M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous aurez compris que les étrangers en France bénéficient d’une prise en charge par la sécurité sociale en fonction du statut dont ils relèvent.

Quelqu’un qui se trouverait en situation irrégulière sur le territoire, ayant été débouté de sa demande d’asile et ne pouvant pas se maintenir à un autre titre, disposerait au moins de la prise en charge des soins urgents, dont chacun sait qu’elle existe dans notre pays. Sous réserve qu’il se soit inscrit à son bénéfice, il pourrait surtout mobiliser l’aide médicale d’État, ou d’urgence, peu importe, c’est-à-dire un autre mode de prise en charge, plus complet.

Notre pays ne laisse personne dans une absence totale de soins, mais il existe une gradation dans la prise en charge, suivant le statut de l’intéressé. Pour autant, il a paru normal à la commission que la prise en charge varie suivant la régularité de son séjour en France, comme cela est déjà inscrit dans le Ceseda.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié bis et 643.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 19 - Amendements n° 48 rectifié bis et n° 643
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 19 - Amendement n° 200

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.

L’amendement n° 108, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :

Après l’article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 552-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Je le retire, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 19 - Amendement n° 108
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 19 - Amendement n° 599

M. le président. L’amendement n° 108 est retiré.

L’amendement n° 200, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l’article L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’Office français de protection des réfugiés et apatrides délivre aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire ou du statut d’apatride, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la protection, les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil. »

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. L’objet de cet amendement est d’une grande simplicité : il consiste à fixer dans la loi le délai dans lequel le bénéficiaire d’une protection internationale accordée par la France se voit délivrer des actes d’état civil.

Pourquoi en passer par la loi ? Parce que, depuis 2017, ce délai ne cesse de se détériorer. En 2018, il était de 140 jours en moyenne ; il atteint aujourd’hui 240 jours, soit près de huit mois. Cette situation porte évidemment atteinte aux droits des étrangers.

Si l’on veut garantir que la personne protégée pourra s’intégrer de la meilleure manière, il est évident qu’elle doit disposer dans les meilleurs délais d’un acte d’état civil, d’autant que ses conjoints et enfants mineurs doivent pouvoir la rejoindre en France au titre de la réunification familiale.

C’est pourquoi les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposent d’adopter cet amendement, qui vise à encadrer dans le temps la délivrance de ces documents, en fixant le délai maximum à quatre mois à compter de la décision octroyant la protection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a parfaitement conscience de cette difficulté relative à l’état civil. Toutefois, il ne nous semble pas que l’introduction d’un délai formel soit de nature à faire avancer l’établissement des actes concernés. Pour cela, il faut surtout octroyer aux services concernés des moyens complémentaires.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 200.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 19 - Amendement n° 200
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article 19 bis (nouveau) (début)

M. le président. L’amendement n° 599, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’article L. 561-2 est ainsi modifié :

a) Au 3°, les mots : « dépassé leur dix-neuvième anniversaire » sont remplacés par les mots : « atteint leur dix-huitième anniversaire ; en cas d’adoption, seuls sont éligibles à la réunification familiale les enfants dont le lien de filiation avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire a été établi par un jugement antérieur à la date d’introduction de la demande d’asile. » ;

b) Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

- Les mots : « non marié » sont remplacés par les mots : « non accompagné tel que défini au f) de l’article 2 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial » ;

- Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque ces enfants ne sont pas issus de la même union que le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire, seuls ceux dont les liens avec l’ascendant de ce dernier remplissent les conditions prévues par les articles L. 434-3 et L. 434-4 sont éligibles à la réunification familiale. Si le réfugié a atteint l’âge de dix-huit ans entre la date d’introduction de sa demande d’asile et celle de l’obtention du statut, il peut solliciter le bénéfice des dispositions du présent alinéa dans le délai de trois mois à compter de la date à laquelle il s’est vu reconnaître la qualité de réfugié. » ;

c) Au dernier alinéa, les mots : « à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite » sont remplacés par les mots et la phrase : « de la demande de visa prévue par l’article L. 561-5. Par dérogation, les enfants du réfugié qui ont atteint l’âge de dix-huit ans postérieurement à la date d’introduction de la demande d’asile peuvent présenter une demande de visa sur le fondement du présent article dans le délai de trois mois suivant l’obtention du statut de réfugié par leur parent. » ;

2° L’article L. 561-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 3° Au conjoint, au partenaire d’union civile, au concubin ou à l’enfant ayant cessé d’entretenir avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire des relations suffisamment stables et continues pour former avec lui une famille. Sont notamment exclus du bénéfice des dispositions de la présente section les enfants ayant constitué leur propre cellule familiale. » ;

3° L’article L. 561-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’alinéa précédent, le droit du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire à être rejoint par les membres de sa famille est soumis aux dispositions du chapitre IV du titre III du livre IV du présent code si la demande de visa prévue par l’article L. 561-5 n’a pas été introduite dans le délai de dix-huit mois suivant l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur. »

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Nous en avons déjà discuté : il existe, d’une part, le regroupement familial, pour les personnes titulaires d’un titre de séjour, et, d’autre part, la réunification familiale, pour les personnes ayant obtenu le statut de réfugié.

Les critères du regroupement familial, a fortiori une fois resserrés par les articles 1er B et 1er C de ce texte, diffèrent de ceux de la réunification familiale, lesquels sont plus larges et concernent davantage d’ayants droit ; le maintien dans notre droit d’une telle différence ne nous paraît pas nécessaire.

Bien sûr, les enfants resteront concernés, mais la présence d’autres ayants droit nous semble contraire au principe du statut de réfugié : ces personnes, si elles viennent du même pays que l’intéressé, peuvent déposer leur propre demande d’asile pour obtenir ce statut, plutôt que d’en bénéficier par leur seul lien familial, même éloigné, avec le réfugié.

Cet amendement vise par conséquent à aligner les critères de la réunification familiale pour les réfugiés sur ceux du regroupement familial, à quelques détails près.

M. le président. Le sous-amendement n° 644, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 599, alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

- À la fin, les mots : « , accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective » sont supprimés ;

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement du Gouvernement, mais souhaite ajouter l’exclusion des frères et sœurs à cette nouvelle mouture de la réunification familiale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 644.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 599, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, à la demande de la commission et avec l’accord du Gouvernement et de tous les groupes politiques, nous pourrions, à titre exceptionnel, et compte tenu de la tenue, demain, des cérémonies du 11 novembre, suspendre nos travaux à douze heures trente et les reprendre dès treize heures quarante-cinq.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Article additionnel après l'article 19 - Amendement n° 599
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article 19 bis (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 19 bis (nouveau)

La sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article L. 551-15, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 551-16, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 201 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 313 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 471 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour présenter l’amendement n° 201.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à supprimer l’article 19 bis, introduit dans le texte par la commission des lois.

Nous sommes très surpris du choix de cette dernière, qui a considéré que le retrait ou la suspension par l’Ofii du bénéfice des conditions matérielles d’accueil d’un demandeur d’asile, jusqu’à présent décidé au cas par cas, devait devenir automatique.

Ainsi, un demandeur se verrait systématiquement retirer ou refuser ce bénéfice s’il sollicite un réexamen de sa situation, s’il n’a pas demandé l’asile dès son arrivée, ou s’il a refusé une orientation ou une proposition.

Cette rédaction nous semble contraire à l’article 20 de la directive Accueil, qui précise que le retrait ou le refus de ces conditions matérielles n’est possible que « dans des cas exceptionnels et dûment justifiés », sur décision motivée, après examen de « la situation particulière de la personne concernée ». Il doit donc y avoir une individualisation de la décision.

Par ailleurs, le Ceseda lui-même, qui n’a pas été modifié sur ce point par la commission, impose de prendre en compte la vulnérabilité du demandeur. Enfin, le Conseil d’État a rappelé ces exigences.

Pour toutes ces raisons légitimes, nous demandons la suppression de cet article 19 bis.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 313 rectifié.

M. Guy Benarroche. Nous discutons d’une série de mesures qui visent à franchir une nouvelle étape.

Après avoir totalement renoncé à l’intégration des étrangers par le travail, après avoir cherché à dissuader les migrants de venir en France par diverses mesures réduisant leurs droits et accroissant leurs difficultés, on en arrive désormais à tenter de rendre leur accueil le moins digne possible si malgré tout, poussés par leurs conditions de vie, ils parviennent en France.

Il faudrait changer le titre de ce texte, qui vise en réalité à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’immigrés en France !

Le Conseil d’État avait pourtant rappelé, dans sa décision du 31 juillet 2019, que, conformément à l’article 20 de la directive Accueil, l’Ofii doit examiner au cas par cas la situation personnelle – j’y insiste – de chaque demandeur d’asile, y compris sa vulnérabilité, pour déterminer si le refus ou le retrait des conditions matérielles d’accueil est justifié et proportionné. L’État est tenu de garantir un niveau de vie digne à tous les demandeurs.

Or cet article instaure une automaticité du refus ou du retrait de ces conditions matérielles d’accueil, en totale contradiction avec les engagements de la France et les décisions du Conseil d’État.

Son seul objet est de réduire les droits des personnes exilées et de détériorer leurs conditions d’accueil, de manière à les maintenir dans la dépendance et dans la précarité, au mépris de nos traditions d’asile et des obligations afférentes, de la dignité des personnes, de l’ordre social et du dynamisme économique de notre pays.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons avec solennité de renoncer à cette mesure et d’accepter la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 471.

M. Pascal Savoldelli. On est tout simplement en train de supprimer une allocation, alors que les résultats ne le justifient pas. Deux conditions sont essentielles pour se sentir accueilli : avoir un emploi et avoir un toit.

Dans ma ville, il m’est arrivé d’obtenir satisfaction pour des mères de famille, avec des enfants en maternelle ou à l’école primaire, qu’on allait mettre à la rue. On affirme même maintenant que, dès 3 ans, un gosse peut vivre dehors, pour peu qu’il s’agisse d’un étranger. On a honte de le dire !

Il faut vraiment revoir cette mesure. Nous avons un devoir de résultat : 84 500 demandeurs d’asile enregistrés en France étaient sans hébergement dédié au 31 décembre 2022 et je crains que le chiffre soit encore plus élevé au 31 décembre 2023. Pourtant, il ne saurait y avoir d’enfants sans toit, de personnes laissées en déshérence.

On m’objecte souvent, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances ou d’autres textes, que tel ou tel de mes amendements est contraire à l’harmonisation européenne. C’est le grand couperet !

Or voici ce que dispose la directive Accueil : « Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande de protection internationale », ils font en sorte que « les mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil assurent au demandeur un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale ». En n’adoptant pas nos amendements, nous choisirions de nous mettre en dehors du champ de l’harmonisation sociale européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est évidemment défavorable à la suppression d’un article qu’elle a elle-même introduit dans le texte.

Cet article vise à rendre systématique le retrait des conditions matérielles d’accueil de certains demandeurs, qui n’est actuellement qu’une possibilité.

Je me permets de rappeler certains motifs susceptibles d’entraîner ce retrait, puisqu’il ne s’agit pas d’une mesure discrétionnaire : le refus de la proposition d’hébergement qui a été faite aux demandeurs – celui-ci pouvait avoir un toit sur la tête, mais il n’était pas intéressé –, l’absence aux entretiens, la dissimulation d’informations, ou encore la fourniture d’informations mensongères.

Il ne s’agit pas de sanctionner de façon arbitraire et cruelle une personne qui demande l’asile, mais de tirer les conséquences d’un comportement incompatible avec la demande qu’elle fait à la France.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Madame la rapporteure, les exemples ont leurs limites, je le sais bien, mais je veux vous en exposer un qui peut sans doute être source d’enseignements.

J’ai connu une famille à Ivry-sur-Seine – une mère avec deux enfants, dont le dernier a connu trois années de retard de croissance. Cette femme a refusé un hébergement – c’est parfois légitime. Un de ses enfants était à l’école maternelle, l’autre en primaire, elle travaillait à l’autre bout de Paris et on lui proposait un logement au fin fond de la Seine-et-Marne ! Ce n’est pas parce qu’on est antirépublicain que l’on décline de telles offres ; c’est parce que c’est infaisable !

Notre collègue Ravier, qui prétendait, par ses amendements, mettre des gens en prison, aurait dû y envoyer beaucoup de monde, et même le sénateur que je suis, car nous avons organisé une chaîne de solidarité pour que cette femme puisse emmener ses enfants à l’école – ou que quelqu’un les y emmène pour elle – alors qu’elle travaillait, dans la restauration, à Paris.

Grâce à nos efforts collectifs, elle a finalement obtenu un logement, non pas en Seine-et-Marne, mais à Vincennes, à proximité d’Ivry-sur-Seine. J’en suis assez fier.

Il faut se montrer prudent lorsque l’on cite des textes juridiques : l’écart est souvent grand entre la théorie et la pratique. Or les deux sont nécessaires : il convient d’écouter aussi ce qui ressort de cette dernière. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je tiens à féliciter M. Savoldelli : il a parfaitement illustré l’incohérence de l’argumentation développée par Mme la rapporteure.

Nous demandons simplement que les situations des demandeurs d’asile soient étudiées au cas par cas, sur la base de motivations personnalisées, et non de façon automatique.

Je pourrais citer dix autres exemples de refus de logement qui compléteraient celui que vous venez d’entendre. Il est possible de refuser un logement, il arrive que l’on ne fournisse pas à temps les bons papiers ; pour autant, cela doit-il automatiquement condamner la personne concernée à la suspension de cette allocation ?

Non, bien évidemment ! Il faut examiner les situations personnelles.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Mme Audrey Linkenheld. Cette question me paraît particulièrement sensible. La mesure proposée à cet article a des implications lourdes pour les personnes concernées, que l’on priverait de conditions matérielles d’existence pour les raisons, parfois difficiles à admettre, qui viennent d’être exposées.

Sur un sujet aussi sensible, je m’étonnais de ne pas entendre le Gouvernement réagir aux questions que nous avons posées, alors que l’article qui nous est proposé va à l’encontre d’une décision du Conseil d’État et d’une directive européenne, mais je constate que M. le ministre a levé la main dans l’intervalle.

Il me semble important, avant de pouvoir nous exprimer définitivement, d’entendre le point de vue du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis sensible à l’argumentation de MM. Savoldelli et Benarroche. Il m’est en effet arrivé de connaître des situations aussi difficiles dans ma commune.

Le texte proposé par la commission présente cependant un intérêt dans la lutte contre les abus. Pour autant, MM. Benarroche et Savoldelli, qui ne refusent pas le texte en tant que tel, ont raison de souligner qu’il ne faudrait pas que celui-ci conduise à une généralisation du traitement, sans possibilité d’appréciation au cas par cas.

Mme Audrey Linkenheld. C’est bien cela qu’empêche cet article !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je reproche également à cet article d’être probablement contraire, comme vous l’avez relevé, à la directive Accueil et, partant, aux engagements européens de la France.

Cela étant dit, il ne fait guère de doute que vos amendements seront rejetés.

M. Pascal Savoldelli. C’est clair !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je m’engage toutefois à travailler avec les parlementaires de tous les groupes à l’Assemblée nationale pour, d’une part, introduire la possibilité d’une appréciation au cas par cas, afin de répondre de manière plus efficace à la question soulevée par M. Savoldelli, et, d’autre part, assurer la conformité de ce texte avec le droit européen.

Je veux cependant souligner que la question du logement des demandeurs d’asile est moins caricaturale que ce que vous évoquez.

D’une part, la distance du logement par rapport au lieu de travail n’est pas un problème que pour les demandeurs d’asile, mais aussi pour beaucoup de nos concitoyens.

D’autre part, sans vouloir ouvrir ici un débat sans fin sur le logement, l’asile et les personnes en situation irrégulière, rappelons que, dans le cadre du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA), nous assurons le logement aux intéressés.

Concernant les hébergements d’urgence, la difficulté réside dans le fait que beaucoup d’étrangers, y compris lorsqu’ils ont été déboutés et qu’ils ont épuisé toutes les voies de recours, restent dans ce système, financé par les crédits du ministère de l’intérieur et des outre-mer ou de celui du logement. Or la quasi-totalité des personnes qui travaillent, au nom de l’État, afin d’assurer cet accueil refuse de vérifier leur statut !

Pour autant, le Conseil d’État n’a jamais fait valoir que le logement devait être garanti de manière absolue à toute personne ; il doit simplement l’être jusqu’au moment où l’intéressé, ayant épuisé tous les recours, se retrouve en situation irrégulière. Il n’existe pas d’inconditionnalité en la matière pour des personnes dont tous les recours ont été rejetés. Celles-ci, dès lors qu’on leur a refusé l’asile, que l’administration et la justice l’ont confirmé, et qu’elles se sont vu notifier une OQTF, doivent repartir dans leur pays d’origine.

Il convient donc de distinguer l’hébergement dû aux demandeurs d’asile, auquel des crédits du ministère de l’intérieur sont consacrés, de l’hébergement d’urgence destiné notamment aux personnes sans domicile fixe ou mal logées, dont les occupants peuvent être en situation irrégulière.

Gardons-nous ainsi de caricaturer les propos de la rapporteure ou le texte même de l’article 19 bis. Nous verrons dans quelques instants quelle sera la décision de la Haute Assemblée sur vos amendements, mais, s’ils sont rejetés, je m’engage à retravailler la rédaction de cet article pour assurer sa conformité au droit européen et à notre humanisme, tout en luttant contre les fraudes possibles.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 201, 313 rectifié et 471.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas les amendements.)

M. le président. L’amendement n° 202, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :

1° L’article L. 551-15 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, les conditions matérielles d’accueil peuvent être refusées, partiellement ou totalement, au demandeur dans les cas suivants : » ;

b) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la décision mettant fin aux conditions matérielles d’accueil a été prise en application des 1° et du 2°, si le demandeur revient sur son refus, l’Office français de l’immigration et de l’intégration rétablit les conditions matérielles d’accueil totalement ou partiellement. » ;

2° L’article L. 551-16 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d’accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque la décision mettant fin aux conditions matérielles d’accueil a été prise en application des 1°, 2° ou 3° du présent article et que les raisons ayant conduit à cette décision ont cessé, l’Office français de l’immigration et de l’intégration rétablit, totalement ou partiellement, les conditions matérielles d’accueil. À titre exceptionnel, l’office peut refuser, sur décision écrite et motivée, de rétablir les conditions matérielles d’accueil. La décision prend en compte la vulnérabilité du demandeur ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n’a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l’acceptation initiale des conditions matérielles d’accueil » ;

3° Après l’article L. 551-16, il est inséré un article L. 551-… ainsi rédigé :

« Art. L. 551-. - L’Office français de l’immigration et de l’intégration remet chaque année un rapport au Parlement dressant le bilan de l’application des dispositions prévues au présent chapitre. Ce rapport comprend notamment des données quantitatives et qualitatives concernant l’octroi, les motifs de refus et de retrait des conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile. »

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.