Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

finances publiques locales et dotation globale de fonctionnement

M. Patrice Joly ; M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

Salutations à un sénateur

M. le président

suites de la réforme des retraites

M. Jean-Claude Requier ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre ; M. Jean-Claude Requier.

situation des associations d’aide alimentaire

Mme Raymonde Poncet Monge ; Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; Mme Raymonde Poncet Monge.

lutte contre le harcèlement scolaire

Mme Colette Mélot ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.

Salutations à deux sénatrices et à un sénateur

M. le président

confiance entre les soignants et les patients

Mme Catherine Deroche ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Catherine Deroche.

otan et soutien à l’ukraine

M. Philippe Folliot ; Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire.

Salutations à une sénatrice

M. le président

pénurie de médicaments

Mme Laurence Cohen ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Laurence Cohen.

Salutations à un sénateur

M. le président

tiktok face aux droits national et européen

M. André Gattolin ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

Salutations à un sénateur

M. le président

propos sur la tendance politique des médias

M. Bernard Fournier ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

pesticides

Mme Angèle Préville ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

image de la france à l’étranger après les émeutes

M. Ronan Le Gleut ; Mme Laurence Boone, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe ; M. Ronan Le Gleut.

Salutations à un sénateur

M. le président

développement d’une culture scientifique pour tous

Mme Françoise Férat ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Salutations à un sénateur

M. le président

données sur le classement des services hospitaliers français

M. Charles Guené ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; M. Charles Guené.

fonds marianne

M. Rémi Féraud ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté ; M. Rémi Féraud.

moyens aériens des services départementaux d’incendie et de secours

M. Pierre Cuypers ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Pierre Cuypers.

Salutations à un sénateur

M. le président

malaise des élus

M. Jacques Le Nay ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Jacques Le Nay.

Hommage à la présidente d’un groupe politique

M. le président

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

3. Mise au point au sujet de votes

4. Protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

Mme Véronique Guillotin

Mme Corinne Imbert

Mme Colette Mélot

Mme Mélanie Vogel

M. Xavier Iacovelli

Mme Annie Le Houerou

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Brigitte Devésa

Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, mais aussi le respect du temps de parole.

finances publiques locales et dotation globale de fonctionnement

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Raymonde Poncet Monge et Esther Benbassa applaudissent également.)

M. Patrice Joly. Monsieur le président, mes chers collègues, vous connaissez, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, les difficultés que rencontrent nos élus locaux face à la crise sociale que nous vivons, laquelle suscite des attentes fortes de notre population.

Tout cela s’inscrit dans un contexte de défiance vis-à-vis des institutions, qui rejaillit sur les élus locaux et se traduit aujourd’hui par de la violence verbale et physique. C’est intolérable !

Dans ce contexte, nos élus sont en première ligne et créent de nouveaux services, souvent pour compenser les défaillances de services publics qui relevaient jusqu’à présent de l’État. On pense en particulier à la santé.

Aujourd’hui ces mêmes élus voient leurs marges de manœuvre financières fortement réduites, d’une part, par une évolution rapide des dépenses liées à l’inflation ainsi qu’aux revalorisations nécessaires des salaires, d’autre part, par une évolution plus faible de leurs recettes mises sous la tutelle de l’État.

Est en jeu la question de la préservation des capacités d’investissement des collectivités, qui, je vous le rappelle, représentent 70 % de l’investissement public. Comment les collectivités pourront-elles renforcer leur engagement dans les transitions ? Si des aides existent, le reste à charge est de plus en plus insoutenable.

Est également en jeu notre cohésion sociale et territoriale, dont, au mois de mai dernier, la Commission européenne elle-même a rappelé l’importance pour la dynamique de développement de notre pays.

Monsieur le ministre, pouvez-vous dès aujourd’hui nous assurer d’une évolution des dotations de l’État au moins égale à l’inflation à compter du prochain budget et d’une remise à plat rapide des dotations en vue de renforcer leur péréquation ?

Tout aussi urgente est la remise à plat de la fiscalité locale, sur laquelle les collectivités ont aujourd’hui perdu toute autonomie, cette autonomie pourtant affirmée par la Constitution qui permettrait de trouver un nouveau panel de ressources fiscales.

Pour garantir ce principe, à plusieurs reprises, le Sénat, en particulier le groupe SER, avec la proposition de loi constitutionnelle de notre collègue Éric Kerrouche du mois d’août dernier, a formulé des propositions pour que soit discutée chaque année une loi de financement des collectivités locales et éviter ainsi que celles-ci ne soient des variables d’ajustement budgétaire.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si, sur ce point, la position du Gouvernement peut évoluer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Joly, j’ai l’habitude de dire qu’il ne faut pas opposer l’État aux collectivités locales.

C’est pourquoi je vous remercie d’avoir insisté sur le fait que l’État a besoin des collectivités locales – et c’est une évidence ! – pour les services qu’elles apportent à la population, pour la part qu’elles ont dans l’investissement public dans notre pays, donc dans la transition écologique.

De la même façon, les collectivités locales ont besoin de l’État – et c’est là aussi une évidence ! – qui peut intervenir en cas de crise et les soutenir. C’est ce que l’on a fait l’an dernier avec le filet de sécurité.

D’ailleurs, je vous annonce que 400 millions d’euros ont été dépensés au titre du filet de sécurité inflation pour 2022. Je vous rappelle que, l’an dernier, quand je faisais des estimations autour de 430 millions d’euros, beaucoup doutaient du fait que ce filet trouve son public et que cette somme soit dépensée. Cela a été le cas et j’aurai l’occasion de donner des détails dans quelques jours pour que vous puissiez le constater : j’indique d’emblée que plus de 3 000 communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont pu bénéficier du filet de sécurité que vous avez voté, mesdames, messieurs les sénateurs.

À ce propos, je rappelle également que vous avez décidé et voté une réédition de ce filet de sécurité en 2023, avec des critères assouplis, pour accompagner les collectivités locales les plus fragilisées par la hausse des prix liée à la crise de l’inflation.

On le sait, les collectivités locales ont besoin de pouvoir investir et nous avons besoin qu’elles puissent le faire. C’est pour cela que l’engagement de sanctuarisation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), pris par le Président de la République en 2017, a été tenu.

Nous sommes même allés plus loin, puisque, cette année, le Gouvernement a abondé la DGF de 320 millions d’euros, ce qui fait que 90 % des communes ont vu leur dotation augmenter. Je sais que cela a été le cas dans votre département de la Nièvre, monsieur le sénateur.

Nous avons tenu cet engagement. Nous avons augmenté le concours aux collectivités locales. Nous avons créé le fonds vert et nous allons le reconduire pour faciliter les investissements massifs pour la transition écologique, conformément à l’annonce de la Première ministre.

Monsieur le sénateur, j’en viens à votre question sur le prochain projet de loi de finances. Non, nous n’allons pas faire d’économies ni amputer la DGF, contrairement à ce qui a pu être fait entre 2012 et 2017 par le gouvernement que nous soutenions tous les deux à l’époque. (Exclamations sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées du RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.) J’ai l’honnêteté de le dire !

M. Franck Montaugé. On a redressé les comptes !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous ne ferons pas d’économies sur la DGF, comme cela a pu être fait au cours de la présidence de François Hollande. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Bravo !

Salutations à un sénateur

M. le président. Avant de lui donner la parole, je souhaite saluer notre collègue Jean-Claude Requier, qui a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat en septembre prochain.

Sénateur du Lot depuis 2011, vice-président de la commission des finances, il préside depuis six ans le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et contribue à faire vivre le pluralisme politique cher à notre institution sénatoriale et particulièrement cher à son groupe, qui est l’héritier de groupes ayant façonné la République.

Jean-Claude Requier est attaché à cette idée du Sénat, faite de laïcité et d’ouverture.

Je le remercie, au nom de tous les membres du Sénat, de son engagement au service de nos territoires, notamment ruraux, dont il s’est fait le porte-voix tout au long de ses mandats. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

suites de la réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Claude Requier. Dans quelques semaines, je partirai à la retraite, vous l’avez indiqué, monsieur le président. Ma dernière question d’actualité au Gouvernement portera donc… sur les retraites (Rires.), plus précisément sur les prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR).

Les prévisions sont toujours un exercice difficile, « surtout lorsqu’elles concernent l’avenir », affirmait Pierre Dac. Celles du COR ne dérogent pas à la règle.

Au mois de juin 2017, le COR assure que la France peut envisager l’avenir de son régime de retraite « avec une sérénité raisonnable ». Cinq mois plus tard, il change d’avis et prévoit une explosion des déficits.

En 2023, après une première tentative avortée, le Président de la République et le Gouvernement, prévoyant un déficit de 13 milliards d’euros en 2030, programment une nouvelle réforme des retraites avec un départ repoussé progressivement de 62 à 64 ans.

Que dit le COR ?

Son président affirme que les dépenses de retraite ne dérapent pas, sont relativement maîtrisées et globalement stabilisées, même à long terme, pouvant laisser penser qu’il n’y aurait pas de problème de financement et peut-être pas besoin de réforme.

La réforme sera finalement votée au Sénat et, au forceps, à l’Assemblée nationale, avec le 49.3, et elle suscitera manifestations, colère et violence.

Le 22 juin dernier, changement d’analyse : le dernier rapport du COR assure que la réforme ne ramènera pas l’équilibre financier en 2030 et prévoit au contraire un retour durable des déficits dès l’an prochain.

Madame la Première ministre, que pensez-vous de ces diagnostics apparemment contradictoires du COR, sachant que, en matière de politique publique, l’efficacité des décisions dépend justement de la véracité du diagnostic ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Jean-Claude Requier, je regrette tout comme vous qu’une instance comme le Conseil d’orientation des retraites, qui a été créé pour rassembler tous les acteurs et partager des constats communs sur le financement de nos retraites, n’ait pas pu pleinement jouer son rôle ces derniers temps.

Je regrette en particulier que ses travaux aient pu prêter à toutes sortes d’interprétations et d’expressions, éloignant ainsi le Conseil de sa mission originelle.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. De mon côté, monsieur le président Requier, comme vous, mon gouvernement et moi-même nous en tenons à ce qui est écrit.

Que nous disait le COR au moment de la réforme ? Que notre système était déficitaire et que, dans aucun scénario, même le plus optimiste, nous ne pouvions retrouver l’équilibre d’ici à 2030.

Que nous dit le COR aujourd’hui ? Il confirme une nouvelle fois qu’il y aurait eu des déficits importants sans la réforme et que celle-ci permet de les réduire considérablement d’ici à 2030.

Le dernier rapport du COR confirme aussi, comme nous le disions, que notre réforme augmente le niveau moyen des pensions et que les retraités modestes sont les premiers bénéficiaires de cette hausse.

Monsieur le président Jean-Claude Requier, alors qu’il s’agit de votre dernière question d’actualité au Gouvernement, je voulais à mon tour, de façon plus personnelle, vous remercier et saluer votre engagement et celui de votre groupe.

Vous êtes ici un sénateur écouté, un président de groupe respecté, un défenseur inlassable de la laïcité, engagé pour votre territoire, pour les élus, pour nos compatriotes, notamment dans la ruralité.

Vous êtes, à l’image de votre groupe, un partisan du dialogue et des solutions, un artisan des consensus et des compromis. Je tenais à vous souhaiter le meilleur et à vous remercier de tout le travail accompli. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Madame la Première ministre, à l’avenir, il faudra clarifier le son du COR. (Sourires.)

Poétiquement, je conclurai avec Alfred de Vigny sur « le son du cor, le soir au fond des bois ». (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.)

situation des associations d’aide alimentaire

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également. – Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Près d’un Français sur six déclare ne pas manger à sa faim. Dans un contexte de crise inflationniste des prix alimentaires, part essentielle du budget des ménages modestes, les Restos du cœur constatent cet été une augmentation de 25 % des Français qui ont recours à l’aide alimentaire.

Aucun territoire n’est épargné et, au fil de vos réformes, les publics s’élargissent : travailleurs pauvres, jeunes, familles monoparentales, retraités, enfants de moins de 3 ans – plus 16 % cet hiver !

L’inflation déstabilise l’équilibre budgétaire des associations d’aide. L’achat des produits alimentaires et d’hygiène devient plus onéreux pour les associations, qui reçoivent moins de dons alimentaires, lesquels sont de moindre qualité, et qui sont obligées de prélever sur leurs fonds propres pour répondre à la demande.

L’année prochaine, si aucune mesure n’est prise, le budget des Restos du cœur consacré aux achats alimentaires aura presque doublé en deux ans.

En outre, 40 % des épiceries solidaires ont dû réduire la quantité des produits et parfois l’accès à l’épicerie, quand elles n’ont pas dû baisser le seuil du reste à vivre pour pouvoir prétendre à cette aide.

Emmaüs refuse cinq personnes par semaine et par communauté.

De façon inédite, face à l’affluence, certains Restos du cœur ont dû stopper les inscriptions et ont mis en place des listes d’attente.

Les associations tirent la sonnette d’alarme, car, face à ces effets ciseaux, elles ne pourront plus nourrir et accompagner convenablement les personnes les plus démunies.

Le filet de sécurité des associations se fragilise. Que prévoyez-vous dès aujourd’hui pour restaurer leurs capacités à faire face à l’extrême pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Poncet Monge, vous l’avez souligné, l’inflation a fragilisé une partie de nos concitoyens, notamment les plus modestes.

Les chiffres actuels montrent le début d’une éclaircie, mais ce n’est bien sûr pas suffisant – encore que. La mise en place dans la grande distribution, à la demande du Gouvernement, d’un trimestre anti-inflation pour garantir aux consommateurs des prix préférentiels pour un ensemble de produits du quotidien se traduit déjà par une consommation peut-être plus aisée.

Parallèlement, vous le savez, le Gouvernement a agi pour contenir la hausse des prix de l’énergie, ce qui représente une dépense de 46 milliards d’euros. Il a également engagé la revalorisation anticipée des prestations de 4 %, démarche qu’il a poursuivie au 1er avril dernier : ainsi, la revalorisation atteint 5,6 % en un an.

En matière alimentaire, sujet essentiel, il y a eu un renforcement exceptionnel des moyens des associations d’aide alimentaire. Ainsi, les crédits de l’État ont triplé en 2022, pour atteindre 156 millions d’euros. Cela a permis notamment d’affecter en urgence 10 millions d’euros d’aide alimentaire à destination des étudiants cet hiver et d’apporter des réponses spécifiques aux outre-mer.

La lutte du Gouvernement contre la précarité alimentaire se concrétise aussi dès 2023 par le programme « Mieux manger pour tous ! », qui est doté de 60 millions d’euros pour cette première année d’amorçage et qui permettra de financer des paniers et des chèques verts et solidaires.

Sur ces 60 millions d’euros, 40 millions d’euros ont vocation à financer des actions nationales. Grâce au travail mené par le ministre Jean-Christophe Combe avec les dix-huit associations agréées, ces crédits sont actuellement fléchés. Cette démarche touche à son but.

Madame la sénatrice, permettez-moi de tirer mon chapeau à tous les bénévoles qui œuvrent dans ces associations d’aide alimentaire et qui accomplissent un travail absolument extraordinaire. (Mmes Françoise Gatel et Évelyne Perrot abondent. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, vous parlez de 2022 : je vous parle d’aujourd’hui.

Les associations proposent une augmentation du fonds d’aide alimentaire durable ou du fonds européen, comme lors de la crise de la pandémie. Nous attendons de vous un React-EU 2. Ce sont des mesures d’urgence.

Plus durablement, madame la ministre, portez les minima au seuil de pauvreté, et ce sans condition. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

lutte contre le harcèlement scolaire

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Pierre Louault et Jean-Paul Prince applaudissent également.)

Mme Colette Mélot. Il s’agit de ma dernière question d’actualité au Gouvernement et je voudrais y associer mon collègue Jean-Pierre Decool, qui, comme moi, a choisi de ne pas solliciter de nouveau mandat.

Madame la Première ministre, mon engagement dans la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement est sans faille. Voilà six semaines, j’interpellais, une fois encore, M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse à la suite du décès tragique de Lindsay, qui est survenu quelques mois à peine après celui de Lucas.

Madame la Première ministre, vous avez annoncé au début du mois de juin dernier vouloir faire de la lutte contre le harcèlement scolaire la « priorité absolue » de la rentrée ; vous l’avez rappelé vendredi dernier. Nous saluons évidemment cette annonce, comme le futur déploiement d’un grand plan d’action contre un fléau d’une grande violence.

À la mi-juin, une heure de sensibilisation au harcèlement devait avoir lieu dans tous les collèges. Quels en ont été les retours ?

En 2021, j’ai proposé la création d’une mission d’information, idée retenue par le groupe Les Indépendants – République et Territoires, qui a réuni vingt-trois sénateurs et permis la publication d’un rapport d’information formulant trente-cinq préconisations.

Deux années ont passé, le harcèlement continue de faire des victimes malgré les mesures mises en place, comme le programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe). Dans mes déplacements, j’ai pu constater les différences de mobilisation qui pouvaient exister entre les équipes éducatives.

Il est urgent d’agir et vous savez pertinemment qu’un grand plan mettra du temps à se déployer.

Pourtant, des mesures simples, comme aborder le sujet lors des prérentrées pour sensibiliser l’ensemble des enseignants et toute la communauté éducative, présenter le droit existant et les numéros d’aide dans le carnet de correspondance ou évoquer le sujet lors de la première réunion des parents d’élèves, pour ne citer que celles-ci, pourraient être appliquées dès les premiers jours de septembre.

Madame la Première ministre, quelles mesures concrètes seront mises en œuvre de manière effective dès la rentrée prochaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la sénatrice Colette Mélot, vous m’interrogez sur un sujet qui vous tient à cœur, je le sais, qui a été l’un des fils rouges de votre engagement en tant qu’élue et sur lequel vous avez écrit un rapport d’information important. La lutte contre le harcèlement à l’école me tient aussi tout particulièrement à cœur.

Le harcèlement est insupportable : c’est la violence et la bêtise qui s’abattent sur un jeune, le poursuivent à l’école et jusque chez lui sur les réseaux sociaux et peuvent le pousser à l’isolement, à la dépression et, parfois, à l’irréparable.

Aujourd’hui, comme vous, madame la sénatrice, j’ai une pensée pour Lindsay, Lucas, Chanel, Dinah, qui, ces dernières années, ont préféré mettre fin à leurs jours plutôt que de continuer à supporter cela. C’est inacceptable et révoltant.

C’est pourquoi j’ai voulu que la lutte contre le harcèlement soit une priorité absolue pour la rentrée 2023. Depuis six ans, beaucoup d’actions ont été engagées, notamment grâce au programme de prévention d’alerte et d’intervention pHARe et à la mobilisation de tous les acteurs.

Toutefois, nous devons aller plus loin encore. C’est pourquoi, la semaine dernière, j’ai réuni mes ministres spécifiquement sur le sujet. Pour mieux prévenir les risques, avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye, j’ai décidé de déployer le programme pHARe dans tous les établissements dès la rentrée scolaire.

Pour protéger les élèves et s’assurer que la parole se libère, un coordonnateur sera nommé dans chaque établissement.

Pour répondre efficacement à toutes les situations et prendre en compte l’impact des réseaux sociaux, l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, de la protection judiciaire de la jeunesse et des forces de l’ordre seront sensibilisés aux enjeux du harcèlement scolaire et en ligne.

J’ai demandé à mon gouvernement de travailler et de bâtir autour du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse un plan interministériel pour la rentrée. Il devra permettre une meilleure prévention en sensibilisant les élèves et en responsabilisant les parents, et ce dès la rentrée. Il permettra de mieux détecter le harcèlement, de mieux accompagner les victimes et d’avoir un suivi plus rigoureux des auteurs.

Enfin, nous devons mieux coordonner les acteurs, faire connaître et simplifier nos dispositifs d’écoute et de prise en charge.

Madame la sénatrice, parce qu’il s’agit de votre dernière question d’actualité au Gouvernement dans cet hémicycle, je veux rendre hommage à votre travail, à votre volonté d’agir, et saluer la marque que vous laisserez au Sénat après plus de dix-huit ans de mandat.

J’en profite pour saluer également Mme la présidente de la commission des affaires sociales Catherine Deroche, Mmes les sénatrices Laurence Cohen et Françoise Férat, MM. les sénateurs André Gattolin, Jacques Le Nay, Charles Guené et Bernard Fournier. (Mmes et MM. sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres, applaudissent.)

Madame la sénatrice Colette Mélot, j’évoquais votre engagement contre le harcèlement. Vous pouvez compter sur nous pour continuer à mener ce combat, prendre toutes les mesures qui s’imposent pour éviter les drames, veiller à la civilité dans tous les échanges et protéger les enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Amel Gacquerre et Nassimah Dindar applaudissent également.)

Salutations à deux sénatrices et à un sénateur

M. le président. Je tiens à m’associer aux propos de Mme la Première ministre.

Chère Colette Mélot, depuis 2004, vous êtes engagée au Sénat, d’abord au sein de la commission de la culture, puis au sein de la commission des affaires sociales. Vous êtes également vice-présidente de la commission des affaires européennes.

Le sujet du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement, qui a fait l’objet de votre dernière question d’actualité au Gouvernement, a toujours été essentiel pour vous.

Je salue également Jean-Pierre Decool. Député, puis sénateur, il a toujours représenté le département du Nord, avec une inclination particulière pour la Flandre. (Sourires.)

En 2018, il a également été rapporteur d’une mission d’information sur les pénuries de médicaments – ce qui me donne l’occasion de saluer également Laurence Cohen, puisque notre assemblée vient de nouveau de se pencher sur ce sujet grâce à la commission d’enquête créée sur l’initiative du groupe CRCE. (Applaudissements.)

La dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement de cette session extraordinaire est l’occasion de saluer ceux de nos collègues qui ont pris la décision de ne pas renouveler leur mandat.

Avant de lui passer la parole, je veux donc saluer notre collègue Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, comment ne pas évoquer l’empreinte que vous avez laissée à la commission des affaires sociales, d’abord en tant que rapporteure du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la branche maladie, puis en tant que présidente ?

Vous avez su porter des valeurs, avec cette singularité angevine faite de douceur, de détermination (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) et d’autorité. Succédant à Alain Milon, vous avez toujours conduit les travaux de la commission des affaires sociales avec courtoisie et efficacité, vers des rivages qui n’avaient pas toujours le calme de ceux de la Loire – quand vous aviez des choses à dire, c’était d’ailleurs parfois les crues de la Loire ! (Sourires.)

Au nom du Sénat tout entier, je vous remercie également du travail que vous avez accompli, vous et tous vos collègues, durant la période si complexe de la covid-19, puisque votre commission a été au premier rang, notamment en ce qui concerne la situation de l’hôpital. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

confiance entre les soignants et les patients

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.

Mme Catherine Deroche. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Monsieur le ministre, depuis un an, votre feuille de route est chargée. En commission, nous avons fait le point la semaine dernière sur tous ces chantiers, qu’il s’agisse des urgences, de la pédiatrie, de la psychiatrie, de la réforme hospitalière en matière de gouvernance ou de tarification, de la prévention.

Des colloques et des tables rondes récemment organisés au Sénat ont néanmoins montré des retards administratifs importants. Je pense à l’innovation en cancérologie ou à la prise en charge de la douleur chronique.

Bien plus, monsieur le ministre, demeurent chez les soignants une perte de sens dans leur métier et chez les Français en général, et chez les patients en particulier, une perte de confiance. C’est comme si quelque chose dysfonctionnait, s’était brisé, voire n’existait plus dans la politique sanitaire.

Dans le droit fil de la tradition de l’humanisme médical, je rappellerai cette formule du docteur Louis Portes au sortir de la guerre : « La médecine, c’est la rencontre d’une confiance, celle du patient, qui rejoint librement une conscience, celle du médecin. »

Nous voyons bien qu’il existe de réelles difficultés dans ce domaine. Monsieur le ministre, vous qui représentez la puissance publique, comment comptez-vous réenchanter cette rencontre ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la présidente Deroche, je vous remercie de l’honneur que vous me faites en me posant votre dernière question d’actualité au Gouvernement.

J’en profite pour rendre hommage aux travaux que vous avez conduits au sein de la commission des affaires sociales. J’y ai toujours rencontré une écoute et nos dialogues ont toujours été extrêmement apaisés. La confrontation des idées a toujours servi à enrichir les nombreux textes dont nous avons eu à discuter ensemble. Vous avez en effet une douceur et une autorité naturelles qui permettent que les débats se déroulent sous les meilleurs auspices. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez raison, la relation entre le soignant et le soigné est essentielle. Il est très probable que la crise sanitaire, caractérisée non seulement par un accès facile à un flot d’informations, mais aussi par des contradictions que l’on a pu entendre chez des professionnels de santé, a contribué à éroder cette confiance au cours du temps.

Rien n’est pourtant plus important que cette relation, qui donne du sens aux métiers du soin et qui est très importante pour évoluer. Les nouvelles technologies ne doivent pas nous éloigner de cette relation : à mon sens, le numérique doit au contraire nous donner plus de temps et favoriser les discussions avec les professionnels.

Madame la sénatrice, vous le savez, j’ai mis l’éthique au centre du principe de la refondation de notre système de santé. Je l’illustrerai par trois exemples.

Premièrement, comme l’a voulu le Président de la République, nous déployons le Conseil national de la refondation (CNR) Santé, qui associe systématiquement les soignés, c’est-à-dire les citoyens, les élus et les professionnels de santé pour donner la parole à ceux que l’on n’entend pas assez souvent.

Deuxièmement, nous avons déployé le dispositif « patients partenaires » ou « patients experts », que le ministère accompagne et souhaite continuer à développer.

Troisièmement, nous mettons en place des indicateurs de perception de la qualité des soins par les patients eux-mêmes, outils largement développés dans les pays anglo-saxons, sur lesquels nous avons encore du retard à rattraper. C’est l’un des éléments clés du nouveau financement de la sécurité sociale.

Madame la sénatrice, je vous remercie de nouveau de nos discussions sur notre système de santé tout au long de cette année. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Mme Catherine Deroche. Merci, monsieur le ministre.

Je forme un vœu : puissiez-vous, si vous me permettez cette expression familière, « secouer le cocotier » de l’administration de la santé ou de Bercy, dont on connaît la lourdeur administrative.

Surtout, n’hésitez pas à vous appuyer sur les rapports du Sénat ! Cela permettrait de gagner du temps, car nous sommes souvent précurseurs.

L’urgentiste que vous êtes sait combien le temps est précieux quand il s’agit des soins.

Ce conseil vaut pour l’ensemble des ministères ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)

otan et soutien à l’ukraine

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)

M. Philippe Folliot. Voilà quelques jours, j’étais avec notre collègue de l’assemblée parlementaire de l’Otan, le député allemand Marcus Faber, tout près de la ligne de front en Ukraine, pour notre seconde visite en quelques mois.

Lors de nos rencontres avec les soldats de la 47e brigade, équipée des puissants et flambant neufs chars lourds Leopard 2, ou avec la 37e brigade de marine, récemment dotée de nos antiques AMX-10 RC, nous avons fait deux constats : les préparatifs de la vraie contre-offensive battent leur plein ; les soldats ukrainiens sont fatigués, certes, mais plus que jamais déterminés.

L’enjeu est clair. Aujourd’hui, les défenses russes sont solides et structurées.

Il s’agit, pour le moment, de taper ici ou là sur ce mur, pour voir les points de faiblesse, afin, ensuite, d’y concentrer les efforts pour créer une brèche qui changera la nature du conflit.

Nous sommes à la croisée des chemins, entre l’enlisement jusqu’à l’épuisement de nos opinions publiques, souhaité par Poutine, et la percée, qui sera un pas décisif vers la victoire des forces de la liberté et de la démocratie.

Afin de réussir cette manœuvre, l’Ukraine a urgemment besoin de plus d’avions de chasse, de chars lourds, de systèmes de défense antiaériens, d’artillerie, de moyens de déminage, de missiles de courte et moyenne portées.

Si les canons Caesar que nous avons livrés jouent pleinement leur rôle, les vieux AMX-10 RC sont complètement inadaptés.

Madame la secrétaire d’État, nous devons changer de braquet. Si la récente décision de livraison de missiles Scalp est une bonne nouvelle, quid de la suite ?

En cet instant décisif, allons-nous être à la hauteur du soutien qu’attendent et méritent nos alliés ukrainiens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur Folliot, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le ministre des armées, Sébastien Lecornu, qui est en train de rentrer du sommet de l’Otan, qui s’est tenu à Vilnius, pour se rendre à l’Assemblée nationale, laquelle doit se prononcer sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la programmation militaire, comme le Sénat le fera demain.

Je vous sais très engagé sur le sujet de l’aide à l’Ukraine. Vous connaissez la situation, pour vous y être rendu à plusieurs reprises.

Comme vous le savez, depuis le début de la guerre, la France s’est engagée à soutenir l’Ukraine dans sa légitime défense contre l’agression de la Russie. Ce soutien militaire répond à des critères clairement définis par le Président de la République : une aide utile, une aide qui ne conduise pas à l’escalade et une aide qui n’affaiblisse pas la défense de la France.

L’une des spécificités de notre soutien militaire est que nous fournissons des capacités complètes, incluant non seulement les équipements, mais aussi la formation et les solutions de maintenance. C’est ce que nous avons fait pour nombre de matériels qui ont fait leurs preuves sur le terrain et apporté un avantage opérationnel à l’Ukraine, notamment les canons Caesar, les Mistral, les Crotale, les SAMP/T, pour la défense aérienne, ainsi que les blindés VAB ou encore des chars légers AMX-10 RC, demandés d’ailleurs par les Ukrainiens.

Dans ce cadre, le Président de la République a annoncé, hier, à Vilnius, que la France allait livrer de nouveaux missiles permettant des frappes dans la profondeur. Il s’agit de missiles Scalp, tirés depuis des aéronefs, avec une portée de 250 kilomètres environ. Ces missiles sont d’une grande précision et ont vocation à être utilisés exclusivement à l’intérieur du territoire ukrainien. Ils apporteront un avantage significatif à l’Ukraine dans sa contre-offensive.

Les discussions entre chefs d’État à Vilnius portent également sur les engagements supplémentaires que nous pouvons prendre pour garantir la sécurité de l’Ukraine pendant que les conflits continuent et sur les perspectives d’adhésion à l’Otan, à terme.

Ces discussions sont encore en cours à cette heure, et des annonces auront lieu dans la foulée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Salutations à une sénatrice

M. le président. Avant de lui donner la parole, je souhaite saluer notre collègue Laurence Cohen.

Sénatrice du Val-de-Marne depuis 2011, elle a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat en septembre prochain.

Je la remercie de son engagement au sein de la commission des affaires sociales et auprès de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Son engagement important sur les sujets sociétaux mérite d’être salué. Je pense notamment à sa contribution aux travaux récents du Sénat sur la santé des femmes au travail ou encore sur la pénurie de médicaments, mais aussi au travail mené par la délégation sur la lutte contre la pornographie.

Je veux saluer ses convictions très fortes. Je me souviens d’une visite que nous avons faite ensemble à l’institut Gustave-Roussy, avec la présidente de la commission des affaires sociales.

Je veux vraiment la remercier, au nom du Sénat, dont elle représente la diversité des convictions. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

pénurie de médicaments

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Laurence Cohen. Créée sur l’initiative de mon groupe, la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments a rendu son rapport, qui a été adopté dans la pluralité de nos sensibilités politiques.

Rapporteure de cette commission d’enquête, je tiens à saluer chaleureusement sa présidente, Sonia de La Provôté, et l’ensemble de ses membres pour le travail accompli, qui a débouché sur trente-six recommandations visant à combattre ces pénuries exponentielles et structurelles.

Les industriels pharmaceutiques français envisagent, en outre, d’abandonner la production de près de 700 préparations pharmaceutiques, dont des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.

Chaque fois, ce sont les conditions de soins qui sont remises en cause. C’est donc la santé des malades qui est menacée !

N’en déplaise aux industriels, leur responsabilité est grande.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous rétablir notre souveraineté sanitaire et industrielle mise à mal par la course à la rentabilité ? Quelles sont, parmi nos recommandations, celles que vous allez mettre en œuvre en urgence ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Laurence Cohen, je vous remercie de me réserver votre dernière question au Gouvernement.

Elle me permet de saluer votre engagement au sein de la commission des affaires sociales. Nous avons parfois pu avoir des discussions animées, nous n’avons pas toujours été du même avis, mais nous avons toujours été extrêmement respectueux l’un envers l’autre. Cette possibilité de discussion fait, j’en suis certain, la grandeur de notre démocratie.

Vous le savez, ce phénomène de tensions sur l’approvisionnement en médicaments est mondial. C’était d’ailleurs le seul sujet à l’ordre du jour de la dernière réunion des ministres de la santé de l’Union européenne.

Face à ce phénomène, nous activons l’ensemble des leviers, sous l’autorité du Président de la République et de la Première ministre, dans le cadre d’un plan de lutte contre les pénuries. Votre rapport sera une aide très importante aux décisions que nous aurons à prendre dans le cadre de ce plan.

Cependant, je veux d’ores et déjà souligner quelques points.

Je veux d’abord évoquer l’élaboration de la liste de 450 médicaments dits « essentiels ». Je le répète, cette liste vivante, amenée à évoluer, nous permet d’établir une cartographie très précise de la production de ces 450 médicaments, depuis l’usine jusqu’à l’étagère de la pharmacie.

Je veux également évoquer le soutien à une initiative belge, menée au niveau européen avec plus de vingt autres pays, sur une politique de gestion des pénuries de médicaments à l’échelle européenne, de souveraineté européenne, mais également de transparence sur les prix et sur les productions et d’élaboration d’une liste de médicaments essentiels.

Je veux saluer le milliard d’euros d’investissements des laboratoires en France, dans le cadre du sommet Choose France, justement pour travailler sur cette souveraineté industrielle.

En outre, j’œuvre, avec mon collègue Roland Lescure, à la relocalisation, annoncée par le Président de la République, de la production de vingt-cinq médicaments, puis de vingt-cinq autres dans les années à venir.

Enfin, je veux souligner les travaux menés sur les approvisionnements particulièrement innovants de médicaments.

Vous le voyez, nous sommes pleinement mobilisés. Toutefois, comme je l’ai dit, les conclusions de votre rapport viendront en appui des mesures que nous prendrons dans le cadre de ce plan « pénuries ».

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, j’espère effectivement que notre rapport va vous inspirer.

Comme nous l’avons souligné, le Gouvernement a manqué d’anticipation et mené une communication brouillée. Il manque un pilote dans l’avion !

Vous avez réamorcé les relocalisations. C’est bien, mais il faut raison garder : sur 106 projets financés par le plan de relance et France 2030, seuls dix-huit concernent une réelle relocalisation, et cinq, un médicament stratégique.

Réorientez les aides publiques et les incitations fiscales vers la production en France de médicaments essentiels : 710 millions d’euros de crédit d’impôt recherche ont été versés, en 2021, sans contrepartie !

Il faut au minimum retrouver la maîtrise publique sur la production d’un certain nombre de médicaments essentiels, en restaurant notamment la capacité de façonnage de la pharmacie centrale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Vous le savez, je plaide, depuis plusieurs années, avec mon groupe, pour un pôle public du médicament en France et en Europe.

Changez ce modèle économique qui engendre des pénuries ! Ayez ce courage ! Le médicament n’est pas une marchandise ; c’est un bien commun de l’humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDSE.)

Salutations à un sénateur

M. le président. Avant de lui donner la parole, je souhaite saluer notre collègue André Gattolin, qui ne souhaite pas solliciter un nouveau mandat.

Sénateur des Hauts-de-Seine depuis 2011, il est vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que de la commission des affaires européennes.

Il a, en tant que rapporteur de la mission d’information sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français, que nous avons tous en tête, appelé à mieux protéger notre patrimoine scientifique et nos libertés académiques face aux risques d’ingérence venant d’États étrangers, sujet toujours d’actualité…

Merci, mon cher collègue ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, applaudissent.)

tiktok face aux droits national et européen

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. André Gattolin. Ma question s’adresse à M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

Monsieur le ministre, voilà maintenant dix ans, le Sénat publiait un excellent rapport d’information de notre collègue Catherine Morin-Desailly, intitulé LUnion européenne : colonie du monde numérique ? Ce rapport fit couler beaucoup d’encre et reste encore aujourd’hui une référence, même si, dans le domaine des technologies numériques, notre monde a, depuis lors, considérablement évolué.

À l’époque, l’espace numérique était dominé par quelques géants américains de l’internet, et l’Union européenne peinait à jeter les bases d’une régulation du secteur. Ce n’est que trois ans plus tard que fut enfin adopté le fameux règlement général sur la protection des données (RGPD).

La semaine passée, le Sénat a publié un nouveau rapport, fruit de quatre mois de travaux intenses d’une commission d’enquête menée par nos collègues Claude Malhuret et Mickaël Vallet, portant sur l’utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données et sa stratégie d’influence.

Mes chers collègues, ses conclusions sont édifiantes. Malgré l’adoption de nombreuses législations européennes et nationales visant à encadrer le développement souvent anarchique des réseaux sociaux, nous constatons que certains acteurs, au premier rang desquels le très puissant TikTok, sont loin, très loin de se plier aux exigences de la loi.

Pis, cette entreprise très particulière fait preuve d’une telle opacité et ses liens avec le régime de Pékin apparaissent si étroits que la commission d’enquête a proposé sa suspension pour des raisons de sécurité nationale si elle ne se conforme pas d’ici au 1er janvier 2024 à une série d’exigences légales et de transparence minimale quant à son fonctionnement et à sa gouvernance.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle est l’approche du Gouvernement sur ce sujet et quelles sont les mesures que vous entendez prendre afin que TikTok daigne enfin se conformer au droit national et au droit européen ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées des groupes GEST, RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à mon tour, de rendre hommage à l’action qu’a menée André Gattolin tout au long de ses deux mandats au sein de cette vénérable institution.

Vos travaux, monsieur le sénateur, notamment ceux qui ont porté sur le numérique et l’intelligence artificielle, font honneur au Sénat et à la République.

Permettez-moi ensuite de saluer l’engagement des membres de la commission d’enquête sur TikTok, notamment de son initiateur et rapporteur Claude Malhuret et de son président Mickaël Vallet.

Comme la Première ministre a eu l’occasion de le dire la semaine dernière, ce rapport fera date dans l’histoire du contrôle parental et du contrôle parlementaire et pour l’avenir de la régulation des grandes plateformes numériques.

Le Gouvernement partage le triple constat de ce rapport. Premièrement, TikTok enfreint les règles européennes sur la protection des données personnelles. Deuxièmement, TikTok, avec ses algorithmes, conduit à l’enfermement et à l’isolement de ses utilisateurs, notamment les plus vulnérables – je pense aux enfants –, ce qui soulève des questions de santé publique et, parfois, d’ordre public. Troisièmement, TikTok, du fait des 1,7 milliard de téléchargements et de ses liens avec la Chine, soulève des questions de géopolitique sur lesquelles nous devons rester particulièrement vigilants.

Sur la question des données personnelles, j’ai demandé à TikTok de nous fournir un état des lieux de l’avancement de ses efforts pour se mettre en conformité avec les règles européennes. Je m’engage à venir le présenter devant les membres de la commission d’enquête avant la fin de l’année. Ce n’est pas une faveur que nous demandons à TikTok : c’est une exigence absolue que nous posons.

Pour ce qui est de la toxicité des algorithmes, TikTok devra, comme toutes les grandes plateformes, se soumettre aux obligations de transparence, d’audits algorithmiques et de prise en compte des risques que ces plateformes font peser sur la santé de leurs utilisateurs, comme sur la sécurité publique, dès le 25 août prochain, date de l’entrée en vigueur du règlement sur les services numériques.

Vous le voyez, le Gouvernement partage l’esprit des auteurs de ce rapport. C’est d’ailleurs dans ce même esprit qu’il a présenté un projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, qui a été adopté la semaine dernière à l’unanimité du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

Salutations à un sénateur

M. le président. Je souhaite saluer notre collègue Bernard Fournier, qui a décidé de ne pas se représenter, après vingt-six années de mandat de sénateur de la Loire. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres se lèvent et applaudissent.)

Gaulliste convaincu depuis ses années étudiantes, membre de l’Union des jeunes pour le progrès (UJP), homme attaché à la mémoire et au patrimoine, il a été, comme représentant du Sénat à l’Assemblée parlementaire de la mer Noire, un observateur attentif d’une région au cœur de l’actualité. C’est un grand spécialiste de nos relations avec la Roumanie.

Je veux vous remercier de tout cela, mon cher collègue ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

propos sur la tendance politique des médias

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Fournier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Dimanche, sur Radio J, vous éloignant du cœur des préoccupations qui devraient être celles du ministre de l’éducation nationale, vous vous en êtes violemment pris, monsieur le ministre, à deux médias, dont le tort, sans doute, est de ne pas toujours être le relais de ce que vous pensez, de ce que vous prônez. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe SER.)

À court d’arguments, et sans aucune démonstration, vous avez brandi l’ultime mise en cause : ces deux médias seraient d’« extrême droite », de l’extrême droite la plus radicale. (Cest vrai ! sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Ces médias feraient même, selon vous, du mal à la démocratie ! Et d’exprimer votre inquiétude pour nos valeurs républicaines. L’heure est grave…

Comment, monsieur le ministre, avez-vous pu vous laisser aller à une telle facilité ? Comment pouvez-vous fustiger un média parce qu’il ne pense pas comme vous ? Que faites-vous de la liberté des journalistes à s’exprimer ? Que faites-vous de la liberté et de l’indépendance de la presse ?

M. David Assouline. Et Bolloré ?

M. Bernard Fournier. En jetant l’anathème contre ces médias, vous faites preuve d’un terrible mépris à l’égard de tous ceux, spectateurs et auditeurs, qui les regardent et les écoutent.

Plutôt que de vous en prendre à la liberté d’expression, il serait plus judicieux que vous apportiez de vraies réponses à l’effondrement du niveau scolaire,…

M. David Assouline. C’est vous qui l’avez provoqué !

M. Bernard Fournier. … au déclin de la France dans les classements internationaux, à la flambée des atteintes à la laïcité, aux difficultés de recrutement des enseignants ou encore au sentiment légitime d’abandon qui les anime.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que nos enfants et le personnel de l’éducation nationale méritent mieux de leur ministre que des anathèmes et des propos inutilement polémiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Huées sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. David Assouline. C’est du Zemmour !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Fournier, il y a la liberté de la presse, à laquelle je suis aussi attaché que vous (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais il y a aussi la liberté d’expression. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI.) Ces deux libertés sont essentielles.

À ce titre, il est de mon droit le plus strict de donner un point de vue sur la ligne éditoriale d’une chaîne de télévision. Il ne s’agit pas de censurer qui que ce soit.

Si, monsieur le sénateur, vous aviez écouté mon interview dans son intégralité, si vous m’aviez écouté sur les grands chantiers de l’éducation nationale, vous m’auriez interrogé sur la parentalité et l’implication des parents dans la scolarité des enfants.

Mme Pascale Gruny. Il serait temps !

M. Pap Ndiaye, ministre. Vous m’auriez interrogé sur l’orientation des élèves, avec la découverte des métiers.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ce n’est pas le sujet !

Mme Nadine Bellurot. Répondez à la question !

M. Cédric Perrin. Ce n’est pas la bonne fiche !

M. David Assouline. Laissez-le parler !

M. Pap Ndiaye, ministre. Vous m’auriez interrogé sur la réforme du baccalauréat et sur les pistes de travail pour la réforme du troisième trimestre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Esquive !

M. Pap Ndiaye, ministre. Vous m’auriez interrogé sur la question du niveau en français et sur l’introduction de critères formels dans l’évaluation des copies du bac en orthographe et en syntaxe, ce qui passe par un renforcement des disciplines fondamentales – c’est ce que nous faisons en classe de sixième, avec l’heure de renforcement et de soutien en français et en mathématiques. (Les protestations redoublent sur les mêmes travées et se transforment en brouhaha.)

Vous m’auriez interrogé sur l’augmentation des professeurs et des personnels d’orientation et d’éducation à partir de la rentrée, des augmentations significatives inédites depuis trente ans. (Le brouhaha couvre la voix de M. le ministre.)

Vous m’auriez interrogé sur l’autonomie des établissements, avec le Conseil national de la refondation.

M. Max Brisson. Baratin ! Police de la pensée !

M. Cédric Perrin. Remaniement !

M. Pap Ndiaye, ministre. Voilà, monsieur le sénateur, les sujets sur lesquels vous auriez pu m’interroger, des sujets tout de même plus essentiels que la dérive extrême-droitière d’une chaîne de télévision ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER, GEST et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

pesticides

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vents violents, orages destructeurs, etc.

Qui aurait pu prévoir ?

Depuis des années, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et du Haut Conseil pour le climat nous alertent sur l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes. Et ce n’est que le début…

Qui aurait pu prévoir ?

Élisée Reclus, en 1864, dans La Terre détruite par lhomme, écrivait : « Quelle que soit la liberté relative conquise par notre intelligence et notre volonté propres, nous n’en restons pas moins des produits de la planète : attachés à sa surface comme d’imperceptibles animalcules, nous sommes emportés dans tous ses mouvements et nous dépendons de toutes ses lois. »

Qui aurait pu prévoir ?

À l’heure d’un vote a minima sur la restauration de la nature au Parlement européen, la dure réalité, implacable, c’est l’effondrement des populations d’insectes.

Le 29 juin dernier, l’État a de nouveau été condamné. Le tribunal administratif de Paris, à la suite de requêtes de plusieurs associations, enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et à prévenir l’aggravation des dommages, en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires.

La réparation du préjudice devra être effective au 30 juin 2024 au plus tard.

Oui, il y a « préjudice écologique », résultant – je cite – de la « contamination généralisée, diffuse, chronique et durable » des eaux et des sols par les pesticides.

En 2021, la note scientifique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de notre collègue Annick Jacquemet, sur laquelle s’appuie notamment la décision du tribunal – fait inédit –, mentionne qu’un tiers des espèces d’insectes sont menacées d’extinction dans le monde, alors que ces derniers sont un maillon essentiel de la chaîne alimentaire, et conclut : « Les pesticides constituent une menace particulièrement importante pour les insectes en raison de leur utilisation intensive depuis des dizaines d’années et des réglementations inadaptées pour évaluer les risques qu’ils font encourir. »

Vous n’avez plus le temps de tergiverser. Tous les signaux sont au rouge. La situation appelle une action urgente, ambitieuse et forte. Que proposez-vous pour enrayer ce désastre ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’autorise à adresser un salut particulier à une femme à laquelle vous avez rendu hommage. J’ai eu le plaisir de siéger, ici, à ses côtés et même de faire liste commune avec elle, ce qui montre à quel point les convergences sont parfois possibles dans ce monde… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Et le mariage pour tous ?

M. Christophe Béchu, ministre. Madame la sénatrice Préville, vous avez évoqué le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 juin. Vous en avez cité certains aspects, mais j’aurais aimé que vous alliez jusqu’au bout.

Que dit le tribunal administratif de Paris ? Il dénonce le fait que, malgré les engagements pris en 2009, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, les pesticides n’ont pas diminué en quantité.

Entre 2009 et 2013, ce que l’on appelle le « nombre de doses unités », qui est la méthode de calcul du nombre d’hectares couverts par des pesticides, a augmenté de 13 %.

Dans la période comprise entre 2013 à 2018, il a de nouveau augmenté, de sorte que, depuis 2009, l’usage des pesticides est non pas en baisse, mais en hausse, de 20 % en moyenne.

Le tribunal dit également que la baisse enclenchée depuis 2018 et qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui n’a pas été suffisante pour corriger le préjudice écologique.

L’honnêteté aurait voulu que vous indiquiez que cette bascule a commencé. Elle a commencé en nombre, avec un recul de 10 % des pesticides vendus depuis 2018 ; elle a commencé en risque, puisque les CMR 1, qui sont les pesticides les plus cancérigènes, ont enregistré une baisse de 93 % depuis 2018.

Qu’allons-nous faire ? Nous allons poursuivre cette accélération. Nous n’allons pas nous contenter, en particulier dans le cadre du plan Écophyto, tel qu’il a été défini par la Première ministre, d’attendre des rapports d’experts. Nous allons regarder par anticipation les molécules susceptibles de basculer dans le champ de l’interdiction, pour lancer les programmes de recherche, à partir d’un triptyque simple : pas d’interdiction sans solution, pas de solution sans financement, sans efforts pour trouver ces solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

image de la france à l’étranger après les émeutes

M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ronan Le Gleut. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les images de la France qui brûle ont fait le tour du monde. Partout, sur la planète, dans tous les journaux télévisés diffusés à travers le monde, on a vu ces images d’immeubles incendiés, de mairies ou de commissariats attaqués aux mortiers, de nos centres-villes saccagés.

Tous s’interrogent : mais qu’en est-il de la France ? Nos 3 millions de compatriotes qui vivent à l’étranger ont été interrogés dans les pays où ils vivent : la France est-elle toujours la France ? De la même manière, les chefs d’État et les gouvernements étrangers interrogent nos ambassadeurs : que devient ce pays ?

M. David Assouline. C’est Bolloré !

M. Ronan Le Gleut. Ma question est la suivante, madame la ministre : quelles sont les directives, quels sont les messages que vous envoyez à nos ambassadeurs à travers le monde pour répondre à ces gouvernements étrangers ? Leur dites-vous de reprendre la formule du Président de la République : « On va y réfléchir » ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée de lEurope. Monsieur le sénateur Ronan Le Gleut, je vous prie d’abord d’excuser Catherine Colonna, qui participe au sommet de l’Otan avec le Président de la République.

Permettez-moi d’abord de rappeler que les violences qui ont suivi la mort dramatique de Nahel sont absolument inacceptables : il est inacceptable de détruire des écoles, il est inacceptable de détruire des mairies, des médiathèques, des biens publics.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Et des commerces !

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat. Et des commerces, oui !

Les forces de l’ordre ont réussi à ramener le calme très rapidement, dans le strict respect de la loi et en limitant le nombre de blessés.

L’ensemble du Gouvernement a beaucoup communiqué, y compris à l’étranger, sur les mesures qui ont été prises pour rétablir l’ordre public sur notre territoire.

Nos ambassades ont été informées. Elles ont rassuré. Elles ont beaucoup parlé, si bien que, comme l’a rappelé la ministre chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, il n’y a pas eu d’annulations ou de modifications de séjours. Il n’y a pas de baisse de la fréquentation.

En revanche, il ne faut absolument pas être dupe du cynisme et des mauvaises intentions de certains pays, qui n’hésitent jamais à pratiquer l’instrumentalisation ou la désinformation. (Marques dapprobation sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Olivier Cadic. Absolument !

M. David Assouline. La Russie !

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat. Je veux être très claire : dans certains pays, les images des événements sont utilisées au profit de la propagande des régimes, autant en interne que contre notre pays. Nous avons systématiquement répondu à ces malveillances, notamment aux propos qui ont pu être tenus par certains responsables azerbaïdjanais, turcs ou iraniens.

Je suis sûr que vous en conviendrez : les leçons de ces pays prêteraient à sourire si les droits de l’homme n’étaient pas aussi malmenés en leur sein.

Enfin, il me paraît nécessaire de préciser que l’on a rencontré le même problème dans beaucoup de démocraties qui, comme le Royaume-Uni, en 2011 – soit, là aussi, un an avant les jeux Olympiques –, la Suède ou le Danemark, ont vécu de tels événements. Ces pays sont extrêmement compréhensifs et partageurs des solutions qu’ils ont alors mises en place. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.

M. Ronan Le Gleut. Madame la secrétaire d’État, au lieu de regarder la réalité en face, vous vous défaussez. Dans un an, le monde entier va avoir les yeux rivés sur la France.

M. Ronan Le Gleut. Alors, cessez de réfléchir et passez à l’action maintenant ! Il est temps de restaurer l’autorité de l’État dans notre beau pays pour que, l’an prochain, quand le monde entier aura donc les yeux rivés sur la France, nous puissions être fiers tous ensemble de l’image que nous renverrons à l’étranger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Et les émeutes de 2005, sous Sarkozy ?

Salutations à un sénateur

M. le président. Avant de lui passer la parole, je souhaite saluer notre collègue Françoise Férat, qui est sénateur de la Marne depuis 2001. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Elle s’est notamment investie sur les enjeux ruraux et agricoles au sein de la commission des affaires économiques.

Je citerai le rapport d’information qu’elle a fait avec Henri Cabanel, intitulé Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse. Ce rapport nous a amenés à réfléchir collectivement à la situation d’une partie de notre population, laquelle a parfois le sentiment que l’on ne se rend pas suffisamment compte de ce qu’elle représente pour notre pays.

Je la remercie de son engagement dans notre assemblée. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent.)

développement d’une culture scientifique pour tous

M. le président. La parole est à Mme François Férat, pour le groupe Union Centriste.

Mme Françoise Férat. Des constats persistants témoignent de la baisse des compétences des élèves français en mathématiques et d’une désaffection pour les cursus scientifiques. Sachez qu’en Grande-Bretagne et en Allemagne 80 % des enfants ont des activités scientifiques en dehors de l’école, contre 8 % en France !

La culture scientifique est pour tous les citoyens, pas seulement pour les scolaires. Les Français reconnaissent avoir confiance en la science. Les sujets scientifiques – réchauffement climatique, nucléaire, pandémie, vaccins – alimentent non seulement la réflexion et le débat, mais aussi la controverse et la suspicion. Quelle place pour la science dans nos sociétés abreuvées d’informations vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?

Les enjeux mondiaux à venir sont interdépendants avec la science et les avancées technologiques. L’ensemble de la population doit disposer des codes et des clés pour comprendre ces enjeux fondamentaux qui vont changer nos habitudes et nos certitudes. De plus, la confusion entre l’opinion et les faits scientifiques constitue une menace pour la démocratie et pour nos sociétés.

Un rapport de l’Unesco sur la science précise que « les sciences, la technologie et l’innovation ont la capacité de changer la donne pour relever pratiquement tous les défis mondiaux les plus urgents ». Méditez cette phrase, mes chers collègues ! Ainsi, la puissance industrielle, que nous appelons de nos vœux, de la France progressera avec ces connaissances.

C’est pourquoi la culture scientifique doit se développer à l’école, mais également dans les médias, afin de former les citoyens. Les sciences et les mathématiques doivent être non pas réservées à une élite, mais partagées avec le plus grand nombre pour développer notre pays, forger l’esprit critique, le raisonnement factuel et appréhender les infox et théories complotistes.

Monsieur le ministre, qu’envisagez-vous pour développer la culture scientifique en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Françoise Férat, je m’associe à l’hommage qui vient de vous être chaleureusement rendu. Je vous remercie pour votre proposition de résolution, dont je me réjouis qu’elle ait pu rassembler des sénateurs de toutes les travées sur une question d’évidence cruciale pour notre pays.

Nous sommes engagés dans une stratégie qui vise à promouvoir la culture scientifique auprès des enfants dès le plus jeune âge afin, d’une part, de renforcer les compétences scientifiques des élèves et, d’autre part, de créer le goût pour les mathématiques et les sciences exactes – une des priorités étant de mobiliser les filles dans ces matières.

Cette stratégie n’aboutira que si nous déconstruisons des représentations que peuvent avoir les élèves des mathématiques, lesquelles apparaissent souvent comme difficiles ou trop élitistes. Comme le souligne très justement votre proposition de résolution, l’excellence scientifique française doit concerner un plus grand nombre d’élèves afin de construire leur esprit scientifique et de lutter contre les infox. Elle doit aussi permettre à notre économie de compter sur des compétences scientifiques de très haut niveau qui répondront aux enjeux de demain – je pense en particulier à la transition écologique et à la révolution numérique.

Je voudrais mentionner deux points qui sont susceptibles d’attirer votre attention.

D’abord, la création de clubs de mathématiques dans les collèges – la multiplication de ces clubs favorise une pratique collégiale et souvent ludique des mathématiques –, sous l’égide du mathématicien Hugo Duminil-Copin, qui a reçu la médaille Fields.

Ensuite, l’introduction d’une heure et demie de mathématiques dans le tronc commun des élèves de première.

Concernant l’orientation des filles, l’objectif est qu’elles représentent 50 % des effectifs dans les principales spécialités scientifiques de la voie générale à l’horizon du quinquennat. Je suis donc plus que favorable à votre proposition de résolution, qui permettra de renforcer encore la dynamique dans laquelle nous sommes engagés. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

Salutations à un sénateur

M. le président. Avant de lui donner la parole, je souhaite saluer notre collègue Charles Guené. Sénateur de la Haute-Marne depuis 2001, il s’est pleinement investi sur les enjeux des collectivités territoriales, et notamment de fiscalité locale. Dans l’histoire de la commission des finances, on se souvient du terrible binôme formé par Charles Guené et Claude Raynal ! (Sourires.)

Charles Guené a été vice-président de notre institution. Je souligne son engagement au sein de la commission des finances et de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Enfin, je rappelle qu’il est le président de l’Amicale gaulliste du Sénat.

Je tiens à le remercier pour tout ce qu’il a apporté à notre assemblée. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

données sur le classement des services hospitaliers français

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour le groupe Les Républicains.

M. Charles Guené. Je vous remercie, monsieur le président.

Vous me pardonnerez de m’écarter aujourd’hui de mon tropisme pour les collectivités locales – sujet à propos duquel je vous ai envoyé mon testament, si j’ose dire, hier soir ! – pour m’intéresser, à l’instar du président Requier qui se préoccupe des retraites, à l’état des maisons de santé, ce qui ne vous étonnera pas ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, un grand hebdomadaire publie chaque année depuis vingt ans le classement et le palmarès des établissements de santé français grâce aux données que lui fournissait jusqu’à présent votre ministère. Or ce journal vient de se voir refuser l’accès à ces données après l’avis d’un organisme dont vous maîtrisez les nominations.

Pourquoi une telle remise en cause à un moment où l’organisation de la santé et des hôpitaux sur le territoire prête à critique et où se pose la question de la transparence ? Pourquoi se priver d’un avis sur l’état de la santé sur le plan national ? À l’ère du développement de l’open data, que pensez-vous de cette situation au regard des difficultés d’accès à l’information que rencontrent à la fois la presse, mais aussi, dans certaines circonstances, le Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Charles Guené, je vous remercie de me donner l’occasion de rétablir la vérité à propos de cette polémique qui, finalement, n’en est pas une. Car répéter ad nauseam un fait inexact n’en fait pas pour autant – vous serez d’accord avec moi – une vérité.

Alors, quelle est cette vérité ? La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi OTSS, qui a été votée par le Parlement, a créé un organisme indépendant – j’insiste sur ce dernier terme – de contrôle des données de santé, le Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (Cesrees).

Pourquoi avoir mis en place un organisme spécifique pour les données de santé ? Parce que – vous le savez comme moi – ces données sont particulièrement sensibles et ne peuvent pas être utilisées n’importe comment.

Le Cesrees a émis le 2 juin dernier un avis défavorable sur la méthodologie utilisée par ce journal pour traiter les données de santé, précisant même que celles-ci risquaient de déboucher sur des informations inexactes, lesquelles, comme on l’a vu pendant la crise sanitaire de multiples façons, pourraient avoir des conséquences sur la santé de nos concitoyens.

Cet avis a été confirmé par un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) – je sais que cet organisme de contrôle est particulièrement cher à votre assemblée. J’ai tout naturellement suivi l’avis des experts, comme je le fais chaque fois qu’une question est soulevée, en particulier si elle relève du domaine sanitaire.

Dès le lendemain de cet avis, sollicité par ce journal, j’ai écrit au rédacteur en chef pour lui proposer l’aide des services du ministère afin d’aménager sa méthodologie et de lui permettre de répondre aux exigences légitimes du Cesrees et de la Cnil. À ce jour, je n’ai pas eu de réponse à ce courrier qui date maintenant d’il y a à peu près un an…

La vérité est là, les faits sont les faits et ils sont, oserais-je dire dans cette assemblée, têtus. Ils montrent que personne dans cette affaire n’endosse le rôle de censeur. Au contraire, dès lors que les données sont utilisées de façon pertinente, elles sont à la disposition de ceux qui veulent les traiter. (M. Alain Richard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour la réplique.

M. Charles Guené. Monsieur le ministre, vos explications, bien que commodes, ne sont pas convaincantes. L’esprit du texte que nous avons voté en 2019 n’était pas nécessairement celui que vous faites prévaloir aujourd’hui. Nous verrons comment cette instance évolue.

Sur le plan de la méthode et de la philosophie, nous ne pouvons pas être satisfaits. Certains y verraient une énième expression d’un pouvoir vertical, qui ne souhaite pas être contesté, qui veut contrôler l’information, quand il ne crée pas lui-même des comités Théodule dont il pilote les conclusions. Cela dénote quand même – avouez-le – une absence de respect de la démocratie, de la pluralité de l’information…

M. le président. Il faut conclure.

M. Charles Guené. … et de la liberté de la presse. Dans notre démocratie, tout le monde sait que nos hôpitaux sont malades. Les Français ne veulent pas qu’on brise le thermomètre,…

M. le président. Concluez !

M. Charles Guené. … ils préfèrent qu’on applique des thérapies ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

fonds marianne

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Coup politique suivi d’une grande désinvolture, sélection des dossiers bâclée et opaque, précipitation dans l’élaboration du cahier des charges comme de l’appel à candidatures, fait du prince concernant l’attribution ou la non-attribution de subventions, et finalement un fiasco !

La commission d’enquête sénatoriale sur le fonds Marianne, sous l’égide de son président Claude Raynal et de son rapporteur Jean-François Husson, a établi un rapport accablant, auquel s’ajoutent les conclusions de l’inspection générale de l’administration, tout aussi sévères.

Les dysfonctionnements constatés sont d’autant plus graves qu’ils concernent une politique publique indispensable : celle de la lutte contre la propagande islamiste. Ce n’est pas cet objectif qui doit être remis en cause ; c’est son détournement qui est inacceptable et qui doit être dénoncé.

Alors, madame la secrétaire d’État, comptez-vous mettre en œuvre les recommandations formulées par la commission d’enquête sénatoriale pour éviter que de telles dérives ne se reproduisent ? Surtout, quelles conséquences politiques le Gouvernement compte-t-il en tirer ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Féraud, il me tient à cœur que nous restions factuels dans cette affaire. Je veux d’abord rappeler que le Gouvernement a fait preuve à la fois de réactivité et de transparence dès les premières interrogations dans ce dossier.

De réactivité, avec la demande qui a été faite à l’inspection générale de l’administration dès les premières alertes et le signalement sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale à la procureure de la République de Paris sur les mêmes faits.

De transparence, avec la transmission, comme vous le savez, au plus vite, de tous les documents qui ont été demandés par la commission d’enquête du Sénat, l’inspection générale de l’administration et désormais le parquet national financier, lequel a commencé une enquête qu’il ne m’appartient pas de commenter.

Désormais, il nous faut, et vous l’avez dit, tirer les conséquences de ce qui s’est passé dans ce dossier et des manquements graves qui ont été constatés à la fois par la commission d’enquête du Sénat et par l’inspection générale de l’administration.

Ces faits sont inacceptables, et il nous appartient maintenant de faire tout ce qu’il faut pour sécuriser nos procédures et mettre en œuvre l’ensemble des préconisations de l’inspection générale de l’administration et les recommandations de la commission d’enquête du Sénat.

Mais il nous appartient aussi, ainsi que vous l’avez souligné, de sécuriser la politique publique de lutte contre les séparatismes.

Je voudrais également rappeler que sur les dix-sept associations qui ont été lauréates du fonds Marianne, quinze ont fait un travail absolument remarquable contre ceux qui s’attaquent à nos valeurs, contre ceux qui considèrent que les lois de la religion sont supérieures à celles de la République.

Pour que ces associations puissent continuer à nous accompagner dans le combat, nous devons les soutenir et faire la part des choses entre les manquements, aussi graves soient-ils, qui ont été constatés et notre engagement sur le sujet. Je suis convaincue que vous partagez cet engagement ; nous devons lutter ensemble contre ces ennemis de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. David Assouline. Et Marlène Schiappa ?

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.

M. Rémi Féraud. Madame la secrétaire d’État, nous partageons les objectifs de lutte contre la propagande islamiste, mais votre réponse n’est pas convaincante. Vous parlez de réactivité et de transparence, mais quelles conséquences politiques tirez-vous de cette affaire ?

Après la révélation du scandale du fonds Marianne, la Première ministre avait jugé qu’il n’était « pas nécessaire » de se séparer de la ministre concernée. Pourtant, disons-le, dans n’importe quel autre pays européen, Mme Schiappa aurait déjà démissionné du Gouvernement.

M. François Bonhomme. Où est-elle, d’ailleurs ?

M. Rémi Féraud. Il y a eu dans cette affaire beaucoup d’irresponsabilité. Il est temps de faire prévaloir le principe de responsabilité politique : c’est une exigence démocratique et républicaine ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

moyens aériens des services départementaux d’incendie et de secours

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Cuypers. Madame la ministre, en place en Seine-et-Marne, un hélicoptère Dragon de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises a été déplacé. Il faisait l’objet d’une expérimentation de délocalisation de la flotte parisienne depuis 2018. Déployé dans un rayon de cent kilomètres, il assurait pour la région d’Île-de-France et les départements limitrophes la sécurité de plus de quinze millions de nos concitoyens.

Quelle est la politique du Gouvernement pour assurer la continuité d’un service de secours rapide et efficace, en Seine-et-Marne et sur l’ensemble du territoire national ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Cuypers, les moyens nationaux sont déployés ou prépositionnés dans les secteurs où ils sont le plus utiles, à savoir les milieux où la présence d’un hélicoptère apporte une réelle plus-value, soit par des gains de délai d’intervention, soit en raison de l’inaccessibilité des lieux d’intervention par des moyens routiers ou terrestres.

Les milieux montagneux et côtiers sont donc privilégiés. Les variations saisonnières de population dans les secteurs touristiques ont également influé sur les implantations. Nous sommes toutefois conscients de la nécessité de faire évoluer notre dispositif en permanence pour mieux l’adapter aux risques et sans doute mieux le coordonner avec les autres moyens aériens dont nous disposons, de la gendarmerie ou du service d’aide médicale urgente (Samu).

La Première ministre a demandé au député Pierre Morel-À-L’Huissier de lui rendre un rapport d’ici à la fin de décembre 2023 sur les conditions d’engagement et d’intervention des moyens héliportés. Nous nous appuierons sur ce rapport pour faire évoluer ces implantations de la manière la plus pertinente et la plus consensuelle possible.

En ce qui concerne plus précisément l’hélicoptère qui avait été placé sur la base de Melun dans le cadre d’une expérimentation, le choix a été fait de le retirer compte tenu des contraintes de disponibilité auxquelles est soumise la flotte nationale dans son ensemble, pour le placer momentanément à un autre endroit.

Les moyens supplémentaires que vous avez adoptés dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) vont toutefois nous permettre d’augmenter la disponibilité de ces engins, puisque nous allons renouveler intégralement la flotte. Dès que nous aurons retrouvé notre capacité, sans doute au début de l’année prochaine, un hélicoptère sera réaffecté à la base de Melun, l’expérimentation, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, ayant été concluante.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.

M. Pierre Cuypers. Sincèrement, madame la ministre, vous semblez ignorer la situation telle qu’elle est. Certes, le parc global des hélicoptères de la sécurité civile en France est légèrement supérieur à trente-six appareils, mais cinq se sont crashés depuis 2003 et aucun n’a été remplacé. Douze autres sont cloués au sol par manque de pièces détachées. Notez aussi la défaillance du contrat de maintien des conditions opérationnelles : la durée des visites de maintenance est passée de douze à vingt-deux semaines.

De plus, la découverte de fissures sur la queue de cinq appareils les rend indisponibles pour l’été 2023. La dégradation du maintien opérationnel de la flotte engendre depuis plus de deux ans des fermetures régulières de base.

Enfin, l’externalisation de l’entretien n’a fait l’objet d’aucune anticipation afin de tenir compte des éléments que je viens d’évoquer.

Alors, voilà la réalité, madame la ministre : la sécurité civile n’est pas, et ne sera pas au rendez-vous de la saison estivale 2023, et vous en porterez toute la responsabilité au détriment de la sécurité de l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Salutations à un sénateur

M. le président. Avant de lui donner la parole pour la dernière question au Gouvernement de notre session, je souhaite saluer notre collègue Jacques Le Nay, qui a décidé de quitter le Sénat.

Sénateur du Morbihan, il s’est beaucoup investi sur les questions militaires et internationales au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, tout récemment encore dans le cadre de l’examen de la loi de programmation militaire, qui devrait déboucher sur un résultat positif. (Mme la Première ministre acquiesce.)

Il est également vice-président de la délégation sénatoriale aux entreprises, où il a mené des travaux importants, notamment sur la question de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Je le remercie au nom du Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)

malaise des élus

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe Union Centriste.

M. Jacques Le Nay. Merci, monsieur le président, pour vos propos.

Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Madame la ministre, avec mes collègues, je suis très inquiet quant à l’engagement de nos concitoyens dans les fonctions électives, principalement locales. De nombreux élus locaux s’interrogent aujourd’hui sur les conditions d’exercice de leur mandat, mandat qui s’exerce toujours davantage au détriment de leur famille, de leur vie professionnelle, de leur santé et désormais de leur sécurité.

Notre société s’avère de plus en plus violente. Au regard de la vague inédite de démissions – environ 1 300 maires depuis 2020 –, il y a fort à parier que beaucoup d’élus hésiteront à se représenter en 2026 pour différentes raisons. La brutalité des réseaux sociaux, l’empilement de normes et des procédures parfois contradictoires, des règles d’urbanisme qui tournent au cauchemar, des citoyens de plus en plus exigeants, une perte d’autonomie malgré des transferts de charges, etc. La liste est longue.

Les élus sont de plus en plus pris en étau entre leurs concitoyens et une administration qui est souvent tatillonne au lieu d’être un véritable soutien. Des administrés et des associations de tous bords engagent, sans risque pour eux-mêmes, des recours en tous genres qui paralysent l’administration et la gestion des collectivités.

Des annonces ont été faites à chaud dans un contexte de violences urbaines, mais il faut redonner sens et respect à la fonction. Quelles mesures comptez-vous prendre, à l’approche des élections municipales de 2026, pour répondre au malaise profond des élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Le Nay, je tiens une nouvelle fois à réaffirmer tout mon soutien et toute ma solidarité aux maires, aux services municipaux et aux forces de l’ordre qui ont été victimes de violences absolument inexcusables de la part des émeutiers ces dernières semaines.

Le Gouvernement présentera la semaine prochaine, dans cette enceinte, les mesures d’urgence pour accompagner les maires dans la reconstruction de nos maisons communes.

Je partage votre constat. Depuis un an, je parcours la France des territoires et celle des maires. Tous m’ont fait part d’un épuisement face aux difficultés qu’ils éprouvaient dans l’exercice de leur mandat, tous m’ont aussi alertée sur l’absolue nécessité de travailler sur les conditions d’exercice du mandat d’élu local, et donc de maire.

En revanche, j’ai aussi vu un engagement sans limites des maires, une ambition forte de continuer leur mission et une foi républicaine à toute épreuve. Il est certain, parce que c’est mon engagement en tant que ministre et parce que c’est ma conviction d’ancienne élue locale, que nous devons accompagner les maires dans l’exercice de leur mandat et faciliter leur quotidien pour continuer à assurer un service public local et une démocratie représentative de sens.

J’échange régulièrement avec toutes les associations d’élus, et particulièrement avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et son président David Lisnard sur ce sujet. Je lui ai déjà fait part de notre intention de créer les outils nécessaires pour que, dans notre pays, les maires puissent mieux vivre leur mandat et s’épanouir à le réaliser.

Je tiens à vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, de ma pleine conscience de la responsabilité qui m’incombe, ainsi que de celle des ministres Gérald Darmanin et Christophe Béchu, qui, comme vous le savez, viennent aussi en soutien des actions à venir pour les maires et pour notre démocratie locale.

Alors, nous allons, pour reprendre l’expression de la sénatrice Deroche, réenchanter la fonction de maire par un travail partenarial et concret avec les associations d’élus, en nous appuyant sur les nombreux rapports du Sénat, et particulièrement le tout dernier que vous avez intitulé Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires. Avant la fin de l’année, nous aurons des propositions concrètes, partenariales et partagées à vous proposer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour la réplique.

M. Jacques Le Nay. Les élus locaux sont les fondements de notre démocratie. Pour leur venir en aide, un choc civique est certes nécessaire, à condition de lui donner de la consistance. Afin de les encourager à poursuivre leurs actions et susciter de nouvelles vocations, nos élus ont besoin de la reconnaissance de la Nation, de mesures crédibles pour exercer sereinement et efficacement leur mandat et, enfin, d’un soutien sans faille de l’État. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Hommage à la présidente d’un groupe politique

M. le président. Avant de suspendre la séance, je veux rendre hommage à la présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, Éliane Assassi, qui a beaucoup apporté au Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.) Elle a été désignée « sénatrice de l’année » en 2022. Avec ses convictions, son engagement, ce qu’elle représente, son attachement à la République et cette forme d’attention aux autres, aux plus modestes et aux plus pauvres, elle incarne la famille politique à laquelle elle est tellement attachée, mais elle a aussi été une richesse pour notre Sénat et notre République. Je tenais à l’en remercier personnellement. (Mêmes mouvements. – Mme Éliane Assassi se montre particulièrement émue.)

Enfin, je tiens à remercier Mme la Première ministre et M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement pour leur présence constante aux séances de questions d’actualité au Gouvernement.

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 11 octobre, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Lors du scrutin n° 330 sur l’ensemble du projet de loi pour le plein emploi, Mme Maryse Carrère et M. Jean-Pierre Corbisez souhaitaient voter contre et M. Éric Gold s’abstenir.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité
Examen des conclusions de la commission mixte paritaire

Protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité (texte de la commission n° 854, rapport n° 853).

La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité est parvenue à un texte commun lors de sa réunion, le 6 juillet dernier.

En première lecture, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient examiné le texte en partageant les mêmes ambitions : garantir une protection accrue aux familles concernées et lever les obstacles inutiles qu’elles sont amenées à rencontrer. Aussi l’issue conclusive de la CMP était-elle attendue.

Je tiens de nouveau à remercier ici le député Paul Christophe, rapporteur à l’Assemblée nationale, pour nos échanges constructifs qui nous ont permis d’aboutir, avec une particulière rapidité et dans l’intérêt des familles, à un texte commun : une semaine à peine se sera écoulée entre la première lecture au Sénat et l’adoption définitive de la proposition de loi qui aura lieu – je l’espère – aujourd’hui.

L’accord trouvé en CMP se rapproche grandement de la version défendue par le Sénat, qui, en première lecture, a enrichi et apporté davantage de cohérence au texte transmis.

L’article 1er vise à offrir une protection a priori contre le licenciement aux salariés pendant toute la durée de leur congé de présence parentale (CPP), sur le modèle de celle qui prévaut pour le congé de maternité. La CMP a jugé que ces dispositions répondaient au besoin de stabilité accru que pouvaient ressentir les parents d’enfants malades. Aussi a-t-elle adopté cet article dans la rédaction du Sénat, lequel avait entendu protéger tous les parents en CPP, quels que soient leurs choix professionnels.

L’article 1er bis vise à allonger la durée minimale de deux congés pour événements familiaux : d’une part, le congé pour l’annonce de la survenue d’un handicap ou d’une pathologie grave chez l’enfant est allongé, qui passe de deux à cinq jours, une mesure plébiscitée par les associations ; d’autre part, la durée du congé pour le salarié dont un enfant décède est également étendue, passant de cinq à douze jours dans le cas général et de sept jours ouvrés à quatorze jours ouvrables dans certains cas particuliers, notamment lorsque l’enfant a moins de 25 ans.

La CMP a préservé les deux apports du Sénat : l’allongement du congé pour décès d’un enfant de moins de 25 ans et l’extension de ces dispositions aux agents publics.

L’article 2, adopté conforme par le Sénat, a pour objet de simplifier et de flexibiliser le recours au télétravail pour les salariés aidants. Cet article offre une flexibilité bienvenue aux parents qui pourraient et souhaiteraient recourir au télétravail dans un objectif de meilleure conciliation de leur vie professionnelle et personnelle sans être excessivement prescriptif pour les employeurs.

L’article 3 tend à supprimer le caractère explicite de l’accord du service du contrôle médical de l’assurance maladie, afin de réduire les trop longs délais d’instruction des demandes d’allocation journalière de présence parentale (AJPP). Il permet également aux caisses d’allocations familiales (CAF) d’accorder une avance sur le versement de cette allocation.

La CMP a adopté cet article dans la rédaction de l’Assemblée nationale. Contrairement à l’AJPP, l’allocation journalière du proche aidant (Ajpa) ne nécessite pas d’accord du contrôle médical de l’assurance maladie ; aussi, la possibilité, ouverte par le Sénat, d’accorder des avances sur l’Ajpa en cas d’urgence est finalement apparue sans objet, d’où sa suppression. Le texte adopté par la CMP – j’insiste sur ce point – est donc aussi protecteur pour les familles que le texte issu du Sénat.

L’article 4, adopté conforme par le Sénat, supprime un mécanisme d’écrêtement qui visait à éviter les effets d’aubaine liés à la revalorisation de l’AJPP et de l’Ajpa, finalement jugé sans objet.

L’article 4 bis, adopté conforme par le Sénat, a pour objet qu’un bailleur ne puisse plus refuser le renouvellement du bail à un locataire bénéficiaire de l’AJPP aux ressources modestes, à moins qu’une solution de relogement, correspondant à ses besoins et à proximité géographique, ne lui soit proposée.

Enfin, l’article 5, adopté conforme par le Sénat, permet aux CAF de mettre en œuvre, à titre expérimental, des dispositifs innovants dans l’accompagnement des bénéficiaires de l’AJPP afin de mieux les accompagner et de les prémunir de difficultés financières.

Ce texte, qui offrira un parcours simplifié aux allocataires de l’AJPP, contient des avancées très attendues. Ses dispositifs protégeront davantage les parents concernés de certains risques socioprofessionnels et permettront une meilleure adaptation du monde du travail aux caractéristiques de ces salariés.

Afin d’aboutir, comme le souhaitent vivement les familles en question, à une entrée en vigueur rapide, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi à une large majorité. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’heure d’acter l’adoption définitive de cette proposition de loi, je me présente devant vous avec très grande reconnaissance pour le travail mené par Paul Christophe et pour l’accord trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat, mais aussi avec une pensée particulière pour les familles concernées par les situations dont ce texte traite, pour les parents d’enfants malades, pour les foyers et pour les fratries affectés par ces épreuves de la vie.

Nous sommes toutes et tous sensibles à leur situation : l’accueil réservé à l’initiative du groupe Horizons à l’Assemblée nationale et son enrichissement au fil de la navette parlementaire en sont la meilleure preuve.

Nous y sommes sensibles parce que, pour certains, nous avons vécu ces circonstances, pour d’autres, nous avons été interpellés par des familles ou par des associations engagées qui accompagnent les parents au quotidien. À ce titre, je remercie de nouveau le réseau Grandir sans cancer pour son action.

C’est avant tout pour ces familles que le Gouvernement et la représentation nationale ont avancé conjointement sur ce texte pour mieux prendre en compte les difficultés qu’elles rencontrent au quotidien et pour y apporter des réponses plus fortes de sorte que la solidarité nationale soit davantage symbolisée.

Je n’énumérerai pas toutes les mesures puissantes que contient ce texte dont l’utilité se vérifiera très rapidement pour des milliers de familles. Je préciserai seulement qu’elles viendront compléter tout ce qui existait déjà.

D’abord, elles compléteront la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli, adoptée en 2019.

Ensuite, elles s’ajouteront à la loi visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer, adoptée en 2021.

Enfin, elles accompagneront la loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu, adoptée également en 2021.

Dans la continuité, le texte de Paul Christophe permettra par exemple de renforcer et de simplifier la mobilisation des dispositifs de congé et d’allocation journalière de présence parentale. C’était une légitime demande de longue date des personnes concernées sur laquelle toutes les sensibilités présentes dans cette assemblée se sont retrouvées.

Il sera à l’avenir plus simple de solliciter pour la première fois l’ouverture de ces droits grâce à une liquidation de la prestation pour laquelle il n’y aura plus besoin d’attendre l’avis du service de contrôle médical de la caisse d’assurance maladie.

Il sera plus facile également de solliciter un renouvellement exceptionnel de ces droits dans les cas où cela sera nécessaire pour les parents d’un enfant dont la situation ne se sera pas suffisamment améliorée.

Ces mesures s’inscrivent pleinement dans la logique du Gouvernement d’œuvrer en faveur de l’accès rapide et effectif aux droits. Ces questions sont au cœur du dialogue que je mène avec l’ensemble des acteurs, en particulier avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), laquelle est de plus en plus ouverte, modernise ses pratiques et les adapte aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.

J’insisterai aussi sur les dispositions de ce texte visant à allonger la durée des congés pour deuil d’enfant et pour l’annonce du handicap ou d’une pathologie d’un enfant. Cette mesure, insérée dans le texte sur l’initiative de l’Assemblée nationale, et étendue par le Sénat, à la demande du Gouvernement, aux agents de la fonction publique, offrira des respirations indispensables aux parents concernés par ces situations, pour certaines difficiles et pour d’autres dramatiques.

Nous le savons bien : faire son deuil dans certains cas et dans d’autres prendre la mesure de la situation nouvelle et des bouleversements induits nécessite du temps.

Pour tenir compte de ces considérations, la place des entreprises est bien sûr centrale et ce texte la consacre. Au-delà des enjeux environnementaux et sociaux, il nous faut de plus en plus parler d’une nouvelle responsabilité à affirmer et, même, à assumer de leur part : une responsabilité familiale. Cette dernière a trait avant tout à une organisation qui tienne compte de la parentalité du salarié et donc de l’intérêt des enfants. Beaucoup d’entreprises l’ont déjà compris et je souhaite que cette tendance s’accélère.

Ces enjeux sont sans doute plus prégnants que jamais. Nous devons soutenir davantage les parents – les fameux « aventuriers du monde moderne » dont parlait Péguy – à chaque étape, qu’elle soit heureuse ou difficile.

Je ne serai pas plus long, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous connaissez comme moi le contenu de ce texte et vous savez qu’il comprend de nombreuses avancées pour les familles. Il nous faudra bien sûr aller plus loin. Je sais que ce souhait est déjà partagé par beaucoup d’entre vous et je suis convaincu que cela passera notamment par des initiatives locales, des retours d’expérience et des expérimentations.

À ce titre, le Gouvernement a soutenu pleinement l’article 5 de ce texte. L’expérimentation qu’il vise permettra aux caisses d’allocations familiales de rester souples et de proposer aux bénéficiaires qu’elles accompagnent des aménagements qui, si nous ne les connaissons pas encore, auront peut-être vocation à l’avenir à être généralisés. En tout cas, la question se posera toujours en relation avec les parents, dont nous devons entendre les besoins et les attentes, et avec les professionnels qui les accompagnent et qui savent déjà nous indiquer – ils doivent continuer à le faire – ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. Laurent Burgoa. Pas un mot pour Mme la rapporteure ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité

Examen des conclusions de la commission mixte paritaire
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Article 1er bis

Article 1er

Après l’article L. 1225-4-3 du code du travail, il est inséré un article L. 1225-4-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-4-4. – Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant un congé de présence parentale prévu à l’article L. 1225-62 ni pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel.

« Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’état de santé de l’enfant de l’intéressé. »

Article 1er
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Article 3

Article 1er bis

I. – L’article L. 3142-4 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le 4° est ainsi modifié :

a) Au début, le mot : « Cinq » est remplacé par le mot : « Douze » ;

b) Les mots : « sept jours ouvrés » sont remplacés par les mots : « quatorze jours » ;

2° Au début du 6°, le mot : « Deux » est remplacé par le mot : « Cinq ».

II. – Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° La seconde phrase de l’article L. 622-1 est ainsi rédigée : « Ces autorisations spéciales d’absence sont sans effet sur la constitution des droits à congés annuels et ne diminuent pas le nombre des jours de congés annuels. » ;

2° L’article L. 622-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « douze » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « sept jours ouvrés » sont remplacés par les mots : « quatorze jours ouvrables » ;

– après la première occurrence du mot : « ans », sont insérés les mots : « , et quel que soit son âge si l’enfant décédé était lui-même parent, » ;

– les mots : « le fonctionnaire » sont remplacés par les mots : « l’agent public » ;

c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

– au début, sont ajoutés les mots : « Dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article, » ;

– les mots : « , dans les mêmes conditions, » sont supprimés.

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Article 1er bis
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Article 4

Article 3

I. – L’article L. 544-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’allocation peut faire l’objet d’une avance dans l’attente de l’avis mentionné à la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 544-2. » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « explicite » est supprimé.

II. – Le dernier alinéa de l’article L. 1225-62 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le mot : « attestant » est remplacé par le mot : « atteste » ;

2° Les mots : « est confirmé par un accord explicite du service du contrôle médical prévu à l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale ou du régime spécial de sécurité sociale » sont supprimés.

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

I. – L’article 54 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 est ainsi modifié :

1° Le b du 1° du I est abrogé ;

2° Après l’année : « 2023 », la fin du VI est supprimée.

II. – La seconde phrase du premier alinéa des articles L. 168-9 et L. 544-6 du code de la sécurité sociale est supprimée.

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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de l’examen de cette proposition de loi la semaine dernière au Sénat, quatre articles sur sept avaient été modifiés par rapport au vote de l’Assemblée nationale ; il fallait donc trouver un accord à leur sujet entre députés et sénateurs. C’est chose faite grâce à une reprise globale des travaux du Sénat qui permettra une mise en œuvre rapide de la loi et représentera des avancées concrètes et attendues pour les parents d’enfants malades, handicapés ou victimes d’accident grave.

La vie peut rapidement basculer lorsque la maladie s’immisce ou qu’un accident survient, bousculant ainsi l’ordre des priorités pour les parents d’enfants concernés. Le travail passe au second plan, la priorité est à l’accompagnement et aux soins. Cette présence indispensable nécessite des aménagements et des compensations. Il est bien question de cela dans cette proposition de loi.

Plusieurs dispositifs existent déjà pour favoriser cet accompagnement, dont le congé de présence parentale, lequel représente pour le salarié une réserve de jours de congé qu’il utilise en fonction de ses besoins et qui ouvre droit à l’allocation journalière de présence parentale.

Cette proposition de loi a d’abord pour objet de protéger contre le licenciement les salariés en congé de présence parentale, d’interdire à l’employeur de rechercher toute information sur l’état de santé de l’enfant et de protéger a posteriori ces mêmes salariés contre toute forme de discrimination liée à leur situation familiale.

La version du Sénat, qui sécurise également les périodes de reprise du travail entre deux périodes de congé, a été confirmée en commission mixte paritaire. C’est une bonne chose.

Pour les parents dont la présence continue n’est pas nécessaire, la proposition de loi facilite le recours au télétravail avec des modalités d’accès spécifiques pour les salariés aidants et avec l’obligation pour l’employeur de motiver son refus. Le quotidien d’un aidant, déjà rythmé par les visites et donc par les trajets, pourrait être effectivement amélioré.

Ce point avait déjà fait l’objet d’un consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat, tout comme les nouvelles mesures relatives au bail des locataires ayant un enfant gravement malade ou en situation de handicap. Comme c’est déjà le cas pour certaines catégories de personnes âgées, un bailleur ne pourra plus refuser le renouvellement du bail à un locataire aux revenus modestes bénéficiaire de l’allocation journalière de présence parentale.

Concernant cette allocation, deux modifications supplémentaires ont été actées en CMP.

D’une part, l’écrêtement de l’allocation journalière de présence parentale et de l’allocation journalière du proche aidant pour les travailleurs indépendants et pour les demandeurs d’emploi est supprimé ; s’il avait un sens en 2021, il se trouve désormais sans objet et doit donc être logiquement abandonné.

D’autre part, est également supprimée la condition d’accord explicite du contrôle médical pour le renouvellement de l’AJPP, ce qui permettra d’accélérer les démarches administratives et d’accorder une avance sur prestation pour éviter toute rupture de ressources aux parents éligibles.

Les travaux de la CMP ont permis de résoudre certains problèmes soulevés par le Sénat et d’aboutir ainsi à une rédaction consensuelle de l’article.

Enfin, députés et sénateurs se sont entendus pour allonger la durée de deux congés pour événements familiaux. Désormais, en cas de décès de leur enfant, les salariés du public et du privé bénéficieront de douze ou quatorze jours de congé, selon que le défunt avait plus ou moins de 25 ans. Le congé pour l’annonce de la survenue chez l’enfant d’un handicap, d’un cancer ou d’une pathologie chronique nécessitant un apprentissage thérapeutique est quant à lui porté à cinq jours minimum.

Évidemment, ces mesures n’ôteront jamais la douleur liée à ces événements qui bouleversent à jamais la vie des parents, mais elles traduisent la compassion de la Nation et offrent un répit indispensable dans un moment où l’émotion, mais aussi les innombrables démarches matérielles et administratives submergent les parents et la famille tout entière.

Le groupe RDSE apportera naturellement son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et au banc des commissions. – M. Michel Canévet et Mme Corinne Imbert applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis en séance publique pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire relative à la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité, après l’élaboration d’un texte commun par les deux chambres, fruit d’un travail en bonne intelligence.

Nos convergences de vues nous ont permis d’aboutir à un accord, signe que nous parvenons à progresser, au-delà de ce qui nous sépare, sur le sujet de la protection et de l’accompagnement des familles d’enfants malades. L’esprit de consensus et les nombreux échanges entre les deux rapporteurs, le député Paul Christophe et notre collègue Marie-Pierre Richer, ont porté leurs fruits, aboutissant à un texte – je le pense – très équilibré. Je tiens à remercier et à féliciter notre rapporteure pour la qualité de son travail et pour son sérieux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Mélanie Vogel applaudit également.)

Si nous sommes impuissants face aux peines que ressentent les familles, face au fait de disposer ou non à la naissance d’un corps en bonne santé et face aux aléas de la vie qui viennent bouleverser la santé des enfants, si nous ne pouvons offrir tout le réconfort nécessaire, ce qui ne relève ni de notre rôle ni de notre capacité, face aux incertitudes, à l’angoisse de la maladie et de ses séquelles, il est d’un domaine sur lequel nous pouvons agir.

Nous pouvons agir sur les incertitudes impliquées par les conséquences économiques, individuelles et collectives de telles annonces et sur la peur de ces familles de basculer dans la précarité, mais aussi sur leur isolement social et sur leur perte du lien avec les autres.

D’une force magistrale, ces familles pâtissent de difficultés quotidiennes auxquelles cette proposition de loi tend à remédier grâce à des mesures de protection et de simplification. Sécuriser leur quotidien, renforcer le droit existant et améliorer l’accompagnement sont les trois objectifs de cette proposition de loi. Ils ne sauraient être un sujet de discorde, tant le soin et le soutien à apporter à ces familles relèvent d’un naturel humanisme.

Je me réjouis que les modifications apportées par le Sénat concourent toutes à enrichir le texte et à lui apporter davantage de cohérence. L’adoption d’un amendement en commission des affaires sociales pour relever de sept jours ouvrés à quatorze jours ouvrables le congé minimal applicable en cas de décès d’un enfant ou d’une personne à charge de moins de 25 ans ou d’un enfant lui-même parent est évidemment légitime. S’il est clair qu’une telle mesure ne saurait répondre au bouleversement occasionné par la perte d’un enfant, elle permettra aux familles de disposer de davantage de temps pour se recueillir et pour accomplir les démarches qui s’imposent sans contrainte professionnelle.

L’extension à la fonction publique des dispositions relatives à l’adaptation du monde du travail ou bien la possibilité de verser une avance sur l’allocation journalière du proche aidant afin de prémunir les intéressés des difficultés financières auxquels ils peuvent être confrontés sont deux autres exemples d’apports de notre chambre qui illustrent la pertinence de nos réflexions et la valeur de notre travail.

Cette proposition de loi ne tend ni à guérir, ni à soigner les maux, ni à atténuer les peines ; mais s’il permet d’alléger, ne serait-ce qu’en partie, le quotidien de ces familles, alors ce texte, s’il n’existait pas, manquerait.

Faisons honneur à notre pacte républicain : les valeurs de fraternité et de solidarité nous obligent. Le soin et le soutien doivent guider notre action politique. Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, l’objectif étant l’application rapide du texte dans l’intérêt des familles d’enfants malades.

Puisqu’il s’agit de votre dernière séance, je vous remercie à mon tour, madame la présidente Deroche, de la façon dont vous avez présidé notre si belle commission des affaires sociales et, à titre personnel, de la confiance que vous m’avez accordée. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « je suis semblable au père d’un enfant malade, qui marche dans la foule à petits pas. Il porte en lui le grand silence de sa maison ». Par ces simples mots, Antoine de Saint-Exupéry a décrit la peine et l’accablement de tout parent dont l’enfant est malade, en souffrance, handicapé ou victime d’un accident grave, un chagrin incommensurable éprouvé chaque année par des milliers de personnes. Si chaque histoire familiale est différente, la douleur éprouvée par le parent d’un enfant souffrant ou victime d’un accident est universelle.

Le Parlement a souhaité accompagner cette peine avec les leviers dont il dispose afin de l’atténuer dans la mesure du possible. En l’occurrence, cette proposition de loi est la bienvenue. Elle permet d’alléger les obstacles administratifs et de compenser la perte de revenus, les absences répétées au travail, la fatigue et les soins constants à donner. Ainsi, lors de son examen en séance la semaine dernière, nous nous étions félicités de son adoption, qui renforce la protection des parents touchés par ce drame.

Les dispositions de ce texte juste et nécessaire sont attendues de longue date par les familles et par les associations qui les représentent. Il s’agit de faciliter le quotidien des personnes intéressées tandis qu’elles traversent une épreuve particulièrement douloureuse. Nous pouvons nous en féliciter.

Cette proposition de loi, en effet, s’attelle au vaste chantier du soutien des aidants familiaux. Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en mars dernier puis par le Sénat la semaine dernière, elle a été saluée dans les deux hémicycles.

Je me réjouis que la commission mixte paritaire soit parvenue à une rédaction commune de l’ensemble des dispositions restant encore en discussion en tenant compte des échanges au sein des deux assemblées. Nous pouvons nous réjouir de cet indicateur positif : il témoigne du vaste consensus qui entoure la nécessité de protéger les familles qui font face à ces drames.

Par ce texte, nous, parlementaires, contribuons à faciliter leur accompagnement financier, professionnel et administratif. Cela n’empêche pas la douleur, certes, mais cela représente tout de même une aide certaine.

Je salue la rapporteure de cette proposition de loi et félicite chaleureusement son auteur, Paul Christophe, dont je connais l’engagement au long cours pour une société plus solidaire et plus humaine. Je pense notamment à sa proposition de loi visant à augmenter le nombre maximum de jours de congé de présence parentale et donc ceux au cours desquels l’allocation journalière de présence parentale peut être perçue, que notre groupe avait fait inscrire à l’ordre du jour du Sénat en 2021. Je souhaite lui assurer que son engagement personnel en faveur de ceux qui souffrent, qui sont vulnérables et qui aident est partagé dans cette enceinte.

Pour ces différentes raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue l’accord obtenu en commission mixte paritaire et s’y associe pleinement. Cette démarche honore le Parlement et nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je remercie chaleureusement la rapportrice du Sénat, Marie-Pierre Richer, pour son important travail sur cette proposition de loi et je félicite également Catherine Deroche pour sa présidence de commission tout au long des mois au cours desquels j’ai eu la chance de siéger dans cette dernière.

Le texte que nous examinons vise à mieux protéger les familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité. Il contient des avancées attendues depuis longtemps pour les parents de ces enfants.

Nous saluons donc le fait que la commission mixte paritaire ait pu se mettre d’accord sur un texte consensuel et sur un grand nombre de dispositions, qui ont indiscutablement pour mérite de faciliter le quotidien des familles concernées.

Nous saluons, en particulier, la mise en place d’une protection contre le licenciement pour les salariés pendant leur congé de présence parentale. C’est une disposition qui permettra d’éviter que les salariés ou que les employés de la fonction publique qui s’occupent d’un enfant se retrouvent sans emploi. Cela leur offrira aussi un peu de tranquillité d’esprit, dans une période – cela a été rappelé – toujours difficile.

Dans la même veine, le droit au renouvellement d’un bail introduit par un amendement de l’Assemblée nationale est une mesure évidemment bienvenue.

Nous soutenons également l’allongement de la durée du congé exceptionnel en cas de décès d’un enfant et en cas d’annonce de la survenue d’un handicap, d’un cancer ou d’une maladie chronique.

Le texte vise également à prévoir des mesures pour rendre les allocations plus opérationnelles, par exemple, grâce au nouveau droit au versement d’une avance de l’allocation journalière de présence parentale. Ces adaptations permettront de lever des obstacles inutiles pour les aidants.

Si toutes les dispositions que contient cette proposition de loi sont évidemment les bienvenues, nous avions cependant considéré pendant les discussions que le texte pouvait sans difficulté offrir une meilleure protection. C’est la raison pour laquelle mon groupe avait déposé un amendement visant à accorder une compensation aux salariés accompagnant un enfant sur une partie de leur trajet entre leur domicile et leur travail, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les salariés souffrant d’un handicap. Les salariés ayant un enfant malade peuvent, en effet, être amenés à subir, eux aussi, des temps de trajet plus long.

De même, il aurait été salutaire de pouvoir garantir que, par défaut, les aidants d’enfants puissent refuser un allongement de la durée de leur temps de travail hebdomadaire en cas d’activité économique augmentée et puissent, de droit, sur demande, réduire cette durée à trente-deux heures.

De façon générale, je pense que toutes les questions liées à la manière dont les salariés équilibrent leur vie familiale, leur vie personnelle et leur vie professionnelle mériteraient d’être pleinement traitées dans une loi travail, que nous attendons toujours avec beaucoup d’impatience.

Je regrette aussi que le Sénat n’ait pas défendu l’amendement que nous avions pourtant adopté, ici, et qui permettait, en cas de besoin, le versement d’une avance sur l’allocation journalière du proche aidant. Certes, les délais de versement de l’Ajpa ne posent pas à l’heure actuelle les mêmes difficultés que ceux de l’AJPP. Mais il s’agissait simplement d’ouvrir une possibilité. En cas de problème, nous pourrions un jour regretter de ne pas avoir voté cette mesure, qui aurait pu nous prémunir contre ce risque.

Quoi qu’il en soit, ce texte nous convient parfaitement. Il sera sans aucun doute bénéfique pour les familles. Nous le voterons donc sans réserve. (Mme la rapporteure applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, que je salue pour la bienveillance et l’amitié dont elle a toujours fait preuve dans le cadre de ses fonctions, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.

Après son adoption à l’unanimité à l’Assemblée nationale, le 2 mars dernier, et le 4 juillet par le Sénat, ce texte a ensuite fait l’objet d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat lors d’une commission mixte paritaire qui s’est tenue le jeudi 6 juillet.

Cette proposition de loi était attendue de longue date par les familles. Ses sept articles visent ainsi à appliquer aux parents d’enfants malades les mêmes mécanismes de protection que pour les adultes victimes d’une situation identique.

Ainsi, elle permettra de protéger les parents d’un licenciement pour qu’ils puissent accompagner leur enfant, d’allonger le congé d’annonce d’une pathologie grave d’un enfant de deux à cinq jours ou d’allonger le congé de deuil à quatorze jours pour le décès d’un enfant de moins de 25 ans et à douze jours quel que soit son âge.

Elle permettra également de faciliter l’accès au télétravail pour ces mêmes parents et de simplifier les démarches de renouvellement de l’allocation journalière de présence parentale en supprimant la condition d’un accord préalable explicite du service du contrôle médical.

Elle permettra par ailleurs de supprimer la mesure d’écrêtement de l’AJPP et de l’Ajpa versées aux non-salariés des professions agricoles cessant leurs activités, et de protéger ces familles des ruptures de bail locatif.

Enfin, elle permettra à la CAF de mettre en œuvre des innovations, à titre expérimental, dans le service de la prestation afin de mieux accompagner les bénéficiaires de l’AJPP.

Ce texte est donc bien un texte de justice sociale pour ces familles et nous nous réjouissons du beau consensus auquel nos deux chambres sont parvenues. Je tiens particulièrement à saluer le travail de notre rapporteure.

Il est en effet important, sur un sujet aussi essentiel et dans le contexte social que nous connaissons, que nous puissions trouver un accord transpartisan pour une noble cause.

J’ai également une pensée pour l’auteur de ce texte, le député Paul Christophe, très investi sur le sujet, qui a su, avec abnégation, porter la voix de ces familles à l’Assemblée nationale.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera pour les conclusions de ce texte et se réjouit de son application prochaine. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons nous réjouir que le Sénat soit aujourd’hui réuni pour voter les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.

L’examen à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, a permis d’enrichir le texte avec des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les familles tant dans la conciliation entre la présence parentale et la vie professionnelle que dans leur accès aux droits.

L’annonce d’une affection de longue durée, d’une maladie grave d’un enfant ou d’un handicap bouleverse le quotidien de la famille. Elle conduit à modifier les habitudes de vie. Elle touche de nombreux aspects du quotidien et vient perturber la fragile organisation conçue pour concilier vie professionnelle et vie familiale.

Un des parents, le plus souvent la mère, est parfois contraint d’adapter sa vie professionnelle, d’opter pour un temps partiel ou de cesser de travailler afin de s’occuper de son enfant.

À ce choc s’ajoutent des problèmes financiers, le stress lié à la crainte d’une perte d’emploi ou des dépenses imprévues. Outre-mer, ces difficultés sont exacerbées. Il se révèle donc indispensable de garantir la sécurité de l’emploi et de protéger l’employé pour passer ce cap difficile.

Même si cette proposition de loi ne résout pas l’ensemble des problématiques auxquelles doivent faire face les familles touchées, elle tend à améliorer les dispositifs existants.

L’article 1er vise à offrir aux parents, contraints de réduire leur activité professionnelle, une protection spécifique des salariés en congé de présence parentale qui interdit a priori leur licenciement. Le travail du Sénat a permis de préciser que cette protection s’étendra à l’ensemble du congé de présence parentale, y compris lorsque celui-ci est fractionné ou pris à temps partiel.

L’article 1er bis a été considérablement enrichi par nos travaux au Sénat. Il prévoit désormais de porter à quatorze jours la durée minimale du congé pour le décès d’un enfant de moins 25 ans et à douze jours quel que soit son âge.

Je suis également très satisfaite de l’adoption conforme par le Sénat de l’article 2, qui facilitera le recours au télétravail pour les salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche.

L’article 3 visant à supprimer la condition de l’avis explicite du service du contrôle médical nécessaire pour autoriser le renouvellement de l’AJPP et du CPP a fait consensus entre nos deux assemblés.

Il en va de même de l’article 4, qui tend à supprimer le principe d’écrêtement de l’AJPP et de l’Ajpa versées aux non-salariés des professions agricoles non affiliés à l’assurance retraite, à leurs conjoints collaborateurs et associés et aux non-salariés des professions agricoles cessant leurs activités.

Les articles 4 bis et 5 portent respectivement sur la protection des locataires bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale et sur la mise en œuvre d’innovations, à titre expérimental, dans le service de l’AJPP.

Ces mesures, qui visent à mieux accompagner les bénéficiaires et à les prémunir contre les difficultés financières auxquelles ils peuvent être confrontés, ont été adoptées dans les mêmes termes par nos deux assemblées. La concession faite par le Sénat de renoncer à la mise en place d’une avance sur le versement de l’allocation du proche aidant ne remet pas en cause le consensus trouvé avec l’Assemblée nationale, la portée de cette avance étant limitée.

Nous regrettons toutefois que plusieurs de nos amendements n’aient pas été retenus, notamment ceux qui visaient la protection des salariés au regard de l’abandon de poste ou les conditions matérielles de prise en charge du télétravail.

Nous avions en particulier proposé d’allonger à dix jours le congé attribué lors de l’annonce d’un diagnostic de longue maladie ou de handicap. Le délai de cinq jours, arrêté à l’Assemblée nationale, nous paraît trop court pour permettre aux familles d’encaisser le choc d’une telle nouvelle.

Malgré tout, nous considérons que ce texte comporte des avancées. Il constitue un pas de plus pour faciliter le quotidien des parents en réduisant autant que possible les différents obstacles administratifs et financiers qu’ils rencontrent pour qu’ils puissent être présents, autant que nécessaire, auprès de leur enfant.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera les conclusions de cette commission mixte paritaire et souhaite une application rapide des mesures de ce texte, au bénéfice des parents concernés.

Toutefois, nous attendons toujours une grande loi sur l’autonomie, avec une définition plus globale du statut de l’aidant. Il s’agit d’une avancée nécessaire et nous l’attendons avec impatience, monsieur le ministre !

Je remercie notre rapporteure, Mme Richer, de son travail et je salue tout particulièrement Mme la présidente de la commission des affaires sociales pour sa dernière séance. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 4 juillet dernier, le Sénat a adopté à l’unanimité en première lecture la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.

À l’occasion des débats, notre Haute Assemblée avait étendu la protection contre le licenciement du salarié en congé de présence parentale aux périodes de reprise du contrat de travail en cas de congé fractionné.

Nous avions également introduit la possibilité de percevoir une avance sur le versement de l’allocation journalière du proche aidant et ajusté la durée prévue en cas de décès d’un enfant en l’allongeant de cinq à douze jours.

Nous sommes heureux de constater que la commission mixte paritaire réunie le 6 juillet dernier a maintenu ces dispositions dans le texte définitif.

Comme j’avais eu l’occasion de souligner dans la discussion générale, la démultiplication des textes consensuels pour améliorer, tantôt l’accompagnement des familles avec un membre en situation de handicap, tantôt l’accompagnement des parents d’enfants atteints de pathologies graves, vient compenser le renoncement à proposer une véritable loi en faveur de la perte d’autonomie.

Surtout, ces textes viennent compenser la mise à mal des protections collectives grignotées par les réformes du code du travail successives, en particulier la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri, l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite loi Pénicaud.

Ces trois textes ont entraîné des reculs suffisamment graves pour contraindre le Gouvernement à rétablir des protections individuelles pour les salariés les plus en difficulté, notamment ceux qui sont confrontés à des événements familiaux et personnels graves.

Cette logique d’individualisation des droits et la casse des protections collectives contribuent à la fragmentation du salariat et au développement des logiques individuelles.

Il faut sortir de ces textes parcellaires qui apportent des protections a minima aux salariés les plus fragiles tandis que les droits collectifs de l’ensemble des travailleurs continuent d’être remis en cause.

Nous avons besoin d’inverser la tendance en faisant du droit du travail un socle de droits tirés vers le haut pour l’ensemble des salariés afin de rétablir une protection collective la plus forte possible.

En 2017, le groupe de recherche pour un autre code du travail (GR-Pact) proposait, notamment, de refondre le droit des congés spéciaux afin d’égaliser les congés maternité et paternité. Actuellement, les grossesses entraînent d’importants effets discriminants indirects à l’encontre des femmes.

La crainte d’un départ en congé maternité constitue un frein important à l’embauche des femmes, particulièrement pour celles qui occupent un niveau de responsabilité élevé, car une certaine continuité et l’ancienneté sont valorisées.

La proposition d’un congé paternité identique au congé maternité visait à mieux répartir les tâches de soins et d’éducation des enfants entre les parents, à effacer les sources de discrimination pour les femmes et à garantir le maintien du salaire pour les deux parents.

L’égalité salariale est par ailleurs indispensable pour ne pas pénaliser les femmes, qui occupent majoritairement le rôle d’aidant familial, par rapport aux hommes.

Enfin, l’enjeu d’une meilleure conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pose en creux la question du temps disponible dans notre société.

À ce titre, nous défendons la réduction du temps de travail à trente-deux heures comme une mesure visant non seulement à améliorer les conditions de travail des salariés et à mieux répartir le travail disponible, mais également à libérer du temps pour accompagner ses proches.

Pour l’ensemble de ces raisons, les propositions de lois ciblées sur des situations particulières n’apporteront pas de véritables progrès tant que la question de l’amélioration des règles d’ordre public du code du travail ne sera pas remise sur le métier.

Nous ne sommes pas dupes de la stratégie de l’exécutif de faire adopter des lois consensuelles pour démontrer le bienfait des mesures proposées après avoir agi seul contre tous dans le cadre de la réforme des retraites.

En conclusion, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi, sans complaisance ni aveuglement.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Comme d’habitude ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour le groupe Union Centriste.

Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord les deux rapporteurs de la commission mixte paritaire – Marie-Pierre Richer pour le Sénat et Paul Christophe pour l’Assemblée nationale –, ainsi que ma collègue Jocelyne Guidez de leurs contributions à nos travaux.

Le texte que nous nous apprêtons à voter, visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité, permettra – je l’espère – d’adoucir les difficultés du quotidien des familles lorsqu’elles rencontrent des obstacles.

Nous le faisons pour ces familles, nous le faisons pour ce qui nous est le plus cher dans nos mandats d’élus, à savoir améliorer le quotidien de nos concitoyens, permettre à chacun d’avancer, trouver un modèle économique de solidarité soutenable au service de nos compatriotes et digne de notre pays.

Protéger les familles financièrement et en droit, lever les obstacles inutiles : telles étaient les urgences.

Dans ces situations de douleur face à la maladie, au handicap et aux accidents, au-delà de l’émotion éprouvée par les familles, il s’agit d’abord de pouvoir pleinement porter secours à ces enfants et de les assister.

Il y a aussi des choix à faire, des décisions importantes à prendre, qui nécessitent de pouvoir être dans des conditions particulières ou du moins dans des conditions suffisantes.

Je suis heureuse que l’Assemblée nationale et le Sénat aient pu trouver un accord. Bien évidemment, il n’y avait pas de doute sur les conclusions de cette commission mixte paritaire. Je crois que nous devons ce succès en partie au travail qui a été mené depuis déjà longtemps par le député Paul Christophe, au service des familles et de l’enfance. Je voudrais l’en remercier de nouveau.

En commission, en séance et en commission mixte paritaire, nous nous sommes donc accordés sur l’essentiel.

Nous proposons pour les familles d’enfants atteints d’une maladie, d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité de porter le nombre de jours du congé de présence parentale de cinq à douze jours.

Nous proposons également de permettre la réduction de l’activité professionnelle pour les parents grâce à des garanties en plus des dispositions déjà existantes.

Nous avons prévu une protection des salariés demandant un congé de présence parentale.

Nous avons souhaité porter à quatorze jours la durée minimale du congé pour le décès d’un enfant de moins de 25 ans et à douze jours quel que soit son âge. Je veux d’ailleurs ici saluer le travail de mes collègues Élisabeth Doineau et Jocelyne Guidez.

Nous proposons aussi davantage de tolérance pour le recours au télétravail pour les salariés aidants et l’allongement du congé de décès, qui ne concernait que les salariés.

Nous avons voulu réduire les délais d’instruction des demandes d’AJPP, avec la possibilité d’un parcours simplifié aux allocataires de l’AJPP.

Nous avons supprimé, à l’article 3, la condition d’accord explicite du service du contrôle médical lors de l’examen de la demande de renouvellement du congé de présence parentale et de l’allocation journalière de présence parentale.

Enfin, nous avons créé une avance sur l’AJPP.

J’émets aussi, comme Mme la sénatrice Annie Le Houerou, qui n’est pourtant pas de mon bord politique, un regret concernant la protection des salariés en abandon de poste.

J’espère que là où le législateur n’a pas jugé bon de s’aventurer, le monde de l’entreprise, via les négociations salariales et syndicales, saura trouver des terrains d’entente pour faire avancer les règles internes. J’espère aussi, de manière plus générale, qu’il saura communiquer autour des avancées que nous nous apprêtons à voter, afin de sensibiliser et de prévenir les salariés.

Chacun, à son niveau de responsabilité, peut apporter intelligence et bon sens à partir du moment où le législateur permet, comme nous le faisons aujourd’hui, des conditions d’avancées réelles et concrètes par la loi.

Il ne nous sera pas possible d’avoir un discours de politique générale crédible sur la responsabilité des parents si, dans le même temps, l’État n’accorde pas aux familles qui rencontrent des drames un minimum de reconnaissance et d’accompagnement. Je suis satisfaite que l’un de nos derniers textes législatifs porte sur la protection de l’enfance, sur la protection des familles, sur la reconnaissance de leurs devoirs et sur un accroissement de leurs droits dans des moments d’extrêmes difficultés.

C’est au nom du courage silencieux des familles que le groupe Union Centriste votera pour les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – Mme la rapporteure applaudit également.)

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Je remercie l’ensemble de mes collègues de l’aboutissement de ce texte, qui était très attendu par les familles.

Monsieur le ministre, nous espérons tous, cela a été rappelé par nombre d’orateurs, une loi plus englobante qui permette de sécuriser les familles. Celles que nous avons auditionnées craignaient que l’adoption de cette loi soit ralentie, faute d’un vote conforme. Cela n’a pas été le cas. Au contraire, nous avons voté un texte enrichi, au bénéfice des proches aidants. Aujourd’hui, la balle est dans votre camp puisqu’il vous revient à présent de publier les décrets d’application.

Je termine en saluant à mon tour la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche. Cela a été un vrai plaisir, madame la présidente, de travailler avec vous. Vous avez marqué de votre empreinte aussi bien la commission des affaires sociales que le Sénat. Je salue votre grande humanité. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité
 

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 13 juillet 2023 :

À dix heures trente, quatorze heures trente et le soir :

Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la résolution A.1152 (32) relative aux amendements à la convention du 6 mars 1948 portant création de l’Organisation maritime internationale (texte de la commission n° 844, 2022-2023) ;

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du premier amendement à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière et du protocole à la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière relatif à l’évaluation stratégique environnementale (texte de la commission n° 842, 2022-2023) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission n° 865, 2022-2023) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols (texte de la commission n° 859, 2022-2023) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 (texte de la commission n° 856, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER