Mme Audrey Linkenheld. Il manque 20 millions d’euros !

M. Hussein Bourgi. C’est une question de priorité politique !

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.

Mme Marion Canalès. Monsieur le ministre, le taux de cofinancement des emplois par l’État va passer de 102 % à 95 %. On ne change pas les règles en cours de route !

Par ailleurs, il existe des pistes pour abonder les finances publiques : rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), taxation des superprofits, etc. (« Et allez ! » sur les travées du groupe Les Républicains.) L’un de nos collègues, il y a quelques instants, a fait des propositions…

De l’argent, il y en a : on peut en trouver ! De l’argent, il en faut pour l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et pour les personnes qui en bénéficient ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

dotation d’équipement des territoires ruraux

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

La moitié des sénateurs de cette assemblée sort d’une campagne électorale, et le constat est très clair : les maires de nos communes rurales ont besoin de notre soutien pour se développer.

Qui mieux que les élus pour connaître leur territoire et leurs besoins ? Qui mieux que les élus pour les soutenir ? Or, en septembre 2017, vous avez supprimé la dotation d’action parlementaire, dite réserve parlementaire, prétendument pour rétablir la confiance dans la vie politique. (M. Jean-Michel Arnaud opine.)

Pourquoi avoir recentralisé le soutien aux communes rurales dans les mains de l’État ? Car, nous le savons tous, la commission d’élus de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et les parlementaires qui y siègent ne disposent que d’un avis consultatif. Pourtant, ce sont eux qui connaissent les territoires.

Cette suppression de la réserve parlementaire a même été vécue comme un abandon, la promesse de fonds de compensation n’ayant jamais été tenue.

Afin de corriger cette erreur et de soutenir au plus près nos communes rurales, le Gouvernement va-t-il rétablir la réserve parlementaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Hussein Bourgi, Jean-Marc Vayssouze-Faure et Ludovic Haye applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Jean-Marc Boyer, je vous demande de bien vouloir excuser Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. La DETR, outil essentiel d’aménagement de nos territoires ruraux,…

Des voix sur les travées du groupe Les Républicains. La réserve !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … a doublé ces dix dernières années (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) et a permis de soutenir 22 000 projets dans toute la France, dans 15 000 communes, 800 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), 550 syndicats : on a mis sur la table 1 milliard d’euros pour 4 milliards d’euros d’investissements ! Je tenais à souligner cet effet de levier. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas. Ce n’est pas la question !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. De surcroît, nous sommes particulièrement exigeants vis-à-vis des préfets (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) quant à la façon dont la DETR est utilisée : elle doit aller partout, et elle va partout, y compris dans la ruralité la plus profonde.

Vous le savez, les préfets consultent obligatoirement la commission d’élus de la DETR de chaque département avant de décider de la répartition de la dotation. Cette gouvernance est essentielle : elle permet de vérifier que l’on distribue la DETR, non sur la base d’un travail administratif réalisé en chambre, mais dans un véritable dialogue avec les élus (Nouveau brouhaha sur les mêmes travées.) ; nous y sommes extrêmement attachés.

Cette commission départementale réunit déjà de nombreux acteurs. Nous ne sommes donc pas favorables à une augmentation du nombre de ses membres : on ne décide pas mieux parce que l’on est plus nombreux autour de la table. En revanche, notre exigence est totale quant à l’information de tous les parlementaires, et même de ceux qui ne siègent pas au sein de cette commission. (M. Olivier Rietmann lève les bras au ciel.)

Mme Sophie Primas. L’information ne suffit pas !

Des voix sur les travées du groupe Les Républicains. Une réponse sur la réserve !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le préfet doit les appeler tous pour vérifier que la dotation est bien répartie. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Il y a un problème, alors !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Tel est le cas dans de nombreux départements. J’ai effectué 105 visites de départements et participé à 40 assemblées générales de maires : personne ne m’a jamais parlé d’un problème de répartition de la DETR… (Rires sur les mêmes travées, couvrant la voix de loratrice.)

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Par ailleurs, ma collègue secrétaire d’État Prisca Thevenot a engagé un travail sur la gouvernance du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). Je suis certaine que nous pouvons y travailler tous ensemble. (MM. Thani Mohamed Soilihi et François Patriat applaudissent. – Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît ! C’est moi qui répartis la parole, à défaut de la DETR ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.

M. Jean-Marc Boyer. Je vous remercie, madame la ministre, mais je vous avais interrogée sur la réserve parlementaire…

Il est temps de redonner des moyens à nos territoires ruraux et de soutenir leur développement ; le Sénat l’a déjà demandé via l’adoption d’un amendement que j’ai présenté, en octobre 2020, en vue de rétablir la réserve parlementaire. Cette initiative avait été suivie par le dépôt, en juillet 2022, d’une proposition de loi cosignée par plus de cent sénateurs, visant à instituer une dotation d’action parlementaire au sein de la DETR.

D’autres démarches parlementaires récentes confirment ces initiatives et mettent au grand jour l’injustice de cette suppression pour nos territoires. Notre démocratie a soif de décentralisation !

Notre démocratie demande que l’on renforce le lien entre le local et le national, entre le maire et le parlementaire, et que l’on redonne du pouvoir de décision aux élus nationaux dans un esprit de concertation collégiale, dans la transparence et dans la confiance. Voilà ce que sollicitent les maires des territoires ruraux, et ils méritent d’être exaucés ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – MM. Hussein Bourgi et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

dépendance aux métaux rares chinois

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie.

Nous sommes en train de troquer notre ancienne dépendance au pétrole contre une nouvelle dépendance aux métaux rares chinois. Le piège de cette nouvelle dépendance est en train de se refermer : vendredi dernier, le ministère du commerce chinois a annoncé qu’à partir du 1er décembre prochain il réclamerait un permis d’exportation pour certains produits en graphite.

La Chine est le premier producteur de graphite du monde : elle assure près de 70 % de la production mondiale. Plus problématique encore, c’est elle qui raffine 90 % de la production planétaire de graphite.

À l’heure actuelle, sans la Chine il n’y a pas de graphite. Or sans graphite il n’y a pas de batteries, car c’est dans cette matière qu’est faite leur électrode. Et sans batteries, bien entendu, il n’y a pas de transition énergétique !

Au début du mois d’août, la Chine avait restreint l’exportation de gallium et de germanium, métaux rares indispensables à la fabrication des circuits intégrés, des panneaux photovoltaïques ou de la fibre optique.

Nous ne découvrons pas notre dépendance aux métaux rares chinois : l’Union européenne établit depuis 2011 une liste de matières premières critiques. En 2016, j’ai moi-même rendu, avec Marie-Christine Blandin, un rapport d’information pointant la nécessité de recycler les métaux des téléphones portables.

En 2022, M. Philippe Varin a remis au Président de la République un rapport sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières. En mars dernier, la Commission européenne a proposé deux textes pour faire face à ce défi. En mai, la France a lancé un fonds d’investissement consacré aux minerais et métaux critiques.

Mais tout cela est encore embryonnaire, et c’est maintenant qu’il faut agir. Le Gouvernement travaille-t-il à un plan d’urgence pour faire face à une éventuelle rupture d’approvisionnement en métaux rares ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – MM. Rachid Temal et Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Monsieur le sénateur Longeot, vous avez parfaitement raison : la Chine a annoncé le 20 octobre dernier des mesures de contrôle à l’exportation du graphite, qui est une matière première indispensable pour la fabrication de beaucoup de nos batteries, notamment pour la transition énergétique vers le véhicule électrique. Cette annonce fait suite à des décisions déjà rendues en juillet sur d’autres matières premières, comme le gallium et le germanium.

Nous étudions l’impact de cette situation avec la délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, et avec l’Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles.

Comment répondre à pareilles décisions ? Tout d’abord, en se coordonnant avec l’ensemble des pays de l’Union européenne, plus largement avec nos alliés. Cette question sera notamment posée dans le cadre de la réunion des ministres du commerce du G7 qui se tiendra à Osaka le week-end prochain, à laquelle je me rends.

Nous mettons en place, ensuite, une véritable diplomatie des matières premières : en vue de « dérisquer » notre relation à la Chine, nous souhaitons développer une stratégie de diversification des approvisionnements ; d’où l’intérêt des accords commerciaux et des accords internationaux que nous avons avec d’autres pays ou d’autres régions du monde pour sécuriser, précisément, les approvisionnements vers l’Europe.

Enfin – vous l’avez très justement dit, monsieur le sénateur –, il faut que ces matières puissent être traitées et raffinées à même le sol européen. Telle est la stratégie industrielle à laquelle travaille le Gouvernement. Nous n’hésiterons pas à soutenir financièrement un certain nombre de projets dans le cadre des plans qui sont prévus à cet effet. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sous un tonnerre d’applaudissements…

situation de la pêche

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Béatrice Gosselin. Ma question porte sur le soutien à la filière pêche, et j’associe ma collègue Vivette Lopez, sénatrice du Gard, à mes propos.

Les pêcheurs vivent une crise sans précédent : aux conséquences du Brexit s’ajoute une envolée des coûts du carburant.

Certes, la filière a bénéficié de 100 millions d’euros, sur les 736 millions d’euros initialement alloués à la France par l’Union européenne dans le cadre de la réserve d’ajustement au Brexit. Mais, le 1er mars 2023, notre pays a demandé le transfert de 504 millions d’euros non dépensés pour financer le programme REPowerEU. Même si toute l’enveloppe n’était pas destinée à la filière, il aurait peut-être été pertinent d’augmenter les fonds consacrés à la pêche.

En effet, de nombreux défis sont à relever.

Il faut tout d’abord pérenniser l’aide aux carburants autrement que par des mesures d’urgence, en reconduisant le régime spécifique pour l’Ukraine en 2024, avec un plafond de 300 000 euros d’aides.

Il convient ensuite d’augmenter le plafond des aides de minimis – actuellement 30 000 euros d’aides par entreprise sur trois ans –, ou de prévoir au moins un dispositif de minimis par navire et non plus par entreprise.

Il importe également – c’est un point très important – d’accompagner la transition énergétique des navires.

Il est nécessaire, enfin, d’améliorer les services publics dans les ports. Le port de Granville attend depuis trois ans un service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire (Sivep), dont l’absence a des conséquences économiques importantes puisqu’il oblige les navires à faire un détour par Saint-Malo !

La pêche est une richesse pour notre économie. Elle fait vivre nos littoraux au travers d’emplois non délocalisables et participe à la souveraineté alimentaire de notre pays. La filière a besoin d’une véritable ambition à court, moyen et long termes.

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi avoir laissé filer des crédits européens qui auraient été si utiles à la filière ? Quels sont les engagements du Gouvernent pour rassurer nos pêcheurs sur leur avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la mer.

M. Hervé Berville, secrétaire dÉtat auprès de la Première ministre, chargé de la mer. Madame la sénatrice Gosselin, la France n’a pas laissé filer 504 millions d’euros ! Il n’existe pas non plus de cagnotte magique ou cachée…

En réalité, la réserve d’ajustement au Brexit a été bien utilisée et a servi à financer les actions auxquelles elle était destinée. Il s’agissait notamment de faire face aux conséquences directes du Brexit, qu’elles soient sociales, environnementales ou économiques.

Pour ce qui concerne le secrétariat d’État chargé de la mer et les enjeux de pêche, plus de 100 millions d’euros ont été utilisés. La Cour des comptes l’a elle-même reconnu : c’est l’un des ministères qui a le mieux utilisé cette réserve. (M. Rachid Temal ironise.) Je pense, en particulier, au plan d’accompagnement individuel des navires qui ne peuvent pas accéder aux eaux britanniques, ou à l’accompagnement de l’aval de la filière, notamment les mareyeurs.

Nous avons également utilisé d’autres canaux disponibles pour accompagner nos pêcheurs face à l’urgence. Vous le voyez, le fait de ne pas bénéficier de transferts de la réserve d’ajustement au Brexit ne nous a pas empêchés d’agir pour soutenir la filière.

Nous l’avons fait en consacrant plus de 75 millions d’euros pour l’aide aux carburants, avec un renouvellement multiplié par dix. (M. Rachid Temal ironise de nouveau.) Vous avez affirmé à tort que le plafond des aides était fixé à 30 000 euros : non, grâce à l’action de la France, nous avons fait passer ce seuil de 30 000 à 330 000 euros.

Au-delà de la question urgente de l’aide aux carburants, il importe également de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé en septembre dernier un plan de transition énergétique de la flotte à hauteur de 450 millions d’euros issus de la taxe sur les éoliennes en mer, afin de réduire cette dépendance aux énergies fossiles et de tenir les deux bouts de la chaîne : la souveraineté énergétique et la souveraineté alimentaire.

Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour faire face aux urgences et pour donner les moyens aux pêcheurs, partout sur le territoire, de continuer à sortir en mer, avec des navires consommant beaucoup moins de carburant. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.

Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le secrétaire d’État, vous savez comme moi qu’en 2026 il y aura une clause de revoyure des accords du Brexit pour les contrats de pêche. Ce sera donc un gros problème pour la filière si les pêcheurs ne reçoivent pas d’aides ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

critiques du conseil de l’europe envers la france

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Corinne Narassiguin. Madame la Première ministre, le 10 octobre dernier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté à une grande majorité un rapport ainsi qu’une résolution pointant de nombreuses violations par la France de ses obligations relatives à son adhésion au Conseil de l’Europe : usage abusif du 49.3, surpopulation carcérale structurelle, problème avec la doctrine du maintien de l’ordre durant la crise des « gilets jaunes » et pendant les manifestations contre la réforme des retraites, questionnements sur l’indépendance de la justice, concentration des médias qui nuit au pluralisme…

De plus, le 18 octobre dernier, le Conseil d’État s’est opposé à l’interdiction systématique des manifestations propalestiniennes, en contradiction avec une consigne du ministre de l’intérieur adressée aux préfets.

Enfin, votre gouvernement vient d’enclencher le treizième recours au 49.3 sur le projet de loi de finances pour 2024, en battant des records de vitesse ; le quatorzième est imminent sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale… Vous privez les députés de tout débat et de tout vote !

Madame la Première ministre, où emmenez-vous ainsi notre démocratie ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée de lEurope. Madame la sénatrice Corinne Narassiguin, vous avez évoqué l’adoption du rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Comme vous le savez, celui-ci est rédigé par une commission de suivi composée de parlementaires. Ses travaux sont, sans conteste, d’excellente qualité. Néanmoins, vous n’êtes pas sans savoir qu’il s’agit d’une assemblée consultative, dont les rapporteurs choisissent eux-mêmes le thème de leur rapport.

M. Hervé Gillé. Pas de chance !

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat. Il n’est donc pas totalement impossible d’envisager que le choix de la thématique ait été guidé par quelques considérations politiques. (Exclamations ironiques sur les travées du groupSER.) Ni l’avis du secrétaire général du Conseil de l’Europe ni celui des autres organes décisionnaires ne sont engagés par ce rapport. Cela étant, nous étudions évidemment avec attention les recommandations de cette instance.

Par ailleurs, il ne vous aura sans doute pas échappé que ce rapport saluait également les efforts déployés par la France pour renforcer l’indépendance des autorités judiciaires.

Pour ce qui concerne les données relatives aux forces de l’ordre, je suis quelque peu étonnée. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) recensent le nombre de blessés et de tués pendant les missions de police. En 2022, le taux de blessés était de 5 %, soit quatre cas. Nous allons, bien sûr, continuer de suivre ces dossiers afin d’examiner quelles sont les pistes d’amélioration possible.

Quant au recours au 49.3, je vous rappelle que cette procédure figure dans la Constitution, qui a été adoptée avec un score de près de 86 % en 1958 (Exclamations amusées.), et renforcée en 2008. Il fait donc partie de nos outils constitutionnels. Eh oui, c’est la Constitution ! (Vives protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. Bernard Jomier. Ce n’est pas une réponse !

M. Mickaël Vallet. Vous êtes ministre des sports ? Vous sortez les rames !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour la réplique.

Mme Corinne Narassiguin. Madame la secrétaire d’État, vous vous dédouanez bien vite !

La France a également été condamnée à de multiples reprises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour sa surpopulation carcérale et sa politique migratoire.

Le gouvernement auquel vous appartenez s’apprête à restreindre les droits les plus fondamentaux des personnes migrantes dans le cadre du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, qui sera examiné prochainement.

Par ailleurs, le ministre de l’intérieur, M. Darmanin, a déclaré ce week-end qu’il assumait les condamnations de la CEDH et qu’il était prêt à soutenir les propositions de la droite et des Républicains visant à s’asseoir sur nos obligations européennes, le tout après avoir attaqué la Ligue des droits de l’homme il y a quelques mois !

M. Michel Savin. Il revient à sa famille !

Mme Corinne Narassiguin. Vous emmenez la France pas à pas vers un régime illibéral, et vous le savez ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

décret du 22 septembre 2023 sur la prolongation de centres d’hébergement d’urgence pour les migrants

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Muller-Bronn. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur, mais il est absent aujourd’hui.

Madame la secrétaire d’État, en mai dernier, le maire de Saint-Brevin-les-Pins était victime d’un incendie criminel et de violences déclenchées par l’installation d’un centre d’accueil pour migrants.

Mme Laurence Rossignol. Non, par l’extrême droite !

Mme Laurence Muller-Bronn. Il a démissionné, faute d’avoir été soutenu et protégé par les services de l’État, qu’il aurait pourtant alertés.

En réponse à ces défaillances inacceptables, le Gouvernement a fait son mea culpa, et s’est engagé à travailler avec les élus pour assurer leur sécurité et prévenir les tensions, hélas ! prévisibles, notamment dans les projets d’installation d’hébergement d’urgence.

M. Mickaël Vallet. Pourquoi « prévisibles » ?

Mme Laurence Muller-Bronn. Or le Gouvernement fait exactement l’inverse. Il vient de passer en force le 25 septembre dernier, contre l’avis unanime des élus locaux, le décret n° 2023-894 qui impose aux maires l’installation de centres d’hébergement d’urgence dans leur commune, sans leur demander leur avis et – cerise sur le gâteau ! – sans même avoir obligation de les en informer.

Madame la secrétaire d’État, ne s’agit-il pas d’hypocrisie d’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Muller-Bronn, le décret que vous évoquez pérennise un dispositif mis en place en juin 2021, qui a permis de faciliter et d’accélérer certaines opérations spécifiques et temporaires.

Ce décret permet en effet de dispenser d’autorisations d’urbanisme, dans certaines zones, l’implantation, pour une durée maximale de vingt-quatre mois, de certaines constructions temporaires et démontables, telles que les résidences universitaires, les résidences sociales, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale ou les structures d’hébergement d’urgence.

Ce décret permet par exemple, dans une démarche d’urbanisme transitoire, de faciliter l’implantation de constructions temporaires destinées à l’hébergement d’urgence sur du foncier en attente d’urbanisation.

Nous avons également élargi son champ d’application aux constructions à usage de relogement temporaire rendues nécessaires par les opérations réalisées dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Ces opérations « à tiroirs », qui doivent rester exceptionnelles, peuvent se révéler incontournables pour la réalisation de certaines opérations de reconstruction du patrimoine social, de réhabilitation lourde ou de démolition dans le cadre de ces programmes. Ces règles ont donc été établies pour l’ensemble des structures d’hébergement, et non de manière spécifique pour les structures accueillant des demandeurs d’asile.

La création de places d’accueil dans le dispositif national d’asile obéit à un schéma national décliné territorialement. Le Gouvernement a soutenu la création de 30 000 nouvelles places depuis 2017, ce qui démontre notre engagement à accueillir de manière digne les demandeurs d’asile.

Pour organiser cet accueil dans les meilleures conditions, les préfets ont pour instruction claire du ministre de l’intérieur d’associer étroitement tous les élus à la création de nouvelles places d’accueil pour les centres d’hébergement. (Marques de dénégation sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour la réplique.

Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la secrétaire d’État, cette décision a été prise de façon autoritaire. Les représentants d’élus se sont prononcés à l’unanimité, et par deux fois, contre ce décret qui pérennise pour deux ans, et peut-être plus, une situation prévue pour durer trois mois.

Ce décret dispense de tout contrôle des formalités d’urbanisme des opérations qui échappent donc à l’autorité locale, laquelle n’est même pas consultée, alors qu’elle est pourtant placée en première ligne dans l’organisation du quotidien !