compte rendu intégral

Présidence de M. Mathieu Darnaud

vice-président

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

Article 1er D (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Demande de réserve

Immigration et intégration

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (projet n° 304 [2022-2023], texte de la commission n° 434 rectifié [2022-2023], rapport n° 433 [2022-2023]).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Demande de réserve

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 248 rectifié bis

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois demande la réserve de l’examen du chapitre II du titre Ier du projet de loi.

Outre les amendements tendant à insérer un article additionnel avant l’article 3, les articles 3, 4, 5, 6 et 7, ainsi que les amendements tendant à insérer un article additionnel après chacun de ces articles, seraient examinés après les amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 13, soit mercredi en fin d’après-midi ou mercredi soir.

M. le président. Je suis donc saisi d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen du chapitre II du titre Ier du projet de loi.

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Je donne mon accord à la demande formulée par M. le président de la commission des lois, dans un esprit de responsabilité et d’ouverture. Je souhaite que cette réserve, en donnant davantage de temps au temps, permette à la Haute Assemblée et au Gouvernement de parvenir à un compromis sur les dispositions de l’article 3.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quelle surprise !…

M. le président. La réserve est ordonnée.

Rappel au règlement

 
 
 

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, relatif aux demandes de priorité ou de réserve dont l’effet, en cas d’adoption, est de modifier l’ordre de discussion des articles d’un texte ou des amendements.

Lorsqu’une telle demande est formulée par la commission, le Gouvernement peut s’y opposer. En l’espèce, cette demande semble vous arranger, monsieur le ministre !

M. Gérald Darmanin, ministre. Non, je respecte le Parlement !

M. Patrick Kanner. Vous aviez toutefois la possibilité de vous y opposer. Il n’aura échappé à personne que c’est non pas avec la partie gauche, mais avec la partie droite de cet hémicycle, que vous recherchez un accord. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les arbitrages politiques entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale – pour être clair, les groupes LR et UC – vont peser sur nos débats parlementaires, au point de changer l’ordonnancement des argumentaires découlant de la structuration du texte. Pour notre part, nous souhaitions que l’article 3 soit examiné au moment où il devait l’être, et nous regrettons que vous en ayez décidé autrement. Cette vérité éclatera à la vue de tous ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous êtes fébriles (Protestations sur les mêmes travées.), car il est clair que vous cherchez un accord à tout prix sur l’article 3. En dépit des propos tenus par la Première ministre, qui avait souligné que cet article était de bon sens, vous allez le tripatouiller de manière à vous mettre d’accord, mes chers collègues des groupes LR et UC. (Marques dindignation sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela ne trompe personne !

M. Stéphane Piednoir. Pas de cela entre nous !

M. Patrick Kanner. Il n’y a pas de réelle volonté de votre part de régulariser les travailleurs sans-papiers qui font tourner notre économie, ceux-là mêmes que vous applaudissiez pendant la crise de la covid, chaque soir à vingt heures, parce qu’ils faisaient le boulot en première ligne.

M. Stéphane Piednoir. Ce ne sont pas exactement les mêmes…

M. Patrick Kanner. Pour notre part, nous continuerons quoi qu’il arrive à soutenir le principe prévu à l’article 3, y compris en défendant des améliorations que nous voulons porter à la connaissance du grand public. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le président Kanner, dans la mesure où tous les orateurs de gauche qui se sont exprimés lors de la discussion générale ont indiqué à cette tribune qu’ils étaient contre ce texte, il me serait difficile de trouver un accord avec la gauche ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Kanner. On peut espérer !

M. Gérald Darmanin, ministre. Depuis le début de l’examen de ce texte, je m’efforce de faire montre d’une grande ouverture d’esprit et d’un respect profond de toutes les tendances politiques qui ne soutiennent pas le Gouvernement, et je continuerai. Vous comprendrez toutefois que l’instinct de survie limite cette ouverture ! (Mêmes mouvements.)

Je serais un piètre ministre de l’intérieur – peut-être le pensez-vous, même si vous ne le dites pas – si je tentais de trouver un accord avec vous, alors que vous martelez depuis le début de l’examen de ce texte que vous ne le voterez pas.

M. Thomas Dossus. On a le droit de ne pas vouloir voter l’article 3…

M. le président. Nous reprenons la discussion du texte de la commission.

Nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier A, aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er D.

TITRE Ier A (suite)

MAÎTRISER LES VOIES D’ACCÈS AU SÉJOUR ET LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

(Division nouvelle)

Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 353 rectifié

Après l’article 1er D

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 248 rectifié bis, présenté par MM. Le Rudulier, Menonville et Frassa, Mme Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, MM. Ravier et Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Chasseing et Wattebled, Mme Lopez, M. Bruyen, Mmes Micouleau et Belrhiti, M. Genet, Mme Devésa et M. Duffourg, est ainsi libellé :

Après l’article 1er D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section …

« Dispositions générales

« Art. L. 423-… – Lorsqu’un étranger prétend à un titre de séjour pour motif familial prévu au présent chapitre, il doit justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. À défaut, ce sont les membres du foyer fiscal auquel il sera rattaché en France qui peuvent justifier de ces ressources.

« Pour l’appréciation des ressources mentionnées au premier alinéa, toutes les ressources du demandeur, ou à défaut, des membres de son futur foyer fiscal de rattachement en France, sont prises en compte, indépendamment des prestations familiales, de l’allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, à l’article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail.

« Ces ressources doivent atteindre le montant fixé par le décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 434-8 du présent code.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux étrangers entrant dans les catégories prévues aux articles L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et aux enfants étrangers mentionnés à l’article L. 423-12 à la charge de leurs parents. Elles ne sont pas non plus applicables lorsque la personne d’attache en France est titulaire de l’allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l’allocation supplémentaire mentionnée à l’article L. 815-24 du même code. »

La parole est à Mme Catherine Belrhiti.

Mme Catherine Belrhiti. Au début de l’année 2022, notre pays comptait sur son sol 1,25 million de personnes détentrices d’un titre de séjour pour motif familial en cours de validité.

Le modèle social de notre pays, particulièrement généreux pour les étrangers, est une pompe aspirante pour l’immigration. Selon un rapport de l’OCDE, les prestations non contributives versées aux immigrés s’élevaient à 20,7 milliards d’euros en France en 2018.

Notre pays ne peut pas être le guichet social du monde entier. Il est donc impératif que les nouveaux arrivants sur notre sol soient financièrement autonomes et qu’ils ne dépendent pas de notre système social pour subvenir à leurs besoins dès leur arrivée en France.

Nous proposons donc, au travers du présent amendement, de soumettre la délivrance des titres de séjour pour motif familial à des conditions de ressources, en prévoyant toutefois des exemptions pour certaines catégories d’étrangers.

Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 248 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 354 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 353 rectifié, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Bruyen, Burgoa et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mmes Garnier, F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Rudulier, Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mmes Pluchet, Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel et Cuypers, Mme Imbert, M. Khalifé et Mme Petrus, est ainsi libellé :

Après l’article 1er D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 423-1 code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« …° L’étranger justifie de ressources stables, régulières et suffisantes ;

« …° L’étranger dispose ou disposera à la date de son arrivée en France d’un logement considéré comme normal pour un ménage sans enfant ou deux personnes, vivant dans la même région géographique ;

« …° L’étranger dispose d’une assurance maladie.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Le présent amendement tend à renforcer les conditions d’accès au séjour pour les conjoints de Français.

En effet, alors que le regroupement familial est soumis à des conditions de ressources et de logement, de telles conditions ne sont pas exigées pour les conjoints de Français.

S’il est inenvisageable de faire peser sur les Français concernés des obligations ayant trait à leur niveau de ressources ou à leurs conditions de logement, il est difficilement justifiable que leurs conjoints étrangers puissent séjourner régulièrement en France sans autre condition que la communauté de vie, au risque de faire peser sur la communauté nationale le poids de leur assimilation à celle-ci.

Au surplus, ce cadre juridique peut ouvrir la voie à des mariages frauduleux ou insincères. Les collègues qui ont, ou ont eu, la chance d’être élu local le savent bien, contrairement aux autres, qui ont plus de mal à en parler…

Dans ces conditions, le présent amendement tend à élargir aux conjoints de Français les conditions applicables au regroupement familial, telles qu’elles résultent du texte de la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Ces deux amendements visent à fixer des conditions de ressources en vue de la délivrance de titres de séjour pour motif familial. La commission n’est évidemment pas opposée par principe à de telles dispositions – vous le savez, mes chers collègues, elle a déjà fait ce travail par le passé.

La disposition que l’amendement n° 248 rectifié bis tend à introduire présente toutefois un caractère trop large et peut-être trop imprécis, alors qu’au travers de l’amendement n° 353 rectifié, Mme Eustache-Brinio vise spécifiquement les conjoints étrangers de Français, qui représentent à eux seuls près d’un tiers des primo-délivrances de titres de séjour pour motif familial.

Je demande donc le retrait de l’amendement n° 248 rectifié bis au profit de l’amendement n° 353 rectifié, sur lequel j’émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Madame Belrhiti, l’amendement n° 248 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Catherine Belrhiti. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 248 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 353 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 353 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 1er D - Amendement n° 623

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er D.

L’amendement n° 354 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, Allizard, Anglars, Bacci, Bas, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Retailleau et Reynaud, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Bouloux et Cuypers, Mme Imbert, MM. Khalifé et Mandelli et Mme Petrus, est ainsi libellé :

Après l’article 1er D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 432-1, il est inséré un article L. 432-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 432-1-…. – La délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger :

« 1° N’ayant pas satisfait à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français dans les formes et délais prescrits par l’autorité administrative ;

« 2° Ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 441-1 et 441-2 du code pénal ;

« 3° Ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 222-34 à 222-40, 224-1-A à 224-1-C, 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-1 et 225-12-2, 225-12-5 à 225-12-7, 225-13 à 225-15, au 7° de l’article 311-4 et aux articles 312-12-1 et 321-6-1 du code pénal. » ;

2° Après l’article L. 432-5, il est inséré un article L. 432-5-… ainsi rédigé :

« Art. L. 432-5-…. – Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 441-1 et 441-2 du code pénal. »

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement de bon sens, cosigné par l’ensemble de mon groupe, ne pourra – j’en suis sûr – recueillir qu’un avis favorable, monsieur le ministre… (Sourires.)

Il vise à élargir les conditions dans lesquelles un titre de séjour temporaire ou pluriannuel peut ne pas être renouvelé, voire être retiré. Seraient concernés les étrangers qui n’auraient pas accepté de se plier à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et qui seraient restés sur le sol national, qui se seraient rendus coupables de fraude documentaire avérée, par exemple en mentant sur les éléments leur ayant permis d’obtenir leur titre de séjour, ou qui auraient été condamnés pour des délits graves tels que le trafic de drogue ou le proxénétisme.

Non seulement une telle disposition paraît logique, mais j’estime qu’elle contribuera à instaurer des conditions plus correctes de délivrance des titres de séjour.

M. le président. Le sous-amendement n° 618, présenté par Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :

Amendement n° 354

I. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … Ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues au livre II du même code lorsqu’ils le sont sur le titulaire d’un mandat électif public, ou toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 ou à l’article 222-14-5 dudit code, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur. » ;

II. – Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 432-6, il est inséré un article L. 432-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 432-6-…. – Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues au livre II du même code lorsqu’ils le sont sur le titulaire d’un mandat électif public, ou toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 ou à l’article 222-14-5 dudit code, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur. »

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Ce sous-amendement vise à lever les protections absolues et relatives dont bénéficie l’étranger ayant commis certains délits et crimes d’une particulière gravité, et à en tirer toutes les conséquences, en lui refusant la délivrance d’un premier titre ou le renouvellement d’un titre de séjour, voire en lui retirant son titre de séjour.

Par l’amendement n° 354 rectifié bis, Roger Karoutchi nous propose de relever le niveau de fermeté vis-à-vis des étrangers contrevenants, délinquants et condamnés. Le présent sous-amendement vise à adopter le même niveau de fermeté lorsque des faits répréhensibles sont commis à l’encontre de personnes auxquelles nous devons une véritable protection : nos policiers, nos pompiers, nos élus, nos soignants, nos gardiens d’immeubles, nos contrôleurs, dans les espaces et les transports publics notamment, et enfin toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique chargées d’une mission de service public ou titulaires d’un mandat électif.

Mes chers collègues, nous sommes d’accord pour condamner l’accroissement des violences à l’encontre des personnes occupant des fonctions importantes pour la sécurité, pour la vie en société et pour la cohésion sociale dans notre pays. Face à ces circonstances aggravantes, soyons cohérents et affirmons clairement que les étrangers coupables de tels faits n’ont rien à faire en France. En ne respectant pas ceux qui œuvrent quotidiennement pour l’intérêt général, en les attaquant, c’est la République qu’ils attaquent. C’est pourquoi aucune voix ne doit manquer pour voter ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’amendement n° 354 rectifié bis et le sous-amendement n° 618 visent à renforcer les conditions de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait d’un titre de séjour lorsque, au regard des différents motifs énoncés par nos deux collègues, le détenteur ou le demandeur a eu un comportement qui ne justifie pas qu’il puisse se maintenir sur le territoire français.

L’avis est favorable sur l’amendement et le sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Certaines des dispositions prévues existent déjà dans le droit en vigueur, mais nous n’allons pas ergoter…. Si les auteurs de cet amendement et de ce sous-amendement en sont d’accord, nous pourrons, dans le cadre de la navette, les retravailler afin d’éviter des répétitions qui seraient source de jurisprudences inutiles. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

Au lendemain de mon arrivée au ministère de l’intérieur, j’ai donné aux préfets une instruction précisant les conditions qui justifient le retrait ou le non-renouvellement d’un titre de séjour. Celle-ci vise les personnes ayant un casier judiciaire, et celles dont les services de police ont signalé la radicalisation ou à l’endroit desquelles ils ont enregistré une accusation étayée.

L’amendement n° 354 rectifié bis vise à inclure un troisième cas de figure relatif à l’utilisation de documents frauduleux. Ce n’est évidemment pas de même nature qu’un crime, mais c’est tout de même un délit, ce qui n’est pas un point de départ souhaitable pour l’obtention d’un titre de séjour.

À ce titre, j’indique à la Haute Assemblée que, pendant très longtemps, les OQTF servaient aux étrangers à prouver en préfecture l’ancienneté de leur présence sur le territoire national. Je m’en suis aperçu un mois après ma nomination au ministère de l’intérieur, en me rendant sur le terrain, notamment dans les services préfectoraux du Val-de-Marne.

Cette pratique n’a plus cours, car, en lien avec la direction générale des étrangers en France, j’ai pris une instruction précisant qu’une OQTF ne pouvait servir de preuve de l’ancienneté de la présence d’un étranger sur le territoire national, et partant, permettre des régularisations. Cela peut paraître étonnant, mais cette pratique a perduré pendant de longues années. (M. André Reichardt le déplore.)

Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire dans la loi que l’usage de documents frauduleux est incompatible avec la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour.

L’avis est toutefois favorable sur cet amendement et ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur Karoutchi, vous souhaitez empêcher la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour pour tout étranger ayant commis des faits de fraude documentaire. Or, pour prétendre in fine à la régularisation, les travailleurs sans-papiers doivent d’abord disposer de fiches de paie et ouvrir un compte en banque au moyen d’un alias, c’est-à-dire la carte d’identité d’un membre de leur famille ou d’un ami.

Si votre amendement était adopté, l’ensemble des travailleurs sans-papiers qui utilisent un alias, soit près de 95 % d’entre eux, ne pourraient plus entrer dans un processus de régularisation.

Une telle disposition paraît contradictoire avec l’article 3, dont nous débattrons, qui prévoit la régularisation massive des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension. Mon groupe votera donc contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je suis conscient que les circulaires ministérielles vont dans le bon sens, monsieur le ministre, mais en inscrivant une telle disposition dans la loi, nous rendons son application automatique, cette automaticité lui conférant davantage d’ampleur. Je vous remercie donc de votre avis favorable.

Monsieur Gay, nous verrons bien ce qu’il advient de l’article 3, mais comme M. le ministre l’a indiqué, les préfets régularisent au cas par cas entre 7 000 et 10 000 personnes en situation de clandestinité par an. Ces personnes n’ont pas commis des faits de fraude documentaire.

Les personnes que vous évoquez sont non seulement dans une situation d’irrégularité, mais elles se sont de plus rendues coupables de faits de fraude documentaire qui ajoutent de l’irrégularité à l’irrégularité. Et il faudrait que l’on accepte cela par définition ? Non ! Double faute, double peine. (M. Fabien Gay proteste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. J’entends vos arguments, monsieur Karoutchi, mais il me semblait que nous discutions d’un projet de loi visant à régulariser les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension. Si tel n’est plus l’objet de ce texte, si l’on abandonne cette idée pour en revenir aux seules régularisations au cas par cas laissées au pouvoir discrétionnaire du préfet, il n’est pas nécessaire d’y passer des heures, mes chers collègues !

Je rappelle toutefois que figure dans l’intitulé de ce projet de loi le mot « intégration », et que celle-ci passe d’abord par le travail.

Ce texte vise notamment à faciliter la régularisation, sous certaines conditions qu’il nous appartient de définir, des personnes en situation irrégulière. Mais cela ne sera pas possible si le fait d’avoir utilisé de faux documents, en raison même de leur situation irrégulière, empêche ces personnes d’être régularisées, voire les prive de la possibilité de demander une carte de séjour en France. (M. Roger Karoutchi le conteste.)

Nous connaissons la situation, monsieur Karoutchi. Voulons-nous en sortir en nous efforçant de régulariser ces personnes de manière sensée et réaliste, ou faisons-nous le choix d’en régulariser et d’en admettre le moins possible dans notre pays en dressant des obstacles administratifs ou physiques à leur régularisation ? Si ce dernier point correspond à votre objectif, vous avez raison de proposer cette disposition, monsieur Karoutchi, mais ce n’est pas l’objet de ce projet de loi.