M. Fabien Gay. L’ancêtre de l’AME est l’assistance médicale gratuite, qui date de 1893, soit de plus d’un siècle !

M. Jean Sol. Elle relevait des départements !

M. Fabien Gay. On avait déjà compris à l’époque que, quels que soient sa nationalité, son statut social et ses revenus, chacun méritait en République d’être soigné. Surtout, on avait compris que c’était un enjeu de santé publique, car les virus s’attaquent à tout le monde, sans se soucier de qui a droit ou pas à l’AME, à la sécurité sociale, qui est en situation régulière ou irrégulière, etc.

Toute personne potentiellement malade peut contaminer le reste de la population. Après avoir vécu la crise du covid, comment pouvons-nous envisager sérieusement de supprimer l’AME ?

Vous appuyez sur beaucoup de fantasmes, mais l’AME ne constitue en rien un appel d’air. Beaucoup de gens fuient la guerre, la misère ou l’oppression en embarquant sur des radeaux de fortune. Croyez-vous que l’on puisse se risquer à traverser la Méditerranée uniquement pour bénéficier de cette aide ?

M. Stéphane Ravier. Bien sûr que oui !

M. Fabien Gay. Tout cela n’est pas sérieux !

Nous avons le devoir d’accueillir toutes ces personnes dans la dignité. Nous avons vis-à-vis d’elles un devoir d’humanité. Il importe donc de pouvoir toutes les soigner. Beaucoup l’ont rappelé, à défaut, notre population courrait un risque sanitaire.

Enfin, il s’agit de populations en situation de très grande fragilité : plus nous tarderons à les soigner, plus cela mettra en péril leur santé et plus cela nous coûtera cher.

D’ailleurs, vous n’assumez pas ce que vous faites : personne, pour l’instant, sur les travées de la droite n’a demandé la parole pour s’exprimer sur cet article et expliquer vos motivations pour supprimer l’AME. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, sur l’article.

M. Alain Joyandet. Nous n’avons aucune difficulté à défendre le bien commun et nous n’entendons pas nous laisser caricaturer !

Monsieur Jadot, les faits ne se sont pas déroulés exactement comme vous l’avez dit. Lorsque Nicolas Sarkozy était Président de la République, nous avions réformé l’AME en instaurant un ticket modérateur et en réservant cette aide aux urgences, à l’épidémiologie, aux enfants, aux femmes enceintes (M. Roger Karoutchi opine.), et nous avions quasiment divisé la note par deux !

À notre départ, l’AME coûtait 588 millions d’euros par an. Mais tout de suite après, les vannes ont de nouveau été ouvertes…

Oui, l’AME constitue un appel d’air pour l’immigration ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Bernard Jomier. C’est faux !

M. Yannick Jadot. Prouvez-le !

M. Alain Joyandet. C’est documenté ! Nous sommes le seul pays d’Europe dans lequel il n’y a aucune limite à l’AME pour les immigrés en situation irrégulière ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez M. Joyandet s’exprimer !

M. Alain Joyandet. Nous avons écouté patiemment la gauche ; peut-être pourrions-nous à présent nous exprimer, sans que l’on s’insulte et s’énerve…

Les faits, monsieur Jadot, sont clairs : nous avons réussi à faire reculer le coût de l’AME de près de 40 % sans refuser pour autant de soigner les malades !

C’est ce vers quoi nous voulons de nouveau nous diriger. La France a 3 000 milliards d’euros de dettes, elle ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Ce pays doit être géré, ce qui ne nous empêche pas d’être, comme vous, des humanistes !

Nous proposons simplement une réforme structurelle et financière pour tenter de mettre un frein à cet appel d’air de l’immigration, car force est de constater qu’il existe une filière pour l’AME telle qu’elle existe aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, sur l’article.

M. Stéphane Ravier. Mes chers collègues de gauche, vous nous demandez une preuve de l’attractivité de l’AME. S’il en fallait une, je crois l’avoir évoquée durant la discussion générale : 20 000 demandes supplémentaires en seulement six mois, soit 423 000 bénéficiaires – et vous osez dire que la politique migratoire est contenue, maîtrisée… Mais c’est l’anarchie !

Enfin, le coût total du dispositif est de 1,2 milliard d’euros, alors même que l’on demande à nos hôpitaux une économie de 600 millions…

La suppression de l’AME est en réalité une mesure de justice, à la fois sociale et nationale. (M. Thomas Dossus sindigne.)

Des centaines de milliers, voire des millions, de nos compatriotes ne se soignent plus ou se soignent mal en raison de l’augmentation du coût des soins, laquelle est liée à la hausse des tarifs des mutuelles et à l’effet des déremboursements, ou simplement parce qu’ils touchent un salaire de misère. Mais eux ne bénéficient pas de l’humanisme de la gauche ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et RDSE.)

L’humanisme de la gauche, c’est toujours pour les autres, jamais pour les nôtres, en tout cas pas en priorité !

Mme Cécile Cukierman. C’est la différence entre l’humanisme et l’égoïsme !

M. Stéphane Ravier. Or, je le rappelle, charité médicale commence par soi-même.

Monsieur Jadot, vous nous faites du chantage à l’épidémie… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Oui, je l’avoue, je suis un homme qui hiérarchise son action et ses sentiments. Ce sont les miens d’abord : alors qu’il y a 10 millions de Français pauvres, c’est envers eux qu’il me semble devoir agir prioritairement, en tant que parlementaire français. Vous, c’est toujours envers les autres !

Vous avez l’humanisme en bandoulière, mais moi, je suis sur le terrain. Venez à l’hôpital européen de Marseille, qui n’a d’ailleurs d’européen que le nom : vous aurez la preuve que l’AME est attractive ! (Protestations sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, sur l’article.

Mme Mélanie Vogel. M. Ravier vient d’en faire la démonstration : cet article du projet de loi est l’article de la honte. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les virus et les infections, contrairement à vous, se fichent complètement de votre nationalité, de votre passeport ou de votre titre de séjour.

M. Stéphane Ravier. Les clandestins doivent partir !

Mme Mélanie Vogel. Ils infectent tout le monde de la même manière, mais plus encore les personnes en situation de fragilité, et se propagent dans la population.

Cet article démontre qu’au nom de votre mépris des valeurs les plus fondamentales de l’humanisme, qui sont des valeurs républicaines, et de votre haine de l’étranger, vous êtes prêts à tout. (Protestations sur les mêmes travées.)

M. André Reichardt. Arrêtez cela !

Mme Valérie Boyer. Ça suffit !

Mme Mélanie Vogel. Vous êtes prêts à mettre en danger la santé publique, y compris des Françaises et des Français. En effet, il n’y a pas de chantage à l’épidémie : personne n’est à l’origine du covid ou de tout autre virus, ce sont les virus eux-mêmes qui se transmettent !

Ce n’est pas nous qui contaminons des étrangers, qui contamineraient en retour des Français, monsieur Ravier. Il faut arrêter de délirer !

Il suffit d’en revenir à la science : l’épidémiologie est ainsi. Et pourtant, vous voilà prêts à mettre en danger la santé des Françaises et des Français, et même à dépenser plus d’argent. Il est en effet bien plus coûteux d’aller aux urgences pour une pneumonie en stade avancé que de prendre un Doliprane quand on a mal à la gorge.

Au fond, vous ne voulez protéger ni la santé des Français ni les finances publiques. Cela n’a rien à voir avec l’appel d’air que vous évoquez ; d’ailleurs, aucune étude n’a jamais démontré un quelconque lien entre ce dispositif et les migrations. Le taux de non-recours est de 50 % et l’AME représente 0,4 % des dépenses de santé : ce n’est rien du tout.

Non, cet article n’a qu’un objectif, et il n’aura qu’un résultat : que les étrangers soient toujours là, mais qu’ils souffrent plus ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.

M. Victorin Lurel. Je ne saurais laisser passer ce débat sans m’exprimer. J’ai toujours pensé que la politique et la morale pouvaient aller de pair, et que la France était porteuse de grandes valeurs. Nous nous piquons souvent d’être le pays pionnier des droits de l’homme, même si de tels propos omettent quelque peu la Magna Carta et la déclaration d’indépendance des États-Unis de 1776.

Aujourd’hui, la France a peur, peur d’elle-même, de ses valeurs. Alors qu’Ernest Renan plaidait à son époque pour la conception de la Nation élective face à la conception organique allemande, c’est bien cette dernière vision qui prime désormais dans notre pays, au point que nous cherchons à le « bunkériser ». On a vu ce qui s’est passé au moment de l’invasion de l’Ukraine…

Regardez-moi : je suis Français, depuis peut-être quatre siècles – le temps de l’esclavage, de la colonisation. Certes, la départementalisation et la régionalisation sont passées par là. Mais comment voulez-vous que je sois à l’aise lorsque des personnes originaires d’Afrique sont refusées à la frontière polonaise, et même en France ?

Derrière cette conception de la Nation, il y a la notion de race (M. Alain Joyandet sexclame.) et l’impensé racial. Personne ne veut le dire, pas plus à droite qu’à gauche… Pourtant, nous avons peur d’appliquer certains de nos grands principes républicains. Ce qui se fait là est une honte ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, sur l’article.

M. Ian Brossat. Sur bien des sujets, on peut débattre sereinement, calculatrice en main, même si on n’arrive pas forcément à se mettre d’accord. Mais l’aide médicale de l’État a pour seul objectif de soigner les gens quand ils sont malades. Il me semble que ce dispositif fait partie des sujets qui ne devraient pas susciter de débats entre nous, dès lors, en tout cas, que l’on appartient à l’arc républicain.

Je le répète : il s’agit de soigner les gens quand ils sont malades, de leur donner la possibilité d’accéder aux soins en France.

Vous voyez bien que 3 000 médecins ont signé une pétition pour maintenir l’AME.

Vous voyez bien que des députés du Modem – même si les sénateurs centristes, ici, restent silencieux – ont signé une tribune pour maintenir l’aide médicale de l’État.

Vous voyez bien, enfin, que les pays précédemment cités, comme l’Espagne, qui ont supprimé cette aide médicale ont fini par la rétablir, parce qu’une telle décision était inhumaine et qu’il était plus coûteux de prendre en charge tardivement les personnes malades.

Je ne crois pas que nous nous honorerions collectivement en agitant un symbole politique pour obtenir des résultats dont on sait d’avance qu’ils seront aussi mauvais ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, sur l’article.

Mme Ghislaine Senée. Je veux revenir sur quelques chiffres parce que la calculatrice, c’est précisément ce que vous comprenez : rapportés à 100 euros du budget de l’assurance maladie, qui garantit l’accès aux soins des Français, ces 423 000 bénéficiaires de l’AME ne représentent que 50 centimes. Et vous nous parlez d’un appel d’air !

Mais qu’est-ce qui provoquerait cet appel d’air ? La possibilité de bénéficier d’une prise en charge des frais médicaux ? L’accès à un titre de séjour ? Y croyez-vous réellement ?

Croyez-vous réellement que ce sont ces arguments qui poussent des femmes, des hommes, des enfants à quitter leur pays et à risquer leur vie ?

M. Stéphane Ravier. En tout cas, c’est pour ça qu’ils ne repartent pas…

Mme Ghislaine Senée. Non ! Ce qu’ils quittent, c’est la misère, c’est la guerre. (M. Aymeric Durox proteste.) Voilà les raisons pour lesquelles des familles entières décident de risquer leur vie sur la route. Ce n’est pas l’AME : on ne peut pas laisser dire une telle chose, alors même que l’importance de ce dispositif a été réaffirmée ici même.

Vous parlez souvent des migrants ; j’aimerais plutôt que vous parliez avec des migrants. Cela me paraît important. D’ailleurs, je salue le travail mené par les associations pour donner accès à l’information à ces migrants sur ce qu’il y a de plus fondamental – se nourrir, se loger, vivre dignement en France.

Arrêtons de croire que les migrants veulent absolument aller en France. Nous devrions savoir qu’ils ne sont pas des experts en politique comparée, comme vous le dites. Et pourtant, vous fondez toute votre politique sur une idée aussi dangereuse pour les personnes étrangères que pour les Français, sur une vision absolument fantasmée ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L’amendement n° 25 rectifié est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 167 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 329 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 433 rectifié est présenté par MM. Laouedj, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini, Guiol et Roux, Mmes Girardin et N. Delattre, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset.

L’amendement n° 567 rectifié est présenté par MM. Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.

M. Ian Brossat. Cet amendement vise à revenir sur la suppression de l’aide médicale de l’État, d’abord parce que nous sommes profondément attachés à celle-ci, ensuite parce que tous les arguments invoqués pour la supprimer nous paraissent proprement aberrants.

Premièrement, contrairement à ce qu’on nous raconte, il n’y a pas d’appel d’air lié à l’AME. Alors que plus de la moitié des personnes susceptibles d’en bénéficier n’y ont pas recours, il est aberrant de prétendre que des gens viennent en France pour profiter d’aides comme celle-là.

Deuxièmement, du point de vue de la santé publique, nous n’avons aucun intérêt à laisser des épidémies se développer. Notre intérêt est plutôt de traiter les malades au plus tôt. C’est tout le sens de l’aide médicale de l’État.

Troisièmement, l’idée selon laquelle ces dépenses seraient exorbitantes est démentie par les faits : l’AME ne représente que l’équivalent de 0,5 % des dépenses de l’assurance maladie.

Pour toutes ces raisons, nous ne souhaitons pas la suppression de l’AME ; nous considérons au contraire qu’elle mérite d’être maintenue.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour présenter l’amendement n° 167.

Mme Marion Canalès. Cet amendement a pour objet la conservation de cette aide médicale à destination des étrangers. En effet, la remise en cause de l’AME aurait un triple coût : financier, quand bien même on imagine souvent que sa suppression permettrait de réaliser des économies, sanitaire et humain.

Trois ministres successifs de la santé de la majorité se sont déjà déclarés favorables au maintien de l’AME. En outre, les conclusions du rapport commandé par la Première ministre à Claude Évin et Patrick Stefanini sont sans appel : le dispositif est contrôlé ; il n’y a pas d’appel d’air.

Plus encore, un prix Nobel de médecine, le président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et plus de 3 000 soignants et médecins ont également fait entendre leur voix pour rappeler l’importance du maintien de ce dispositif créé en 2000 sous le gouvernement Jospin et durci depuis lors.

Par ailleurs, l’Espagne a rétropédalé. Nous devons nous inspirer de ceux qui ont opté pour cette initiative dans le passé.

Le dispositif de l’AME est essentiel et urgent d’un point de vue sanitaire et social, cela a été rappelé. Il ne s’agit pas d’autre chose que de VIH, de tuberculose ; il est question de santé publique, de risque épidémique, et non pas de soins de confort, comme cela a parfois pu être évoqué. Cette aide médicale évite la dégradation de la santé des personnes autant qu’un report sur l’hôpital, qui est lui-même déjà fort éprouvé.

Ce dispositif est aussi essentiel d’un point de vue humain : il s’agit là de la santé des gens, comme mon collègue Ian Brossat l’a rappelé. La moitié de ceux qui pourraient en bénéficier n’ont pas recours à l’AME. Il n’y a pas de benchmark de la misère avant le départ : personne ne vient en France au prétexte que si l’on gagne moins de 800 euros par mois, on a droit à l’AME. Enfin, ce dispositif n’est pas cher payé : 0,47 % des dépenses de l’assurance maladie, soit 1,2 milliard d’euros.

Monsieur Joyandet, vous avez insisté sur le fait qu’à l’époque, vous aviez essayé de faire diminuer le coût de l’AME.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Marion Canalès. Il aurait peut-être fallu faire autre chose que des accords d’exonération avec le Qatar… (M. le président coupe le micro de loratrice, dont le temps de parole est écoulé.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 329 rectifié.

M. Guy Benarroche. Chers collègues, je voudrais convaincre ceux d’entre vous qui en auraient encore besoin, malgré tous les arguments qui ont été développés d’un côté et l’absence de justifications de l’autre.

Le 3 novembre 2023, les journalistes de France Inter révélaient que le rapport intermédiaire commandé par la Première ministre à MM. Évin et Stefanini concluait que « l’AME n’est ni trop chère ni trop incitative ». Il s’agit d’« un mécanisme utile et pas si coûteux ». Ainsi, « il n’y a pas d’abus, pas d’appel d’air », selon ce rapport dont nous attendons que les conclusions soient rendues publiques, ce qui, malheureusement, n’arrivera vraisemblablement qu’après l’examen de ce projet de loi.

Nous avions appris dans les précédents rapports sur le sujet que le taux de non-recours à l’AME était élevé et que le délai de résidence sur le territoire pour en bénéficier avait déjà été étendu à trois mois.

Avec quelque 400 000 bénéficiaires en 2023 pour un coût d’un peu plus de 1,2 milliard d’euros, cette prestation était qualifiée de la manière suivante par le porte-parole du Gouvernement dans son intervention du 3 novembre dernier : « Il n’y a pas d’abus de droit. […] Quelqu’un qui est à l’AME ne consomme pas plus de soins que quelqu’un qui n’y est pas. » Toujours selon Olivier Véran, c’est la prestation sociale « la plus contrôlée de notre pays ».

Outre les préoccupations d’humanité et de santé publique qu’elle soulèverait, la suppression de l’AME aurait des conséquences dévastatrices sur notre système de soins, puisqu’elle conduirait à réorienter les personnes sans couverture médicale vers les parcours accès santé spécifique (Pass) ou les services d’urgence, lesquels sont déjà saturés.

La tribune publiée dans Le Monde par de nombreux acteurs de la santé a permis de rappeler qu’il « s’agit d’un outil de lutte contre les exclusions qui n’est accessible que pour les personnes dont les ressources sont inférieures à 810 euros par mois et qui font preuve d’une résidence stable en France ».

Enfin, un sondage commandé par Médecins du Monde et publié hier montre que 56 % des Français – lesquels, selon vous, veulent savoir ce que l’on fait de leurs impôts –…

M. le président. Merci de conclure, monsieur Benarroche.

M. Guy Benarroche. … sont favorables à l’AME. Et cette part passe à 61 % lorsqu’on leur explique davantage ce dispositif.

Les Français veulent qu’on utilise leurs impôts pour l’AME !

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour présenter l’amendement n° 433 rectifié.

M. Ahmed Laouedj. Je prends le risque de répéter certains des arguments des précédents orateurs, car ce sujet est tout à fait essentiel.

Nous le disons très clairement et très simplement : nous sommes contre la suppression de l’AME. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Comme cela a été dit lors de la discussion générale, ce dispositif ne crée pas d’appel d’air : d’une part, toutes les personnes éligibles à l’AME n’en bénéficient pas réellement ; d’autre part, moins de 10 % des étrangers en situation irrégulière évoquent la santé comme motif de venue en France.

Ensuite, d’un point de vue économique et de santé publique, j’attends qu’il me soit présenté un scénario crédible et sans drame sanitaire dans lequel notre pays ne soignerait plus une partie de la population pour défaut de titre de séjour.

Nous le savons tous très bien : cette suppression est idéologique et elle pourrait avoir de graves conséquences pour le système de santé français. Il y a là un non-sens économique puisque les pathologies hospitalières prises en charge tardivement sont particulièrement coûteuses.

Quelle serait finalement l’application concrète d’une telle suppression ? Je sais que des médecins continueraient à soigner ces personnes malades de manière bénévole, qu’il y ait urgence ou non. Vous souhaitez donc la mise en place dans notre pays de dispensaires humanitaires, gérés par la seule bonne volonté de soignants qui croient encore à quelques valeurs humanistes.

Ce n’est pas le pays dans lequel nous souhaitons vivre. Restreindre les droits en matière de santé reviendrait à faire un pas en arrière auquel nous ne consentirons jamais.

Je conclus mon propos en relayant la parole des soignants exprimée dans une tribune parue dans la presse : « Les barrières à l’accès aux soins sont déjà multiples pour ces patients. […] Au-delà de sa raison d’être humaniste, l’AME est un outil essentiel à la santé des individus et à la santé publique. Leur santé, c’est aussi la nôtre. Les restrictions politiques ne feront qu’éprouver les corps, contribuer à la dégradation de la santé publique, compliquer la tâche des soignants et fragiliser un système de santé déjà exsangue. » (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 567 rectifié.

M. Xavier Iacovelli. La suppression de l’AME est une triple faute. Une faute déontologique, d’abord – l’appel des 3 000 médecins le montre bien. Une faute sanitaire, ensuite : les précédents intervenants ont démontré le risque épidémique qu’entraînerait une telle mesure, avec l’exemple de l’Espagne à l’appui. Une faute économique, enfin, puisque soigner les maladies a posteriori est toujours bien plus coûteux que de les traiter a priori.

Pour ces raisons, nous retirons cet amendement au profit des quatre autres amendements de suppression, que nous soutiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. L’amendement n° 567 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. En écoutant les différents intervenants,…

M. Thomas Dossus. De votre côté, c’était le silence !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. … on entendait mieux ceux de la partie gauche, à vrai dire, puisque de l’autre côté de l’hémicycle nos collègues étaient plus respectueux… (Rires sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Repassez-vous les images, mes chers collègues ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) D’ailleurs, vous êtes en train de me donner raison.

En écoutant les différents intervenants, donc, beaucoup de choses me sont passées par la tête, des citations, des idées, comme : « Vous n’avez pas le monopole du cœur ! » ou « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »

M. Hussein Bourgi. Ça tourne en boucle depuis hier… Changez de disque !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je constate que vous avez parfaitement le droit d’utiliser des mots extrêmement durs : j’ai entendu parler de suspicion de xénophobie, de racisme, de manque de fraternité ou d’appartenance à la communauté. En revanche, pour ma part, je ne peux manifestement pas m’inscrire en faux contre ce que vous venez de dire.

D’abord, vos propos relèvent d’une vision morale de la politique que je ne partage pas : cet hémicycle n’est pas divisé en deux parties, l’une dont les membres auraient une opinion inattaquable sur le plan moral, l’autre composée de personnes dépourvues de cohérence, de cœur et de fraternité. Nous avons une vision différente des choses, et il est incompréhensible que nous ne puissions pas échanger sereinement sur la manière de prendre en charge les soins de santé des étrangers en situation irrégulière.

Ensuite, de quoi parlons-nous précisément ? Là aussi, j’ai entendu certains brosser un tableau apocalyptique : en cessant de prendre en charge les soins de santé des étrangers, nous mettrions en péril non seulement leur santé, mais aussi celle des Français. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les étrangers en situation irrégulière bénéficient du dispositif dit des soins urgents, qui est à la disposition de toute personne se trouvant sur le territoire français, y compris lorsqu’elle est en situation irrégulière.

Par ailleurs, les étrangers en situation irrégulière peuvent s’inscrire à l’aide médicale de l’État ; s’ils ne le font pas, ils ne peuvent bénéficier que du dispositif dit des soins urgents. L’AME est une prise en charge à 100 % des soins qui peuvent être délivrés par notre système de santé.