Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, presque tous les patients de France rencontrent désormais des difficultés pour accéder aux soins. Dans ce contexte, Frédéric Valletoux propose un certain nombre de mesures – il a au moins le mérite d’essayer !

Dire que la situation pourrait s’améliorer par « l’engagement territorial des professionnels » pourrait blesser ceux qui, sans relâche, s’engagent dans leur territoire. Tout comme leurs patients, ils subissent les effets délétères d’une démographie médicale et paramédicale dont ils ne sont pas responsables.

Le seul et unique sujet, c’est le déséquilibre entre l’offre de temps soignant et les besoins de notre population, par ailleurs vieillissante.

Rien ne sera réglé tant que l’on n’intégrera pas le fait que les jeunes médecins donnent, en moyenne, deux fois moins de temps médical que leurs aînés.

Rien ne sera réglé tant que les étudiants en santé serviront pendant leurs études de main-d’œuvre bon marché dans un système en tension chronique.

Rien ne sera réglé tant que nos soignants renonceront après seulement quelques années d’exercice, parfois même en cours d’études.

Rien ne sera réglé tant que les jeunes Français partiront étudier à l’étranger.

Rien ne sera réglé tant que les facultés de pharmacie seront vides.

Rien ne sera réglé tant que l’on se tournera, en désespoir de cause, vers des diplômés hors Union européenne, ultime solution d’urgence, siphonnant ainsi la ressource d’autres pays.

Nos professionnels ont beau s’engager tant et plus, rien ne se réglera – hélas ! – par ce texte. Je salue cependant certaines mesures de bon sens qui y figurent, comme l’expérimentation des antennes d’officine et l’encadrement des mesures fiscales d’aide à l’installation.

Quand l’heure est grave, ce sont toujours les acteurs de terrain qui savent optimiser les moyens. Ainsi, au plus fort de la crise du covid-19, alors que l’administration comptable était totalement dépassée, ce sont bien les professionnels de santé qui ont permis au système de tenir.

Tirons-en les leçons et méfions-nous de toutes les fausses bonnes solutions démagogiques !

Une infirmière me disait récemment : « Les CPTS obligatoires, mais pourquoi ? Travailler ensemble, on le fait. » Ou encore ce jeune kiné : « Les équipes s’agrègent de façon spontanée, avec une belle dynamique ; elles mènent un combat pluriprofessionnel. Il faudrait donner les dotations aux équipes plutôt qu’aux individus. Ce serait plus efficace que d’essayer d’organiser de force des équipes qui n’en sont pas. »

Oui, l’interprofessionnalité est un véritable enjeu, qu’il ne faut pas empêcher par des mesures descendantes.

Si les patients demandent plus de temps médical, c’est également le cas des soignants. En voulant structurer autoritairement leur exercice, on risque d’alourdir leur charge administrative, la grande gaspilleuse de temps médical. De même, en les projetant sur les routes pour des présences physiques exigées ici et là, on consomme en transport une ressource pourtant si précieuse.

La pression générale que l’on fait peser sur les médecins en particulier aboutit à des incohérences. Ainsi, l’un d’eux me disait : « Quand un libéral ne travaille que 35 heures, c’est un salaud, alors que, quand un salarié arrive dans un centre de santé pour y travailler 35 heures, on l’accueille en héros. »

Il ne faut ni attiser les corporatismes ni dresser les professionnels les uns contre les autres ; il faut au contraire encourager un dynamisme collectif qui émerge comme la seule piste vertueuse.

Je salue la part que donne ce texte à la formation. Il faut, de façon absolument prioritaire, augmenter les capacités de formation pour les faire converger avec les besoins des territoires.

Je souhaite également rappeler que, dans la situation grave que nous connaissons, les directeurs généraux des ARS doivent pouvoir utiliser réellement, quand le besoin impérieux s’en fait sentir, le pouvoir de dérogation que leur accorde la loi.

Certaines pénuries – je pense au manque de pharmaciens hospitaliers dans la Nièvre – exigent, dans le seul intérêt des patients, que l’on mette en place des solutions véritablement vitales.

Pour conclure, je souhaite confirmer le soutien d’une majorité du groupe Union Centriste à ce texte tel qu’il a été modifié en commission.

Nous devons nous méfier de la communication qui ne serait plus que négative. Nous ne devons pas ériger en règles les injonctions aux professionnels de santé. Nous devons dire à ces derniers que nos débats ne doivent pas interférer avec les négociations conventionnelles. Nous devons aussi leur redire notre confiance pour passer ensemble un cap bien difficile. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous en êtes tous et toutes conscients – je pense particulièrement à vous, monsieur le ministre, qui avez vécu le drame du covid-19 en tant que directeur général de l’ARS d’Île-de-France – : il y a urgence pour la santé dans notre pays.

Cette urgence ne peut se résoudre que par trois moyens : une formation accrue des soignants, une meilleure régulation, une gouvernance sanitaire beaucoup plus décentralisée et démocratique, donc réactive et efficace.

Les fragilités de nos territoires en matière de santé se multiplient notamment en raison des effets du changement climatique, de la sixième extinction de masse et de la pollution massive de nos environnements.

Les canicules ravagent notre pays. En 2022, la France enregistrait un excès de mortalité dû aux canicules de plus de 2 800 personnes, soit plus qu’en 2003 !

Les épidémies de zoonoses nous guettent avec la colonisation des moustiques tigres et les maladies qu’ils transmettent.

Les pollutions de l’air, des sols et de l’eau – je veux aussi citer la cathédrale Notre-Dame de Paris qui verra bientôt 400 tonnes de plomb s’abattre à nouveau sur elle (M. Laurent Duplomb sexclame.) ! – causent perturbations endocriniennes, cancers, maladies neurodégénératives et morts.

Soyons lucides : nous ne sommes pas préparés pour affronter un monde à 50 degrés !

Soyons lucides encore : la démocratie en santé, cruciale pour affronter les épidémies, ne guide toujours pas les politiques gouvernementales, comme l’ont tragiquement rappelé le covid-19 et la variole simienne.

Trop de personnes sont encore exclues des décisions prises concernant leur propre santé : des plus précaires aux jeunes migrants isolés, en passant par les personnes dépendantes aux drogues ou les travailleuses et travailleurs du sexe – tous ceux et toutes celles face auxquels on détourne si facilement les yeux.

Cela fait plus de quarante ans que le VIH-sida sévit ; or les pouvoirs publics n’ont toujours pas pris conscience des leçons de cette maladie qui a décimé et décime encore les plus discriminés d’entre nous. Malgré l’immense engagement des associations de lutte contre le sida pour obliger l’État à une prise de conscience, nous ne sommes toujours pas préparés à affronter les prochaines épidémies.

Enfin, alors que la population française vieillit, le nombre de soignantes et de soignants diminue, résultat de quarante années d’austérité et d’impréparation.

Partout en France, même à Paris, les soins deviennent inaccessibles. Ils le sont encore plus dans les territoires ruraux et pour les plus précaires, eux pour qui seul le recours à des professionnels conventionnés en secteur 1 est une option.

Cinquante-deux jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous d’ophtalmologie, soixante et un pour la dermatologie ! Plus d’un quart des médecins généralistes ont plus de 60 ans. Disons-le clairement : sans changement majeur, les années qui viennent s’annoncent extrêmement difficiles.

Alors, que faire ?

Nous manquons d’une politique écologiste de santé qui construise des solutions depuis les territoires, qui prenne en compte les déterminants environnementaux de la santé – les facteurs non humains –, qui fabrique la santé de manière démocratique avec toutes et tous, notamment avec et pour les plus exclus.

Nous manquons de réflexion profonde sur notre système de santé et son financement.

Nous manquons d’une politique ambitieuse de santé environnementale et de prévention, de santé communautaire, de réduction des risques.

Nous manquons d’un effort national et massif pour revaloriser les métiers du soin, pour prévenir les effets des transformations planétaires et lutter contre les lobbies écocidaires, pour faire en sorte que notre système public de santé tienne le choc.

Mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas à la hauteur de l’urgence, malgré ses qualités initiales. En se bornant à l’organisation des professionnels de santé, il manque son rendez-vous avec la lutte contre la désertification médicale et les besoins de nos territoires.

Cette proposition de loi comportait pourtant quelques dispositions qui allaient dans le bon sens : réforme de la démocratie sanitaire locale, élargissement des pouvoirs de délibération des conseils de surveillance des hôpitaux, régulation de l’installation des médecins.

Au cours du circuit législatif, trop de ces dispositions ont vu leur teneur amoindrie. Aujourd’hui, il nous faut trouver ensemble la manière de transformer ce texte pour qu’il permette d’améliorer véritablement l’accès aux soins. C’est possible, mais, pour changer la vie de nos concitoyennes et concitoyens – ce dont nous avons besoin –, nous devons quitter les postures partisanes. Il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques jours, j’étais avec les salariés de la clinique de l’Abbaye de Fécamp, des agents de l’hôpital public et des habitants mobilisés pour que cette clinique, en redressement judiciaire, soit reprise, avec l’ensemble de ses salariés, par l’hôpital public.

À défaut, un service de chirurgie disparaîtrait, entraînant d’autres graves conséquences pour les Fécampois, le devenir de la maternité y étant par exemple lié. Je sollicite d’ailleurs, monsieur le ministre, toute votre attention sur cette situation.

En évoquant cet exemple, je veux redire ici ce que subissent des millions de nos concitoyens : fermeture récurrente des urgences, délais de rendez-vous excessifs pour consulter un généraliste, impossibilité parfois d’en trouver chez un spécialiste.

Comment accepter que 6 millions de personnes n’aient pas de médecin traitant dans notre pays, que la mortalité infantile progresse et que nos urgences pédiatriques soient au bord de l’effondrement ? Comment ne pas comprendre que de plus en plus de nos concitoyens se sentent abandonnés par la République ?

Les professionnels de santé, en ville comme à l’hôpital, sont eux-mêmes épuisés. L’un d’entre eux nous disait, lors des auditions organisées par la rapporteure, ne même pas voir « le début de la lumière au bout du tunnel ».

Cette situation nécessiterait un plan Marshall, un projet de loi ambitieux, des mesures structurelles et des moyens à la hauteur de l’enjeu.

En guise de quoi, nous avons cette proposition de loi, qui intervient quelques mois seulement après la loi Rist 2, quelques jours avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et alors que se rouvrent les négociations conventionnelles avec les médecins.

Il s’agit d’un texte fait de mesures d’affichage, technocratiques pour certaines, dont on peut douter des effets réels sur l’amélioration de l’offre de soins.

Il s’agit d’une proposition de loi qui, dès son titre, semble vouloir faire peser sur les seules professions de santé la situation que nous connaissons aujourd’hui, exonérant l’État, la puissance publique en général, de ses propres responsabilités. Qui plus est, elle considère la territorialisation comme une réponse absolue.

Donnez tous les pouvoirs que vous voulez aux conseils territoriaux de santé : s’ils doivent continuer de gérer la pénurie de soignants, ils ne parviendront pas à améliorer l’accès aux soins.

Or c’est précisément ce qu’attendent nos concitoyens, comme les élus locaux et les collectivités locales, qui se démènent pour améliorer les choses, mais se heurtent aux travers structurels de notre système de soins.

Certes, cette proposition de loi contient de-ci de-là quelques mesures intéressantes, par exemple l’encadrement de l’intérim, le retour à une forme de solidarité du secteur privé pour rétablir la permanence des soins ou encore l’exonération de la majoration du ticket modérateur pour les patients dont le médecin part à la retraite sans être remplacé.

Reste que ce texte manque cruellement d’ambition et les modifications apportées par la commission des affaires sociales du Sénat en limitent encore la portée. Je pense notamment à la permanence des soins ambulatoires, sujet crucial à nos yeux.

La commission a également atténué le principe de responsabilité collective des établissements publics et privés sur la permanence des soins, en introduisant un principe de gradation du processus. Pas de quoi changer véritablement la donne !

Il y a également trop peu sur la formation. Pour engager un réel effort en la matière, il faudrait partir des besoins et pas des limites capacitaires de nos universités. Il faudrait démocratiser les études de santé, s’appuyer sur ceux qui veulent devenir infirmiers et que Parcoursup écarte trop souvent des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi).

Si peu encore en faveur de la régulation de l’installation des médecins, seuls professionnels de santé à ne pas y être soumis, alors que l’échec de la liberté d’installation est aujourd’hui établi.

Enfin, ce texte ne répond pas à l’indigne situation faite aux Padhue, qui forment les premières lignes dans les services des hôpitaux désertés avec une rémunération bien faible par rapport aux responsabilités qu’ils exercent.

En supprimant des articles, en renvoyant ce sujet au débat sur le projet de loi Immigration, la majorité sénatoriale fait le choix de débattre des conditions de séjour des Padhue par le prisme du contrôle de l’immigration plutôt que par celui de l’accès aux soins. Voilà pourtant bien la véritable priorité de nos concitoyens !

Le groupe CRCE-Kanaky a déposé une trentaine d’amendements, notamment pour rétablir l’obligation de garde les soirs et les week-ends, encadrer l’installation des médecins, permettre aux collectivités territoriales de bénéficier des aides à l’installation pour la création de centres de santé et, de manière générale, favoriser véritablement l’accès aux soins de tous.

Non, tout n’a pas été essayé pour faire face à la désertification médicale que nous connaissons. Il faut d’urgence sortir des impasses de notre système de santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la crise sans précédent que traverse notre système de santé, le législateur n’a de cesse de multiplier les lois. Pourtant, force est de constater que l’accès aux soins se dégrade.

Cette énième proposition de loi, qui ne parvient pas à convaincre, intervient dans un contexte de négociations difficiles, à peine six mois après l’adoption de la loi Rist 2 qui a déjà entraîné de nombreuses contestations et crispations.

Nous devons à nos concitoyens un discours de vérité : la situation ne va pas s’améliorer tout de suite. Nous avons devant nous plusieurs années difficiles avant les premiers effets du desserrement du numerus clausus.

Dans cette attente, parce que nous avons besoin d’attirer les futurs praticiens et de préserver ceux qui restent, il est indispensable d’envoyer des signaux positifs aux professionnels de santé. Cette proposition de loi ne parvient pas à le faire, alors même que des filières indispensables, comme la psychiatrie, la gériatrie ou la santé publique, sont loin d’avoir rempli leurs effectifs cette année. La médecine générale, quant à elle, occupe désormais la quarante-deuxième place sur quarante-quatre parmi les préférences des internes – un signal inquiétant, qui le sera plus encore si la tendance s’accentue.

Alors que tous demandent un choc de simplification, l’article 1er tente de ranimer les CTS, qui sont restés des coquilles vides depuis leur création.

Notre organisation territoriale est complexe. De nombreuses organisations coexistent et se superposent : CLS, CPTS, MSP, ESP, DAC, CTS, GHT ou encore réseau ville-hôpital – autant de sigles dont je vous épargne la signification ; et j’en oublie.

Si la décentralisation et le renforcement de la démocratie sanitaire sont essentiels pour refonder notre système de santé, ils doivent s’accompagner de simplifications, d’une gouvernance claire et de moyens. L’article 1er reste au milieu du gué !

J’en viens à l’article 3, le plus irritant de ce texte. Je soutiens la position de la commission qui, sur l’initiative de sa rapporteure, l’a supprimé. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une inscription automatique, mais non obligatoire, sur le modèle des listes électorales. L’adhésion sur la base du volontariat reste toutefois la formule la plus simple et la plus efficace.

Les CPTS sont jeunes. Laissons les outils aux mains des acteurs de santé de terrain ; laissons-les s’organiser ; faisons-leur confiance – vous l’avez vous-même dit, monsieur le ministre. La crise du covid-19 nous a montré que cela est efficace – ne l’oublions pas !

J’ai toutefois certaines divergences avec le texte issu de nos travaux en commission.

Je pense en effet que la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux dans les maisons de santé et cabinets en zone sous-dense, limitée dans le temps et sous certaines conditions, peut faciliter et encourager l’installation de professionnels. J’avais d’ailleurs soutenu la proposition de loi de notre collègue Dany Wattebled sur ce sujet.

Je souhaite également réintroduire la possibilité pour les résidents d’Ehpad de désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant. Cette possibilité offerte aux médecins coordonnateurs qui le souhaitent peut améliorer la prise en charge médicale des résidents dans certaines structures. J’ai pratiqué cela dans mes fonctions antérieures et je trouvais que c’était une bonne solution.

Enfin, concernant l’article 10, je suis favorable à la création de cartes de séjour pour les praticiens diplômés hors Union européenne. Cette simplification répond à une véritable problématique dans les hôpitaux, où ces professionnels complètent utilement les effectifs.

Concernant l’intérim, je conserve quelques doutes et j’attends les débats sur les différentes propositions. J’ai voté, comme beaucoup, en faveur du plafonnement des rémunérations. Aujourd’hui, c’est sur la limitation du mode d’exercice que nous nous penchons. Si l’intérim mercenaire est à combattre, s’il doit rester l’exception et non la règle, c’est surtout aux causes qu’il faut s’attaquer.

Là encore revient le débat sur l’attractivité des carrières hospitalières. À ce titre, je soutiendrai toutes les mesures qui permettent d’améliorer cette attractivité.

Je pense d’abord à la montée en compétences des professionnels avec la création du statut d’infirmier référent.

Je pense aussi au guichet unique, qui doit être renforcé et élargi. Attention toutefois à ce qu’il joue un rôle très concret et qu’il associe les représentants des jeunes médecins – nous avons déposé un amendement en ce sens.

Je pense ensuite à la répartition de la charge de la permanence des soins entre hôpitaux privés et hôpitaux publics. C’est une mesure juste, sous réserve – et je défendrai un amendement en ce sens – que les praticiens assurant la garde ne puissent l’effectuer que dans leur établissement habituel afin de sécuriser leur pratique.

Je pense enfin aux options santé dans les lycées situés en zone déficitaire. C’est une mesure sur laquelle je travaille dans la région Grand Est ; je me réjouis donc de la voir reprise dans ce texte et expérimentée à plus large échelle. Elle permettra de donner envie aux jeunes de s’engager dans cette voie et, surtout, de rompre avec le déterminisme social et géographique.

Je conclurai, comme j’ai commencé, par un appel à un choc d’attractivité. Attention à ne pas décourager à coup d’inflation législative, de suradministration ou de coercition les derniers fantassins qui tiennent notre système de santé. Ne laissons pas penser que l’acteur de terrain est le cœur du problème, alors qu’il doit en être la solution ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale par le député Frédéric Valletoux, contient plusieurs mesures visant à renforcer les instruments à disposition des acteurs afin d’accroître la coopération entre les professionnels de santé dans l’objectif d’améliorer l’accès aux soins et de répondre aux inégalités territoriales de santé.

L’accès aux soins demeure l’une des préoccupations majeures des Français, notamment dans les outre-mer, où la densité de médecins est très inférieure à la moyenne nationale.

Ainsi, en Guadeloupe, dans ma circonscription, les îles du Sud – Terre-de-Bas, Terre-de-Haut, La Désirade et Marie-Galante – souffrent, pour certaines, de l’absence totale de médecin. Ces territoires subissent déjà la double insularité et les difficultés d’accès qui lui sont liées.

Je suis une îlienne, je viens de Terre-de-Bas. Aujourd’hui, je veux parler de La Désirade où, malgré l’ouverture d’un centre de santé et la présence d’un médecin quelques jours par semaine, l’offre de soins est très insuffisante et où la population rencontre une forte difficulté d’accès aux soins.

Classée au quatrième rang des régions françaises ayant les densités de médecins généralistes libéraux les plus faibles, la Guadeloupe est donc bien un désert médical.

Nous devons travailler sur le problème de la qualité de la formation, le principal frein sur le territoire guadeloupéen, mais nous misons également sur les maisons de santé, qui se développent dans les communes, pour attirer et fidéliser les médecins.

La proposition de loi présentée aujourd’hui va donc dans le bon sens, puisqu’elle permet de faire du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé.

Le conseil territorial de santé, qui en sera l’organe de gouvernance, devra notamment définir les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins.

De plus, pour lutter contre le nomadisme médical, les aides financières et les exonérations fiscales à l’installation seront limitées à une fois tous les dix ans.

Le texte facilite également l’exercice des médecins étrangers, appelés Padhue. Le groupe RDPI proposera plusieurs amendements pour que le dispositif soit rendu applicable à Mayotte et pour le prolonger au-delà du 31 décembre 2025. De plus, dans un souci de simplification des procédures administratives, une seule commission territoriale d’autorisation d’exercice serait constituée pour la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Un autre amendement a également été déposé pour augmenter le nombre d’officines de pharmacie à Mayotte, nombre qui paraît aujourd’hui insuffisant au regard de l’augmentation de la population, du développement de l’offre de soins sur l’île et des nouvelles missions confiées aux pharmaciens d’officine.

La proposition de loi contribuera également à l’amélioration des conditions de formation des futurs médecins, en étendant aux étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie dès la fin de la deuxième année du premier cycle d’études en santé le bénéfice du contrat d’engagement de service public. Par l’attribution d’une allocation mensuelle, ce contrat permet aux étudiants de s’engager à exercer au minimum deux ans sur un territoire sous-doté.

Ainsi, cette proposition de loi définit une meilleure organisation locale de notre système de santé, en mettant en place des mesures incitatives qui permettront d’améliorer le maillage territorial actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une nouvelle proposition de loi sur les déserts médicaux.

Alors que nous demandons depuis des années une loi ambitieuse de réorganisation complète de notre système de santé, celle-ci ne semble toujours pas être à l’agenda du Gouvernement. Nous allons donc examiner aujourd’hui une énième proposition de loi sans véritable portée, dont certains articles n’ont même aucun lien avec la question des déserts médicaux.

L’accès à la santé partout, pour tous, voilà ce qui devrait motiver l’action du Gouvernement, et non pas une logique purement comptable de réduction des dépenses. De ce point de vue, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 n’est pas de nature à nous rassurer : en effet, avec un Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) qui progresse moins vite que l’inflation pour la deuxième année consécutive, les moyens accordés à la santé ne sont pas suffisants pour répondre aux enjeux structurels d’accès aux soins.

Nous le voyons tous dans nos territoires, cette vision court-termiste des politiques de santé aboutit à une situation où l’accès aux soins n’est, aujourd’hui, plus garanti dans notre pays. Je rappelle les chiffres : 30 % de la population française vit dans un désert médical et 11 % de la population, c’est-à-dire 6 millions de personnes, n’a pas de médecin traitant. Chaque année, 1,6 million de personnes renoncent à des soins.

L’inquiétude monte partout sur notre territoire et, pour pallier les défaillances de l’État, les collectivités territoriales n’ont d’autre choix que de trouver des solutions sur leurs moyens propres. Je tiens d’ailleurs à saluer tous nos élus, qui se démènent au quotidien pour apporter une réponse à nos concitoyens. Ainsi, en Occitanie, la région a créé, depuis deux ans, des centres de santé avec des médecins salariés qu’elle finance elle-même sans compensation de l’État.

La France trahit ainsi le pacte social hérité du Conseil national de la Résistance et sa promesse d’égal accès aux soins. Et nous le savons, les inégalités ne cessent et ne cesseront de se creuser, si nous ne prenons pas des mesures structurelles fortes.

Face à la désespérance de nos concitoyens, dont nous sommes tous témoins sur nos territoires, le Gouvernement fait la sourde oreille. Il ne semble toujours pas prendre la mesure du naufrage de notre système de santé. Nous sommes aujourd’hui face à un véritable abandon de la santé par le Gouvernement – n’ayons pas peur des mots !

Nous devons donc examiner aujourd’hui une nouvelle proposition de loi un peu fourre-tout de la majorité gouvernementale. Comme pour la proposition de loi Rist 2, l’examen de ce texte arrive au beau milieu des négociations conventionnelles avec les médecins – une nouvelle fois, la temporalité et la méthode interrogent…

Certaines mesures représentent néanmoins un progrès et nous les soutiendrons.

Ainsi, nous saluons l’interdiction du cumul d’exonérations fiscales et d’aides à l’installation, qu’elles soient proposées par les collectivités territoriales ou les ARS, afin de lutter contre le nomadisme médical.

Nous défendrons également la possibilité de signer dès la deuxième année de premier cycle un contrat d’engagement de service public et son élargissement aux étudiants en maïeutique et en pharmacie. En signant ce contrat, les futurs soignants s’engagent, en contrepartie d’une allocation mensuelle, à exercer au minimum deux ans dans un désert médical à la fin de leur formation.

Enfin, nous soutiendrons la création d’un statut d’infirmier référent pour les patients en affection de longue durée. Nous proposons même d’élargir cette mesure à l’ensemble des assurés qui le souhaitent.

Cependant, nous déplorons que les articles les plus réformateurs de cette proposition de loi aient été supprimés par la commission.

Aussi, nous proposons de rétablir l’obligation de participer à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour les médecins libéraux selon des modalités fixées contractuellement avec l’ARS. Depuis 2002 et la réforme Mattei, il n’existe plus d’obligation de garde pour les médecins libéraux.

Depuis ce passage au volontariat, nous observons une dégradation de la permanence des soins ambulatoires : 38 % seulement des médecins libéraux y participent et, évidemment, ce sont toujours les mêmes, en particulier ceux qui travaillent déjà énormément et qui sont, pour beaucoup, en burn-out.

Ce manque de gardes de la part de la médecine libérale a pour effet direct l’engorgement des urgences, lesquelles se retrouvent dès lors en grande difficulté.

Une autre mesure que nous souhaitons réintroduire dans ce texte est l’instauration d’une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux pour les médecins généralistes. Face à la pénurie de médecins, cette mesure permettrait de déployer rapidement 4 000 jeunes médecins généralistes dans les zones sous-denses.

Enfin, nous souhaitons soumettre au débat la création d’un nouvel indicateur, voté à l’Assemblée nationale, qui dressera une cartographie précise, par bassin de vie, de la répartition de l’offre de soins sur le territoire français.

Cet indicateur aura également pour objet de définir, dans les zones les moins dotées, un niveau minimal d’offre de soins à atteindre pour chaque spécialité médicale. Il devra pour ce faire tenir compte des besoins de la population, en particulier au regard de sa sociologie – nombre de personnes âgées, etc. –, et du temps médical conventionné sans dépassement d’honoraires disponible réellement sur chaque territoire. Cet indicateur pourrait ainsi constituer un outil très intéressant pour élaborer nos politiques de santé.

Au-delà de ces mesures, certaines questions, pourtant majeures, ne sont néanmoins pas évoquées dans cette proposition de loi.

En effet, il n’y a pas un mot sur la problématique de l’attractivité de la médecine générale ni sur la formation des médecins. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, les mesures coercitives pures n’auront pas de sens ni d’efficacité si nous ne repensons pas la formation et l’organisation de l’exercice de la médecine en France. Ces leviers sont fondamentaux pour mettre fin à la situation de pénurie et pour lutter contre la désertification médicale que nous connaissons.

Aussi, pour aller plus loin, nous allons proposer à la Haute Assemblée de voter pour la mise en place d’une organisation coordonnée du parcours de soins de premier recours proposée l’an dernier dans notre proposition de loi, d’autant qu’elle est préconisée par l’ordre national des médecins.

Face à la pénurie de médecins, il est primordial de faciliter le gain de temps médical. Une organisation de soins coordonnés, centrée sur la répartition des actes entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé, au travers d’un protocole dûment établi par une équipe, permettra de dégager du temps médical, en priorité pour les patients sans médecin traitant ou en ALD.

Cette mesure répondrait ainsi à l’objectif de faciliter la prise en charge des Français par une équipe de soins primaires de proximité. C’est le but qui est recherché.

De plus, nous proposons de mettre en place une mesure pour encadrer l’intérim médical et paramédical. En effet, depuis le début des années 2000, le recours aux contrats d’intérim à l’hôpital a augmenté de manière exponentielle. Son coût annuel pour l’hôpital public est ainsi passé de 500 millions d’euros en 2013 à 1,4 milliard d’euros en 2018.

Devant le développement de ce véritable mercenariat médical, les gardes pouvant être rémunérées jusqu’à 2 500 euros, la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist 1, a prévu de limiter la rémunération de celles-ci. C’est très bien, mais nous proposons une mesure complémentaire, à savoir limiter dans la durée, en nombre de jours par an, la possibilité d’exercer en intérim. Notre but est non pas d’interdire la possibilité, notamment pour les jeunes, de recourir à des contrats de courte durée, mais d’encadrer l’intérim au sens strict, c’est-à-dire lorsque la mise à disposition du praticien se fait par le biais d’un contrat passé avec une entreprise d’intérim.

Enfin, nous l’avons déjà évoqué, les politiques incitatives, mises en place notamment par les collectivités territoriales, n’ont pas fonctionné. Bien au contraire, elles ont entraîné des effets pervers de concurrence entre les territoires et de surenchère de la part des médecins.

Face à cet échec, et au regard de la situation de pénurie dans notre pays, il nous est apparu nécessaire de mettre en place une mesure de régulation à l’installation des médecins libéraux : le conventionnement sélectif, qui prévoit que dans les zones où existe un excédent d’offre de soins, soit 3 % du territoire, un nouveau médecin libéral ne puisse s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que si un médecin libéral de la même zone cesse son activité. Cette mesure vise à rétablir un équilibre dans l’installation des médecins sur notre territoire.

Nous le savons tous, il n’y a pas de remède miracle ou de mesure magique, mais nous avons besoin d’une volonté politique forte. Or je sais que nous sommes nombreux dans cet hémicycle à l’avoir.

Désormais, il y a urgence, monsieur, le ministre. Il est temps d’agir et d’entendre la détresse de nos concitoyens devant les problèmes causés par les déserts médicaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)