régionales ; et l’instrument d’aide d’urgence.

Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, quelles dispositions nationales le Gouvernement compte prendre ? L’Union européenne est-elle déjà sollicitée dans la gestion de cette catastrophe naturelle ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, oui, nous avons activé les dispositifs européens.

Nous allons même un peu plus loin, puisque le Président de la République a souhaité que nous comparions la manière dont nos amis belges et hollandais, qui sont confrontés en ce moment même à des inondations similaires, mobilisent leurs mécanismes nationaux. Quel type d’accompagnement budgétaire prévoient-ils ? Quelle politique d’adaptation en amont mettent-ils en place ?

Dans la mesure où nous avons affaire à un événement climatique hors norme dont nous avons des raisons de penser qu’il se reproduira – les experts nous prédisent de plus en plus d’épisodes de pluies intenses et de sécheresses estivales –, il convient de regarder comment les autres pays se préparent.

Dans le même temps, permettez-moi de valoriser l’action de Marc Fesneau, qui a déclenché le dispositif sur les calamités agricoles. Il a fait ce matin un certain nombre d’annonces, à la fois pour les départements qui ont été touchés par la tempête Ciaran, par la tempête Domingos et par les inondations : 80 millions d’euros seront débloqués pour accompagner nos agriculteurs – les exploitants de fraises à Plougastel, tout comme les cultivateurs de betteraves ou les éleveurs que vous évoquez, se retrouvent aujourd’hui dans le dénuement. Nous sommes déterminés à utiliser tous les leviers nationaux et européens pour accompagner les sinistrés sur l’ensemble de notre territoire.

Au-delà des chiffres, au-delà des mécanismes, au-delà des reconnaissances, au-delà des labels, nous devons collectivement avoir une pensée, comme vous venez de le faire, monsieur le sénateur, pour les élus, les bénévoles, les associations et les employés municipaux qui sont sur le terrain et qui, depuis des jours et des jours, ne comptent ni leurs heures ni leur peine.

Je vous remercie de leur avoir rendu cet hommage. Ils sont au cœur de nos pensées. Nous pouvons collectivement les applaudir pour ce qu’ils font depuis le 6 novembre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, je me tiens à votre disposition, avec les présidents de région et de département, pour rencontrer la Commission européenne.

Vous m’avez répondu sur les plans à mettre en place, mais pas forcément sur les financements. Or c’est un point sur lequel il convient d’être précis.

M. Jean-François Rapin. Par ailleurs, preuve est faite, monsieur le ministre, qu’il vaudrait mieux – comme tous les maires l’ont souligné hier – reparler de curage, de faucardage, de fascinage, de débroussaillage et de bassins de rétention pour nos cours d’eau en étant à l’écoute des élus locaux…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-François Rapin. … plutôt que de dépenser trop d’argent en études incessantes, usantes, traînantes et parfois inutiles ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

situation de l’hôpital

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Monsieur le ministre, il y a moins d’un mois, plus d’un millier d’aides-soignants, d’infirmiers, de sages-femmes et de médecins dénonçaient dans une tribune publiée dans le journal Le Monde les « dilemmes éthiques intenables » auxquels ils sont confrontés, faute de lits et de personnels dans nos hôpitaux.

Partout, dans mon département du Calvados comme ailleurs, les soignants alertent sur la dégradation sans fin de leurs conditions de travail. Ils indiquent ne pas avoir choisi de travailler à l’hôpital pour être contraints de trier les patients ou d’être maltraitants.

Voilà quelques mois, le service statistique du ministère de la santé indiquait que plus de 21 000 lits avaient été supprimés entre 2017 et fin 2021, soit l’essentiel du premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

Dans 163 villes de France, les urgences ont été ponctuellement fermées cet été en raison de la démission de personnels. Aujourd’hui encore, 30 % de lits sont fermés dans certains établissements. Parfois même, il s’agit de services entiers !

Pas une semaine ne passe sans que l’état de délabrement des secteurs de la psychiatrie ou de la pédiatrie, abandonnés de l’État, fasse la une, sans parler de toutes ces maternités que vous avez laissées se dégrader au point que plus personne ne veuille y travailler.

Monsieur le ministre, il faut sortir des logiques comptables technocratiques ! Allez-vous enfin écouter les professionnels de terrain, garantir un nombre maximal de patients par soignant, comme le Sénat l’a voté, et donner à l’hôpital public les moyens de prendre correctement en charge les patients ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge et MM. Guy Benarroche, Fabien Gay, Pierre Ouzoulias et Ian Brossat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, l’hôpital, singulièrement l’hôpital public, est dans une situation difficile.

Il connaît une crise dont les racines sont profondes et qui fait écho, en partie, à la question de votre collègue Bernard Jomier voilà quelques instants. L’avantage d’avoir un peu d’expérience, c’est de pouvoir revenir sur certaines de ses propres erreurs.

En 2017, la sécurité sociale et la branche maladie étaient à l’équilibre, en effet, mais sans doute l’hôpital avait-il été la variable d’ajustement de ces dépenses. Nous étions peut-être allés trop loin dans la régulation financière à cette époque.

L’hôpital connaît une triple crise. La première est issue de la situation sanitaire et du covid-19. La deuxième est une crise des vocations. La troisième, plus ponctuelle, est liée à l’inflation. L’État n’a jamais détourné les yeux et n’a jamais été dans le déni par rapport à ces trois crises.

L’augmentation des rémunérations des soignants n’a jamais été aussi forte depuis trente ans. Le Ségur permettra d’investir 19 milliards d’euros dans les établissements de santé, même si cette somme se trouve érodée par l’inflation.

Nous avons aussi été au rendez-vous au moment de la crise du covid-19, avec le système de la garantie de financement.

Madame la sénatrice, si je partage évidemment une partie de vos constats, je pensais en vous écoutant à un grand parlementaire, également ancien maire de Rambouillet, qui disait que tous les samedis matin, sur le marché de sa commune, le collectif de défense de l’hôpital annonçait que l’hôpital était à l’agonie et qu’il n’y avait plus assez de soignants.

M. Rachid Temal. Et alors ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. Comment les patients pourraient-ils ensuite avoir envie de se rendre à la maternité ou aux urgences de Rambouillet ? À force de dire que l’hôpital est à l’agonie, il risque malheureusement de l’être : prenons garde à certains discours autoréalisateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Hussein Bourgi. Mais c’est la vérité !

M. le président. Revenons dans le Calvados…

La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.

Mme Corinne Féret. Et alors, monsieur le ministre ? Votre réponse, nous l’avons déjà entendue maintes fois de la part de vos prédécesseurs. Force est de constater que la situation s’est encore dégradée. Nos hôpitaux doivent demeurer des lieux de soins sûrs et humains. Les Français comme les soignants attendent des actes forts ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST. – M. Michel Bonnus applaudit également.)

agriculture

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, il y a aujourd’hui deux types d’acteurs : ceux qui veulent une agriculture qui rime avec environnement et qui croient au progrès, et ceux qui considèrent que l’agriculture s’oppose, par nature, à l’environnement et veulent l’éradiquer. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Je fais partie de la première catégorie.

La commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (Envi) du Parlement européen, en cohérence avec sa doctrine décroissante, fait partie de la seconde. (M. Yannick Jadot sexclame. – M. Guy Benarroche ironise.)

Dernière décision en date, dans le cadre de l’examen du règlement sur l’usage durable des pesticides, dans les zones Natura 2000, qui partaient pourtant d’un bon principe, le Parlement européen veut désormais interdire toute pratique, sauf en agriculture biologique, secteur pourtant en crise de surproduction. (Applaudissements et exclamations amusées sur les travées du groupe GEST.) En résumé, soit les agriculteurs se convertissent et vendent à perte, soit ils s’arrêtent tout de suite !

M. Guy Benarroche. C’est faux !

M. Laurent Duplomb. Autrement dit, pour protéger ces zones, comme je l’avais déjà souligné voilà deux ans ici même, on accepte de rayer l’agriculture de la carte.

En France, Natura 2000, c’est 7 millions d’hectares, dont près de 5 % de la surface en production fruitière et 70 000 hectares de grandes cultures pour la seule Beauce.

Après le Green Deal, cette nouvelle décision décroissante de gens qui préfèrent une agriculture importée est contraire à notre souveraineté, dont votre ministère porte le nom.

Je le soulignais en préambule, il y a deux camps : ceux qui croient en une agriculture de progrès et ceux qui veulent éliminer l’agriculture. Je fais partie du premier camp et je m’opposerai à ce projet de décision européenne. Monsieur le ministre, dans quel camp êtes-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guy Benarroche. C’est une fable !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, on est toujours sommé d’être dans un camp ou dans un autre ! Sachez que vous me trouverez toujours dans le camp de ceux qui défendent l’agriculture et la souveraineté agricole française et européenne !

Cela étant, il importe en effet – vous avez raison de le souligner – de déterminer une trajectoire économique, car il n’y aura pas d’agriculture sans modèle permettant à la fois de rémunérer les agriculteurs et de prendre en compte certaines évolutions réclamées par la société.

Par ailleurs, et c’est peut-être en cela que nous différons, je crois en une agriculture de progrès, mais je crois aussi que le statu quo serait la pire des solutions pour l’agriculture.

Le dérèglement climatique ainsi que les dérèglements géopolitiques et économiques imposeront un certain nombre de transitions, que nous devons accompagner pour les agriculteurs. À défaut, nous commettrions une erreur tragique sur le sujet qui nous préoccupe tous, au Sénat et ailleurs, à savoir la permanence de l’agriculture française.

En ce qui concerne la réglementation que vous citez et à laquelle vous vous opposez, rien n’est encore décidé. La discussion entre le Parlement, le Conseil et la Commission n’a pas du tout abouti. Seule une position a été exprimée par la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Le travail se poursuit ; je le suis de près, avec Christophe Béchu, afin de pouvoir combiner une trajectoire de réduction des pesticides, qui n’a pas été décidée par ce gouvernement – ce point est tranché depuis quinze ans –, et, en même temps (Exclamations ironiques sur diverses travées.), l’accompagnement de nos agriculteurs dans les transitions.

Il n’y aura pas d’interdiction sans solution, car il faut tenir compte avec lucidité des impasses. Je n’ai jamais cru que les interdictions produisaient des solutions. Il faut donc rechercher des alternatives, en misant notamment sur la recherche.

Nous ne voulons pas d’un système consistant à mettre sous cloche une partie de nos territoires. Qu’il s’agisse de la forêt ou de l’agriculture, toutes les productions doivent demeurer viables économiquement. Voilà quelle sera la position de la France, y compris au moment de débattre sur la réglementation que vous évoquez. (MM. François Patriat, Didier Rambaud et Loïc Hervé applaudissent.)