Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, notre réindustrialisation est une question de souveraineté et d’indépendance, mais aussi de sécurité. C’est également un enjeu pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, ainsi qu’un enjeu d’accélération des transitions.

Industrialiser de nouveau notre pays de façon substantielle, pour rattraper notre retard, et durable est un défi majeur. Nous n’avons qu’une seule option : le relever.

Le projet de loi dont nous terminons l’examen est une première réponse. Ce n’est pas la seule, nous devrons en inventer encore bien d’autres. Je sais la ténacité de la chambre haute renouvelée. Je tiens à saluer le travail accompli par le Gouvernement et le Parlement. Cette commission mixte paritaire conclusive en est le fruit. Les règles qui en découlent sont une première approche. Le texte est équilibré.

Comme je le disais lors de mon intervention en première lecture, la désindustrialisation n’est pas une fatalité. J’en veux pour preuve mon département, l’Aube, qui a subi les désastres sociaux dus aux délocalisations industrielles, mais qui retrouve aujourd’hui des couleurs, grâce à son écosystème d’enseignement supérieur et de recherche et à ses entrepreneurs. Vous avez pu le constater, monsieur le ministre, en visitant l’entreprise Petit Bateau.

J’observe aussi les difficultés, parfois les obstacles, auxquelles font face nos entreprises, nos collectivités territoriales et nos citoyens.

Derrière chaque entreprise, petite, moyenne ou grande, il y a des femmes et des hommes, des élus, tout un territoire et beaucoup d’attentes. Pour eux, pour notre société dans son ensemble, l’implantation d’industries doit être rendue plus flexible et plus rapide, grâce à une administration proactive.

À cet égard, je me félicite que nous ayons trouvé une application plus raisonnable et plus responsable du ZAN, le zéro artificialisation nette. Comme nous le demandions, nous avons préservé la logique et le pragmatisme.

Son articulation avec la réindustrialisation dessine un chemin de crête. Après l’adoption de la proposition de loi sur le sujet, lors de la dernière session, et les décisions récentes du Conseil d’État, nous attendons les décrets. Nous resterons attentifs à la mise en œuvre de ces textes, même si nous observons des évolutions plutôt positives.

Autre point à saluer dans ce texte, la place réservée aux collectivités territoriales. Les territoires sont en effet, vous l’avez compris, la clef de notre dynamisme industriel. Ce sont les entrepreneurs et les élus locaux qui permettent des installations pérennes d’industries, le développement des bassins d’emplois, notamment par la formation et l’organisation de la vie aux alentours. Leur faire confiance est un gage de réussite.

Certes, ce texte va dans le bon sens. Pourtant, il reste encore beaucoup à faire. En première lecture, j’évoquais le sujet de la formation. Une réindustrialisation, on le voit dans le secteur nucléaire, suppose des gens formés pour exercer les emplois créés. Or, force est de le constater, d’importantes lacunes subsistent encore en la matière. C’est un sujet qui me tient à cœur et que je continuerai à défendre dans les prochains mois.

Ce texte contient également plusieurs avancées, qu’il convient de saluer, concernant le financement de l’industrie verte.

La réindustrialisation de la France ne saurait se limiter à l’ouverture d’unités de production par des entreprises étrangères. Je me réjouis que notre pays attire de grands groupes. Pour autant, leur venue ne peut constituer l’alpha et l’oméga de notre politique industrielle.

La mobilisation des capitaux publics et privés doit également, et même avant tout, se faire au bénéfice de nos start-up, de nos PME et de nos ETI, qui maillent le tissu industriel des territoires. J’avais déposé plusieurs amendements en ce sens, dont une partie subsiste dans le texte final. C’est une bonne nouvelle.

Je souhaite enfin que le plan d’épargne avenir climat puisse y contribuer, en drainant des capitaux vers le financement de la transition écologique et de la décarbonation de l’industrie. Il aura également une vertu culturelle et éducative, tant auprès des jeunes qui en bénéficieront que des parents qui en ouvriront pour leurs enfants. C’est une initiative que je salue.

Pour conclure, ce texte contient de nombreuses avancées positives, monsieur le ministre, sur les sujets du financement des start-up industrielles comme de la simplification des normes et l’accélération des procédures.

Notre travail législatif en faveur de la réindustrialisation n’est pas terminé, tant s’en faut. Nous aurons prochainement l’occasion de poursuivre nos débats, notamment dans le cadre du projet de loi de finances.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte, qui est une bonne nouvelle pour la souveraineté industrielle de la France. (M. Pierre Jean Rochette applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour le groupe Union Centriste. (Mme Sylvie Vermeillet applaudit.)

M. Patrick Chauvet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, annoncée par le Président de la République, la relance de la réindustrialisation de notre pays devait être engagée par ce projet de loi relatif à l’industrie verte.

La réindustrialisation de notre pays et la décarbonation de son industrie doivent lui permettre de devenir un champion international des technologies décarbonées, tout en réduisant fortement nos émissions de gaz à effet de serre. À l’échelle planétaire, la concurrence fait rage. Nous devons être à la hauteur du défi.

Attendu comme le carburant d’une nouvelle dynamique industrielle, ce projet de loi vise, certes, des objectifs louables que nous partageons tous, sur ces travées, mais reste au milieu du gué.

Nous ne pouvons que saluer les mesures de simplification salutaires qui sont introduites par ce texte. Elles feront chuter le délai réel d’implantation des usines sur notre territoire. En effet, là où l’Allemagne met aujourd’hui entre 4 mois et 12 mois pour implanter une usine, ce projet de loi doit nous permettre de passer de 17 mois à 9 mois, soit un bond en avant non négligeable.

Nous pouvons nous féliciter du consensus trouvé en commission mixte paritaire.

Les principaux acquis obtenus lors de l’examen du texte au Sénat ont pu être préservés. Nous pouvons ainsi saluer une meilleure association des départements à la planification industrielle, obtenue sur l’initiative de notre groupe, ainsi qu’une accélération des procédures administratives de délivrance des permis de construire pour les sites industriels et la modernisation des procédures d’enquête publique. Le nouvel article 9 permettra d’accélérer l’implantation des projets industriels d’intérêt général majeur et la facilitation de la réhabilitation des friches.

Pourtant, ce texte ne va pas assez loin et nous restons dans l’expectative concernant les réels moyens financiers attribués à la réindustrialisation de notre pays par le Gouvernement.

Si les dispositifs financiers du titre III vont dans la bonne direction, à l’image de la création du plan d’épargne avenir climat, le projet de loi de finances pour 2024 sera le véritable rendez-vous à ne pas manquer pour ces mesures.

Le crédit d’impôt en faveur des entreprises investissant dans les industries vertes, qui verra le jour dans la loi de finances, sera très attendu et son enveloppe, scrutée. Son taux et son assiette sont, pour l’instant, flous et nous demandons des précisions en la matière.

Si ce projet de loi est consensuel, c’est avant tout parce qu’il ne va pas assez loin. Nous ne pouvons nous satisfaire de simples mesures de simplification.

Comme tous mes collègues du groupe Union Centriste, j’attends un choc industriel majeur pour doter notre pays des atouts lui permettant de rivaliser avec la concurrence internationale, à commencer par Pékin et Washington.

En responsabilité et en attendant le projet de loi de finances pour 2024, nous voterons les conclusions de la commission mixte paritaire. (Mme Sylvie Vermeillet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Mme Ghislaine Senée applaudit.)

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui est, de toute évidence, une occasion manquée. Ce texte relatif à l’industrie verte a accouché d’une souris grise. (Sourires.) En effet, derrière les mots « industrie verte », nous aurions pu espérer un texte permettant de construire, collectivement, avec les territoires, les élus locaux et les citoyens, les conditions d’une relocalisation industrielle vertueuse.

Nous attendions des mesures visant à favoriser une industrie respectueuse de l’environnement et de la santé, une industrie décarbonée, sobre dans sa consommation des ressources, capable de gérer ses déchets dans le cadre d’une économie circulaire et de s’ancrer dans un tissu économique local, en lien avec les TPE et les PMI.

On aurait pu imaginer une véritable planification, couplée à une orientation claire des financements publics, dans le but de développer une production industrielle répondant aux défis du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, à savoir une production industrielle adossée à la construction, essentielle, d’une consommation sobre et soutenable.

On aurait pu espérer une réflexion sur le sens de notre développement industriel, avec un fort volet humain, sur les compétences nécessaires à la transition écologique, sur les conditions de travail, l’association des salariés au développement des entreprises, la reconversion des hommes et des femmes touchés par les inévitables mutations du secteur.

Si l’industrie verte avait été définie et pensée en ces termes, les écologistes auraient été heureux de partager l’ambition de ce texte. Nous alertons en effet depuis de nombreuses années sur les enjeux de relocalisation, de résilience et de transition. Ces enjeux sont plus que jamais d’actualité, à l’heure des pénuries de médicaments pourtant essentiels et de tensions sur notre souveraineté énergétique. Ainsi, un an seulement après la fin de l’état d’urgence sanitaire, les sites français de production de masques ferment ou sont en difficulté. Quelle protection réelle donnons-nous à notre industrie ?

La nécessité d’une réindustrialisation de la France est donc pour nous une évidence. Mais nous attendions une industrie inscrite dans une vraie transition écologique, pensée sur le long terme, qui nous permette de produire nos biens essentiels, tout en protégeant l’environnement.

On ne trouve rien de tout cela dans ce projet de loi, si ce n’est quelques avancées sur la réutilisation des coproduits, les friches ou la commande publique. On y relève des régressions démocratiques et environnementales majeures, que l’Assemblée nationale a en partie aggravées. Le texte issu de la commission mixte paritaire présente ainsi des reculs, notamment à l’article 2, au sein duquel a été actée une limitation du droit de recours des citoyens, ou encore à l’article 9, le garde-fou que constituaient les élus locaux face aux dérogations proposées ayant été écorné.

Si nous nous satisfaisons de la suppression de l’article 9 bis, qui excluait du ZAN les implantations industrielles, il n’en reste pas moins que ce texte est avant tout synonyme de détricotage du droit de l’environnement et de la participation citoyenne, pourtant garants de la qualité écologique et de l’implantation réussie des projets.

Le message est clair : on nous propose de déréguler, d’accélérer, d’être attractifs dans le jeu de la concurrence mondiale, pour réindustrialiser, sans s’interroger vraiment sur nos besoins ou sur les impacts territoriaux, environnementaux et sanitaires associés. Accélérer, le verbe est omniprésent ! Mais vers où ? Il manque, hélas, une direction !

Nous pouvons, au vu de l’urgence de notre situation climatique, souscrire à des mécanismes d’accélération, dans des cadres définis et exigeants, par exemple pour les projets d’énergies renouvelables vertueux. Mais nous nous opposons fermement à cette logique, si elle s’applique indifféremment à tout type d’industrie, sans conditionnalité claire.

Car nous l’assumons, il y a des industries dont nous avons intensément besoin et des industries dont nous ne voulons plus. Permettez-moi de prendre un exemple. L’usine Bridor a voulu s’implanter en Ille-et-Vilaine. Il s’agissait typiquement d’un projet du siècle dernier visant à prendre des parts de marché, indépendamment de ce qui est produit. Dans ce cas précis, il s’agissait de viennoiseries surgelées destinées à l’exportation dans les hôtels 5 étoiles du monde entier, de vrais produits essentiels ! Tout le monde en manque ! Cette implantation devait se faire au détriment des terres agricoles, de l’environnement, et d’un développement territorial équilibré. Or rien n’est proposé dans ce texte pour sortir d’une telle vision industrielle, qui appartient à une autre époque.

Nous regrettons également que nos amendements, adoptés par le Sénat, qui auraient permis de donner corps à l’ambition affichée du texte, n’aient pas été retenus en commission mixte paritaire. Je pense notamment à la proposition de notre collègue Jacques Fernique, qui visait à créer des projets territoriaux d’industrie circulaire.

Ce texte constitue donc, je le disais, une occasion manquée, car nous aurions pu travailler collectivement à construire un cadre favorable à une industrie réellement verte. Nous avions échangé à Bercy, monsieur le ministre, sur ce sujet avec votre collègue, sans réelle avancée. Les débats parlementaires n’ont pas permis de changer la nature de ce texte. Nous voterons donc, une nouvelle fois, contre ce projet de loi. (Mme Ghislaine Senée applaudit.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à l’industrie verte dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 260
Pour l’adoption 243
Contre 17

Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'industrie verte
 

8

Augmentation de la taxe foncière

Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur l’augmentation de la taxe foncière.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour d’un droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre délégué, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle. Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe auteur de la demande.

M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un an, dans le cadre de la préparation du budget pour l’année 2023, les élus locaux ont interrogé le Gouvernement pour obtenir des réponses aux questions très concrètes qu’ils se posaient quant au coût des fluides. Pour la première fois, ils se demandaient : « Va-t-on devoir mettre la clef sous la porte ? Le maire doit-il fermer la piscine cet hiver ? Baisser le chauffage dans les écoles maternelles ? Augmenter la taxe foncière ? » Il y a là une réalité nouvelle qui doit nous interpeller.

C’est pourquoi nous avons voulu un débat sincère, constructif et utile aux élus locaux, en nous fixant trois objectifs : clarté, vérité et perspectives.

Commençons donc dans la clarté : la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales s’est traduite par une perte de ressources pour les communes. Cette perte a été compensée depuis 2021 par le transfert aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Toutefois, le montant du transfert n’est pas automatiquement égal au montant de la ressource de taxe d’habitation perdue par la commune.

Si la commune touche plus de taxe foncière sur les propriétés bâties « départementale » qu’elle ne « perd » de taxe d’habitation, elle est dite « commune surcompensée », et un coefficient correcteur lui est appliqué. Mais cela n’apparaît pas dans la feuille d’imposition des habitants.

Dans le cas contraire, on parlera de « commune sous-compensée ». Plus la taxe d’habitation était faible avant sa suppression, moins on est compensé.

Voilà qui n’est pas juste, car des habitants propriétaires pauvres se retrouvent imposés pour compenser la perte subie par les communes dont la taxe d’habitation était élevée.

À aucun moment une information claire n’est donnée sur ce que touche réellement la commune. D’où ma première question, monsieur le ministre : comment pouvons-nous gagner en clarté sur le sujet ? Combien de nos concitoyennes et de nos concitoyens ignorent les modalités de calcul de la taxe foncière ? Combien des 32 millions de propriétaires de notre pays tiennent leur maire pour responsable de l’augmentation de leur taxe foncière, alors même que 84 % des communes n’ont pas augmenté leur taux ?

Ajoutons à cela la confusion découlant de l’augmentation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, celle-ci étant additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties et, pour beaucoup de contribuables, difficile à distinguer de cette dernière. Une telle augmentation est justifiée par des besoins croissants en matière de gestion des déchets, mais elle n’est jamais compensée.

Pourtant, l’histoire fiscale suffit à s’en convaincre : c’est bien une augmentation de 7,1 % dont tous les propriétaires du pays, à quelques exceptions près, ont dû s’acquitter par l’effet d’une simple décision du Gouvernement, et non des collectivités.

Une telle augmentation creuse une nouvelle fois les inégalités, car elle pèse plus lourd sur les propriétaires de petites surfaces, de type T2.

En effet – tout le monde ici le sait –, les vingt premiers mètres carrés d’un bien sont toujours les plus chers, et la surface supplémentaire bénéficie d’une taxation allégée. Déjà, en 2021, quelle que soit la ville, la taxe foncière rapportée au mètre carré est en moyenne plus élevée de 36 % pour les petits logements par rapport aux T4 et au-delà.

Nul doute que cette augmentation va placer les bailleurs sociaux, qu’ils soient publics ou privés, dans une situation financière très délicate. Pis, si aucune action n’est entreprise, ces difficultés se traduiront inévitablement par des répercussions sur les locataires.

Monsieur le ministre, vous et, à travers vous, le Gouvernement portez seuls la responsabilité de cette envolée record de la taxe foncière des communes, hausse inédite depuis 1986.

Ce débat est donc bel et bien un moment de vérité.

Mes chers collègues, partagez ma stupeur à entendre la Première ministre affirmer que l’envolée de la taxe foncière serait due à « une décision des collectivités territoriales ».

Les relations entre l’État et les collectivités, qui sont le ciment de la République, souffrent de ce type de communication, qui méprise la réalité, les faits et les responsabilités. Ce que nous vous demandons, c’est de la sincérité ! Cessez de nous dire que vous allez refonder un pacte entre les échelons politiques du territoire quand vous vous évertuez à vous défausser sur les élus locaux, qui sont en première ligne face à leur population.

Vous vous réfugiez derrière la règle de l’indexation des bases locatives cadastrales, qui font office d’assiettes, auxquelles on applique ensuite un taux décidé par les communes. Prévoyant une envolée des bases, les députés avaient voté en faveur du plafonnement de la revalorisation des bases locatives à 3,5 %, soit moitié moins que l’augmentation appliquée par votre gouvernement, monsieur le ministre. Mais la démocratie parlementaire a été une nouvelle fois bafouée par un énième 49.3…

Quelle est l’exception française qui implique que 72 % des impôts fonciers, en France, soient acquittés par les ménages, contre 40 % en Allemagne ou 61 % au Royaume-Uni ? L’anomalie est telle que l’Insee recense la taxe foncière sur les locaux d’habitation dans la catégorie des « impôts de production ». Il y a là au minimum un début d’incohérence !

Monsieur le ministre, politiquement, il aurait été plus responsable de ne pas présenter, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023 devant la représentation nationale, un article repoussant encore la révision des bases locatives de 2026 à 2028. Il eût fallu assumer politiquement qu’il est inacceptable que les bases de calcul de la taxe foncière soient déterminées dans les conditions du marché locatif qui avait cours – écoutez-moi bien ! – au 1er janvier 1970.

Des collectivités ont été contraintes d’ajouter à la majoration de 7,1 % des bases locatives une augmentation supplémentaire de leur taux de taxe foncière ; c’est vrai.

Néanmoins, ces décisions sont prises avec responsabilité : quand un maire croise l’un de ses administrés, il n’y a pas de 49.3 possible !

Tout cela intervient dans un contexte où les collectivités ont été réduites à une impuissance fiscale qui se traduit par un dessaisissement du pouvoir de taux : en 1986, 90 % des recettes fiscales s’accompagnaient d’un pouvoir de taux ; cette proportion dégringole à 65 % en 2018 et à 42 % trois années plus tard, en 2021.

La taxe d’habitation a été supprimée, soit 17,6 milliards d’euros de baisses d’impôt et un gain de 7,8 milliards d’euros pour les 20 % les plus aisés !

La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été engagée, à la hache, pour 14 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront, à coups de 49.3, les 4 milliards d’euros restants !

France urbaine et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité fustigent cette politique, évoquant des « erreurs politiques majeures ».

Vient maintenant le temps des perspectives.

Nous y insistons – et nous en ferons de nouveau la proposition lors des prochains débats budgétaires –, la dotation globale de fonctionnement doit être enfin indexée sur l’inflation.

Nos questions sont donc cruciales pour l’avenir des collectivités : comment comptez-vous restaurer leur autonomie fiscale et financière ? Comment aller vers une nouvelle décentralisation fondant un redéploiement des services publics de proximité, là où les territoires dits « délaissés » de la République exigent réparation et là où la dématérialisation issue des politiques d’austérité a creusé les inégalités d’accès aux services publics, comme l’écrit la Défenseure des droits dans un de ses rapports ?

Les élus locaux attendent des réponses concrètes et des solutions viables pour que les collectivités continuent d’innover et d’être utiles.

Je n’oublie pas les départements, premiers partenaires des municipalités, qui ont perdu tout pouvoir fiscal autonome et assistent à l’effondrement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

En considération de ces faits, le groupe CRCE-Kanaky a lancé ce débat ouvert et pluraliste, cherchant ainsi à représenter les intérêts des collectivités, elles qui sont tant malmenées. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – MM. Jean-Raymond Hugonet et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurai l’occasion de m’exprimer de manière plus détaillée dans quelques instants, mais je réponds immédiatement à M. Savoldelli sur l’avis de taxe foncière.

Monsieur le sénateur, depuis que s’applique la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, et sur l’initiative du rapporteur général Husson, la mention du montant retenu ou versé en application du coefficient correcteur apparaît bien dans les rôles de taxe foncière. Vous voilà donc rassuré !

Par ailleurs, vous rappelez que les députés ont voulu maîtriser l’évolution des bases foncières, contre l’avis de toutes les associations d’élus locaux. En effet, cela privait les collectivités territoriales de plus de 2 milliards d’euros de recettes… Il était donc un peu paradoxal de demander l’indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) tout en plafonnant l’évolution de la base foncière.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, sans aucunement intervenir, a laissé faire l’indexation de la valeur locative cadastrale : cette revalorisation annuelle en fonction de l’inflation relève d’une décision du Parlement, inscrite dans la loi de finances pour 2018.

Je vous réponds enfin sur l’autonomie financière : elle n’a jamais été aussi importante. Je ne parle pas de l’autonomie fiscale, qui a baissé, quand l’autonomie financière, elle, progressait. Or c’est bien l’autonomie financière qui permet, me semble-t-il, à un élu local de décider de la politique qu’il souhaite mettre en œuvre.

Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques semaines, au mois de novembre prochain, lors du Congrès des maires de France, on entendra chanter les louanges de ces fantassins de la République, de ces piliers de la République, que sont les maires de France. En attendant, ceux qui demeurent les personnalités politiques préférées des Français sont voués aux gémonies au moment de payer la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Les Français ont encore quelques jours pour payer leur taxe foncière : la date limite est le 21 octobre pour le paiement en ligne, le 16 octobre pour les autres moyens de paiement ; et ceux qui ont opté pour le prélèvement mensuel devront s’acquitter de trois mensualités plus élevées.

En recevant leur avis d’imposition, ils ont pris la mesure de cette hausse de la taxe foncière. Beaucoup ont sans doute compris que la suppression de la taxe d’habitation faisait l’effet d’un leurre. Le Gouvernement s’était engagé à ce qu’aucune nouvelle taxe ne soit prélevée en contrepartie, mais, avec une malignité évidente, il fait peser sur les maires la responsabilité de l’augmentation des impôts locaux en faisant porter l’augmentation des recettes communales sur la seule taxe sur le foncier bâti.

La taxe foncière est calculée sur la base d’une assiette fiscale qui repose elle-même sur des valeurs locatives cadastrales obsolètes : elles datent de 1970 – elles ont donc plus de cinquante ans.

Les recettes permettent aux communes d’ajuster leur budget face à l’augmentation des coûts, qui a été très forte cette année : denrées alimentaires dans les cantines, chauffage des écoles ou des piscines, carburant, etc.

La hausse des bases de la taxe foncière est en 2023 de 7,1 %. C’est la plus forte hausse en près de quarante ans, malgré les précédentes vagues d’inflation. Elle était malheureusement prévisible, car c’est la dernière ressource fiscale dont disposent les communes.

À une époque pas si lointaine, les maires, au moment du vote du projet de loi de finances, connaissaient leurs ressources pour l’année à venir, dont la progression se répartissait entre la revalorisation des bases fiscales, la taxe d’habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et les impôts économiques. Ils connaissaient aussi l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement, qui suivait généralement l’inflation, et pouvaient ainsi construire leur budget – faut-il le rappeler ? – à l’équilibre. Ce temps est révolu.

Certains maires ont été contraints de relever l’impôt foncier pour faire face à l’explosion des coûts, mais aussi à la juste revalorisation du point d’indice des fonctionnaires face à l’inflation, annoncée après le vote du budget, sans oublier la prime de fin d’année promise aux fonctionnaires territoriaux au mois de juin.

Les situations sont très disparates d’une commune à l’autre, car d’autres facteurs pèsent sur les territoires selon leurs spécificités, ce qui explique pourquoi des majorations du taux de l’impôt foncier ont été votées par certaines communes.

L’impact de la suppression de la taxe d’habitation n’est pas le même selon qu’une commune abrite plutôt une majorité de locataires ou plutôt une majorité de propriétaires occupants ; cela a été souligné par Pascal Savoldelli.

Dans le rural, être propriétaire foncier est souvent la norme, et « propriétaire foncier » n’est pas, tant s’en faut, synonyme de « riche propriétaire foncier ». Beaucoup ont de faibles, voire de très faibles revenus ; je pense en particulier aux agriculteurs.

Dans les villes, la part des locations est plus élevée : les contribuables sont moins nombreux et, par voie de conséquence, les recettes fiscales sont moindres, d’autant que certains logements sociaux bénéficient d’exonérations de taxe foncière.

Ainsi les communes abritant les populations les plus pauvres sont-elles pénalisées fiscalement.

Monsieur le ministre, il est temps de revenir aux bonnes pratiques permettant aux maires d’élaborer leur budget en disposant de tous les éléments nécessaires au respect du principe de sincérité, au lieu de les obliger à composer tout au long de l’année avec de nouveaux éléments, comme ce fut le cas récemment avec la prime de fin d’année, annoncée au mois de juin dernier.

De nombreux maires doivent aujourd’hui répondre à leurs employés communaux, souvent des agents de catégorie C, qui touchent de petits salaires et leur demandent s’ils pourront percevoir la prime. Or, au moment du vote du budget, au mois de mars, les maires ne savaient pas que le Gouvernement créerait une telle prime ! Ils sont désespérés : d’un côté, ils voudraient faire plaisir à leurs employés communaux, mais, de l’autre, cette dépense n’était pas prévue dans leur budget. (M. Thierry Cozic applaudit.)