M. Vincent Louault. Il s’agit d’un amendement d’appel – un appel au secours –, que je retirerai.

La charge de la dette s’élève, nous l’avons tous dit, à quelque 50 milliards d’euros. Je suis né en 1972 : 50 ans, 50 milliards d’euros. Je ne souhaite pas qu’à mes 70 ans, cette somme ait atteint 70 milliards…

Nous devons donc lancer une réflexion sur la modernisation de nos institutions. Je remercie d’ailleurs le groupe CRCE-K d’avoir lancé ce débat d’importance, car les anciens du Sénat m’ont tous prévenu de la dureté de l’application de cette disposition, destinée à empêcher le débat parlementaire.

Je reviens à mon amendement. Il y va de l’avenir de notre pays : même si on ne rembourse pas les dettes, le poids des intérêts commence à être difficilement admissible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Je comprends parfaitement cet amendement d’appel, j’en partage même l’intention.

Néanmoins, je formulerai trois remarques à son propos.

En premier lieu, l’objet de cet amendement est très éloigné du texte que nous examinons, qui porte sur l’article 40 de la Constitution. L’idée est en effet de s’inspirer, par un effet de miroir, de la règle d’or et même de la double règle d’or qui s’applique aux collectivités territoriales : l’exigence d’un équilibre au sein de la section de fonctionnement et au sein de la section d’investissement, mais également l’interdiction d’emprunter pour financer les dépenses de fonctionnement. Cela peut certes prêter à débat, mais de manière totalement indépendante.

En second lieu, l’un des arguments opposés à nos collègues communistes concernant l’abrogation ou la modification de l’article 40 consiste en la volonté de ne pas alourdir la procédure législative en matière de finances publiques. Or amender l’article 47-1 de la Constitution dans le sens proposé alourdirait justement cette procédure.

En troisième lieu, enfin – on pourrait toutefois en débattre –, si le déficit avait été totalement interdit lors d’une crise comme celle de la covid-19, nous aurions été confrontés à certaines complications lors de l’exécution budgétaire et de l’élaboration du budget.

Toutefois, je le répète, sur le principe, je suis d’accord pour discuter de cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je n’ai rien à ajouter aux propos du rapporteur, tout a été clairement dit et l’exemple convoqué était pertinent.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Cette règle d’or, nous avons essayé, dans cette maison, lors de la révision constitutionnelle de 2008, de l’instaurer au travers d’un amendement du célèbre Alain Lambert – ancien sénateur de l’Orne –, mais sans succès. Lors de la prochaine révision constitutionnelle, nous pourrons peut-être réétudier cette éventualité.

En attendant, nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. J’ai pris connaissance de votre amendement, mon cher collègue ; il est, disons, étonnant…

Vous dites que vous n’allez pas le maintenir, soit ; mais ce n’est pas un appel au secours, c’est un amendement bâillon ! (Sourires sur diverses travées.)

Tout d’abord, le Conseil constitutionnel, garant de la Constitution, censurerait assurément votre règle d’or ; pourtant, alors que vous le savez pertinemment, vous déposez tout de même votre amendement.

Ensuite, deuxième motif d’étonnement, votre groupe, Les Indépendants – République et Territoires, vient justement de déposer une proposition de loi visant à créer un énième produit d’épargne sans intérêt et qui creuserait le déficit public en privant l’État de recettes fiscales – et vous allez jusqu’à proposer d’exonérer ce produit de droits de mutation à titre gratuit !

M. Éric Bocquet. C’est vrai !

M. Pascal Savoldelli. Franchement, quelle est la sincérité de votre appel au secours ? On peut toujours essayer, mais le geste est un peu populiste…

En outre, je ne veux pas défendre le Gouvernement, mais chacun sait que l’État, comme les collectivités territoriales, doit pouvoir s’endetter pour mener ses politiques publiques. On ne peut pas faire d’investissement public, y compris dans les collectivités territoriales, sans s’endetter.

En deuxième lieu, je vous entends souvent dire – je pense notamment à votre collègue Malhuret – qu’il faut gérer les finances publiques comme les finances des ménages ou des entreprises, mais allez donc discuter avec des chefs d’entreprise, demandez-leur s’ils n’ont pas besoin de s’endetter pour assumer des investissements, ils vous répondront ! Demandez à un boulanger s’il achète son four à pain au comptant ou à crédit ! Demandez-vous aussi combien de familles ont les moyens d’acheter leur voiture au comptant !

Bref, cet amendement bâillon n’est pas dans l’esprit de notre proposition de loi constitutionnelle et il est d’un niveau démagogique sans comparaison par rapport aux contributions que nous avons entendues au sein de cet hémicycle. Vous avez indiqué avoir l’intention de le retirer ; si vous le faites, vous ferez preuve de responsabilité.

M. le président. Monsieur Louault, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Louault. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l'article 40 de la Constitution
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je veux ajouter quelques touches à ce débat.

Au préalable, je tiens à remercier l’ensemble des collègues de tous les groupes de leurs interventions et de l’intérêt qu’ils ont porté à notre proposition d’abrogation de l’article 40 de la Constitution.

Ensuite, notre collègue André Reichardt, au nom du groupe Les Républicains et de la majorité sénatoriale, a demandé « ardemment » que soit donnée une « suite sérieuse » à ce débat. Eh bien, chers collègues de la majorité sénatoriale, la balle est donc dans votre camp ! Allez-y, donnez « ardemment » une suite sérieuse à ce débat !

Par ailleurs, je vous ai trouvé un point commun, parmi de nombreux autres, monsieur le rapporteur et monsieur le garde des sceaux. M. Le Rudulier nous indique d’abord que cette proposition de loi constitutionnelle est conjoncturelle, l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, où il n’y a qu’une majorité relative, justifiant le parlementarisme rationalisé. Le Gouvernement, par le truchement du garde des sceaux, vous rejoint, monsieur le rapporteur, et vous nous donnez, main dans la main, la même explication : cet article serait « la clé de voûte de la Ve République » et s’inscrirait même dans le prolongement de la IVe République ; rien que cela…

À l’appui de son argumentation, M. Dupond-Moretti se réfère à l’article 20 de la Constitution. Sans doute, monsieur le garde des sceaux, aux termes de cet article, « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation », mais n’oubliez-vous pas quelque chose ? Le quinquennat et l’inversion du calendrier ! Le Président de la République est élu avant les députés ! Il est là, le problème de l’utilisation des articles 49.3, 40, etc. ! Les élections législatives sont maintenant déterminées par le choix du Président de la République, même si c’est parfois avec des résultats un peu douloureux. Tout le monde l’a bien compris !

Je conclus en revenant sur les éventuelles suites à donner. Si l’on peut apporter des modifications en ce sens dans le règlement intérieur de chacune des deux chambres, même si celui de l’Assemblée nationale n’est pas de notre ressort, il faut le faire : toute avancée sera bonne à prendre. Cela dit, j’y insiste, si nous constatons tous que les choses ne vont pas, si nous dressons tous le diagnostic d’un déficit d’initiative parlementaire, il y a un caractère d’urgence. L’idéal serait donc d’adopter le principe de l’abrogation de l’article 40, car cela enclencherait une dynamique en faveur de la révision constitutionnelle.

M. le président. Plus personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l’article 40 de la Constitution.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 22 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 100
Contre 243

Le Sénat n’a pas adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l'article 40 de la Constitution
 

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 6 novembre 2023 :

À seize heures et le soir :

Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures cinquante.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER